- Bon, ta accouches tout seul ou si on emploie les forceps?

- Des clous

M'est avis que je peux lui défoncer l'étalage sans rien obtenir. Pour tout vous dre et ne rien vous cacher, bien que je sois en renaud après cette tête d'haineux, ça me contriste un peu de démolir un homme dans l'impossibilité de se parer.

Pourtant, quand on vit des instants pareils, on ouvre la fenêtre en grand sur la natare humaine. Et le spectacle n'est pas choula ! Un homme, c'est triste à dire, n'est qu'une bête somnolente dont l'instinct prend la parole à la première occase. Nous nous livrons à des actes que notre intelligence, notre sensibilité condamnent. Plus rien ne nous arrête... Une noire fureur nous anime. Un besoin de nous profaner, de dépasser nos limites...

Je cogne encore sur le pauvre visage informe du gars Dickson.

La sueur plaque mes crins sur ma tempe.

Tu vas parler, dis, fumelar! Tu vas te

foutre à table avant que je t'aie transformé en ratatouille niçoise Mais tout ce que je récolte entre deux gémis≠sements, c'est une insulte bien sentie. Dickson me dit combien il déplore que ma mère m'ait mis au monde! il suggère qu'une impécumosité chronique avait privé ma dabuche d'une installa≠tion sanitaire

Vous ~>oyez à peu près la jactance..Je m'arrête de le tabasser. Décidément je n'en tirerai rien...

Comme je m'essuie le front d'un revers de manche, je perçois une espèce de déchirure puis, aussitôt, un trait de feu me zèbre l'avant-bras.

Je bondis... Cette carne de Dickson avait un rasoir dans sa poche... Il est parvenu à le récupé≠rer et il s'en est servi pour éventrer son sac et me bondir sur le lardeuss à la première occase. Nature, je me croyais peinard avec sa pomme, vu sa position de saucisson en cro˚te! Il ne faut jamais perdre de vue un adversaire...

Tout cela, je me le bonnis en moins de temps qu'il n'en faut au ministre des Finances pour voter un impôt nouveau ! Il s'agit de faire fissa si je veux conserver ma carotide en état. Les manieurs de razif, personnellement j'aime pas ça... C'est une arme de dégonflé! Pour se pro≠mener avec ça sur soi, faut avoir une mentalité d'égorgeur... ou de garçon coiffeur!

Dickson m'a culbuté d'une ruée sauvage, un rédacteur sportif écrirait qu'il impose sa loi, qu'il prend le meilleur sur moi ou encore qu'il bous≠cule la défense adverse1. «a chauffe pour San≠

1. Un grand critique (il mesure 1,86 m) me le disait pas plus tard que l'année d'avant " San-Antonio, votre esprit vous mènera tout droit à

l'Académie de Billard de l'Avenue de Wagram. " En attendant, à dix voix près j'ai raté le Goncourt!

Antonio, les mecs ! Du train o˘ ça va, on va me retrouver débité en tranches... C'est ce qui se fait de plus pratique pour faire voyager quel≠qu'un dans une mallette avion!

Je me refous en boule (au sens propre du terme) et je roule au creux du fossé. L'autre truffe me suit... J'ai l‚ché ma loupiote et je vois la lame sanglante de son rasoir scintiller à la clarté de la caîbombe céleste.

Heureusement j'ai toujours ma gomme à effa≠cer le sourire. Je braque le canon sur Dickson.

- Stoppe, Figaro, ou je te pratique des ori≠fices supplémentaires Autant jouer du Brahms à Popaul-le-sour≠dingue ! Il continue de me charger, fou de haine. Je recule encore, mais le talus me bloque, la lame s'avance sur moi. Alors, mande pardon, docteur, mais je perds le contrôle économique de mes actes, et mon antagoniste perd son acte de naissance. Pif, paf, pouf ! je lui envoie la fumée

Il moffle le blaud dans le baquet, pousse un cri, tousse un brin comme le gars qui n'a jamais entendu parler des pastilles Valda, et s'écroule dans l'herbe.

Je me penche sur lui. Mon calibre a fait du tra≠vail sérieux. Dickson me paraît aussi mort que l'article de fond du Figaro. Je palpe sa poitrine: plus rien..Alors j'empoche ma rapière et je me gratte le cr‚ne, sérieusement emmouscaillé par la tour≠nure des événements. On parlait gentiment, et puis voilà que les choses se sont g‚tées. Manque de bol !

qu'est-ce que je vais faire, maintenant, avec cette viande froide sur les bras?

Il va y avoir du rififi dans le patelin, au petit jour... Enquête à

l'hôtel, interrogatoire, etc. Sans compter que cette patate de Dickson est cannée sans m'avoir affranchi le moins du monde. Mon ignorance est intégrale...

Je lui pique son larfeuille et je jette un coup d'oeil sur le contenu. Je trouve des fafs amer≠locks au nom de Dickson, comme sur son passe≠port. Il y a aussi du fric... Je glisse celui-ci dans ma poche. C'est pas que j'ai l'habitude de détrousser les morts, mais j 'aimerais assez que les condés italiens concluent au crime crapuleux. Un touriste ronflait dans son sac de couchage. Un truand passait... Il a voulu lui sucrer son pèze. L'autre n'a pas été d'accord... Patacaisse! Oui, c'est la version idéale... Tous les dodos du secteur - et il y en a des paquets, faites-moi confiance - vont se faire ramoner l'alibi par ces messieurs du Guet ! Tant pis...

Moi, je vais farfouiller un peu dans la bagnole... Je ne trouve absolument rien d'intéressant. Vraisemblablement il s'agit d'une tire de location.

Rentrons, les soirées sont fraîches.

Je grimpe dans ma brouette et après une manoeuvre rapide, je reprends le chemin de l'hôtel...

quatre heures du mat sonnent au clocher de ma montre-bracelet lorsque je franchis le porche du K2. Je remise ma bagnole et je rentre à pas de loup, comme toujours. Je ne tiens pas à signaler mon arrivée. Je me garde bien de repousser le verrou de la porte, car ça indiquerait que quel≠qu'un de l'intérieur a verrouillé après le caltage de Dickson...

Je regagne ma chambre, un peu vanné par ces émotions... Equipé en robe de chambre, les gars ! Elle a bonne mine, ma tenue de Casanova, je vous le jure ! Elle est froissée, tachée de boue, déchirée... La manche droite est presque en deux. Le sang l'a collée à ma peau et je passe une minute de jouissance à me la décoller de sur le lard.

Cela fait, je ne peux réprimer une très vilaine grimace car la plaie est plutôt moche ! Il n'y est pas allé avec le dos... du rasoir, Dickson ! La viande est ouverte sur le côté du bras, depuis le coude au poignet... «a pisse dru... Pourvu que je n'aie pas laissé de traces sur mon chemin Du coup, les matuches n'auraient plus qu'jouer au Petit Poucet, et je serais fabriqué vilain...

Je fais couler le robico d'eau chaude et je net≠toie la plaie en me retenant de geindre parce que c'est un truc qui incite à chanter le grand air de l'Acné ! Voilà-t-il pas qu'on frappe doucement àma porte. Charmant!

J'hésite... J'ai le feu dans la poche de ma robe de chambre... Je le pose àl'extérieur de la fenêtre, puis je vais ouvrir. C'est ma brave Félicie...

Elle est en limace de noye avec un fichu sur les épaules et son air inquiet des grands days

-

Antoine, fait-elle, que se passe-t-il ?... Tu Elle ouvre de grands carreaux en avisant mon lavabo rouge de sang. Je lui mets la main sur les lèvres et la force à entrer.

-

Ne dis rien, m'man...

-

Tu es blessé?

-

Une simple coupure...

-

Mais... Dans quel état es-tu? Je t'ai entendu sortir, je ne pouvais pas dormir... Tu sais, lorsqu'il m'arrive de faire la sieste l'après≠midi, la nuit qui suit...

-

Je sais...

