Dans la mÍme collection
Laissez tomber la fille.
Les souris ont la peau tendre.
Mes hommages ‡ la donzelle.
Du plomb dans les tripes.
Des dragÈes sans baptÍme.
Des clientes pour la morgue.
Descendez-le ‡ la prochaine.
Passez-moi la Joconde.
SÈrÈnade pour une souris
dÈfunte.
Rue des MacchabÈes.
Bas les pattes!
Deuil express.
Jíai bien líhonneur de vous buter.
Cíest mort et Áa ne sait pas!
Messieurs les hommes.
Du mouron ‡ se faire.
Le fil ‡ couper le beurre.
Fais gaffe ‡ tes os.
A tue... et ‡ toi.
«a tourne au vinaigre.
Les doigts dans k nez.
Au suivant de ces messieurs.
Des gueules díenterrement.
Les anges se font plumer.
La tombola des voyous.
Jíai peur des mouches.
Le secret de Polichinelle.
Du poulet au menu.
Tu vas trinquer, San-A ntonio.
En long, en large et en travers.
La vÈritÈ en salade.
Prenez.en de la graine.
On tíenverra du monde.
San-A ntonio me: le paquet.
Entre la vie et la morgue.
Tout le plaisir est pour moi.
Du sirop pour les guÍpes.
Du brut pour les brutes.
Jísuis comme Áa.
San-A ntonio renvoie la balle.
Berceuse pour BÈrurier.
Ne mangez pas- la consigne.
La fin des haricots.
Y a bon, San-A ntonio.
De~ A ªjusquí‡ Źª.
San-Anionio chez les Mac.
Fleur de nave vinaigrette.
MÈnage tes mÈninges.
Le loup habillÈ en grand-mËre.
San-A ntonio chez les ´ gones ª.
San-A ntonio polka.
En peignant la girafe.
Le coup du pËre FranÁois.
Le gala des emplumÈs.
Votez BÈrurier.
BÈrurier au sÈrail.
La rate au court-bouillon.
Vas-y BÈru!
Tango chinetoque.
Salut, mon pope!
Mange et tais-toi.
Faut Ítre logique.
Y a de líaction!
BÈru contre San-A n:onio.
Líarchipel des Malotrus.
ZÈro pour la question.
Bravo, docteur BÈru.
Viva Bertaga.
Un ÈlÈphant, Áa trompe.
Faut-il vous líenvelopper?
En avant la moujik.
Ma langue au Chah.
«a mange pas de pain.
Níen jetez plus!
Moi, vous me connaissez?
Emballage cadeau.
Appelez-moi, chÈrie.
Tes beau, fusais!
«a ne síinvente pas.
Jíai essayÈ on peu:!
Un os dans la noce.
Les prÈdictions de NostrabÈrus.
Mets ton doigt o˘ jíai mon doigt,
Si, signore.
Maman, les petits bateaux.
La vie privÈe de Walter Kiozeit.
Dis bonjour ‡ la dame.
Certaines líaiment chauve.
Concerto pour porte-jarretelles.
Sucette boulevard.
Remets ton slip, gondolier.
ChÈrie, passe-moi tes microbes!
Une banane dans líoreille.
Hue, dada!
Vol au-dessus díun lit de cocu.
Si ma tante en avait.
Fais-moi des choses.
Viens avec iíon cierge.
Mon culte sur la commode.
Tire-míen deux, cíest pour offrir.
A prendre ou ‡ lÈcher.
Baise-bail ‡ La Baule.
Meurs pas, on a du monde.
Tarte ‡ la crËme story.
On liquide e: on síen va,
Champagne pour tout le inonde!
RÈglez-lui son compte!
La pute enchantÈe.
Bouge ton pied que je voie la mer.
LíannÈe de la moule.
Du bois dont on fait les pipes.
Va donc míattendre chez Plumeau.
Morpions Circus.
Remouille-moi la compresse.
Si maman me voyais!
Des gonzesses comme síil en pleuvait.
Les deux oreilles et la queue.
Pleins feux sur le tutu.
Laissez pousser les asperges.
Poison díAvril, ou la vie sexuelle de LIII Pute.
Bacchanale chez la mËre Taizi.
DÈgustez, gourmandes!
Plein les moustaches.
AprËs vous síil en reste, Monsieur le PrÈsident.
Chauds, les lapins!
Alice au pays des merguez.
Fais pas dans le porno...
La fÍte des paires.
Le casse de líoncle Tom.
Bons baisers o˘ tu sais.
Le trouillomËtre ‡ zÈro.
Circulez! Y a rien ‡ voir.
Galantine de volaille pour dames frivoles.
Les morues se dessalent. «a baigne dans le bÈton. Baisse la pression, tu me les gonfies!
Renifle, cíest de la vraie.
Le cri du morpion.
Papa, achËte-moi une pute.
Ma cavale au Canada,
Valsez, pouffiasses.
Tarte aux poils sur commande.
Cocottes-minute.
Princesse Patte-en-líair.
Au bal des rombiËres.
Buffalo Bide.
Bosphore et fais reluire.
Les cochons sont l‚chÈs.
Le hareng perd ses plumes.
TÍtes et sacs de noeuds.
Le silence des homards.
Y en avait dans les p‚tes.
Al Capote.
Faites chauffer la coile.
La Matrone des Skepmges.
Hors sÈrie:
L ëHistoire de France.
Le standinge.
BÈru et ces dames.
Les vacances de BÈrurier.
BÈru-BÈru.
La sexualitÈ.
Les Con.
Les mots en Èpingle de FranÁoise Dard.
Si ´ Queue-dí‚ne ª míÈtait contÈ.
Les confessions de líAnge noir.
Y a-t-il un FranÁais dans la salle?
Les clÈs du pouvoir sont dans la boite ‡ gants.
Les aventures galantes de BÈrurier.
Faut-il tuer les petits garÁons qui ont les mains sur les hanches?
La vieille qui marchait dans la mer.
San -A nioniaiseri es.
Le mari de LÈon.
Les soupers du prince
OEuvres complËtes:
Vingt-trois tomes parus.
FOIRIDON
A MORBAC CITY
ou
LE COW-BOY
SUISSE
ROMAN DE CLASSE INTERNATIONALE
La loi du 11 mars 1957 níautorisant aux termes des alinÈas 2 et 3 de líarticle 41, díune part, que les copies ou reproductions strictement rÈservÈes ‡líusage privÈ du copiste et non destinÈes ‡ une utilisation collective, et, díautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but díexemple et díillustration, toute reprÈsentation ou reproduction intÈgrale ou partielle, faite sans le consentement de líauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinÈa 1~ de líarticle 40).
Cette reprÈsentation ou reproduction par quelque procÈdÈ que ce soit, constituerait donc une contrefaÁon sanctionnÈe par les articles 425 et suivants du Code pÈnal.
© 1993 …ditions Fleuve Noir.
ISBN 2-265-04924-7
ISSN : 0768-1658
A tous mes amis suisses qui ne sont pas cow-boys.
A tous mes amis cow-boys qui ne
sont pas suisses.
Avec ma jubilation bien crÈmeuse.
SAN-ANTONIO
1
CHAPITRE CONTREP…TEUR
QUI MET LE PEU AUX FOUDRES
Líhomme Ètait vÍtu díune redingote noire sur le dos de laquelle on avait cousu des caractËres blancs qui disaient Śauvegarde de la langue franÁaise ª. Un chapeau claque complÈtait son accoutrement.
A son cÙtÈ marchait un individu sans importance, habillÈ díun jean et díun pull-over jaune et qui portait un seau de peinture ‡ chaque main (noire ‡
gauche, blanche ‡ droite).
LíÈtrange couple se dÈplaÁait, le nez au vent. Le personnage ‡ la redingote Ètait grand, maigre et soucieux, son compagnon petit, roux, avec un oeil sartrien et paraissait accablÈ díun grand inconfort cÈrÈbral.
Soudain, sur dÈcision du grand maigre, ils stoppËrent devant un mur aveugle sur lequel un tagger bien informÈ avait Ècrit ´ Les cons sont parmis nous ª. Cet homme de vÈritÈ souffrait de lacunes orthographiques puisquíil avait Ècrit ´ parmi ª avec un ś ª.
Líhomme ‡ la redingote parla ‡ son assistant, lequel lui prÈsenta le seau de peinture blanche
12 FOIRJDON ¿ MORBAC CITY
et le correcteur de graffitis anÈantit le ś ªinopportun.
Cíest pendant quíil rectifiait la faute intempestive que nous le reconn˚mes.
-
Monsieur FÈlisque! Ègosilla BÈru. Et cíÈtait bien notre vieil ami FÈlix, le professeur, en effet. Líhomme qui possÈdait la queue du siËcle; un membre de pachyderme, long de cinquante centimËtres et au diamËtre infernal. Lí‚ge de la retraite anticipÈe venu, le digne homme avait tentÈ
de rentabiliser cette anomalie de la nature en líexposant dans une baraque foraine, mais, nonobstant notre Èpoque dÈpravÈe, la police avait mis le hol‡ ‡ ce quíelle considÈrait comme une atteinte aux bonnes moeurs et jíavais eu quelque mal ‡ tirer líancien prof de ce mauvais pas.
Nous sortÓmes de ma voiture en stationnement illÈgal devant la porte díun suspect et hÈl‚mes le surmembrÈ.
Il
exÈcuta une volte, nous reconnut, et un sourire de casse-noisettes, dÈchira sa face ascÈtique.
-
Je le savais! dÈclara-t-il en tirant loin de sa manche une main de squelette gantÈe pour nous la prÈsenter.
-
Tu savais quoi-ce, pion? interroge le Gros.
-
Que nous allions nous rencontrer : mon O second míen avait averti.
-
Ton quoi donc?
-
Mon O second. Il míapporte plein de flashes; je le travaille beaucoup et jíentrevois le
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 13
moment o˘ un pan de mon obscuritÈ cÈrÈbrale síÈcroulera.
- Tíaurais pas le cervelet qui dÈcapote, mec? síinquiËte le Mastard.
Nous dÈcidons de marquer líÈvÈnement de notre rencontre, non pas díune pierre blanche, mais díune bouteille de blanc, aussi nous rabattons-nous sur le Bar des ProphËtes, situÈ ‡ une traversÈe de rue.
Curieux cortËge que nous formons l‡. Avec sa redingote díhomme-sandwich, FÈlix ressemble aux charlatans de jadis qui parcouraient les foires, arrachant des dents, vendant des Èlixirs de longue vie (Longwy), des rÈvulsifs contre les refroidissements, des sirops salutaires en cas de rËgles douloureuses et des almanachs pleins de gaudrioles et de prophÈties.
Son ássistant ª ‡tronche díahuri níest pas mal non plus dans son genre, avec ses seaux de peinture, sa chevelure flamboyante et son expression candide.
Un bref conciliabule avec le tenancier du bistrot amËne sur notre table une bouteille díun alsace Èvasif, qui a la couleur de líalsace, le go˚t de líalsace et qui est bel et bien de líalsace.
Nous entretenons des relations Èpisodiques avec le prof. Cíest un de ces personnages Ètranges et pittoresques qui est attachant et quíon est ravi de retrouver, mais qui ne síattarde jamais bien longtemps dans votre vie. Il appartient ‡ la race de ceux que je nomme (ayant lu Kipling, entre autres)
´ les chats qui síen vont tout seuls ª. Venu ‡ toi, il se frotte ‡tes jambes, ronronne, lape le lait que tu lui proposes, síendort devant ta cheminÈe, et puis
14 FOJRIDON ¿ MORBAC CITY
il
disparaÓt silencieusement pour ne se remontrer que beaucoup plus tard. Mais tu líaimes ainsi, sachant bien quíil ne sera jamais autrement et que sa prÈsence constitue un bien prÈcieux dont il se montre chiche.
-
Qui cíest, ce mecton qui tíaccompagne? interroge Alexandre-BenoÓt.
M.
FÈlix a un sourire de mouton frileux.
-
Ma derniËre trouvaille, rÈvËle-t-il : le marquis de LagrandeBourrÈe; un Ítre exquis, aboutissement díune lignÈe extÈnuÈe par des mariages trop consanguins; il est ‡ la lisiËre de la normalitÈ, comme vous líaurez dÈj‡ constatÈ, et díune fidÈlitÈ exemplaire qui míÈmeut.
-
Dis-moi pas quítu lífourres! síexclame le Gros; toi, changer díorientation, ‡ ton ‚ge!
-
Comment sodomiserais-je qui que ce soit avec le phallus dont je suis dotÈ! pouffe FÈlix. Jíai dÈj‡ tant de mal ‡ dÈcouvrir chez les femelles chaussure ‡ mon pied!
-
Ah! bon, se calme líEnflure; et ‡ part Áa?
-
A part Áa, la vie va líamble, mon bon. Jíai trouvÈ une aimable et passionnante sinÈcure avec cet emploi de correcteur de graffitis; ce níest pas le pactole, mais cette t‚che ajoute un peu de beurre dans les Èpinards de ma pension.
Me jugeant plus apte que mon poussah ‡comprendre líutilitÈ de sa mission, il síexplique
-
RÈcemment, lors díun symposium consacrÈ ‡ la dÈfense de la langue franÁaise, jíai fait valoir au ministre de la Francophonie, líimportance du graffiti qui interpelle tout un chacun et que tout le monde lit obligatoirement. Je prÈ-FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY 15
tends quíil est plus f‚cheux de lire une faute díorthographe ou de franÁais Ècrite au goudron sur un mur quí‡ líencre díimprimerie sur une page du Monde. Le graffiti oblitËre líesprit et ses Èventuelles scories síy fixent comme la mousse sur une souche. Les corriger est ‡ mon avis une mesure díurgence. Le ministre en est convenu et mía donnÈ carte blanche pour tenter díenrayer le flÈau, ce ‡ quoi je míapplique ‡longueur de journÈe.
´ Pour líheure, je me charge de Paris et de sa pÈriphÈrie, mais je crÈe des sections en province. Lyon, Grenoble, Bordeaux, Toulouse, Angers et Bourges, villes sensibles ‡ la culture, me suivent dÈj‡ dans cette croisade. Par contre, Marseille ne mía pas rÈpondu; il est vrai que l‡-bas, soixante pour cent des inscriptions murales sont rÈdigÈes en arabe! ª
Il
dÈguste son Riesling díÈpicerie et me dÈclare
-
Les gazettes míont appris votre promotion Èblouissante, San-Antonio. Jíeusse d˚ vous Ècrire mon compliment, bon ami, mais je dÈteste toutes les formes de flagornerie. FÈliciter un homme pour son ascension sociale, ses distinctions, mariages, procrÈations et autres turlurades fait raidir mes doigts sur mon porte-plume.
Díune mimique je lui accorde mon absolution.
Il
boit un second verre, ce qui incite BÈru ‡commander un nouveau flacon du mÍme sousproduit.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
jour, Antoine, car vous avez en face de vous un homme en pleine expectative.
Il
fouille sa redingote et extrait un papier format commercial amÈricain, pliÈ en quatre, quíil me tend avec deux doigts badins.
-
Naturellement, vous lisez líanglais? me demande líEminent.
Jíopine.
Et lis.
Papier ‡ en-tÍte de
SMITH, SMITH, LARSON AND AGAIN SMITH
10999 AT w 18
SUNSET BOULEVARD
LOS ANGELES
La babille est adressÈe ‡ Mister FÈlix Legorgeon, 119 rue du Chemin-Vert, PARIS.
Elle est brËve.
Je la traduis.
Monsieur,
Une demoiselle Martine Fouzitout, de nationalitÈ franÁaise mais habitant Venice, Californie, vient de dÈcÈder ‚ lí‚ge de 44 ans. Auparavant, elle avait laissÈ en notre Ètude un testament vous instituant son lÈgataire universel. En consÈquence, nous vous serions reconnaissants de prendre contact avec nous dans les meilleurs dÈlais afin que nous puissions procÈder au rËglement de cette succession.
Veuillez agrÈer..., etc.
Je rends sa bafouille notariale ‡ FÈlix.
-
TrËs intÈressant, le complimentÈ-je. La
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
tradition veut quíon hÈrite díun oncle díAmÈrique, en líoccurrence, il semblerait que ce soit plutÙt díune cousine?
-
Erreur, dÈclare le prof; je ne suis pas apparentÈ ‡ cette femme.
-
Mais vous líavez tout de mÍme connue?
-
Au reÁu de la lettre, je ne voyais pas de qui il Ètait question.
Cíest en explorant ma mÈmoire que jíai fini par trouver Martine Fouzitout est une de mes anciennes Ètudiantes de la facultÈ de sociologie.
-
Faut croire quítes cours Ètaient bons, rigole líInf‚me. Dis-nous tout, brigand; tu lías chibrÈe?
Je míattends ‡ des protestations de notre ami, mais au lieu de dÈnÈguer, il acquiesce
-
En effet, bien que ce ne soit pas dans mes habitudes.
-
Raconte, FÈlisque, enjoint le Gros; dípuis lítemps, y a circonscription, question sícret!
-
A vrai dire, on peut considÈrer quíelle mía pratiquement violÈ, dÈclare M. FÈlix.
-
Oh! hÈ, dis, tu bÈdoles dans les bÈgonias, mon vieux Tournesol! Une jeune fille te violer! Tías vu Áa dans un film ´ X ª!
-
Cíest cependant la vÈritÈ! Les choses se sont passÈes fin juin. Il rÈgnait une intense canicule sur Paris et je portais exceptionnellement un pantalon blanc trËs lÈger au point, quí‡ mon insu, il Ètait transparent!
-
Compris! pouffe le Mastard. La miss a vu ton calibre et Áa lía ÈmoustillÈe?
-
On peut rÈsumer les choses ainsi,
18
FOIRIDON ¿ MORBAC drY
convient le prof. Cette excellente Ètudiante, passionnÈe par la matiËre quíelle avait choisie, se tenait toujours au premier rang de líamphi, contrairement ‡ ses condisciples qui avaient tendance ‡ se mettre dans le fond pour dÈconner plus ‡ líaise. Ainsi a-t-elle eu la rÈvÈlation du sexe anormal dont la nature mía affublÈ. Elle en a ÈtÈ bouleversÈe, mía-t-elle avouÈ par la suite.
´ Jusque-l‡ fille aux sens calmes, davantage tournÈe vers líÈtude que vers la braguette, elle níavait connu que de brËves et dÈcevantes expÈriences sexuelles. DËs lors, elle níeut de cesse díentrer en relations privÈes avec moi. Un jour que je gagnais mon mÈtro sous líorage, elle stoppa son automobile ‡ ma hauteur, me hÈla et me proposa de me raccompagner. Ne voyant aucun mal ‡ la chose, jíacceptai.
´ Parvenue devant mon modeste domicile, elle me demanda de monter jusque chez moi ìpour parler ì, prÈtendit la madrÈe. Je lui fis valoir que mon logis de cÈlibataire ne míautorisait guËre des rÈceptions impromptues; mais vous connaissez líadage? Ce que femme veut... Trente secondes plus tard, elle franchissait mon seuil et, sÈance tenante, síemparait de mon membre.
´ Je dois ‡ la vÈritÈ de dire que la rÈsistance que je lui opposai manqua díÈnergie et mes protestations de vÈhÈmence. En fort peu de temps, je me retrouvai avec le pantalon sur les chaussures et la queue roide, ce qui contraignit la donzelle ‡ síÈloigner de moi pour pouvoir FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
líemboucher, ou du moins tenter de le faire ìcar le museau du sire Ètait díautre mesure ì.
Íl restait de la pucelle en elle, aussi ne parvint-elle ‡ ses fins quíune dizaine de jours plus tard, aprËs force exercices prÈliminaires dont je vous Èpargnerai les dÈtails mais qui mettaient un comble ‡ líimpatience de mes gÈnitoires. Je compensais son dÈsappointement (et aussi le mien) par mille prÈvenances allant de la prothËse de fortune aux palliatifs classiques, toutes choses qui conduisent ‡ líÈcume du plaisir sans vous en accorder la fÈlicitÈ.
Énfin, ‡ force de louches bricolages, de manigances lubrifiÈes, de courage aussi, cette admirable fille put engouffrer mon infernale bite, si vous voulez bien me pardonner líemploi douteux de ce verbe transitif. Ce fut pour elle, certes un dÈchirement, au sens premier du terme, mais surtout une splendide victoire, ardemment et chËrement acquise.
Élle me dispensa une pÈriode de vrai bonheur, míassurant que, malgrÈ
notre diffÈrence dí‚ge, je resterais ‡ jamais líhomme de sa vie et quíelle ne míoublierait plus. DíaprËs la lettre que voici, je constate quíelle a tenu parole. ª
Est-ce un pleur qui fait briller le regard du bonhomme? Comme pour faire diversion, son ássistant ª se met ‡ imiter (‡ síy mÈprendre) le chant du coq, ce qui fait tressaillir tous les occupants du bistrot, bougnat compris.
Calmement, M. FÈlix tire son oignon de nickel du gousset o˘ il le chauffe.
- Exact, Marquis, il est bel et bien midi, approuve-t-il.
20 FOIRJDON ¿ MORBAC CITY
Et de nous expliquer que son protÈgÈ possËde un don Ètrange qui le fait ćhanter le coq ª dËs six heures et rÈitÈrer ‡ chacun de ses multiples.
-
Ton Marquis, il aurait pas une araignÈe dans lídonjon? suggËre BÈru.
-
Oh! que cela est vite dit! proteste FÈlix. Quelle h‚tive classification, mon pauvre BÈrurier. Comme on met vite au ban de notre misÈrable sociÈtÈ un Ítre frappÈ díanormalitÈ! Tu vois de la folie, l‡ o˘
il níy a que poÈsie. Ce cher et tendre et frÍle garÁon qui prend la voix du coq pour chanter líaurore et les heures belles de la journÈe níest pas un dingue, mais un elfe. A preuve? Quand il pleut, il se tait. Son hymne ‡ la vie doit te mettre líamour au coeur au lieu du mÈpris. Sauriez-vous lui expliquer cela, Antoine?
-
Moins rapidement que vous ne lui apprendriez le grec ancien, cher FÈlix. Mais revenons ‡votre ÈlËve de jadis. Vous avez pris contact avec ces tabellions díoutre-Atlantique?
-
Presque díoutre-Pacifique, plaisante líÈminent bonhomme. Oui, mon cher petit: je me suis fendu díune communication qui mía co˚tÈ la peau des bourses. Jíai d˚ ‚nonner mon anglais ‡ quinze donzelles de bureau avant díobtenir le secrÈtaire díun secrÈtaire qui ne parlait ni le franÁais, ni les langues orientales. Il nía pas compris grand-chose ‡ mes questions et moins encore ‡ mes rÈponses.
-
Tíaurais d˚ apprendí le ricain au lieu du grec ancien, se marre BÈrurier, Áa tíeusse ÈtÈ plus profitable.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 21
-
Il est tout de mÍme ressorti quelque chose de votre coup de turlu?
insistÈ-je.
-
Fort peu. Il semblerait que ma gentille ´ violeuse ª de jadis nía laissÈ quíune masure sans Ètage dans le quartier noir de Venice. Smith, Smith, Larson and again Smith veulent que je me rende l‡-bas pour signer je ne sais quoi, ou que je dÈlËgue un avocat californien.
-
Conclusion?
-
Pas de conclusion, mon petit. Jíexiste chichement en France et níai pas les moyens díaller de líautre cÙtÈ du continent amÈricain pour recueillir une cabane pouilleuse qui, je le pressens, me co˚terait plus cher quíelle ne me rapporterait.
-
Tíes pas curieux, Vieux Noeud, grommelle le roi des cons en faisant signe au taulier de ramener des boissons fermentÈes.
-
Je suis, en effet, plus sage que curieux, admet le prof.
-
FÈlix, soupirÈ-je, vous, hypersensible, vous venez de le prouver en nous parlant du marquis, vous níÍtes pas Èmu en songeant ‡cette fille qui,
‡ douze mille kilomËtres de l‡, vous a lÈguÈ ce quíelle possÈdait aprËs plus de vingt annÈes de silence?
-
Naturellement, balbutie le correcteur de graffitis; mais je suis ligotÈ par ce quasidÈnuement que connaÓt chez nous le corps enseignant. Les gouvernements qui se succËdent en France, níimporte leur coloration politique, sont tous convaincus quíil convient díÍtre presque indigent pour transmettre son savoir, si bien que les pauvres bougres que nous sommes 22 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
sont obligÈs de se faire dÈputÈs ou syndicalistes pour pouvoir amÈliorer notre ordinaire et visiter des pays!
-
Vous voulez bien me confier cette lettre, FÈlix? Je vais tenter díen savoir davantage sur líhÈritage de Miss Fouzitout Martine. Le papier ‡
en-tÍte de ma maison amËnera peut-Ítre vos trois Smith et le Larson (cherchez líintrus) ‡vous fournir de plus amples explications.
2
CHAPITRE
COMPL»TEMENT ENDOG»NE
Il
est rarissime quíun AmÈricain parle le franÁais, cíest pourquoi je suis surpris quand ma secrÈtaire (jíen ai une toute neuve pour remplacer le brigadier VatefËre, parti en retraite) míayant annoncÈ que jíai en ligne líÈtude Smith, Smith, Larson and again Smith, de líOs-en-gelÈe, comme dit BÈru, cíest une voix díhomme maniant admirablement notre langue qui míentreprend:
-
Ici James Smith, monsieur le directeur.
-
Vous Ítes lequel des trois? Le premier, le second ou le quatriËme?
-
Je suis les trois, monsieur le directeur; mon grand-pËre et mon pËre sont dÈcÈdÈs.
-
Je suppose quíil est trop tard pour vous prÈsenter mes condolÈances?
-
Pas du tout; ils se sont tuÈs la semaine derniËre dans le crash du vol pour Chicago.
-
NavrÈ.
-
Pas tant que moi, monsieur le directeur; mon pËre Ètait un sale con, mais jíadorais mon grand-pËre qui avait fondÈ la boÓte.
La voix dÈgage une Ènergie peu commune,
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
sont obligÈs de se faire dÈputÈs ou syndicalistes pour pouvoir amÈliorer notre ordinaire et visiter des pays
-
Vous voulez bien me confier cette lettre, FÈlix? Je vais tenter díen savoir davantage sur líhÈritage de Miss Fouzitout Martine. Le papier ‡
en-tÍte de ma maison amËnera peut-Ítre vos trois Smith et le Larson (cherchez líintrus) ‡vous fournir de plus amples explications.
2
CHAPITRE
COMPL»TEMENT ENDOG»NE
Il
est rarissime quíun AmÈricain parle le franÁais, cíest pourquoi je suis surpris quand ma secrÈtaire (jíen ai une toute neuve pour remplacer le brigadier VatefËre, parti en retraite) míayant annoncÈ que jíai en ligne líÈtude Smith, Smith, Larson and again Smith, de líOs-en-gelÈe, comme dit BÈru, cíest une voix díhomme maniant admirablement notre langue qui míentreprend
-
Ici James Smith, monsieur le directeur.
-
Vous Ítes lequel des trois? Le premier, le second ou le quatriËme?
-
Je suis les trois, monsieur le directeur; mon grand-pËre et mon pËre sont dÈcÈdÈs.
-
Je suppose quíil est trop tard pour vous prÈsenter mes condolÈances?
-
Pas du tout; ils se sont tuÈs la semaine derniËre dans le crash du vol pour Chicago.
-
NavrÈ.
-
Pas tant que moi, monsieur le directeur; mon pËre Ètait un sale con, mais jíadorais mon grand-pËre qui avait fondÈ la boÓte.
La voix dÈgage une Ènergie peu commune,
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
míest avis que líÈtude connaÓtra encore de longues annÈes de prospÈritÈ
avec, ‡ sa tÍte, un driver de ce tonus.
LíhÈritier des Smith et Smith reprend:
-
Si je vous tÈlÈphone cíest, vous le pensez bien, parce que jíai reÁu votre lettre ‡ propos de líhÈritage de votre ami. Je connais díautant mieux líaffaire que cíest moi qui ai enregistrÈ le testament de Mile Martine Fouzitout.
-
Il y a longtemps?
-
Trois mois.
-
Elle avait quarante-quatre ans?
-
Exact.
-
Níest-ce pas jeune pour Ètablir un testament?
-
Cela ne veut rien dire. Jíai connu des testataires de vingt-cinq ans.
