Après une nuit passée chez ma nouvelle servante, je retrouvai mes habitudes dans le bureau de Thierry et L.C. Je devais trouver un moyen de leur faire comprendre, sans pour autant les vexer que j'allais dorénavant aller vivre chez Clara. Il était vrai qu'elle avait moins de poils que Thierry, tout au moins sur le visage. J'avais en effet découvert la nuit précédente que sous son pantalon se cachaient deux magnifiques jambes velues, à la pilosité soyeuse qui ferait pâlir de jalousie un angora. J'étais certain de me plaire chez elle. J'attendais impatiemment que Louis-Charles soit revenu afin de leur faire entendre un sincère miaulement d'adieu. Plus question que je remette une patte dans ce lieu agité.
— J'ai le trésor !!!
— Allons donc ! L.C., remets-toi, tu vas nous faire une crise cardiaque.
— Clara vient de me le donner. La carte menait à la Basilique Notre Dame de Fourvière. Vous souvenez-vous de la fin de l'énigme ?
Dort la carte du graal
Du plus beau des mystères
Joyau de l'humanité
A la valeur inégalée…
— Formidable ! Allez, dis-le, tu en meurs d'impatience. C'est quoi, ce fabuleux trésor ?
Sans un mot, L.C. sortit de la pochette un paquet de très vieux papiers qui empestaient toujours autant le renfermé et la poussière. Le policier, toujours aussi précautionneusement (il avait même mis des gants blancs) étala sur son bureau une dizaine de feuillets. Je m'approchai malgré l'odeur, mais je n'identifiai pas les signes courant sur le papier. Des ronds avec des queues, un peu comme des cerises noires dessinées sur des lignes… Je ne comprenais pas. Thierry non plus, apparemment.
— Ça, un trésor ? On ne pourrait même pas allumer un bon feu avec !
— Vous êtes incorrigible ! Vous avez devant vous la partition originale du motet BWV 229, de Johann Sebastian Bach !!!
— Formidable, se moqua visiblement le Poilu.
— Vous n'y connaissez rien, répliqua vexé Louis-Charles qui rangea délicatement sa trouvaille. Il s'agit d'un chef-d'œuvre, la quintessence du génie humain. Ecoutez…
Il avança vers un gros boîtier noir et le nourrit d'une galette plate et argentée. Le bureau fut alors envahi par une musique familière. Alphonse et moi en écoutions souvent, ce motet en particulier. Je venais me lover sur ses genoux et tout en me caressant, il me murmurait:
"Ecoute, Cattus, sens-tu le lien intime qu'entretient chaque phrase avec sa matière musicale propre ? Ecoute comme les différentes parties s'articulent entre elles, se superposent par moment pour se fondre les unes aux autres. Entends-tu cette harmonie collective qui exhale du subtil mélange de chaque thème ? Sens-tu ce parfum de génie ?"
Je ne comprenais pas un traite mot à ce charabia, mais je vivais là de purs instants de bonheur.
Adieu mon Alphonse… mon ami.