Il a été fort vif, mais le tir de l'escadre turque n'a pas produit de résultats sérieux, l'Averof a reçu un seul obus à l'avant dans ses oeuvres mortes, et n'a eu qu'un blessé. Il a tiré plus de 700 projectiles de tous calibres. Le rapport officiel turc dit que des deux côtés les pertes en hommes ont été grandes. Ce n'est exact que pour un des adversaires; 50 projectiles environ ont frappé les navires turcs qui ont eu 47 tués et 160 blessés; un transport-hôpital a ramené ces derniers à Constantinople. Le Torghout paraît avoir eu, dans cette affaire, une tourelle mise hors de service.
Il faut noter que les canons grecs étaient incapables, à 4.000 mètres, de percer les blindages de flottaison des cuirassés turcs. Ceci explique qu'aucun de ces bâtiments n'ait été coulé,
*
* *
Messoudieh.
Barbarossa.
Torghout.
L'escadre
turque rentrant dans les Dardanelles
après le combat du 18
janvier. Phot. Roubin.
En résumé, l'examen des faits ci-dessus rapportés fait ressortir
sans doute possible que la flotte grecque a joué, dans la guerre
balkanique, un rôle des plus actifs et des plus utiles. Elle a fait
preuve de grandes qualités de manoeuvre et d'endurance. Les
bâtiments, dont plusieurs de petit tonnage, sont restés sous les
feux pendant plus de trois mois, dans des conditions très dures, et
y sont encore, prêts à courir sus à l'ennemi dès qu'il se montrera,
Finalement, cette flotte est restée maîtresse absolue d'une mer
dont son ennemi avait un intérêt majeur à garder l'usage. Elle a
rendu à ses alliés le plus signalé service en empêchant une grosse
partie des contingents asiatiques de figurer dans les opérations
décisives de la Thrace. Et par cette attitude résolue elle a
peut-être changé le sort de la guerre.
Sauvaire Jourdan,
capitaine de frégate de réserve.
LE BOMBARDEMENT D'ANDRINOPLE.
--Le gros canon de siège de la batterie Athanassof qui, le premier,
a rouvert le feu contre la ville, après la rupture de
l'armistice.
--Phot. G. Woltz.
C'est contre Andrinople, si énergiquement défendue par ce héros: Chukri pacha, que, depuis la reprise des hostilités, s'est porté le plus rude effort bulgare. Les assiégeants avaient profité de l'armistice pour accroître la force défensive de leurs tranchées et disposer à loisir leur matériel de bombardement. Notre photographie, prise aux derniers instants de l'armistice, montre le plus gros canon du siège, appartenant à la batterie du capitaine Athanassof, qui a reçu l'ordre de tirer le premier sur la ville, ce qui fut fait dès l'expiration des délais prévus pour la rupture effective de l'armistice.
Les Turcs, nous écrit-on des lignes assiégeantes, ont jeté une quantité de projectiles dans la direction de cette redoutable batterie sans la découvrir et sans l'atteindre. Le feu, des deux côtés, a été des plus violents pendant plusieurs jours sans aboutir néanmoins à d'autres résultats, semble-t-il, que d'affoler, dans la vaillante ville, la population non combattante au milieu de laquelle éclataient les obus. Cette situation, d'ailleurs, a provoqué une particulière émotion en Europe où l'on s'est ému du sort des neutres, et la France a pris l'initiative d'intervenir énergiquement en leur faveur à Constantinople et à Sofia. Après beaucoup d'hésitation, les autorités militaires bulgares ont accepté de laisser sortir de la ville les colonies étrangères. Mais le gouverne ment turc, tout en acceptant de veiller au salut des neutres, s'est opposé à ce que ces derniers se rendissent dans les lignes bulgares et a proposé de fixer une zone où les étrangers pourront être protégés contre le bombardement. Il est d'ailleurs permis d'espérer que les tentatives actuellement faites pour trouver une nouvelle base de négociations pacifiques ne tarderont pas à aboutir.
I.--Les effectifs mobilisables
L'ÉQUILIBRE DES ARMEMENTS
LE NOUVEL EFFORT MILITAIRE DE L'ALLEMAGNE
Dans son numéro du 4 janvier dernier, l'Illustration a donné un état comparatif des armées française et allemande tel qu'il résultait, pour l'Allemagne de la loi du 14 juin dernier, pour la France, de la récente loi des cadres.
En 1912, en effet, l'Allemagne avait cru devoir augmenter considérablement son armée, en même temps que la France préparait sa loi des cadres. Et voiei que, tout à coup, des accroissements supplémentaires viennent d'être annoncés en Allemagne. Sans que ce nouvel effort puisse être nécessairement considéré comme une menacé plus ou moins immédiate pour le repos de l'Europe, une réplique, des sacrifices parallèles s'imposent néanmoins en France, car la paix entre deux grands pays très voisins dépend avant tout de l'équilibre des armements.
L'état-major d'outre-Rhin s'était proposé de constituer en octobre 1912 une grande partie des accroissements prévus, les autres mesures devant être parachevées en 1915; mais à peine sa réalisation était-elle entamée que la loi militaire de juin dernier a été trouvée insuffisante. Bien que les sacrifices, pour un budget déjà difficile, s'annoncent comme très lourds, 150 millions de marks de plus par an, nul doute que ce nouveau projet ne soit accepté avec autant d'unanimité, que le précédent. Les détails n'en sont pas encore connus; mais la presse officieuse s'est chargée de nous en divulguer les principes essentiels. L'effectif de paix serait accru d'environ 100.000 nommes et l'on songerait à porter de 25 à 27 le nombre des corps d'armée.
Quels motifs ont-pu pousser? l'Allemagne à un effort aussi «kolossal», quelle sera sa répercussion sur la situation respective des armées française et allemande, comment pouvons-nous y répondre? C'est ce que nous nous sommes proposé d'examiner ici
POURQUOI L'ALLEMAGNE AUGMENTE SES EFFECTIFS
Incontestablement, le réveil de l'énergie française, la cohésion de la Triple Entente qui n'a cessé de se cimenter au cours de la crise balkanique, le perfectionnement ininterrompu de l'armée russe, ont dû être des causes prédominantes et justifier pour l'Allemagne «la nécessité d'affermir sa position de force au coeur de l'Europe». Mais il est aussi d'autres motifs à cette extension nouvelle.
Les créations d'unités prévues par la loi du 14 juin 1912 nécessitaient un accroissement minimum d'une soixantaine de mille hommes par rapport aux effectifs budgétaires précédents; or, la loi n'envisageait qu'une augmentation d'environ 30.000 hommes... Sous peine de réduire le personnel des compagnies, escadrons, batteries, il fallait trouver des ressources complémentaires; c'est là l'objet du projet annoncé; il permettra en outre d'autres améliorations.
L'armée allemande présentait jusqu'ici trois types d'unités: les unes à effectif fort, stationnées en couverture sur les frontières d'Alsace et de Pologne, les autres à effectif moyen ou faible; de plus, un certain nombre de régiments d'infanterie ne comportaient que 2 bataillons au lieu de 3 et certaines batteries n'attelaient pas le complet de leurs 6 pièces. Les ressources prévues vont offrir la possibilité de compléter organiquement tous les régiments, toutes les batteries, et de porter toutes les unités de l'intérieur à l'effectif moyen de 141 hommes de troupe par compagnie, 113 hommes par batterie ou même davantage, les unités de couverture conservant respectivement leurs 160 hommes par compagnie et leurs 128 hommes par batterie.