-
Ils ne sont pas dÈcÈdÈs trois mois plus tard?
-
Non, cíest exact.
-
Quel effet vous a produit cette femme?
-
PlutÙt bon. Peut-Ítre buvait-elle un peu car jíai cru dÈceler certains des stigmates de líalcool sous son maquillage; mais elle Ètait restÈe assez jolie fille, avec des formes convenables, et des vÍtements plutÙt chics, comme on dit ‡ Paris.
-
Vous a-t-elle laissÈ entendre quíelle courait un quelconque danger?
-
Absolument pas.
-
Vous ne líavez vue quíune seule fois?
-
Le simple dÈpÙt díun testament níentraÓne pas des relations suivies avec son notaire, monsieur le directeur.
FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY 25
-
Bien s˚r. Et que lÈgue-t-elle ‡ FÈlix Legorgeon?
-
La totalitÈ de ses biens.
-
Qui se composent?
-
Díune modeste maisonnette dans le quartier minable de Venice.
-
«a vaut quoi, ‡ vue de nez, ce domaine?
Rire joyeux de mon terlocuteur.
-
«a vaut la poignÈe de dollars quíun coloured voudra bien donner.
Cela dit, peu est mieux que rien, comme disait mon cher grand-pËre, et líhÈritier devrait venir rÈgler cette situation. Je pourrais le mettre en rapport avec un ami ‡ moi qui fait dans líimmobilier. Ce quíil tirerait de son hÈritage lui paieraIt de toute faÁon son voyage. Síil ne connaÓt pas la Californie, ce serait une bonne occasion.
-
Cíest quíil síagit díun bonhomme assez particulier, monsieur Smith, ce que les braves gens de France appellent ún original ª; je vais faire pression sur lui pour essayer de vous líenvoyer. Ah! dites-moi, disposez-vous de quelques coordonnÈes concernant les attaches en France de votre cliente?
-
Díaucune. LíopÈration quíelle a effectuÈe chez nous níexige pas de curriculum.
On se quitte en se gratulant le con, comme deux correspondants persuadÈs mutuellement quíils sont sympathiques.
Ma pomme rÍvasse un instant devant un dossier ouvert relatif ‡ une histoire de drogue dans le quinziËme, dont je subodore les ramitÔcations. NíaprËs quoi, je sonne ma secrÈtaire:
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-
Rappliquez avec votre bloc, Lise, je vous prie.
Cíest une fille trËs bien, du genre sÈrieux. Brune, coiffure gÈomÈtrique de líÈpoque Arts dÈco, regard indÈfinissable: couleur noisette ‡reflets verts, trËs chouette. Les seins aussi dodus que ceux díune planche ‡ repasser; par contre un fessier ferme et parfaitement rond que moule Ètroitement son jean noir.
Elle porte un chemisier rouge, ‡ col noir, un tour de cou ancien en or. Le chemisier, dÈboutonnÈ jusquí‡ líestomac, laisse constater la navrance díune poitrine encore en devenir. Et pourtant, malgrÈ sa pÈnurie de glandes mammaires, il y a un je-ne-sais-quoi qui míexcite dans ce paysage dÈsolÈ.
Je suis un cÈrÈbral, avec des fantasmes ‡ ne plus savoir o˘ les fourrer!
Huit jours quíelle est en poste dans le burlingue contigu, et dÈj‡
prÈcieuse. BientÙt indispensable. Le genre de gonzesse qui arrondit le quotidien díun homme occupÈ, líassiste, mine de rien, et devient vaguement pour lui une espËce de petite maman extÈrieure.
Lise est la fille de feu le commissaire LÈchot qui síest fait zinguer dans un conflit de gÈnÈrations avec de jeunes truands irascibles. Jadis, Messieurs les Hommes butaient avec discernement et, en tout cas, jamais un flic. De nos jours, ils sulfatent ‡ tout va, pour souvent pas grand-chose et parfois pour rien. CruautÈs gratuites, assurent les sociologues. Hitler avait prÈdit la venue díune gÈnÈration de tueurs, ce FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 27
doux visionnaire. Il assurait que le rËgne de la fÈrocitÈ viendrait bientÙt et que le taux de mortalitÈ síaccroÓtrait dans des proportions fantastiques. Je me demande síil avait pas le nez creux, Adoif, mine de rien?
A la mort tragique de son pËre, Lise a larguÈ ses Ètudes de droit pour travailler. Alors on lía prise ‡ la Grande CrËche et cíest le gars MÈzigue qui síen est chargÈ, en tout bien, tout honneur. Jíai une mentalitÈ
biscornue; pour moi, la femme díun ami cíest sacrÈ : faut quíelle y passe.
Mais la fille díun ami mort, je la respecte!
- Jíai un boulot pour vous, ma gentille. Notez une identitÈ : Martine Fouzitout (avec un ź ª). Cette personne a frÈquentÈ la fac de sociologie voici une vingtaine díannÈes en arriËre. Retrouvez-moi ses coordonnÈes de líÈpoque; ils doivent bien avoir son dossier aux archives de cette facultÈ.
Elle trace quelques lignes rapides sur son bloc.
- Je míen occupe tout de suite, monsieur le directeur.
Líenvie me prend de lui dire de laisser quimper le ´ monsieur le directeur ª pour míappeler Antoine, mais, rÈflexion faite, Áa ferait jaser. Mes gars croiraient que je la saute et jíaime trop la vÈritÈ pour laisser se dÈvelopper pareil malentendu.
*
**A midi, je passe ‡ la clinique AndrÈ-Sarda o˘ JÈrÈmie est en rÈÈducation pour son nouveau
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fÈmur (1). Je dÈcouvre Blanche-Neige en training rouge, en train de peser avec sa jambe scrafÈe sur un harnais de cuir qui tracte une gueuse de plomb.
Mon bon Noirpiot síÈvertue, suant et soufflant fort de son nez en forme de gant de boxe.
Il
me rit (on dit bien : il me sourit) et je peux vÈrifier le parfait alignement de ses trente-deux dominos.
-
Tu fais des progrËs! le fÈlicitÈ-je.
-
A chaque jour suffit sa peine, mec. Quíest-ce qui te tracasse?
-
Moi? Rien, tout baigne.
-
Mon cul! Je te connais. Quand tu te trimbales une arriËre-pensÈe persistante, tes pattes-díoie síaccentuent.
-
Merci pour les pattes-díoie!
-
Et alors! A partir de dix-huit ans, tout le monde en prend! Y a pas un ‚ge pour vieillir, on vieillit en naissant. Allez, raconte, Áa te fera du bien!
Je rÈflÈchis, surpris, parce que, trËs vraiment, je ne me sens pas en Ètat de tracassage. Mais ses deux sulfures bombÈs me fouaillent le subconscient.
Force míest díadmettre quíen effet, un ´ tout petit quelque chose me turluqueute ª.
Et alors, doucettement, je me mets ‡ lui parler de líhÈritage ÈchÈant (2) ‡
FÈlisque. Je lui raconte tout, ‡ mon pote, et quand jíai achevÈ ce rÈcit qui níest pas long, jíajoute
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 29
-
Je ne vois pas pourquoi je te narre Áa, cíest tellement sans importance.
Il
síarrÍte de faire geindre sa poulie (soyez poulie, je vous prie!).
Me contemple ‡ nouveau et dÈclare
-
Tu sais bien que Áa níest pas sans importance, Sana! Tíes trop bon flic pour ne pas avoir illico reniflÈ du pas catho. Cíest une odeur que tu connais bien. Je la trouve boiteuse, comme histoire, cette gonzesse qui se jette ‡ la tÍte de son prof, puis qui, au bout díun certain temps, abandonne ses Ètudes, la France, ses parents, pour filer aux U.S.A. sans prÈvenir personne. Elle síinstalle ‡ Los Angeles et bricole assez pour se payer une masure. Vingt ans se passent. Soudain, elle pressent quíelle va crever et dÈcide de laisser sa maisonnette au prof qui lui a si ´ fortement ª rÈvÈlÈ líamour. Car, pour tester ‡ cet ‚ge, il faut envisager sa fin prochaine, tu en es díaccord? Et díailleurs, si elle croyait en ses éspÈrances normales ª de vie, elle ne lÈguerait pas sa maisonnette ‡ un vieux type díau moins vingt-cinq ans son aÓnÈ. Juste?
-
Tout ‡ fait.
-
Conclusion, si cette affaire nous tombait dessus, ‡ Paris, nous chercherions illico ‡ savoir de quoi et comment elle est morte; toujours díaccord?
-
Toujours.
-
Maintenant, une question... Crois-tu que Martine Fouzitout lÈguerait ‡ un FranÁais de France une bicoque sans valeur, situÈe ‡ douze mille bornes de l‡?
-
Si elle ne possËde que cela, pourquoi pas?
30 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
Tester est un acte de foi ou díamour; on ne peut donner plus que líon nía.
-
Dans sa description, ton Smith ne tía-t-il pas dit quíelle Ètait assez ÈlÈgante?
-
Si.
-
Ce qui ne correspond pas ‡ líidÈe de masure!
-
Jíai connu des femmes pauvres qui mettaient toutes leurs piastres dans les chiffons.
-
Tu comptes faire quelque chose, grand?
-
Que veux-tu que je fasse?
Il
se remet ‡ tirer sur sa gueuse de fonte. De la sueur transforme sa frite en statue díÈbËne. Il est superbe, mon Noirpiot!
-
Tu ne te plumes pas trop dans ta clinique, AIl Black?
-
Ma tribu vient me voir tous les jours. Jíai mÍme rÈussi ‡ planter un nouveau locataire ‡RamadÈ qui Ètait en pleine ovulation.
-
Et la France paiera les allocs, soupirÈ-je; tu cherches ‡ prouver quoi avec ta horde de nÈgrillons?
-
Ce que Mathias cherche ‡ prouver avec sa horde de rouquins, riposte mon ami.
-
Líinstinct de reproduction est la plus grande plaie du monde, annoncÈ-je, pÈnÈt1È.
Je le quitte en lui souhaitant ´ bonne continuation ª.
*
**Le printemps est prÈcoce, cette annÈe. Les pelouses de la clinique sont piquetÈes de perceneige. Tandis que je míattarde ‡ admirer ces FOJRIDON ¿ MORBAC CITY
humbles et p‚les fleurettes, une main tremblante se pose sur mon avant-bras. Pinuche!
Grandiose dans un manteau díastrakan (la fourrure est ‡ líintÈrieur), coiffÈ díune toque fabriquÈe avec les ´ tombÈes ª de la pelisse et qui lui donne líair díun vieux boyard ÈpargnÈ par les tribulations rÈvolutionnaires de la sainte Russie.
Son sourire aux dents jaunes me marque de la tendresse.
- Comment se porte Othello? me demande-t-il en dÈsignant le b‚timent gÈomÈtrique.
- Il pÈdale et fait des gosses, rÈsumÈ-je.
Je prends congÈ de Baderne-Baderne pour rendre visite ‡ un immeuble sis dans le quartier de Vaugirard. Celui quíhabitait Martine Fouzitout au temps de sa licence et que Lise, ma secrÈtaire, a retrouvÈ, gr‚ce aux archives de la fac.
Maison de quatre Ètages, de bonne apparence. Architecture des annÈes 30
pierres de taille dans le bas, balcons dans le haut. Porte cochËre plus Èpaisse que celle díun ch‚teau fÈodal.
Je passe le porche et míarrÍte devant la loge de la gardienne pour prendre connaissance du tableau des locataires. Pas de Fouzitout dans le secteur.
- Vous cherchez quelquíun? síinforme une forte dame munie díune choucroute dont le jus dÈgouline ‡ travers les mailles de son filet ‡provisions.
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On en voit de moins en moins (pas des choucroutes, des filets).
La grosse arrivante a un trousseau de clÈs ‡ la main et ouvre dÈj‡ la porte de la loge.
-
Fouzitout, dis-je.
Mon interlocutrice lËve les yeux vers la lanterne de fer forgÈ aux vitres jaunes, pendue au plafond.
-
«a remonte ‡ JÈrusalem! síexclame-t-elle.
-
Vous avez connu Áa?
-
De justesse. La mËre est morte líannÈe o˘ jíai pris mon service ici.
-
Cíest-‡-dire?
La choucrouteuse compte sur ses doigts, ce qui lui complique la t‚che car ils sont insuffisants ‡ assurer le calcul. Abandonnant son boulier ‡
phalanges, elle síexclame
-
Oh! oui, cíÈtait líannÈe o˘ Mitterrand a pris le pouvoir.
Jíaimerais rectifier líimpropriÈtÈ de líexpression qui sous-entend quíun dictateur gouverne notre pays, mais je prÈfËre laisser quimper. On ne donne pas de leÁons de franÁais ‡ quelquíun dont on espËre des renseignements.
-
Quatre-vingt-un? concrÈtisÈ-je.
-
Positivement!
Enfin quelquíun qui use des adverbes!
-
Elle vivait seule?
-
ComplËtement. Veuve! Son mari síÈtait suicidÈ quelques annÈes plus tÙt et sa fille les avait quittÈs pour aller vivre aux Etats-Unis díAmÈrique. La pauvre femme est morte de chagrin; elle ne mangeait pratiquement plus
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cafÈ au lait, matin et soir! Elle ne quittait plus son lit sur la fin et cíest moi qui míoccupais díelle.
´ Je lui conseillais díentrer ‡ líhÙpital, mais elle refusait. Un matin, je líai trouvÈe inanimÈe, jíai prÈvenu le S.A.M.U. et on lía embarquÈe, mais elle est morte le surlendemain. Jíai pas pu aller ‡ son enterrement parce quí‡ líÈpoque jíavais des rËgles si douloureuses que je pouvais pas sortir.
ParaÓt quíil y a eu personne ‡ ses funÈrailles; juste les gars des pompes et le curÈ. ª
-
Líessentiel, en somme? conclus-je.
-
Pratiquement!
-
Pendant les quelques semaines o˘ vous líavez connue, elle vous a parlÈ de sa fille?
-
Jamais! Un jour, il est arrivÈ une lettre de líadministration au nom de Martine Fouzitout. La vieille mía dit de la renvoyer avec la mention ínconnue ª, et elle a ajoutÈ que sa fille níexistait plus depuis presque dix ans. Elle avait une figure si tragique que je níai pas posÈ de questions.
-
Et de son Èpoux, elle vous en a parlÈ?
-
Juste pour me dire quíil Ètait mort parce quíil possÈdait trop díhonneur. Míest avis que leur fille a d˚ faire des conneries ´ l‡-bas ª et quíils líont su.
Triste histoire! Elle míassombrit lí‚me. Ce genre de rÈcit sur la misËre des hommes me plombe le coeur et je me sens en navrance existentielle.
Je remercie la dame ‡ la choucroute.
34 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
-
Vous Ítes quelquíun de la famille? demande-t-elle avant que je míÈvade.
-
Non, je venais juste annoncer le dÈcËs de la fille; mais puisquíil níy a plus personne pour porter le dËuil...
*
**Sur líinstant, elle a refusÈ mon invitation au restaurant, míman, comme quoi elle avait un haricot de mouton tout prÍt; mais je lui ai fait valoir que cíest le genre de plat quíon peut rÈchauffer indÈfiniment sans quíil perde sa succulence.
Elle en est convenue. Jíai ajoutÈ que jíavais envie de fruits de mer et que, chez Marius et Jeannette, ils ont des clams gros comme des Ètuis ‡
cors de chasse. FÈlicie, cíest son vice, le fruit de mer, alors elle a dÈclarÈ forfait et elle est montÈe se changer. A mis sa robe mauve, son amÈthyste montÈe en broche, son manteau gris ‡ col díastrakan. Un soupÁon de fond de teint, une virgule de rouge ‡ lËvres et la voici partante pour la virouze des grands-ducs, míman.
SaboulÈe, franchement, elle paraÓt pas son ‚ge! Un jour jíai mÍme surpris un gazier de pas cinquante balais qui jouait des ch‚sses pour la draguer.
Tíaurais vu son numÈro de charmeur ‡ce noeud volant! Quí‡ la fin, je suis allÈ ‡ sa table, jíai versÈ son verre de bordeaux dans ses coquilles Saint-Jacques ‡ la crËme et lui ai dit de se casser díurgence et que je rÈglerais sa note. Il est parti sans rÈclamer son d˚! Ma vieille Ètait FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 35
toute fiÈrote de me voir comporter ainsi. Un fils jalmince, cíest pas courant. Je sais des lecteurs qui vont parler de penchants incestueux, avec leur esprit tordu; mais je míen torchonne le fion.
Bon, míman descend líescadrin en tenant son beau sac ‡ main sous le bras.
Pimpante, la chÈrie, radieuse.
Elle Èteint tout, partout, biscotte on est Èconomes chez nous autres Dauphinois. Pípa míexpliquait que laisser de la lumiËre dans une piËú vide, cíest comme de pas fermer en plein le robinet díun tonneau. A quoi bon ´
dÈperdre ª le courant Èlectrique? Je tourne trois fois la clÈ dans la serrure (on ne peut pas davantage). Et nous voil‡ ‡ traverser le jardin nu dans líhiver. Juste quelques cardons entortillÈs de sacs ‡ pommes de terre ficelÈs serrÈ pour pas quíils gËlent.
Jíouvre la portiËre de ma 600 SL ‡ FÈloche. Et comme ma brave femme de mËre síinsinue dans la prestigieuse tire, voil‡ quíune Rolis trËs Royce stoppe devant chez nous. Une horde en jaillit : Pinaud, BÈni, FÈlix, le Marquis.
Juste le chauffeur de CÈsar qui demeure ‡ son poste. Moi, Èbahi, je regarde cette dÈversance, pas joyce de líarrivage inopinÈ.
-
Jí croive quíon tombons ‡ pique ! jubile Sa MajestÈ; vous partassiez?
-
Nous sommes invitÈs ‡ dÓner chez des amis, mens-je.
-
On síra pas longs, promet líEnflure,
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lítemps díte siffler deux quilles de beaujolpif et on les met!
- Nous sommes en retard, arguÈ-je.
- Tu filíras un coup dí grelot ‡ tes potes pour tíescuser; on a quÈquíchose díimportant ‡tíannoncecer, grand, rÈtorque líObstinÈ.
Míman qui est líaccueil fait femme est dÈj‡ ‡trottiner ‡ travers le jardinet.
Ils entrent. DÈmocrate foncier, BÈru a invitÈ le chauffeur ‡ se joindre.
Une chose en amenant beaucoup díautres, une heure plus tard, on est tous assis autour de la grande table de cuisine, ‡ claper le haricot de mouton en maniËre díamuse-gueule.
On se sÈpare ‡ minuit trente, heure de Greenwich. Pascal, le chauffeur est bourrÈ ‡mort car on a liquidÈ vingt-deux bouteilles de Fleurie sur les vingt-quatre que mía offertes mon ami Louis Prin, de Ma Bourgogne, le champion de France des vins de comptoir. Dans líintervalle, ćes messieurs ª míont rÈvÈlÈ líobjet de leur visite nocturne : Pinaud, toujours grand seigneur, nous invite tous ‡ Les Angeles pour aller ´ toucher ª líhÈritage de M. FÈlix.
*
**Toi qui me lis fidËlement, tu dois te souvenir que jíai dÈj‡ traitÈ de líOs-en-gelÈe et de sa banlieue Venice dans une oeuvre colossale intitulÈe Al Capote, ouvrage dont le retentissement fut Ènorme car il apporte enfin la solution sur líaffaire Kennedy. Dans ce livre exceptionnel, je te parlais díun ancien dÈtenu nommÈ
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Bolanski, crois-je bien, auquel je rendis une visite mouvementÈe au cours de laquelle BÈru dÈclencha un sombre patacaisse avec la police du cru pour avoir montrÈ sa queue ‡ notre taxiwoman noire. Si tu nías pas pris connaissance díun tel roman, cours le demander ‡ ton libraire et, pour le cas o˘ tu ne le trouverais plus, Ècris de ma part ‡ la librairie Choc Corridor, rue des Trois-Marie, ‡ Lyon, o˘ Jacky, le directeur, se consacre
‡ la permanence de mes zúuvres sur le marchÈ, comme les jÈsuites au culte de Sainte Tignasse de líAÔoli (BÈru dixit).
Bref, de retour dans la capitale du cinÈma par un beau soleil capiteux, jíÈprouve le sentiment de ne líavoir point quittÈe. Le prestigieux mot ´
Hollywood ª síinscrit toujours en immenses caractËres blancs sur le vert de la colline o˘ líon a tournÈ tant de conneries, plus quelques chefs-díoeuvre en noir et white que la tÈlÈ nous repasse parfois sur le coup (unique) díune heure du matin.
Cette fois, nous descendons ‡ líhÙtel Sacramento, lequel se trouve ‡ gauche de la gare routiËre quand tu regardes les cÙtes japonaises depuis le front de mer.
Notre richissime ami nía pas lÈsinÈ. Non seulement il nous a fait voyager en first, mais de plus, il a pris une suite pour chacun de nous, y compris pour le Marquis bas de plaftard, qui continue de ćhanter le coq ª sans tenir compte du dÈcalage horaire. Dans líavion, il a mis les hÙtesses en Èmoi, le pauvre LagrandeBourrÈe car il est rarissime que des passagers díAir France, longs jets, se livrent ‡ de telles fantaisies vocales. Et le voici qui remet le couvert dans líimmense hall du Sacramento, au grand dam des employÈs.
Cette criÈe de gallinacÈ, heureusement, apporte une diversion judicieuse ‡
líexploit intestinal de BÈru. Il faut te prÈciser que notre cher compagnon díÈquipÈe, profitant de son voyage en premiËres, a abusÈ des blinis au caviar arrosÈs de crËme aigre. Il a consommÈ ceux de FÈlix qui a horreur de la chose, ceux du Marquis et en a redemandÈ quatre fois ‡líhÙtesse. Il en rÈsulte un dÈsÈquilibre digestif, rarissime chez ce puissant b‚freur, lequel se traduit sous la forme peu avenante díune diarrhÈe incoercible.
Une cruelle dÈb‚cle le saisit lorsque nous passons la porte tournante de líhÙtel. Le Gradu síÈlance avec tant díimpÈtuositÈ que la lourde pivote en force et dÈcrit deux tours complets avant de rejeter son passager ‡ la rue.
Cela complique la situation critique díAlexandre-BenoÓt lequel, saisi de folie furieuse, se met ‡ hurler:
- Les chiches! Les chiiiiches, bordel, sinon va y avoir des traces de freinage dans mon bÈnoche!
Il rÈussit sa deuxiËme expÈdition, pÈnËtre dans líhÙtel, biche un groom bleu et or par le colback:
- The gogues, mec! The gogues immÈdiatly, que sinon jíincline toutí
responsabilitance!
Mais líautre pomme, tu penses, il est mexicano; le discours de líarrivant, il y entrave ballepeau. L‡-dessus, le Marquis joue Chante-cler, ce qui fait sursauter tout le monde. ExtÈnuÈ des sphincters, le Mammouth se rue dans le salon proche, tombe son bÈnouze et se met ‡chier comme un fou sur une plante tropicale en pot, qui passait par l‡ sans rien demander ‡personne.
Le pilonnage est intense et Èvoque Peari Harbor dans sa phase la plus Èpique. Deux vieillardes occupÈes ‡ vider une thÈiËre cessent de boire leur eau chaude pour tenter de comprendre ce qui se passe. Líune díelles, presque aveugle, mais qui parvient pourtant ‡discerner le sexe bÈrurÈen, demande síil síagit díun ÈlÈphant ÈchappÈ du zoo. BÈrurier continue de tirer ses salves impitoyables.
- Scuse-mi, mes ladies, lance le cher homme aux dames interdites; quand tíest-ce Áa vous prend, ces choses-l‡, faut sísoumettí ou sídÈmettí; díun peu plus tout cíbonheur partait dans mon froc et cítait la cata! Jíeusse d˚
procÈder ‡ uní tolette en rÈgí, ce dont jíapprÈcille pas beaucoup. Slave dit, si jíaurais un conseil ‡ vous donner, císírait díaller faire une virouze su la terrerasse dío˘ vous pouvez jouir díuní vulve imprínabí suí
líOcÈan. Vos tarins poudrÈs auront tout ‡ y gagner.
Ayant enfin terminÈ sa boyasse-partie, il cueille sans vergogne (juste avec la main) les feuilles en forme de palettes de la plante et síen sert de faf
‡ train; il les dispose ensuite sur le rÈsultat de sa ´ mise ‡ jour ª, histoire de dissimuler les traces de son passage, ainsi procÈdent les chats.
ReculottÈ, il síapproche des deux vieillasses ÈpouvantÈes.
- Mes chÈries, leur dit-il, jíen sais díautres quíauraient offusquÈ ‡ votí
place, aussi jívous complimente.
Magiquement, la moins vieille des ancÍtres comprend et parle un peu de franÁais. Oublieuse de la partie excrÈmentielle de líincident, elle níen retient que le principal, ‡ savoir líapparition fugace du membre colossal.
En brave AmÈricaine soucieuse díapaiser ses curiositÈs, elle demande au Gros síil serait possible de revoir la chose une derniËre fois.
Peu formaliste, le chieur-sur-plante-en-pot exhibe son tube lance-torpilles sans se faire prier. Les consommateuses de thÈ poussent des cris díadmiration, assurant quíelles níen ont jamais vu de semblable.
- Si vous líprendrez suí cíton, assure BÈru, je vas vous faire admirer 1í
clou dínotí collection.
De sa voix de stentor, il hËle
- FÈlisque! Tías une minute pour montrer ton chibre ‡ des dames díla bonne sociÈtÈ?
Notre ami prof qui stagnait avec nous devant le vaste comptoir de marbre de ta rÈception, va rejoindre Alexandre-BenoÓt, lequel le prie díextraire de ses braies le boa qui síy love.
En homme parfaitement libre, níimporte le continent o˘ il se produit, FÈlix extirpe le prestigieux mandrin en viande crue. Cris forcenÈs des douairiËres! La presque aveugle tire une loupe de son rÈticule, ce qui ne fait quíaccroÓtre la spectacularitÈ du zob.
L
- My God! My God! dÈclame-t-elle comme du Shakespeare.
- Votí gode, la mËre, vous pouvez líIaisser dans le tiroir dívotí commode quand on vous montre un panais pareil, classÈ monument hystÈrique, et quíla FacultÈ díParis paie une pension ‡ mon pote pour quíy le laissasse ‡ la science aprËs sa mort!
FlattÈ par son succËs, FÈlix dÈclare que ces deux aimables personnes sont attendrissantes et quíil tient ‡ les rÈcompenser. Alors il ordonne au Marquis, qui ne le quitte pas díune semelle, de se dÈpantalonner ‡ son tour.
Une immense clameur fait vibrer les fondations de líhÙtel, voire les fondements de ses clientes. Ce qui apparaÓt alors au milieu des ors et de la pourpre palacieuses, est un dÈfi au genre humain. Tu crois que Dieu síest amusÈ ‡tenter un prototype auquel Il síest empressÈ de renoncer en raison de sa complËte inutilitÈ et de sa -monstruositÈ. Magine-toi quí‡
premiËre vue, le Marquis a TROIS jambes. Tu croirais le tronc multiple díun palÈtuvier. «a se rÈunit tels des tentacules de pieuvre. Cela est effroyable; il síagit díune anomalie insoutenable. Les deux vieilles vivent líinstant culminant de leur longue existence. Ne savent o˘ donner de la prunelle, vont du chibre fÈroce díAlexandre-BenoÓt, ‡líinfirmitÈ du Marquis en síattardant au passage sur le chibraque fabuleux de M. FÈlix. MalgrÈ
tout, cíest ‡ lui que revient la palme, son paf gardant les apparences díune bite.
Chez Lagrande-BourrÈe, il ne síagit plus de gigantisme, mais díaccident de nature. Il fascine
44 FOIRIDON ¬ MORBAC CITY
dre rendez-vous, vous allez installer tous ces messieurs ‡ la RÈsidence de Malibu et je passerai les voir en fin de journÈe!
Telle est sa volontÈ!
3
CHAPITRE ORTHOPHONIQUE
MODULABLE
Il faudrait avoir la puissance Èvocatrice díun Robin-GrillÈ pour parler de
´ laª RÈsidence. Elle síappelle ´ The Residence ª et elle le mÈrite. CampÈe sur la verdoyante colline de Malibu, elle est de style colonial New Orleans, avec huit colonnes de marbre soutenant des chapiteaux corinthiens
‡ couettes et des volÈes de marches, en marbre Ègalement et non en bois vert.
