Années Température Quantité de pluie
moyenne. centimètres.

1820 14,1 9,106
1821 12,1 4,610
1822 16,7 4,605
1823 15,2 5,430
1824 12,6 7,596
1825 14,2 6,436
1826 12,6 4,470
1827 14,6 11,620
1828 13,1 6,490
1829 14,9 9,030
1830 14,6 12,340
1831 14,2 6,420
1832 13,2 5,428
1833 17,7 2,305
1834 18,2 4,380
1835 13,8 4,955
1836 12,4 2,624
1837 11,0 7,921
1838 14,2 4,704
1839 13,6 3,382
1840 15,1 3.381
1841 17,3 4,606
1842 14,5 2,415

Depuis vingt-trois ans, il y a donc eu six mois de mai plus froids que celui de 1843: ce sont ceux des années de 1821, 1824, 1826, 1832, 1836, 1837, et un aussi froid, celui de 1839. Ainsi donc le mois de mai qui vient de s'écouler n'est point extraordinaire sous le point de vue de la température; seulement sa moyenne est de 0º, 8 au-dessous de la moyenne générale.

A-t-il été plus pluvieux qu'il ne l'est habituellement à Paris? Ici encore la statistique nous montre qu'il y a eu, depuis 1820 huit années dans lesquelles la quantité d'eau tombée est supérieure à celle de 1843, et nous voyons qu'il en est deux (1827 et 1830) où elle a été presque double.

En grand coupable qui comparait devant un tribunal après des gens accusés de peccadilles inspire beaucoup plus d'horreur que s'il venait précédé de scélérats qui ont fait pire que lui. En général, le jugement sera plus sévère; c'est ce qui est arrivé au mois de mai 1843, dont nous instruisons le procès en ce moment. En 1840, 1841 et 1842, la température avait été supérieure à la moyenne et la quantité de pluie peu considérable, surtout en 1840 et 1842. Il en est résulté pour le mois de mai passé un effet de contraste tout à son désavantage et dont il a été la victime.

En résumé, on ne le citera jamais parmi les mois qui tendent à réhabiliter sa vieille réputation en réalisant les fictions des poètes; mais ce n'est pas non plus un de ces mois qui bouleversent les notions astronomiques du tranquille citadin, et réveillent dans son esprit des idées mal effacées sur le refroidissement du globe ou un changement dans l'inclinaison de l'équateur sur l'écliptique. C'est un mois de mai un peu au-dessous du médiocre de médiocre et ici exactement égal à 14º, 4, parfaitement en harmonie avec tout ce qui se fait aujourd'hui, Lucrèce et l'Illustration exceptés.

OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.

FAITES À L'OBSERVATOIRE DE PARIS

1843.--MAI.


1 757,19 11,0 21,9 16,0 Nuageux. S. S. E.
2 753,01 9,0 22,1 15,0 Beau, quelques nuages. E. N. E.
3 754,63 8,0 21,9 14,4 Orages, tonnerre,
faible pluie. N.
4 754,01 8,9 19,0 15,0 Assez beau. S. O.
5 752,31 7,7 21,1 15,9 Nuageux. S. O.
6 748,31 11,5 21,0 15,9 Couvert, pluie. O. fort
7 748,26 6,6 17,8 11,7 Couvert. S. S. E.
8 745,00 5,5 13,9 9,4 Très nuageux. N. O.
9 749,74 4,5 11,9 7,9 Couvert. S. O.
10 756,31 4,3 16,2 9,8 Nuageux. S. O.
11 760,96 8,9 19,9 13,9 Très nuageux. N. E.
12 762,00 7,5 20,2 15,3 Couvert. S. O.
13 758,60 12,0 17,8 13,2 Couvert. O. N. O.
14 751,87 7,0 21,0 15,4 Couvert. S. S. E.
15 749,80 10,0 19,8 14,5 Couvert. O. N. O.
16 745,20 8,2 16,0 11,8 Pluie. S. O. fort.
17 746,17 6,0 16,0 10,6 Couvert. O. S. O.
18 750,33 8,5 15,3 11,6 Couvert. N. N. O.
19 754,90 8,3 15,1 11,4 Couvert. O. N. O.
20 752,36 9,8 25,0 15,9 Très nuageux. E.
21 751,48 11,0 19,0 14,7 Couvert. S. O.
22 752,24 10,8 18,8 14,5 Couvert. O. S. O.
23 748,68 11,0 22,8 16,4 Couvert. S. E.
24 746,74 13,3 19,0 15,9 Couvert. S. S. E.
25 749,92 15,1 20,8 17,7 Nuageux O.
26 754,62 10,4 17,8 13,6 Couvert. S. E. assez fort.
27 750,28 12,0 19,2 15,3 Couvert. S. O.
28 750,28 11,0 17,3 13,9 Couvert. O. S. O
29 757,24 10,3 18,0 13,8 Couvert, pluie. O. fort.
30 760,98 8,1 17,8 12,6 Couvert O. N. O. faible
31 757,75 12,0 20,8 16,0 Couvert S. S. O.