Jusqu'alors, grâce à sa forte natalité, l'Allemagne pouvait limiter ses incorporations annuelles. Un certain nombre de jeunes gens, 92.000 en 1911, nous dit la Revue militaire des armées étrangères, classés
dans l'Ersatz-Réserve, n'accomplissaient pas de service actif; ils étaient simplement astreints à des périodes d'exercices. Désormais, d'après les indications de la presse berlinoise, cette «réserve de recrutement» serait en grande partie incorporée définitivement dans l'armée active. Incontestablement, l'Allemagne pourrait encore dépasser cet effort, puisque, en 1911, les conseils de revision ont eu à statuer sur 563.000 jeunes gens de vingt ans pour en incorporer moins de la moitié; encore, auraient-ils dû en examiner davantage, puisque plus de 40.000 jeunes Allemands, émigrants ou insoumis, ne se sont pas présentés devant les commissions de recrutement!
Quoi qu'il en soit, il n'apparaît pas jusqu'ici que la création d'unités nouvelles ait été envisagée; il faut d'abord étoffer convenablement les formations existantes; d'ailleurs, l'insuffisance des casernements ne se prêterait pas à l'installation de nouveaux corps de troupe. Retenons cependant que, dès maintenant, les bataillons d'infanterie seraient en nombre suffisant pour porter les corps d'armée allemands de 25 à 27; notre nouvelle loi des cadres nous offre d'ailleurs une possibilité analogue. Il n'apparaît donc pas, jusqu'à plus ample informé, que nos tableaux donnés précédemment (l'Illustration du 4 janvier) concernant la comparaison des unités du temps de paix dussent être modifiés; seules, les ressources mobilisables, ainsi que l'indique le tableau n° 1, seront influencées par les nouvelles dispositions.
POURQUOI LA FRANCE DOIT ACCROITRE SES ARMEMENTS
Si le rapport des grandes unités stratégiques, des corps d'armée, ne semble guère devoir être troublé, pas plus que celui des unités tactiques, bataillons, escadrons et batteries, si, sur le champ de la bataille décisive, l'équilibre paraît n'être pas modifié, la situation créée par l'Allemagne nous impose cependant une réplique.
Il est admis qu'on manoeuvre à la guerre moins à coups de millions d'hommes qu'à coup d'unités stratégiques et tactiques; mais, encore, faut-il pouvoir disposer de ressources instruites pour combler les pertes de toute nature. Au surplus, l'effort allemand vise peut-être non seulement le renforcement de l'armée de première ligne, mais aussi la constitution de formations de réserve nombreuses et cohérentes. L'institution régente des 25 commandements de landwehr, les nombreux officiers actifs disponibles pour l'encadrement des troupes de deuxième ligne, 16 ou peut-être même 28 officiers par régiment d'infanterie, le nombre sans cesse accru des réservistes convoqués chaque année, passé de 456.398 en 1909 à 554.561 en 1912, sont assez significatifs à cet égard. Veillons donc à ne pas nous laisser distancer dans cet emploi intégral des réserves, où, de leur propre aveu, les Allemands restent encore bien loin en arrière de nous.
Enfin, si l'on admet que la valeur offensive de l'armée active mobilisée dépend de la proportion plus ou moins grande de réservistes, tout incite à accroître l'effectif de paix; c'est aussi bien améliorer les formations de premier choc que celles dites de deuxième ligne.
MESURES ENVISAGÉES EN FRANCE POUR RÉTABLIR L'ÉQUILIBRE DES FORCES
Afin de maintenir notre armée à hauteur de ces nouvelles exigences imposées par l'Allemagne, diverses mesures ont été envisagées.
Il a paru d'abord indispensable de rendre au service armé les militaires actuellement employés dans les services administratifs; ce ne serait qu'un bénéfice insignifiant de 7.000 à 8.000 hommes. On espère également voir se développer le courant des engagements et des rengagements; malheureusement, une régression très sensible s'est manifestée depuis deux ou trois ans sous ce rapport et, à moins
de sacrifices budgétaires importants, il est probable que les espoirs ne seraient guère réalisés. Au contraire, l'extension du recrutement indigène dans notre Afrique du Nord paraît devoir donner de meilleurs résultats.
Cependant, ces diverses mesures risqueraient d'être insuffisantes pour contre-balancer l'augmentation de la puissance allemande; aussi, a-t-on songé à rétablir le service de trois ans ou à porter à trente mois la durée du service actif pour toutes les armes. Bien entendu, pour qu'il y ait avantage, l'incorporation devrait être avancée d'une année--appel à vingt ans au lieu de vingt et un ans--sans quoi, les effectifs de paix seraient bien modifiés, mais non les effectifs mobilisables.
Le tableau n° 1 donne les ressources mobilisables dans ces diverses combinaisons, en les comparant à celles de l'Allemagne.
II.--Proportion de réservistes dans les UNITÉS
MOBILISÉES
Avec le service de trois ans, notre armée active serait accrue d'environ 210.000 hommes, ce qui nécessiterait chaque année plus de 200 millions de dépenses nouvelles. Le service de trente mois réduirait les sacrifices budgétaires de près de moitié. L'un et l'autre système auraient l'avantage d'assurer en permanence la présence sous les drapeaux de deux classes instruites, alors qu'actuellement, chaque hiver, comme les Allemands d'ailleurs, nous ne pouvons disposer que d'une seule classe instruite immédiatement mobilisable.
Il peut être intéressant de voir, dans ces conditions, quelle serait la composition probable des unités mobilisées en France et en Allemagne,--c'est ce que représente le tableau n° 2.
De ce que les Allemands ont besoin actuellement de moins de réservistes que nous pour compléter leurs effectifs de guerre, il serait inexact de croire qu'il puisse en résulter une plus grande rapidité pour leur mobilisation. Il faudra à peu près autant de temps pour habiller, équiper, armer 110 réservistes que 140; la réquisition des animaux de trait, la perception des équipages, des approvisionnements de toute nature n'en seront pas accélérées.
Si le chiffre de notre population et notre faible natalité ne nous permettent pas de lutter avec l'Allemagne par le nombre, il est du moins certains facteurs du succès qu'il ne nous est pas permis de négliger: nos ressources financières, comme le bon renom de notre industrie, nous permettent toutes les espérances. Si l'Allemagne pousse fébrilement l'exploitation intensive des moyens techniques que la science de l'ingénieur met à la disposition des armées modernes, nous nous devons de ne pas nous laisser distancer sous ce rapport. Le perfectionnement de l'armement, l'amélioration des places fortes, la constitution de fortes réserves de munitions pour ces insatiables consommateurs que sont les engins à tir rapide, doivent être l'objet de nos premières préoccupations. La constitution d'une artillerie lourde, la construction de grands croiseurs aériens, de leurs abris, le maintien de notre supériorité incontestée en aviation, doivent également retenir toute notre attention; les sacrifices nécessaires ne seront jamais marchandés.