-

J'ai cru que tu étais allé faire une prome≠nade au clair de lune...

-

Yade ça..-

que t'est-il arrivé, on t'a attaqué?

-

Oui!

-

C'est affreux! Montre un peu cette... Seigneur Jésus ! C'est ça que tu appelles une simple coupure

-

Ne te tracasse pas. Un coup de rasoir...

-

Mais il faut porter plainte! Appeler un médecin...

-

Tais-toi, je t'en conjure, m'man... J'ai refroidi le type qui m'a fait ça

Elle est pétrifiée.

-

Hein?

-

Oui. Je lui ai cloqué trois prunes dans le buffet. Je crois qu'il est un peu mort sur les bords, à c't'heure.

Elle est toujours disposée à me voter, les yeux fermés, les circonstances atténuantes.

-

C'est de la légitime défense, cela! Dieu merci, les lois...

-

C'était de la légitime défense de sa part, m'man... Ecoute, faut que je te fasse un aveu.

«a me fend le coeur de la décevoir, mais je lui bonnis tout le pacson, comme quoi je suis en mission et ne l'ai amenée avec moi que pour me servir de façade. Vous croyez qu'elle est déçue? Pas du tout ! Ce qu'elle voit dans tout ça, c'est que son cher bambin a effacé un sale coup...

Elle devient énergique, comme toutes lefemelles de la création lorsque leur progéniture est en danger...

-

Il faut de l'alcool, Antoine...

-

J'ai un flask de scotch, m'man... «a titre 43 degrés

-

Donne...

Je pique la boutanche dans ma valoche... Félicie se dégrouille de dévisser la capsule et elle arrose ma plaie avec le contenu...

Ensuite elle va chercher une de ses chemises de toile, la déchire en lanières et me fait un pan≠sement énergique.

-

Il faudra surveiller ça de près pour le cas o˘ ça s'infecterait.

que vas-tu faire, maintenant?

Sa question me colle le pif dans la réalité emmouscaillante.

Oui, que vais-je faire? Le 28 est écoulé. Il s'est produit une chose absolument différente de celle que nous escomptions... Le seul type dou≠teux que j'ai identifié dans l'hôtel est mort... par mes soins ; alors?

Je ne mets pas longtemps à décider. Alors, il reste encore sa femme. Et faut en profiter, vu que ça ne durera pas longtemps. D'une minute àl'autre, on va découvrir ma victime... Avant midi on saura qu'elle était descendue au K2 et les archers vont se pointer.

Ce que deviendra Mme veuve Dickson aprèça, nul ne peut le dire. Conclusion il faut que je l'interviewe avant tout le monde. Félicie emporte ma robe de chambre afin de la remettre un peu en état. Je change de pyjama, me donne un coup de peigne, vide ce qui reste de scotch dans mon gosier, embrasse Félicie en lui recommandant de se coucher. Puis je récupère mon feu sur l'appui de la fenêtre et je me dirige enfin vers la chambre de Mme Dickson.

Une fois devant la lourde, je tends l'oreille... Je perçois le bruit régulier d'une respiration. Elle dort, la veuve... Confiante.

Je voudrais bien l'éveiller sans ameuter l'hô≠tel... J'espère qu'elle n'a pas le sommeil en béton armé

Après une hésitation de courte durée, je me décide à commencer une séance de grattouillette à sa lourde car rien ne s'entend plus qu'un heurt classique avec le doigt replié.

Mais c'est macache ! Elle continue d'en écra≠ser.

Alors, que voulez-vous, j'ai recours à mon copain le petit sésame...

L'outil qui ouvre tout, sauf l'appétit

CHAPITRE VIC'est toujours émouvant de pénétrer de nuit dans la chambre de quelqu'un, surtout lorsque ce quelqu'un est une des plus jolies poulettes qu'il m'ait été donné de rencontrer.

C'est le bruit de la porte en se refermant qui la tire des toiles. Elle sursaute et murmure

-

C'est déjà toi, Paul?

Puis elle donne la lumière et me considère exactement comme si j'étais un pélican en mail≠lot de bain.

-

Vous ! dit-elle enfin.

Je m'approche, la bouche fleurie d'un sourire ensorceleur.

-

En voilà des façons, attaque la mousmé, comment êtes-vous entré?

-

On m'appelle le passe-muraille dans l'inti≠mité... Les jolies dames me résistent quelque≠fois, mais jamais leur porte.

-

En attendant, filez d'ici...

-

Doucement, ma jolie... Je ne viens pas pour abuser de vous, mais seulement de vos ins≠tants ! Et puis aussi...

Je la regarde. Je lis une violente colère dans ses yeux, également un brin de curiosité.

Elle fait d'une voix oppressée:

-

Et puis aussi?

-

Vous annoncer une mauvaise nouvelle.

-

Laquelle?

-

Dickson est mort!

Elle reste immobile, un peu interdite par cette déclaration. Elle ne sait pas ce qu'elle doit penser de mon intrusion. Des bribes de sommeil traînent encore sur la réalité.

-

que racontez-vous?

-

que Dickson, ou Paul, si vous préférez, est mort à quelques kilomètres d'ici, sur la route de Ravenne. «a lui est arrivé peu de temps après avoir remis la petite à deux gars en bagnole... Vous êtes au courant!

Ah ! mes aÔeux ! Jamais je n'ai vu un visage se décomposer aussi vite et aussi totalement.

-

Paul ! balbutie-t-elle. Paul est...

-

Mort, oui, ma bonne dame. Il a pris trois balles de ce pétard dans la poitrine et c'est un truc dur à digérer lorsqu'il est administré à bout portantElle bondit:

-

Vous l'avez tué?

-

Chut, inutile de réveiller l'hôtel. Je l'ai buté pour sauver ma peau, il est probable que ce décès passera pour le meurtre d'un rôdeur.

Tenez, voilà le fric qu'il avait sur lui... Je ne mange pas du pain de mort!

Je jette la liasse de gros bifs sur le lit. Elle regarde les feuillets ros

‚tres d'un oeil vide.

-

Vous avez intérêt à ce que cette version soit accréditée, mon petit, parce qu'autrement ça se g‚terait pour vous. Si la police en découvre trop, vous serez impliquée dans une histoire d'espionnage, de contrebande et peut-être aussi...

Là, je la regarde, saisi d'une inspiration for≠mide, comme il m'en vient assez fréquemment.

-

Et aussi de rapt d'enfant, chère madame Dickson...

-

qui êtes-vous ? demande-t-elle.

-

Commissaire San-Antonio, des Services secrets français.

«a lui file un traczir monumental. Elle doit en avoir une pleine lessiveuse sur la conscience.

-

Le propre d'un agent secret, dis-je, c'est d'être non seulement secret, mais discret ! Pour que je puisse l'être, il faut que je sois au courant de tout, en détail. C'est pourquoi vous alleparler. Votre mari est mort pour ne l'avoir pas fait, j'espère que vous aimez assez l'existence pour ne pas charger ma conscience d'un nouveau meurtre?

Tout en parlant, je joue avec mon pétard.

-

Un accident est vite arrivé, ma belle. Vous prenez une olive dans le chignon, je vous colle l'arme dans les pattes et je sors en appelant àl'aide. On pensera que vous avez tué votre mari...

Je hausse les épaules.

-

J'ai l'air, comme ça, de vous inventer une histoire policière, mon lapin... Et une mauvaise, soit dit entre nous et un plat de ravioli, pourtant elle marcherait à tous les coups.

La belle rousse, faut que je vous affranchisse, manière de vous faire sécréter les glandes, porte une limace de noye transparente dans les mauves printemps. On a l'impression de la regarder à tra≠vers un nuage. Dans son émotion, elle a paumé un sein etje louche un peu dessus...

-

que décidez-vous, beauté? Vous l'ouvrez ou bien je continue de faire des malheurs?

Elle hésite. Pour lui affirmer que ça n'est pas de la rigolade de carabin, j'y mets une mandale sur le museau. Elle en a la joue toute rouge.

