Bulletin bibliographique.

Le Nord de la Sibérie; par M. de Wrangell (9).--Les Pyrénées; par M. le baron Taylor (10).--Les Rues de Paris; 1er volume (11).

Note 9: Traduit du russe par le prince Emmanuel Gallitzin, 2 vol. in-8, avec une carte. Amyot 15 fr.
Note 10: 1 vol. in-8 de 600 pages. Gide 7 fr. 50.
Note 11: 1 vol. in-8, avec 500 dessins. Kugelmann. 12 fr.

Il y a deux siècles, la Sibérie septentrionale était complètement inconnue des nations de l'Europe. Ce fut en 1640 environ qu'un chef Cosaque nommé Bouza, chargé de soumettre quelques peuplades au yasak un tribut en pelleteries, s'embarqua sur la Léna, cette grande artère qui partage la Sibérie, et la descendit jusqu'à la mer Glaciale. A dater de cette époque, de nombreuses découvertes eurent lieu d'année en année dans cette, vaste contrée du globe; mais les marchands ou les navigateurs qui s'y aventurèrent manquaient, en général, de ressources et d'instruction, et n'ont laissé d'ailleurs aucune relation authentique de leurs voyages. La première expédition scientifique remonte au règne de l'impératrice Anne Ivanova. Formée de trois divisions, cette expédition partit en 1734; elle avait pour but principal de reconnaître toutes les côtes de la Sibérie de la mer Blanche jusqu'au détroit qui sépare l'Asie de l'Amérique, et surtout d'examiner s'il serait possible de se rendre par mer d'Archangel au Kamtschatka, il ne nous appartient pas d'énumérer ici les résultats et les désastres de cette expédition; qu'il nous suffise de rappeler que, malgré l'héroïque dévouement de ses chefs, et surtout de Lapteff, malgré les tentatives et les découvertes ultérieures de Chalaouroff, de Lyakoff, d'Andreyeff, de Cook (1778), de Billings (1785, 1794), et de M. Genthtrom (1808 à 1811), cet important problème géographique n'était pas encore complètement résolu, lorsqu'en 1820, Sa Majesté l'empereur Alexandre donna l'ordre d'expédier deux officiers de marine aux bouches de la Vana et de la Kolima. Ces deux expédiions devaient, d'une part, s'assurer si, comme le prétendaient certains navigateurs, il existait un grand continent arctique dans la mer Glaciale, et, d'autre part, relever les côtes de la mer Glaciale, de l'Olenek, vers l'est, jusqu'au delà du cap Nord.

M. le lieutenant de marine Anjou (actuellement capitaine de premier rang) fut placé à la tête de l'expédition chargée de se rendre à l'embouchure de la Vana, pour aller ensuite reconnaître les îles Kotehuoy et Fadeyevski, et la Nouvelle-Sibérie, et relever la côte entre les bouches de l'Indiguirka et de l'Olenek. La relation de son voyage n'a point été publiée. M. le lieutenant de Wrangell (actuellement contre-amiral) reçut le commandement de la seconde expédition; on lui adjoignit deux officiers de marine, MM. Matiouchkine et Kozmine; M. le docteur Kiber accompagna l'expédition en qualité de naturaliste. C'est de la relation russe de ce voyage que le prince Emmanuel Gallitzin vient de publier une traduction française, sous ce titre: Le Nord de la Sibérie.

Parti de Saint-Pétersbourg le 23 mars 1820, M. de Wrangell n'y rentra que le 15 août 1824.--Comment avait-il employé ces quatre années et demie d'absence? Le 3 avril il avait quitté Moscou; le 18 mai, il arrivait à Irkoustk, capitale de la Sibérie, à 5,630 kilomètres de Moscou. S'étant embarqué sur la Léna, il la descendit jusqu'à Yakoutsk (à 2,650 kilomètres d'Irkoustk), puis il se rendit à cheval à Nidje-Kolkimsk, misérable village situé au delà du 60e degré de latitude, à 3,380 kilomètres de Yakoutsk, (11,660 kil. de Moscou), qui allait devenir pendant trois ans son séjour habituel et le centre de ses opérations. Le 2 novembre, jour de son arrivée, le thermomètre marquait 32 degrés de froid.

