L’ÉCHAPPÉE BELLE
Dave Marron
-1 av. BY
L’Échappée Belle est une short-story écrite par Dave Marron, publiée dans le Star Wars Adventure Journal 1 en Février 1994.
Cette short-story se déroule juste avant la destruction d’Alderaan par l’Empire. On y suit les aventures de Dannen Lifehold, un contrebandier né à Alderaan.
Titre original : Breaking Free
— Monsieur ?
Linkaas se retourna, fixant son subalterne d’un air pensif. Le soleil de Evas VI s’était finalement levé après trois jours de pluie continuelle, et Linkaas comptait bien profiter de cette douce chaleur. Les lampes à rayons ultraviolets étaient bien trop puissantes.
— Oui, qu’y a-t-il ? demanda-t-il en se penchant en avant. J’espère que c’est important.
Le subalterne sembla se rétrécir dans son uniforme.
— Monsieur, vous vouliez être prévenu lorsque Lifehold recevrait ses ordres de missions.
— Et est-ce le cas ?
— Oui, monsieur, il y a quelques minutes.
Linkaas se tourna vers la fenêtre.
— Excellent. Il devra d’abord s’arrêter sur Darkon III avant de se rendre sur Dohu. Envoyez Chokk et Bakk à Dohu. Je veux qu’ils soient prêts à l’accueillir.
Le subalterne semblait soulagé.
— Ils sont déjà partis, monsieur. Chokk affirme qu’ils devanceront Lifehold d’une journée au moins.
— Bien, dit Linkaas, savourant la chaleur qui caressait son visage. La pluie avait cessé, ainsi que le froid. Cela devrait leur donner suffisamment de temps pour tuer Lifehold. Il se retourna brusquement, à la surprise du subalterne. Autre chose ?
— N… non, monsieur, marmonna le subalterne.
— Très bien. Je serai sur la terrasse. Vous pouvez disposer, Qwot.
— Oui, monsieur.
Le son de l’alarme de proximité sortit Dannen d’un sommeil paisible. Après s’être étiré, il se leva de sa couchette et se dirigea vers le pont du Lifeline. Par habitude, il tendit l’oreille, se préparant à tout changement de sonorité dans l’alarme qui indiquerait une anomalie dans les moteurs. Satisfait de savoir que son vaisseau rentrerait à Evas, il s’arrêta près d’une cabine vide. Il faillit se cogner mais se baissa au bon moment. Feq était mort depuis deux mois maintenant, mais Dannen entendait toujours sa voix joviale, ses gloussements amicaux, et ses jurons. Il se mit à réparer les moteurs.
Arrête de te voiler la face, Lifehold, se dit Dannen, il est parti pour de bon. Au moins, tu n’auras plus à supporter ses ronflements.
Tournant sur lui-même, Dannen se rendit sur le pont et vint s’asseoir alors que l’hyperdrive s’éteignait et que le moteur principal prenait le relais. Après avoir vérifié ses relevés, il réalisa qu’il était tout juste à la frontière du système Dohu, à environ 20 000 kilomètres de la planète la plus proche. Il détestait sortir d’hyperespace si loin du système, mais sans copilote, il n’avait pas tellement le choix. Après tout, il devait dormir parfois. Mais comme il y avait huit planètes dans ce système, et qu’il devait se rendre sur la septième, il n’avait qu’un court vol à faire.
Il jeta un œil au siège vide du copilote. Bon, au moins c’était le dernier job qu’il lui devait. Encore une livraison, un paiement à Linkaas, et le Lifeline serait enfin à lui – sous clé, fourni, et amélioré. Ensuite, il pourrait se permettre d’engager un second, et partir librement en chasse de profits.
Deux heures plus tard, alors qu’il dirigeait son vaisseau vers la plus grande baie d’amarrage de Dohu VII, son panneau de communication commença à sonner.
— Vaisseau non identifié, ici Contrôle Spatial de Dohu, veuillez répondre immédiatement. Vaisseau non identifié, ici Contrôle Spa…
Dannen pressa la touche de réponse, interrompant la voix de l’autre côté du canal de communication.
— Contrôle Spatial de Dohu, je vous écoute.