Trouvant líaventure plaisante, je me laisse chaperonner par Angela. Fille Ètonnante, presque cybernÈtique tant elle est tournÈe vers la seule efficacitÈ. Elle doit Ítre plus que prÈcieuse ‡ un homme aussi suroccupÈ
que le big boss de la Gloria Hollywood Pictures. Sa beautÈ ne paraÓt Ítre que ´ de politesse ª. Elle vise ‡ líagrÈment de líoeil afin de rendre sa prÈsence plus agrÈable et non ‡ la sÈduction charnelle. Une ravissante dame robot, pour te faire comprendre. Rapide, aff˚tÈe, vite indispensable pour qui bÈnÈficie de ses prestations.
Nous nous dÈplaÁons ‡ bord de deux immenses Lincoln long ch‚ssis. La fille est
46 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
assise sur le canapÈ faisant face au mien; dans le sens contraire ‡ celui de la marche. Elle míinterroge en cours de route pour commencer ‡Ètablir mon dossier : nos noms, qualitÈs, adresses.
Pour la rubrique emploi, je rÈponds ´ fonctionnaire díEtat ª et cíest bien suffisant comme Áa.
Lorsquíelle en a terminÈ avec ses questions, je lui demande ce que Mister Chesterton-Levy attend de mes scouts.
Elle rÈpond, impassible
- Quíest-ce quíun producteur de films peut attendre de phÈnomËnes?
- Les montrer?
Une brËve mimique, qui peut Ítre díapprobation ou de níimporte quoi, me rÈpond.
Et donc, on arrive. Avant de commencer son interrogation orale, Angela a tÈlÈphonÈ ‡ un certain Bruce pour líinformer de notre arrivÈe et lui ordonner de faire prÈparer cinq chambres et un lunch copieux.
Et puis tu vois, on est ‡ pied díoeuvre chez les parents de Scarlatine au Haras (BÈru a vu Áutant en apporte le vent ª).
The faste! Un majordome en veste noire et pantalon rayÈ nous accueille au pied du perron. Je descends de la premiËre voiture que je partage avec la donzelle et Pinaud. Jíai du mal ‡le rÈveiller car il est terrassÈ par le dÈcalage horaire.
FÈlix et son anormal sont dÈj‡ ‡ quai. Le prof maugrÈe. Explications: BÈru a rÈcidivÈ dans la
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bagnole et, effectivement, cíest un tas de merde qui síextrait, cul nu en avant. Frime du majordome! De mÈmoire de larbin..., etc. Le Mahousse est maintenant sur le fin gravier blanc, tenant son futal ‡ bout de bras. Son chauffeur vient rejoindre le mien pour tout lui raconter. Histoire douloureuse díun gros cÙlon en perdition et díun trou du cul vaincu par líadversitÈ. DÈchÈance díune Lincoln de haut prestige dío˘ líon retire habituellement les poussiËres ‡ la pince ‡ Èpiler!
Le Gros tend sa main libre (mais souillÈe) au pape des esclaves.
- Salut, mon grand! jíai zíeu un ennuille de tuyauterie, mais inquiÈtez-vous pas, avec K 2 R, císíra un vrai bonheur dírÈcupÈrer cíte banquette!
Il confie son futal indescriptible au majordane terrorisÈ par ´ la chose Ètrange venue díailleurs ª, puis va ‡ une vasque (il adore les vasques de Los Angeles dÈcidÈment) díalb‚tre o˘ glougloute un dauphin díor ‡ líoeil abruti et y prend un bain de siËge.
- Cíest pas que jíaime Áa, nous lance-t-il, mais faut bien síenlever le plus gros, non?
Ces ablutions publiques attirent un peuple quíelles sidËrent. Il est curieux de constater ‡quel point tout fait anormal, ou qui tranche avec la monotonie du quotidien, rassemble les badauds. Je te líai s˚rement dit quelque part, mais jíai souvenance díÍtre tombÈ en panne, un jour, ‡ la lisiËre du Sahara, dans un paysage lunaire, sans aucune forme díhabitation.
Cinq
minutes plus tard, une vingtaine díautochtones me cernaient en piaillant!
Des larbins dÈguisÈs en abeilles, des femmes de chambre ÈchappÈes de piËces de boulevard, se massent pour admirer líhomme ‡ la grosse bite en train de se dÈcaper le fion.
-
Síagit-il díun primate ou rÈellement díun homme? me demande Angela.
-
Je le connais depuis plus de vingt ans et níai jamais rÈsolu le problËme, avouÈ-je.
Le personnel (surtout le fÈminin) ne se lasse pas de contempler la chopine du Mastard. Les jeunes filles Ècarquillent du regard et de la moniche devant cet appareil imposant, supputant en apartÈ (voire in petto) si elles seraient aptes ‡ líengouffrer.
Enfin, Angela rompt le sortilËge pour nous convier ‡ pÈnÈtrer dans la demeure. Le majordome veut restituer son futal au Gros, lequel le renie díun geste.
-
Non, mon pote, laisse: jíen aye un autí dans ma valdingue; jí tí
lífais cadeau! Bien briquÈ avíc Ariel-Plus-AmmoniaquÈ, tu pourras 1í mettí
pour aller ‡ la pÍche, en líserrant bien ‡ la taille.
Et voil‡ quíil se tait et adopte la posture ÈlaborÈe du ´ Penseur ª de Rodin.
-
Oh! fan de pute, gÈmit líObËse, caisse y míarrive?
Son visage se transforme ‡ vue díoeil, se crispe, p‚lit et violit simultanÈment, comme une photo polaroÔd dÈcolorÈe au soleil.
-
Eh bien? le pressÈ-je, alarmÈ, redoutant quelque infarctus de mauvaise rencontre.
-
Mon prose! gÈmit Alexandre-BenoÓt.
-
Quoi, ton prose?
-
Y míbr˚le comme si jímíaurais assis dans une bassine de piment en sauce! Cíest dílíacide qui coule dans cíbassin, ou quoice?
Je vais tremper ma main dans la vasque o˘ le dauphin continue de dÈgueuler sempiternellement.
-
De líeau, mon grand, belle et fraÓche!
-
Pas possibí! Jíai líoeil díbronze en feu, grand! Et aussi líentrímiches. IntolÈrabí, Ouille! Oh! Seigneur! Saint Alexandí, Saint BínoÓt, prilliez pour moi! Jíagonise du cul! Faites quÈquíchose, tout límonde! Appílez un docteur, un mÈdecin, un toubib, níimporte!
Et il geint ‡ fendre lí‚me. Il court ‡ la pelouse, síy assoit, traÓne son dargif dans líherbe rase comme font les chiens aprËs leurs besoins. Ses cris se changent en clameurs. Cíest aussi horrible que la salle des sÈvices, au temps de la Sainte Inquisition.
-
Appelez un mÈdecin! dis-je ‡ Angela.
Je vais míagenouiller auprËs du suppliciÈ.
-
Montre un peu ton dargeot, Gros!
Il.
A mon tour díexclamationner. Spectacle tellurique! LíintÈrieur des fesses bÈrurÈennes níest quíune effroyable tumÈfaction pourpre agrÈmentÈe de bubons royaux, Ènormes, dont chacun ressemble au Fuji-Yama enneigÈ, miniaturisÈ.
-
Cíest vilain? demande le malade entre deux plaintes.
-
Pas racontable, fais-je en retenant un
spasme qui allait trahir les croissants du petit dÈje.
La suite est plutÙt confuse. Angela míapporte un pot de pommade et des gants confectionnÈs daiYs un caoutchouc fin comme celui des prÈservatifs.
Je domine mon hyper-rÈpulsion et tartine la raie culiËre du Gros, ce qui accroÓt ses hurlements dÈchirants.
Pinaud donne des conseils qui ajoutent ‡ ma nausÈe. M. FÈlix et son protÈgÈ, jugeant leur prÈsence inutile, sont allÈs prendre pÙssession de leurs appartements.
Une demi-heure plus tard, un mÈdecin coiffÈ queue-de-bourrin, vÍtu de blanc, chemise bleue ‡ pois blancs, grosses bagues ‡ tous les doigts, síapporte, examine, et court gerber derriËre la roseraie voisine. Quand il rÈapparaÓt, il ordonne líhospitalisation urgente de notre malheureux compagnon.
- De quoi souffre-t-il? demandÈ-je ‡líhomme de líart.
LíinterpellÈ hoche la tÍte.
- Ce type a d˚ avoir des relations sexuelles avec un singe, diagnostique-t-il; je pencherais pour un babouin.
- Caisse y dit? demande mon BÈru.
Je lui traduis.
Alors le Gravos arrache un de ses souliers et le propulse dans la frite du docteur.
Ce dernier morfle la tatane de son client en pleine poire.
nain (1) car le pif du doc explose, de mÍme que sa lËvre supÈrieure.
- Dis ‡ cípÈdoque quí jí y bricolírai les portugaises et la m‚chechoire sitÙt quí jíserai en Ètat! dÈclare líhomme dont le derche joue ´ Volga en flammes ª.
On mande un autre docteur pour soigner le mÈdecin; ainsi quíune ambulance pour Èvacuer BÈrurier, et la vie redevient comme un long fleuve tranquille.
La RÈsidence est princiËre (celle díun prince qui aurait du go˚t). A quoi bon te la dÈcrire puisquíon síy trouve díune faÁon trËs provisoire? «a ne servirait quí‡ te faire envie. A lire Áa dans ton F 4 tu bicherais de líurticaire; la jalousie en provoque frÈquemment.
Vaste chambre avec salle de bains en marbre tabac, dressing en palissandre, bar rempli de boutanches rarissimes (il y a mÍme de 1íYquem 67), vibromasseur ‡ quatre vitesses, poupÈe gonflable ‡ peau satinÈe (elle suce, dit des conneries et a ses ragnagnas comme une vraie femme), salle de culture physique attenante, et aussi de projection, avec une filmothËque comportant deux mille cinq cents cassettes, aÈrateur Èmettant, au choix : de la brise de printemps, de líair marin, de la douceur angevine et de la chaleur díao˚t rÈelle.
Depuis les vitrages de ma chambre, je dÈcou 1.
Le lanoer de nain est un sport interdit en France, certains de mes amis (dont je tairai le nom) ayant fait campagne contre, par crainte de servir de projectile.
52 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
vre un paysage qui ferait mouiller plus díun mais qui cependant me laisse tiËde, car je hais les chromos (ils stÈrÈotypent les rÍves des gens, leur insufflant des dÈsirs díÈvasion qui deviennent pacotille, passÈs au filtre de leur sottise). Je distingue de somptueuses propriÈtÈs ÈtagÈes dans une verdure hors de prix, díimmenses piscines aux architectures bizarres et qui font appel ‡ tous les bleus et tous les verts jamais conÁus par la nature ou par líhomme.
Tout en bas : líocÈan, dit Pacifique, avec des voiles, des bateaux ‡
moteur, des vÈliplanchistes, des Daboville, des carcasses bronzÈes, des paquebots au loin, des cerfs-volants au plus prËs, des taches díhuile, des lutins, des butins, des hutins, des mutins, des putains qui grouillent sur le sable blanc. A droite, des palaces, ‡ gauche, des restaurants. Un peu partout, des oriflammes qui claquent au vent (en cas de dÈfaillance díEole, chaque m‚t est ÈquipÈ díune soufflerie).
Je me dÈcide enfin ‡ appeler líultime Smith de líÈtude Smith, Smitb, Larson and again Smith. Il me rÈpond, sachant que je suis moi, síexclame de satisfaction parce que nous sommes ‡ Los Angeles et paraÓt fortement impressionnÈ díapprendre que nous logeons chez Harold J.B. Chesterton-Levy, líempereur díHollywood.
- Je viens tout de suite! annonce-t-il en produisant dÈj‡ un bruit de moteur díauto avec la bouche.
Je míattarde un instant devant la poupÈe
FOœRIDON ¿ MORBAC CJTY 53
guÈridon posÈ prËs díelle, se trouve une sorte de tableau constellÈ díune sÈrie de touches dont chacune comporte une indication. Sur la premiËre, y a Ècrit ´ voice ª (voix). Je líenfonce. Le mannequin se met alors ‡ jacter.
Voix de Marilyn (cíest díailleurs le nom de la poupÈe). Tíai-je informÈ
quíelle portait des bas, un porte-jarretelles, une culotte noire fendue et un bolÈro díhermine? Sa chevelure est díun blond pÈtasse trËs platinÈ.
Elle dit
- Bonjour, beau gosse. Je míappelle Marilyn et tu me fais mouiller de dÈsir. Si tu veux que je te commence par une pipe, enclenche la touche numÈro deux. Si tu veux me bouffer la chatte, use de la touche numÈro trois. Pour baiser, il faut me porter sur le lit et revenir enclencher la numÈro quatre. En ce qui concerne líÈtreinte anale, enduis ton sexe de vaseline (le pot est prËs des commandes) car je suis neuve et mon anus est encore en rodage. Pour díautres fantaisies, reporte-toi ‡ la notice qui se trouve sous mon bas de la jambe droite. TerminÈ.
Níayant pas la perversitÈ robotique, je dÈlaisse cette compagne des temps futurs et vais me servir un verre de Ch‚teau-Yquem.
Tandis que je le dÈguste, regard clos, comme il sied, et les genoux parfaitement parallËles au bord de mon siËge, líÈcran de tÈlÈvision síallume et surgit du nÈant un gros plan díAngela.
- Tout est O.K., monsieur San-Antonio? demande la collaboratrice du produc.
54 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
«a baigne, my dear.
-
Il y a-t-il quelque chose ou quelquíun que vous souhaiteriez?
Tu connais ton pote Sana?
-
Vous, rÈponds-je, mais je me doute que cíest impossible, alors je rÍve.
Elle a un sourire mÈtallique (alors que la poupÈe en possËde un plus humain) et líÈcran redevient un rectangle con de verre inerte et troublasse.
Jíai dÈj‡ ÈclusÈ la moitiÈ de la fabuleuse bouteille (je prÈfËre appeler la chose un flacon, le mot me semblant plus aristocratique) lorsquíon míannonce líarrivÈe de Mister Smith.
Je vais líaccueillir sur le pas de ma porte. Cíest un grand garÁon díune trentaine díannÈes, aux cheveux ondulÈs, de couleur dÈj‡ grise, vÍtu díun costard prince-de-galles et díune chemise bleue, ce qui est díun classicisme propice ‡ sa profession. Visage allongÈ, basanÈ et rieur, regard clair, direct.
Jeu du serrement de paume.
Il
sent bon líeau de toilette virile. Tout comme moi, il porte une Pasha Cartier au poignet, ÈquipÈe díun bracelet bleu intense.
-
Ainsi, vous avez dÈcidÈ Mister Legorgeon ‡ venir jusquíici?
-
Affirmatif! connÈ-je, pour dire de. Je vais lui demander de nous rejoindre; mais auparavant jíaimerais discuter un peu avec vous.
-
Facile.
-
Vous savez de quoi est dÈcÈdÈe la fille Fouzitout Martine?
-
Pas la moindre idÈe.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 55
-
Qui vous a informÈ de sa mort?
Il
sourit trËs nacrÈ:
-
Elle, monsieur le directeur.
-
Pas banal. De quelle maniËre? Un guÈridon tournant?
Il
puise dans une mince serviette ‡ manettes un fourre contenant un seul feuillet et me le prÈsente. Cíest une lettre non datÈe adressÈe
‡líÈtude Smith, Smith, Larson and again Smith. Je la lis Messieurs,
Quand la prÈsente vous parviendra, je serai morte et incinÈrÈe; vous voudrez bien, dËs lors, procÈder aux formalitÈs testamentaires inhÈrentes ‡
mon dÈcËs et prÈvenir au plus vite M. le professeur FÈlix Legorgeon, mon hÈritier, en líinvitant ‡ faire jouer ses droits. La personne chargÈe de vous faire tenir cette lettre y joindra la photocopie de mon permis díinhumer certifiÈ par les autoritÈs locales.
Veuillez agrÈer líexpression de mes salutations empressÈes et dÈfinitives.
Martine Fouzitout.
Au verso de la bafouille, se trouve la reproduction díun certificat de dÈcËs signÈ díun docteur Douglas Ferbian, de Venice. Le document comporte une apostille de la police.
-
Vous pouvez le conserver, assure joyeusement Smith, il síagit díune reproduction.
-
Qui vous lía fait tenir?
-
Le prÍtre díune paroisse catholique de
56 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Los Angeles; le pËre Machicoule. Voici son adresse.
H arrache un feuillet collÈ ‡ líintÈrieur de sa serviette.
-
Merci de votre efficacitÈ, Smith. Larson va bien?
Il
sourcille.
-
De quel Larson parlez-vous?
-
Eh bien, de votre dernier partenaire, celui qui figure sur le papier de votre maison.
Il
rit de plus rechef. Oh! lui, il nía jamais existÈ. Grand-pËre avait intercalÈ ce patronyme dans la raison sociale, histoire de couper un peu cette foutue litanie des Smith.
Ils sont farceurs dans leur famille!
Je mande M. FÈlix et il se pointe, muni de ses piËces díidentitÈ.
PrÈsentations, gratulations. Un chant de coq retentit dans la vaste demeure.
-
Tiens! DÈj‡ midi, note le professeur.
-
Je me suis muni des clÈs de votre maison, dÈclare le notaire, dÈsirez-vous que nous nous y rendions tout de suite?
-
Volontiers, accepte FÈlix.
Il
va ramasser son monstre et nous partons ‡bord de la Mercedes (dernier chic en AmÈrique) de Smith.
-
Appelez-moi James! nous dit-il. Ainsi vous Ítes liÈ avec le grand Harold J. B. Chesterton-Levy?
-
Intimement, mens-je.
-
Vous savez que cíest le number one díHollywood?
-
Je sais.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 57
-
Le gouverneur lui mange dans la main et les flics balaient de leur langue le trottoir quíil emprunte.
-
Cela va de soi.
-
Quand il a envie de baiser, il fait tÈlÈphoner ‡ níimporte quelle vedette et elle enlËve dÈj‡ sa culotte en grimpant líescalier de sa chambre!
-
Une vie de rÍve, quoi!
-
Un jour quíil Ètait amoureux, il a fait colorer le ciel et líocÈan en rose pour accueillir líobjet de sa flamme.
-
Un type bien, apprÈciÈ-je.
-
Quelquíun ayant volÈ le bouchon de radiateur de sa Rolis, il a ordonnÈ quíon branche le suivant sur une batterie spÈciale et deux types sont morts foudroyÈs dans la semaine díaprËs.
-
Bien fait pour leurs pieds, James!
-
Vous savez quíil ne síappelle pas Levy?
-
Jíaurais plutÙt pensÈ quíil ne síappelait pas Chesterton. Pourquoi a-t-il ajoutÈ ce nom israÈlite au sien?
-
Pour inspirer confiance. En rÈalitÈ, il est díorigine galloise.
-
On joue beaucoup avec les patronymes dans votre beau pays, non?
-
Exact, Tony. Ce qui importe, ici, cíest líefficacitÈ.
-
«a paie!
*
**On pÈnËtre dans Venice, ville sans le moindre rapport avec son homonyme italienne.
58 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Populeux, colorÈ, cradoche. Plages ‡ bon marchÈ. «a fouette la friture inrenouvelÈe, le poisscaille mÈcontent, la sueur prolÈtarienne, le parfum-couvre-merde. Le quartier black bidonvillise ‡ mort. Le matÈriau le plus usitÈ est la tÙle ondulÈe (et, comme dit BÈru : les vaches aussi ont du lait).
Dans un premier temps, James Smith se plante car il níest jamais venu voir la maison de feu Martine Fouzitout; il y a dÈpÍchÈ un de ses collabos et, ce quíil sait de la masure, cíest par ce messager díÈlite quíil lía appris.
On stoppe pour finir (plutÙt pour commencer, tu verras!) devant une crËche en planches peinte en vert et rouge, avec tout de mÍme un soubassement de briques. Trois marches de bois, dÈmises et plus branlantes que les ultimes dents díun vieux cultivateur pyrÈnÈen, permettent díaccÈder ‡ une porte vitrÈe. Smith essaie deux clÈs et, naturellement, cíest la seconde qui sÈsame. Nous pÈnÈtrons alors dans un singulier logis, sombre, o˘ flotte une odeur indÈfinissable, plutÙt opiacÈe, je dirais. Une sorte de livinge o˘
rËgne ce que les vrais Ècrivains qui ont leur patente et la LÈgion díhonneur appelleraient Úfl dÈsordre indescriptible ª. Ce níest que souillerie, vaisselle sale, dÈchets, bris de meubles.
-
Suivez mon conseil, fait James Smith:
mettez cette baraque en Ètat avant de la vendre car telle quíelle est on vous en proposerait le quart de sa valeur.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 59
FÈlix se dÈclare pleinement díaccord avec ce judicieux raisonnement.
La piËce contiguË au livinge est, bien entendu, une chambre. DíemblÈe, on sent quíau dÈpart elle fut amÈnagÈe avec go˚t : lit capitonnÈ díun beau tissu ‡ fleurs, ‡ prÈsent tachÈ de cafÈ, de sang, et constellÈ de br˚lures de cigarettes. Tapis et rideaux trouÈs, maculÈs, arrachÈs ‡ demi de leurs tringles en ce qui concerne les derniers. Un secrÈtaire disloquÈ et une commode sans ses tiroirs attestent les dÈbordements de la locataire, de mÍme que des chaises NapolÈon III, qui se sont mises ‡líunisson en níayant Ègalement que trois pattes. Quelques dessins sont miraculeusement restÈs aux murs, díautres, moins respectÈs, gisent sous le lit.
La mËre Fouzitout devait se payer des crises díÈthylisme mimi tout plein, crois-je deviner. Ce níest pas la drogue qui donne ce genre de rÈactions, mais líalcool. Díailleurs, je níai pas de mÈrite ‡ deviner la chose vu que partout gisent des bouteilles de vin rouge vides.
- Jíai diffÈrentes piËces ‡ vous faire signer, dÈclare Smith, essayez de trouver une chaise valide, Mister Legorgeon.
Il ouvre sa belle serviette ‡ manettes rentrables et Ètale des papiers sur un coin de table prÈalablement dÈbarrassÈ des saloperies qui Pencombraient.
En homme avisÈ, le prof me prie de lui traduire les documents proposÈs ‡
son paraphe.
Tout me paraissant O.K., je laisse FÈlix distribuer des autographes.
60 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Ensuite de quoi, líultime survivant de la maison Smith, Smith, Larson and again Smith nous ramËne ‡ Malibu et nous prend un gros congÈ, aprËs avoir remis les clÈs de son hÈritage ‡ 1íEminent.
Son dÈpart Ètant acquis, M. FÈlix me chope pour un concile ‡ Bulle (Canton de Fribourg).
-
Pensez-vous, Antoine, que cette ignoble bicoque mÈritait que nous nous dÈplacions?
-
Sans aucun doute, fais-je-t-il.
-
Mais elle ne vaut pas tripette! regimbe ´ la queue du siËcle ª.
-
La construction, certes, je vous líaccorde (‡ violon), mais ce quíil y a ‡ líintÈrieur vaut une petite fortune, mon bon.
-
Que me baillez-vous l‡, mon petit? Ce níest que mobilier rÈduit en Èpaves, ordures et dÈjections sÈchÈes. Cette malheureuse Ètait, retournÈe ‡
líÈtat sauvage. Les draps de son lit~ tÈmoignaient de menstrues incontrÙlÈes, ce qui est le bout de la nuit chez une femme!
-
Seulement, il y a le reste, cher FÈlix.
-
Et cíest quoi, le reste?
-
Les dessins accumulÈs dans la chambre.F Jíempare le vieux calepin qui me vient de
mon papa et trouve la page ësur laquelle jíai Ètabli líinventaire
-
Onze Magritte, lis-je. Cinq Botero, deux Gnou, une gouache de Nicolas de Stael, deux~ de Delvaux, le tout reprÈsente plusieurs mil-i lions de francs.
Rempochage du carnet ‡ couverture de moleskine noire, papier jauni et rayures. Je tíen ai souvent parlÈ : il síagit díun lot rachetÈ jadis~
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 61
par papa ‡ un papetier en dÈconfiture (de coings).
Il
est siphonnÈ complet, le prof.
-
Cíest sÈrieux, Antoine?
-
ElÈmentaire, mon cher Watson! Nous retournerons tantÙt dans votre nouvelle maison, nous prendrons líune des oeuvres dont je vous parle et la ferons expertiser pour vous convaincre.
Il
secoue la tÍte, comme accablÈ.
-
Riche, moi! síexclame-t-il. Il ne pouvait rien míarriver de pire!
Comment vais-je employer tout cet argent?
-
Vous pouvez ne pas convertir la collection en dollars, mais la conserver telle quíelle est et continuer de vivre votre quotidien auprËs díelle, lui fais-je. AprËs tout, ce sont des dessins quíelle vous lËgue, votre ÈlËve díautrefois; pas de la money.
-
TrËs juste, dit FÈlix, brusquement soulagÈ.
Le majordome vient nous annoncer que le lunch est servi.
-
Sir, ajoute-t-il, la clinique Santa Tempaxa vient de tÈlÈphoner pour dire que votre ami souffre díun red-backside purulent consÈcutif ‡un frottement des parties lÈsÈes par une plante tropicale vÈnÈneuse bien quíelle soit díagrÈment. Cela síappelle le basic-instinct-corrosif. Líon va lui faire líablation de ses parties charnues infÈrieures et tenter de lui greffer le sÈant díun chimpanzÈ, en remplacement.
-
Rien ne saurait mieux lui convenir, assurÈ-je.
4
CHAPITRE QUI FAIT APPEL
AU GALVANISME
LíÈglise Santo Prosibus est modeste. TrËs ricaine : mi-pierre, mi-bois; mi-figue, mi-raisin. Clocher minuscule dío˘ sort la cloche comme une orchite double díune braguette.
Le pËre Machicoule est occupÈ ‡ cueillir les dattes de son jardin lorsque nous survenons, Pinuche et moi; díÈnormes fruits gros comme des saucisses de Francfort, charnus, mielleux et presque sans noyau.
LíecclÈsiastique porte un long short qui dÈcouvre ses jambes velues, un tee-shirt blanc sur lequel est imprimÈe une pub pour Coca, des tennis ÈculÈs, une barbe profuse, des lunettes de soleil ‡ monture de plastique bleu. Il pËte eu trombe toutes les vingt secondes, because, nous apprendra-t-il, il se nourrit exclusivement de lait et de chili sin carne, plus du bourbon si jíer crois son pif pareil ‡ une fraise de B˚ (Eure-et Loir) primÈe dans un comice.
Son nom me donnant ‡ espÈrer quíil es
franÁais, cíest dans la langue des frËres Cor neille (tous deux de líAcadÈmie franÁaise) qu
je lui adresse la parole. Une fois de plus, ma sagacitÈ níest pas prise en dÈfaut puisquíil se signe en disant
- Merci, Seigneur: des compatriotes!
La glace est rompue et sert ‡ rafraÓchir les verres de whisky quíil síest h
‚tÈ de remplir aprËs nous avoir entraÓnÈs ‡ sa cure.
Illico, on pige que ce prÍtrecroit en Dieu, aime la vie et, quíaccessoirement, les plaisirs díici-bas ne lui posent pas de problËmes majeurs.
- Appelez-moi Raymond, nous demande-til, gagnÈ quíil est aux coutumes de familiaritÈ díoutre-Atlantique.
On gorgeonne en triangle. Il a la verse facile, le pËre Machicoule.
Sa servante, une grosse fille noire, plantureuse comme un Saint-HonorÈ ‡ la crËme, va quÈrir une seconde boutanche de Four ~Roses (1). Quand elle líapporte, Raymond lui flatte les meules de sa main consacreuse, ce qui I paraÓt Ítre agrÈable ‡ la dondon black.
Le pËre ne síinformant pas de líobjet de notre visite, je le lui expose en termes concis (síil Ètait rabbin, je le ferais en termes circoncis).
- Ah! la mÙme Martine! fait-il en síassom~brissant; en voil‡ une qui mía donnÈ bien du tracas.
- De quoi est-elle morte?
1.