-

Excusez du peu, je suis pressé. J'espère que vous n'allez pas m'obliger à vous esquinterJe l'espère d'autant plus vigoureusement que cette gifle m'a littéralement arraché l'avant-bras. Ma blessure a d˚ se rouvrir...

«a me lance terriblement...

-

Bon, si vous tardez encore, je vous chope par la taille et vous passe par la fenêtre... Vous commencez à me fatiguer, les Dickson's part≠ners, vu?

La colère m'emporte... Je biche la chemise arachnéenne et la fends par le mitan. O vision fugitive ! Elle a beau se draper dans son drap de lit, la donzelle, j'ai pris mon billet de corbeille

-

Joue pas les fantômes, fillette, t'es beau≠coup trop en chair pour ça!

Je m'assieds au bord du lit et je lui roule un patin à la soudard!

Sa surprise est telle - la mienne itou d'ail≠leurs -' qu'elle ne songe pas à se rebiffer. Petite cause grand effet, comme par enchantement, ce baiser suivant de très près mes sévices, lui déclenche une crise de nerfs. Elle se met à chia≠ler comme le Niagara en appelant son Popaul... Elle rue, se débat, étouffe, couine, piaille, grogne, se trémousse... Je fonce au lavabo pour puiser un verre de flotte qu'elle prend en pleine poire... «a la stoppe... Trois secondes plus tard, c'est une espèce de lamentable loque qui hoquette dans mes brasAllez, môme, lui fais-je doucement a l'oreille, cesse de jouer les Mata-Han pour quar≠tier pauvre, et dis-moi tout, ce sera plus fastoche. Je ne demande qu'à te tirer du bousin!

Elle a un mouvement d'assentiment.

Cette fois, mes petits, je tiens le bon bout avec cette greluse.

-

Commençons par le commencement. Ton Dickson n'était pas amerlock, hein?

-

Non, il est français.

Elle n'arrive pas encore à parler de lui au passé, ça viendra, ça vient toujours. Ensuite, on se demande comment les disparus ont fait pour avoir été là...

-

Son vrai nom?

-

Paul Sion!

Je tique.

-

L'ennemi public?

-

Oui...

Nom d'une endive meunière, j'en apprends une chouette ! Sion était une des épées du mitan en France après la Libération. Hold-up, faux fafs, traite des blanches, il avait tout ça à son pedigree, plus quelques règlements de comptes tapageurs:

un taulier descendu à Marseille en pleine Canebière, et deux autres autour de Pigalle sous le nez d'un gardien de la paix!

Et puis ç'a été tellement br˚lé pour sa pommil a disparu... Le bruit courait qu'il s'était fait flanquer à la Seine par des amis avec son bloc de béton de cinquante kilos attaché au bide... Des charres Monsieur s'était gentiment installé en Afrique du Nord sous un passeport amerluche, m'ex≠plique sa nistoune, laquelle est anglaise.

Je profite de son état dépressif pour la ques≠tionner bien à fond et c'est ainsi que, par petits morceaux, je découvre le pot aux roses. Sion fai≠sait partie de l'organisation AAl depuis qu'il avait quitté la France.

Il était devenu le sous-fifre de Bucher, le grand patron de AAl, un ancien G.I. qui, ayant go˚té de l'Europe, n'avait plus voulu retourner dans ses Etats. Ensemble, ils avaient réussi des coups fumants. Le dernier en date concernait l'achat àl'Angleterre d'une importante cargaison d'armes qui s'était effectuée par l'intermédiaire d'un petit pays d'Amérique centrale.

Pour des achats de cette importance, le proces≠sus était toujours identique. Les Affaires étran≠gères d'un minuscule pays passaient la commande et Bucher rachetait en sous-main. Il prenait direc≠tement possession de la marchandise qu'il livrait o˘ bon lui semblait.

Pendant quelques années, tout avait bien boomé entre Sion et Bucher, et puis, récemmenles choses s'étaient g‚tées. Sion n'avait pas le tempérament à jouer longtemps les seconds plans. Il avait décidé de se mettre à son compte en faisant un gros coup d'arnaque à son chef. Vous me suivez toujours ? Les ceuss qui seraient un peu paumés dans les méandres de ces explica≠tions n'auront qu a échanger le présent ouvrage contre un abonnement à Rustica. O.K. ? Alors je poursuis...

Profitant d'un voyage aux Etats de Bucher, c'était l'ancien gangster qui avait négocié les transactions pour le dernier achat. Ensuite, il s'était mis en contact avec un gros mouvement terroriste arabe qu'il savait financé

par des pontes solides du larfouillet. il allait leur brader la camouse, et les Africains ne se tenaient déjà plus de joie devant cette aubaine, lorsque Bucher avait cru bon de jouer " Reviens-veux-tu ". Lui n'était pas d'accord pour solder ce lot de " Tout à cent francs " à ces clients-là. Il en avait dégau≠chi un meilleur prix autre part. La scission s'était alors produite entre les deux truands... Gros bidule, les gars ! Du Wagner chez Messieurs les Hommes, avec cymbales et dégustation de nez!

Bucher allait l'emporter... Sion, très emmous≠caillé, voyait ses clilles de la ligue arabe lui tomber sur le pardingue. Pour s'en tirer, il avait fait un coup à sa manière: enlevé la fille dBucher. Moyennant la forte pincée, il la refilerait aux Arabes qui, ensuite, n'avaient plus qu'à l'échanger contre la cargaison.

Parvenu à ce point du résumé, je dis à la pseudo Mme Dickson:

-

Et c'était toi la nounou?

-

Oui... Les rebelles arabes avaient envoyé quelqu'un pour prendre livraison de la petite... Mais ce quelqu'un est mort dans un accident d'avion...

- Kazar?

-

Ah, vous savez...

-

Comme tu vois, ma belle. Alors Sion a pris un nouveau rendez-vous avec ses fameux clients, n'est-ce pas ?

- Oui...

Je me gratte le bocal, perplexe... S'il y a une chose qui me défrise les poils des jambes, c'est bien un rapt d'enfant. Voyez-vous, bande de chétifs de la coiffe, pour moi, un môme c'est sacré. C'est un truc en dehors de la vie qu'on doit respecter plus que tout et qui, en aucun cas, ne saurait servir de monnaie d'échange, voire d'instrument de pression.

La pensée de cette pauvre gamine, trimbalée entre les Dickson et les Arabes, me contristesuis d'autant plus inquiet sur son sort que je la vois mal partie avec ces derniers.

Je reviens à mes moutons, c'est-à-dire à ma brebis galeuse.

- Elle s'appelait comment, déjà, la gosse?

- Carolyne...

Un instant, je la revois, courant sur la plage avec les petits macares de l'endroit. Lorsqu'elle va s'éveiller, tout à l'heure, elle poussera une drôle de grimace en voyant qu'elle a changé de proprio.

Bon, San-Antonio, ça va être à toi de jouer, mon fils... Et pas de fausse manoeuvre, hein, mon chou? Ou alors t'auras droit qu'à ton cer≠cueil la foule vienne et prie

- O˘ peut-on trouver Bucher?

Elle ne répond pas.

J' éclate.

- Espèce de sauteuse à la manque, W vas me le dire illico ou je mets ta jolie frime en compote ! T' as pas honte, dis, roulure, de prêter ta paluche à des combines aussi dégueulasses?

Tout en parlant, je lui bourre la bouille de petits coups de poings très secs. Sa chouette por≠tion devient une espèce de punching-ball vivant. Elle part de gauche à droite, d'avant en arrière, pétant contre le panneau du pieuVas-y, tordue! Parle ou je t'écrabouille comme une araignée!

Elle pleurniche

- Laissez-moi, vous me faites mal... Vous êtes un l‚che...

- Et kidnapper une pauvre gosse, ça n'est pas de la l‚cheté, des fois, hein?