— Vaisseau non identifié, veuillez transmettre votre balise d’identification, et préciser le motif de votre visite.
— Transmission en cours, Contrôle Spatial, dit Dannen après avoir appuyer sur un interrupteur.
Quelques secondes plus tard, le canal com crépita à nouveau.
— Contrôle Spatial à vaisseau Black Knight, veuillez préciser le motif de votre visite.
— Livraison de matériel aux entrepôts de Linkaas Corporation, dans la cité de Skagras, répondit-il.
Un petit mensonge ; en fait, c’était un ramassage.
— Vaisseau Black Knight, vous avez l’autorisation d’atterrir à baie d’amarrage 71 dans la cité de Skagras. Les coordonnées sont transmises à votre ordinateur de bord.
— Contrôle Spatial, ici le Black Knight, paré pour atterrissage dans baie d’amarrage 71, dit Dannen. Coordonnées reçues. Merci pour votre aide. Black Knight, terminé.
Skagras était une grande cité, mais la baie d’amarrage, situé à proximité de quelques bâtiments, n°71 était tout juste plus grande qu’un puits creusé dans le sol. Alors que Dannen faisait du surplace au-dessus du puits, le vaisseau tangua à tribord, et une lumière rouge se mit à clignoter. Crachant un juron, Danna lutta pour stabiliser le vaisseau alors qu’un dispositif d’atterrissage s’abaissait. Il entendit un petit fracas alors que le dispositif se mettait en place.
On y est, ça passe ou ça casse, se dit-il. J’espère simplement que ce n’est pas trop grave.
Il posa lentement le vaisseau à terre, contrôlant la perte de puissance jusqu’au bout. Le bras d’amarrage tribord toucha le sol, et Dannen réduisit la puissance du système de répulsion bâbord. Le dispositif bâbord heurta le sol dans un bruit sourd, et les jambes du vaisseau émirent un grincement alors qu’elles amortissaient le poids de l’appareil. Poussant un soupir de soulagement, Dannen coupa les moteurs et se dirigea vers la salle des machines.
En arrivant, sa vérification ne fit que confirmer ses craintes. Le système de répulsion bâbord avait surchauffé. Il était tout juste opérationnel, mais cela voulait dire qu’il ne lui restait que deux possibilités : le réparer aujourd’hui avec un argent qu’il n’avait pas encore, ou décoller avec quarante pourcents de puissance en moins. La seconde option semblait plus appropriée.
— Génial, se dit Dannen, l’air frustré. Je n’avais vraiment pas besoin de ça aujourd’hui.
Après s’être dirigé vers la rampe d’embarquement du vaisseau, il s’arrêta quelques secondes pour attraper un datapad qui contenait les coordonnées de l’entrepôt. Il consulta le contenu, et vit qu’il était situé à environ quatre kilomètres de là, au cœur de la ville. À peine sorti de la baie d’amarrage, il remarqua une cantina non loin.
Un sourire se dessina sur son visage. Il avait encore le temps de se payer un petit rafraîchissement.
Dannen fit la grimace en entrant dans la cantina. Un arôme de fumée, de transpiration, et d’encens assaillit ses narines. Marchant jusqu’au bar, il remarqua quelques clients dans l’une des cabines de la salle. Ils le scrutèrent intensément pendant qu’il commandait une boisson au barman. Après une petite conversation, l’un d’eux s’approcha de lui.
C’était un Silika, une créature au visage buriné et au teint halé. Comme tous ceux de son espèce, il avait une petite fente en guise de bouche ; mais celui-là avait également un regard curieux.
Il tapota l’épaule de Dannen son bras le plus à gauche.
— Vous êtes Dannen Lifehold ?
Dannen fixa le Silikia trop curieux.
— Qui le demande ?
L’alien semblait confus.
— Moi. À moins que vous ne voyez quelqu’un d’autre à côté de moi ?
Dannen soupira.
— Peu importe. Qu’est-ce que vous voulez ?
— Je veux voir l’homme qui a vaincu Kemmel Attapi à son propre jeu. Selon la rumeur, il vous ressemble beaucoup.
Dannen passa une main dans son épaisse chevelure bleue. Puis il se souvint.