Durant les trois années qu'ils passèrent à Nidje-Kolkimsk, MM. de Wrangell, Matiouchkine et Kozmine firent, outre diverses excursions dans les environs, quatre grands voyages à la mer Glaciale et le long de ses côtes. Malheureusement des obstacles impossibles à surmonter ne leur permirent de résoudre qu'un des deux grand problèmes géographiques qui leur avaient été posés.--En relevant toutes les côtes de la mer Glaciale, depuis l'embouchure de l'Indiguirka jusqu'à l'île Kolioutchine (Hurney's Island), c'est-à-dire sur une étendue de 35 degrés de longitude, dont une partie, celle comprise entre le cap Chelagsk et le cap Nord, n'avait été visitée par aucun européen, ils prouvèrent que si la mer était jamais libre de ses glaces, un navire pourrait se rendre d'Archangel au Kanitschalka, d'Europe en Amérique par la mer Glaciale; mais il ne leur fut pas possible d'atteindre les terres arctiques qu'ils espéraient découvrir en se dirigeant vers le pôle sur les glaces de la mer, dans des nartas traînés par des chiens, leur dernière tentative, faite en 1823, ne réussit pas mieux que le précédentes. Pour donner une idée des dangers auxquels ils s'exposaient, nous citerons le passage suivant (tome II, p. 279):

«Le 17 mars au soir, le vent tourna à l'ouest-nord-ouest; il continua à augmenter, finit par se transformer en tempête, et brisa la glace près de notre campement. Nous nous réfugiâmes sur un grand glaçon d'environ 100 mètre en largeur. Cependant la violence de l'ouragan ébranlait la glace; de nouvelles crevasses se formaient, les anciennes s'agrandissaient, et plusieurs étaient d'une largeur énorme. De quelque côte que l'on portât ses regards, on n'apercevait que glaces brisées et une mer furieuse. Tout à coup le glaçon sur lequel nous nous trouvions se détache, et, soulevé par la vague, part et flotte au gré des vents, emportant les voyageurs, qui s'attendent à être engloutis d'un moment à l'autre!... C'est dans cette situation lamentable que nous passâmes une partie de la nuit dans une obscurité complète et dans de mortelles angoisses! Mais le vent se calma, et le glaçon, qui, par bonheur, ne s'était point brisé, fut poussé avant le jour contre des glaces immobiles où il s'arrêta. Sur ces entrefaites, la gelée survint, et souda notre glaçon à ceux qui l'entouraient, en sorte que nous nous trouvâmes de nouveau, le 18 mars au soir, sur une plaine de glace immobile.»

M. de Wrangell continua donc son voyage; mais, le 23 il rencontra une large crevasse qui, dans les parties les plus étroites, avait 300 mètres de largeur; elle s'étendait d'une extrémité à l'autre de l'horizon. Le vent d'ouest, qui augmentait de violence, élargissait de plus en plus ce canal, M. de Wrangell gravit un grand rocher de glace pour examiner s'il n'existait pas un passage quelconque par où l'on pût avancer; mais il n'aperçut qu'une mer libre et sans limite... Sur les vagues remuantes flottaient d'énormes glaçons; ils allaient échouer contre la glace ramollie qui formait le bord opposé du canal «Peut-être, dit M. de Wrangell, eussions-nous pu traverser le canal sur quelques glaçons; mai sa quoi bon? la glace, de l'autre côte, n'avait plus de consistance! Déjà, près de nous, ébranlée par le vent et la rapidité du courant dans le canal, elle commençait à se lézarder, et l'eau, pénétrant avec bruit dans les fentes, en détachait des parties et démolissait la plaine glacée. Nous ne pouvions plus avancer! Ainsi tout espoir d'arriver à la découverte d'une terre dont l'existence n'avait plus rien de problématique, Venait de disparaître; il fallait renoncer à atteindre au but de trois années de travaux incessants, accomplis au milieu d'obstacles sans nombre, de dangers et de privations de toute espèce. Nous avions but du moins tout ce que l'honneur et le devoir exigeaient de nous. Je me décidai à rebrousser chemin.»

