INSTANT DÉCISIF
Charlene Newcomb
-3 av. BY
Instant décisif est une nouvelle de Charlene Newcomb parue dans le Star Wars Adventure Journal #5 en février 1995 puis archivée sur internet dans la section Hyperspace du site officiel www.starwars.com.
L’histoire se déroule environ 3 ans avant la Bataille de Yavin, sur la planète Garos IV en passe de devenir une base permanente pour les troupes impériales. Cette nouvelle nous raconte les péripéties de Dair Haslip à quelques jours de son départ pour l’Académie Impériale de Raithal et l’instant décisif qui va le faire changer de camp. On y apprend également les circonstances de l’adoption d’Alex Turhaya, rebaptisée Alex Winger pour l’occasion, et dont les aventures seront à suivre dans la nouvelle Rendezvous with Destiny du même auteur.
Titre original : Turning Point
Les lunes jumelles étaient majestueusement suspendues dans le ciel nocturne au-dessus de l’océan Locura. Elles éclairaient la côte, illuminant doucement les falaises de Tahika et créant comme un air de tranquillité.
Une douce brise balayait le visage du grand jeune homme à la chevelure sombre, appuyé sur la rambarde du balcon placé au bord de la falaise. Dair Haslip sentait que cette brise ajoutait à l’illusion de calme. Plus bas, près de l’eau, vents traîtres et vagues impitoyables frappaient la falaise.
Dair aimait cet endroit de son monde natal plus que tout autre. Ici, il pouvait se consoler dans ses moments de désespoir. Ici, il pouvait trouver de l’inspiration. Et, alors qu’il s’apprêtait à quitter Garos IV pour la première fois, il désirait graver chaque détail – les vagues, les vents, les falaises, les lunes – dans sa mémoire. Il pourrait s’écouler un long moment avant qu’il ne puisse retourner chez lui.
Il avait grandi sur ces falaises. De là où il se tenait, les lumières de la maison de sa grand-mère, au sud, étaient à peine visibles. Il pensa à Jos, son meilleur ami, et le temps où ils gravissaient les collines des environs, utilisant ces lumières comme un repère les guidant vers la maison. Durant les nuits comme celle-ci, ils planifiaient ensemble leurs futurs à l’Académie de Raithal. Dair secoua la tête d’un air triste. Jos ne partirait pas avec lui désormais. L’Empire ne voit pas d’un air favorable ceux dont le père est recherché pour trahison. Il se demandait comment les choses avaient-elles fait pour finir ainsi.
Cherchant une réponse parmi les étoiles, Dair regardait fixement le ciel. Il n’y avait aucune réponse pour Jos, mais ce que vit Dair emplit son cœur de fierté.
Silhouette cachant une lune, la navette Impériale de classe Lambda descendait à travers les nuages vaporeux, glissant sans effort vers le spatioport au sud d’Ariana. Cette navette, et l’Empire qu’elle représentait, signifiait beaucoup pour lui, maintenant qu’il était accepté à l’Académie. Et avec l’intérêt de l’Empire pour Garos IV chaque jour plus évident, c’était une promesse de prospérité accrue et de travail pour les Garosiens, des opportunités à saisir pour les jeunes hommes comme lui.
— Avez-vous jamais vu une vue plus magnifique ? demanda quelqu’un derrière lui.
Dair se retourna. Se redressant, il retira ses coudes de la rambarde. La voix de baryton, profonde et riche, ne semblait pas correspondre à l’homme de petite stature qui le rejoignait sur le patio.
— Non, monsieur, accorda-t-il. Comment allez-vous ce soir, ministre Paca ?
— Bien. Très bien, répondit Paca, prenant une profonde inspiration de l’air marin. Vous êtes Dair Haslip, si je ne me trompe ?
Dair lui sourit, surpris que l’assistant du Ministre du Commerce se rappelle de son nom, leur seule rencontre ayant eu lieu presqu’un an auparavant.
— Oui, monsieur. J’avais escorté ma grand-mère à la réception cette nuit-là. Paca hocha la tête.
— Keriin Haslip. Oui, je suis assez familier avec votre famille, Dair, reprit-il en avançant vers la rambarde du balcon. J’admirais le travail de votre père. Quelle tragédie.
Dair détourna le regard. Il se souvint la bombe Sundar qui avait pris la vie de ses parents durant la guerre civile, toujours en cours, entre les Garosiens natifs et les colons venants de Sundari. Six ans après, la peine ne voulait toujours pas s’estomper.
— Pensez-vous que l’Empire sera capable de stopper la violence, Ministre Paca ? Interrogea-t-il.
— Le ministre Winger travaille avec l’aide des officiers Impériaux dans ce sens. Paca observa l’horizon et soupira. Bien sûr, dit-il doucement, il y a un prix à payer quand l’Empire aide un monde.
— Oui, forcément, dit Dair naïvement. Des taxes plus importantes, une présence militaire plus grande. Mais au moins, nous aurons la paix sur Garos.
Paca regarda au-dessus de la rambarde, regardant la mer s’échouer sur la falaise loin au-dessous d’eux.
— La paix, répéta-t-il. Il y avait de la tristesse dans la voix de Paca qui poussa Dair à se tourner vers lui pour l’observer. Mais quoi qu’il ait cru entendre ou voir, tout disparut dans un large sourire sur le visage de Paca.
— Alors, M. Haslip, quels sont vos plans, maintenant que votre grand-mère a vendu les mines ?