752,63 9,3 18,8 13,6 (Moyenne)

Pluie dans la cour, 8 cent. 355
Pl. sur la terrasse, 5 cent. 930.


De la galvanographie.

Il y a déjà quelques années qu'un savant anglais, M. Thomas Spencer, de Liverpool, en étudiant l'action réductive exercée par les courants galvaniques sur les métaux dissous, découvrit que le cuivre ainsi revivifié de ses dissolutions dans les acides possédait la propriété de mouler la surface métallique sur laquelle on le précipitait, avec une exactitude telle, que les moindres modifications de cette surface, les stries du poli et jusqu'aux accidents de coloration, étaient reproduits avec la plus merveilleuse fidélité. En donnant la publicité à cette curieuse découverte, M. Spencer indiqua les principales applications qui en pourraient être faites aux arts plastiques et à l'industrie; et il fit voir comment, en envisageant un dessin comme une surface présentant à la fois des saillies et des dépressions, on pourrait arrivera transformer directement, et sans aucun recours au burin, le travail du dessinateur en une planche en cuivre gravée soit en relief soit en creux.

Quelque temps après, M. Jacobi de Saint-Pétersbourg, fut également conduit à découvrir cette curieuse propriété plastique du cuivre réduit par courant galvanique; et il donna au public connaissance de sa découverte, d'abord dans une lettre adressée à Michael Faraday et publiée par celui-ci dans le Philadelphia Magazine (septembre 1839), puis dans une série de lettres écrites au prince de Démidoff, et qui parurent en 1840 dans le journal 'Artiste. C'est depuis cette époque surtout que de nombreuses tentatives ont été faites pour résoudre le problème indiqué par M Spencer, tentatives qui n'ont point encore obtenu un plein succès, mais dont les résultats déjà acquis permettent d'affirmer que, dans un avenir qui n'est pas éloigné, le travail du graveur pourra être entièrement supprimé, et l'oeuvre du dessinateur pourra être placée, par une simple opération chimique, dans des conditions qui en permettront la reproduction indéfinie.

La reproduction d'une oeuvre d'art ou d'un signe graphique quelconque par la voie de l'impression est aujourd'hui effectuée à l'aide de trois procédés différents, dont nous devons indiquer les caractères distinctifs: l'impression typographique, l'impression en taille douce et l'impression lithographique. Ces trois procédés exigent également que l'oeuvre à reproduire soit tracée sur une surface résistante et dont la planimétrie soit parfaite, c'est là leur caractère commun: ils diffèrent en ce que, dans le premier procédé, le trait ou la ligne qui doit marquer fait saillie au-dessus du plan de la surface; dans le second il est au contraire déprimé au dessous de ce plan, et dans le troisième, il est contenu dans le plan, et n'est représenté que par un état particulier de la surface elle-même. Ces trois artifices ont le même but; celui de permettre que l'encre d'impression, distribuée sur ces surfaces à l'aide d'un tampon ou d'un rouleau, aille s'arrêter ou s'accumuler en quantités rigoureusement déterminées sur certaines portions de la surface seulement, de telle sorte que ces portions-là seules puissent donner épreuve en transmettant sous le foulage de la presse, à la feuille encore humide de papier, les portions d'encre qu'elles ont reçues.

Dans l'impression typographique les lignes à reproduire font saillie sur le plan métallique mobile que l'on appelle la forme. Un rouleau cylindrique, formé d'une pâte molle et élastique, et dont la surface lisse et unie est revêtue d'une mince couche d'une encre épaisse et grasse, effleure rapidement les lignes en saillie, laissant sur chacune d'elles une portion de son encre sans atteindre les fonds ou le intervalles qui les séparent, la quantité d'encre que reçoit chacune d'elles étant proportionnelle à sa largeur et à sa hauteur absolue au-dessus du plan de la forme. Alors un plateau métallique parfaitement plan et parfaitement parallèle aussi à la surface de la forme, s'abaisse sur celle-ci, et comprime sur les saillies noircies d'encre la feuille de papier qui en doit recevoir l'empreinte et dans laquelle elles s'impriment. Avec les dispositions mécaniques que l'on possède aujourd'hui, l'opération tout entière s'exécute en moins de cinq secondes.