Mais les nombreux bataillons, les armes perfectionnées ne sont
que peu de chose sans les sentiments qui animent les combattants.
La France, qui a repris conscience de sa force et de sa dignité,
possède là, peut-être, le meilleur secret de la victoire.
Commandant Le
Dualis.
DEUX MODES, DEUX ÉCOLES
Un modèle bien français dessiné par un artiste pour un grand
couturier:
la robe «fleur de lys» de Willette.
D'après un dessin original communiqué par la maison
Bulloz.
Comme l'hiver finissant distribue ses dernières rigueurs, laissant déjà, par échappées de soleil et aperçus de ciels bleus, prévoir les beaux jours prochains, il y a en ce moment, suivant l'usage, fort grande animation dans le monde de la couture. C'est l'époque de l'année où la Mode, prise de lassitude pour ce que, quelques mois auparavant, elle avait prôné, s'inquiète, se cherche, et se met en quête d'inédit. Le printemps dût-il être d'une inclémence cruelle, le bon ton, d'accord avec le calendrier, exige qu'il commence en mars, et que, dès lors, les vêtements portés aux frimas aillent tout aussitôt rejoindre les vieilles lunes. La jupe-culotte, d'incertaine mémoire, fit son apparition, naguère, en un mois de février, et sa première sortie, très remarquée, coïncida, on s'en souvient, avec la rentrée d'Auteuil. Cette saison, encore, la Mode, dit-on, nous réserve des surprises: une lutte courtoise, mais passionnée, se préparerait entre divers maîtres de l'élégance, séparés par leurs goûts et leurs méthodes. Deux écoles rivales se disputeraient, avec des tendances opposées, l'honneur d'habiller, et d'embellir, la Parisienne.
La nouvelle de cette petite guerre, qui éclatera demain, s'est déjà propagée sous le manteau, si l'on peut dire. Mais les femmes, qui sont pourtant particulièrement intéressées dans l'aventure, n'en ont guère, jusqu'à présent, été averties. C'est une tradition constante, irrévocable, doit-on penser, qu'elles ne sont jamais préalablement consultées en ces sortes d'affaires. Elles n'ont pas voix au chapitre. Elles subissent des arrêts impérieux, sans s'être fait entendre. Fénelon, qui, en son Éducation des filles, a dit, sur ce sujet, des choses fort sensées, et que l'on s'excuse presque de citer ici, se plaignait autrefois de leur trop grande influence: «Il n'y a d'ordinaire que caprices dans les modes, écrivait-il. Les femmes sont en possession de décider. Il n'y a qu'elles qu'on veuille en croire. Ainsi les esprits les plus légers et les moins instruits entraînent les autres...» Ces reproches ne sauraient, de notre temps, leur être adressés. Les dociles créatures ne sont, en aucune façon, responsables des variations de leurs toilettes. La réelle innovation, l'originalité véritable, consisterait sans doute à réunir quelques-unes d'entre elles, et des plus autorisées, avant de lancer une mode, et de leur demander leur avis. On n'y songe point, pour l'instant.
Ce sont, aujourd'hui, les grands couturiers qui établissent pour chaque saison, et souvent avec bonheur, la formule temporaire de l'élégance. Que de fantaisies piquantes, imprévues, on leur doit! La plus belle idée de certains d'entre eux, et non des moins notoires, a été, dans ces deux dernières années, d'adapter au costume féminin les grâces de l'art oriental. Pendant longtemps, et jusqu'à cet hiver même, la Parisienne raffinée se serait crue déshonorée de n'avoir point une silhouette bien persane. Les étoffes aux couleurs violentes, aux dessins mystérieux, déconcertants, les vêtements de coupe étrange, aux lignes tantôt fuyantes, comme si un ciseau malin avait précipité leur chute, tantôt brisées en cassures brusques, les parures barbares, ont fait fureur.
Le péril de l'exotisme, c'est qu'il ne comporte guère de mesure, et qu'il permet toutes les audaces. Les impertinences dont il fut la cause ont passé quelquefois pour exquises. Bien vite, pourvu qu'une toilette fût excentrique, inattendue, elle eut les meilleures chances de plaire. Faut-il s'en désoler? Cette recherche du bizarre, dans toutes ses manifestations, a abouti à une liberté charmante. On peut voir ainsi, en ce moment, telle élégante affectionner, pour ses robes du soir, le style égyptien, ou viennois peut-être, tandis qu'une autre emprunte à la forme de son «tailleur» une délicieuse allure moscovite; celle-ci arbore une tunique japonaise où s'épanouissent des
chrysanthèmes, celle-là une jaquette en soie jaspée de métal et brodée de roses d'Ispahan. Et il n'est point jusqu'à certaines précieuses qui, par un paradoxe suprême, ne se jettent délibérément dans le suranné, le traditionnel, et n'y puisent un agrément imprévu.
Entre tant de tendances diverses, la Mode, en ce moment critique, hésite à se fixer. Et voici qu'un style nouveau apparaît, qui prétend s'imposer et faire oublier tous les autres. Comment les défenseurs d'une école qui en est à ses débuts ne se montreraient-ils pas sévères pour celle dont ils combattent les principes? Les artisans de la réforme condamnent tout ensemble la manière persane, la turque, la japonaise et l'égyptienne; ils s'élèvent contre la couture internationale; et ils projettent de rétablir dans sa gloire le goût français, fait de mesure, de juste harmonie, de simplicité. Suivant eux, l'appareil des Mille et une Nuits, costumes et accessoires, ne serait même plus un article d'exportation; Schéhérazade commencerait à faire médiocre figure aux États-Unis, où nous l'avions envoyée, et les Américaines, auprès de qui Paris exerce toujours le même attrait de ville élégante, y chercheraient maintenant des inspirations plus discrètes.
Pour mener à bien le mouvement qui se dessine, un comité d'artistes bien connus et aimés du public s'est fondé, sons les auspices d'une grande maison, qui entend se constituer, aux Champs-Elysées, la gardienne de la tradition française, grâce aux efforts d'un administrateur avisé, voué naguère au succès d'une autre industrie de luxe, l'automobile. Et voilà qui marque une curieuse évolution dans les usages de la Mode. C'est maintenant aux peintres que les grands couturiers demandent des conseils, des indications précises pour l'ordonnance des toilettes qu'ils s'apprêtent à lancer. Jusqu'à présent, les premiers n'avaient eu que le soin de reproduire, dans leurs portraits mondains, les chefs-d'oeuvre des seconds. Ils participent aujourd'hui à leur création; et ils peuvent s'en dire, en quelque manière, les auteurs.
Cette collaboration a déjà produit des résultats qu'on dit pleins de promesses. Le groupe des «Peintres de la femme», que préside M. A. de La Gandara, et qui compte parmi ses membres des dessinateurs comme Willette, Anquetin, Gerbault, Grün, A. Guillaume, Métivet, Neumont, Préjelan, Boubille, Abel Truchet, s'est mis au travail, chacun apportant son talent, ses conceptions, sa «manière». Il ne s'agit point, en effet, de revenir, par une imitation laborieuse, aux modes d'autrefois, ni d'adapter au goût actuel les élégances désuètes dont les vieilles gravures nous ont transmis le souvenir. Les «Peintres de la femme» se proposent d'innover, tout en restant fidèles à cet art du costume sobre, d'une grâce seyante, qui plaira toujours en France, et qui est proprement nôtre.