— Je suis pour l’instant à l’université, monsieur, mais j’ai été accepté à l’Académie Impériale pour la rentrée prochaine, répondit fièrement Dair.
— Alors vous allez quitter Garos pour un plus vaste univers, là-haut, dit le vieil homme, pointant son doit vers le ciel. Soldat ou pilote ?
— Soldat, monsieur. J’aime avoir les pieds sur terre.
Paca ri.
— Je comprends.
— Très bien, Magir Paca, pris sur le fait ! Êtes-vous en train de corrompre mon petit-fils ?
La lumière astrale reflétait les longs cheveux argentés de Keriin Haslip. Les rides de son visage témoignaient des coups durs qu’elle avait vécus, mais il y avait une étincelle dans ses yeux sombres, comme un feu brûlant si intensément, que même les coups durs n’avaient pas étouffé.
— Bien sûr que non, madame Haslip.
Vous me connaissez mieux que cela, rétorqua-t-il en la taquinant, avant de baiser la main qu’elle lui tendait. Nous étions en trains de parler de l’avenir de Dair. Je viens justement d’entendre de bonnes nouvelles.
Garos sera fière de voir l’un de ses plus prodigieux jeunes hommes entrer à l’Académie.
Dair se redressa un peu plus encore, remarquant le bref éclair de fierté qui traversait le visage de sa grand-mère. Mais son sourire lui semblait presque forcé. Il avait déjà remarqué que, plus le moment de quitter Garos approchait, plus elle se faisait discrète sur le sujet. Il était sa seule famille après tout, ce qui devait expliquer le peu d’enthousiasme qu’elle affichait.
Keriin passant son bras autour de Dair.
— Dites-moi, Paca, dit-elle, s’éclaircissant la voix, y a-t-il une once de vérité dans les rumeurs que j’ai entendue sur le Ministre Winger ?
— Je pense que nous somme sur le point d’avoir notre premier gouverneur Impérial, dit Paca.
— Oncle Tork ? Je veux dire, Ministre Winger ? s’émerveilla Dair. C’est fantastique, n’est-ce pas grand-mère ?
— Oncle ? demanda Paca.
— Les Winger ont toujours été considérés comme de la famille, expliqua Keriin sous le regard amusé de Paca. Et oui, Dair, Tork Winger sera un bon choix étant donné ses connaissances sur la négociation de paix actuelle avec les Sundars, ajouta-t-elle.
Paca hocha la tête pour confirmer.
— Oui, espérons que l’Empire ne forcera pas la paix, ajouta-t-il, détournant les yeux, visiblement gêné par l’expression intriguée de Dair.
— Forcer la paix ? Dair fronça les sourcils, observant sa grand-mère puis Paca alors que des bruits de pas résonnaient sur les vieilles pierres du patio. Il vit la tension apparaître sur le visage de Paca.
— Ministre Paca ? Je suis désolé de vous interrompre.
— Qu’y a-t-il, Linsa ?
— La navette du Lieutenant Brandei vient juste d’atterrir. Le ministre Winger vient d’être convoqué pour le rencontrer.
— Aussi tard ? Que c’est étrange. Excusez-moi, madame Haslip, Dair. Je dois parler au ministre Winger avant qu’il ne parte.
— Bien sûr, monsieur, répondit Dair. Bonne nuit.
— Bonne nuit, mon ami, fit Keriin. Eh bien, Dair, je suppose que nous allons devoir faire d’autres projets pour ce soir et renter à la maison.
Dair soupira. Il souhaitait recevoir la visite de Winger depuis le début de la semaine.
— Oncle Tork devait me parler plus en détail de son séjour à l’Académie, dit-il à sa grand-mère.
— Eh bien, peut-être une autre nuit. Elle sourit : Dis-moi, jeune homme, es-tu sorti pour échapper à une vielle dame ?
Dair prit une profonde inspiration.
— Je suppose que je pensais à Jos, grand-mère. Il aurait dû être là cette nuit.
— Il aurait pu venir avec nous, Dair.
— Je le lui ai dit. Mais il pense que tout le monde aurait parlé de son père. Et il avait raison, grand-mère ! La moitié des conversations que j’ai entendues ! « Ont-ils capturé le vieux Desto Mayda ? », « Ils vont l’exécuter, pour sûr ! »…
— Je sais que Jos aurait été blessé, dit doucement Keriin. Lui as-tu dit que tu as été pris à l’Académie ?
— Oui. Il s’y attendait, mais il ne veut vraiment pas en parler. Il a cependant dit qu’il voulait que j’y aille.
— Et tu ne crois pas qu’il était sincère ?
— Ce n’est pas ça. C’est juste que je ne sais pas comment je me sentirais si la situation était inversée. C’est mon meilleur ami, grand-mère. Un sourire traversa le visage de Dair. Un événement se rappela à son souvenir, comme s’il était arrivé la veille. Je ne t’ai jamais dit ce que Jos et moi avions fait l’été de mes dix ans ?
Keriin secoua la tête.
— Tu vois cette falaise étroite juste au sud du Mont Usca, on allait grimper là-bas tout le temps, commença Dair, remarquant que, même à la lueur des lunes, son visage semblait pâle. Je suis tombé, continua-t-il. Je ne m’étais pas fait très mal, grand-mère. Mais j’avais tellement peur que je ne pouvais plus bouger.
— Qu’est-il arrivé ?
Dair pouffa.