— Oh, oui, ça me revient. Le Silika avec un corps creux.
— Oui, confirma l’alien. Je m’appelle Kenta Anwa. Jusqu’à ce que vous le battiez, c’était moi le challenger en titre. Ses yeux brillaient. Maintenant, c’est vous que je défie en compétition.
— Écoute, l’ami, je n’ai pas envie de jouer. J’ai eu une sale journée et ça promet d’être pire. Et je doute que tu veuilles perdre tous tes crédits.
— L’honneur exige que je vous défie, monsieur Lifehold. Et vous savez l’importance que nous accordons à l’honneur, n’est-ce pas ?
En effet, Dannen le savait. Cette compétition exigeait que le perdant accepte la défaite et renonce à toute revanche. Les crédits étaient généralement échangés par des arbitres, mais les paris entre compétiteurs étaient une chose courante. Il soupira.
— D’accord, d’accord, j’accepte le défi.
Le Silika esquissa un sourire désagréable.
— Joignez-vous à notre table, j’irai chercher vos boissons. Il fit un signe au barman. Eaux Silikannes, je vous prie. Alors que le barman allait chercher ce que le Silika avait demandé, Dannen se joignit aux autres Silika de la table. Les autres le regardèrent et décrivirent une série de gestes de leurs trois mains alors qu’il prenait place. Dannen répéta les gestes du mieux qu’il put.
— Salutations, monsieur Lifehold, vainqueur du dernier concours, dirent-ils en chœur. Nous vous souhaitons la bienvenue, et bonne chance.
Dannen poussa un soupir. Il détestait tout ce cérémonial, mais il n’y pouvait rien. Le défi avait été lancé dans les règles et accepté, et il devait se plier aux traditions. De plus, s’il se rétractait maintenant, ils l’abattraient à bout portant.
— De même pour vous, répondit-il.
En entendant sa réponse, les trois autres se relaxèrent et firent craquer leurs doigts avant la distribution. Dannen fit un signe de tête, puis balaya la poussière de ses mains. Lorsque son challenger revint à table avec diverses boissons, Dannen répéta les gestes et les mots.
Le challenger lança mille crédits sur la table – sa mise de départ. Dannen cligna des yeux à la vue des crédits ; s’il avait su, il se serait montré un peu plus catégorique. Il n’avait vraiment pas envie de jouer, mais il était trop tard.
Eh bien, au moins, il pourrait faire réparer son vaisseau.
— Êtes-vous prêts, monsieur Lifehold ?
— Oui, répondit Dannen, pressé d’en finir.
— Alors commencez.
Dannen sirota une gorgée de sa boisson, ne sachant pas ce que contenait son verre. Pas d’arrière goût étrange, aucune trace d’ingrédient inhabituel, aucune odeur artificielle… probablement inoffensive. Rassuré, il but le verre d’une traite et le reposa. Le challenger déglutit, puis posa les yeux sur son verre. Lentement, il le leva, et, tout comme les règles du concours le stipulaient, il le but de la même manière.
Cinq verres plus tard, le challenger vacilla pendant un moment, marmonna quelque chose, puis tomba violemment au sol. Ses trois camarades fixèrent Dannen avec effroi pendant qu’il saisissait les crédits posés sur la table.
— Vous êtes un vrai champion, monsieur Lifehold, dit celui du milieu. Pas étonnant que vous ayez battu Attapi.
Dannen fit une révérence.
— Mes félicitations à votre ami. C’est un être brave, bien qu’un peu téméraire.
Alors qu’il retrouvait l’air frais et son chemin vers l’entrepôt, Dannen pensait à cette réputation qu’il s’était fait. S’il n’avait jamais participé à ce concours avec Attapi, un autre l’aurait fait, bien sûr. N’importe qui aurait pu faire ce job – il était seulement arrivé au mauvais moment au mauvais endroit. Il y avait peu de créatures vulnérables à l’eau minérale, et avec leur physique siliconé, les Silika y étaient bien plus sensibles. Cela n’avait aucune importance qu’ils aient défié un humain en premier lieu, mais peut-être était-ce simplement la malchance. C’était comme défier un wookiee à un concours d’escalade.