M. de Wrangell déclarait ainsi que l'existence de la terre qu'il cherchait n'avait rien de problématique, parce que quelques jours auparavant un vieux kamakay, ou chef tchouktcha, lui avait donne les renseignements suivants: «Entre les caps Yerri et Irkaypi (cap Chelagsk et cap Nord), près de l'embouchure d'une petite rivière qui se jette dans la mer, à travers des rochers peu élevés, durant les beaux jours d'été, l'on aperçu au nord de hautes montagnes couvertes de neige. Autrefois il nous arrivait de ce pays-là de grands troupeaux de rennes; mais les chasseurs et les loups les ont détruits. J'ai moi-même poursuivi un de ces troupeaux qui se dirigeait vers les montagnes; mais la glace, à une certaine distance du rivage, devint tellement inégale, que mon traîneau se trouva arrêté, ce qui m'obligea à m'en retourner. Ces montagnes se trouvent dans une contrée aussi étendue que le pays des Tchouktcha, et forment l'extrémité d'un cap très-allongé. La terre dont elles font partie doit être habitée; car une baleine, portant un dard armé d'une pointe en pierre, est venue échouer sur les bords de l'île Araoutane.»

Tels furent les grands résultats géographiques de l'importante expédition commandée par M. de Wrangell. Ces résultats étaient connus depuis longtemps, et, en 1840, la Revue Britannique avait consacré plusieurs articles à l'analyse de l'ouvrage que M. le prince Emmanuel Gallitzin a eu l'heureuse idée de traduire en français. Peu de relations de voyages offrent une lecture tout à la fois plus agréable et plus instructive. Ne connaissant pas la langue russe, il nous est impossible de juger de la fidélité de la traduction; mais nous n'avons que des éloges à donner au style facile et même élégant du traducteur. Quant à M. de Wrangell, il a su, tout en payant dans le compte-rendu de ses travaux le tribut qu'il devait à la science, écrire un livre aussi intéressant pour la masse de ses lecteurs que pour les géographes. Mieux qu'aucun autre voyageur, il a décrit les horreurs et les béantes de ces affreux déserts, où l'hiver règne en tyran absolu pendant dix mois de l'année, et raconte la vie monotone et pourtant animée de ses habitants, avec lesquels il a vécu pendant quatre ans; leurs luttes perpétuelles contre le froid et la famine, leurs chasses, leurs pêches, leurs coutumes, leurs mœurs, etc.; enfin, il nous a fait connaître la nation des Tchouktchas, dont le nom seul était parvenu en Europe, et qui n'a point été soumise à l'époque de la conquête de la Sibérie par les Cosaques. Veut-on savoir ce qu'est le nord de la Sibérie? qu'on lise le passage suivant emprunté au tome II, page 345:

«Le 17 décembre, nous quittâmes Verkhoyansk. La température continuait à être rigoureuse; le mercure se tenait constamment à 10 degrés au-dessous de zéro, par un froid pareil, toute course, même en traîneau, est sujette à difficulté; à cheval elle n'est point supportable. Il est impossible de se représenter les souffrances auxquelles on est exposé en un pareil voyage, sans les avoir éprouvées soi-même. On chemine le corps enveloppé dans des vêtements fourrés, pesant près de 20 kilog. Ce n'est qu'à la dérobée que l'on se hasarde à respirer de temps en temps un peu d'air frais; car on a la bouche cachée dans un vaste collet montant en fourrure d'ours, autour duquel s'étend une épaisse couche de givre. L'air est tellement âpre, que chaque aspiration occasionne une sensation douloureuse insupportable dans la gorge et dans la poitrine. Un énorme bonnet fourré recouvre le visage tout entier. Pendant l'espace d'environ dix heures (terme habituel d'une étape), le voyageur est pour ainsi dire cloué à la selle du cheval. Il va sans dire que, sous un accoutrement pareil, tout mouvement est à peu près impossible. Les chevaux se fraient un passage à grand'peine à travers une neige si profonde, qu'un homme s'y perdrait. Ces animaux souffrent beaucoup du froid; les bords de leurs naseaux se garnissent de glaçons qui augmentent de plus en plus et finissent par les empêcher de respirer; ils poussent, en pareil cas, une sorte de hennissement douloureux auquel se joint un tremblement de tête convulsif; il faut alors que le cavalier se hâte de secourir son cheval, qui, sans cela, ne tarderait point à étouffer. Lorsqu'on traverse, des steppes glaces, dégarnis de neige, il arrive souvent que les sabots des chevaux se crevassent, ce qui les empêche de marcher. La caravane est toujours entourée d'un épais nuage bleuâtre qui provient des exhalaisons des humidités et des chevaux. La neige elle-même, en se contractant de plus en plus, dégage du calorique; les particules aqueuses des vapeurs se transforment immédiatement en une infinité du paillettes glacées; elles se répandent dans l'atmosphère en faisant entendre une espèce de craquement prolongé ressemblant à un bruit produit par le déchirement du velours ou d'une étoffe de soie épaisse. Le renne, cet habitant des régions septentrionales les plus éloignées, cherche un refuge dans les bois contre ce froid épouvantable. Dans les tondres, les rennes se rassemblent par masses serrées, pour tâcher de se rechauffer par la communication de la chaleur qui leur est propre. Un corbeau seul se hasarde à traverser l'air d'un vol faible et lent, en laissant après lui une traînée de vapeur déliée comme un lit. Non-seulement les objets animés, mais les objets inanimés eux-mêmes éprouvent la terrible influence du froid. Des arbres énormes éclatent avec un bruit retentissant qui résonne dans le steppe comme le bruit du canon dans la mer. Le sol des tondres et des vallées se crevasse, et il s'y forme de profondes fondrières; l'eau contenue dans les entrailles de la terre sort par ces ouvertures, se répand au dehors en fumant et se transforme immédiatement en glace. Dans les montagnes, d'énormes rochers se détachent et forment des avalanches qui roulent avec fracas dans le fond des vallées. Les fortes gelées étendent même leur influence sur l'atmosphère: la beauté si majestueuse et si justement vantée du ciel bleu foncé des régions polaires, disparaît dans un air épaissi par le froid; les étoiles n'ont plus leur éclat habituel, et ne brillent que faiblement. Le charme mystérieux d'une nuit que la lune éclaire se perd là où une nature morte est cachée sous un vaste tapis de neige. L'Imagination, affaissée sous le poids de l'uniformité, cherche en vain un aliment é son activité dans une contrée où tout est immobile, et où les derniers efforts de l'organisme humain tendent uniquement à échapper à un froid qui souvent est mortel...»