— Jos est descendu me rejoindre. J’étais agrippé à un rocher comme à ma propre vie ! Il est venu à côté de moi, se balançant au-dessus de l’océan au bout de sa corde. Et il a lancé une conversation normale, comme si nous étions sur terre ! Nous avons parlé pendant dix bonnes minutes sans bouger ! Il est parvenu à me faire rire, et avant que je ne m’en rende compte, nous grimpions la falaise ! Dair soupira. Il a toujours été là pour moi, grand-mère. Et maintenant, j’ai l’impression de l’abandonner.
— Oh, Dair…
— Keriin ?
Dair se retourna brusquement, déçu d’avoir été interrompu. Mais l’arrivée de Sali Winger lui fit temporairement oublier son inquiétude pour Jos. Tante Sali avait été l’amie la plus proche de sa mère et était devenue encore plus proche de sa grand-mère depuis la mort de West et Nieka Haslip.
Dair pouvait comprendre pourquoi Tork Winger s’était lui-même déclaré l’homme le plus chanceux de la planète : une femme comme Sali était le rêve de tout politicien. Attirante, charmante et intelligente, elle pouvait transformer une affaire diplomatique ennuyeuse en un succès retentissant.
— Ma chère Sali, tout va bien ? demanda Keriin.
— Oui, tout va bien, répondit Sali, souriant doucement à Dair en lui serrant doucement le bras. Mais comme vous l’avez entendu, le Lieutenant Brandei a demandé à Tork et moi-même de le rejoindre au centre médical.
— Au centre médical ? Que c’est étrange ! Observa Keriin.
— Oui, c’est également ce que j’ai pensé. Mais il a déclaré qu’il voulait que nous rencontrions quelqu’un. Si cela ne te dérange pas de venir avec nous, nous pouvons toujours nous arrêter chez vous comme nous l’avions prévu, juste après ce meeting.
— Bien sûr, ma chérie, ce sera parfait. Keriin sourit. Nous pourrions même inviter le lieutenant !
— Quelle excellente idée, Keriin ! Dair, es-tu sûr que cela ne te dérange pas de quitter la réception ?
— Non, pas du tout, tante Sali, répondit Dair avec enthousiasme, excité par l’opportunité de rencontrer un officier naval en poste sur un Star Destroyer. Il offrit un bras à chaque femme.
— Quel gentleman ! rit Sali alors qu’ils marchaient vers la porte. Au fait, Dair, pourquoi Jos et toi n’êtes pas venus au manoir dernièrement ? J’espère que Jos n’est pas gêné au sujet des choses horribles que j’ai entendues au sujet de son père…
— Brandei, au nom du ciel, de quoi s’agit-il ? demanda Tork Winger en saluant son vieil ami. Que faisons-nous ici ?
— Viens avec moi, se contenta de répondre Brandei en souriant mystérieusement.
Dair marchait derrière le groupe à travers le corridor du centre médical d’Ariana. Gardant un œil sur le lieutenant Impérial, Dair était impressionné par sa démarche, délibérément rapide et la manière dont il se tenait. Tout dans l’homme exprimait la confiance. Dair se demandait si l’obtention de son diplôme à l’Académie de Raithal lui apporterait une telle confiance.
— J’en déduis que vous êtes venu seul, fit Winger.
— J’ai accompli une tâche spéciale dans le système Reega, et ai obtenu une permission pour venir ici pour des affaires non officielles, cher ami, répondit Brandei. Le Judicator arrivera dans quelques jours. Le capitaine vous envoie ses respects, et m’a demandé de vous transmettre qu’il vous rencontrera à ce moment.
— Très bien, mais, dans ce cas, que faisons-nous ici ?
Brandei s’arrêta devant une grande vitre qui les séparait de la chambre d’un patient. Dair vit un jeune lieutenant, pas plus âgé que lui, assis au chevet d’une enfant dont la tête était bandée et le visage meurtri.
— Oh, la pauvre enfant ! s’écria Sali Winger, cherchant un soutien auprès de Keriin.
— Qu’est-il arrivé ? demanda Keriin.
— Nous l’avons trouvée, presque morte, dans les décombres d’une maison après un raid. Maudits Rebelles, fit Brandei, d’un air dégoûté. Les médecins assurent qu’elle va s’en sortir. Mais elle n’a plus de famille, Sali. Ils ont été tués dans le raid. Sali se tourna vers son mari. Dair vit ses yeux emplis de larmes. Puis elle regarda Brandei, espérant avoir bien compris ce qu’il sous-entendait.
— Vous allez nous la laisser ? demanda-t-elle.
Brandei prit la main de Sali. Il savait qu’elle était incapable d’avoir des enfants.
— J’ai parlé de vous au capitaine. Il a pensé que c’était une excellente idée. Il sourit gentiment. Quelle justice poétique, façon de parler – que la fille d’un Rebelle soit élevée par un officier de l’Empire.
La fille d’un Rebelle ? L’esprit de Dair parcourut des milliers de kilomètres en une seconde. Il se demanda quel genre de personne pourrait faire cela à son propre peuple – à ses propres enfants.
— Comment s’appelle-t-elle ? questionna Sali. Dair vit oncle Tork l’observer son épouse dans le reflet de la vitre. Il n’y avait aucune trace du politicien tout-puissant dans ses yeux, seulement un homme profondément amoureux de sa femme. Brandei secoua la tête.
— Elle ne cesse de perdre conscience et n’a pas dit un mot.
— Qui est le jeune homme avec elle ? Demanda Winger.
— C’est le Lieutenant Chanceller. Il l’a sortie des décombres et il semble qu’il se soit autoproclamé son gardien.