Dans tous mes books, les buveurs de bourbon Èclusent du ´ Four Roses ª, non que je sois sponsorisÈ par cette marque, mais cíest la seule dont je me souvienne. Je dÈteste le whisky en gÈnÈral et le bourbon en particulier, malgrÈ la sympathie que jíÈprouve pour Louis XVI.
-
Díun ictËre nÈgligÈ, mon cher ami.
-
Pas du tout de mort violente?
-
Pensez-vous! La pauvre gosse ‡ traÓnÈ des mois dans un hÙpital de Pasadena. Je lui ai~ portÈ líextrÍme-onction la veille de son dÈcËs. En mÍme temps, jíai glissÈ sous ses draps une bouteille de vin, ces cons de mÈdecins lui refusant tout alcool alors quíils la savaient archifoutue!
-
Elle picolait?
Il Ècluse son godet et essuie sa barbe avec son mouchoir, du breuvage síy Ètant fourvoyÈ.
-
Cíest pas le verbe qui convient! Sur la fin, elle aurait pu síenquiller son pinard en intravei-~ neuses, elle níaurait pas hÈsitÈ!
-
Elle avait un copain?
-
Pas un, des! Elle avait les fesses gÈnÈreuses, la mËre! Pas regardante sur ses partenaires, elle síappuyait de tout, y compris des coloured et Áa níest pas trËs bien vu ici.
-
Vous la connaissiez depuis longtemps?
-
Une bonne dizaine díannÈes. Un jour, gr‚ce ‡ un retour de sa foi, elle síest mise en~ quÍte díun prÍtre franÁais et mía dÈnichÈ.
-
Que lui Ètait-il arrivÈ, qui motive ce retour ‡ Dieu?
Raymond emplit nos glasses pour la ÈniËme! fois:
-
Secret de la confession, mon pote!
-
Elle vivait comment ‡ Venice?
-
PlutÙt pas mal.
-
Elle travaillait dans quoi?
-
Dans rien de prÈcis, au dÈbut elle avait ÈtÈ femme de salle dans un hosto, mais elle
avait l‚chÈ, et, depuis, passait ses occupations sous silence.
-
Mais elle avait du fric?
-
Suffisamment pour bien vivre, malgrÈ la modestie de sa maison. Il lui arrivait souvent de míallonger une pincÈe de verd‚tres.
-
Prostitution?
-
Qui sait... AprËs tout, cíÈtait son cul, non?
-
Elle buvait dÈj‡, au dÈbut de vos relations?
-
Oui, mais cela níavait rien de commun avec les muflÈes des toutes derniËres annÈes.
-
Elle ne vous a jamais fait part díun danger qui líaurait menacÈe?
-
Si : celui que constituait sa maladie.
-
Elle se savait fichue?
-
Naturellement, et mÍme...
-
Oui?
-
Non seulement elle ne redoutait pas la mort, mais on aurait dit quíelle la souhaitait. Il existait chez elle une sorte díinaptitude ‡
vivre; un dÈsenchantement profond. Mais buvez donc, mes french boys, vous prÈfÈreriez du vin?
-
Cher Raymond, nous achevons la deuxiËme bouteille de raide, cela suffit.
Pinuche qui somnolait derriËre son mÈgot rÈagit.
-
Mon pËre, fait-il, cela vous ennuierait de míÈcouter en confession?
Il y a trËs longtemps que je níai soulagÈ ma conscience.
-
Depuis quand?
-
Ma premiËre communion.
-
Ben mon pote, il va falloir prÈparer la
chose, assure le pËre Machicoule. Vous vous rendez compte de ce que vous avez ‡ dÈballer?
-
Vous savez, Raymond, cíest une belle ‚me, certifiÈ-je; Áa ne devrait pas Ítre trop compliquÈ!
Vaincu par ma caution, Raymond se lËve, pËte un coup sec et se dirige vers sa chapelle.
-
OpÈration de nettoiement, gouaille le religieux, la voirie, en voiture!
Exit les deux. La servante noire met ‡ profit I pour venir me chambrer avec son regard de braise et son quintal de nichons.
Elle me sourit.
Sa bouche en chambre ‡ air de camion síentrouvre pour suggÈrer une propose sexuelle que je redoute cannibale.
Elle soupire avec les seize litres díoxygËne emmagasinÈs dans ses soufflets.
-
What is your name? je la questionne pour meubler.
-
Grace.
Jíai envie de lui demander si cela síÈcrit avec un ć ª ou deux ś ª, mais le jeu de mots serait intraduisible en californien.
-
Grace, líattaquÈ-je, vous avez connu Miss Martine, une amie franÁaise du pËre?
-
Qui est morte rÈcemment? Bien s˚r que je líai connue; elle venait si souvent ici!
-
Quelle genre de femme Ètait-ce?
La grosse servante fait la moue et sa chambre ‡ air de camion devient une chambre ‡ air de Boeing 707.
-
Sympathique, mais elle..
Elle fait le pouce de líauto-stoppeur ‡ la hauteur de sa bouche pour exprimer la picole.
-
Comme le pËre aime bien Áa Ègalement, ‡la fin du jour ils Ètaient raide blindÈs.
-
Vous lui avez parlÈ seule ‡ seule quelquefois?
-
Pendant que le pËre devait síabsenter, je lui tenais compagnie, oui.
-
Entre femmes, on se fait des confidences; elle ne vous a jamais parlÈ de ses occupations?
-
Non, mais je pensais quíelle vivait de ses rentes.
-
Et de ses relations, elle y a fait allusion? La grosse fille va pour dÈnÈgater, puis se ravise, ÈclairÈe de líintÈrieur par une idÈe subite.
-
Si, un jour; elle avait beaucoup bu en attendant Raymond appelÈ
pour une extrÍme-onction par des Mexicanos du coin, elle a dit ´ Demain, faut que jíaille dans líUtah; rien qui me fatigue autant que ce putain de Salt Lake Desert! ª ´ Vous y allez souvent? ª que je lui ai demandÈ. Ćhaque premier vendredi du mois, et jíy attrape une pÈpie du diable ª, elle mía rÈpondu.
Grace, la grasse, se rapproche de moi.
-
Vous la connaissiez, Martine?
-
Non et jíessaie de míen faire une idÈe. Elle vbus a parlÈ de la personne quíelle allait voir l‡-bas?
-
Jíai essayÈ de la questionner, mais elle síest mise en boule, comme un hÈrisson tracassÈ par un chien. CíÈtait son secret et il Ètait pas 68 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
question quíelle síen sÈpare! TÍte de pioche! comme dit Raymond.
Le logis du religieux est assez propre gr‚ce ‡Grace pleine de gr‚ces, mais dÈnuemental. Juste le fonctionnel extrÍme.
-
Vous aimeriez que je vous fasse une pipe franÁaise? síinforme líobligeante servante.
Un peu surpris, mais je míattends toujours ‡tout, ce qui me permet de faire du slalom avec líinfarctus, je míenquiers de la diffÈrence existant entre une pipe franÁaise et une pipe amÈricaine, par exemple.
-
Dans la pipe franÁaise, on va jusquíau bout, míassure cette charmante fille.
-
Qui vous lía enseignÈe? risquÈ-je en me prÈparant ‡ un signe de croix clandestin pour conjurer la rÈponse que je crains.
-
Un neveu de Raymond qui est passÈ le voir pendant son voyage de noces aux States.
Je salue mentalement ce courageux garÁon qui a trouvÈ le moyen de parachever líÈducation sexuelle díune Noire mÈritante alors quíil accomplissait cette dure corvÈe quíon qualifie de ´ voyage de noces ª.
Mais soulagÈ par líidentitÈ du professeur que je redoutais autre, moi catholique apostolique romain, je caresse les mahousses doudounes de la brave fille, tout en dÈclinant son offre. Ses robloches sont durs comme deux ballons de rugby.
-
Dites, Grace, il en met du temps ‡ confesser mon pote, le Raymond!
-
Peut-Ítre quíil a beaucoup de pÈchÈs sur la conscience! hypothËse-t-elle.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 69
- «a míÈtonnerait: il níy a pas meilleur type que CÈsar Pinaud; exceptÈ
quelques cuites et quelques adultËres b‚clÈs, jíimagine mal ce quíil pourrait dire.
Comme un quart díheure plus tard le prÍtre et son pÈnitent ne sont toujours pas l‡, je míorganise en patrouille de reconnaissance pour aller aux nouvelles.
LíÈglise, dans ce quartier de Westchester, est trËs sobre, sans trop de ces saint-sulpiceries qui donnent ‡ penser que le paradis est un endroit kitsch peuplÈ díanges et de saints inventÈs pour les besoins díun film que Watt Disney aurait renoncÈ ‡ tourner.
La loupiote rouge du tabernacle Èvoque la prÈsence du Seigneur. Un bruit de soufflerie retentit, avec des ratÈs. Je míapproche de líunique confessionnal et dÈcouvre Pinaud endormi dans le compartiment du pÈnitent.
Je tire le rideau de dentelle isolant le confesseur et míaperÁois que le pËre Machicoule en fait autant, et quíen plus il pËte son chili sin carne des derniers jours.
La confession, dans sa monotonie, a complÈtÈ líoeuvre du bourbon. Sous la garde du Seigneur, le religieux et le civil en Ècrasent, unis dans une suave absolution.
Vaincu par la majestÈ díun tel sommeil, je retourne ‡ la sacristie o˘ Grace vient de commencer son chii du soir. Les petits haricots noirs ressemblent
‡ des yeux de rats.
La fille me dÈsigne une photographie posÈe 70 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
prËs de la bassine o˘ trempent les graines sombres.
-
Jíai trouvÈ une photo de Martine dans le tiroir de la table de nuit de Raymond, annonce-t-elle.
Vitos, je cramponne líimage. «a reprÈsente une femme brune, díenviron trente-cinq ans, avec des accroche-coeur sur le front. Je trouve quíelle ressemble ‡ Violette NoziËre. Elle a le regard clair et grave, porte une petite robe blanche ‡ col vert. Elle sourit ‡ líobjectif, mais díun air pas heureux le moindre. Il existe en elle un je-ne-sais-quoi qui fait ´ fripÈ
de líintÈrieur ª.
Sur le clichÈ, elle se tient assise devant un massif de fleurs. Il y a une grosse main díhomme posÈe sur son genou, mais on ne voit pas líhomme.
Au-del‡ des fleurs, trËs au-del‡, on distingue un panneau indicateur dont il ne míest pas possible de dÈchiffrer les lettres quíil porte.
-
Vous permettez? dis-je en enfouillant la photo. Je la rapporterai plus tard.
Elle síen fout, Grace, de ce bout de carton Ma prÈsence survolte sa glandaille, sa forte poitrine fait le poumon díacier : elle pistonne ‡tout berzingue. Tu sais quíelle serait mignonne toute pleine (BÈru dixit) cette Noiraude si elle pesait cent livres de moins?
-
Cíest dommage..., dit-elle.
-
Quíest-ce qui est dommage?
-
Que vous ne vouliez pas une pipe fran Áaise; jíadore Áa! Mais je ne suis pas assez belle pour vous, Èvidemment.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 71
Les mots sont prononcÈs sans rancoeur, sur le mode constatatoire.
-
Pas du tout! rÈcriÈ-je. Vous Ítes superbe!
-
Cíest parce que je suis noire?
-
Au contraire, cíest excitant!
-
Eh bien, alors?
Moi, tu me connais: tout plutÙt que de passer pour un raciste!
-
Díaccord pour un petit turlute, ma puce.
Sa frime síÈclaire au nÈon.
Elle tombe ‡ genoux pour remercier Dieu et ouvrir ma braguette.
*
**Le pËre Machicoule a insistÈ pour quíon partage son chili vespÈral, mais jíai prÈtextÈ que nous Ètions attendus et on a pu síarracher.
Je conservais de cette visite une impression assez lumineuse, comme chaque fois que jíapproche un vÈritable brave homme. La pipe de Grace avait ÈtÈ
somptueuse : on devrait toujours se laisser pomper le noeud par des Noires.
Leur bouche a une Èpaisseur, un veloutÈ irremplaÁables et je me fÈlicitais díavoir cÈdÈ ‡ ses instances : elle mÈritait le dÈtour. Le neveu de Raymond avait admirablement ćolonisÈ ªcette belle ‚me!
LíaprËs-midi avanÁait. On síest fait driver ćhez~ª M. FÈlix. Jíavais omis de lui rÈclamer la clÈ de śa ª maison californienne, mais avec mon insÈparable sÈsame, jíemmerde toutes les serrures, ricaines ou pas.
Cette fois, je me suis attachÈ ‡ líexploration 72 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
des tiroirs parce que ce sont eux qui ćontiennent ª les informations relatives ‡ un individu lettres, factures, papiers officiels.
«a bordÈlisait dur dans ce secteur. Jíavais du mal ‡ dÈponner certains díentre eux, tellement on y avait fourrÈ de choses, comme Áa, en vrac, sans se donner la peine díenvisager un quelconque classement.
Dans un premier temps, jíai sÈlectionnÈ les papelards de banque, dans un second les factures et dans un troisiËme les bafouilles privÈes. Pinuche mía aidÈ. Il est lent mais prÈcis, le Vioque. Sa main tremble mais ne rompt pas. On a fourrÈ notre provende dans trois sacs de supermarchÈ, et puis on a regagnÈ la rÈsidence díHarold J. B. Chesterton-Levy. Je me promettais díexaminer notre rÈcolte ‡ tÍte reposÈe. Jíavais, en outre, emportÈ un dessin de RenÈ Magritte.
Comme on roulait vers Malibu, CÈsar a murmurÈ:
- Pourquoi cette enquÍte en rËgle sur la fille Fouzitout, Antoine? Quíest-ce qui te tracasse chez elle? Elle est morte de sa bonne mort, aux dires du pËre. Se sachant perdue, et níayant plus de famille, il est normal quíelle ait voulu laisser ce quíelle possÈdait ‡ quelquíun dont elle conservait un souvenir Èbloui! Je gage quíavec son sexe effarant, FÈlix a fortement marquÈ sa mÈmoire.
- Et son cul, donc! níai-je pu me retenir díajouter.
Baderne-Baderne a tournÈ vers moi le dessin dont je míÈtais muni.
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- On dirait un vrai, non?
- Cíen est un. Tu connais Magritte?
- Pour qui me prends-tu!
- Cíest beau, la culture, apprÈciÈ-je (Èjectable).
Le big boss de la Gloria Hollywood Pictures est arrivÈ car sa grosse Roils Royce blanche, qui bat pavillon de sa compagnie, est stoppÈe devant le perron.
Nous le trouvons dans le grand salon, armÈ díun bigophone sans fil. Il aboie dedans, tout en jetant des ordres ‡ deux secrÈtaires blondes munies de blocs et de crayons (il níy a pas un autre pays en ce monde o˘ líon use autant du simple crayon). Ces businessmen, ils ont le cerveau de PolÈon Pommier pour pouvoir dÈployer une telle activitÈ; tu piges pourquoi ils claquent autant du guignol ou plongent dans líocÈan depuis le pont de leur yacht. Surmenage! Chesterton-Levy, il doit dÈglander avec un casque díÈcoute sur les baffles, dÈfÈquer devant des Ècrans díordinateurs, manger en Ècoutant les cours de la Bourse et dormir devant un enregistreur, des fois quíil lui viendrait des idÈes juteuses pendant sa roupille.
Míapercevant, il míadresse un hochement de tÍte, crache encore quelques paroles bien senties dans son bigophone et míinterpelle:
- HÈ! le french impresario! jíai fait prÈpafer un contrat, Miss Angela va vous le donner ‡lire, si tout est O.K. vous le signez et, dËs mercredi, vos anormaux síamËnent au studio.
Ayant entendu son blase, la raide miss vient me bicher par une aile et míentraÓne dans un
fumoir voisin, piËce dÈlicate, tendue de velours de couleur tabac blond, que dÈcorent un Watteau et deux Sisley. Une cheminÈe de cuivre ouvragÈ
hÈberge un feu de b˚ches Èlectrique que Jeanne díArc aurait regrettÈ de ne pas avoir sur son b˚cher.
Angela me tend une chemise luxueuse, en cuir repoussÈ, frappÈe aux armes de la Gloria Hollywood Pictures.
A líintÈrieur, un contrat de vingt-deux pages, tirÈ en sept exemplaires.
Pour la premiËre fois, la collaboratrice du grand produc paraÓt síhumaniser et faire rel‚che.
- Vous ne prendriez pas un drink? propose-t-elle.
- Avec vous, trËs volontiers, mais síil síagit díun coup de rouge au facteur, non : je dÈteste boire seul.
Nouveau sourire.
Elle va ouvrir ‡ deux battants un meuble díacajou qui sert de bar. Il est plein de flacons avec tout le matÈriel de manoeuvre.
- Genre whisky, ou plus ÈlaborÈ? elle ques- j tionne.
- Je boirai comme vous, ‡ condition que Áa ne soit pas de líeau, douce Angela.
La voil‡ partie ‡ bricoler des bouteilles pour un cocktail aussi riche en calories quíun banquet de charcutiers.
DiffÈrentes couleurs se rencontrent, mÈlangent, conjuguent. «a síachËve par des glaÁons et un touillage consciencieux ‡ la cuiller ‡ long bec emmanchÈe díun long cou.
Elle me dÈcerne un godet embuÈ dans lequel le bleu domine.
-
Go˚tez si Áa vous va.
J~ go˚te. «a me va. Et le contrat de Mister Harold J. B. Chesterton-Levy aussi, me va. Tu sais quoi? Il propose ‡ mes trois phÈnomËnes du noeud une semaine de tournage pour rÈaliser en commun un film X. Il a fait Ècrire le scÈnario dans líaprËs-midi par une de ses Èquipes ´ writeuses ª (il en a seize, composÈes chacune díune centaine de mecs douillÈs au mois !).
Le rÈsultat de ce travail Èclair est enthousiasmant.
Que je te narre!
Cíest líhistoire díun couple de jeunes mariÈs (robe blanche, fleurs díoranger, habit) qui vient passer sa nuit de noces dans un luxueux motel.
A peine la lourde fermÈe, le nouvel Èpoux se jette sur sa femme, la trousse, dÈculotte et broute avec líappÈtit díune vache savoyarde quíon remet au prÈ ‡ líarrivÈe des jonquilles.
Cette premiËre et classique phase díentrÈe en matiËre accomplie, le monsieur sort son panoche afin de souscrire aux lois des hommes qui, exceptionnellement, coÔncident avec celles de Dieu, car líenfourchement de bobonne est prescrit par les autoritÈs et le Seigneur avec une mÍme vigueur. Par la suite, tu dois faire avec les humains, car avec Dieu, tías plus droit ‡ líerre˘r.
Donc, le julot veut accomplir son devoir matrimonial. Mais l‡: un os dans la noce, comme je dis puis volontiers.
Il
est trop fort montÈ pour le frisounet de la 76 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
petite mÈdËme. Il insiste! Elle regimbe. Il reinsiste : elle chiale.
NíempÍche le Dracula díalcÙve entend mener ‡ bien sa mission. Cíest gentil de paumer sa libertÈ pour une gonzesse, mais si cette derniËre a le hayon trop Ètroit pour hÈberger Coquette, il va devenir quoi tíest-ce, leur couple? Nouveaux essais aussi infructueux que les prÈcÈdents. Le gazier va au drugís acheter de la vaseline : que tchi! La pauvrette continue ‡ hÈler sa maman, quand líautre taureau essaie díengager sa tÍte de noeud. Elle hurle : maman, papa, mÈmÈ, oncle Romuald, cousin Johnny (il lui titillait la chattoune quand ils jouaient ‡ cache-cache, jadis), cíest líÈchec.
Le couple tient conseil. Le mari, pragmatique, se rÈsout ‡ une soluce : quíelle aille se faire dÈbigorner le mollusque par un zigomar mem brÈ menu et ensuite les voies royales du Seigneur lui seront accessibles.
Alors voil‡ la mÙme consentante. Elle va toquer au bungalow voisin et qui lui ouvre? BÈrurier. La mignonnette expose son problo. Le Gros est partant.
Nouvelle minouche lubri fiante, Alexandre-BenoÓt dÈgaine! Alors l‡ cíest le passage des quarantiËmes mugissants! Devant un gourdin deux fois plus gros que celui du mari, la mariÈe se sauve dans sa robe blanche qui commence ‡
friper dur.
Seconde tentative, chez Mister FÈlix. Ce presque vieillard si serein, si apparemment doux la met en fiance. Mais le hic: bande-t-il toujours? Il pose son bÈnouze. Líhorreur! Le cauchemar ‡ son paroxysme! La pauvrette repart ‡ sa quÍte au zob.
FOœRIDON ¿ MORBAC CITY 77
La suite, tu la sais dÈj‡, líayant devinÈe depuis lulure. Oui : elle se rend chez le Marquis. L‡, nouvel espoir. Il est encore jeune, bien dÈcouplÈ
comme on disait au temps de ma grand-mËre. Elle est confiante quand il líallonge sur son pucier. Elle Èteint tout, ferme les yeux par surcroÓt de prÈcautions. Elle attend. Ne se passe rien díimportant. Cíest son genou quíil lui frotte contre líentrecuisse. «a va cinq minutes, mais il est temps díenchaÓner. Quíun gus te rassasie ‡ la minette tyrolienne, passe encore, le cunnilingus est líadjuvant de service de líamour, en maintes circonstances, et conduit une dame au;plaisir, vaille que vaille. Sans lui, la vieillesse~ de líhomme deviendrait insupportable. Et mÍme líindividu en pleine possession de ses moyens sud y puise des fÈlicitÈs essentielles ‡
son Èquilibre psychique.
Alors, la mariÈe qui commence ‡ en avoir class, au point de regretter que son voile ne soit point celui du Carmel, redonne la lumiËre.
Sur líinstant elle ne comprend pas. Pour Ítre enregistrÈe par nos sens, la rÈalitÈ se doit díÍtre concevable. Mais l‡! Hein, dis, l‡? Cette jambe supplÈmentaire qui dÈguise le Marquis en trÈpied, comment rÈaliser quíelle níest pas une jambe?
Il lui faut du temps pour saisir. Le fantastique nous envo˚te parce quíil nous dÈconcerte, et Ílle est envo˚tÈe, la mariÈe. Reprend tout au dÈpart : voyons, elle commence o˘, cette chose, ce conduit en forme de trompe de mammouth? Au bas-ventre, níest-ce pas? Et elle se termine o˘? Dans le vide : elle est
dressÈe avec un Ènorme fruit rouge ‡ son extrÈmitÈ. Si elle tient au bas-ventre, o˘ est le ziffolo farceur du monsieur? Níen a pas? Alors síil nía pas áutre chose ª, cíest donc que cíest cela, sa biroute, do you know, baby?
Et cíest l‡ que líindicible líempare, la jeune mariÈe! Elle pousse une clameur si dÈmente que le mari, en alerte, accourt.
Un homme! Il a servi dans les marines!
!! dit ‡ sa bien-aimÈe de se shooter jusque dans leur piaule et quíils aviseront.
Puis, retrouvant ses instincts homo díadolescent, ii se met ‡ lÈcher le gland forcenÈ du Marquis!
The End!
Líoeuvre est belle dans sa sobriÈtÈ, díun dÈpouillement qui confine au classicisme. LíÈquipe des scÈnaristes propose une seconde fin qui serait de voir la jeune mariÈe síÈcarquiller líespace bitai au moyen díune courgette.
Ils prÙnent la poÈsie. Or, quíy a-t-ii de plus Èmouvant quíune jeune fille dans ses voiles de noce, la robe remontÈe, en train de paÓtre du bas ce vÈgÈtal ‡ forme phallique? On mettrait la marche de Mendelssohn en final, sur le gros plan de la courgette libÈratrice, et ce serait díune grande envolÈe.
Ayant pris connaissance du synopsis, je passe au contrat proprement dit. Il ne lÈsine pas, le produc, puisquíil propose un forfait díun million de dollars ‡ nous partager, charge ‡ moi de procÈder ‡ la rÈpartition.
-
Correct? demande Miss Angeia avec un
FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY 79
troisiËme sourire encore plus savoureux que les deux prÈcÈdents, au point que je le lui boufferais volontiers sur les lËvres.
- «a peut aller, admets-je. Mais avant de signer ce papier, je dois prÈalablement consulter mes partenaires pour accord.
Entre nous, les castors mis ‡ part, je ne vois pas díautres mammifËres capables de faire aussi bien avec leurs queues!
*
**Naturellement, le prof et son dÈbile coconcant sont ravis. Nous convenons sans barguigner que Pinaud prendra vingt pour cent de la mise afin de se rembourser des dÈbours concernant notre voyage, et que le reste sera divisÈ
en trois. Car, malgrÈ leur insistance, je dÈcline toute commission, níÈtant point homme ‡ monnayer la bite de ses amis. Il existe en moi une grande puretÈ, concernant le fric et líhonnÍtetÈ, qui confine ‡ la maniaquerie.
Papa et maman míont ÈduquÈ ainsi, et mÈmÈ de mÍme chez qui jíai passÈ bien du bon temps. Respecter le bien díautrui est un prÈcepte fondamental chez nous autres Dauphinois. Oh! certes, il y a probablement dans nos campagnes quelques noctamb~ules dÈplaceurs de bornes ou vendangeurs de vin de lune (1), mais il síagit l‡ díune toute
1.
On appelle ainsi, dans mon natal pays, les paysans qui allaient chaparder du raisin, la nuit, dans les vignes des voisins.
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petite minoritÈ. Nos paysans aiment trop líargent pour ne pas respecter celui des autres.
- Eh bien, conclus-je, il ne reste plus quí‡ aller prendre des nouvelles de BÈru en lui apprenant celle-l‡.
A peine ai-je dÈcidÈ quíun tapage Èclate dans le hall, au sein duquel, telle une mËre de vinaigrier, agit líorgane inimitable du Gros.
- Y sont laguches, mes potes? barrit le Mammouth.
Nous nous ruons pour le lui dÈmontrer.
BÈni síagite entre deux infirmiers trËs embÍtÈs. Sa mise est troublante puisquíil a dÈcoupÈ tout le fond de son pantalon pour laisser síÈpanouir un cul Ènorme et flamboyant, bien plus gros et saignant que celui du chimpanzÈ
quíon lui destinait.
La chose monstrueuse comprend des boursouflures, par-dessus líenflure initiale, sommÈes soit de plaies vives, soit de plaques sanieuses o˘
síenchevÍtrent des filaments de verte purulence.
En nous apercevant, il se calme.
- Les mecs! sanglote líObËse au dargeot simiesque. O mes bons mecs, si vous sauriez líaventure dont jíviens díÈchapper. Ces cons ricains voulaient mídÈcouper líprose pourí mígreffer un dargif dísinge! Vívírendez-vous compte? BÈni avíc une courge au der! Y sont barges dans cíte principautÈ, merde! Comment quíjíai mis les voiles. Y voulaient mígarder díforce. Cíqui les a retiendus cíest dísavoir quíon habite chez le grand producteur Trucmuche-Levy! Ici, líblÈ, la situasse, Áa impres FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 81
sionne davantage quíalieurs. Pour pouvoir enfiler mon grimpant, jíai d˚
pratiquer une ÈbrÈchure dans lífond, mais jíai gardÈ límorcif, histoire dílífaire estopper. Jísais, maintínant, cídont quíil mía produit cíte carnerie : la plante dílíhÙtel quíjímíai servi díses feuilles víloutÈes pour mídÈtartrer líoigne. Jívas les attaquer endommagÈ-enterrÈ (1).
II respire profondÈment, síapproche díun immense miroir soleil accrochÈ
dans le hall, ajuste une distance propice et se baisse, le fessier tournÈ
vers la glace, essayant de mesurer líimportance du sinistre ‡ travers ses jambes ÈcartÈes. Seulement, son ventre... Alors, il se redresse pour opÈrer díautres contorsions.
- Importe quel tribunal, voiliant un fion pareil, mívoterera au moins vingt mille balles dírÈparation! affirme-t-il. Y sont pincecornÈs dans cítíhÙtel dílaisser une plante comme Áa en circulation!
Le maÓtre absolu de la Gloria Hollywood Pictures est venu ‡ la rameute, flanquÈ de son brain-trust.
Ce cul sinistrÈ lui dÈsoblige líestomac et voil‡ quíil se met ‡ vomir dans le dÈcolletÈ díune de ses secrÈtaires.