Une nouvelle mandale, mieux décernée que les précédentes, a enfin raison de sa résistance.

- Bucher est à Montreux, en Suisse... Il habite au Léman-Palace...

- T'es certaine?

Je l'examine sous le nez pour voir si elle cherche à me carotter, mais je ne le pense pas.

- Parfait, ma fille... Je prends le tuyau pour bon. Mais écoute bien, si jamais tu m'as monté un turbin, je te retrouverai et alors tu pourras te commander un manteau toutes saisons chez le menuisier du coin ! En attendant, tiens fort ta langue, compris?

Elle hoche du cigare.

Un peu flétrie de la toiture, la gamine ! Elle s'en souviendra de cette noye

Je la quitte pour regagner enfin ma base... Une fatigue carabinée me cisaille le paletot. Le jour se lève sans bruit... Comme je n'ai rien de plus urgent à faire, je me glisse dans les toileaprès avoir bu un grand verre d'eau. Demain, j'aviserai. En attendant, je dois récupérer.

Ma blessure me donne un peu de tempéra≠ture... Pourvu qu'il n'y ~t pas de complications de ce côté-là ! Parce que, franchement, sans être le fakir Duchnock, on peut prédire que je vais avoir besoin de mes deux bras dans les jours qui viennentCHAPITRE VLe lendemain, comme prévu, mes condés radi≠nent au K2 pour présenter leurs bien sincères condoléances à la mère Dickson. Elle pique la crise de nerfs numéro 4 bis prévue au décret, on la console, la radio annonce qu'un touriste amer≠lock a été scraffé par un rôdeur... L'ambassade ricaine proteste auprès des autorités compétentes qui promettent de l'être et on transporte la bidoche de l'ennemi public dans une chapelle ardente... Tout ça sans que votre petit camarade San-Antonio (l'homme qui remplace le beurre parce qu'il s'est enfin débarrassé d'un préjugé qui lui co˚tait chérot) soit inquiété1.

1.

Ne vous tourmentez pas pour mes parenthèses. Aussi longues que soient les phrases comprises entres je ne perds jamais de vue l'idée initiale. C'est pour cette raison que cer≠tains critiques aussi éminents qu'un économiste est distingué m'ont surnommé le roi du suspense grammaticalVers dix plombes, je me fais la grande toilette, je me nippe comme un lord qui aurait de la fan≠taisie... Et je descends.

M'man est dans le hall, très inquiète. A ses pauvres yeux cernés, je devine qu'elle n'a pas pioncé de la nuit. Je lui donne la bise affectueuse qu'elle attend et je lui explique en termes mesu≠rés que je suis obligé de faire un voyage en Suisse.

m Pendant ce temps, tu m'attendras ici, ...... Tu es bien, ça te repose.

Dans deux

jours, au grand maxi, le petit Antoine revient et t' emmène visiter Venise, d'accord?

Elle soupire, sachant qu'elle ne peut rien contre mon job. Les mères des terre-neuvas savent que la mer est plus fortiche qu'elles. Eh bien, Félicie sait que mon job passe avant mon amour pour elle.

C'est ainsi... La vie est moche. On a des chiares, on les aime immédiatement, on se flanque au feu pour eux, on les couve, on pense chacun de leur pas, on tremble pour eux... Et puis le jour vient o˘ ils vous glissent des mains pour entrer à leur tour dans la fournaise de l'existence Je commande à Gigi deux oeufs bacon en guise de petit déjeuner. «a fait plaisir à m'man. Elle aime me voir avaler de la boustifaille. Ljour o˘

j'arriverai à croquer un boeuf sous ses yeux sera le plus beau de sa 1~fe.

-

Il y a du danger o˘ tu vas ? demande-t-elle.

-

Pas le moindre, ma petite bonne femme. Une simple discussion d'affaire, alors tu vois...

-

Et ton bras?

-

T'inquiète pas... je l'emmène avec moi...

-

Il te fait mal?

-

Absolument pas... Tu sais bien que ma viande pousse comme le chiendent? Je te parie que c'est déjà cicatrisé...

-

Je vais te refaire ton pansement.

-

Mais non, il faut laisser faire la nature, ma poule, t'occupe pas...

Je lui laisse un gentil petit pécule et je refile un pourliche d'archiduc à

Gigi en lui recomman≠dant de bien soigner Félicie pendant mon absence. Il promet. Je déhote!

Il

fait grand nuit lorsque j' arrive dans cette pimpante cité

helvétique. Naturellement (et s'il vous reste pour dix grammes de matière grise, vous vous en doutez) mon premier soin est de descendre au Léman-Palace.

Mordez le bath établissement ! De la crèche pour rupinos ! Les zouaves qui débarquent céans n'ont pas leur compte en banque gonflé au gaz de ville, je vous en fiche mon billet ! Il y a uhall dans lequel on pourrait conclure la rencontre Suisse-Hongrie de football, des tapis épais comme des bottins, de gigantesques plantes vertes qui valent une fortune sous notre latitude et pas un maravédis sous d'autres... Des larbins en uniforme de grand arnirai suisse, des touristes avec de gros bides nourris au caviar, des péteuses platinées dont un seul regard suffit pour faire la fortune des marchands de boutons du coin... Sans parler des lustres qui ne tiendraient pas àSaint-Pierre-de-Rome, et des fauteuils tellement profonds qu'une équipe de spéléologues pourrait y disparaître à jamais. Bref, vous voyez un peu le genre du pourquoi du chose?

Je fais un brin pedzouille lorsque je radine à la réception. Je demande une carrée et on me cloque une piaule au sixième. Ensuite, je demande si M.

Bucher est laga présentement. On me répond qu'il n'est pas encore rentré, mais que sa femme est au lit, souffrante.

Je remercie et confie mon petit embrasse-en-ville à un bagagiste qui organise une croisière vers l'ascenseur.

Lorsque je suis dans ma chambre, je refile dix francs suisses au mouflet en lui recommandant de me prévenir discrètement dès que M. rentrera. Il est d'accord. Je ne sais pas ce qs'imagine... Peut-être rien du tout. En tout cas il se retire fier comme bar-tabac' avec son billet.

Je décroche le bigophone et réclame d'ex≠trême urgence une assiette de viande froide et une bouteille d'oeil-de-perdrix.

«a va me permettre de patienter en attendant l'arrivée du gars Bucher.

Seulement, je nettoie le plateau, vide la bou≠teille et rien ne s'est encore signalé à l'horizon. Fatigué, je m'allonge tout fringué sur mon lit... J'essaie de fumer une pipe pour me tenir éveillé, mais le sommeil est plus fort que ma volonté... Je coule à pic dans un repos que j'espère au moins réparateur. Combien de temps dors-je? Il me serait malaisé de le préciser. Toujours est-il que lorsque la sonnerie de mon bigophone se met à

vibrer, j'ai l'impression d'être en pleine forme.

La voix traînante du petit groom m'annonce:

-

M. Bucher vient de rentrer, monsieur.

-

Merci. quel est le numéro de sa chambre?

- Appartement 72, rectifie le préposé qui tient bien à préciser qu'un monsieur de l'impor≠

1.

Comparaison indigente, bien s˚r, mais qui sert de f

est à ce point br˚lante

a d˚ ignifuger le papier utilis pour l'impression de ctance de Bucher ne saurait se contenter d'une chambre.

Je raccroche et saute de ma planche à clou. Ma breloque marque deux heures du matin... Du moins c'est moi qui les estime " du matin " ces deux heures-là, le cadran de ma montre ne faisant qu'un circuit de douze plombes pour débiter une journée de vingt-quatre. Si vous trouvez que je philosophe d'une façon trop hermétique, faites-moi signe, je vous raconterai l'histoire du nègre qui vient de recevoir la flotte et qui entre dans un bistrot en demandant " un petit blanc sec ".