— Puis-je enter ?
— Bien sûr, Sali.
— Keriin, viens avec moi, s’il te plaît ? implora-t-elle.
Keriin hocha la tête, poussant Dair à les suivre. Il se demanda pourquoi elle semblait si insistante pour qu’il entre dans la chambre. Elle savait à quel point il détestait ce lieu – trop de mauvais souvenirs du jour où il avait perdu ses parents.
Alors que la porte se refermait en glissant derrière eux, Dair frissonna. L’équipement médical ronflait doucement, de faibles lumières jaunes et bleues éclairant la pièce. La salle était froide et peu attrayante, mais seul Dair semblait le remarquer.
— Lieutenant Chanceller, j’ai appris que vous avez sauvé cette enfant, dit Sali au jeune homme qui se levait lentement en se tournant vers elle. Ses yeux d’un bleu perçant rencontrèrent ceux de Sali.
— Oui, m’dame. J’ai… Je ne pouvais pas la laisser mourir là-bas.
— Merci d’être resté à ses côtés, lui dit-elle.
— Il y a quelque chose de spécial au sujet de cette petite fille, m’dame.
— Spécial ?
— C’est comme si elle allait de l’avant, aspirant la force de tout ce qui se trouve autour d’elle, juste pour essayer de rester en vie. Il secoua la tête tristement. Ce qui est arrivé à sa maison est une honte.
— Un raid Rebelle ?
— Oh, non, m’dame. Nous étions à la recherche d’une forteresse Rebelle juste à côté de la maison de cette petite. Nos forces ont détruit la moitié de la ville.
Il prit la main de l’enfant dans la sienne. Et ajouta doucement :
— Je ne veux jamais revoir quelque chose de pareil.
— Nos forces ? Demanda Sali.
Les yeux de Chanceller étaient rivés sur Sali.
— Oui, m’dame. Nous l’avons fait, fit-il avec amertume. Il n’y avait pas de Rebelles là-bas.
Sali resta sans voix, ses yeux grand ouverts sous le choc. Dair fronça les sourcils, sceptique. Il y avait sûrement eu une erreur. Le lieutenant exagérait.
— Cela ne peut pas être vrai, protesta-t-il.
— J’y étais, gamin. Je sais ce que j’ai vu, répondit Chanceller.
Du coin des yeux, Dair vu l’expression de sa grand-mère. Son regard était rivé sur l’enfant. Et le hochement silencieux de sa tête fut une confirmation plus puissante que n’importe quel mot. Elle le croyait ! Je ne comprends pas !
Chanceller surprit Sali lorsqu’il prit sa main.
— Vous prendrez bien soin d’elle, m’dame, dit-il en mettant gentiment la main de l’enfant dans la sienne.
— Oui, je le ferais, lieutenant, assura-t-elle. Merci de lui avoir donné une chance de vivre.
— Une chance… Il hocha la tête. Oui, m’dame. Au revoir, m’dame.
Le vent s’engouffrait dans les branches dans la forêt dense des collines au nord des mines. Les arbres baraka avaient pris une tonalité violacée – le temps serait bientôt plus frais. Il restait trois heures avant le lever du jour, mais les ombres avaient déjà commencé à s’étendre sur le paysage. Les montagnes grouillaient de vie animale, mais c’était les cris des prédateurs qui inquiétaient Dair.
— Chut ! Veux-tu te taire ! Nous pourrions avoir beaucoup de problèmes, murmura Dair à son ami. Il ne pouvait pas croire qu’il avait laissé Jos l’embarquer dans cette histoire.
— Pourquoi ? Nous ne faisons rien de mal, répliqua Jos Mayda, défiant.
— Je ne crois pas que ces scout-troopers Impériaux soient d’accord avec toi, objecta Dair en regardant à travers ses macrobinoculaires.
Jos bougea, ses yeux brillants de mille feux.
— Tu t’inquiètes trop, Dair. Nous nous sommes promenés dans ces collines pendant des années. Après tout, ce terrain appartient à ta grand-mère !
— Lui appartenait, lui rappela Dair, scrutant nerveusement les collines. Roulant les yeux, Jos ignora ce détail mineur. Il s’adossa contre un arbre, plaça ses mains derrière sa tête, et soupira.
— Tu te souviens de la fois où nous nous sommes perdus dans les mines, Dair ?
Dair grimaça.
— Oui, j’ai cru que ton père allait nous vaporiser quand il nous a retrouvés… Il marqua une pause, se souvenant du sujet tabou. Je suis désolé, Jos. Je ne voulais pas…
Jos secoua la tête.
— Ça va, je dois assumer les faits, tu sais. Nous ne sommes plus des enfants. Mon père est un hors-la-loi, un traître. Je ne le verrai plus jamais !
Il y avait plus que de la colère dans la voix de Jos.
— Je sais qu’il se fait du souci pour toi, Jos.
— S’il se faisait autant de souci, pourquoi ne m’a-t-il rien dit, pourquoi ne m’a-t-il pas expliqué ce qu’il faisait, pourquoi a-t-il ressenti le besoin de travailler avec les réseaux clandestins ? s’exclama Jos. Il enfonça son visage dans ses mains et éclata en sanglots.
Dair s’assit silencieusement, partageant la peine de Jos. Il plaça sa main sur l’épaule de son ami. Il savait qu’aucun mot ne pourrait le réconforter.