Deux kilomètres plus loin, Dannen arriva à l’entrepôt. Il s’était habitué à la manière tout à fait particulière que Linkaas avait de travailler ; il appréciait les entrepôts sans travailleurs. Dohu n’était qu’une halte pour récupérer la cargaison, et Dannen était simplement le suivant sur la liste des transporteurs.
— Bon sang, je suis content que ce soit la dernière livraison, se dit-il. Je déteste la façon dont cet indic fait des affaires.
Après avoir tapé son code d’entrée sur le verrou de la porte, il entra à l’intérieur, et se rendit à la zone de stockage. Tournant au coin d’un couloir, il trouva la cargaison : douze caisses, chacune larges de six mètres cubes. Un tas de caisses était rangé contre le mur. Connaissant Linkaas, la cargaison serait pleine et prête à être chargé.
Dannen se dirigea vers les caisses. Alors qu’il tournait à un coin, quelque lui chatouilla la nuque. Instinctivement, il roula en avant, juste à temps pour éviter une décharge de blaster qui laissa une brûlure à l’endroit où il s’était tenu une seconde avant. Dannen se mit à couvert derrière les caisses et sorti un blaster de son holster. Sans perdre de temps, il décocha deux tirs, puis se remit à couvert.
Génial, il manquait plus que ça, se dit-il.
Soudain, quelque chose émergea de derrière lui et vint s’enrouler autour de lui, immobilisant ses bras. Quelques secondes plus tard, une aiguille vint se loger dans son cou, il tomba au sol et il fut bâillonné. Deux silhouettes musclées et rouges de peau s’approchèrent de lui. Quelque chose chez eux lui semblait familier…
Il tenta d’identifier cette chose, mais les ténèbres le recouvrirent.
Lorsqu’il reprit ses esprits, il était suspendu dans les airs, la tête en bas. En faisant tanguer son corps de droite à gauche, il comprit qu’il était pendu par les pieds à un chevron au plafond. Ses poignets étaient ficelés. On lui avait bandé les yeux, mais il pouvait entendre les malfaiteurs juste en dessous pendant qu’ils déplaçaient les caisses en dehors de l’entrepôt, jusqu’à une espèce de véhicule. Lentement, et veillant à ne pas attirer l’attention, il tortilla ses poignets pour tenter de se débarrasser de ses liens. En vain. C’était comme si ses mains étaient plongées dans du plastacier.
Il avait à nouveau un sentiment de déjà vu, mais plus intense cette fois. Le plastacier… quelque chose en rapport avec des liens aussi durs que du plastacier…
Ses réflexions furent interrompues lorsqu’il entendit une voix en dessous de lui.
— Qu’est-ce qu’on fait de lui ?
— Tu te souviens de ce qu’a dit le boss, répliqua une seconde voix. On le tue, et on le laisse ici.
J’ai déjà entendu ces voix auparavant, mais où ? se demandait-il.
— Et pour son vaisseau ? demanda la première voix.
— On le laisse pour l’instant, et on repasse le chercher plus tard.
— OK, dit la première voix.
Dannen entendit le bruissement d’un blaster que l’on dégainait, et se prépara au pire.
Je ne vais pas tarder à te rejoindre, Feq. Plus tôt que je l’imaginais, mais j’arrive.
Quand le tir fut décoché, quelqu’un poussa un cri, et plusieurs hurlements guerriers se firent entendre depuis la porte. Ensuite, il y eut une fusillade, une énorme fusillade.
— On dégage d’ici ! hurla la seconde voix. Ils sont trop nombreux !
Dannen entendit le bruit d’un transporteur en train de s’éloigner. Puis, quelques secondes plus tard, il sentit que quelqu’un le faisait doucement descendre. Une vibrolame découpa ses liens, et le bandeau qu’il avait sur les yeux tomba. Plissant les yeux sous l’effet de la lumière, Dannen vit…
— Kenta Anwa ?
Le Silika fit non de la tête.
— Non, monsieur Lifehold, je m’appelle Klin, frère et compagnon de Kenta. Êtes-vous blessé ?
Dannen se releva, grimaçant sous l’effet de la douleur qui parcourait ses muscles.