J'ai la clapeuse épaisse... L'oeil-de-perdrix qui m'en a mis un petit coup dans la vue! Au fond, la nuit, on ne devrait écluser que du vin de messe, comme le dit si justement l'abbé Résina dans son traité sur " L'incidence de la langue braisée dans la Société Moderne ". Je me rince le bac au lavabo... Un petit coup de flotte sur le front... Je calamistre ma chevelure, renoue ma cravate, époussette mon futal, lustre mes godasses avec les rideaux de la fenêtre comme le font tous les Français quand ils descendent dans un hôtel et, ainsi remis à neuf, je pars à la recherche de l'appartement 72.

Un videur de tinette diplômé me rancarde. C'est au second... Il y a vue sur le Léman et l'eau chaude sur l'évier..Je m'annonce donc devant la lourde à

double battant du 72. Un rai de lumière filtre par en des≠sous.

Je prends un léger temps pour laisser tomber ma tension artérielle. Puis je frappe.

Une voix d'homme demande avec un fort accent yankee.

- qu'est-ce que c'est?

Sans me démonter (je ne me démonte jamais sachant bien que je ne saurais pas me remonter, n'étant pas bricoleur pour un sou) je réponds:

- Un message pour M. Bucher!

Il fait fissa pour ouvrir, le Prisunic de l'arme àfeu C'est un garçon beaucoup plus jeune que je ne l'imaginais. Il a dans les trente-six carats. Il est plutôt grand, avec une chevelure brune plaquée sur la tête comme un casque. Il a un petit nez en pied de marmite chevauché

par de grosses lunettes d'écaille.

Ses yeux ont un éclat très intense. Il me regarde, constate que je ne suis pas un employé de l'hôtel et murmure:

- que me voulez-vous?

-

Un instant d'entretien, monsieur Bucher.

-

qui êtes-vous?

-

Si vous me laissiez entrer, je vous le diraisJ'ai horreur de raconter ma vie dans un couloir d'hôtel...

Il grommelle : -.

-Corne ml

Je pénètre dans un grand salon triste avec des dorures impensables, des meubles qui foutraient le cafard à un sachet de poudre hilarante, et des tableaux au mur qui vous donneraient envie d'avoir du Picasso chez vous jusqu'à la fin de vos jours.

Bucher me désigne un siège. Lui-même pose son socle dans un fauteuil. Il y a plusieurs fla≠cons de whisky sur une table basse avec un siphon et des verres. Il se sert une rasade de scotch carabinée: plus d'un demi-glass. Il l‚che dans tout ça un jet prostatique d'eau gazeuse et boit le total en moins de temps qu'il ne lui en a fallu pour le préparer.

- J'écoute ! grogne-t-il.

Je remarque alors combien son regard est étrange... Il y a dans ses yeux bleus à la fois de la clarté et de l'ombre, de la douceur et de la cruauté, de la faiblesse et une énergie peu com≠mune.

- Bucher, je n'irai pas par quatre chemins... Je suis un zig des Services français...

Il ne bronche pas. On dirait que je lui chante le code civil sur l'air de La Main de ~na Soeur- quels Services ? demande-t-il.

- Les Services secrets, mon cher monsieur.

- Et alors?

- Alors ne cherchez pas à me snober parce que ça ne prendra pas. J'en ai maté d'autres plus épais que vous, Bucher... Votre petit ami Sion, par exemple.

Là, il sourcille légèrement. Mais son mutisme demeure absolu.

- Bucher, je suis chargé par mon gouverne≠ment d'empêcher la cession de votre dernière cargaison d'armes aux rebelles arabes. Vous voyez, j'y vais carrément... Je peux me per≠mettre ça étant donné que je suis au courant du rapt de votre enfant...

Il a sa première vraie réaction et c' est une réaction de père.

- Vous savez!

- Mieux, avant-hier, je tenais Carolyne sur mes genoux...

Il se lève, vient à moi.

- qu'est-ce que vous dites?

- que j'ai joué avec votre petite fille, parfai≠tement... Seulement, à cet instant, je ne savais rien de ce kidnapping... Lorsque j'ai su les détails, il était trop ~d...

A mon tour, je lui désigne un siège. A motour je vais à la table supportant les flacons de scotch...

Je me prépare un formide...

Puis, l'ayant ingéré, je fais à Bucher un récit on ne peut plus complet de mes démêlés avec son ex-associé. Je ne lui passe rien, ni ce qui m'a amené

à Cervia ni ce qu'il est advenu du sieur Dickson, alias Sion.

Il m'écoute sans broncher, les mains croisées sur un genou, très droit. Son regard étincelle.

Lorsque j'ai terminé mon récit, il murmure simplement:

- Carolyne est avec ces gens en ce moment...

- Oui.

- Alors pourquoi ne se sont-ils pas manifes≠tés ?

- Je l'ignore.

- Ne serait-il pas arrivé malheur à l'enfant?

- Rassurez-vous. Ils l'ont payée une somme trop rondelette... On ne brise pas les objets de valeur...

Il réfléchit un moment et demande:

- Pourquoi êtes-vous venu me dire ça?

Je soupire.

- Nous y voilà, mon vieux!

Par mesure de sécurité, et afin de npas is≠quer la panne sèche, je lui écluse un nouveau gorgeon de scotch sans lui demander la permis≠sion. Du reste, je l'ai appris par les films made in U.S.A., aux Etats, on pratique comme ça. Chacun pour soi et Dieu pour ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir du raide de bonne qualité. Ce sont ceux-là les vrais perdants ceux qui juste≠ment n'ont rien à perdre. Il y a des jours o˘je me dis que l'auteur de la fameuse maxime:

" L'argent ne fait pas le bonheur " devait être plein à craquer. Autrement, jamais il n'aurait pensé à débloquer de la sorte.

Bucher me suit du regard; au fur et à mesure que je tarde à parler, sa figure se crispe. Il est tendu comme un félin pourchassé.

Prenant enfin son exaspération en considération, je m'approche de lui, me mets à califour≠chon sur une chaise et j'attaque.

- On a toujours intérêt à faire un dessin pour résumer la situation, rien ne l'éclaircit davantage. Nous allons donc en faire un...

Je sors mon stylo, pas l'explosif, le vrai. Tout en crayonnant, je commente:

- Voici un triangle, Mossier Bucher... Chaque angle représente un groupe d'indivi≠dus... Ici, en haut, les types de la Ligue. Là, vous, la maison AAl... Enfin dans le troisième angle, nous, la maison France. que désirons-nous les uns et les autres? Hein? La Ligue désire les armes. Vous, votre enfant. Nous, nous désirons que les armes ne soient pas vendues à la Ligue et, comme nous avons bon coeur, que vous retrouviez votre gamine. Vous me suivez tou≠jours ?

Il hoche du bonnet, comme on dit chez Cinzano.

- O.K. (bon, v'là qu'à son contact, je m'amé≠ricanise). Maintenant quels sont les atouts de chacun ? La Ligue a votre fille. Vous, vous avez les armes... Et nous...

Je stoppe et souris.

- Nous, Mister Bucher, nous n'avons rien! Nous sommes donc particulièrement qualifiés pour intervenir. Notre seul argument, et il est dtaille, c' est que nous avons le bon droit pour nous et que nous disposons de moyens d'action officiels, comprenez-vous?

Bucher secoue la tête.

- Précisément, fait-il, je ne comprends pas. quand on n'a rien à vendre, on ne va pas s'ins≠taller au marché ! Ceci est une affaire entre la Ligue et moi... Ceux qui me rendront ma fille auront les armes, c'est tout ce que je peux vous dire.

Il se lève.

- Et je pense que votre intervention est contre-indiquée, elle risquerait d'indisposer les kidnappeurs et de les amener à... à accomplir un acte irréparable pour moi... Vous êtes français, ici nous sommes en Suisse, vous n'avez aucun droit d'ingérence dans mes affaires...

- Ecoutez, Bucher, je crois que vous n'avez pas assez pensé la chose...

- Je crois que si.