On a commencé par leur montrer des modèles qu'ils ont adroitement transformés. Une petite retouche peut parfois changer l'aspect d'une robe, d'un manteau, leur donner une séduction qui leur manquait: la tâche est amusante, aisée, pour des observateurs exercés à saisir l'harmonie des lignes, à combiner et à accorder les nuances. Mais ils ne se sont pas bornés à de simples retouches. Et ils ont voulu contribuer par des croquis personnels à la mode qui sera peut-être celle de demain: une exposition réunira le mois prochain ces oeuvres légères, issues de l'alliance, désormais consacrée, du couturier et de l'artiste.
Voici, en attendant, l'un des premiers dessins exécutés par
Willette, dont on reconnaîtra, dans un genre inaccoutumé, la verve
spirituelle, la fantaisie toujours en éveil. En cette image de
femme vêtue, semble-t-il, d'une grande fleur de lys qui l'enveloppe
entièrement, et campée devant un jardin à la française, aux allées
régulières, aux bosquets taillés, on se plaît à voir comme le
manifeste de la nouvelle école.
Michel
Psichari.
LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
Les Pèlerins de Sainte-Hélène.
N'est-il pas merveilleux qu'à un siècle de sa disparition de la scène du monde, qu'un siècle bientôt après le dénouement du drame obsédant de Sainte-Hélène, nous puissions encore découvrir, touchant Napoléon, des choses qui aient le pouvoir de nous passionner? Un livre révélateur paru d'hier et riche en documents inédits, dossiers d'archives, correspondances diplomatiques et papiers privés, donne une suite impressionnante à tous les récits de la captivité de Napoléon jusqu'ici publiés et qui s'arrêtaient à la mise au tombeau. Et voici de nouveau évoquée par un scrupuleux historien, M. Albéric Cahuet--son nom est familier aux lecteurs de ce journal--la geôle noire de l'Océan, la Thulé tropicale aussi perdue au milieu de ses brumes étouffantes que l'autre, celle du Nord, derrière ses frimas, aussi ignorée du monde jusqu'au jour où le tragique crépuscule de l'astre l'auréola de gloire. Car c'est d'elle qu'il est le plus question tout le long de ce livre, encore qu'il s'intitule Après la mort de l'Empereur et fasse rayonner la légende de Sainte-Hélène en Europe, dans les capitales de la Sainte-Alliance, et jusqu'à nos jours.
Ce sont d'humbles guides, qui ont entraîné notre auteur vers Sainte-Hélène; ce sont les «derniers serviteurs de l'Empereur», c'est Marchand, son valet de chambre,--encore que celui-ci ait fini comte et bien établi; c'est Noël Santini d'abord «gardien du portefeuille», à l'île d'Elbe; plus tard, aux Briars et à Longwood, tour à tour tailleur ou bottier adroit, ingénieux à utiliser les restes, barbier quand il le faut, chasseur à ses moments et pourvoyeur de la table impériale,-plus tard «la bête noire de la Sainte-Alliance»; Santini, dévoué jusqu'à l'assassinat, s'il l'eût fallu, et qui, renvoyé de Sainte-Hélène, apporta en Europe la plainte du grand captif et révéla au monde l'ignominieux traitement qui lui était infligé sur son roc, puis finit gardien du tombeau des Invalides; c'est encore Louis-Étienne Saint-Denis, ci-devant improvisé mameluk sous le nom d'Ali, puis en exil transformé par une décision de l'Homme--qui avait fait d'autres miracles--en un bibliothécaire exact, appliqué à ses fonctions comme un chartiste et qui nous livre le secret de toutes les lectures de Longwood; c'est enfin l'huissier Noverraz, «l'ours d'Helvétie», la fidélité vigoureuse mise au service du dévouement qui ne discute pas.
En compagnie de ces braves gens, si attachés, si désintéressés, puisqu'ils ne pouvaient pas même concevoir la pensée de faire figure devant l'histoire, M. Albéric Cahuet, qui, à l'aide de curieux papiers inédits, a pu reconstituer, pendant et après la captivité, leurs humbles existences, nous introduit dans la vie intime de l'Empereur déchu; cène sont plus seulement les pauvres appartements d'apparat où s'écoulent, interminables, les jours de l'exilé; c'est l'office et c'est la mansarde, «où parfois l'on pleure des larmes cruelles», et cela est presque plus émouvant encore, car nous sondons plus profondément la prodigieuse infortune, la détresse qui plane sur la maison de l'exil.
L'Empereur mort, l'ombre du gigantesque calvaire s'étend sur toutes les pages du livre. Elle enveloppe le mélancolique départ, au crépuscule, de la petite colonie française de Longwood le 26 mai 1821; elle plane sur toute la procédure et la correspondance diplomatique que provoque l'exécution difficile du testament impérial; elle donne un caractère sacré à la nuit shakespearienne de l'exhumation le 5 octobre 1840; et, de nos jours encore, elle contraint au recueillement les derniers pèlerins cosmopolites qui font escale à Jamestown pour aller--en suivant l'itinéraire indiqué par l'auteur--méditer dans la Vallée du Silence.
Dans ces études, si joliment éditées par la librairie Émile-Paul (3 fr. 50) et illustrées de précieux documents iconographiques, M. Albéric Cahuet a paré une documentation solide, passée au crible d'une critique judicieuse et sévère, des séductions d'un style élégant, pittoresque et souple; mais surtout, ce qui est l'un des charmes les plus entraînants de son ouvrage, c'est la belle flamme qu'on sent courir tout au long de ces chapitres alertes, émaillés d'anecdotes inédites, et d'un rare agrément.
La Guerre des Balkans.
Voici que paraît le premier livre sur la guerre; entendez: la première relation historique précise, vraie, et déjà définitive, des opérations bulgares en Thrace pendant les trente jours que dura la campagne. Ce ne sont plus là des notes hâtives, fiévreuses, parfois informes, d'un reporter qui, tenu à distance du champ de bataille, doit emprunter à son imagination les détails fantaisistes du drame qui s'y déroule.
Ce sont de véritables documents d'état-major contrôlés et complétés par les observations personnelles de l'auteur parmi les convois en marche, dans les camps retranchés devant Andrinople et sur la ligne du feu pendant les trois jours de la bataille de Tchataldja. Le brillant officier français qui a signé ce livre est bien connu de nos lecteurs. C'est le correspondant de guerre de L'Illustration, M. Alain de Penennrun, dont les articles impartiaux et parfois redoutables en leur netteté éloquente ont produit, il y a moins de deux mois, une si grande sensation dans les milieux militaires, politiques et diplomatiques. C'est par notre collaborateur, en effet, il convient de le rappeler, que l'on a su la vérité sur la canonnade de Tchataldja, si meurtrière pour les Bulgares. Ce sont les lettres, les croquis et les plans de M. de Penennrun qui, publiés par notre journal dans les plus stricts délais de l'actualité, et reproduits dans tous les journaux de Constantinople, ont, les premiers, fixé l'opinion sur la réalité de la résistance turque. Après quoi, notre correspondant est rentré en France où le rappelaient ses obligations militaires. Il considérait la guerre comme virtuellement finie et les événements, jusqu'ici, ont en effet confirmé qu'était close la période des opérations décisives.