Après avoir passé quatre années avec M. de Wrangell dans ces déserts glacés, on éprouve le besoin d'aller sous d'autres latitudes respirer un peu d'air tiède et revoir de la verdure. Des extrémités les plus reculées du Nord, transportons-nous donc à la frontière méridionale de la France. Du sommet du mont Panleley élançons-nous d'un seul bond au pied du Canigou; accompagnons M. le baron Taylor dans les Pyrénées. Quel meilleur cicerone pourrions-nous choisir? M. le baron Taylor nous réserve même jusqu'au plaisir de la surprise. Dans une trop courte préface, il nous avertit, il est vrai, que ce beau volume de 618 pages publié par M. Casimir Gide, son éditeur, ne traite ni de physique, ni de géologie, ni de botanique, mais d'histoire. Sans doute il n'a pas pensé à écrire l'histoire générale et complète des Pyrénées; il a voulu seulement, selon ses propres expressions, «reproduire les notes qu'il avait prises en Espagne, dans ses chroniques si riches et si poétiques, et telles qu'il avait recueillies en France dans les débris de ses archives, que l'ignorance et le vandalisme ont trop souvent livrées à la destruction.» Cet aveu fait, M. le baron Taylor se renferme dans un silence que nous ne saurions approuver. Poussée à l'excès, la modestie devient un défaut. Que M. le baron Taylor n'énumère pas lui-même, en les exagérant à la façon de certains charlatans littéraires, toutes les merveilles que le public verra dans son livre, nous le concevons; le titre de l'ouvrage et le nom de l'auteur suffiront pour attirer une affluence considérable de curieux. Cependant, M. le baron Taylor aurait dû, avant de commencer son voyage, faire connaître d'avance à ses lecteurs l'itinéraire qu'il se propose de suivre, leur accorder, de distance en distance, quelques instants de repos, et enfin leur donner les moyens de rechercher les faits importants dont leur mémoire aurait perdu le souvenir. Parmi les touristes qui partiront avec lui, beaucoup l'abandonneront en route, et ceux qui, comme nous, l'accompagneront jusqu'au terme de son excursion, s'apercevront plus d'une fois qu'un ouvrage d'histoire de 618 pages, si intéressant qu'il soit d'ailleurs, ne peut pas se passer d'une table raisonnée des matières, d'une certaine division par chapitres et d'un index général.