- Non... Si vous étudiez un peu les histoires de rançon, vous constaterez... et je ne dis pas ça pour vous effrayer outre mesure, que ça se ter≠mine toujours mal pour la partie sur laquelle s'exerce le chantage.

La Ligue va vous demander les armes. Parfait... Mais elle vous promettra votre gosse contre la remise de la cargaison.

" Vous aurez beau ergoter, refuser, exiger ldonnant donnant, vous devrez en passer par là, parce que, foutez-vous bien ça dans le cr‚ne, c'est vous qui êtes vulnérable dans cette aven-tare. Si la transaction rate, pour eux, ça repré≠sente une grosse affaire foutue. Mais si elle rate pour vous, c'est votre coeur qu'on vous arrache, pour employer le style mélo. "

- Je saurai négocier l'affaire, dit Bucher. Ne vous tourmentez pas pour moi, monsieur... heu...

Je ne crois pas opportun de lui filer mon blaze.

- Une fausse manoeuvre et vous ne revoyez plus votre fille Il me touche l'épaule du bout des doigts.

- Et vous, monsieur le flic français, vous êtes certain de ne pas en faire, de fausses manoeuvres?

Il me chope au débotté. Pourtant je conserve toute mon assurance.

- Parfaitement!

- C'est pour le coup que ces salauds com≠mettron,t Xe pire Xorsqu' iXs sauront que la police française est sur l'affaire Je m'approche de lui à le toucher. Il y a des lueurs fulgurantes plein les vitres de ses besicles.

- Si vous ne marchez pas avec moi, je ne stopperai pas mon enquête pour autant! Vous

voici prévenu... C'est pourquoi vous et moavons intérêt à nous allier... Il y a chez nous un vieux proverbe (il y en a des tonneaux du reste) qui dit:

" L'union fait la force ".

Rucher hausse les épaules.

- Les flics français sont juste bons à débiter des citations populaires, déclare-t-il. Pour du tra≠vail sérieux, efficace, c'est autre chose.

J'aimerais mieux collaborer avec un boy-scout qu'avec vous!

Ah la vache ! Comme vannes, il en balans≠tique des paquets ! J'ai le raisin qui fait plusieurs tours...

Inutile d'insister avec cette truffe. Puisqu'il en est ainsi, je lui prouverai ce dont je suis capable et il me paiera ses sarcasmes avec des intérêts usuraires, c' est promis.

Je hausse les épaules.

- Très bien, allez chercher un boy-scout, j'agirai donc seul et nous verrons lequel arrivera le premier sur la ligne d'arrivée Sur ce, je fonce à la lourde d'un pas décidé.

Je quitte la taule sans m'être retourné, mais je ~ew~ l'oeil aigu du trafiquant dans mon dos. Et ça vous tient plus chaud qiX un RaswT~X, iç~

d'homme donnant donnan, vous devrez en passr par là, parce que, foutez-vous bien ça dans le cr‚ne, c'est vous qui êtes vulnérable dans cette aven≠ture.

Si la transaction rate, pour eux, ça repré≠sente une grosse affaire foutue.

Mais si elle rate pour vous, c'est votre coeur qu'on vous arrache, pour employer le style mélo. "

-

Je saurai négocier l'affaire, dit Bucher. Ne vous tourmentez pas pour moi, monsieur... heu...

Je ne crois pas opportun de lui filer mon blaze.

-

Une fausse manoeuvre et vous ne revoyez plus votre fille Il

me touche l'épaule du bout des doigts.

-

Et vous, monsieur le flic français, vous êtes certain de ne pas en faire, de

manoeuvres?

Il

me chope au débotté. Pourtant je -~ toute mon assurance.

-

Parfaitement!

-

C'est pour le coup que ces salauds mettront le pire lorsqu'ils sauront que la française est sur l'affaire!

Je m'approche de lui à le toucher. Il y a lueurs fulgurantes plein les

-

Si vous ne marchez pas avec moi, je stopperai pas mon enquête pour autant!

voici prévenu... C'est pourquoi vous avons intérêt à nous allier... Il y a chez nous un vieux proverbe (il y en a des tonneaux du reste) qui dit: "

L'union fait la force ".

Bucher hausse les épaules.

-

Les flics français sont juste bons à débiter des citations populaires, déclare-t-il. Pour du tra≠vail sérieux, efficace, c'est autre chose. J'aimerais mieux collaborer avec un boy-scout qu'avec vous Ah la vache! Comme vannes, il en balans≠tique des paquets ! J'ai le raisin qui fait plusieurs tours...

Inutile d'insister avec cette truffe. Puisqu'il en est ainsi, je lui prouverai ce dont je suis capable et il me paiera ses sarcasmes avec des intérêts usuraires, c'est promis.

Je hausse les épaules.

-

Très bien, allez chercher un boy-scout, donc seul et nous verrons lequel arrivera

sur la ligne d'arrivée!

Sur ce, je fonce à la lourde d'un pas décidé.

Je

quitte la taule sans m'être retourné, mais je l'oeil aigu du trafiquant dans mon dos. Et ça tient plus chaud qu'un Rasurel, parolTrès emmouscaillé, je l'admets, par la tour≠nure des événements, je regagne mon terrier. Franchement, ça s'embringue mal! Au lieu de faire front comme les loustics de la Ligue, nous voici à couteaux tirés, Bucher et moi.

Votre petit San-Antonio joli n'a pour lui que sa bonne mine et son certificat d'études pri≠maires. A part ça, mort au taureau, je suis refait!

Je suis refait car, ne sachant o˘ se terrent les ravisseurs de la petite Carolyne, je ne puis la récupérer pour reprendre les brèmes en main.

D'autre part, Bucher ne me dira jamais o˘ se trouve sa cargaison... Il a raison, le Ricain, c'est une affaire entre lui et eux. Pour mézigue, on inscrit au programme: " Va te faire cuire un oeuf" avec le gars Bibi dans le rôle de l'oeuf!

Il est tard... Je file un coup de périscope à ma tocante. Elle annonce trois plombes et des pous≠sières... Non : il est tôt Je réfléchis... J'ai dans le bac un bon go˚t de scotch... Je n'ai pas sommeil et je me sens en forme.

Je décroche le bigophone et je dis au préposé de me faire grimper d'urgence un flacon de whisky et l'annuaire des téléphones de la Suisse...

Le service au Palace est impec... J' ai satisfac≠tion en quatre minutes trois douzièmes... Y compris le temps que l'employé a mis pour réaliser mon coup de grelot...

Je me prépare un glass super-mahousse. Et tout en le sirotant, je feuillette l'annuaire. Je trouve rapidos ce que je cherchais, à savoir le numéro d'un pote à moi : Justin Bodard, chef de la police genevoise. Nous nous sommes connus l'an dernier chez des amis communs et je l'ai tellement fait marrer avec mes histoires de cor≠nechose qu'on l'a opéré d'une hernie étranglée la semaine suivante. D'autre part, je l'ai revu àParis o˘ je lui ai facilité certaines démarches pour un voyage qu'il effectuait en A.O.F.

Donc, c'est un garçon qui me veut du bien. Les Suisses sont des gars solides sur lesquels on peut comp≠ter et ils passent leur vie à le prouver.

Ils ne pigent peut-être pas très vite les his≠toires de Marie-Chantai, mais par contre ils savent ce que c'est que l'amitié.

Il va pousser une drôle de frime, Bodard, en recevant mon appel à pareille heure

Je demande pourtant le numéro et je l'obtiens illico pour l'excellente raison que le biniou est automatique au pays de l'horlogerie et du frome≠ton réunis. (Le comble n'est-il pas de les voir mettre du gruyère en montre?)

«a carillonne vilain, et longtemps... quand iest dans les bras de l'orfèvre, il en met un sérieux coup, mon aminche!

Enfin une voix grasse comme une p‚te à vais≠selle dit:

- Aaaalllôôô?

Je reconnais Bodard.

-

Salut, Bodard, fais-je. Ici San-Antonio...