— Tu sais, la seule chose que je n’aie jamais voulue était entrer à l’Académie, reprit finalement Jos. Tu te souviens de nos projets, Dair ? Nous devions découvrir la galaxie ensemble ! Ils ne me laisseront jamais entrer à l’Académie désormais !
— Il y a toujours un espoir, Jos. Ma grand-mère pourrait parler au ministre Winger…
— Oh, oublie ça, Dair ! Je vais rester coincé sur Garos pour toujours !
Fronçant les sourcils vers son ami, Dair le regarda essuyer ses larmes. Jos avait beaucoup changé durant ces dernières semaines. Il avait toujours été capable d’assurer dans toutes les situations.
— Eh bien, peut-être que je vais rester aussi, proposa Dair. Nous pouvons toujours aller à l’université puis ouvrir notre propre affaire !
Le front de Jos se plissa en signe de désapprobation.
— Non, Dair, tu dois partir. Le ton de sa peau tourna au gris léger. Oui, je veux que tu partes. Puis tu me raconteras tout, d’accord ? reprit-il en scannant les collines avec ses macrobinoculaires. Ouais, je veux que tu apprennes à tourner en rond dans la boue en se faisant crier dessus par un idiot de sergent !
Dair rit.
— Je ne t’épargnerai aucun détail ! promit-il. Il savait que, derrière cette remarque clairvoyante, il était plus difficile à Jos de lui dire de partir qu’à lui de proposer de rester.
— Regarde ! Deux soldats à 1-2-0, dit Jos. Mince, ces speeders, c’est quelque chose. J’ai entendu dire qu’ils avaient une vitesse de pointe de 500 kilomètres/heure ! Tu peux imaginer ça ?
— Silence ! murmura Dair.
— Je parie qu’ils sont à la recherche de cet officier qui a déserté.
— Où as-tu entendu cette histoire, Jos ? Demanda Dair.
— Dans un bar de Chado. Ils parlaient de ce lieutenant… Je crois qu’il s’appelait Chanceller.
— Chanceller ? Pourrait-il s’agir de l’officier qu’il avait vu au centre médical quelques jours plus tôt ?
— L’un des types a dit qu’il s’agit de l’assistant d’un officier du Judicator ! Jos secoua la tête comme s’il ne pouvait imaginer que quelqu’un puisse déserter. Amène-toi, allons voir de plus près ces scout-troopers !
— Tu es dingue ? De toute façon, c’est trop tard, dit Dair. Ils viennent de disparaître derrière le relief. Viens, rentrons à la maison.
Soudain, Dair entendit le son des turbines. À travers une trouée entre les arbres, il aperçut les deux motospeeders. Les scout-troopers faisaient demi-tour vers eux à toute vitesse.
— Vite, Jos ! Dans les mines, lança-t-il en se ruant au travers des collines. Jos hésita quelques secondes puis s’élança parmi les arbres dans la direction opposée à Dair.
Des lasers fusèrent. À quelques mètres de Dair, un arbrisseau fut coupé en deux. Il plongea dans un buisson au moment même où un tir filait juste au-dessus de sa tête. Chutant sur ses mains et ses genoux, il rampa à travers les buissons et gagna les mines.
Dair n’avait pas eu le temps de reprendre sa respiration qu’il entendait un des speeders s’arrêter à proximité. Des branches d’arbres brisées craquèrent sous les lourds pas de l’homme en armure. Le scout-trooper approchait.
Le cœur de Dair battait très fort. Il s’accroupit, restant immobile dans la sombre cavité de la mine, espérant que le soldat abandonnerait les recherches. D’expérience, Dair savait que le minerai contenu dans les montagnes de cette partie de Garos brouillait les senseurs. Et dans la caverne, il serait protégé de leurs sondes.
Le scout-trooper secoua quelques buissons autour de l’entrée de la mine puis s’arrêta brusquement. Dair réalisa que quelqu’un criait au loin. Des tirs de blaster résonnèrent à travers les collines. Le scout-trooper se précipita vers sa moto.
Dair sortit sa tête avec précaution des buissons, jetant un œil sur la motospeeder qui survolait la crête d’une colline proche. Il était sauf. Mais Jos ? Les tirs de blaster qu’il avait entendu… Avaient-ils capturé Jos ?
Dair se précipita sur la colline à la poursuite du scout-trooper. Quelques minutes plus tard, il repéra les deux motos speeder abandonnées à mi-chemin de la colline. Il s’en approcha silencieusement.
Des voix étouffées flottaient dans l’air comme un murmure spectral. Puis, à une dizaine de mètres derrière les motos, il vit les armures blanches à travers les feuillages verts et bruns de la forêt. Un fusil blaster était posé comme une figure de proue sur l’un des speeders.
« Pitié, non » se murmura Dair à lui-même alors qu’il se déplaçait derrière les speeders pour se cacher. La main de Jos bougea. Dair respira en soulagement lorsque son ami se mit lentement à genoux.
— Où est ton compagnon ? demanda l’un des soldats à Jos.
— Lève-toi, espion ! cria le second.
Dair ne put entendre la réponse de Jos, mais le vit tenter de se lever.
— Tu n’en es pas un ? Alors que faisais-tu près de ces mines ? Tu ne sais pas que c’est une zone interdite ?
Jos répondit, toujours trop faiblement pour que Dair puisse entendre.
— Se promener ? C’est une belle histoire, espion ! gronda le soldat.
— Ramenons-le au quartier général, dit l’autre. Attention !