«De la mer qui voit les rayons du soleil se lever, à l'Océan, dont les flots baignent le coucher du soleil,» M. le baron Taylor parcourt, dans ces 618 pages, «les deux rivages liés par les monts pyrénéens, et les contrées que ces montagnes séparent et défendent.»--Parti de Narbonne, il ne s'arrête qu'à Biaritz. Pas un monument, ancien ou moderne, qu'il n'étudie, dont il ne constate l'origine, dont il n'écrive l'histoire, toutefois, ses visites aux châteaux et aux églises ne remplissent qu'une faible partie des Pyrénées. Les villes et les provinces y occupent la place qui leur est due.--Outre les histoires particulières de Perpignan, de Pamiers, de Foix, de Tarbes, de Pau, de Bayonne, les lecteurs y découvriront les histoires générales du Roussillon, du Languedoc, du comte de Comminges, du Bearn et du pays Basque.--Les Pyrénées sont le premier ouvrage écrit à ce point de vue sur ce pays si plein de la mémoire des grands faits historiques de la vieille France et de l'Ibérie.

Les documents authentiques lui manquent-ils, M. le baron Taylor sait toujours trouver une légende poétique qui les remplace parfois fort avantageusement. Ainsi la science n'est pas de son domaine; il l'avoue lui-même. En vain la géologie prétend que, comme toutes les grandes chaînes de montagnes du monde, le soulèvement des couches du globe a seul amoncelé ces masses terribles dont se composent les Pyrénées, M. le baron Taylor préfère croire à la tradition mythologique. «Alcide, nous apprend-t-il, après avoir terrassé le triple Geryon, après avoir élevé les murs d'Alexia, fut vaincu par les charmes de Pyrène, fille d'un roi des Celtes nommé Bebrix. Alcide oublia quelque temps, dans les bras d'une femme, sa gloire et ses travaux. Cependant sa vertu se réveilla bientôt: il s'éloigna et poursuivit au loin sa lutte avec les monstres de la terre. Pyrène, abandonnée, cacha dans le fond des forêts sa douleur et ses larmes; et quand Alcide, rappelé dans ces lieux par l'amour, y revint charge des dépouilles de ses nouvelles victoires, son amante avait cesse de vivre. Il retrouva ses membres; déchirés que des animaux sauvages venaient de disperser dans les cavernes de ces montagnes. Après avoir fait éclater ses regrets par des cris dont le monde fut ébranlé, ce héros rassembla les membres sanglants de la fille des rois, et, pour laisser un monument éternel de son désespoir, il souleva, il entassa les rochers qui forment aujourd'hui les Pyrénées, tombeau colossal qu'il éleva de ses mains puissantes aux cendres de sa bien-aimée.»

Il est temps de revenir à Paris, car avant de clore ce bulletin, nous aurions encore, grâce au beau volume illustré que vient de publier M. Kugelmann, plus d'une promenade amusante et instructive à faire dans ses rues. La première partie de cet ouvrage a seule paru; mais la seconde et dernière sera mise en vente avant la fin de l'année.--Un nombre considérable d'exemplaires ont été retenus d'avance pour les étrennes.--les auteurs des Rues de Paris n'ont pas cherché à esquisser les traits du caractère et de la figure des Parisiens de leur siècle; mais ils racontent, avec des formes variées, l'histoire de chaque rue et de ses habitants célèbres, depuis la fondation de la primitive Lutèce jusqu'à l'an de grâce 1843. Que de choses intéressantes et ignorées ils apprendront à leurs lecteurs!--Ce sont d'ailleurs, pour la plupart, des écrivains aimés du public. M Louis Lurine, le directeur de l'ouvrage, a sous ses ordres plus d'un soldat qui serait digne du commandement.--M Jules Janin a fait l'histoire de la Place-Royale; M. Eugène Guinot, celle de la rue Laffitte; M. Étienne Arago, celle de l'allée et de l'avenue de l'Observatoire; le bibliophile Jacob, celle de la Cité... M. Tavile Delort a révélé les mystères de la rue Pierre Lescot. Enfin, la rue de la Paix, le Palais-Royal, la rue de la Harpe, les quais, la place Louis XV, la rue Lepelletier, la rue Saint-Florentin, la rue Notre-Dame-de-Lorette, etc., etc., ont eu pour historiens: MM. Marco de Saint-Hilaire, E. Briffault, Roger de Beauvoir, Mary Lafon, Theod. Burette, Albert Cler, Louis Lurine. Albéric Second. Les 300 gravures sur bois qui illustrent cette première partie sont signées Nanteuil, Jules David, Français, Baron, Markl, Godefroy, Daumier et Gavarni.