Un silence, le temps qu'il pige. Et puis il s'ex≠clame. Il dit des " par exemple ", des " comment ça se fait ? ", des " si je m'attendais à vous ", et enfin un : " que se passe-t-il ", parce qu'il vient sans doute de bigler son horloge parlante et de s'apercevoir qu'il est une heure industrielle1.

Je lui présente dans du papelard de soie les excuses d'usage pour mon appel tardif, ensuite je lui dis que je suis en mission secrète en Suisse pour une affaire qui intéresse toute l'Europe (là j'exagère un brin, mais je dois revendiquer comme excuse que le beau-frère de ma cousine germaine a vécu trois jours à Marseille). J'en arrive à ma requête:

- Mon cher Bodard, je voudrais que vous interveniez immédiatement auprès de la police de Montreux pour qu'on mette sur table d'écoute 1.

Toujours çà et là des facilités qui renforcent indirecte≠ment ma prose. Comme me disait un batteur d'orchestre, j'ai un style à

percussionles communications destinées à un certain Bucher résidant au Léman-Palace.

Il se gratte le cervelet avec une idée pointue et s'exclame:

- C'est impossible, mon cher ami... Cela ne se pratique pas en Suisse...

Et, en tout cas, ça nécessiterait un tas de formalités... A quel titre, voyons, nous occuperions-nous de la vie privée d'un étranger qui ne fait pas l'objet d'un mandat d'extradition?

Je m'égosille:

- Au titre de la confiance en un ami, Bodard... Excusez-moi de vous avoir éveillé...

Je raccroche.

Décidément, je m'étais fait des berlues au sujet de la reconnaissance de mon collègue helvète.

Le temps que je parcoure trois fois le tour de ma carrée (doux euphémisme) et le bigophone remet ça... C'est Bodard. Il a eu l'idée d'appeler le Palace pour voir si j'y étais. Pas content, le gars ! Il est tout à fait éveillé cette fois et il me joue Marie trempe ton pain à la clarinette baveuse pour mon mouvement d'humeur. Il me casse une montagne de sucre, comme quoi il est prêt à me prêter assistance, mais dans la mesure o˘ je ne lui demande pas l'impossible.

Je me radoucis comme une crème au caramel.

-

Re-excuse, Bodard, mais je suis sur ledents... Ecoutez, le type dont je vous ai parlé va recevoir soit une visite, soit une communication téléphonique. Or il est indispensable, vous m'en≠tendez? Indispensable que je sois avisé de l'entretien...

il réfléchit un moment.

- Bon, écoutez, je téléphone à l'inspecteur Cherio... Il a travaillé sous mes ordres et il vient d'être muté à Montreux... Je lui dis de vous voir et de se mettre officieusement à votre disposi≠tion... D'accord?

- Mille mercis, Bodard... Et à un de ces quatre Il ne me reste plus qu'à attendre... J'allume une gitane, bois un nouveau scotch...

A cet instant, c'est-à-dire lorsque je repose mon verre vide, on frappe à

ma porte. Voilà qui est bizarre. S'il s'agissait d'un employé de l'hô≠tel (et que me voudrait-il, grand Dieu, à pareille heure !), il se serait annoncé au fil.

Je glisse mon pétard sous un coussin et je vais à la lourde.

- qu'est-ce que c'est?

Une voix d'homme, pourvue d'un accent étranger que j'ai du mal à définir, murmure:

- Un ami de Bucher.

J'ouvre aussitôt. Je me trouve devant un type immense qui me dépasse de la tête. Il a un chapeau sur la sienne, des moustaches à la Brassens et un regard complètement éteint bien qu'il soit sombre comme la nuit du 4 ao˚t!

Il porte un costard prince-de-Galles.

D'un signe de tête je l'invite à entrer. Ce pèle-fin-là n'a pas l'air commode du tout.

Lorsque j'ai refermé la porte, il me toise comme le fait un tailleur qui doit vous envoyer un costume par la poste.

- Je mesure un mètre soixante-douze, lui dis-je. Je suis plutôt brun .....

Je n'en dis pas plus. Avec une promptitude foudroyante, cet enfant de garce vient de me filer un uppercut au menton. Ce parpaing, croyez-le, il n'est pas allé l'acheter à la pharmacie Bailly

Une locomotive fait explosion dans mon cr‚ne. Tout devient intensément opaque et je sens le plancher qui fait bravo sous mes semelles.

Je m'écroule... Pas en plein pourtant... Je tombe seulement à genoux et je reste incons≠cient, la tronche appuyée contre le mur... Mon visiteur du soir en profite pour me tirer un shoot précis au creux de l'estomac. But!

Moustachu:

un ; San-AntoniO : zéro!

Tout le scotch que j'ai éclusé me remonte dans le naze... Je perds la notion exacte des choses... Insuffisamment cependant pour ne pas me rendrcompte qu'au lieu de m'achever, l'escogriffe se dirige vers la croisée. Il l'ouvre grande et se penche. Ma chambre donne sur une vaste cour obscure... Depuis mon néant je pige ce que pré≠pare l'envoyé de Bucher... Bien que nous ne soyons pas le premier avril, il s'apprête à me jouer une drôle de farce, pas drôle

Bucher a flairé le danger que je présentais pour lui. Il a craint que mon zèle ne compro≠mette les tractations et il a chargé un de ses trou≠piers de m'envoyer finir la noye chez Plumeau.

Impossible de remuer... D'ici tout de suite je vais aller cogner à la lourde de saint Pierre ! Et p't'être bien que ce sera Miquelon qui me rece≠vra!

Le grand vilain pas beau se la ramène... Par mesure de sécurité, il me cloque un nouveau coup de talon dans les éponges et ce qui me res≠tait d'oxygène se taille de mes soufflets avec un bruit de pneu creve...

D'une secousse il m'arrache du sol. Il a d˚ faire des haltères, le copain... C'est exactement comme si je ne pesais pas plus qu'un sujet de baudruche.

Il me coltine jusqu'à la croisée... L'imniî≠nence du danger me fouette le ciboulot. L'air frais me ranime un brin... Mais je ne parviens pas à

remuer... Il me semble que j'assiste à cqui m'arrive depuis le fauteuil du cinéma. On peut dire que rarement au cours de ma carrière j'ai été mis K.-

O. aussi rapidos. Pas même le temps de dire bonjour... Et le travail fait main, sans le concours d'un instrument quelconque. Monsieur les Gros Bras est un artiste

Il a pourtant du mal à m'expulser de la fenêtre, car celle-ci n'est pas très large, alors que moi je le suis. Il me pose contre la barre d'appui, les bras ballants à l'extérieur. Puis il me l‚che afin de m'empoigner par les radis pour me donner la bonne secousse et me confier aux lois impla≠cables de la pesanteur.

Je pense de toutes mes forces : " Réagis, Tonio, o˘ tu vas jouer à la "

torpille-chantée ". J'imagine avec un frisson, auquel participe une espèce de louche extase, le valdingue de six étages... L'atterrissage sur les mandibules... La nuit totale...

Je crois que mon réflexe agit plus vite que ne me le dictent ma volonté et ma trouille. J'ai une ruade éperdue du pied droit. Je sens que mon 42

fillette rencontre un corps solide... Je me retourne... Les Grosses Bacchantes a seulement titubé... Il revient à la charge, pareil à un tau≠reau. Je prends un coup de boule dans le tiroir, un crochet à la tempe et je dis good night à cet univers décevantUne fois encore le K.-O. ne dure pas... C'est plutôt comme lorsqu'une prise de courant a un mauvais contact... J'ai des intermittences de pensée.

L'air de la nuit... La notion de ce vide per≠fide... Une peur sucrée...

Puis je sens que ma car≠casse n'est plus à l'horizontale... Le sang me monte, ou plutôt me descend à la tête, car je suis incliné en avant...