— Légèrement endolori, mais je suis en vie. Il observa les différents Silika présents autour de lui. Comment m’avez-vous trouvé ?
— L’ego de mon frère a finalement prit le dessus, dit Klin. Il voulait prouver qu’il vous avait rencontré et affronté, mais il a oublié d’amener son holo-caméra. Quand il s’est réveillé, il m’a demandé d’aller chercher sa caméra et de vous trouver. Nous avons suivi votre trace jusqu’ici, et nous sommes débarrassés de ces bandits. Son visage semblait exprimer la désolation. Nous n’avons pas pu les empêcher de s’enfuir.
— Mais vous les avez empêchés de me tuer, dit Dannen alors qu’il étirait ses muscles. Merci. Je vous dois la vie.
Klin secoua la tête de droite à gauche, vous ne nous devez rien, monsieur Lifehold. Nous sommes ravis de pouvoir aider. Mais, nous aurions une faveur à vous demander.
— Allez-y.
Klin fouilla dans son sac et en sorti une holo-caméra.
Dannen se dirigeait vers la baie d’amarrage. Il avait marché et réfléchit pendant une heure, essayant de savoir quoi faire. Sa cargaison avait été volée. Il ne parviendrait pas à livrer ce dernier chargement, et son système de répulsion bâbord était grillé. Et par-dessus tout, ces bandits lui avaient prit les crédits qu’il avait gagnés au concours.
Alors qu’il entrait dans la baie, son désespoir sembla s’intensifier. Que faire ?
Dire à Linkaas la vérité ? Bien sûr, comme s’il allait avaler une histoire pareille. Et Linkaas ignoreraient le témoignage des Silika.
Fuir ? Oui, mais où ? Il avait passé la moitié de sa vie poursuivit par les laquais de Linkaas. Son espérance de vie était donc impossible à déterminer.
Dannen s’immobilisa soudain au milieu de la baie. Les laquais… une minute…
— C’est ça ! s’écria-t-il. Cette sale pourriture de…
Son hurlement soudain fut suivi d’un bruit provenant de sous le vaisseau. Quelque chose, ou quelqu’un, avait sursauté. En l’espace d’une demi-seconde, il dégaina son blaster et le pointa vers l’endroit d’où le bruit était venu.
— Sortez de là ! hurla-t-il. Je ne suis pas d’humeur à jouer !
L’intrus émergea lentement de sa cachette. Elle mesurait environ un mètre cinquante, ses cheveux étaient bruns comme de la fourrure, et ses yeux étaient d’un bleu profond. Son visage et son corps étaient fins. Elle portait une veste usée et un pantalon déchiré. Un outil pendait au niveau de sa taille. Pieds nus, sa queue tremblait, mais Dannen ne pouvait dire avec certitude si c’était de peur, de colère, ou d’appréhension.
Dannen s’approcha lentement d’elle.
— Que faisais-tu sous mon vaisseau ?
Elle le fixait de ses yeux grands ouverts.
— Vaisseau cassé. Je le rendre meilleur.
— Tu es mécanicienne ?
— Mécanicienne ? demanda-t-elle, prononçant de toute évidence un mot qui lui était inconnu.
Dannen essaya à nouveau.
— Tu répares les choses ?
Ses yeux s’illuminèrent.
— Oui ! Je répare votre vaisseau !
Dannen baissa son arme.
— Qui t’a dit que mon vaisseau avait besoin de réparations ?
— J’ai vu vaisseau atterrir. Savais il était cassé. Venu réparer.
— Attend une minute, tu es simplement entrée ici et tu t’es mise à travailler ?
— Non, sauté mur, dit-elle en pointant du doigt le mur voisin. Vaisseau à toi ?
— Oui, à moi.
Elle sourit, révélant des incisives taillées comme des seringues.
— Très beau, dit-elle.
Le Lifeline ? Beau ? Ça c’est nouveau. Dannen lui rendit son sourire.
— Quel est ton nom ?
Elle prononça quelque chose, mais trop vite pour qu’il comprenne quoi que ce soit.
— La personne avec qui j’ai voyagé m’appelait Purr. J’aime ça.
— Très bien, Purr. Tu veux bien me montrer ce que tu as réparé ?