Dans l'impression en taille-douce, au contraire, les lignes à reproduire sont entaillées plus ou moins profondément dans une planche métallique d'acier, de cuivre ou d'étain. L'encre d'impression, distribuée d'abord grossièrement sur toute la surface de la planche, est ensuite ramenée avec soin dans toutes les tailles, et enlevée avec plus de soin encore de toutes les parties qui doivent venir blanches à l'épreuve; puis la planche de métal et la feuille de papier passent toutes deux entre deux cylindres de fonte, et, sous l'écrasement d'une pression énorme, le papier pénètre jusqu'au fond des tailles, et s'y imprègne de l'encre que la main de l'imprimeur y a laissée. L'impression en taille-douce est, à vrai dire, un procédé de moulage, et la pile du papier humide est une matière plastique qui donne la contre épreuve en relief du moule en creux, la planche gravée.

Les procédés de l'impression lithographique reposent sur une tout autre donnée: c'est la propriété, commune à toutes les surfaces polies de se comporter d'une façon toute spéciale suivant qu'elles ont été primitivement souillées par un corps gras ou un liquide aqueux, par l'huile, par exemple, ou par l'eau. Il n'est personne peut-être qui n'ait remarqué que certaines surfaces polies à un haut degré, celles des bois vernis, de la glace, du marbre, et plus spécialement encore toutes les surfaces métalliques parfaitement nettes et brillantes, ne se mouillent pas d'ordinaire au contact de l'eau. Ce contact a beau être prolongé, on a beau lasser sa plieuse à étaler le liquide dans l'espoir d'en former une pellicule uniformément étendue sur toute la surface polie, il semblerait que celle-ci exerce sur le liquide une sorte d'action répulsive, et qu'elle le contraint à se retirer sur lui-même en gouttelettes sphéridales qui ne conservent avec cette surface que les rapports les plus limités possibles. Si maintenant, sur une surface polie qui présente ce phénomène de ne point mouiller avec l'eau, on verse une goutte d'huile, un phénomène tout inverse du premier se produit. La gouttelette, d'abord globuleuse, s'aplatit de plus en plus et devient lenticulaire; les bords vont sans cesse s'élargissant pour envahir un espace plus grand, et la surface entière, si grande qu'elle soit, pourra être complètement recouverte par une toute petite goutte d'huile qui y formera une pellicule adhérente, sans solution de continuité aucune, et tellement mince qu'elle pourra paraître irisée comme la paroi d'une bulle de savon. Mais si, au contraire, par un artifice quelconque, la surface polie a été mise dans des conditions telles qu'elle mouille avec l'eau, alors, sur cette surface une fois humide, il sera impossible de faire adhérer l'huile, et le rôle de ces deux liquides sera complètement interverti. En fait, une surface polie est indifférente soit à l'huile soit à l'eau; mais aussitôt que l'un de ces liquides vient à toucher cette surface il y adhère en formant une pellicule infiniment mince, et c'est cette pellicule du premier liquide, quel qu'il soit, qui exerce une action véritablement répulsive sur le second.

C'est cette propriété des surfaces polies qui est mise en oeuvre dans l'impression lithographique et dans certains procédés de transport sur métal, dont nous aurons peut-être à parler par la suite, et qui paraissent destinés à prendre une grande extension, sinon à remplacer complètement les procédés du stéréotypage. Un dessin sur pierre n'est autre chose, en effet, qu'une surface polie dont certaines portions, les traits du dessin, mouillent avec l'huile et les corps gras, tandis que les autres, les blancs ne mouillent qu'avec l'eau ou les liquides aqueux. Sur cette surface l'imprimeur passe alternativement une éponge imbibée d'eau et un cylindre imprègne d'une encre grasse: les deux liquides s'arrêtent, se déposent, se limitent là où l'état spécial de la surface les retient, et la feuille de papier, sous le foulage de la presse, va à son tour s'en imprégner.

Ces détails étaient nécessaires pour faire comprendre les difficultés pratiques de la question que nous allons maintenant aborder; ils étaient nécessaires surtout pour que l'on pût bien saisir l'énorme importance de la gravure en relief, de celle dans laquelle les traits à reproduire, faisant saillie sur le fond de la planche, donnent épreuve à la presse typographique. Une seule planche en cuivre» gravée en relief, pourra fournir au tirage mécanique jusqu'à 15,000 épreuves par jour, et cela pendant tant de jours que l'on voudra, ou peu s'en faut; et la même planche, gravée en creux, ne donnera guère à la presse en taille-douce que 3,000 épreuves en tout, à raison de 200 épreuves par jour. Les procédés de transport sur pierre ou sur métal sont plus limités encore, et la cinq-centième épreuve d'un dessin sur pierre n'est plus qu'une grisaille où l'on ne reconnaît plus ni couleur, ni modelé, ni forme.