Naturellement, l'ouvrage aujourd'hui publié constitue un ensemble méthodique, ordonné, fortement lié, revu minutieusement et complété par toutes les notes non encore utilisées.
Dans le premier chapitre qui, au point de vue préparation à la guerre, a un grand intérêt, l'auteur expose ce qu'il a su de la mobilisation et de la concentration des armées bulgares ainsi que ce qu'il a pu remarquer d'intéressant dans la constitution de leur ordre de bataille. Il y a joint de précieuses observations sur l'organisation générale des troupes, sur l'habillement, l'équipement, l'armement. Le second chapitre étudie les opérations de la deuxième armée, l'investissement d'Andrinople, puis le siège même de la ville. Le chapitre troisième traite des premiers combats qui ont suivi la prise de contact générale et, plus particulièrement, de ceux qui ont amené l'occupation de Kirk-Kilissé. Le chapitre IV est consacré tout entier à la grande bataille de Loule-Bourgas ou du Karaagatch. Dans le chapitre V, nous trouvons le récit de la bataille de Tchataldja à laquelle, nous le savons, assista l'auteur. Dans le chapitre VI enfin, M. de Penennrun a résumé les conclusions qu'il a cru pouvoir tirer de ses observations, à savoir notamment que, quoi qu'il puisse arriver maintenant et malgré la barrière de Tchataldja, la victoire matérielle et morale acquise par tant d'héroïsme ne pourra plus'être arrachée aux Bulgares, car l'offensive turque est désormais impossible.
Pour être exact et précis, le livre de M. de Penennrun (Édition Lavauzelle, 4 fr.) n'a rien de la sécheresse d'un rapport de manoeuvre. Il est vivant, descriptif, émouvant. II sera demain dans toutes les bibliothèques militaires de France et de l'étranger. Car, malgré la brièveté de la campagne de 1912, l'importance des effectifs engagés de part et d'autre, la rapidité et la grandeur des résultats obtenus, lui donnent une importance considérable. C'est un grand exemple--à étudier et à discuter par tous les écrivains militaires de demain--de ce que peut être la guerre contemporaine.
Un nouveau livre s'ajoute, cette semaine même, à celui de M. Alain de Penennrun que nous analysons ci-dessus: c'est Vers la Victoire avec les Bulgares, par le lieutenant H. Wagner, traduit de l'allemand par le commandant Minart (Berger-Levrault, 5 fr.). Mais il s'en faut que le nouveau venu ait le même intérêt,--et surtout la même valeur documentaire. Non qu'il ne fourmille de renseignements variés, de savantes considérations tactiques, d'anecdotes, de tableaux militaires adroitement brossés. On y entend
les cris assourdissants des adversaires; on y voit les lignes se replier en bon ordre. Malheureusement, nous sommes mal assurés que le lieutenant Wagner puisse, d'un front serein, redire le «J'étais là» du fabuliste. Pourtant, il a été, dès le début de la guerre, le plus cité, le plus exalté des journalistes. Que de feuilles ont empli leurs colonnes des lambeaux des articles qu'il envoyait du «théâtre de la guerre» à la Reichspost, de Vienne! Car nul ne donnait des détails aussi abondants et précis que ceux qu'il télégraphiait à son journal. Seulement tout finit par se savoir, et l'on apprit un beau jour--M. René Puaux, qui, lui, y fut voir, raconte assez malicieusement dans le Temps par quelles voies--que M. Wagner était surtout un homme d'une imagination très fertile, qui excellait à délayer, comme nous disons, les bulletins officiels. A la vérité, l'ancien correspondant de la Reichspost a retranché beaucoup, dans son volume, des descriptions dramatiques qui firent le succès de ses articles. Il ne consacre plus un chapitre à la bataille de Tchorlou,--que jadis il avait copieusement dépeinte. Il a effacé de ses tableaux quelques ruisseaux de sang. N'importe, avertis comme nous le sommes, nous hésitons à accepter même ce qui en reste. Le fac-similé même d'une de ses dépêches, reproduit en hors texte, n'arrive pas à nous convaincre. Nous conservons, comme on dit, de la méfiance.
LES THÉÂTRES
La Demoiselle de magasin, qui se fait applaudir au Gymnase, est la soeur cadette de cette Mlle Beulemans que tout Paris prit plaisir à retrouver non seulement de scène en scène, mais encore de théâtre en théâtre, et partout le succès l'accompagnait. MM. Fonson et Wicheler donnent à Paris une nouvelle pièce belge. Elle est toute simple, l'histoire en est menue, elle vaut surtout par les détails d'observation locale, par le dessin précis des caractères. La demoiselle de magasin fait d'abord la fortune de son patron, puis elle en épouse le fils, et tout le monde est heureux,--le
spectateur compris. L'acteur bruxellois Jacque fait la joie de cette pièce qu'il anime singulièrement de sa mimique si expressive, où il fait entendre l'accent le plus authentiquement belge, et dont il partagera sans doute longtemps le succès avec MM. Mylo, Duquesne, Berry, Gandéra et Mlle Jane Delmar, demoiselle de magasin fort séduisante.
M. Jacque dans la Demoiselle
de
magasin.
M. André Antoine vient de représenter à l'Odéon la Maison divisée, oeuvre d'un jeune auteur, M. André Fernet. Cette pièce met aux prises des êtres qui s'aiment mais dont les idées diffèrent profondément et qui font passer ce qu'ils estiment être leur devoir avant leurs affections. Entre le ministre hostile aux idées nouvelles et son fils qui les défend réside un désaccord qui sera poussé au tragique: le fils sera tué par les soldats du père au cours d'une émeute. Puis, devant ce cadavre, le ministre rencontrera la femme que son fils aimait et dont il eut un fils: elle le refuse à son grand-père; elle le destine à sa vengeance. Ces sentiments exceptionnels et surhumains sont exprimés en un style sobre. Et cependant le drame est plus en propos qu'en action.
Pour la première fois, M. Raphaël Duflos vient d'interpréter le rôle d'Alceste à la Comédie-Française. Son élégance, sa distinction, mais mieux encore la compréhension parfaite de ce caractère d'amoureux, ont donné comme une jeunesse nouvelle, ou plus justement neuve, à ce personnage classique. Une telle création fait le plus grand honneur au brillant artiste et le public charmé le lui a témoigné par ses enthousiastes applaudissements.
Le Champion de l'air, qui vole au Châtelet, est une pièce amusante. L'aviation n'y tient pas la première place, mais elle fournit le prétexte d'une intrigue fertile en péripéties décoratives. Il s'agit d'essayer un nouvel appareil stabilisateur; sa vertu ne sera prouvée que par un capotage d'aéroplane... qu'il empêchera de se produire. Mais qui courra le risque de l'expérience? Un pauvre diable qui, préalablement, désire connaître un peu la vie. Nanti de la récompense promise, il veut voir du pays. Et ce sont des aventures qui commencent à Cadix, s'enchevêtrent aux Indes, au cours de vingt tableaux luxueux, et s'achèvent magnifiquement par la descente triomphale de l'aéroplane victorieux. Le texte de M. Émile Codey est vivant; la jolie musique qui l'accompagne est de M. Marins Baggers.