Armée.

CHASSEUR À CHEVAL.--NOUVEL UNIFORME.

Ce serait une longue histoire que celle des variations qu'a subies incessamment l'uniforme de tous les corps de notre armée. Des volumes entiers ne suffiraient pas à les décrire; aucune arme d'ailleurs n'a été respectée par cette manie d'innovations, la cavalerie pas plus que l'infanterie. Ces perpétuels changements ont-ils été toujours des améliorations réelles? nous laissons à des juges plus habiles et plus compétents le soin de résoudre cette grave question. Les chasseurs à cheval ont eu leur bonne part dans ces fréquentes vicissitudes, dans ces mobiles caprices de la mode militaire, comme nous l'apprend la biographie de ce corps, dont l'origine ne remonte guère plus haut que l'année 1779.

Les chasseurs avaient été d'abord un corps de fantassins d'élite petits et robustes, attaché à chaque régiment de hussards, et combattant dans les rangs de la cavalerie. En 1776, chaque régiment de dragons, composé de 6 escadrons, en font un de chasseurs à cheval. Réunis en 1779, ces 24 escadrons de chasseurs formèrent les 6 premiers régiments de chasseurs à cheval qui parurent dans les rangs de l'armée française. Le 8 mai 1784, un bataillon de chasseurs à pied fut attaché à chaque régiment; l'uniforme fut l'habit vert, la veste de drap chamois, et la culotte de tricot de la même couleur. En 1788, 6 régiments de dragons passèrent chasseurs, et portèrent à 12 le nombre de ces régiments: la même ordonnance supprima leur bataillon d'infanterie.


       Nouvel uniforme des Chasseurs à cheval.

Le 6 septembre 1792, le corps des hussards américains forma le 13e régiment de chasseurs à cheval. Des compagnies des hussards de la Mort, des hussards de l'Égalité, formèrent l'année suivante le 14e régiment; les 15e et 16e furent organisés le 7 mars 1793, et, le 11 mai, les 17e et 18e, où furent incorporés les chasseurs belges; 6 nouveaux régiments vinrent la même année porter l'effectif des chasseurs à cheval à 21 régiments. En 1799, il y avait 25 régiments de chasseurs.

L'organisation de 1804 en conserva 24. De 1812 à 1814, 31 régiments se trouvent dans les états militaires; mais les 17e, 18e et 30e avaient été supprimés et ne figuraient que pour mémoire. Un régiment de chasseurs à cheval avait fait partie de la garde des consuls; la garde impériale en comptait aussi un dans ses rangs en 1805; ce régiment portait le dolman vert garni de galons, tresses et franges jaunes, collet vert, parements rouges, pantalon de peau jaune, bottes à la hongroise bordées d'un galon jaune avec un gland pareil; pelisse écarlate avec galons jaunes, fourrure de la pelisse noire, gilet rouge avec galons jaunes, ceinture verte et rouge, sabretache et colback à flamme rouge, plumet vert et rouge. Cet uniforme était, on le voit, plutôt celui des hussards que celui des chasseurs; mais, indépendamment de cette tenue, les chasseurs en avaient une autre: c'était un frac ouvert sur l'épigastre et un gilet tressé.

La première Restauration conserva 15 régiments de chasseurs à cheval. Comme les autres corps, les chasseurs prirent les dénominations: le 1er, de chasseurs du Roi; le 2e, de la Reine; le 3e, du Dauphin; le 4e, de Monsieur; le 5e, d'Angoulême; le 6e, de Berri; le 7e, d'Orléans; le 8e de Bourbon. Napoléon, le 25 avril 1815, rétablit les chasseurs sur l'ancien mode impérial, pendant que Louis XVIII, à Gand, formait, par une ordonnance du 14 juin, le régiment Royal-Chasseurs.