Or, c'est dans la possibilité de multiplier indéfiniment, avec une rapidité extrême et à très bas prix, le nombre des épreuves, que git aujourd'hui tout le problème: ce n'est plus que sur des tirages de dix, de vingt, de trente mille exemplaires que peuvent être basées les bonnes opérations de librairie.

Cela dit, voyons par quels artifices on peut, à l'aide d'un courant galvanique, transformer le dessin d'un artiste en une planche en cuivre gravée en relief, et capable de donner un nombre indéfini d'épreuves à la presse typographique.

Toutes les applications qui ont été faites jusqu'ici des courants galvaniques aux besoins de l'industrie reposent sur la propriété suivante:

Lorsque qu'on fait passer, à l'aide de deux surfaces métalliques, un courant galvanique à travers une solution saline convenablement choisie, la surface par laquelle le courant débouche dans la solution est attaquée, corrodée, dissoute, et le métal entraîné est charrié par le courant vers l'autre surface, sur laquelle il est revivifié et précipité à l'état métallique. Mais, pour que cette action ait lieu également? sur toute l'étendue des deux surfaces, il faut que ces deux surfaces soient sur toute leur étendue dans des conditions identiques et également exposées à l'action du courant; car si certaines portions de ces surfaces, et certaines portions seulement, étaient recouvertes d'une courbe protectrice quelconque, celles-là ne seraient pas modifiées par le passage du courant, dont l'action s'exercerait exclusivement sur les parties qui ne seraient pas ainsi protégées.

Or, la surface métallique par laquelle le courant galvanique débouche dans la solution saline, ainsi que celle par laquelle il s'en échappe, peut-être du dessin, et l'action du courant qui passe peut être utilisée soit à déposer du métal sur les traits du dessin au pôle négatif, soit à enlever du métal d'entre les traits du dessin au pôle positif. Voici comment.

Soit une planche de cuivre rouge dont le poli et la planimétrie soient suffisamment parfait pour satisfaire aux exigences du tirage typographique. Sur cette planche un étale à chaud une couche si mince que l'on voudra d'un vernis résineux quelconque, et les vernis dont on fait usage sont en général composés de térébenthine de Venise, de poix blanche, de suif et de noir de fumée. Cette planche ainsi préparée est livrée à l'artiste, qui y trace son idée à l'aide d'un stylet suffisamment résistant pour entamer l'épaisseur du vernis. Son travail terminé, la planche est pour l'artiste un véritable dessin dans lequel les noirs sont représentés par les surfaces de cuivre mises à nu, les blancs ou les clairs par les surfaces intactes. Pour le chimiste, au contraire, cette planche ne sera qu'une surface métallique dont les différentes portions sont placées dans des conditions différentes, celles-ci étant livrées unes à l'action d'un courant, celles-là étant complètement abritées de cette action sous leur couche de vernis. Que l'on dispose, en effet, une planche ainsi préparée dans une solution d'un sel de cuivre, au pôle par lequel le courant s'échappe de la solution, incontinent le métal que le courant charrie avec lui se déposera sur tous les points où la surface du cuivre a été mise à nu, et il ne s'en déposera pas un atome en aucun autre point. Molécule par molécule le dépôt s'agrandira là où une fois il a commencé de s'effectuer, et les traits du dessin s'élèveront comme de petites murailles, et se détacheront en saillie sur le plan du vernis.

Renversons les conditions de l'expérience. Soit, comme tout à l'heure, une planche métallique convenablement dressée, et supposons que l'artiste trace sur cette planche son dessin avec une encre grasse, siccative et inattaquable aux acides. Que la planche ainsi préparée soit placée dans une solution d'un sel de cuivre, mais cette fois-ci au pôle par lequel le courant y débouche; et aussitôt l'action du courant s'exercera à entailler le métal dans l'intervalle des traits; et ceux-ci, au bout d'un certain temps fort court, surgiront en relief, leurs bords taillés à pic avec une netteté et une précision auxquelles le burin le plus hardi et le plus habile ne saurait atteindre.

Telles sont les deux idées principales sur lesquelles reposent toutes les tentatives sérieuses de galvanographie: obtenir un relief par dépôt au pôle négatif, par érosion au pôle positif. Viennent maintenant les difficultés d'exécution, et celles-ci sont nombreuses et malaisées à surmonter.