HOMMAGE A CHARLES TELLIER
Un hommage tardif et relativement modeste, mais qu'envierait plus d'un inventeur méconnu, vient d'être rendu à l'ingénieur français Charles Tellier, le véritable promoteur de l'industrie frigorifique.
M.
Charles Tellier.
C'est en 1876 que Tellier démontra, pour la première fois, la possibilité de transporter au loin des denrées alimentaires frigorifiées; il avait employé toutes ses ressources pour aménager un navire, le Frigorifique, qui, parti de Rouen, rapporta de Buenos Ayres une cargaison de viande. Les résultats de ce premier voyage furent très satisfaisants, mais l'opinion publique les accueillit avec une curiosité un peu dédaigneuse; les Français ne paraissaient pas mûrs pour consommer des produits ainsi conservés, et Tellier dut renoncer à exploiter son procédé.
Aujourd'hui l'industrie mondiale du froid artificiel représente un mouvement d'affaires de plusieurs milliards par an, et Charles Tellier, né à Amiens en 1828, par conséquent âgé de quatre-vingt-cinq ans, vit modestement, sans fortune.
Sur l'initiative de quelques savants et industriels, le gouvernement a décerné récemment à ce précurseur méconnu la croix de la Légion d'honneur. En même temps on ouvrait une souscription internationale pour lui assurer un peu d'aisance.
Un banquet réunissait ces jours derniers tous ceux qui avaient coopéré à cet acte de justice. Le menu était exclusivement composé de produits frigorifiés apportés de pays lointains: saumon de l'Alaska, omelette aux oeufs de Chine, gelinottes de Sibérie, etc.
Après avoir épinglé la croix sur la poitrine de Tellier, M. d'Arsonval, membre de l'Institut, lui annonçait que la souscription, à laquelle ont contribué largement l'Argentine et l'Uruguay, avait produit 80.000 francs.
Rosa Sarto.--Phot. J. Felici.
UN DEUIL AU VATICAN
L'aînée des soeurs du pape, Mme Rosa Sarto, vient de mourir, âgée de soixante-douze ans, dans le modeste appartement qu'elle occupait, avec deux autres soeurs et une nièce, non loin du Vatican. Depuis qu'une attaque de paralysie la tenait immobilisée chez elle, Pie X n'avait pu la revoir: en apprenant la douloureuse nouvelle, il a éprouvé un chagrin profond.
Une grande et mutuelle affection unissait, en effet, le frère et la soeur. Ils avaient vécu ensemble depuis 1858 jusqu'en 1873, tandis qu'il remplissait les premières dignités ecclésiastiques. Après un long séjour dans son village natal, à Riese, elle était revenue près de lui, en 1894, quand il fut fait cardinal et patriarche de Venise. Enfin, après l'élévation de son frère au pontificat, elle s'était transportée à Rome, et, depuis presque dix ans, elle continuait à le voir plusieurs fois par semaine.
Mme Rosa Sarto était une femme d'une bonté exemplaire, d'une haute vertu. Suivant le désir exprimé par Pie X, ses obsèques ont été célébrées dans une stricte simplicité.
LE DRAME
DE L'EXPÉDITION SCOTT
De nouvelles dépêches de Nouvelle-Zélande permettent de compléter sur plusieurs points la relation du drame final de l'expédition polaire de Scott, que nous avons publiée dans le numéro précédent.
Bien avant de parvenir au but, les explorateurs anglais surent qu'Amundsen les avait devancés et qu'ils n'avaient plus à lutter que pour soutenir l'honneur du pavillon. Dès le 88° de latitude, soit à 220 kilomètres du Pôle, ils rencontrèrent, en effet, les traces de la caravane norvégienne, et, à partir de là, les suivirent jusqu'à la tente qu'elle avait laissée au Pôle même comme témoignage de sa victoire, et à laquelle elle avait donné le nom caractéristique de Polheim (maison du Pôle).
Arrivé au terme de sa longue randonnée le 17 janvier, et non le 18 janvier, comme les premiers télégrammes l'annonçaient, Scott y séjourna quarante-huit heures. Le premier jour, des circonstances atmosphériques défavorables l'empêchèrent de procéder à des déterminations astronomiques. En raison de la présence de masses de petits cristaux de glace en suspension dans l'air, le disque du soleil se trouvait brouillé et déformé; de là l'impossibilité d'obtenir de bons contacts dans les instruments, et, par suite, des résultats exacts. Le lendemain, le ciel s'étant éclairci, des observations purent être prises. Elles ont été exécutées avec un théodolite, instrument beaucoup plus précis que le sextant employé par les Norvégiens. Les observations de Scott placent Polheim par 89°59'30" de latitude, soit à 925 mètres du point mathématique par lequel passe l'extrémité australe de l'axe terrestre. Pour cette même station, les Norvégiens ont obtenu 89° 58' 30", et 2.775 mètres pour la distance séparant leur tente du Pôle. Étant donné les circonstances et les instruments dont s'est servi Amundsen, cette différence de 1.850 mètres entre les valeurs calculées par les deux expéditions est absolument négligeable, et les résultats de leurs opérations doivent être considérés comme remarquablement concordants.
Après cela, Scott et ses compagnons avancèrent de 925 mètres dans la direction indiquée par les observations et plantèrent le glorieux pavillon de l'Union Jack au point indiqué par leurs calculs comme le gisement du Pôle Sud.
Le même jour, la caravane battit en retraite. Dès le départ, Evans donna des signes évidents de faiblesse. Quoi qu'il en fût, au début, sur le plateau du Roi Édouard, on avança bon train, couvrant parfois jusqu'à 29 kilomètres par étape. Plus bas, sur le glacier Beardmore qui descend du plateau à la Grande Barrière, au pied des montagnes, cela changea; dans ces parages, la glace était toute hérissée de monticules hauts de 3 mètres à 3 m. 50, qu'il fallait monter, puis descendre; dans ces conditions, la marche devint épuisante et les chutes se répétèrent. Au passage d'une de ces aspérités, Evans tomba sur la tête. Les télégrammes font présumer qu'à la suite de cet accident le malheureux perdit la raison. Grâce au dévouement de ses compagnons, il parvint cependant à la Grande Barrière. Pendant la plus grande partie de la descente, le pauvre dément dut être soutenu par ses camarades, et même charroyé sur un traîneau auquel ils s'attelaient. Ce surcroît de travail, en ralentissant l'allure, a été la cause déterminante de la catastrophe. Si la mort de Scott et de ses trois derniers compagnons est digne de celle des héros de l'antiquité, leur conduite avant le dénouement fatal est non moins admirable. Délibérément, ces nobles cours firent le sacrifice de leur vie pour prolonger l'existence d'un camarade moribond. Tous pour un! Jamais dans les temps actuels la belle devise des confédérés helvétiques n'a été appliquée avec plus d'héroïsme.
Sur la Grande Barrière ensuite, les explorateurs furent retardés par la maladie d'Oates. Sous les atroces blizzards qui constamment s'abattaient sur eux, combien lents devinrent alors leurs progrès: 15 kilomètres par jour au maximum, souvent même 5 seulement!