Après la seconde Restauration, l'armée fut réorganisée par une ordonnance du 30 août 1815. Les chasseurs, portés à 24 régiments, prirent des noms de départements; 1er, Allier; 2e, Alpes; 3e Ardennes; 4e, Arriège; 5e, Cantal; 6e, Charente; 7e, Corrèze; 8e, Côte-d'Or; 9e, Dordogne; 10e, Gard; 11e, Isère; 12e, Marne; 13e Meuse; 14e Morbihan; 15e Oise; 16e, Orne; 17e, Pyrénées; 18e, Sarthe; 19e, Somme; 20e, Var; 21e, Vaucluse; 22e, Vendée; 23e, Vienne; 24e, Vosges. Ils eurent pour uniforme; le schako noir, l'habit vert, les collets et passe-poils de couleurs variées. Les régiments furent de 4 escadrons à une seule compagnie; le dernier escadron fut armé de lances et composé des cavaliers les plus agiles et des meilleurs chevaux.

Un régiment de chasseurs à cheval fit partie de la garde royale;; il eut successivement pour coiffure le casque, le schako et le colback; pour habillement, l'habit-veste vert, revers, parements et retroussis cramoisis, pantalon cramoisi, aiguillettes et boulons blancs, bottines.

En vertu d'une décision ministérielle du 2 août 1821, les changements suivants furent faits à l'uniforme des chasseurs à cheval de la ligne; les revers verts, les ornements des retroussis, les passe-poils des retroussis et des poches simulées, de la couleur distinctive pour chaque régiment, savoir: de 1 à 6, garance; de 7 à 12, jonquille; de 13 à 18, bleu céleste; de 19 à 21, chamois.

De nouveaux changements furent introduits dans l'uniforme des chasseurs à cheval, par une autre décision ministérielle du 28 mai 1822; les couleurs distinctives furent pour les régiments, de 1 à 4, écarlate; de 5 à 8, jonquille; de 9 à 12, cramoisi; de 13 16, bleu de ciel; de 17 à 20, rose foncé; de 21 à 24, aurore; les pantalons, rouge-garance, ornés d'une tresse mélangée de la couleur du fond de l'habit et de la couleur tranchante.

Le 26 février 1823, les chasseurs furent portés à 6 escadrons. Par ordonnance du 27 février 1825, les 6 derniers régiments de chasseurs passèrent dragons, et réduisirent ainsi l'effectif des chasseurs à 18 régiments. Le 17 novembre 1826, le 1er chasseurs prit le nom de chasseurs de Nemours.

Depuis la Révolution de juillet, une ordonnance du 18 février 1834 diminua encore le nombre des régiments de chasseurs, et les fixa à 14, chacun à 6 escadrons, dont 2 de lanciers. Une ordonnance du 9 mars 1834 n'a conservé que 5 escadrons, dont un armé de lances. Réduit plus tard à 12, puis porté à 15 par ordonnance du 29 septembre 1840, le nombre des régiments de chasseurs a été, par l'ordonnance organique de l'armée du 8 septembre 1841, fixé à 13, chacun à 13 escadrons sur le pied de paix, et à 6 sur le pied de guerre. Dans le cas de guerre, il sera formé, pour le service des états-majors des armées, 2 régiments de chasseurs à cheval guides, chacun de 6 escadrons.

Par décision royale du 25 juillet 1843, l'uniforme des 13 régiments de chasseurs à cheval a été réglé ainsi qu'il suit: habit vert boutonnant droit sur la poitrine, au moyen de 13 gros boutons blancs à numéro, et demi-sphériques; collet, doublure de collet, corsage, manches, basques et patte de ceinturon, à fond vert pour tous, et passe-poils de couleurs distinctives pour chaque régiment: de 1 à 4 et 13, orange; de 5 à 8, jonquille; de 9 à 12, garance; parements de manches et doublures des basques formant retroussis des mêmes couleurs entremêlées fonds et passe-poils; épaulettes en fil blanc doublées de drap vert, pantalon garance, colback noir à poil sans flamme, au lieu du schako garance précédemment en usage, plumet droit et plumes de coq, ceinturon de sabre en buffle blanc, avec plaque à cor de chasse en cuivre estampé.

La nécessité d'opposer une cavalerie légère aux nuées de cavaliers arabes, aux rapides Bédouins, a fait créer 4 régiments de chasseurs d'Afrique, chacun de 6 escadrons, qui ont rendu les plus grands services dans la guerre poursuivie depuis plusieurs années en Algérie.



Caricature.


Une sentinelle perdue.




Logogriphe musical.
RÉCOMPENSE HONNÊTE A CELUI QUI LE DEVINERA.



Rébus.

EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS.

Bonaparte fut grand sans couronne, fut moins grand couronné et mourut sur un rocher.