Dans le procédé opératoire que nous avons indiqué en premier lieu, c'est le trait même du dessinateur qui devient le moule dans lequel vient se déposer le cuivre réduit; et les moindres intentions de l'artiste se trouvent ainsi reproduites avec cette merveilleuse fidélité qui caractérise le moulage galvanique. Mais ce sillon lui-même, tracé avec une pointe conique ou triangulaire, est une tranchée à bords obliques dont le bord seul représente le trait du dessinateur. A mesure que ce sillon est comblé par les molécules de cuivre qui s'y précipitent, le trait s'élargit, et le premier mérite du procédé, sa merveilleuse exactitude, est dès lors sacrifié. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que la taille faite par le stylet dans le vernis fût à bords verticaux; et c'est déjà là une condition à peu près impossible à réaliser. D'ailleurs, cette condition fut-elle réalisable, la solution du problème n'en serait guère plus avancée pour cela. En effet, la taille dont il est question forme, à la vérité, une digue qui limite le dépôt de cuivre tant que cette taille n'est pas comblée; mais aussitôt que cette limite est franchie, le cuivre déborde de toutes parts: les lignes voisines se confondent par leurs sommets, et pour peu que les tailles du dessin soient serrées, le dépôt ne forme plus qu'une croûte massive et continue, dans laquelle les formes les plus saillantes de l'oeuvre sont à peine indiquées.

A la vérité, l'on a tiré parti de ce résultat pour résoudre le problème sous une autre forme. Considérant un dessin tracé dans un vernis, à l'aide d'une pointe, comme un moule à bon creux dont toutes les parties sont de dépouille, on a déposé dans ce moule du métal plastique, et on a prolongé le dépôt jusqu'à former une masse solide et continue: puis on a détaché la contre-épreuve du moule. Ici le travail du dessinateur était bien représenté par une planche en cuivre gravée en relief; mais ce relief n'avait, et ne pouvait avoir, que l'épaisseur même de la couche de vernis, dans laquelle le dessin était tracé; et l'on s'est trouvé renfermé entre les deux termes de ce dilemme jusqu'ici insoluble: exécuter le dessin dans un vernis épais, ce qui enlève au dessinateur toute la liberté et la souplesse de son crayon; exécuter le dessin dans un vernis mince, ce qui enlevé à la reproduction les reliefs qu'exigent les procédés de l'impression typographique.

Le deuxième mode opératoire que nous avons indiqué offre également des difficultés, mais elles sont d'un autre ordre. Ce ne sont plus les procédés de gravure, mais les procédés de dessin qui sont en défaut. Il ne s'agit plus, en effet, d'édifier une petite muraille de cuivre sur chacun des traits du dessin, mais bien de creuser entre chacun d'eux une fosse plus ou moins profonde; il s'agit, en d'autres termes, d'attaquer, de ronger, de dissoudre toutes les portions de la surface de cuivre que les traits du dessin ne protègent pas, en laissant entièrement intactes celles qui sont ainsi abritées; et pour cela faire il faut bien que toutes les portions qui doivent être enlevées soient également attaquables, que toutes celles qui doivent rester intactes soient également protégées. Ce sont là les deux conditions que devra remplir le procédé de dessin que l'on mettra en usage: et les procédés dont nous avons aujourd'hui connaissance ne nous paraissent pas encore de nature à remplir toujours, partout, et dans tous les cas, ces indispensables conditions. Toutefois, les gravures de W. Rémon, qui accompagnent cet article, et qui ont été obtenues sur de simples dessins, l'aide de procédés semblables à ceux que nous venons d'indiquer, sont de nature à convaincre nos lecteurs que si le problème n'est pas encore entièrement résolu, il touche du moins de bien près à la solution.

Quant à l'avenir qui est réservé à la galvanographie, il est difficile aujourd'hui d'en préciser les limites. Peut-être l'art typographique tout entier touche-t-il à une rénovation complète; et, chose singulière, cette rénovation ne serait qu'une renaissance des procédés anciens, que la découverte de l'imprimerie a fait tomber en désuétude. La tablette enduite de cire et le stylet remplaceraient le papier et le crayon; le copiste ou l'enlumineur succéderait à son tour à l'ouvrier compositeur, qui jadis lui succéda; et l'inépuisable richesse et la variété des anciens manuscrits pourraient bien renaître à la place de la sécheresse et de l'uniformité de notre impression moderne.

N. B. Les gravures qui accompagnent cet article ont été faites, à titre d'essai, sur des dessins que M. Garvani destine à une importante publication, qui paraîtra en octobre chez M. Hetzel, éditeur du Voyage où il vous plaira et des Scènes de la vie privée et publique des animaux.



Théâtres.

THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE,

Angélique et Médor opéra comique en un acte, paroles de M, Sauvage, musique de M. A. Thomas.

Nous avons une vieille dette à payer à l'Opéra-Comique. Il y a un mois au moins que ce titre d'un si heureux augure a décoré pour la première fois son affiche, et MM. Sauvage et Thomas ont raisons de se plaindre que nous n'ayons pas encore donné de leurs nouvelles aux lecteurs de l'Illustration. Passe encore, si nous n'avions eu à raconter qu'une défaite! Ces messieurs auraient pris patience, sans doute, et nous auraient su gré de nos lenteurs. Mais retarder de quatre semaines le bulletin d'une victoire! voilà qui est impardonnable. Nous confessons humblement notre faute, et nous nous recommandons à la clémence de M. Sauvage et à la grandeur d'âme de M. Thomas.