Elle le conduit sous la coque du vaisseau jusqu’au système de répulsion bâbord. Retirant un panneau, elle s’écarta pour le laisser regarder. Dannen jeta un œil, et haleta : Des composants et des câbles dont il n’avait même pas connaissance étaient reliés dans un désordre qui faisait penser à des nouilles Dacho pas assez cuites.
— Oh, non ! Qu’est-ce que tu as fais ? grogna-t-il sur un ton désespéré.
— Réparé, dit Purr.
— C’est une blague. Ça ne fonctionnera jamais ainsi !
— Oui, marcher maintenant. Essaie !
Elle semblait confiante en ses talents de mécaniciennes, mais tout avait l’air si désordonné…
— Tu es sûre ? demanda-t-il finalement.
— Marcher maintenant ! Promis !
Dannen jeta un dernier coup d’œil, puis poussa un soupir.
— OK, mais si ce vaisseau s’écrase avec moi à l’intérieur, je ne te parlerai plus.
— Non ! hurla Purr, enlaçant Dannen de toutes ses forces. Non ! T’écrase pas ! T’écrase pas !
— Doucement, Purr, dit Dannen, surpris. Ce n’était qu’une plaisanterie.
Purr s’assit et mit sa tête entre ses genoux.
— Jamais plaisanter avec mort ! Jamais !
— D’accord, d’accord, je suis désolé.
Elle leva les yeux vers lui.
— Promis ?
— Je te le promets. Maintenant, laisse-moi passer, je vais voir ce qu’ont donné tes réparations.
Elle le regarda droit dans les yeux.
— Réparations ?
— Laisse tomber.
Purr le laissa passer, et ensemble ils se rendirent sur le pont. Dannen s’assit, et Purr se glissa sur le siège du copilote. Après avoir reçu l’autorisation de décoller, Dannen augmenta lentement la puissance des répulseurs, surveillant attentivement l’alarme du vaisseau.
Le Lifeline s’éleva doucement du sol. Le répulseur bâbord portait sa part du poids du vaisseau sans montrer le moindre signe d’une perte de puissance. Dannen fit monter la puissance au maximum, et le Lifeline s’éleva majestueusement dans le ciel.
— Incroyable ! dit-il, impressionné par les talents de la petite.
— J’ai dit c’était réparé, dit Purr, esquissant un sourire fier.
— Oh que oui, tu l’as dit ! Qu’on me transforme en Bantha, ça marche ! (Puis cela lui vint à l’esprit.) Je ne peux pas te payer, Purr. Tu vois, j’ai été volé, et…
Purr leva une patte et lui fit signe de se taire.
— Veux pas d’argent. Mais… à manger ? Endroit chaud pour dormir ?
Dannen esquissa un sourire, et la conduisit à la cuisine. Elle se servit de l’autochef sans problèmes, remarqua-t-il. Après l’avoir conduite jusqu’à la couchette d’ami, il fit entrer le vaisseau en hyperespace, puis se rendit dans ses propres quartiers.
Il devait réfléchir à ce qui lui était arrivé aujourd’hui.
À environ trois diamètres planétaires d’Evas, Dannen lança un appel à Linkaas sur le canal de communication subspatial. Linkaas répondit immédiatement.
— Dannen, mon garçon, c’est bon de t’entendre, dit-il d’une voix teintée de surprise.
— Garde ta salive, Linkaas, l’interrompit Dannen. Tu ne prévoyais pas de me revoir, avoue-le.
— Qu’est-ce que tu racontes là, mon garçon ?
— Tu as envoyé Chokk et Bakk s’occuper de moi à Skagras, Linkaas. Ils m’ont embusqué et ont faillit me tuer. Je les ai vus.
Linkaas fit semblant d’être vexé par cette accusation. De toute évidence, il était très mauvais acteur.
— Même s’ils étaient là-bas, qu’est-ce qui te fait dire que c’est moi qui les ait envoyés ? Tu es l’un de mes meilleurs courriers.
Dannen esquissa un sourire vers l’écran holovidéo.