- Emmenez Áa! Emmenez Áa! enjoint-il ‡la ronde et entre deux spasmes.
Vite, je prends le bras du Gros.
- Viens, Sandre, dans ton appartement. Nous allons tÈlÈphoner ‡ RamadÈ, líÈpouse de JÈrÈmie, les plantes tropicales vÈnÈneuses, Áa la 82 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
connaÓt, une fille de sorcier comme elle; je parie quíelle aura une recette de perlimpinpin ‡nous donner.
Telle fut notre premiËre journÈe ‡ Los Angeles.
CHAPITRE FUMIG»NE
Le dÓner fut exquis, le bon J. B. ChestertonLevy níy participa pas car il avait une soirÈe ‡San Francisco o˘ son jet privÈ líemporta. Il nous laissa en gage la belle Angela qui nous coupa le souffle ‡ tous dans une robe moulante en lamÈ argent qui lui donnait líapparence díune sirËne. Assis sur un oreiller de duvet, BÈru la gratifia de moult compliments, nonobstant son prose aux dimensions de lessiveuse. Elle eut le bon go˚t díen sourire et de pousser son devoir díhÙtesse jusquí‡ me faire du pied sous la table, ce qui me porta ‡ la reconnaissance.
Le Mastard souffrait un peu moins, RamadÈ nous ayant conseillÈ une dÈcoction dont je te donne la recette pour le cas o˘ il tíarriverait de confondre un basic-instinct-corrosif avec du papier chiottes Lotus. Tu Èpluches trois bananes, tu les Ècrases dans un mortier avec un oignon frais, un jaune díoeuf et une aubergine. Tu y ajoutes un verre díhuile díolive et un verre díurine de chienne. Une fois que le tout est parfaitement mÈlangÈ, tu Ètales la pommade 84 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
sur les parties affectÈes et tu te mets ‡ genoux pendant une heure devant le patient. Ce dÈlai passÈ, les douleurs síattÈnuent et le voil‡ en route pour la guÈrison!
Níayant pas de chienne ‡ disposition, nous compens‚mes par de la pisse de chien additionnÈe díurine de chatte, et cette entorse ‡ líordonnance de RamadÈ fut parfaitement tolÈrÈe. Le FranÁais qui est ingÈnieux de tempÈrament, use souvent de tiers procÈdÈs compensateurs lui permettant de retomber sur ses pattes.
Donc, pour en revenir ‡ ce dÈbut de chapitre, le repas du soir fut ‡
marquer díune paire blanche comme disent les prostiputes noires. Jus-je-zan huÓtres pochÈes au caviar (il y avait tellement de caviar dans chaque coquille quíon ne voyait plus líhuÓtre !), rosbif sauce Cumberland livrÈ
avec des truffes en cro˚te, testicules de coq en gratin, dÈlice aux fruits rouges. Le tout Ètait arrosÈ de Dom PÈrignon, de Ch‚teau Talbot et díun Sainte-Croix-du-Mont de chez Brun Camille 1955 dont on pressentait le cousinage díesprit avec Yquem.
ExtÈnuÈs par le voyage ‡ longue portÈe, nous gagn‚mes rapidement nos appartements, sans g‚cher un aussi beau sommeil par un moka quelconque.
Une fois dans mes draps frais, je crus míendormir, mais au moment de l‚cher la rampe de ma luciditÈ, il se fit en moi líun de ces sots dÈclics qui vous dÈprogramment sec et, en trËs peu de temps, vous rendent votre couche insupportable (de logarithmes).
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 85
Jíeus la sensation confuse díune prÈsence dans ma chambre. Jíallumai personne! cependant, cette impression díinsolitude perdura. Mon cerveau fut marquÈ fortement par la photographie de Martine Fouzitout que míavait remise Grace, la servante du bon pËre Machicoule. Jíen fus troublÈ au point que je me levai pour líaller prendre dans mon veston.
Je me mis alors ‡ la contempler ardemment pour tenter de percer líÈnigme que cette fille constituait pour moi, sans que je pusse míen expliquer la raison.
Son regard, sur le clichÈ, me lanÁait un appel, A moi! A moi qui ne líavais jamais connue, ignorant son existence jusquí‡ ces tout derniers jours.
Qui Ètait-elle, cette ancienne Ètudiante baisÈe par son prof surdimensionnÈ? Une nympho? Une follingue? Comment síÈtait-elle procurÈ
autant díargent en Californie, au point de se constituer une collection de dessins de maÓtres?
Prostitution?
Jíexaminai son corps quelconque, sa gueule de fille triste, sans grande gr
‚ce; rien en elle ne provoquait le dÈsir; il existait ‡ Los Angeles des milliers de pÈtasses autrement sexy quíelle! De plus, quíallait-elle fiche dans líUtah, le premier vendredi de chaque mois? La source de ses mystÈrieux revenus síy trouvait-elle?
Une fois encore, je tentai de lire les lettres tracÈes sur le panneau indicateur de líarriËre-plan; mais il Ètait dans líombre dÈchirÈe díun 86 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
arbre et je ne parvenais pas ‡ en capter les caractËres.
Comme je dors nu, je pris un peignoir Èponge dans la salle de bains et descendis au rez-de-chaussÈe avec líespoir de dÈnicher une loupe dans la bibliothËque.
Je joue de chance car il y en a une, superbe, ‡manche díivoire, sur le cuir de Cordoba du bureau. Jíallume la lampe ‡ col de cygne. LumiËre halogËne, crue et intense. Le panneau, derriËre la loupe, se fait trËs prÈsent sur la photo. Je distingue la seconde lettre qui est un ó ª. Nom composÈ. La derniËre du premier mot un é ª, ou un ć ª, voire peut-Ítre un autre ó
ª.
Au comble de ma perplexitÈ, je perÁois un glissement soyeux derriËre moi.
Il síagit de la survenance inopinÈe (mais Áa peut changer) de Miss Angela.
Elle a troquÈ la robe-fourreau en lamÈ contre un pyajama de soie saumon ‡
la coupe dÈlectable. Le bas est un short qui lui arrive au-dessus des genoux, tandis que la veste descend plus bas. Cette derniËre est fendue de chaque cÙtÈ, sous les bras, jusquíau niveau de la poitrine, ce qui exerce, lorsquíelle se dÈplace, un harmonieux flottement du vÍtement de nuit.
-
Quel merveilleux vigile! míexclamÈ-je; je vous ai rÈveillÈe?
-
Il y a dans ma chambre un cadran qui bipe lorsquíune piËce du bas est occupÈe aprËs minuit.
-
DÈcidÈment, vous Ítes líange gardien de cette somptueuse demeure!
Je me suis permis de pÈnÈtrer dans cette bibliothËque car jíavais FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY 87
besoin díune loupe, dis-je en lui dÈsignant la photo.
-
Que faites-vous, si ce níest pas indiscret?
-
Je tente de dÈchiffrer un nom, mon coeur.
EncuriosÈe, elle se penche; alors, avec líongle de mon auriculaire, je lui dÈsigne le panneau illisible.
-
Dans quel Etat? demande-t-elle? Bouaff! Jíai un sein gauche ‡ elle contreS mon oreille droite ‡ moi. Cíest doux, cíest chaud et Áa sent ineffablement bon.
-
Utah, je bredouille. Quíheureusement il níy a que deux brËves syllabes ‡ articuler.
-
Ce banc me dit quelque chose, reprend Angela.
Et moi, pendant ce temps, je laisse aller ma main qui ne mía rien demandÈ, sous le flottant du short.
TÈmÈraire, líAntonio, comme toujours. Le Bayard du fouinozoff.
Le banc de fer forgÈ quíelle visionne est en forme de nacelle, les extrÈmitÈs de son dossier reprÈsentent deux tÍtes de biche.
-
Je sais! síÈcrie ma compagne. Mon mÈdius níest plus quí‡ deux millimËtres de son dito, mais elle fait mine de rien.
-
Que savez-vous? ai-je le temps de questionner, avant de saisir son sein avec ma bouche ‡ travers la soie de son pyje.
-
Cíest le banc des amoureux, explique Angela, il est cÈlËbre dans líOuest. A la fin du siËcle passÈ, il Ètait dÈj‡ en place. Deux amants qui síadoraient, apeurÈs par líavenir qui ne
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pouvait que les dÈsunir, dÈcidËrent de se don ner la mort afin de disparaÓtre en pleine fÈlicitÈ Ils síachetËrent deux revolvers et allËrent sías~ seoir sur ce banc. Ils appliquËrent chacun le canon de son arme sur sa tempe, líhomme compta jusquí‡ trois et ils tirËrent en mÍme temps. Ils moururent simultanÈment.
´ Depuis lors, ce banc est devenu le lieu de pËlerinage de ceux qui síaiment. Ils vont síy asseoir cÙte ‡ cÙte, se jurent amour et passion, et la lÈgende affirme que leur union reste heureuse. ª
-
Cíest trËs beau, fais-je en caressant le~ lËvres de sa chatte. Et il se trouve dans quel bled, ce fameux banc si romantique?
-
A Morbac City.
Je reprends la loupe et, effectivement, quanci on sait le nom que je cherchais, on finit par le dÈtecter sur le clichÈ.
Je míattarde sur le visage de Martine. Síagis. sait-il díun ´ pËlerinage ª?
Elle avait une gueule si dÈsenchantÈe! Líhomme dont la main est posÈe sur son genou Ètait-il son amant? Pourquoi ne le voit-on pas? Jíimagine que cíest lui-mÍme qui a pris la photo avec un appareil ‡dÈclenchement retardÈ, montÈ sur trÈpied, et quíil aura mal cadrÈ la future photo. Il a une main de plouc, ce gus, large, rude, velue, avec des ongles plus ou moins nets, taillÈs en carrÈ. Pas du tout la paluche du gazier pour lequel tu te pralines le chignon ‡ force de trop díamour!
-
Une amie ‡ vous? me demande Angela.
-
Non : au vieux mec ‡ la grosse queue que jíaccompagne.
FOœRIDON ¿ MORBAC CITY 89
II
est venu la chercher?
Elle est morte. Avant de dÈfunter, elle a testÈ en sa faveur.
Riche?
Une bicoque ‡ Venice.
Elle ne comprend pas trop bien pourquoi je dÈtaille cette image avec tant díintÈrÍt, mais en femme bien ÈlevÈe, quoique amÈricaine, síabstient de míen demander davantage.
Pour couper court, je fais sauter le bouton de son śhort de pyjama ª. Le menu vÍtement glisse sur ses jambes lisses comme la goutte díune bougie sur la bougie. Díun mouvement doux, elle caresse ma nuque; gÈnÈralement, ce sont les hommes qui ont ce geste pendant que les gonzesses leur pompent le noeud. «a marque la reconnaissance. Et puis il permet de contrÙler le rythme, díinflÈchir ou díaugmenter la vitesse de la gloutonne.
Je quitte le fauteuil pour líenlacer, passe mes mains sous sa veste flottante. L‡, jíai touchÈ le gros lot, mon petit! FermetÈ et veloutÈ se conjuguent. Les loloches ont ´ de la main ª. Nous Èchangeons un lent et ardent baiser. Pas du tout du baiser de fÍte foraine, espËre! On parvient ‡
faire un noeud avec nos deux langues, ce qui est peu commun. Ensuite, on est obligÈs de le dÈlier avec les doigts.
Lorsque jíai repris ma respiration, je n~1rmure Cíest la divine surprise, Angela, car je níavais pas líimpression díÍtre votre genre, tant vous me battiez froid.
A cause du boss. Il ne peut supporter une
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collaboratrice qui regarde un homme ou, fortiori, lui sourit.
-
Il est jaloux?
-
Terriblement, mais pas de la maniËre que vous pouvez croire. Son brain-trust doit lui rester exclusif, au mÍme titre que sa brosse dents ou son stylographe.
-
Jíai rencontrÈ díautres hommes comme lui. Donc, en son absence, vous vous dÈfoulez?
Elle rebiffe
-
Je ne suis pas une refoulÈe!
-
Je veux dire que vous envoyez la ceinture de chastetÈ aux p
‚querettes?
Mais ‡ quoi bon bavasser? Níavons-nous pas mieux ‡ faire, CÈsaire?
-
O˘ allons-nous? demandÈ-je. Dans votre chambre ou dans la mienne?
-
On reste ici.
Comme cette dÈcision me surprend, elle ajoute
-
Toutes les chambres sont ÈquipÈes de vidÈos enregistreuses.
-
Charmant.
-
Le boss a un go˚t marquÈ pour le voyeu nsme.
-
Alors, il doit Ítre empÍchÈ du calbute!
-
Oh! non, laisse-t-elle Èchapper, ce qui en dit long comme le Chili sur ses relations avec le fameux produc.
Elle rougit de sa bÈvue, ce qui lui va bien Moi, pratique, de dÈgager les objets disposÈs sur le burlingue. Je place ensuite le vaste sousï main de cuir dans le sens de la longueur afin de lui constituer un matelas, puis rÈquisitionne le FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 91
coussin díun fauteuil en guise díoreiller. Toujours veiller ‡ ce quíune dame ait ses aises quand elle se trouve én dÈlicatesse ª avec toi. Les mecs qui fliquent une soeur dans la paille díune grange ou sur une fourmiliËre voient leur cote baisser ‡ toute pompe. Panard, pas panard, leurs partenaires dÈtestent emmagasiner des brins de paille dans leur chatte ou se faire piquer les noix ‡ líacide formique par des hcstioles aventureuses.
Lorsque la couche est prÍte, jíy fais síallonger Angela. Je reprends ma place dans le solide fauteuil recouvert cuir, place les pinceaux de ma derniËre conquÍte sur chacun des deux accoudoirs et y vais de mon Te Deum.
Les Etats-Unis díAmÈrique Ètant ce quíils sont, elle devient francophile.
Bon, je te concËde que cíest souvent gÍnant, mais jíaime les gerces bruyantes en amour, ‡condition toutefois que Áa ne soit pas du chiquÈ.
La vache! Elle doit pas se faire reluire souvent avec une telle intensitÈ, la chÈrie! «a rameute dans Malibu! Elle peut pas contenir, GÈgËle! Son panard, faut quíelle le crie au monde, comme un coq crie líaurore! Quel merveilleux chant de liesse! Cíest la nature tout entiËre, immense et radieuse, qui síexprime par s~ gorge. Pour une simple minouche, tu te rends compte?
Jíai pas le temps de sauter dans le train en marche! Elle arrive dÈj‡ ‡
destination. Cesse de spasmer, de sí p‚mer, de hurler.
92 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
VÈry bioutifoulesque! dÈclare BÈruriet depuis la lourde.
Il
se pointe, tel un jouteur, la lance en avant~ Lui, la chair fraÓche líattire comme une cha rogne le chacal. Son panais grand sport dÈlivr~ des acquiescements prometteurs avec sa gross~ tÍte casquÈe.
-
Jí mí croive dans un film dont jíai visionn~ sur Canal plus : ´ Le con, la broute et 1í trot rond. ª Pas triste! Une superbe production Tíarrivais pas ‡ compter les bites, comme dan líT.G.V. tíarrives pas ‡
compter les poteaux. E ces petits culs esquis! Lí marchÈ aux frometon en níHollande, quand ils les empilent pour fain des pyramides. Tu ní finis pas, madímíselle Antoine? Justí uní rÈgalade ‡ la menteuse Cíest pas ton style, mec! Si tu permettrais, jí~ donnírais estrÍment volontiers des nouvelle dí Coquette! Díautant quí tu lías prÈparÈ dí premiËre pour un empl
‚trage mÈmorabí.
Díun haussement díÈpaules, je lui indiqw quíil peut jouer son va-tout avec mon absolu tion.
DËs lors, il Ècarte le fauteuil pour prendre s place. Sa rude main en berceau fait sautiller soi membre qui níest pourtant pas ‡ ranimer.
-
Mande pardon, mímímzelle, roucoule li galant, je puis-je-t-il vous proposer un píti coup dí cítí engin ‡ soulíver les camions Croiliez-moi, cíest pas du surgelÈ!
-
Noooo! crie Angela, brusquemen dÈlÈthargÈe. Go out!
Le Mastard se tourne vers moi.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 93
Serait-ce-t-il quíelle sírait pas díaccord? síinquiËte le cher homme.
Il
y a de Áa, conviens-je. Elle te prie de rur.
Il
bougonne:
Tu croives normal, Sana, quíune morue tíchassasse en ayant les cannes ‡
líÈquerre et la moulasse plus espongieuse quí 1í marais Poitevin? Tí sais quíy ne savent pas vivre, ces Ricains. Cí serait, ÈtÈ une FranÁaise, comment quíelle allait míÈtouffer 1í mandrin! Jamais zíune quíaye refusÈ
effrontÈment; mÍme celles qui mí redoutaient les dimensions acceptaient quí
nous fissions un bout díessai, au beurre ou ‡la margarine!
Son courroux est si vif quíAngela síemporte de toute urgerie dans ses terres. La domesticitÈ stagne dans le couloir, inquiËte. Elle lui explique que BÈrurier a tentÈ díabuser díelle mais que, heureusement, je suis hÈroÔquement intervenu pour la sortir des Ètreintes du gorille rendu fou, probablement, par son allergie aux plantes tropicales.
Bruce, le majordome, demande síil doit appeler la police, mais Angela dit que non : la crise est passÈe; elle síenfermera dans sa chambre.
Heureusement, le Gros nía pas perÁu les accusations de la perfide.
~EcúurÈ, il dÈcide de confier ses ´ tourments charnaux ª ‡ la poupÈe gonflable dont sa chambre est Ègalement pourvue et qui líexcite ‡outrance car il lui trouve un air de ressemblance avec Mmc ´ Gorgina du Foie ª.
94 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
On pouvait espÈrer que la nuit síÈcoulerait calmement aprËs les aventures et avatars ci-dessus narrÈs, mais ouichtre, comme on dit en Auvergne. Fume, mon con! Tu connais la loi des chÈries? Eh bien, Áa!
DËs lors que je me faufile dans les bras de MorflÈ (comme dit le Puissant), des hurlements made in ce dernier me dÈsenchevÍtrent. Líoeil cloaqueux, la bouche amËre, le sexe bnmbaï lant, je me rue jusquí‡ líappartement de mon pote, fais sauter díun coup des pÙles le dÈlicat verrou de bronze ouvragÈ
et pÈnËtre en trombe (díEustache) dans la chambre.
Il livre un dur et singulier combat, le gros bougre! Pas contre des moulins
‡ vent, ‡ líinstar de Don Quichotte, mais contre une ´ partenaire ‡ vent ª.
En loque-hure-rance, la poupÈe gonflable quíen dÈsespoir de cause il projetait díÈtreindre.
Je comprends illico (et je devrais dire plutÙt dard-dard) líampleur de la catastrophe. LíÈnormitÈ du pÈnis engagÈ dans le charmant robot a dÈtraquÈ
celui-ci. Líappareil síest emballÈ, happant la virilitÈ de mon pote ‡ tout berzingue, testicules compris. Le levier de commande est restÈ dans la main du forcenÈ. Il tente dÈsespÈrÈment de crever sa maÓtresse de caoutchouc, mais ledit est de qualitÈ plus que supÈrieure!
Et la vaginalitÈ artificielle de la poupÈe síactive comme les pales díun mixeur au plus fort de sa puissance. «a pue le cramÈ, la surchauffe, le cochon br˚lÈ. Alexandre-BenoÓt nía plus la force de crier. Il vagit! Moi, je
FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
ceinture sa partenaire en folie. Je tire, mais la queue du Mammouth suit.
Une fois de plus, cíest la grosse rappliquade du personnel, du majordome, puis díAngela. Bruce qui comprend la nature de líaccident regrette que le gars chargÈ de líentretien des poupÈes soit en vacances aux CaraÔbes.
Existe-t-il un service de dÈpannage ‡ Los Angeles?
Pinuche radine ‡ son tour, alertÈ par la brouhahance gÈnÈrale. Tu connais son calme, ‡CÈsar! Il considËre la scËne tragique : ce pauvre BÈrurier, totalement soulevÈ de terre et qui pend par la queue, comme un fruit.
-- Il faudrait un couteau bien aff˚tÈ pour pouvoir lui trancher le sexe au ras du ventre! prÈconise le vieux zob dÈfraÓchi.
- Non on on on !... l‚che BÈrurier en síÈvanouissant.
Alors, mÈzigue, brusquement líidÈe (en anglais idea).
Je prends en bouche un tÈton de Miss HÈvÈa et tente de le cisailler avec mes dents. «a ne fait que produire un crissement insupportable ‡líouÔe (et aussi ‡ Louise, líune des femmes de chambre, laquelle se calfeutre les portugaises).
Mes incisives tentent díinciser, en vain! Puissance de líincident qui renouvelle le gag de ´ líapprenti sorcier ª. Líhomme dÈvorÈ par sa crÈature! Je finis par renoncer, mais une autre idÈe (en anglais, toujours idea) succËde ‡ la DremiËre.
Ton briquet! enjoins-je ‡ la Pine, vite! Il court le quÈrir dans sa chambre proche.
96 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Jíactionne la molette : flamme de quarante centimËtres! Je place ladite sous les miches rebondies de la poupÈe gonflable. Au bout díun peu, le caoutchouc brunit. Et soudain, cíest líexplosion. Terrible! A quel gaz Ètait-elle gon. flaga, cette poupÈe díamour? Le souffle nous couche sur la moquette qui, heureusement, est Èpaisse comme une tranche de pudding. La poupÈe perfide níest plus quíun petit tas de prÈservatifs dÈchiquetÈs et son appareillage tordu semble dÈrisoire parmi ces reliefs.
BÈrurier gÓt dans les dÈcombres. PÈnible regarder, sa chopine níest plus que la trompe sanguinolente díun ÈlÈphant qui se la serait fait happer par un caÔman. Pourra-t-on la lui rÈcu~ pÈrer? Prions! En tout cas, elle ne sera pas opÈrationnelle avant lurette!
- Allez lui chercher du vin rouge, beaucoup de vin rouge! ordonne Pinaud ‡
Bruce. Ainsi que du sucre, beaucoup de sucre. Il boira une partie du vin et nous sucrerons líautre dans un vase afin quíil puisse prendre un bain de sexe. II síest dÈj‡ soignÈ ainsi lors díune Èruption díherpËs et deux blennorragies, cíest miraculeux!
Le Mastard rouvre les yeux; probablement parce que son subconscient a captÈ
le mot
´ vin ª?
Apercevant Angela, il líapostrophe
- Tu voyes, salope, o˘ cí quí Áa mËne quand tu rípousses líhomme au lieu dí
1í morfler dans les miches comme eusse fait uní dame dí la bonne sociÈtÈ?
Puis, ‡ moi.
FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY 97
Si tu voudras quí jí tí dise, grand, moi et mÈrique, on níest pas compatibes. Ils ont des es dont jí te jure! Comme leur combine vouloir mí
greffer un cul dí singe, jí tí mande un peu! Si jí les aurais laissÈs faire, Lurais líair malin, maintínant!
Cíest l‡ que la capiteuse sonnerie du tÈlÈ~ne retentit dans líimmense demeure et on vient me prÈvenir que la communication t for me.
-
JíÈcoute?
Une voix amoindrie murmure
-
Mister San-Antonio?
-
Tout ‡ fait. Qui est ‡ líappareil?
-
James Smith.
-
Quelque chose qui ne va pas?
-
Je viens díen prendre plein la gueule!
-
Une mauvaise nouvelle?
Une grÍle de coups de matraque.
Díun flic?
Non; de deux types en smoking. Vous
ez venir?
Bien s˚r. O˘ Ítes-vous?
RÈsidence Tequila, sur Sunset Boulevard,
prËs de Beverly Huis. Faites vite!
Le temps de sauter dans mon pantalon abord, puis dans une bagnole ensuite et je me inte!
~Ftudis, tÙt fait!
Angela ‡ qui je demande de me prÍter le auffeur, me dit quíelle va me piloter elleme, ‡ bord de sa vieille Mercedes dÈcapoble, parfaitement entretenue.
98 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Chemin faisant, elle míannonce quíelle ~ faire jouer líassurance pour la bite de BÈni, I maison qui a ÈquipÈ les chambres en poupÈ~ gonflables est responsable et devra casque Selon elle, une bite pareille doit valoir plus díu million de dollars.
Je lui assure que nous níavons pas líespr chicanier et que nous ne rÈpondrons pas líhospitalitÈ par un procËs.
Elle me rÈtorque que je suis un gentleman que je pourrais Ítre anglais.
Je lui rÈponds que je prÈfËre níÍtre quíuii imitation de gentleman et rester franÁais ca:
entre nous, líAngleterre, de nos jours, hein?í a plus de quoi pÈnÈtrer nuitamment dans la ca~ de la mËre Zabeth number two pour la regard roupiller.
Elle en convient.
6
CHAPITRE …SOT…RIQUE IN VERS…
Líinterminable Sunset Boulevard (100 km) dÈveloppe ses lampadaires ‡
líinfini. La voie est large, bordÈe de luxueuses propriÈtÈs cachÈes derriËre des frondaisons luxuriantes (et o˘ se pratique la luxure). AprËs quarante minutes de tire, on se pointe ‡ la villa Tequila, extrÍmement ravissante.
Une grille peinte en vert bronze, une large pelouse sur laquelle des soldats rouges et bleus, de je ne sais quelle armÈe díopÈrette, sont figÈs dans une manoeuvre qui pourrait Ítre britannique. Au-del‡, une grande maison cubique, blanche, avec des briques vernissÈes autour des ouvertures.
Cíest l‡ que líultime Smith coule ses heures de repos. Il y a de la lumiËre plein líintÈrieur.
Jíactionne le timbre de líentrÈe et la grille s ouvre. Depuis icelle, jíaperÁois líami James sur la terrasse, qui míattend. A mesure que je le gagne, je constate quíil est dans un fichu Ètat. Il Ètait en pyjama de soie blanc, ‡ revers gansÈs de noir, lorsquíon lía agressÈ. Sa gueule est en compote et son vÍtement de nuit plein de sang.
100 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
Merci díÍtre venu! míÈcrie-t-il du loin.
Son pif a doublÈ de volume, ainsi que
bouche et ses pommettes.
Il
tient un grand verre de scotch ‡ la main síen tÈlÈphone quelques centilitres ‡ tout tant. Il nía pas essayÈ de nettoyer ses pi probablement pour se montrer ‡ moi dans son dÈnuement physique. Je le trouve pim courageux, ce mec. Combien, dans son Èt~ auraient dÈj‡ rameutÈ la police et se serai fait driver dans une clinique o˘ se pratique chirurgie plastique?
BrËve prÈsentation díAngela.
Il
nous fait pÈnÈtrer dans un grand living. Ètendu une serviette de bain vaste comme place de la Concorde sur un canapÈ recou~ de chintz blanc pour Èviter de le souillei on lit des traÓnÈes sanglantes sur la moque claire.
-
Ils ne míont pas fait de cadeau murmure-t-il avec des lËvres bien plus
que celles de JÈrÈmie Blanc.
-
Cíest le moins quíon puisse dire. Vous racontez?
Il
ne se fait pas prier
-
Je venais de míendormir aprËs visionnÈ une cassette hard quand mon phone a sonnÈ. Un homme se recomma de vous mía dit que vous deviez me voÓ~
toute urgence pour une question de vie ou mort et que vous alliez arriver chez moi ques minutes plus tard. En effet, un ci díheure aprËs cet appel, on a sonnÈ ‡ la gr
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 101
Jíai ouvert et aperÁu deux hommes en smoking qui se dirigeaient vers la maison; líun deux Ètait grand et, dans la nuit, je líai pris pour vous.
Ćíest ‡ la derniËre minute que jíai compris quíil ne síagissait pas de vous, mais, cíest stupide ‡ dire, le fait quíils Ètaient en tenue de soirÈe mía mis en confiance.
´ Je les ai fait entrer. Alors, sans un mot, ils ont tirÈ de leurs pantalons des matraques noires et se sont mis ‡ me frapper comme des malades. CíÈtait si soudain et si inattendu que je níai pu rÈagir. Jíignore si cíest cela, un passage ‡ tabac, toujours est-il que je ne savais plus ce quíil míarrivait. Il y avait plein díÈtoiles dans ma tÍte. Ils frappaient avec une telle violence quíau bout díun moment je me suis ÈcroulÈ.
Álors ils ont cessÈ de cogner et attendu que je retrouve mes esprits.