Quoique jeune. M, Thomas a déjà fourni une assez longue carrière dramatique. Il est du petit nombre des lauréats du Conservatoire pour qui se sont ouvertes comme d'elles-mêmes, les portes d'airain de ce sanctuaire de l'Opéra-Comique, accessible à si peu d'élus. M Thomas a déjà produit six partitions pour le moins: la Double échelle, le Perruquier de la régence, le Panier fleuri, Carmaquala, le guérilléro et enfin, Angélique et Médor Si nous omettons quelqu'un de ses titres, qu'il nous le pardonne; l'oubli est tout-à-fait involontaire.

A l'Opéra-Comique les essais de M. Thomas ont été plus ou moins heureux; mais enfin il n'a jamais essuyé de revers Les deux campagnes qu'il a faites sur la scène de l'Académie royale de Musique n'ont pas eu un résultat aussi favorable. Est-ce parce que les auditeurs y sont plus difficiles, ou bien parce qu'un terrain plus vaste exige plus de vigueur et d'haleine chez celui qui veut le parcourir? l'un et l'autre peut-être. Mais, sans examiner aujourd'hui cette question, bornons-nous à constater que la place Fayard vient d'offrir à M. Thomas un honnête dédommagement des échecs que la rue Lepelletier lui a vu subir.

Les qualités prédominantes chez M. Thomas sont la clarté, la facilité, l'élégance et la grâce; ce qui paraît lui manquer c'est la verve, la force, la passion. On a donc le droit de présumer qu'il réussira sans peine à l'Opéra-Comique, à moins qu'il n'ait à traiter un sujet trop dramatique, et à l'Opéra, il paraîtra souvent au-dessous de sa tâche.

Angélique et Médor était justement un livret tel qu'il le faut à ce compositeur. Rien de mieux dans le sujet ni dans les caractères, aucune situation forte, aucune scène trop vive, aucune passion trop énergique; des sentiments tendres, des idées gracieuses ou plaisantes. M. Thomas était là sur son terrain, et tout-à-fait à son aise. Il y a bien paru.

Son ouverture n'est, à proprement parler qu'une longue valse, précédée d'une courte introduction. L'introduction est agréablement instrumentée, modulée d'une manière piquante. La valse est fraîche, vive, et légère, et se développe avec une grâce où l'on reconnaît l'habileté de l'auteur.

Il y a une très jolie romance, et un de ténor qui nous a paru fort élégant, mais que le chanteur à qui il est confié rend lourd et gauche. Il est presque toujours imprudent de compter sur l'agilité des chanteurs d'aujourd'hui. Ajoutez-y un duo très bien fait, un trio charmant, et deux airs bouffes peu remarquables en eux-mêmes, mais qui, du moins, ne nuisent pas à l'effet des autres morceaux, et vous comprendrez que le total forme un ensemble assez satisfaisant. Il n'en faut pas tant pour faire vivre longtemps et bien une partition en un acte.


Théâtre de l'Opéra-Comique.--Une scène d'Angélique et Médor.

La pièce, d'ailleurs, est amusante et spirituelle, et l'on y rit de très grand coeur de la sottise de Joliveau et des méprises de Mirouflet.

Joliveau! Mirouflet! voilà des noms qui sonnent bien étrangement à l'oreille, et qu'on ne s'attendait guère à trouver en compagnie de ces noms si poétiques et si mélodieux q'Angélique et de Médor.

C'est pourtant l'histoire de Joliveau et de Mirouflet que je vais vous raconter, et aussi celle de Muguet; car, pour ce qui d'Angélique et de Médor, vous en savez sur eux autant que moi, j'aime à le croire.

Mirouflet est cordonnier, établi, et exerçant de père en fils sa noble profession rue Brise-Miche, A peine au sortir de l'enfance, Muguet fut placé chez lui en apprentissage; mais la nature n'avait point destiné le jeune Muguet à chausser ses semblables; le cuir lui répugnait et le tranchet lui faisait peur. Vous voyez que ce nom de Muguet lui allait à merveille. Un jour il s'échappa de la boutique du père Mirouflet, et dit adieu pour toujours à la rue Brise-Miche. Que loi arriva-t-il, une fois lancé dans le monde? Sans doute assez d'aventures pour remplir toute une Odyssée; mais, il n'a pas écrit ses confessions comme Jean-Jacques, et il faudra, faute de mieux, vous contenter du dernier épisode.