L'agonie des trois survivants n'a pas duré moins de neuf jours. Le 21 mars, au moment où il fut définitivement arrêté par la tempête et l'épuisement, Scott ne possédait plus de vivres que pour quarante-huit heures, et seulement le 29 la mort acheva son oeuvre! Ses deux compagnons, le docteur Wilson et le lieutenant Bowers, succombèrent les premiers; leurs corps ont été trouvés dans les sacs de couchage soigneusement fermés. Ainsi, quoique moribond, le chef de l'expédition avait puisé dans son énergie la force de rendre les derniers devoirs à ses camarades. Quel sang-froid surhumain cet héroïque marin a montré devant la mort, les précautions qu'il a prises pour assurer la conservation de son journal en sont une nouvelle preuve. Lorsqu'il sentit la faiblesse l'envahir, il s'assit contre le piquet central de la tente, puis plaça bien en évidence son carnet entre le bois et sa tête; c'est dans cette position que, huit mois plus tard, son corps fut retrouvé.
Tous les documents de la malheureuse expédition ont été sauvés, non seulement ses carnets de route, mais encore ses pellicules photographiques et 15 kilos d'échantillons géologiques. Epuisés et défaillants au cours de leur désastreuse retraite, ces admirables explorateurs se refusèrent à jeter cette charge de pierres qui représentaient en partie les résultats de leurs efforts. D'après les dépêches, leur collection comprendrait des fossiles et des spécimens de charbon recueillis dans les grès surmontant les granites et les schistes cristallins qui constituent le soubassement du relief antarctique dans cette région. Ces échantillons de charbon, probablement des fragments de matière charbonneuse sans valeur industrielle, présentent un haut intérêt scientifique. Formés de débris de plantes, ces dépôts indiquent, en effet, qu'à une époque antérieure de l'histoire du globe, les terres antarctiques aujourd'hui ensevelies sous la glace ont été couvertes de végétation.
Le médecin de l'escouade qui a découvert le camp de l'agonie assure que les corps des infortunés voyageurs ne portaient aucune trace de scorbut. Or, d'après l'expérience des deux expéditions Charcot, nous savons que la terrible maladie peut exister sans qu'aucune indication extérieure permette de la diagnostiquer.
La fatalité s'est acharnée contre Scott. Avant le départ, il avait indiqué le 10 mars 1912 comme date probable de son retour aux quartiers d'hiver. Aussi bien, afin de faciliter sa retraite, à la fin de février, deux hommes et deux traîneaux attelés de chiens furent envoyés au-devant des explorateurs. Le 3 mars ils atteignaient le dépôt le plus extrême sur la Grande Barrière, l'Orne Ton Camp, à 220 kilomètres environ au sud de la station, et y demeurèrent dix jours (voir la carte jointe au dernier numéro). Malheureusement le mauvais temps et la faiblesse de leurs attelages les obligèrent à ne pas prolonger leur attente et le 10, dix jours avant le retour de Scott à quelques kilomètres de là, ils rebroussaient chemin. Six jours plus tard, les deux éclaireurs ralliaient le bord de la Grande Barrière, à bout de forces. Là, une nouvelle malchance paralysa leurs efforts. Pendant leur voyage, la banquise reliant l'extrémité du glacier aux quartiers d'hiver s'était rompue, et il devenait, par suite, impossible d'avertir le gros de l'expédition qu'à la date du 10 mars, jour fixé pour le retour, Scott n'avait pas encore paru au dépôt le plus méridional et qu'il devait se trouver en péril. Lorsque les communications furent enfin rétablies, les ouragans entravèrent toute nouvelle recherche, et il fallut attendre le printemps austral suivant pour se remettre en campagne. Hélas! depuis plus de sept mois le drame était terminé et les héros dormaient leur dernier sommeil dans leur linceul immaculé.
Charles Rabot.
DOCUMENTS et INFORMATIONS
Les nouveaux radiophares au large de Brest.
L'administration s'est enfin décidée à mettre à l'essai deux radiophares étudiés par M. Blondel, ingénieur en chef des ponts et chaussées, attaché au service central des phares, qui, depuis longtemps, préconisait, pour guider les navires en temps de brume, la production de signaux hertziens à étincelles musicales convenablement rythmées.
Ces appareils, installés respectivement à l'île d'Ouessant et à l'île de Sein pour indiquer l'entrée de la rade de Brest, sont d'une remarquable simplicité.
Le radiophare, muni d'une petite antenne dont la portée ne dépasse pas 30 milles marins, peut fonctionner automatiquement durant trente heures sans aucune intervention du gardien. Il lance à des intervalles de 30 secondes des signaux formés par une note de musique: ut pour un poste, sol pour l'autre. Ces signaux sont reçus à bord par un homme quelconque de l'équipage, au moyen d'un petit récepteur convenablement réglé, dont l'installation revient à 350 ou 400 francs. L'appareil peut également recevoir les signaux horaires et les radiogrammes météorologiques de la tour Eiffel; il permet encore à un marin connaissant le code Morse de recevoir tous les radiotélégrammes émanant de postes côtiers ou de navires.
Le poste ne portant qu'à 30 milles, tout navire entendant les signaux par temps de brume sait qu'il se trouve dans le voisinage de la côte. On ne saurait apprécier exactement par l'intensité des signaux reçus la distance entre le navire et le radiophare; les appareils proposés jusqu'ici pour mesurer cette distance ne donnent point d'indications certaines. Néanmoins, quand un navire se trouve entre deux postes semblables, il reçoit toujours plus intenses les signaux du poste le plus rapproché; l'expérience tend à prouver qu'en général il peut évaluer avec une approximation de 10 à 15% sa position par rapport à la médiane coupant la ligne des deux stations.
D'ailleurs, le navire qui ajouterait à son installation un cadre d'orientation de Blondel pourrait déterminer la direction des deux émissions et connaître ainsi sa position exacte. La pratique de cet appareil est un peu plus compliquée, et elle oblige à faire pivoter le navire.
En tout cas, les renseignements fournis par le récepteur simplifié sont suffisants pour éviter aux marins les erreurs graves qui donnent lieu aux accidents. Le Congrès international de sauvetage, réuni à Paris, il y a quelques semaines, a émis le voeu que des petites--stations radiotélégraphiques de ce genre soient installées sur toutes les côtes.
Une falsification inattendue.
L'imagination des fraudeurs nous réserve de singulières surprises, M. Loucheux, chimiste au laboratoire central du ministère des Finances, nous apprend, dans les Annales des fraudes, que l'industrie allemande commence à exporter de «faux excréments d'animaux».
«Ce nouveau produit est façonné en petits cylindres irréguliers, de couleur brune et de longueurs différentes, mesurant environ 10 centimètres de circonférence et rappelant assez exactement la forme d'une matière moulée par un tube digestif de petit diamètre. Une odeur très nette de poisson indique déjà qu'il ne s'agit point d'excréments d'animaux. A l'analyse, on trouve des cendres et des matières organiques, dont une notable proportion d'amidon et d'éléments azotés.»
Les chimistes teutons songeraient à concurrencer la véritable crotte de chien, fort employée en mégisserie et dont le prix est relativement élevé.
Pour lutter contre les mouches.