Quand ils ont vu mon regard lucide ‡ nouveau, le plus grand mía dit
´ - Voil‡, il y a deux solutions. La premiËre, on vous pose quelques questions. Si vous y rÈpondez, on vous laisse comme Áa. La seconde, vous ne rÈpondez pas, et on vous achËve; cíest simple et net, non? ª
´ Jíai rÈpondu quíen effet. ª
- Et cíÈtait quoi, les questions? ne puis-je me retenir de demander, tant tellement je suis avide díen apprendre davantage.
Le type mía dit:
Cíest vous qui avez rÈglÈ la succession díune fille nommÈe Martine Fouzitout, demeurant ‡ Venice? ª
Jíai rÈpondu ì oui ì. Il a poursuivi
102 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
´ - Cíest un vieux type qui a hÈritÈ sa maison? ª
´ - Effectivement ª, ai-je rÈpondu.
Íl síest agenouillÈ prËs de moi et a placÈ sa matraque en travers de mon cou. Il la tenait ‡deux mains de chaque cÙtÈ de ma gorge, et appuyait; Áa míÈcrasait le larynx.
´ - Comment se fait4l que le grand patron de la police parisienne et deux autres flics de l‡ bas líaccompagnent? ª
´ Jíai dit que vous Ètiez des amis de FÈli Legorgeon. Que ce vieil homme Ètait un peu cÙtÈ de la plaque et que vous líassistiez. Alors ils se sont remis ‡ me cogner dessus en disant que je me foutais díeux et quíun homme de votre importance ne fait pas douze mille kilo~ mËtres pour tenir la main díun vieux dÈbris qui hÈrite une baraque de guingois dans le quartiel nÈgro de Venice. Il a ajoutÈ que vous furetie2 partout ‡ propos de la FranÁaise morte, quíest-ce que Áa signifiait cet intÈrÍt?
´ Que vouliez-vous que je leur rÈponde ~ MalgrÈ ma physionomie en compote, jíai tentÈ de faire bonne figure. Je leur ai expliqu~ calmement que jíÈtais notaire, dÈpositaire díun testament. Quí‡ la mort du lÈgataire jíavais informÈ líayant droit, comme jíen avais le devoir, et que je níy pouvais rien síil síamenait avec le chef de la police parisienne ou mÍme le prÈsident de la RÈpublique franÁaise. Que mon mÈtier consistait ‡ rÈdiger des actes, et pas ‡míoccuper des gens quíun hÈritage passant par mon canal concernait.
´ Je devais avoir des accents de sincÈritÈ ca FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 103
au lieu de reprendre leurs sÈvices, ils míont posÈ díautres questions ‡
votre sujet. ª
- Par exemple?
- Ils míont demandÈ si vous míaviez annoncÈ votre qualitÈ? Jíai rÈpondu affirmativement. Ensuite, ils ont voulu savoir ce qui vous intÈressait chez la femme Fouzitout; je leur ai rÈpondu que, selon moi, cíÈtait sa vie aux States et probablement aussi, sa mort. Ils ont continuÈ de míinterroger un bon moment encore : ´ - Aviez-vous dÈcouvert des ÈlÈments concernant líexistence de la fille ‡Venice? ª Jíai dit quí‡ ma connaissance, vous níaviez rien trouvÈ. ´ - Et ailleurs? ª ont-ils insistÈ. Jíai rÈsolument rÈpondu que je ne savais rien de plus, que cette affaire Ètait pour moi une affaire comme les autres et que síil existait des implications qui les dÈrangeaient, ils níavaient pas ‡ síen prendre ‡ un notaire qui ne faisait que son mÈtier, mais quíils síadressent ‡ vous directement. En toute l
‚chetÈ, je leur ai communiquÈ votre adresse ‡ Malibu, mais ils semblaient la connaÓtre dÈj‡.
Álors, ils ont discutÈ un moment, ‡ líÈcart; puis le grand mía dit:
´ - Bon, nous allons vous laisser. Une supposition que vous ne prÈveniez pas la police, peut-Ítre que votre Ètude et votre belle maison ne br˚leraient pas. Pour la clinique, dites que ~?ous Ítes tombÈ dans líescalier! ª
´ Voil‡, cíest tout. AprËs leur dÈpart jíai bu un bourbon, rÈflÈchi quelque peu et dÈcidÈ de vous informer, vous, de ce qui venait de se passer. ª
104 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
Vous Ítes un homme magnifique, James! Merci et bravo pour votre attitude courageuse et habile.
Je lui en serre cinq.
-
Maintenant, il faut vous soigner. Nous allons vous transporter ‡
líhÙpital; vous connaissez un endroit top niveau pour vous y faire rÈparer le portrait?
-
Laissez! tranche Ange la, on va le conduire ‡ la clinique que finance ChestertonLevy.
Il
en est tout joyce, Smith.
-
Vous vivez seul ici? míÈtonnÈ-je.
-
Je suis en instance de divorce ma femme est partie avec son kinÈsi et la femme de chambre noire dort au-dessus du garage; elle nía rien entendu.
-
Vous voulez bien me dÈcrire trËs complËtement vos agresseurs, James? Car vous níavez pas líintention de mettre la police díici au courant de vos tribulations, je pense?
-
Je prÈfËre pas, avoue Smith, tout penau je ne crois pas beaucoup ‡
líaction prÈventi
de vos confrËres, sans vouloir vous vexer.
*
**Quand le digne garÁon est installÈ dans um chambre de rÍve entre les mains díinfirmiËres de nuit dont la splendeur ferait chialer les pensionnaires de mon ami Bernardin (1), je me retrouve seul avec líadorable Angela. La fati FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 105
gue pËse sur mes reins et un sommeil de grosse consommation me lutine les paupiËres.
-
Vous avez une existence mouvementÈe, dÓt-
~1le
Pas mal, merci.
!ëour refroidir sa curiositÈ chauffÈe ‡ blanc, je lui campe un rÈsumÈ suce-sein de cette aventure franco-rjcajne.
Ainsi vous Ítes le patron de la police parisienne?
Pour líinstant, oui. Mais je sens que si je continue díarpenter la planËte pour rÈgler les affaires de mes amis, on me trouvera prochainement un remplaÁant. Mes maniËres ne sont pas assez orthodoxes pour mes fonctions; heureusement, le prÈsident de la RÈpublique mía ‡ la bonne. Seulement, les prÈsidents passent et les flics demeurent.
Elle promËne sa main dÈlicate sur ma braguette qui líest aussi.
Que faisons-nous, nous rentrons?
Bien s˚r, ma chÈrie, je vous ai suffisamment volÈ de temps de sommeil comme cela. Elle dÈmarre, quand voil‡ ton Santonio-jolidíamour qui pousse un cri, comme de coÔt. Angela pile.
Quoi donc?
Une idÈe vient de me traverser le caberlot, ma douce. Vous voulez bien me cfl~poser ‡ une station de taxis?
Alors l‡, elle pouffe.
Une station de taxis! Vous vous croyez en
~e? O˘ voulez-vous aller?
Westchester.
106 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-O.K.!
Tant de complaisance me comble. Tu
rends compte? Une fille que jíai seulement broutÈe et pas encore fliquÈe?
Que sera-ce quand je lui aurai mis les doigts de pieds en bouquets de violettes!
- Je ne peux accepter, mon amour. Vow avez besoin de repos. Demain le big rentre et pas un bouton de guÍtre ne devra manquer ‡votre culotte!
Elle sourit.
- Il míest arrivÈ de passer des nuits dans des boÓtes avec des gens qui me faisaient horreur níayez aucun scrupule.
Nous voil‡ partis pour la modeste paroisse Iíencore plus modeste pËre Machicoule.
Pendant quíelle pilote, je lui fais les bouts ae seins, histoire de meubler. Je sais des connards qui font Áa avec le pouce et líindex, comme síils cherchaient une station sur leur radio de bord~ Tu parles de pauvres dÈmembrÈs! Les bouts de seins, gamin, sache-le, une bonne fois, Áa se fail du plat de la main trËs lentement frottÈ sur le tÈton de la dame.
Tíeffleures ‡ peine. «a doil rester presque magnÈtique. Au bout de rien la vois bourgeonner des nichebars, ta greluse Les soupirs de ma soeur Anne!
Quand tías líimpression quíelle a les
díogives en iridium, tu continues avec la poÔnte de la menteuse. Un frÈtillis imperceptible. Y a pas de voluptÈ sans lenteur diabolique, au dÈpart; en tout cas, le suÁotement níintervient quíen phase terminale et encore doit-il restel
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 107
trËs rel‚chÈ. Surtout ne chique jamais au nouveau-nÈ affamÈ. OpËre-la dans un nuage. Tout dans le moelleux! Puis tu pars en investigances avec ton ÈmÈrite langue! Elle flËche le parcours du combattant; níÈvite rien : líestomí, le nombril (divine oasis), la broussaille, le marÈgo. Tout bien jusquí‡ ton terminus o˘, dËs lors, tu te fous au turbin.
Angela murmure:
- Si vous continuez, je vais devoir míarrÍter.
Parce que je suis pressÈ, jíinterromps mes savantes agaceries. Magine-toi que je me fais du souci pour le pËre Machicoule. Les agresseurs de James Smith Ètaient si parfaitement au courant de mes faits et gestes quíils ont d˚ savoir ma visite au religieux. De l‡ ‡ aller le ´ questionner ª ‡ mon propos, lui aussi, y a que la distance de Sunset Boulevard ‡ Westchester!
Quand on dÈboule ‡ la cure, un chat furtif et papelard, la queue en rince-bouteilles, les yeux phosphorescents, sort de la porte restÈe entrouverte pour une balade de gouttiËre nocturne.
Je ne líavais point aperÁu lors de ma visite diurne, ce minet. AprËs avoir poussÈ le battant, je pÈnËtre dans le modeste logis, le coeur Ètreint díune affreuse apprÈhension, comme on Ècrivait autrefois dans des romans fasciculaires destinÈs ‡ envelopper des oeufs.
Je t‚te le mur, prËs de líentrÈe, trouve un mmutateur et líactionne.
Mon apprÈhension cesse, comme toujours devant la rÈalitÈ. Grace, la grosse Noirpiote,
lÙmÈe Ës pipes, est Ètendue sur la table, en 108 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
croix de Saint-AndrÈ. On lía b‚illonnÈe avec une serviette de bain, ce qui revient ‡ dire quíelle est morte ÈtouffÈe. Les agresseurs se sont livrÈs sur la malheureuse ‡ une voie de fait inqualifiable : ils lui ont enfoncÈ
dans le frifi une matraque enveloppÈe de papier auquel ils ont ensuite mis le feu. Tu juges des dÈg‚ts ?. Son bas-ventre est br˚lÈ : ses poils crÍpÈs, les lourdes lËvres de son sexe, les chairs dans toute cette zone dÈlicate.
Angela pousse une espËce de gÈmissement et síÈvanouit.
Je la rÈcupËre tant bien que mal, la sors sur le banc du jardinet et cours chercher une quille de bourbon, l‡ o˘ jíai vu que le pËre rangeait sa gnÙle. Une solidÈ gorgÈe ingurgitÈe de force la fait tousser et la ramËne aux sinistres choses díici-bas.
- Restez l‡ et attendez-moi un instant, chÈrie, je ne serai pas long!
promets-je avant de rentrer dans la cure.
Il est sur son plumard, Machicoule, vÍtu díune liquette de toile et díun caleÁon long comme mon papa en portait líhiver.
On lía ravagÈ díun coup de bambou terrifiant sur líocciput. Le gazier qui lui a fait ce coup du rabbit níy est pas allÈ avec le dos de líaccu hier.
Te lui a cigognÈ le cervelet, les cervicales et autres bricoles dans une conjugaison Èpoustouflante de ses biscottos.
En bon catholique romain, je me signe devant sa dÈpouille de prÍtre et, les cannes fauchÈes, me dÈpose en ahanant sur un vieux FOIRJDON ¿ MORBAC CITY 109
prie-Dieu dÈpaillÈ. Je míadresse un discours impromptu:
´ FÈlicitations, Antoine, tu lías tout de suite senti que cette histoire Martine Fouzitout níÈtait pas catho! Tíaurais tout de mÍme pas imaginÈ
quíelle baignait dans le sang! Que bricolait-elle ‡ LíOs-en-gelÈe, cette Ètrange gonzesse? A quelle louche activitÈ se livrait-elle? Fallait-il quíelle dÈtienne des secrets (ou des intÈrÍts) importants pour quíun tandem (sinon davantage) de tueurs exÈcutent un tel rodÈo. Fais trËs gaffe ‡ tes osselets, gamin, car Áa va chier des bulles carrÈes pour ta pomme! A tout instant Áa risque de tíÈclater en pleine poire. En ce moment, ta belle existence ne pËse pas lourd dans ce patelin de forbans. Ils deviennent de plus en plus bizarres, les Ricains! ª
Je mate le chapelet ‡ gros grains accrochÈ ‡un clou, contre le mur blanc de la chambre. Machicoule devait le porter sur lui, la journÈe, et le mettre au clou, prËs de son humble pucier, avant de se coucher. Les petites boules de buis sont usÈes par le frottement des doigts. Il a d˚ beaucoup servir.
JíhÈsite, puis míen empare une relique cíest toujours bon ‡ engourdir. Il en a plus rien ‡ fourbir, ‡ prÈsent, de son rosaire, Raymond.
Le crucifix díargent accrochÈ au chapelet est trËs beau, inspirÈ sans doute díun christ Renais~ance. Cet instrument de priËre doit possÈder une certaine valeur car cíest un bel objet. Díorigine espagnolisante, je gage.
Il lía peutÍtre achetÈ au Mexique, le vieux curÈ soiffard.
Ce qui a eu lieu chez lui remonte ‡ plusieurs 110 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
heures, car les corps sont tiËdes. A mon avis, on a molestÈ la gouvernante noire pour contraindre le pËre aux confidences. Mais que pouvait-il savoir quíil ne míaurait confiÈ?
Dans la chambre, il ne síest passÈ quíun coup de gourdin monumental. On a demandÈ ‡Machicoule de síÈtendre ‡ plat ventre et líexÈcuteur des basses oeuvres lui a placÈ sa botte secrËte ‡ líaide díun goumi spÈcial : en acier flexible gainÈ de cuir et non de caoutchouc. Une arme terrible dans la main díun spÈcialiste, pas du tout le genre gourdin de C.R.S. comme celui quíon a plantÈ dans le vagin de ma copine Grace et qui a partiellement br˚lÈ.
Jíexamine le sol ‡ la lumiËre de ma loupiote de fouille, des fois que, dans le feu de líaction, le meurtrier aurait perdu un índice providentiel ª, comme dans les polars de la mËre Gaga Christie; mais je tíen fous!
Au livinge cíest aussi peine perdue. Pas de mÈgots de cigarettes, de montre au bracelet cassÈ, de pochette díallumettes portant líadresse díun bar ou díun restau. Rien dans les mains de la morte : ni cheveux ni bouton ayant appartenu ‡ ses tortionnaires.
Je sors pour rejoindre Angela qui grelotte sur le banc et líentoure de mon bras invaincu, et provisoirement invicible.
- Partons! lui dis-je en la pressant fortement contre moi, espÈrant ainsi lui communiquer un peu de mon indomptable Ènergie.
- Vous níalertez pas la police? demande-telle.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 111
mes confrËres díici, ils vont me pomper mon temps et ma libertÈ pour remplir des questionnaires ‡ níen plus finir, me garderont comme tÈmoin, et vous aussi. Moi, jíai mieux ‡ faire.
Elle opine, convaincue par mon argument.
*
**Il est pas loin de quatre plombes of the morning quand nous sommes de retour au palais.
Angie (cíest comme Áa que je la nomme maintenant) est díune blancheur que tout autre romancier populaire qualifierait de ćire ª, mais que moi, si talentueux, je dirais ´ de cierge ª, pour renforcer la connotation funËbre de la cire. Je la surprends mÍme ‡ claquer des ratiches.
- Vous avez pris froid? demandÈ-je, plein de sollicitude.
- A lí‚me, murmure-t-elle joliment. Cette malheureuse femme, ÈcartelÈe sur la table avec... Seigneur! je ne líoublierai jamais.
Elle soupire
- Cela vous ennuierait de dormir avec moi? Je suis si bouleversÈe...
- Avec bonheur, ma chÈrie. Dans votre chambre ou dans la mienne?
- Dans la mienne, si vous le voulez bien. Et cíest ainsi quíelle míentraÓne dans une piËce toute rose : murs, rideaux, literie et meubles compris.
Nous Èclusons deux Gin-tonic chargÈs comme des mulets de contrebandiers espagnols,
112rn FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
nous nous dÈvÍtons et je demande, dÈsignant le pimpant plumard trËs froufrou
-
Je prends b‚bord ou tribord?
-
Le milieu, rÈpond-elle.
Je comprends la motivation de sa rÈponse quand ta voila qui se pelotonne ‡
mort contre moi, ‡ tel point que, mÍme avec des dÈmonte-pneus, on ne parviendrait pas ‡ nous sÈparer. On síendort brutalement, membres et souffles mÍlÈs, vaincus par líÈpuisement.
Je suis arrachÈ au nÈant par une sensation de voluptÈ profonde. Cíest la grande fÍte ‡ ma queue! Une fÈerie sensorielle si intense que je r‚le de plaisir avant que díavoir retrouvÈ mes esprits. Au bout díun instant, jíai le fin mot. Comme souvent, lorsque je suis trËs fatiguÈ, je me payais une asperge de premiËre classe. Elle Ètait si ardente et vÈhÈmente quíAngie en a ÈtÈ rÈveillÈe et que, soucieuse de ne pas laisser perdre une bandaison matinale aussi fÈroce, elle síest mise ‡ me chevaucher ‡ la langoureuse.
Une merveille! Je níai pas ‡ intervenir, juste ‡ subir ce doux viol en conservant la bite roide. VoluptÈ de fainÈant, certes, mais jíai bien le droit de me laisser exploiter la grosse veine bleue de temps ‡ autre, non?
AprËs tout, cíest mon zob et je peux le prÍter ‡ cette fille serviable pour quíelle en use ‡ sa guise, comme disait Henri III.
Ma chËre Angie est ‡ ce point surexcitÈe quíelle part au fade en moins de temps quíil níen faut ‡ un collÈgien pour Èternuer dans son FOIRJDON ¿ MORBAC CITY 113
mouchoir quand il síopËre de la main gauche (ou de la droite síil est gaucher!). Elle devait se trouver chauffÈe ‡ blanc quand elle mía enjambÈ
le gouvernail de profondeur.
Un peu ÈgoÔste sur les bords, elle me laisse quimper pour aller se rafraÓchir la frimousse australe, bien quíil níy ait pas díurgence. Et moi, le sevrÈ malgrÈ lui, de me demander si je vais pouvoir me rendormir aprËs avoir livrÈ mon perchoir ‡ perroquet aux nocturnes lubricitÈs de la blonde Ricaine. Je crains que non. La dorme, chez moi, est capricieuse. Solide lorsquíon la laisse courir líamble, mais ren‚cleuse quand on la perturbe (surtout de cette faÁon !).
Je consulte ma Pasha aux chiffres fluos. Elle prÈtend cinq heures douze, ne faisant par l‡ que son devoir. Il est trop tÙt pour se lever. Que ferais-je dans cette opulente demeure coloniale lorsque tout le monde roupille encore? Le parti le plus sage, cíest de regagner ma chambre et, puisque je níai plus sommeil, de me mettre ‡examiner de trËs prËs la masse de documents Èclectiques que nous avons ramenÈs de chez la Fouzitout.
Quand la belle Angie sort de sa salle de bains, la pelouse irisÈe comme aprËs líarrosage de líaube, je lui explique quíil est prÈfÈrable de nous sÈparer avant la sonnerie du clairon, díautant quíelle semble avoir rÈcupÈrÈ de ses affres4.
Elle admet, vient contre moi, onduleuse, me dit merci, me lËche le cou, míassure quíavant moi, nani nanËre, tout le boniment classique du style ´
Tíes pas le premier mais tu es le seul;
114 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
jíignorais tout de líamour avant de te rencontrer; un pÈtard ‡ fesses comme le tien mÈrite quíon soit venu sur terre pour se líenquiller dans la balafre, etc. ª
Elle míimplore de lui plomber ventÙse, aprËs lui avoir fliquÈ pluviÙse, mais je trouve que cíest pas líheure de prendre du chouette, aussi demeurÈ-je ferme sur mes positions et regagnÈ-je ma carrÈe, ma bite sous un bras, mon pantalon sur líautre.
Tu míaccordes quíavec mÈzigue, fils unique et prÈfÈrÈ de FÈlicie, Áa ne chÙme pas. Líaction et le cul tournent ‡ plein rÈgime.
Si je te disais que je ressens un contentement quasi organique ‡ me retrouver seul. Etre ‡líabri du parler díautrui, de ses ondes, de sa connerie ambivalente, de son regard jamais tout ‡ fait gentil et si souvent tout ‡ fait fÈroce! Ah! le Sartre! ´ Líenfer cíest les autres! ª Bien vu, Jean-Paul!
Je l‚che mon paquet de hardes sur le serviteur-muet. La flemme de mettre le futal au pressing ÈlectrifiÈ et la veste sur le cintre large comme de vraies Èpaules de jules. La limouille au sol, le slip idem, avec les mocassins. Le voil‡ JÈsus en plein, ton Sana, líarsouille. Le pÈnis passÈ
au blanc díoeuf scintille dans la lumiËre des savantes loupiotes. Me gratte les meules, comme le fait si volontiers BÈru, puis le dessous des roustons quíon níaÈre jamais suffisamment.
Alors quoi? Je me couche ou je travaille?
Un fÈcond comme moi choisit toujours le devoir.
FOIRJDON ¿ MORBAC CITY 115
Je vais donc chercher les trois sacs.
Nib! Ils ont disparu. Que signifie-ce?
Jíexplore les placards et implore SaintAntoine de Padova; mais rien!
Faut gamberger; tout comporte une explication, le plus lÈger mystËre.
Ces papiers auraient-ils ÈtÈ ÈvacuÈs par une soubrette venue faire la couverture et qui a cru que ces sacs de plastique bourrÈs de fafs Ètaient
~estinÈ~ ‡ la poubelle?
Líennui, avec les domestiques, cíest quíon les paie pour briquer notre existence, alors, comme parfois ils sont honnÍtes, ils en font trop. Et
‡force de nettoyer, ils dÈtruisent. Ils ignorent que leurs glorieux patrons cousus díor ont besoin de misÈrables petits riens quíils ne voudraient pas pour eux-mÍmes.
Peut-Ítre que Pinuche a eu envie de mettre son grain de sel dans notre provende afin de líÈtudier dans sa chambre?
On verra Áa tout ‡ líheure; dÈcidÈment, jíai trop besoin de dormir.
7
CHAPITRE C…ROF…RAIRE
La moitiÈ infÈrieure de BÈru (sa plus intÈressante) Ètant hors díusage, Harold J. B. Chersterton-Levy, reporta le tournage prÈcipitÈ de ´ Trois Zobs dans une brouetteª ‡ la semaine suivante pour laisser au Gros le temps díÍtre opÈrationnel. Je dÈcidai de mettre ce retard ‡profit pour aller enquÍter ‡ Morbac City, la fameuse agglomÈration o˘ se trouve ´ le banc des amoureux ª. Je trouvais cette romantique lÈgende trËs belle bien quíun peu cucul-la-praline; mais le peuple possËde un instinct infaillible quand il síagit de se fixer des hauts lieux Èmotionnels. Il chiale toujours ‡ bon escient, rÈservant ses larmes pour des conneries au lieu de les consacrer bÍtement ‡ des affaires de boÓtes-pipoles, de famine abyssine ou ‡ des tremblements de terre mexicains que je te demande un peu ce quíon en a ‡
branler, nous autres dont líÈchelle de Richter est en fonte renforcÈe!
Angela, bien que chagrine de me voir partir, arrange les bidons avec son boss pour quíil nous prÍte un de ses seize jets. Elle a, sur le magnat FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 117
du cinoche, un pouvoir qui me donne ‡ penser des choses fuligineuses. Míest avis que la toute belle doit marner du slip ‡ ses moments perdus; mais que celui qui ne lía jamais baisÈe lui jette la DremiËre capote anglaise!
dois inclure ici une information sans laquelle un esprit vÈtilleux comme le tien serait chagrin: je níai pas retrouvÈ mes trois sacs de documents arrachÈs de la maison de Venice. Pinaud ne les a pas pris et les domestiques nient Ènergiquement les avoir balancÈs dans le vide-ordures.
Dois-je en conclure quíon me les a chouravÈs? Je níose. Qui donc aurait pu síintroduire dans ma chambre aux insus de tous? Les tortionnaires-tueurs de la nuit? Ou alors ils disposaient díune complicitÈ dans la place. Le dollar est, aux States plus quíailleurs, une clÈ de papier qui ouvre toutes les consciences!
*
**Il est quinze heures dix, heure locale, quand le zinc de notre bienfaiteur nous dÈpose au petit aÈrodrome díHysterical Gold, dans líUtah, qui dessert Morbac City, distante díune vingtaine / de miles. Un soleil de plomb, gris et triste, Ècrase le paysage dÈsolÈ o˘ líombre de notre avion est la seule qui síimprime sur le sol. Tout est plat, sans vÈgÈtation. A líouest, une chaÓne de montagnes Ègalement blanches, mais il ne síagit pas de neige : cíest de la roche!
Le pilote a Ètabli son plan de vol avec la concierge du cousin germain de celui qui contrÙle le ´ terrain díaviation ª (comme on dit en Suisse) et elle a oubliÈ díen faire part ‡ qui de droit, car on ne voit personne dans le secteur.
- Good luck! lance le jet-driveur en envoyant les gaz.
Sa mission est remplie. II nous a chiÈs dans ce dÈsert, comme il en avait reÁu líordre, et se grouille de regagner líOs-en-gelÈe o˘ sa souris líattend pour une caiÁade expresse.
- Quel bled de merde! lamente BÈru. Y a lurette quíy zíont pas d˚ arroser les pelouses!
Brusquement, parce quíil est en grand dÈsarroi mental, le Marquis y va de son chant du coq. Celui-ci se rÈpercute dans le dÈsert et va mourir au loin.
L‡-dessus (biscotte le soleil, on prÈfÈrerait que ce soit l‡-dessous!), nous gagnons la construction en prÈfab, blanche comme le reste (ne manque plus quíun dominicain dans le paysage), histoire de vÈrifier síil existe un espoir de vie organique sur ce territoire, ou bien síil serait prÈfÈrable de se rabattre sur Mars?
LíaÈro-club est ouvert. Il mesure cinq mËtres sur six et se divise en deux parties líune servant de tour de contrÙle, líautre de salle díembarquement-bar. PrËs díun comptoir en Formica, ‡ líunique table, est avachie une grosse rouquine sans ‚ge, au visage ravagÈ par líalcool et les bubons. Ses cheveux flamboyants et gras pendent au-dessus de la table et jusque dans sa biËre.
- Hello! lui lancÈ-je.
Mais je ne lui fais mÍme pas broncher une paupiËre. Alors je passe dans le local contigu o˘
un type ‡ barbe dort devant des appareils crÈpitants, un casque díÈcoute sur sa tronche hirsute.
- Hello! relancÈ-je en mettant du guilleret dans mon intonation.
«a lui fait líeffet inverse de celui que jíespÈrais. Il pose son front sur son bras repliÈ pour une roupillade plus confortable et y va díun ronflement en comparaison duquel celui du zinc qui vient de nous cracher níest quíune respiration díadolescente masturbÈe.
Je míapproche et le secoue.
- Quoi, merde? Èructe-t-il (1).
Nía pas mÍme dÈverrouillÈ un lampion, ce vieux zob en tire-bouchon.
DÈcidÈment, la femme du bar et lui (probablement constituent-ils un couple?) sont nazÈs ‡ bloc. Je me dis que síil níy avait que ces deux-l‡
pour faire fonctionner Roissy-Charles-deGaulle, les ambulances ne sauraient plus o˘ donner du brancard.
Vaincu par líinertie, je vais rejoindre mes potes. Le TumÈfiÈ a pris les choses en main et, assistÈ du Marquis de service, met ‡ sac le rÈfrigÈrateur. Il distribue force biËres fraÓches, míen tend une que jíaccepte et síoctroie une boutanche de vin blanc de Californie ÈgarÈe dans cette aventure.