Le voilà donc, cet ancien élève de saint Crépin, coquettement poudré et vêtu à la dernière mode,--mode de 1780, s'il vous plaît,--portant bas de soie, boucles d'or, gilet de satin, jabot de dentelle et habit gorge de pigeon. Où le retrouvons-nous? à l'Opéra, dans le cabinet de M. le secrétaire général de cet harmonieux établissement. Il vient de signer un contrat par lequel il met pour trois ans à la disposition de l'Académie royale de Musique sa jambe faite au tour, ses yeux en amande, sa bouche en coeur et son la de poitrine, le plus beau la de France et de Navarre, Cette supériorité n'a rien d'étonnant: Muguet arrive d'Italie, et c'est à Naples qu'il a trouvé ce la merveilleux.

Il y a rencontré autre chose encore: une jeune Française, propriétaire d'un joli visage, d'une tournure élégante et d'une charmante voix. Muguet a donné à mademoiselle Amélie des leçons de chant, dont elle a bien profité; mais, tandis que la bouche du fripon parlait flautat et trille molle, il parait que ses yeux disaient tout autre chose, et avaient su se faire comprendre: si bien que maître Muguet, ténor moral et vertueux, se disposait à demander Amélie à sa mère, quant tout à coup cette mère mourut, et mademoiselle Amélie quitta subitement l'Italie.

Jugez de la joie du jeune ténor, quand il l'aperçoit, à l'Opéra, dans le cabinet de M. Joliveau! Elle est engagée, comme lui, et doit, le soir même, jouer le rôle d'Angélique dans l'opéra de Roland, où il jouera celui de Médor. Malheureusement elle n'est pas seule: un grand personnage, M. le duc de Vaudiéres, la protège, la suit partout, et se mêle de toutes ses affaires: et M. Joliveau prétend qu'un grand seigneur ne fait pas cela pour rien. Le drôle a été nourri dans un sérail, il a de l'expérience, et on peut l'en croire. Muguet l'en croit, mais il veut du moins revoir encore une fois son infidèle, et lui dire tout ce qu'il pense de son procédé. Comment y parvenir? C'est ici que Mirouflet lui est d'un secours inappréciable.

Mirouflet est en effet le professeur de chant de mademoiselle Amélie, depuis qu'elle est à l'Opéra. Cela vous étonne, et vous me demandez, sous quel prétexte cet honnête Mirouflet a changé d'état? Rassures-vous, Mirouflet n'a point quitté la rue Brise-Miche. Mirouflet est tout-à-fait incapable d'une infidélité, même passagère envers la botte et l'escarpin. Mois ces deux belles professions, de cordonnier et de maître de chant, ont bien plus d'analogie qu'il ne vous semble. Quel est, des deux côtés, le point essentiel, le fondement de l'art, le principe sur lequel doit être basé l'enseignement?

C'est la mesure

Exacte et sure,

Tout me l'assure,

Tout dépend de là.

Cette vérité frappe si vivement M. le duc, qu'il exige que sa protégée reçoive la première leçon séance tenante Or, Mirouflet n'a rien à refuser à Muguet. Muguet paraît tout à coup, voyez la gravure, et se glisse entre le maître et l'élève; y a-t-il rien de plus audacieux à la fois et de plus indiscret.



Ameublements.--Salon Louis XV.

La Révolution, en nivelant les conditions, a donné à chacun le droit de se meubler suivant son caprice et sa fortune. Mais, avant de jouir de cette liberté, les lambris dorés, les gracieuses peintures des Boucher et des Vanloo ont été badigeonnées, quand trop de zèle n'a pas poussé les iconoclastes politiques à gratter ces chefs-d'oeuvre. Mais quand on eut détruit, il fallut reconstruire. La maison française se reniant elle-même, prit les noms et les vêtements des Grecs et des Romains, oublia que nos moeurs et notre climat s'y opposaient. Les campagnes d'Égypte et d'Italie et les évènements politiques eurent une influence plus ou moins grande sur les costumes et les ameublements. Les arts resteront étrangers pendant longtemps aux décorations intérieures. Les ouvriers ignorants dirigeaient en maîtres absolus. De ce chaos est sorti le mauvais goût généralement désigné sous le nom de modes de l'Empire. Les source auxquelles on avait puisé étaient bonnes sans doute, mais on manquait d'exécution et de sentiment. La paix vint donner un nouvel essor aux arts.

On commença à sortir du labyrinthe dans lequel on marchait depuis quarante ans. L'ouvrier, dans le massacre du passé, confondit les époques en croyant inventer: mélange blessant pour l'oeil de l'artiste. Notre époque s'est imposé une tâche digne d'encouragement en rendant à chacun ce qui lui appartient.