— Parce qu’ils ont été suffisamment stupides pour utiliser des fusils à filet, voilà pourquoi. Ils sont toujours en développement. Je les ai testé moi-même, et je sais très bien quel effet fait cette corde. C’est comme ça que j’ai su, idiot. Tu as essayé de te débarrasser de moi en faisant croire à un vol qui aurait mal tourné.
Pendant un moment, Linkaas laissa la rage se refléter sur son visage.
— Quelle bande d’incompétents… écoute, Dannen, je ne vois pas de quoi tu parles. Ces fusils à filets ont du être volés.
— Des clous, Linkaas. Je sais tout, tu vois. Je pense que tu voulais voler le Lifeline. J’avais presque fini de le payer, ce qui voulait dire que j’aurai mis fin à notre contrat. Alors tu as engagé deux manchots pour m’éliminer, après quoi tu aurais vendu le vaisseau, sans même payer pour son transport. Brillant stratagème. Tu mérites un A en sournoiserie. Désolé de te décevoir, mais ton plan a échoué.
Linkaas répondit au sourire de Dannen par un autre sourire.
— Tu n’as aucune preuve, tu sais. Ce serait la parole d’un contrebandier contre celle d’un président de corporation. Tu n’aurais aucune chance.
Le sourire de Dannen s’élargit.
— Qui sait ?
— J’en suis certain. Quoi qu’il en soit, tu me dois toujours un dernier paiement, plus le coût du chargement que tu as égaré…
— C’est toi qui l’a volé ! s’écria Dannen.
— Prouve-le. Donc je disais… tu me dois désormais vingt-cinq mille trois cent trente-quatre crédits, payable sur demande. Et je le demande maintenant.
Abattu, Dannen s’enfonça dans son siège. J’espère que quelqu’un empoisonnera tes fertilisants.
À ce moment là, Purr apparut dans le champ vidéo. Homme-plante ! s’exclama-t-elle, effrayée par l’apparence de Linkaas – une apparence caractéristique de tous les Pliith de la galaxie.
— Purr, sors d’ici ! dit Dannen, la poussant hors du champ de l’holocaméra.
— Tiens, qui est ta nouvelle amie, Dannen ? demanda Linkaas, oubliant momentanément sa colère.
— Euh, personne, répondit Dannen.
— Balivernes, mon garçon ; montre-la moi.
Purr se pencha dans le champ de vision de l’holocaméra. Linkaas examina son image attentivement, puis gloussa. Est-ce que sais ce que tu as là, mon gars ? C’est une Tinnell.
Dannen fronça les sourcils.
— Une quoi ?
— Une Tinnell. Ils sont atrocement stupides en tout sauf en ce qui concerne la technologie ; les meilleurs mécaniciens de la cette galaxie. Les Tinnell semblent avoir le chic pour réparer tout un tas de trucs. Ils aussi extrêmement rares. Où l’as-tu trouvé ?
— Ça ne te regarde pas.
Linkaas observa le duo pensivement.
— Tu sais, Dannen, ceci apporte une lumière nouvelle sur les choses. Je vais te dire ce que je vais faire ; tu m’apportes cette Tinnell pour qu’on l’étudie, et j’annule toutes tes dettes. Le vaisseau sera à toi, en règle et en bon état, et tu n’auras pas à payer pour le chargement.
— Oublie ça, Linkaas ! grogna Dannen. Je sais très bien ce que tu veux dire par « étudier ». Tu veux la disséquer !
— Bien sûr que non. Je veux savoir si son génie technique peut être reproduit. Elle travaillera pour moi la journée, et… je l’étudierai la nuit.
— N’insiste pas. Je ne te laisserai pas réduire un être vivant en esclavage. Et je ne paierai pas ce chargement, ou le dernier paiement pour le vaisseau.
— Je suis désolé que tu voies les choses ainsi, mon garçon, dit Linkaas. Mais tu n’as pas le choix. J’aurai mon argent, ou j’aurai la Tinnell. Et je veux dire maintenant.
— Dannen ? dit Purr, tapotant son épaule.
Dannen l’ignora.
— Tu peux toujours rêver, Linkaas. Tu vas le regretter.
— Dannen ? dit à nouveau Purr.
— Quoi ? dit-il sèchement, visiblement contrarié.
