Chapitre 3 Miaou 3

La maison était silencieuse. Louis-Charles parcourait avec admiration les bibliothèques poussiéreuses. Ses yeux brillaient de plaisir. Tant de merveilles regroupées ! L'inspecteur était légèrement moins enthousiaste. Malgré leur nouvelle recherche, ils n'avaient rien trouvé.

Je n'arrivais décidément pas à me rappeler des détails de cette ultime conversation houleuse. Du bruit, du bruit et encore du bruit, voilà tout ce qui me revenait.

Prenons les choses sous un autre angle. Que font les humains lorsqu'ils tiennent beaucoup à quelque chose ? Moi, lorsque je trouve une souris, je la dépose fièrement sur le tapis de l'entrée pour que tout le monde puisse l'admirer. J'ai appris aux nombreux regards de reproche que m'adressait alors Alphonse, que les humains feraient plutôt le contraire, ils la cacheraient… Encore une chose incompréhensible ! Que dissimulait Alphonse ? Que possédait-il de si précieux ? Il y avait bien cette feuille… Un humain pourrait-il en tuer un autre pour un simple bout de papier ? Peut-être, ils étaient tellement bizarres.

 

Je me dirigeai vers la porte des toilettes et entrepris de miauler comme si j'étais poursuivi par une horde de bébés sauvages. Louis-Charles s'approcha sans comprendre. Je fixai la porte avec insistance. Mais il ne saisit toujours pas. Je me résolus alors, malgré un certain dégoût, à employer un langage plus canin : je grattai la porte.

  — Veux-tu que je t'ouvre ?

Qu'espères-tu, homme-chien, que je te réponde ? Il était un peu lent, mais finit tout de même par entrouvrir la porte.

Je m'engouffrai à l'intérieur, escaladai le rince-doigts puis sautai sur une étagère. Je m'arrêtai devant un rouleau de papier toilette et repris mon chant de sirène.

  — D'accord, Yaya, on a compris, tu n'as pas besoin de nous exploser les tympans, conclut Thierry, décidément plus vif que son collègue. Une histoire de poils, je vous dis.

Le Barbu saisit le rouleau et s'aperçut que l'extrémité du papier avait été recollée. De retour dans le bureau, il déroula délicatement sa trouvaille. Une feuille de papier y était dissimulée. L'écriture d'Alphonse avait formé ces quelques mots:

 

Sous les larmes de la nuit, la

Queue d'étoiles brille de l'allure du

Cheval fougueux et fier. Sous

Son ombre chevaline, le sabot

Arrière frappe le ciel qui encore dort.

La danse des lueurs trace alors une carte

Du bonheur indicible, de l'inatteignable graal

Du trésor convoité. Il n'y a rien de plus

Beau, l'Amour en est l'Unique, des

Mystères inconnus, là est le plus beau joyau

De la création, de l'humanité.

A l'éternité pour finir sa sieste, la

Valeur oubliée et pourtant inégalée.


  — Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? Une idée, L.C. ? C'est toi le poète !

  — Ce n'est pas une poésie. Je pense plutôt qu'il s'agit d'un message codé, enfin ce n'est que mon avis, Inspecteur. Je pense que nous avons devant nous le mobile du crime.

 

Thierry me regardait fixement. Désolé mon gars, je vous ai donné le message, à vous de le décrypter. Je ne suis qu'un chat après tout. Moi, je grignoterais bien un petit quelque chose. J'avançai vers le frigo en miaulant. Ils n'étaient pas trop bêtes ces deux-là, je devrais réussir à les dresser.

Au lieu de me nourrir, mes deux serviteurs m'embarquèrent pour un nouveau tour dans l'essoreuse mouvante. Ils me laissèrent seul, en plein cagnard pendant qu'ils allaient "casser la croûte". J'avais beau réfléchir, je ne voyais pas de quelle croûte ils parlaient… Décidément ils étaient bizarres. J'en profitai pour faire une petite sieste. Lorsque j'entrouvris un œil, mes deux compères qui étaient revenus s'apprêtaient à nouveau à m'abandonner. Qu'est-ce qu'ils avaient à s'agiter de la sorte ? Je choisis de reprendre ma sieste là où je l'avais laissée… J'aime bien terminer ce que j'ai commencé, mon côté consciencieux sans doute.