Dans le brillant salon exécuté par la maison Girond de Gand (et que notre gravure représente), nous ne nous lassons pas d'admirer le goût et le savoir tapissier. Les meubles ne sont pas scrupuleusement de la même époque que les tentures; mais le modèle est choisi dans ce qui s'en rapproche le plus. Les bronzes, quoique lourds, sont d'un beau travail et d'un charmant effet. Nous en dirons peut-être autant du dessin de la cheminée et des vases de Chine qui supportent les candélabres, surtout quand on les compare à la légèreté des rinceaux qui courent autour des glaces, des tapisseries, et s'étendent jusqu'au plafond. En résumé, l'ensemble de ce salon est d'une heureuse invention. Si nous avons fait quelque critiques, c'est dans l'espérance de voir ces légers défauts disparaître.



Amusements des sciences.

SOLUTION DES QUESTIONS POSÉES DANS LE DERNIER NUMÉRO.

I.

Donnez un liard et faites rendre un centime à chacune des vingt personnes. Vous aurez distribué vingt liards ou cinq sous, et vous recevrez vingt centimes ou quatre sous. En définitive, vous n'aurez dépensé qu'un sou, qui se trouvera partagé en vingt parties égales.

II.

La figure précédente indique la solution, lorsque l'on veut partir d'une case située à l'un des quatre angles. Les numéros des 64 cases de cette figure indiquent;'ordre dans lequel elles doivent être successivement parcourues partir de la case 1. Ainsi le Cavalier, posé d'abord sur la case à l'angle 1, sautera sur la case 2, puis sur la case 3, et ainsi de suite jusqu'à la case 64, où se termine sa course. Il est facile de voir que la marche pourrait être suivie en partant de la case 64, parcourant successivement 63, 62, etc., jusqu'à la case 1. Cette solution en comprend donc implicitement 12, puisqu'elle s'étend à trois cases prises pour point de départ sur chacun des quatre angles de l'échiquier.

Voici un moyen aussi simple qu'amusant de trouver, à volonté des solutions du problème: prenez 64 petits carrés de carton que vous partagerez en deux cases, dans chacune desquelles sera inscrit l'un des huit nombres compris entre 1 et 8. Cherchez à disposer ces 64 carrés les uns à coté des autres, ou en plusieurs bandes les unes au-dessous des autres, de telle sorte que dans deux carrés successifs la différence des nombres supérieurs soit égale à 1 ou à 2, celle des nombres inférieurs étant 2 ou 1. Vous formerez une suite du genre celle que nous donnons ci-après écrite en quatre bandes parallèles; et, pour faciliter les comparaisons, nous avons répété en tête de chacune des trois dernières bandes le carré qui termine la précédente. On voit facilement que tous les nombres de cette suite satisfont à la condition énoncée. Ainsi dans les deux premiers carrés, la différence entre les nombres supérieurs 8 et 7 est 1; la différence entre les nombres inférieurs 1 et 3 est 2; les différences entre 3 et 1, puis 7 et 8 du sixième et septième carré, sont respectivement 2 et 1. De même pour les autres.

8 7 8 7 5 3 1 2 1 2 4 6 8 7 8 6
- - - - - - - - - - - - - - - -
1 3 5 7 8 7 8 6 4 2 1 2 3 5 7 8

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6 4 2 1 2 1 3 5 7 6 8 7 8 6 4 2 1
- - - - - - - - - - - - - - - - -
8 7 8 6 4 2 1 2 1 3 4 6 8 7 8 7 5

-----------------------------------------------------------------

1 2 1 3 5 7 5 6 8 7 8 7 5 3 1 2 1
- - - - - - - - - - - - - - - - -
5 3 1 2 1 1 3 1 2 4 6 8 7 8 7 6 3

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1 2 4 3 4 6 4 3 5 4 3 5 5 4 3 5 6
- - - - - - - - - - - - - - - - -
3 1 2 4 6 5 4 6 5 3 5 6 4 5 3 4 6

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Cela posé, convenons que le nombre supérieur désigne le numéro d'une case de l'échiquier compté de gauche à droite, et que le nombre inférieur désigne le rang de la bande où est cette case, de haut en bas. 8/1 représentera la huitième case à droite sur la première bande d'en haut; 7/3 sur la septième case à droite de la troisième bande comptée de haut en bas, et ainsi de suite. Alors il ne reste plus qu'à faire suivre au cavalier, sur l'échiquier, la marche indiquée par la suite de nos petits carrés de carton.

La figure ci-après est l'expression de la solution donnée par la suite précédente.



NOUVELLE QUESTION À RÉSOUDRE

Trouver pour le cavalier une marche rentrante, c'est-à-dire une marche telle qu'il puisse revenir de la soixante-quatrième case à laquelle il arrive, sur la première que l'on a prise pour point de départ.



Rébus.

EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS.

Soldats! du haut de ces Pyramides quarante siècles (quatre mille ans) vous contemplent!