Brusquement, Jos se jeta en avant, mettant à terre l’un des soldats. Ils roulèrent à terre, et Jos se débattit pour prendre le fusil blaster des mains du soldat. Mais alors qu’il désarmait son adversaire, le fusil vola dans les airs, pour atterrir à portée de main de Dair. Jos se débattit pour s’échapper de la poigne du scout-trooper. Puis, une fois debout, il se sauva, ignorant que Dair avait récupéré le fusil.
L’autre soldat aligna le viseur de son pistolaser avec la silhouette mouvante. Un tir mortel perça l’air. Jos tomba à terre.
— Non ! hurla Dair.
Surpris, les deux scout-troopers se retournèrent simultanément pour lui faire face. Un autre tir résonna dans les montagnes.
L’assassin de Jos était mort.
Visiblement secoué, Dair soutint le fusil blaster dans la direction du second scout-trooper.
— Ne bougez pas ! cria Dair.
Il ne voulait pas tuer un homme désarmé.
Le soldat l’ignora, récupérant le pistolet de son camarade décédé en faisant une roulade sur le sol de la forêt. Deux tirs se succédèrent. Puis soudainement les environs semblèrent affreusement silencieux.
Le second scout-trooper était étendu, mort. Dair observa le fusil dans ses mains tremblantes, puis le laissa tomber sur le sol.
— Jos ! cria-t-il, courant vers son ami à terre.
Dair prit la main sans vie dans la sienne. Choqué, il s’assit à côté de Jos pour un long moment, incapable de bouger, incapable de parler.
Alors que les ténèbres s’étendaient sur de la montagne, Dair pleura. Luttant contre ses larmes, il ferma doucement les yeux de Jos.
Dair s’évanouit sur les marches en pierre du patio. Il observait le ressac, qui ne lui apporta aucune paix cette nuit-là. Une brise soufflait doucement sur la mer et s’ajoutait à l’odeur des pâtisseries cuites au four, l’un des plats favoris de sa grand-mère, qui s’affairait dans la cuisine. Il pouvait l’entendre d’ici.
Il n’avait aucune chance de renter discrètement dans la maison : elle l’entendrait forcément. Il s’accorda un sourire. Il se souvint que Jos disait que sa grand-mère avait les oreilles plus fines que les boetays sauvages des montagnes Garosiennes.
Jos. Une larme commença à couler. Jos était mort.
— Dair, c’est toi ? Sa voix parvint de la cuisine.
— Oui, grand-mère, c’est moi, lui répondit-il, essuyant ses larmes d’un geste tremblotant de la main alors que la porte du patio s’ouvrait.
Elle n’eut aucun mal à remarquer à quel point il était sale.
— Dieux du ciel, fils ! Que t’est-il arrivé ?
Se mordant la lèvre, Dair se tourna pour la regarder. Elle put voir la peine dans ses yeux.
— Nous devons parler, dit-elle fermement. Va te laver, je vais te faire un thé.
Il hocha la tête, celle-ci bougea lentement. Puis il marcha lourdement vers sa chambre. Un quart d’heure plus tard, grand-mère Haslip versait le thé puis s’assit à côté de la table de son unique petit-fils.
— Eh bien, tu sembles aller beaucoup mieux, dit-elle, essayant de lui remonter le moral.
— Oh, grand-mère… Les larmes commencèrent à déborder.
Elle plaça ses mains sur les siennes.
— Qu’est-il arrivé ?
— C’est Jos, grand-mère. Il est mort.
— Quoi ! S’exclama-t-elle. Comment ?
— Nous étions près des mines. Deux scout-troopers pensaient que nous étions en train d’espionner. Ils ont tué Jos ! Ils lui ont tiré dans le dos, grand-mère !
Si elle fut choquée par cette révélation, cela ne se vit pas sur son visage.
— Qu’est-il arrivé aux scout-troopers, Dair ?
— Je… Je les ai tués. Il hésita. Et j’ai caché leurs armes dans une caverne près des falaises, ajouta-t-il, essayant d’éclaircir ses pensées. Il n’était pas sûr de la raison pour laquelle il l’avait fait, mais cela avait semblé être la bonne chose à faire sur l’instant.
Keriin Haslip poussa sa chaise vers la table. Elle entoura ses bras autour de Dair et le serra gentiment.
— C’est bon, Dair, le rassura-t-elle. Tout va bien se passer.
— Je n’arrive pas à croire qu’ils aient tiré dans le dos d’un homme désarmé, grand-mère ! reprit Dair quand ses larmes eurent cessé de couler. Est-ce là ce que je vais devenir si je rejoins l’armée Impériale ?
— L’Empire ne suit pas les règles des êtres civilisés, Dair, lui dit-elle. Il suit ses propres règles et les change à sa convenance.
— C’est ce que tu as toujours pensé de l’Empire, grand-mère ? lui demanda-t-il.
— Oui.
— Mais tu leur as vendu les mines ! Et tu étais sur le point de me laisser aller à l’Académie !
— J’ai été forcée de vendre les mines, Dair. Je n’avais pas le choix. Et tu devais te faire ton propre avis sur l’Empire, ce qui est juste, ce qui est mal. Elle fit une pause, cherchant son regard. Au-delà de la peine, elle trouva ce qu’elle voulait. Je savais que tu trouverais la réponse le moment venu.
Dair hocha la tête.
— Qu’allons-nous faire maintenant, grand-mère ? demanda-t-il.
— Les Impériaux vont penser que les clandestins ont fait ça. Je dois parler à… Elle s’arrêta brusquement.
Dair regarda sa grand-mère et fronça les sourcils.