— C’est quoi ? demanda-t-elle, pointant son doigt vers la fenêtre. Il regarda dans la direction qu’elle indiquait, et vit quatre petits chasseurs stellaires émergeant de la planète dans la leur direction.
— Oh, non, dit Dannen. J’aurai du le savoir. On s’en va, Purr. Accroche-toi !
— Savoir quoi ?
— Il m’a distrait avec le canal des communications suffisamment longtemps pour permettre à ses hommes de décoller.
Purr observait les vaisseaux.
— Tu veux dire, eux sont amis ? Peut-être ils peuvent aider.
— Ce ne sont pas mes amis, Purr, ce sont les siens. Il espérait que je ne remarque rien. D’une pression sur un bouton, il activa les boucliers du vaisseau, il mit les moteurs en route et engagea le vaisseau à pleine puissance. Le Lifeline partit à toute vitesse, évitant les tirs des chasseurs.
Dannen esquissa un sourire fier en regardant les chasseurs tourner autour de lui.
— OK, bande de nigauds, prêts pour une petite danse ?
— Danse ?
— Laisse tomber. Il tendit la main et activa le navordinateur, puis vira de bord pour heurter l’un des chasseurs. Bon, où est-ce que nous pourrions aller ?
Purr réfléchit.
— Sais pas, dit-elle.
— Ce n’est pas grave, je n’en ai aucune idée non plus. Il commença à faire zigzaguer le vaisseau afin de donner du fil à retordre à ses poursuivants, les forçant à prendre des directions hasardeuses. Puis, il appuya sur quelques interrupteurs et afficha des informations sur son navordinateur.
— On va où ? demanda Purr.
— Alderaan, répondit-il. Tu y es déjà allé ?
Purr réfléchit. C’était un vrai effort pour elle.
— Crois pas, répondit-elle.
— Je connais certaines personnes là-bas. Des gens accueillants, pacifiques. À ce moment là, un tir perdu frappa ses boucliers. Dannen esquissa une grimace.
— Un peu de paix serait la bienvenue. Ne t’inquiète pas, tu te plairas là-bas.
— Promis ?
Dannen sourit.
— Promis, dit-il.
Une lumière verte commença à clignoter sur le panneau. Purr marcha jusqu’au panneau d’affichage et pointa du doigt la lumière.
— C’est quoi la lumière ?
— Ça veut dire qu’on s’en va, répondit-il, tirant sur les manettes.
Juste au moment où les chasseurs verrouillaient leur cible, le Lifeline entra en hyperespace. Le pilote du chasseur de tête activa un canal de communications.
— LC-1 à base, dit-il.
— Allez-y, LC-1.
— Ils se sont enfuis, monsieur.
— Oui, je sais, gronda la voix de Linkaas dans le haut-parleur. Vous n’avez pas été assez rapide. Mais peu importe. Lifehold, la Tinnell, et le vaisseau seront bientôt à moi. (Linkaas fit une pause.) Oh, et capitaine ? Vous êtes virés.
Il y eut quatre brèves lueurs. Les vaisseaux s’étaient autodétruits. Bientôt, il n’y aurait plus aucune preuve de leur existence.
Alors que les étoiles devenaient des lignes allongées et que l’hyperdrive du vaisseau prenait le relais, Dannen s’autorisa un moment de relaxation.
— OK, nous sommes en sécurité maintenant.
Purr le fixait.
— Pourquoi la plante voulait moi ?
Dannen réfléchit. S’il lui disait la vérité, elle serait probablement confuse. Mieux vaux rester simple.
— Il veut te tuer.
Ses yeux s’écarquillèrent sous l’effet de la terreur.
— Pourquoi ? demanda-t-elle.
— Parce que tu es spéciale. Et parce qu’il sait que ça me blesserait.
Purr ne détournait pas le regard.
— Tu le laisseras pas me prendre, hein ?
Dannen eut un sourire, et la prit dans ses bras.
— Non, Purr, je ne le laisserai pas te prendre. Je te le promets. Il se gratta la tête ; dans tout le voyage depuis Dohu, il se rendait finalement compte qu’il l’appréciait. Allez, allons-nous reposer. Un long voyage nous attend.