Je inusarde ‡ la recherche díun poste tÈlÈphonique et en dÈgauchis un derriËre le comptoir. La providence qui ne me perd jamais de vue 1.
Je tíai fait une traduction simultanÈe, pas te compliquer la lecture.
trËs longtemps a fait placer un petit Ècriteau rouge avec le mot ´ Taxi ª
Ècrit dessus, ainsi quíun numÈro.
Je compose. «a sonne un bout, quelque part I dans le dÈsert, et puis une voix me rÈpond:
-
Boorisch Garage.
Je raconte que je suis ‡ líaÈroport díHysterical Gold avec des amis et que nous aurions besoin díune voiture pour nous conduire ‡Morbac City.
La voix (de femme, díhomme, díhermaphrodite?) rÈpond briËvement Ó.K. ª, ce qui ne míaide pas ‡ dissiper le mystËre de son sexe.
Ne reste que díattendre en vidant le frigo. Nous nous acquittons de cette t
‚che avec conscience. La vieille ivrognasse rousse tente de vider son verre, mais la force lui en manque, ou bien líÈnergie? Elle y renonce et, pour se faire un petit plaisir compensateur, se met ‡ pisser sous elle.
Nous poireautons plus díune heure dans le local torride (bien que toutes les ouvertures en soient ouvertes), et je me mets ‡ croire au mÈchant lapin quand un ronflement non produit par le vieux de la tour de contrÙle, naÓt et croÓt. Quíen fin de compte, une dÈpanneuse dÈglinguÈe finit par arriver en sinuant et síarrÍte devant la porte du club-house. Un nain en descend.
Que dis-je, un nain! Un projet díenfant de nain! Minuscule crÈature issue des ´ Rantanplan ª (1). Quatre-vings centimËtres 1.
Album de bande dessinÈe de jadis narrant les aventures díun garÁonnet nommÈ ´ Bicot ª (cíÈtait avant le problËme algÈrien).
en tout (dont cinquante de la queue ‡ la tÍte), pantalon de velours, tee-shirt cÈlÈbrant líefficacitÈ de la Ćhase Manhattan Bank ª, chapeau de cow-boy trop large, heureusement stoppÈ par des oreilles dÈcollÈes.
Jíoubliais : des santiags et un mÈgot de gros cigare complËtent líÈtrange silhouette.
Ce mutant síavance et, de sa voix fluette, lance
-
O.K., les gars: cíest bon pour moi!
Je líÈtudie, dÈconcertÈ.
-
Are you a dwarf? (1) je lui questionne.
-
Non : jíai six ans, rÈpond ´ la crÈature ª.
-
Six ans, et vous pilotez une dÈpanneuse?
-
Il faut bien : ils sont tous ´ patafioles ª ‡Mor.
L LíÈtrange gamin dÈsigne la rouquine
~ ÈcroulÈe.
F - Vous voyez? Mes vieux, cíest du kif! Jusquí‡ ma grande soeur de douze ans qui Ètait en train de dÈgueuler son gin dans la cuisine quand je suis parti.
L - Et vous, vous ne buvez pas?
-
Je vais commencer lían prochain : jíaurai lí‚ge de raison.
-
Les gens díici se poivrent tous les jours?
-
Pas ‡ ce point; mais le ´ Bench Holiday Makingª a commencÈ hier et va durer jusquí‡ a fin de la semaine prochaine!
-
Laí fÍte du banc des amoureux?
-
Yes, mon pote : cíest pour Áa que vous Ítes venus, vous et votre bande de vieux?
1.
Etes-vous un nain?
122 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
Exact, mens-je.
-
Vous allez avoir de la peine ‡ vous loger, tous les natifs du comtÈ
rappliquent pour cette occasion.
Ma pomme de commencer par le coma
ment:
-
Prends Áa et arrange-nous le coup, i~ au mÙme en lui tendant un billet de cent mías líair dÈmerde, fiston.
Il
enfouille la pauvre gueule de Benjamin Franklin sans trop síÈmouvoir.
-
«a va rester difficile, assure le combien Ítes-vous? Cinq!
-
On nía pas besoin de cinq chambres suffiraient: une pour moi, une pour les quatre autres!
«a le fait rigoler.
-
Vous venez dío˘, avec votre accent con?
-
France.
-
Cíest o˘, Áa? Au Canada?
-
Non, en Europe.
-
Et cíest o˘, líEurope?
Je me fous ‡ rire.
-
Il y a chez nous des politiciens auxquels jíaimerais bien te prÈsenter, mÙme, tu leur ramËnerais les pieds sur la terre. Bon, tu nous emportes?
-
O.K.! O.K.! Martien. Vous montez cÙtÈ de moi et on fout les quatre autres der riËre, cíest bien Áa?
-
Cíest tout ‡ fait Áa, confirmÈ-je. Cíest quand on quitte la piste pour la route que jíapprÈcie pleinement la conduite de ´ Petit FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 123
Gibus ª (1). 11 roule díun bord ‡ líautre, tutoie le talus, passe de la premiËre ‡ la quatriËme, freine hors de propos, accÈlËre, par contre, dans les croisements, foutant la diarrhÈe aux automobilistes de rencontre, Ècrasant deÁ‡, del‡, un chien errant, un oiseau au vol trop lourd qui nía pu dÈcoller avant son arrivÈe, emboutissant des panneaux de signalisation, bref, se comportant en tout comme síil faisait joujou sur la piste du Lac SalÈ.
Je finis par me demander, aprËs quíil eut dÈfoncÈ líarriËre díun autobus, síil pilote une dÈpanneuse ou plutÙt une ´ panneuse ª.
-
Tu ne voudrais pas que je conduise? demandÈ-je au bout de dix kilomËtres et un litre de sudation.
-
Non. Pourquoi, Martien?
-
Tu arrives ‡ peine ‡ toucher les pÈdales.
-
Quelle idÈe! Regardez mes pieds, Martien.
-
Díaccord, mais quand tu parviens ‡ les toucher, tu as la tÍte plus basse que le pare-brise.
-
Faut choisir, tranche le moutard. Est-ce quíon serait chassieux, dans votre pays? Comment síappelle-t-il, dÈj‡?
France.
Cíest un prÈnom de femme, Áa. La fille du sner~f síappelle France.
Elle est jolie?
Elle louche.
124 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
-
Eh bien, mon pays est plus beau que la fille de votre shÈrif; toi, tu te nommes comment, fiston?
-
Roy Clark.
-
Tu iras loin situ ne te renverses pas dans un ravin avant!
Il dÈsigne en riant la plate immensitÈ qui nous environne.
Ce simple geste suffit ‡ nous faire quitter la route. Je líaide ‡ redresser le volant et il termine sa phrase
-
Les ravins, ici...
Mes potes de líarriËre se mettent ‡ hurler. Je dis ‡ Roy de stopper.
Renseignements pris, on a perdu le Marquis dans líembardÈe. On le voit qui se relËve, ‡ cinquante mËtres en arriËre et qui survient en clopinant.
-
Recule, il boite, fais-je au pilote díessai.
-
Je ne peux pas: y a plus de marche arriËre.
-
Et vous vous en passez?
-
Chez nous, ‡ Morbac City, on va toujours de líavant!
**
Morbac City, je pourrais tíen dresser le plan les yeux fermÈs. Cíest des maisons au bord de la route, une Èglise, un b‚timent avec le drapeau ricain. Pas une seule voie perpendiculaire, pas une place, voire un simple renfoncement. Tu dirais une branche de dattes, les constructions comme les fruits que je cause, sont collÈes ‡ la branche.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 125
Cela, comme toujours, commence par des masures, on passe ‡ des crËches plus importantes, il y a quelques boutiques, la chapelle entourÈe de son cimetiËre, et puis, ‡ líextrÈmitÈ du pays, aprËs quelques centaines de mËtres, voil‡ que la route síÈlargit en forme de tulipe (jíai la description vÈgÈtale, aujourdíhui). Et cíest cet Èvasement qui est complantÈ pour former un petit espace vert au centre duquel se trouve le fameux ´ banc des amoureux ª.
Au-del‡ de ce banc, quelques massifs floraux, puis, plus loin, le fameux poteau indicateur que jíai eu tant de mal ‡ dÈchiffrer. AprËs líÈvasement, Áa redevient rectiligne, on retrouve des masures; le dÈsert reprend, puis vient une espËce díoasis qui se manifeste par un boqueteau de pins gris de poussiËre au centre desquels on a b‚ti un motel qui devait Ítre dÈlabrÈ
avant sa finition. Cela síappelle, avec beaucoup dí‡propos Desert Motel. Et cela se rÈsume en six bungalows Èvoquant les cabanes des ´ jardins ouvriers ª o˘ les manars vont cultiver le haricot ‡ rames, la tomate et la carotte, pendant le week-end, histoire de se donner des Èmotions de gentlemen-farmers.
Quelques vÈhicules sont garÈs sous un toit de roseaux secs; jíen compte davantage quíil níy a de cases.
- Vous voyez ce que je disais, Martien? dÈclare le gosse. On affiche complet.
Je saute nÈanmoins du vÈhicule. Mes compagnons protestent comme quoi ils ont ÈtÈ durement secouÈs. M. FÈlix a les reins endoloris et ne parvient plus ‡ retrouver la position verti
126 FOIRœDON ¿ MORBAC CITY
cale; la biroute du Gros est en feu; le Marquis síest foulÈ une cheville en chutant de la dÈpanneuse; quant ‡ Pinuche, il est gravement incommodÈ par les gaz díÈchappement, le pot ayant ÈtÈ arrachÈ depuis longtemps.
Effectivement, son teint est díun vert poireau qui aurait intÈressÈ
Toulouse-Lautrec.
FlanquÈ de mon petit prodige du volant, je míachemine jusquí‡ la guitoune servant de rÈception. Jíy trouve un Indien ‡ plumes qui dort ‡ poil sur le plancher, níayant conservÈ en fait de vÍtement que son serre-tÍte ornÈ de trois plumes rouges.
Comme je tente de líÈveiller, Roy me dissuade
-
Rien ‡ faire : Bison BourrÈ a pris sa muflÈe de líannÈe. Il sera huit jours comme Áa.
-
Cíest lui qui tient le motel?
-
Avec sa fille.
-
Et o˘ est-elle, GÈnisse-SevrÈe?
-
Dans les bungalows.
-
Elle fait le mÈnage?
-
Non : líamour. Elle apporte des cassette~ pornos aux clients et les visionne avec eux en leur faisant des trucs.
-
Tu en sais des choses! bÈÈ-je.
-
Il vaut mieux, dit sentencieusement m
-
Comment savoir síil y a de la place?
- Minute!
Il
ressort pour aller klaxonner. La uepan neuse produit un truc formide: mi-corne
brume, mi-meuglement de vache en gÈsine.
Comme il persiste, une porte finit par síen guide.
de
FOIRIDON ¿ MORBAC ~ITY 127
bol
trouvnr, sur la gauche, nous rÈvÈlant un quart de fille dans le sens de la longueur. Ladite semble tenir une serviette devant son fourrÈ díaubÈpines.
Ouais! Ouais, quoi! Cíest toi qui fais ce i, petit enculÈ de sa mËre?
Gueule pas, salope! Je tíamËne des
s.
Cíest complet, connard!
Et ton cul aussi, il est complet, hein, grande pute?
La porte se referme violemment aprËs cet Èchange de rÈpliques claudÈliennes.
Je vous líavais dit, Martien, Áa va Ítre
Pourtant, ce putain de bled paraÓt dÈsert; part tes Indiens ‡ la con, je níai pas aperÁu une seule ‚me!
Le gosse ronchonne -
Vous Ítes dur ‡ la dÈtente, Martien! Je vous rÈpËte que, dans la journÈe, tout le monde cuve sa cuite de la nuit; mais vous allez voir ce soir, cette foiridon!
Il
gamberge un peu, puis
Bon, je vous emmËne ailleurs.
O˘ Áa?
Chez le pasteur Marty; il lui arrive de
ses chambres quand il a affaire ‡ des gens PrivÈ du concours, souvent apprÈciable, de la e arriËre, Roy part ‡ travers la pinËde,
icnant un ou deux arbrisseaux, va tourner la lune et revient ‡ la route-rue. Tu sais que
louer bieii.
128 FOIRœDON ¿ MORBAC CITY
je míattache ‡ la vitesse grand ´ V ª ‡ ce peta garÁon phÈnomËne?
On stoppe devant une maison un peu moins locdue que les autres et qui jouxte le cimetiËre
- JíespËre que le rÈvÈrend est raide, aussi; y a pas plus mauvais coucheur que grand con! Que je vous dise, Martien:
bonne femme, faudra que vous lui fassiez du charme, elle est sensible aux beaux garÁons.
Cet hommage díenfant, donc cette vÈritÈ, fait se rengorger ´ le Martien ª.
*
**Sais-tu quíelle est mieux que pas-mal-du. tout, la dame du pasteur? Quand je vois une personne pareille, je mesure tout ce que ratent mes bons curÈs apostoliques romains. Dis donc cíest la rÈgalade chez leurs collËgues rÈformÈs, Quand je pense quíon vient dauber sur nos gentils prÍtres, les suspecter du pÈchÈ de chair et autres balourdises, sans raison la plupart du temps, juste maniËre de les salir, ces chÈris! DÈj‡ quíils font ceinture de chastetÈ, merde!
Tu crois que cíest joyce de se retrouver seul‚bre le soir dans son lit grabataire, ‡ pas mÍme pouvoir se pogner, vu que mon admirable Jean-Paul II (que je rÈvËre malgrÈ ses prises de position dures dures) a interdit la chose. De líautomutilation, non? «a a un corps, un prÈtre! Cíest un mammifËre comme les autres. «a possËde des aumÙniËres cornac! Alors quoi?
Il se líenveloppe dans des linges mouillÈs quand Áa tambourine contre la cloison de son
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bÈnouze? Et tu penses que Áa fait plaisir ‡Dieu? Tíes bargeot! Faut pas bouffer, alors! Pas dormir! Pas lire de Santantonio! Pas admirer la sublime Anne Sinclair ‡ Seven on seven / Pas renifler les roses! Pas regarder une libellule titubant au-dessus díune piËce díeau! Faut rien, quoi! Rien du tout! Et il nía mÍme plus le droit de prier en latin, ce pauvre gars. Ils se plaignent de ce que notre Eglise part en sucette! Quíon me foute pape aprËs Jean-Paul et tu verras ce travail! Je te la remonterais, la boutique, moi! Je suis catho, jíai le droit de postuler. Y a eu des papes civils dans líHistoire vaticane. Je prendrais pas líavis díAndrÈ Froussard!
JíachËterais du savon et je ferais des bulles ‡ tire la Saint Rigot! Jíen sais qui prendraient leurs encycliques et leurs claques, espËre!
Pardon : je míÈchauffe. Que veux-tu, je suis un passionnÈ. Cíest un pÈchÈ
peut-Ítre, mais pas mortel, je le pratique depuis si longtemps!
Mais tu commences ‡ piÈtiner, ‡ te demander ce quíil advient de Mmc Marty, Èpouse de rÈvÈrend.
Pour síen dÈbarrasser, du pasteur, je te sÓgnale quíil est allongÈ sur le vieux canapÈ de son salon, un livre de priËres en tuile sur le visage, et quíil ronfle l‡-dessous ‡ síen pÈter la cki~son nasale, kif des gens qui en prisent dc trop grandes quantitÈs.
Jíai rarement vu tout un village se torcher de ~orte, mÍme dans mes coins viticoles! Cíest ‡ire que la pasteurine, Petit Gibus et la fille 130 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
de líIndien exceptÈs, il ne reste plus personn~ de lucide dans le Landerneau! ils se sont frí envoyÈs dehors, les Morbacityens!
La dame, sans bÍcher, elle est trËs belle danl son style. Son visage est un camaÔeu de vert, de jaune, de bistre. Díabord, elle a un bronzage qui tire sur le safran, puis de grands yeux tirant sur le vert, puis une chevelure díun blond row tirant sur le cuivre. Le tout fait songer ‡ un tableau de Bozon-Verduraz líAÓnÈ, ‡ sa pÈriode fauve.
Elle sourit ‡ Roy, ensuite míexamine ave~ sÈrieux, en ayant líair de se demander combien jíai de poils sur la poitrine.
Je míincline, cÈrÈmonieux.
Le gosse dÈlure ‡ bloc:
- Madame Marty, jíamËne des touriste Ètrangers qui cherchent ‡ se loger, mais le motel est complet. Ils viennent díun drÙle de pays, trËs loin, dont je níai pas retenu le nom. Ils soni gentils et bourrÈs de fric, vous ne pourriez rías les loger?
Jíinterviens en carbonisant la dame de mon regard 28 bis, qui a reÁu de rÈcentes amÈliora. tions techniques afin de le rendre davantage performant.
- Le drÙle de pays dont parle cet exQuis petit garÁon, cíest Pans, madame.
Elle p‚me
- Parisss!
A croire quíelle vient de rÈpÈter ce nom sa chatte.
- Jíaccompagne le professeur FÈlix Le geon, du CollËge de France. Il est escort
~vec
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son secrÈtaire et de deux autres membres Èminents de la facultÈ díArpajon.
Ces sommitÈs prÈparent une encyclopÈdie sur les fÍtes populaires amÈricaines, dans le cadre díune vaste Ètude internationale relative aux contacts humains.
- Je vois, dit-elle. Il est flatteur que vous ayez inclus Morbac City dans votre enquÍte, seulement, si jíai bien comptÈ, vous Ítes cinq et je ne dispose que de deux chambres.
GagnÈ! Hip Pipe pipe, hurrah!
- «a ira, dit vivement Petit Gibus.
- Je vais vous les montrer, dÈcide notre nouvelle hÙtesse.
- Va chercher mes amis et leurs bagages, enjoins-je au mÙme.
Je suis la belle Èpouse de pasteur sur líarriËre de la maison, laquelle est en longueur comme un wagon de chemin de fer. Pareille au village, elle a ÈtÈ b‚tie selon le principe de la branchette de dattes. Au lieu de maisons bordant une rue, ce sont des piaules bordant un vestibule.
Pas le grand luxe, oh! que non. Du bois qui grince, qui níinsonorise pas.
Du bois disjoint, poreux, au travers duquel tu peux mater díune piËce dans líautre. Jíai trouvÈ ce genre de crËche au Groenland et aussi en Afrique.
Note, des constructions de bois, y en a sous toutes les latitudes.
La dame ouvre les deux derniËres portes qui se font vis-‡-vis, comme dit Mme Lefournaux, la pÈdicure de maman. Vis-‡-vis, cíest son expression díIngres, ‡ líÈplucheuse de durillons. On a tous des tics verbaux, jíai remarquÈ.
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Les deux piËces comportent chacune des ii~ jumeaux.
Je vais me sacrifier : en prendre une Pinuche; BÈru et FÈlix adopteront líauti quant au Marquis de Carabas, il pieutera sur plancher; on lui trouvera s˚rement une coi vrante et un oreiller.
La dame attend mon apprÈciation.
-
Voil‡ qui est parfait, assurÈ-je. Puis vous demander votre prÈnom?
-Ivy.
-
Jíadore. Moi, cíest Antoine.
Elle rÈpËte avec un merveilleux accent
-
Annetouenne?
-
Exactement!
Jíajoute
-
Vos lËvres ont la couleur des frambo m˚res et je pane quíelles en ont aussi le g
-
Vous croyez?
Quíest-ce que tu veux, mon neveu
assumer, jíannonce ma bouche. Pelle Èblo sante! Jíen redemande; elle en redonne
-
AprËs vous síil en reste! clame líor, Ègrillard du Gros. Dis donc, grand, chez c teur, cíest la maison du bon Dieu!
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CHAPITRE INTRANSITIF
Son membre tumÈfiÈ ne pouvant souffrir le contact díune Ètoffe, on a d˚
fabriquer une sorte de robe ‡ panier au Gros afin que son chibre bÈnÈficie díun espace vital convenable. Oh! certes, ainsi attifÈ, il ne ressemble pas
‡Marie-Antoinette, mais pour circuler dans un patelin o˘, le soir tombÈ, síorganise un carnaval, cette tenue apporte sa contribution ‡ la liesse gÈnÈrale.
Cíest Ivy qui, de ses doigts de fÈe, a confectionnÈ le travesti díAlexandre-BenoÓt, ÈpouvantÈe quíelle fut, la belle ‚me, par la vue díune aussi belle chopine en si cruel Ètat. Femme de coeur, femme díÈlite, sans doute nÈgligÈe par un Èpoux dont je níai pas encore aperÁu le visage (toujours dissimulÈ sous son livre), et qui parfois, au mÈpris de son salut Èternel, doit cÈder aux exigences charnelles avec un partenaire de bonne fortune. Moi, en cette belle occurrence, car je compte bien, demain, dËs potron-minet aller lui faire minette ‡ líheure o˘ les maris -fussent-ils pasteurs - cuvent, libÈrant ainsi leur
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conjointe des liens pas si sacrÈs que Áa mariage.
Curieux comme síorganise,, se compose síexalte la fÍte du banc ‡ Morbac City.
Cela commence par des illuminations, naturellement, dont, au jour, je níavais pas vu líinfrastructure. Des guirlandes díampoules dc couleur rose cernent chaque demeure et des coeurs immenses, percÈs de flËches symboliques, sont tendus en travers de LA rue.
Des haut-parleurs brailleurs diffusent
musiques fanfaresques qui meurtrissent les tym pans. Des trÈteaux sont sortis, sur les planches desquels on amËne des boissons variÈes, toutes alcoolisÈes. On trouve l‡ du whisky, du punch, de la tequila, et mÍme du vin californien.
Plus tard, les majorettes dÈboulent : culculjupe-ras-de-touffe, corselet rouge semÈ de coeurs dorÈs, fanfare que domine ce pachyderme de cuivre quíest líhÈlicon basse. Les baguettes des tambours frappent en cadence et se relËvent pour monter au ras des moustaches. Vient la horde travestie, puis les autres, les vioques, les pattemouilles qui se dÈguisent díun nez rouge ou trait de crayon blanc sur la gueule. Drapeau amÈricain! MÍlÈes ‡
toutes les sauces, les cinquante Ètoiles : burlingue prÈsidentiel, la Lune, mon prose-sur-la-commode!
Quand le dÈfilÈ parvient au fameux banc, i stoppe et entonne líhymne ‡
líamour compos~ par un compositeur de líUtah nommÈ Charlaz Navour, díorigine argentine, donc douÈ pour le rythme. Ces voix! De toute beautÈ; les larmes tíen salent les joues. Les amoureux font la bite des
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(pardon : la queue) pour síasseoir cÙte ‡ cÙte sur ce siËge de fonte lÈgendaire. Síy roulent une galoche sous les applaudissements de la foule.
AprËs quoi, le dÈfilÈ repart pour un tour, ~ mais en marquant des stations devant les marchands de boissons. Et cíest alors que les libations commencent; elles dÈgÈnËrent vite, au fil de ce chemin de croix, en ivresse collective, puis en noire beuverie. Moines, femmes, vieillards, enfants, tout le monde lichetrogne.
Ivy, embusquÈe derriËre son rideau, regarde dÈferler la cohorte poivrÈe.
Elle míexplique quíelle ne supporte pas líalcool, trouve son usage nocif et son abus dÈgradant. Son pasteur
le tolËre mal, mais son ministËre lui fait un I devoir de se mÍler ‡
líivresse publique, sinon il
serait mis en quarantaine et cíest le Seigneur qui en p‚tirait. Elle va le rÈveiller car il est temps quíil aille passer une nouvelle couche. ThÈrapie de choc: cafÈ noir additionnÈ díammoniaque, puis un bourbon et deux jus de citron mÈlangÈs. AprËs cette double ingurgitance, Marty se prend une douche froide, se rase et repart ‡ la pÍche aux ‚mes.
Cíest un type plutÙt neutre, au teint blafard, aux gros sourcils bruns, ‡
la calvitie mÈthodique (lui, il est mÈthodiste). Il a laissÈ pousser ses cheveux sur la droite, et les ramËne sur le front o˘ il les maintient fixÈs
‡ la gomina. DÈtail il est affublÈ díun bec-de-liËvre mal opÈrÈ qui donne ‡
sa bouche líaspect díun glaÔeul. Cela dit, cíest un homme de bonne taille, surtout du
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cÙtÈ gauche o˘ son Èpaule domine la droite vingt bons centimËtres.
Ivy me prÈsente, mais il est encore sonnÈ -sa biture de la nuit passÈe et ma prÈsence ch lui líindiffËre; je crois que, mÍme síil me voy tirer sa gerce (ce qui ne saurait tarder), la c
ne le ferait pas sourciller.
Ivy líassiste, lui sort des fringues propres, lui passe et le fout ‡ la porte; tout cela en temps record. Marty, la dÈmarche Èvasií síintËgre dans le cortËge de soiffards o˘ dÈ~ bulent dÈj‡ mes quatre compagnons.
Nous sommes seuls, la dame et mÈzigue. Jíai la nuit et ma bite devant moi pour entrepre
cette femme de bonne rencontre, si suave
sa mÈlancolie díÈpouse rÈsignÈe. Les femmes frustrÈes sont les meilleures ‡
prendre. Une fois la lourde bouclarËs ‡ trois tours, je pousse un soupir capable de gonfler un pneu de bulldozer.
-
Je vais baisser les rideaux, dit-elle, ce
cacophonie est insoutenable. Comment peut-on participer ‡ ce triste carnaval? Les gens sont des enfants, et des enfants demeurÈs!
MíÈtant assis dans le canapÈ o˘ roupillait son jules, je lui tends la main.
Docile, elle me la prend, vient síasseoir ‡ mon cÙtÈ, se laisse renverser de maniËre ‡ avoir la tÍte sur mes genoux. Moment de douce fÈlicitÈ.
Baiser, toujours baiser, soit, mais un instant díabandon ne messied pas, comme disait un Ègoutier de mes relations. Je caresse doucement son visage, me penche par instants pour lui donner un baiser ou lui en prendre un. Le temps passe. On est cool.
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Cíest bon, la France, murmure-t-elle, les upiËres baissÈes.
Comme cíest bien dit! «a pourrait Ítre de moi!
En geste de reconnaissance, je fourvoie ma dextre sous sa robe. Elle est nu-jambes; sa peau est satinÈe, si douce... Le renflement de sa chatte sous le slip qui doit Ítre blanc chez cette honnÍte crÈature. La toison Èlastique feutre ma caresse. Je tire lÈgËrement sur son entre-deux Renaissance, puis expÈdie Mathieu et Babylas (mon mÈdius et mon annulaire en chÙmage) dans des rÈgions vÈnusiennes dÈj‡ noyÈes de plaisir, comme líÈcrit Sa MajestÈ la comtesse de Paris dans ´ Quand jíÈtais jeune fille ou les MÈmoires díHenri III ª.
La veuve Clito, cíest le plus joice des prÈambules. «a vaut toutes les gaufrettes salÈes de chez Fauchon!
Tíattaques circulaire. Tu balises líentonnoir. Force centripËte! Une langue fourrÈe peut ajouter ‡ la voluptÈ. Rien brusquer le temps est ‡ nous. La nuit! Quel beau cadeau quíune nuit díÈpanchements! Mignonne allons voir si la rose...
Jíaime mon existence butineuse. Je voltige de femme en femme, de bouche en bouche, de chatte en chatte. Tout recommence la ronde des sens. Les gestes ÈprouvÈs. Tíattends des rÈactions qui finissent par se produire, conformes
‡ ce que tu espÈrais. Tu crÈes líamour! Tu le vis.
Elle ne dit mot.
Consent.
Passe le temps, sonne líheure; líennui síenfuit, je demeure.
«a síÈternise. Je me dis quíil serait sot díinterrompre le sortilËge pour jouer les cosaques du don (sans majuscule). Coltiner madame jusquí‡ une couche, la dÈpiauter, líentreprendre autrement. On verra plus tard matzana/
Rien ne presse. Jíaime lui tenir lieu díoreiller. La caresser dans le silence de la maison cernÈe par le vacarme extÈrieur. Baiser sa bouche tout en touillant son fnfri. La voil‡ qui se met ‡ trembler. Oh! Áa annonce le grand dÈpart, Áa, je te le dis. La danse de Saint-Guy dans cette situation est Èloquente. Le tremblement síaccentue. Elle chevrote comme saisie par le froid, alors quí‡ líextÈrieur, la tempÈrature avoisine encore trente degrÈs Celsius. Son dargif manque míÈchapper tant tellement quíelle rodÈote avec, Ivy! Pas souvent quíelle prend un panoche de cette envergure, la chÈrie. Et puis elle crie deux syllabes rÈvÈlatrices:
-
My God!