— Parler à qui, grand-mère ?
Keriin Haslip étudia le visage de son petit-fils, les yeux sombres qu’il tenait de son père. Il avait beaucoup mûri durant les dernières heures. Il avait appris une dure leçon de la vie. Sur l’Empire. Il était temps.
— Grand-mère ?
— Certains de mes amis voudront savoir ce qui s’est passé près des mines aujourd’hui.
— Des amis ?
— Dair, je pense qu’il est temps pour toi d’apprendre la vérité sur ta vielle grand-mère. Allons-y. Il y a quelques personnes que je voudrais que tu rencontres.
La salle, profondément enfouie au fond de la librairie de l’université, était humide, contrairement aux cavernes où Dair jouait étant enfant. L’air sifflait via une ventilation dans la salle, Dair aurait pu jurer qu’il sentait la vibration de la mer se jetant contre les falaises à proximité.
À l’exception de la table et de quelques chaises, la salle était équipée d’une carte holographique de la cité d’Arianna et de la zone entourant les mines. Même avec le faible éclairage, Dair pouvait voir l’expression sinistre sur la demi-douzaine de visages alors qu’ils écoutaient son histoire.
Dair jeta un œil autour de la table. Il connaissait les deux hommes assis aux côtés de sa grand-mère. Le ministre-assistant Magir Paca, avec lequel il avait parlé quelques jours auparavant, et Desto Mayda, l’ami de son père. Il reconnut le troisième homme grâce aux vidéos d’informations couvrant la guerre civile garosienne : Camron Gelorik, un leader radical des Sundars, paisiblement assis aux côtés de Garosiens qu’il avait auparavant ordonné à ses sous-fifres de pourchasser. Garosiens et Sundars unis. Leur combat contre l’Empire avait commencé.
— Ce n’était qu’un enfant ! s’exclama Mayda lorsque Dair eût fini de raconter ce qui s’était produit dans les mines. Qu’ils soient tous maudits !
— Vous réalisez que les Impériaux vont accuser les clandestins pour ceci, dit Keriin Haslip au reste du groupe.
— Je vois déjà les vidéos d’information, ajouta Gelorik. « Scout-troopers tués alors qu’ils essayaient de protéger un jeune garçon de voyous clandestins » !
Plusieurs acquiescèrent, mais Paca leva la main pour ramener le silence.
— Contrairement à l’Empire, nous ne tuons pas d’innocents, leur rappela-t-il. Nos amis nous connaissent mieux que cela.
— Mais nous devons quand même passer le mot, dit Keriin Haslip. Tout le monde doit savoir que ce sont de véritables brutes !
Desto Mayda secoua la tête.
— Cela pourrait être dangereux pour votre petit-fils, Keriin. L’amitié entre Dair et Jos est bien connue, ajouta-t-il.
— Oui, acquiesça Paca, Desto a raison. Si la rumeur dit que quelqu’un était avec Jos au moment du meurtre, les Impériaux n’auront aucun mal à soupçonner Dair.
— Cela pourrait amener beaucoup trop de questions, dit doucement Gelorik. Il étudia le visage de Dair. Et cela pourrait les mener à nous.
— Vous voulez dire que l’on devrait cacher la vérité ? demanda Dair. Vous allez les laisser vous accuser du meurtre ?
— J’en ai bien peur, fiston, dit Desto. Du moins pour le moment.
Dair hocha la tête, comprenant que ces gens faisaient plus que placer leur confiance en lui. Ce sacrifice pourrait apporter plus d’ennemis pour le réseau clandestin. Ils se sacrifiaient pour lui, alors qu’il n’était même pas l’un d’entre eux. Pour le moment.
— Puis-je faire quelque chose pour vous aider ? Demanda-t-il.
— Eh bien, dit Paca, nous allons envoyer une équipe pour récupérer les fusils blaster que tu as cachés.
— J’aimerais aller avec eux, monsieur le ministre, je veux dire, Paca, lui dit Dair.
— Bien fiston. Nous sommes heureux de t’avoir avec nous tant que tu seras sur Garos. Tu pars bientôt à l’Académie de Raithal, n’est-ce pas ? lui demanda Paca.
— Quoi ! Dair secoua la tête, incrédule. Je ne peux plus aller à l’Académie maintenant. Je ne veux pas être l’un d’entre eux !
Desto Mayda attrapa la main de Dair depuis l’autre bout de la table, le fixant droit dans les yeux.
— Tu ne comprends pas, Dair ? Tu as l’opportunité de travailler contre l’Empire de l’intérieur, comme Paca le fait au ministère.
— Tu ne peux pas annuler ton inscription maintenant. Pense à quel point cela pourrait paraître louche, ajouta Paca.
Dair commença à voir sa carrière dans l’Empire d’une tout autre façon.
— Cela pourra te prendre des années. Le travail d’infiltration peut être un processus long et éprouvant. Mais de petites choses, comme l’envoi de ravitaillement au mauvais centre de commandement…
— Des petits problèmes informatiques, ajouta Mayda.
— Des ordres qui ne sont pas effectués au moment opportun, renchérit quelqu’un d’autre.
— Tout cela minera l’effort Impérial, continua Paca. Pense à toutes les possibilités.
— Au final, tu pourras demander un transfert pour revenir sur Garos. Tu aurais une valeur inestimable pour nous ! lui dit Gelorik.
— Penses-y, fiston, termina Paca.