On sait qu'aux États-Unis en particulier, la défense des cultures contre certains insectes déprédateurs se fait par la multiplication artificielle, ou bien d'insectes qui détruisent ces déprédateurs, ou bien de germes pathogènes déterminant chez ces derniers des maladies mortelles. La méthode, qui est qualifiée de biologique, donne de très bons résultats.
Il se pourrait qu'elle fût destinée à combattre un insecte qui, sans être nuisible à l'agriculture, est nuisible à l'homme, et insupportable aussi: la mouche, véhicule possible de quantité de microbes, et la plus ennuyeuse des bêtes. On connaît depuis longtemps un champignon parasitaire de la mouche domestique, du nom d'Empusa muscæ. Seulement on ne savait pas cultiver ce champignon. Un Anglais, M. G. Hesse, aurait trouvé le moyen, et, avec sa culture, il aurait infecté et tué des mou ches (mouches de maison et stomoxes des étables et écuries). Pour infecter les mou ches, il suffirait de leur faire avaler des aliments infectés, car l'infection se ferait par le tube digestif, ce qui simplifierait certainement les opérations. Le gouvernement anglais est actuellement occupé à contrôler et vérifier les résultats annoncés par M. Hesse, et, sans doute, il organisera une campagne pour la destruction des mouches, si elle paraît possible.
Diminution considérable de la mortalité infantile en France.
Les documents publiés par le directeur de l'Assistance et de l'hygiène publiques montrent une diminution constante de la mortalité infantile.
Sur 1.000 enfants de 0 à 1 an, le nombre des décès s'est élevé, pour l'ensemble de la France, au cours de la dernière période quinquennale, aux chiffres suivants:
1906...... 135,5
1907...... 118,7
1908...... 116,3
1909...... 105,3
1910...... 100,1
C'est une diminution de 25% en cinq ans.
Ces résultats sont certainement dus à l'effort des oeuvres publiques et privées qui, dans les crèches, les dispensaires, les consultations de nourrissons, les gouttes de lait, etc., travaillent à défendre la vie de l'enfant.
Les maisons de la zone a Neuilly.
Dans notre récent article sur la zone et ses habitants, nous signalions l'hôtel d'un conseiller municipal parmi les constructions fort variées élevées sur la zone à la Porte Maillot. Dans cette simple énumération, nous n'avions nullement entendu assimiler ce cas à celui des spéculateurs visés dans une autre partie de l'article.
Cependant, en l'absence d'une précision spéciale, une confusion a pu s'établir dans l'esprit de quelques lecteurs. Nous tenons donc à compléter notre information en disant que l'hôtel en question, occupé par un des membres les plus honorables du Conseil municipal de Neuilly, existait avant 1841, époque à laquelle fut décidée la fortification de Paris. Il en est de même, du reste, pour un grand nombre d'immeubles de cette partie de Neuilly. Le restaurant Gillet, notamment, existait en 1825.
M. Raymond Poincaré, capitaine de
chasseurs
alpins.
Phot.
comm. par un officier du
3e
bataillon territorial.
M. POINCARÉ MILITAIRE
C'est par erreur que, dans notre précédent numéro, nous avions arrêté, la carrière militaire de M. Raymond Poincaré, en 1897, au grade de lieutenant; l'année suivante, toujours dans les chasseurs alpins, M. Poincaré était capitaine, ainsi qu'en témoigne la photographie ci-dessus, qu'un de nos lecteurs, «un capitaine du 3e bataillon alpin», nous communique.
Elle fut prise, en effet, en 1898. Un nouveau galon s'enroulait au parement de la manche de M. Raymond Poincaré. Mais son entrain ni son zèle ne s'étaient atténués au cours de l'année qu'il venait de passer dans la vie civile. Son énergie ne s'était point rouillée et le capitaine Poincaré manoeuvrait aux environs de Vienne (Isère) d'une ardeur égale à celle qu'il montrait, à sa précédente période, autour d'Annecy.
UN PROCÈS-VERBAL HISTORIQUE
Le Livre d'or de la Ville de Paris s'est enrichi, cette semaine, d'un document précieux.
Nous contons d'autre part comment, après la présentation des personnages officiels dans la cour intérieure de l'Hôtel de Ville transformée en jardin d'hiver, les trois présidents, M. Poincaré, M. Fallières et M. Loubet, furent conviés à signer le procès-verbal de la cérémonie. Sur une table était posée la page qu'avait écrite, avec un soin patient, le dessinateur calligraphe de la Ville, M. Jules Commin, et qui doit figurer dans le Livre d'or. Nous reproduisons ici ce parchemin: il porte en marge l'écusson orné de la République, et, en tête, le monogramme du nouveau chef de l'État.
Fac-similé réduit du feuillet de parchemin du Livre d'or de la
Ville de Paris signé, à l'Hôtel de Ville, le 18 février, par trois
présidents de la République.
Un porte-plume en or terminé par un coq gaulois, qui, pièce historique, sera conservé au musée Carnavalet, servit successivement pour les signatures et passa de main en main. M. Fallières, en achevant son paraphe, égratigna le papier, qui conserve des traces de cet accident; et pareil malheur advint à M. Paul Deschanel. Ces détails, et ceux que révélera l'étude comparée des écritures, ne manqueront pas de provoquer les savantes dissertations des graphologues.
LA PREMIÈRE AVIATRICE DÉCORÉE
La première croix de la Légion d'honneur donnée à une aviatrice vient d'être décernée par le ministère des Affaires étrangères à Mlle Hélène Dutrieu.
La nouvelle légionnaire est de nationalité belge, mais c'est en France qu'elle commença à se faire connaître comme une sportswomen d'une rare audace.
Mlle
Hélène Dutrieu.
A l'époque, déjà lointaine, où l'art périlleux de «boucler la boucle» était en vogue, Mlle Dutrieu imagina «la flèche humaine», exercice qui consistait à se lancer dans le vide à bicyclette et à retomber gracieusement sur ses roues après un parcours en l'air d'une dizaine de mètres.
La courageuse jeune femme devait bientôt se laisser tenter et accaparer par l'aviation. Elle fit sa première envolée sur une «demoiselle» Santos-Dumont, monoplan extra léger, exigeant un véritable instinct d'acrobate et sur lequel bien peu d'aviateurs ont osé se risquer. On l'aperçoit ensuite sur un biplan, dans les Ardennes, au camp de Châlons, à Odessa, où elle fait une chute sérieuse.
En 1910, elle s'adjuge la coupe Femina en couvrant 167 kilomètres en 2 h. 55 minutes. Quelques mois plus tard, elle conquiert en Italie la coupe de vitesse offerte par le roi; elle part alors pour l'Amérique où elle gagne le grand prix de durée et s'adjuge le record féminin de la hauteur.
Le 31 décembre 1912, elle détient pour la seconde fois la coupe Femina, ayant couvert 254 kil. 800 en 2 h. 58. En ces derniers temps elle pratique l'hydroaéroplane et exécute des vols audacieux sur le Léman et à Trouville.
La haute distinction conférée à Mlle Dutrieu sera accueillie avec sympathie dans le monde sportif, où l'on apprécie autant la grâce que la bravoure; elle sera un puissant motif d'émulation et d'espérance pour les aviatrices françaises.
Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre ne nous
ont pas été fournis.