Ne se met pas ‡ glapir des ´ Je jouis! Je pars! Je te donne tout! ª ou des conneries du genre. Non; elle, Èpouse de pasteur, quand un amant la fait reluire, Áa reste ´ Mon Dieu! ª. Beau, non? Edifiant. Comme quoi tu peux te faire Èclater la moule en conservant ta classe et ta dignitÈ! Foin de ´ Je la sens bien, ta grosse bite! ª, voire de ´ Tu me dÈfonces le pot, salaud!
ª Ivy, simplement ´ Mon Dieu ª. Oui, son God for ever, en toutes circonstances, adultËre, pas adultËre! Je míincline.
AprËs ces prÈliminaires, nous marquons une pause pour la publicitÈ. Au cours de laquelle nous nous endormons. Elle, vaincue par trop de jouissance intense, moi par trop de fatigue non encore ÈvacuÈe.
Dehors, les gaziers de Morbac City font un chahut de tous les diables.
Ce qui me sauve, cíest que cette maison soit en bois, comme jíai eu le grand honneur et le vif plaisir de tíen informer y a pas si longtemps, cherche quelques pages plus avant, tu retrouveras.
Cíest une succession de craquements qui míalerte. Ils ont de particulier quíon cherche visiblement ‡ les Ètouffer. Il est ‡ peu prËs certain que la personne qui se pointe nuitamment a ÙtÈ ses grolles.
San-Tonio toujours... prÍt!
Je soulËve mon hÙtesse, ce qui a líinconvÈnient de la rÈveiller.
-
Quíest-ce que ?...
La paume de ma main gauche líempÍche díen causer plus.
-
Chuuuut! ponctuÈ-je.
La dÈpose sur le divan, tout en lui faisant signe de se taire.
De mon doigt sorti de sa chatte et que je garde dressÈ, jíattire son attention.
E~l1e perÁoit les craquements et rÈpËte ´ My God ª, mais pour une raison diffÈrente.
L‡, je suis pris de court, comme disait une naine violÈe. Jíaurais de líoutillage, je ferais le malin. HÈlas, me voil‡ sans arme. Jíopte pour la 140 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
solution bateau, conne ‡ chialer sur son plastron. Je me saisis díun buste reprÈsentant Wagner et me place derriËre la lourde. Il est heureux que le pasteur Marty soit un inconditionnel de ´ la TÈtralogie ª, sinon je níaurais eu quíun Èventail ancien ‡ me mettre dans la poigne.
Les glissements craquants se rapprochent. Un effleurement. Le lÙquet de la porte se soulËve, le battant síÈcarte. Par líouverture qui se dÈclare le long des gonds, jíaperÁois une silhouette de clown. Jíen suis basourdi.
Evidemment, il est fastoche de se dÈguiser en cette pÈriode dÈbridÈe.
Líarrivant entre ‡ pas de loup (je cherchais une mÈtaphore originale, merci, my God, de me líavoir soufflÈe). Il regarde la piËce plongÈe dans líombre et avise la dame rÈcamiËrement allongÈe. Comme il síen approche, ton San-A adorÈ bondit en tenant un fameux compositeur allemand par le cou et líabat sur la tronche du visiteur.
Mais le clown possËde des rÈflexes de chat. II me perÁoit, volte. Dans sa rotation, ii dÈrouille Wagner sur líÈpaule.
La statue est en marbre (Wagner le mÈrite); la clavicule du type se brise (elle le mÈrite Ègalement). Le clown tenait un pistolet de sa main droite : il le l‚che. Je file un coup de pompe dedans, líarme file recta sous un meuï bic. DËs lors, le gars bat en tu sais quoi? Oui: retraite. Je me prÈcipite ‡ sa suite. Comme son bris de clavicule ne líempÍche pas de courir, il est dÈj‡ ‡ la porte.
FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 141
Je crie
- Halte, ou je tire!
Il síarrÍte pas, je ne tire pas non plus vu quíil níy a quíun flingue dans cette piËce et quíil est pour líinstant sous un bahut double corps dont la partie supÈrieure forme vaisselier, ce qui a permis ‡ Ivy díÈtalager des assiettes faussement anciennes de fausse porcelaine en faux Delft que Áa reprÈsente des cons díHollandais en costume national ‡ la con devant des moulins ‡vent, cons Ègalement, et par dÈfinition, puisque líon dit toujours ćon comme un moulin ‡vent ª.
Quand jíarrive ‡ la porte, il est dÈj‡ dans la rue et, quand jíatteins la rue, le clown est dans une bagnole au volant de laquelle líattendait un complice. Comme elle dÈmarre en trombe, je ne puis la rejoindre. Fin peut-
Ítre provisoire de nos relations.
Retour auprËs de ma dame pasteurisÈe.
Elle níest pas trop commotionnÈe. Mon intrÈpiditÈ augmente sa mouillance.
Mon esprit de dÈcision, líefficacitÈ de mon intervention, lui font b‚iller la craquette.
Elle croit dur comme ma bite ‡ un cambrioleur. La chose síest dÈj‡ produite
‡ Morbac City, pendant que ses habitants font les connards lors des festivitÈs du banc! Je la rassure au mieux, et comme líappÈtit míest revenu pendant ce somme de bÍte (et non pendant cette bÍte de somme), que mon bÈbÈ
joufflu est dÈj‡ en train díadresser mille gr‚ces ‡ mon hÙtesse avec sa belle tÍte casquÈe armÈe suisse, je lui remets le couvert, avec comme 142 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
variante une tournÈe díinspection dans líoeil de bronze, ce qui ne va pas sans plaintes ni supplications; mais les unes et les autres sont formulÈes díun ton qui me permet díespÈrer une imminente planification de ce nouveau type de rapport.
Je líen conjure en lui chuchotant des promesses plus ou moins fallacieuses
‡ propos de la complËte disposition de son corps, ce qui est une forme díaffranchissement ‡ laquelle une femme moderne ne doit pas se dÈrober, et puis que Áa ne mange pas de pain et bouche toujours un trou.
LíopÈrant en douceur, avec le maximum díÈgards quíon peut tÈmoigner ‡ une dame dans cette situation, elle se rend ‡ mes raisons et, quíelle soit feinte ou sincËre, paraÓt Èprouver, en fin de compte, une vive satisfaction.
Je suis donc en totale possession de cette personne aprËs ce nouvel exploit sexuel; mais nous autres, les grands pros du cul, avons une maniËre quasiment humble díassumer ces dÈbordements. Notre virilitÈ dÈferlante reprÈsente, ‡ nos yeux, rien de plus que son diplÙme pour un mÈdecin ou un avocat. Elle nous est acquise, líexistence nous la fait exploiter et elle nous apporte des avantages dont nous devons remercier la Providence. Le grand Brassens a Ècrit (et chantÈ) quíun don níest rien quíune sale manie; pouvoir faire de la sale manie en question une rËgle de vie et la rÈcompense permanente de notre corps par ailleurs si contraignant, est une faveur insigne quíil
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convient de se faire pardonner en gardant la tÍte froide.
Un politicard dirait ´ raison garder ª. Un jour, líun de ces cons a l‚chÈ
cette vieille formule en se faisant interviewer, et les autres líont reprise de volÈe, car ces enfoirÈs, níimporte leurs tendances, se piquent tout, sans vergogne, que ce soit leurs idÈes, leurs mots ou leurs tics.
Tout effort physique rÈpÈtÈ rÈclame du combustible; aussi des gargouillements de ventre, peu gracieux, nous indiquent-ils que la faim se fait sentir. Ivy propose une dÓnette. AcceptÈ, la grande! Dío˘ visite ‡ son congÈlateur. Le dÈsastre de Pavie (1525)! Cette bouffe ricaine congelÈe filerait la gerbe ‡ un rat malade. Quíil síagisse de poissons, de viandes ou de vÈgÈtaux, les somptueuses Ètiquettes des emballages me flanquent une angoisse existentielle.
- Quíest-ce qui vous plairait, darling? elle me demande.
Puis-je lui rÈpondre ´ rien ª?
Dans les cas dÈsespÈrÈs, jíai toujours, tu le sais, le geste qui sauve.
Je dÈponne la porte du simple rÈfrigÈrateur, ensuite celle díun petit ´
Èconomat ª.
- Aimeriez-vous que je vous fasse de la french food, LumiËre de ma vie?
Oh! oui, dit Ivy en battant des mains.
Je me mets ‡ grouper les denrÈes comestibles que je peux trouver dans ces armoires frigorifiques inhospitaliËres.
144 FOIRIDON ¿ MORBAC CITY
Crois-moi, Áa sert díavoir une maman comme ma FÈloche. Bien quíÈtant toujours restÈ simple spectateur, jíen ai emmagasinÈ, des recettes. Par osmose. Cela dit, lorsque jíÈtais mignard, je confectionnais des petites bouffes, parfois le jeudi (jour de congÈ scolaire díalors). Des g‚teaux, surtout, elle me faisait faire, míman. Avec la peau du lait bouilli, je me souviens. Ou des quatre-quarts fastoches ‡ rÈaliser. Les calories volaient bas! Ah! bonheur, que je níavais pas reconnu au passage!
La Ivy, je parviens ‡ lui servir une salade niÁoise ‡ peu prËs conforme, et ensuite, des oeufs en sauce blanche sur du riz grillÈ.
Elle mÈduse pire que GÈricault, tant cíest bon. Les FranÁais, elle les voit dÈmiurges, la tendre chÈrie. Tringleurs ÈmÈrites, metteurs en fuite de truands, cuisiniers díinstinct. Un peuple de surdouÈs, elle estime. Quíen plus on est marrants comme tout, tu trouves pas? Sans cesse le bon mot aux lËvres! Des comme nous, tu peux te lever de bonne heure pour en trouver!
Passer des annonces dans le Nouille York Times ou le Los Angeles Tribioune zob!
Notre souper est adorable. Díamoureux. Je lui donne la becquÈe! Elle me caresse le paf! Jíai nÈgligÈ le beaujolais en boÓte dont le pasteur dÈtenait quelques centilitres, pour boire du whisky (du vrai) en mangeant.
Et pourtant, ‡ part la vodka avec le caviar ou le saumon, je ne lichetrogne pas autre chose que du pinard, quand je clape.
Líayant entraÓnÈe dans mon sillage (en mÍlant du Coca ‡ son scotch), elle est lÈgËre-FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 145
ment grise ‡ la fin de notre bouffement. Alors je me dis que je pourrais peut-Ítre bien joindre líutile ‡ líagrÈable et je prends la photo de la pauvre Martine Fouzitout dans le tiroir du haut de ma veste.
Je lui salade que maman possÈdait une petite cousine dont elle nía plus de nouvelles qui avait quittÈ Paris pour la Californie. Un jour, elle lui avait Ècrit de Morbac City en lui adressant la photo ci-jointe; Ivy se souviendrait-elle de líavoir aperÁue dans la rue principale et unique du patelin?
Elle saisit líimage et, spontanÈment, dÈclare
-
Bien s˚r que je la reconnais; mais il y a dÈj‡ un certain temps que je ne líai plus revue.
ChËre Ivy! Cíest Dieu qui, dans Sa grande et inÈpuisable bontÈ, mía guidÈ
sous votre toit!
Vous pouvez me parler díelle, adorable salope? (1) Elle continue de dÈfrimer la trËs ancienne maÓtresse du pËre FÈlix.
-
Elle est venue ‡ Morbac City de temps ‡autre, mais pendant quelques annÈes.
-
Elle passait plusieurs jours díaffilÈe?
-
Je ne le pense pas. A la longue, jíai compris quíelle arrivait par le car du matin et repartait par celui du soir.
-
Elle rendait visite ‡ quelq˘íun, fatalenent?
-
Oui au cow-boy suisse.
1.
Les moins cons de parmi toi auront compris que jíai ÈnoncÈ la fin de ma rÈplique en franÁais.
146 FOIRIDON ¿ MORBAC CJTY
Du coup, mes falots deviennent aussi larges que des phares de De Dion-Bouton.
-
Le cow-boy suisse? rÈpÈtÈ-je, indÈcis, et charmÈ quelque part en prÈsence díun tel sobriquet, moi si poËte de partout.
-
Il est trËs pittoresque, assure-t-elle.
-
Vous pouvez me raconter ce type, mon petit coeur embrasÈ?
Elle Èvasive de líexpression.
-
Cíest un vieil homme díorigine suisse qui vit dans la contrÈe depuis plusieurs dÈcades. On lía surnommÈ le cow-boy ‡ cause de sa tenue, toujours pareille. Il porte un chapeau de cowboy, une veste de daim effrangÈe, des santiags, et il síest fait la tÍte de Buffalo Bill : moustaches longues, barbiche pointue; un original, quoi!
-
Pour ne pas dire un ´ timbrÈ ª?
Elle rit et dit
-
Soyons charitables.
-
Et cíest lui que ma petite cousine venait visiter?
-
Je les voyais souvent ensemble lorsquíelle se trouvait ici.
-
O˘ demeure cet Ètrange bonhomme?
-
A quelques miles ‡ líouest, il a achetÈ un vieux ranch en ruine situÈ en plein dÈsert. Il y vit seul et ne frÈquente personne. Parfois, il vient ‡ Morbac City pour les provisions, mais ne síy attarde pas. Le temps de remplir sa Jeep dÈglinguÈe et il repart, comme un moine dans son monastËre.
-
Comment se nomme-t-il?
FOJRJDON ¿ MORBAC CITY 147
-
Je ne saurais vous le dire; pour tout le monde, ici, cíest le cowboy suisse.
-
Par o˘ passe-t-on pour aller chez lui?
-
Vous continuez la route deux miles encore aprËs le motel de líIndien, vous apercevrez alors sa maison, ‡ main droite, au bout díun chemin de terre. Vous ne pouvez pas la rater, cíest la seule construction o˘ líon trouve un arbre et quelques buissons.
-
Ma parente se rendait chez lui comment?
-
A pied, je suppose. Je vous rÈpËte que cíest ‡ deux miles environ díici. Peut-Ítre faisait-elle du stop jusquí‡ son chemin. Il se peut Ègalement quíil soit venu líattendre car il la ramenait au bus, le soir.
JíÈprouve le besoin de regarder la photo que mía remise la pauvre Grace; ‡
cause de cette main díhomme posÈe sur son genou. Grosse paluche aux tendons saillants, couverte de poils p‚les.
Etaient-ils amants? Parents? Quels liens Ètranges les unissaient? Et pourquoi cette visite mensuelle toujours fixÈe au premier vendredi? Visite qui níemballait pas Martine et quíelle considÈrait un peu comme un pensum, aux dires de la servante noire du pËre Machicoule.
Le repas achevÈ, je líaide ‡ desservir. Maintenant que faire? On ne va pas encore baiser! J~ai les burnes ‡ plat, moi! Alors quoi, dormir? Ce serait la sagesse mÍme. Seulement il se fait un tel boucan, dehors, que, pour fermer líoeil, il faut auparavant se boucher les oreilles.
JíemmËne nÈanmoins Ivy jusquí‡ sa matri
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moniale couche; líy allonge, lui fais un petit bisou (je hais ce mot stupide) sur chaque sein, une lÈgËre languette sur le dito, aprËs líavoir bien dÈgagÈ de son emballage, de mes deux mains posÈes ‡ plat.
Puis rabats sa chaste limouille nocturne.
Elle est peinardos pour roupiller. Quand son singe rentrera, il sera murgÈ
‡ mort et síÈcroulera sur le canapÈ du salon. Ces festivitÈs reprÈsentent des espËces de vacances pour elle. Ah! que díÈpouses stagnent dans les grisailles du mariage! Elles rÍvassent en se caressant le doux trÈsor prËs de leurs gros sacs ‡ merde de maris. Et la vie passe. Le temps síenfuit, leur nostalgie demeure. Ah! baisons, mes amis! Baisons, baisons sans nous Èconomiser toutes ces malheureuses restÈes en carafe sur le quai de gare de leurs illusions! Plantons. nos membres actifs dans leurs culs dÈlaissÈs en leur chuchotant les mots que, depuis quíelles furent fillettes, elles ont envie díentendre. Disons-leur líamour en le leur faisant! II síagit l‡
díune oeuvre pie (3,1416); díune oeuvre pine!
Je la borde en lui chuchotant des promesses concernant un bientÙt enchanteur.
JíÈprouve líintime satisfaction des mÈnagËres díautrefois quand elles venaient de faire leur lessive mensuelle.
Dehors, un feu díartifice crÈpite.
Rien que je trouve plus con au monde, ni plus dÈcevant, que ces fugaces embrasements minutieusement ÈlaborÈs et si vite anÈantis. Níen subsiste quíun peu de fumÈe entre les Ètoiles et nous, Ègalement une odeur de poudre et de
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carton br˚lÈ. Jíai assistÈ, une nuit, ‡ Marbella, ‡un fÈerique feu díartifice, tirÈ chez un prince arabe, dont les sujets avaient faim. Il fÍtait líanniversaire de sa fille, la princesse Babouche, et les Rolis níarrivaient pas ‡ se parquer toutes aux abords de son palais. Je regardais monter et exploser en gerbes díor ces configurations artificiaires, essayant de comprendre quel plaisir passager elles pouvaient bien donner ‡
ces gens qui payaient cette sÈance de feu díun torticolis mÈritÈ.
MalgrÈ tout, je dÈcide díaller marcher un peu, histoire de me dÈgourdir les fl˚tes; un spectacle pyrotechnique ne dure jamais trËs longtemps.
*
**Y a de la viande so˚le partout. Líalcool a dÈj‡ accompli une partie de son boulot. Les Ricains ont cela de commun avec leurs amis russes, quíils boivent sans discernement; rapidos et en quantitÈ.
On voit des hommes et des femmes, assis sur les trottoirs, dos aux faÁades, cuvant, accrochant les wagons, dÈbloquant ou ronflant, tout respect humain banni.
Ceux qui se trouvent dans la phase intermÈdiaire, font des embardÈes dans la rue, flacon en~ main, flacon en poches (les prÈvoyants). «a hurle, Áa chante, Áa cÈlËbre la picole. Des couples font líamour dans des bagnoles, presque au vu et suce de la foule. Des groupes entourent ces bagnoles-alcÙves en tapant dans
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leurs mains pour encourager les protagonistes. Je vois un grand diable rouquin lancer ‡ la foule, par la portiËre, la petite culotte de sa partenaire, tel un trophÈe durement acquis. Des garÁons se battent en riant pour líemparer. Ils la reniflent en yodlant; líun díeux sort mÍme son chibre pour en faire une hampe ‡ ce dÈlicat drapeau de líamour.
Je pige que ces nuits de fÍte ‡ Morbac uty dÈgÈnËrent en orgies crapuleuses. Il níexiste plus de limites. Cíest líabandon total, la dÈgradation systÈmatique. Dans les pays o˘ les gens síemmerdent, le vice devient ministre des loisirs.
On me bouscule. Trois gonzesses en goguette, plutÙt jeunes, me prennent ‡
partie et me demandent de leur payer ‡ boire. Jíai grand mal ‡ me dÈgriffer de ces pÈtasses. Le premier de mes compagnons que je trouve níest autre que Pinuche. Il est assis sur une caisse de bourbon et ressemble ‡ un Èchassier en somnolence. Il y a un cÙtÈ grelotteux chez lui. Son clope níest plus collÈ ‡ sa bouche, mais ‡ sa joue.
JíopËre un premier sauvetage.
- CÈsar, vieux biquet, amËne-toi, il est líheure du dodo.
Et je le rentre chez le pasteur en le portant sur mon Èpaule. La chose est courante car on rencontre pas mal díhommes agissant de mÍme avec leur conjointe. Je me dis, líayant partiellement dÈfringuÈ et complËtement couchÈ, que mon altruisme ne doit pas síarrÍter l‡ et quíil FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 151
faut secourir mes trois autres guignolos.
Cíest cela, aussi, avoir charge dí‚mes!
rassemblement animÈ de cris míattire esistiblement (certains de mes confrËres, plus
aouÈs, diraient ćomme un aimant ª). Mon don du pressentiment míannonce que si je míapproche, je vais dÈcouvrir AlexandreBenoÓt BÈruner.
Je. Et cíest oui.
Imagine un grand cerde, au milieu de la chaussÈe. Cent personnes le composent. Au centre, deux types aux gabarits impressionnants, dont líun est notre ami, avec sa crinoline. En face de lui, un malabar qui le dÈpasse de la tronche et qui porte un tee-shirt noir duquel Èmergent deux bras tatouÈs dont chacun ressemble ‡ líune des colonnes de líÈglise de la Madeleine. Sur le sol, prËs díeux, il y a un chapeau.
Les assistants jettent quelques nickels dans ledit ‡ titre díencouragement.
Que va-t-il se passer? Car rien encore nía dÈbutÈ, jíarrive pour les prÈmices.
Ne voulant pas interrompre ce qui mía líair díÍtre un projet díaffrontement, en interpellant BÈru, je míenquiers de líÈvÈnement auprËs díun petit garÁon qui, lorsquíil se tourne vers moi, se rÈvËle Ítre mon petit copain Roy, notre chauffeur.
Ah! rebonsoir, Martien, me dit-il. Vous venez assister au duel de votre copain avec Teddy-le-Rouge?
-
Quel duel, mÙme?
Il
míexplique que, chaque nuit, il y a grand
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Concours de gifles. Teddy en est le champion incontestÈ. Le jeu (si jíose user díun mot aussi anodin) est le suivant : les deux adversaires se placent face ‡ face. Une personne de líassistance tire au sort pour dÈterminer celui qui giflera le premier. Le gars envoie sa beigne Ensuite, cíest au tour du second, et ainsi de suite jusquí‡ ce que líun des gifleurs dÈclare forfait ou soit k.-o. Pendant le combat, líassistance jette du pognon dans un bada (en líoccur rence, ce soir, celui du ´ Petit Gibus ª) et le vainqueur enfouille la fraÓche. Comme on le voit, ce genre de compÈtition est trËs intellec tuel et ne nÈcessite pas díaccessoires particuliË rement sophistiquÈs puisquíune simple main droite (gauche si líon est gaucher) suffit.
Líarbitre est un gros homme portant líÈtoile de shÈrif sur sa chemise ‡
carreaux. Il sort une piËce de son pantalon et la tient brandie entre le pouce et líindex.
Il
va s˚rement donner la prioritÈ du dÈpart ‡ Teddy, me confie Roy.
Ici, on níaime pas les Ètrangers.
Il ajoute
- Et si cíest le Rouge qui commence, míÈtonnerait que le combat se poursuive, vu quíil leur dÈcolle la tÍte au premier chtard. Y a deux ans, il a tuÈ le reprÈsentant de Coca-Cola díentrÈe de jeu!
Devant de telles rÈvÈlations, jíhÈsite ‡ intervenir pour enjoindre au Mammouth díabandonner, mais au point o˘ en sont les choses, nous nous ferions tous lyncher
Le shÈrif demande ‡ Sa MajestÈ quel cÙtÈ de FOIRIDON ¿ MORBAC Cl1Y 153
piËce il choisit. Mon pote ne comprend pas ~glais, mais le geste est assez explicite.
Face! fait le FranÁais.
Le shÈrif ne comprenant pas, il se tourne vers eddy-Ie-Red Heads or tails, Teddy?
Heads! grommelle la brute.
GagnÈ, rÈpond le shÈrif en empochant sa piËce sans líavoir lancÈe.
Belle impudeur, rÈvÈlatrice de líimpartialitÈ 1í~rbitre.
Quand tu veux, Teddy! dÈclare ce rnier.
Mais le Rouge dÈsigne le chapeau, il engueule líassistance comme quoi il va pas dÈmonter la hure de ce porc díÈtranger pour une pincÈe de fÈvettes.
TisonnÈs par ses sarcasmes, les spectateurs mettent la main ‡ la poche et Áa se met ‡ pleuvoir dru dans le bitos de mon petit pote. Je míavance pour balancer un talbin, ce faisant, je dis au Gros:
- Gaffe-toi de ce monstre, il allongerait un ÈlÈphant díune mandate! Ote au moins ton r‚telier.
Alexandre-BenoÓt ricane:
- Líest dÈj‡ dans la poche ‡ FÈlisque, vu quíjíai pas de froc, je dÈpose toujours mon damier quand on est dans la foule mais fais-toi pas dísouci, grand, jílíattends venir, cígrand nútid!
La pluie de monnaie cesse. Teddy adresse une mimique renfrognÈe pour signifier que, bon, il va dÈmarrer la sÈance.
Il fait la manivelle avec son bras pour
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síÈchauffer, puis se masse le poignet et enfin prend bien le sol de ses pieds afin díaffirmer son assise.
BÈru attend, le regard coagulÈ. Chose impensable, il níest pas ivre, ou ‡
peine. Lui aussi se campe bien. Je note que sa joue gauche (qui va dÈguster la baffe) est gonflÈe. Je pige líastuce:
il
constitue une sorte de coussin díair pour amortir líimpact.
Teddy-le-Rouge dÈcrit deux moulinets et balance. «a fait un bruit flasque.
La trombine du Mastard dÈcrit une embardÈe, ses deux pieds perdent leur adhÈrence, il titube. Un moment on peut croire quíil va síÈcrouler. ´ Les chÍnes quíon abat ª! disait Mairaux. Ce chÍne-l‡ vient de morfler un sacrÈ
coup de cognÈe! Ses lotos font un tracÈ plat, puis síaniment et se mettent
‡gambader dans leurs orbites.
Un temps. Líhomme BÈru crache.
Rouge.
Lentement, il masse sa grosse joue qui violit comme, en ÈtÈ, un ciel de couchant.
- Bien jetÈ, líArmÈnien! murmure mon ami qui, díordinaire, use de cette expression lorsquíil entend autrui profÈrer un pet de líampleur des siens.
Enfin, il se consacre ‡ ses prÈparatifs et se met ‡ Ètudier son vis-‡-vis.
- Líest plus grand químoi, soupire-t-il. Faut quí jívais míhausser suí la pointe des pinceaux pouí Ií cigogner; dí cífait, jíníaurai pu mon Èquilibí, Je devine que le Gros se pose un problËme et FOIRIDON ¿ MORBAC CITY 155
tente de nÈgocier la situation afin de gagner un m~x en efficacitÈ.
Tísais, Sana, me jette-t-il, si je mílípaie pas cítífois, jísus marron, biscotte une deuxiËme tarte aux quetsches comme celle quíy vient dímí
balancer, jíirai pas plus loin!
Soudain, líarbitre intervient pour ordonner ‡BÈru díÙter son alliance quíil porte ‡ la main droite depuis quíune fracture de son annulaire aauche lía dÈformÈ.
Le Mammouth síexÈcute de mauvaise gr‚ce et met líanneau qui le vassalise dans ma poche.
Et aprËs, tout se dÈroule trËs vite. Alexandre-BenoÓt lËve la tÍte et module un ÓÙÙÙ! ªirrÈsistible, tout le monde regarde en líair spontanÈment, y compris son adversaire. Et l‡, Mister Mammouth place sa mandale surchoix. Fulgurante, puissante mais sans moulinets prÈalables, sans roulades avantageuses. Le rouquin dÈrouille puisquíil pousse un cri inarticulÈ, quíil se met ‡ suffoquer, pose un genou ‡ terre, ouvre sa gueule comme un boa qui síÈtouffe en bouffant un lapin angora.
Pendant ce temps, BÈru frotte sa main gifleuse avec sa main libre pour, probablement, la dÈsendolorir; mais, aussitÙt aprËs, il murmure:
-
FÈlicite-moive, grand. Ta main, vite!
~ Je la lui tends, il la secoue Ènergiquement et profite de ce handshake pour me restituer mon couteau suisse quíil avait piquÈ dans ma fouille en y mettant son anneau. Je fais disparaÓtre líobjet.
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Pendant ce rapide manËge, Teddy-le-R síest allongÈ sur la chaussÈe, Èvanoui.
Lors, la populace se met ‡ congratuler vainqueur : toujours, les foules!
Avec el cíest ´ malheur ‡ qui reste en route ª; homme terrassÈ est un homme dÈsaimÈ.