Les fixant les uns après les autres, les yeux de Dair rencontrèrent finalement ceux de sa grand-mère, emplis de larmes. Keriin Haslip savait quel serait son choix. Elle pourrait perdre son petit-fils pour l’Empire, mais il ne se sacrifierait pas pour eux, il le ferait pour elle.
Dair se tenait dans l’entrée, fixant son reflet dans le miroir, le reflet de quelqu’un étant passé en quelques mois à peine à l’âge adulte. Il se sentait plus fort, plus confiant que jamais. Mais alors qu’il était sur le point de s’embarquer pour un long voyage, il réalisa qu’il serait seul là-bas, entouré de personnes qui serviraient aveuglément l’Empire. Mais il était déterminé à jouer le jeu à sa façon, apprenant tout ce qu’il pourrait apprendre. Il ferait la différence !
Se tenant droit dans sa tunique bleue-grise, il fit signe à son reflet. Les doubles portes du salon s’ouvrirent et Keriin Haslip désigna son petit-fils.
Dair prit une profonde inspiration et la rejoignit à l’entrée tandis que des applaudissements se faisaient entendre. Il regarda tous les visages de ses amis et rougit, embarrassé. Un groupe d’anciens camarades s’approcha, lui tapotant le dos et lui serrant la main.
À travers la salle, Dair vit le nouvellement nommé Gouverneur Impérial Winger engagé dans une discussion animée avec Magir Paca. Bien qu’il ne soit plus aussi naïf sur la véritable nature de l’Empire, Dair admirait toujours oncle Tork. Winger s’était avéré être la voix de la modération, appelant à la fin de la purge impériale sur les radicaux des deux camps de la guerre civile. Dair comprenait maintenant ce que Paca voulait dire en parlant de « forcer la paix ».
— Bonne chance, fiston, dit Paca en serrant fermement la main de Dair.
— Merci, ministre Paca, lui répondit-il. Ils s’étaient fait leurs véritables adieux dans le centre des opérations clandestin quelques heures auparavant.
— Dair, je ne serais pas plus fier si tu étais mon propre fils, fit Winger.
— Merci, Gouverneur, répondit Dair. J’espère seulement satisfaire les espérances de tout le monde. Il jeta un œil à sa grand-mère et à Paca.
— C’est le cas, fiston, lui dit Winger. Je n’en ai aucun doute. Tu es passé par des moments assez difficiles ici. Il secoua la tête. J’espère seulement qu’ils vont trouver les radicaux qui ont tué le pauvre Jos Mayda…
Keriin Haslip hocha la tête, presque imperceptiblement, à Paca.
— Je sais que tout va bien se passer à Raithal, lui dit Winger. C’est une expérience que tu n’oublieras jamais. Et ne regretteras jamais. Je me souviens lorsque j’étais à l’Académie sur Carida…
— Oh, Tork ! Pas une de tes vieilles histoires de guerre maintenant ! Nous sommes censés faire la fête, l’arrêta Sali Winger, poussant doucement son mari sur le côté pour serrer Dair dans ses bras.
— Ah, oui. Eh bien, Dair, montre-leur que nous sommes des durs, ici.
— Je n’y manquerais pas, Gouverneur. Comment allez-vous, madame Winger ? salua Dair
— Dair, je n’arrive pas à croire que tu nous quittes ! Regarde-toi ! Tes parents auraient été si fiers de toi ! s’exclama-t-elle, se tournant pour attraper une main invisible. Alexandra, viens dire au revoir à Dair, demanda-t-elle à l’enfant aux cheveux noirs.
Des yeux bleus étincelants apparurent aux côtés de la robe de Sali.
— Bonjour Alex.
— Salut, dit-elle, lui présentant sa main pour qu’il la serre.
— Je vais manquer nos jeux de cartes de la semaine, dit-il.
— Tu m’avais promis de m’apprendre à jouer au sabacc, tu te rappelles ?
— Ouais, pour que tu puisses me battre à ce jeu-là aussi ! Il rit. Viens, allons admirer notre vue favorite une dernière fois, ajouta-t-il en prenant sa petite main dans la sienne pour l’emmener dehors, sur le patio. Il sentit ses doigts serrer les siens.
— Je parie que tu auras beaucoup grandi quand je reviendrais, lui dit-il alors que la seconde lune de Garos apparaissait à l’horizon. Et soudainement, un pincement se forma dans sa gorge et dans son cœur. Il se surprit à penser encore une fois à Jos.
— Il te manque, pas vrai ? demanda doucement Alex.
— Oui. Il hocha la tête. Hein ? Comment savais-tu que je pensais à Jos ?
Alex bougea.
— Pourquoi est-ce que tu dois partir ? demanda-t-elle.
Dair la souleva pour la prendre dans ses bras.
— Tu sais bien, je rejoins l’armée Impériale.
Alex se pencha un instant en arrière. Puis elle le fixa, étudiant son visage de ses yeux bleus. Il n’avait jamais vu une telle intensité dans le regard de quelqu’un de si jeune. On eut dit qu’elle lisait en lui.
Croisant ses doigts en se rapprochant, Alex murmura à son oreille.
— Je ne te crois pas, mais je ne dirais rien.
Dair la regarda, troublé, puis lui sourit.
— D’accord, souffla-t-il. Merci.
Un vent froid souffla sur la falaise. Dair et Alex regardèrent la mer se jeter sur les falaises, les forces violentes de la nature au travail. Il y avait d’autres forces au travail sur Garos, des forces créées par l’homme, qui avaient changé la vie de Dair pour toujours.