J'essaie de crier, mais j'entends un " couac" lamentable. Deux étaux enserrent mes chevilles, ce sont les paluches effroyables de l'homme... Je bascule... il pousse, la barre d'ap≠pui me racle la poitrine, puis la brioche... «a y est, je pends... Même si je parvenais à lui échap≠per par une nouvelle ruade, il serait trop tard... Adieu m'man !... Adieu, les potes ! Adieu, veau, vache, cochon, percepteur et entrecôte marchand de vin. Il termine sa représentation, le San≠Antonio !... Il va faire une dégustation de trottoir. Six étages à se farcir, ça ne pardonne pas, même quand on a la gueule de bois.

Je regarde avec horreur le fond sombre de la cour... La nuit est obscure...

Le silence est inté≠gral... Une suprême poussée du gnaf et me voilà

parti... Chute libre - ô combien!

Descendez, on vous demande... C'est étrange≠ment long... C'est moelleux.

L'horreur de la situation a quelque chose de suave... J'attendde tout mon être... Et puis soudain: poum! Je produis un bruit sec comme un coup de feu... Je ne bouge plus... Je suis canné ! Bon, c'était seu≠lement ça la mort? Pas la peine d'en péter un pendule! D'écrire mille et un bouquins sur la question.

A ce tarif-là la mort est fumable... Je suis courbatu, seulement courbatu... J'essaie de remuer... Je le peux... Je regarde le ciel sombre o˘ l'on aperçoit quelques étoiles p‚lottes... Je vois le rectangle lumineux de ma fenêtre, tout là-haut...

J'essaie de me remettre debout, mais je n'y parviens pas car je glisse...

Je palpe... Sous mes doigts je sens une toile de tente... Alors je pige tout... Au fond du Palace il y a une espèce de patio transformé en piste de danse... On a dressé un dais bleu pour abriter l'orchestre et l'es≠trade...

Et c'est sur cette espèce de chapiteau de toile que j'ai atterri.

Ma réaction est imprévue. Je me fous à rigoler comme trente-six bossus chatouillés par quasimodo Voyez-vous, tas de machins indéterminés, ce qu'il y a de bien dans la vie (parfois, s'entend), c'est son ironie... Les renversements de situation qui s'y produisent... Avouez que le mot renver≠sement convient merveilleusement, en l'occur≠rence pour la mienne Il faut reconnaître que je m'exprime dans une langue généreuse, riche en vocabulaire, propice aux métaphores les plus hardies, dans laquelle les mots ambigus abondent... Une langue qui sait toujours o˘ se fourrer, comme dirait Brunswick! Vous m'en donneriez trois briques que je ne vous la vendrais pas

Il y a des moments o˘, après tout, la vie serait belle sans les hommes.

J'imagine la planète pour moi tout seul... Je vivrais à loilpé sans crainte que des voyeurs viennent me mater... Des fois je dirais au Barbu de me piquer une côte première pour me fabriquer une Eve, histoire de lui faire part de mes sentiments dévoués, et puis je refe≠rais muter Madame en côtelette ! Dites, sans rire, c'est pas le rêve, ça? Plus de cornichons pour me faire du contrecarre à longueur de journées sous prétexte qu'ils sont décorés ; que leur bagnole a deux chevaux et un ‚ne au volant de plus que la mienne; que leur dame porte de la peau d'animal rare ! Moi, pour l'hiver, en peau de percepteur que je me loquerais... Ou bien en peau de député, ça remplacerait le veau marin et c' est plus gras de l'intérieur...

Notez que je débloque sur le trajet, mais je sais bien que je me ferais vite tartir... Le temps me durerait de mes semblables avec leur bath couennerie ciselée, et surtout leurs vices cachés derrière des médailles, des fonctions, des uni≠formes, du drap anglais, des caveaux en marbre, des raisons d'Etat, des oraisons funèbres, des prix de vertu, des Prisunics, des piliers d'église, des colonnes de temple, des colonnes Vendôme, des cinquièmes colonnes, des colonnes de jour≠naux, des lits à colonnes et des colonels

Oui, j'aurais la nostalgie de ces bons contem≠porains. Le temps me durerait de leurs sublimes créations parmi lesquelles on compte : le Festivade Cannes; la canne à pêche; les romans de François Mauriac ; et le coup du père François!

Je médite sur ma toile de tente, insensible àcette douleur généralisée que le choc a levé en moi... Je suis étonné de vivre après avoir eu le go˚t de la mort dans ma bouche, après l'avoir comprise, après l'avoir acceptée! Je suis ravi... Tout va continuer encore un peu: le ciel avec son soleil qui lui va si bien ; la mer trop salée, les morues trop dessalées et la musique de M. Mozart!

Au bout d'un instant je me laisse glisser de la b‚che... Il me semble qu'on a frappé chaque centimètre carré de ma personne avec un nerf de boeuf...

Je marche sur le plancher de danse souple comme si c'était de la tôle ondulée. Ah, mes amis, je m'en souviendrai de ce numéro de cas≠cadeur! Les gars de Médrano m'attriqueraient une fortune pour m'inclure au programme...

Avec la petite Nana de Montparnasse, celle qui ramasse une pomme verte en s'asseyant dessus, comme complément de programme, on serait assuré de faire du grisbi...

A prix d'or qu'il nous prendrait, Bruno Coquatrix, vu que le public commence à en avoir quine du jongleur chinois et du chanteur inau≠dible...

On parcourrait la Suisse, l'Autrichepuis ce serait l'Italie o˘ m' man doit se faire tartir, et l'Espagne...

Non, pas l'Espagne, parce que là-bas la grande soeur à Nana ramasse les melons en s'asseyant et ça tuerait notre numéro!

Le patio est fermé par une grande porte vitrée qui se plie en accordéon dans la journée. J'essaie de l'ouvrir, mais c'est en ...... Je me fouille pour récupérer mon sésame... Ma main rencontre le stylo bidon, celui qui peut éventuellement faire sauter l'immeuble... Rétrospectivement ma pétoche va au maxi ! Vous vous rendez compte, si au lieu de jouer les Cradok sur la b‚che, j' avais rencontré le paveton, ç' aurait pu donner un char≠mant feu d'artifice pour familles nombreuses. Les ploucs en vacances allaient se réveiller morts sur les toits voisins...

Je finis par récupérer mon ouvre-boîtes et la porte vitrée fait comme ses petites camarades:

elle me cède.

Un zig qui les écarquille comme pour un mariage, c' est le veilleur de nuit, lorsqu'il me voit surgir... Il a un geste pour s'essuyer les lam≠pions, suivi d'un autre pour s'emparer d'un ms≠trument contondant quelconque. Il ne trouve rien à dire et rien pour cogner. Moi je l'amadoue d'un sourire vanillé.

-

Ne vous tracassez pas, mon cher, lui dis-jne fais que passer, j'étais descendu prendre l'air... Si on me demande, vous direz que j'habite le Je me dirige vers l'ascenseur. A ces heures, les liftiers sont au septième ciel. J'actionne le bidule comme si j'avais marné aux Galeries Lafayette pendant la saison des fêtes et je m'offre le second... Je vais jusqu'à l'appartement de Bucher... Je perçois un bruit de conversation...

Deux hommes jactent en anglais... Je vous parie un jour de l'an contre un anet un jour que c'est le maître du AAl qui se fait rendre compte de mon plongeon par son homme de main.

Je me casse jusqu'à l'angle du couloir... Entre l'appartement de Bucher et l'escalier, il y a des gogues... J'entre sans prendre la peine d'éclairer etje tiens la porte légèrement entrouverte...

Tapi dans l'obscurité, j'attends en retenant mon souffle. L'endroit n'est peut-être pas idéal, mais je m'en tape ! Je ne suis pas là pour faire la conversation à la duchesse de Prans-Mele.

Un courant électrique vadrouille dans mes muscles... J'ai mal partout.

C'est maintenant que je sens le plus les effets du plongeon ! Après un entraînement de cet ordre, je suis bonnard pour les Jeux olympiques ! Je reviendrai avec des médailles en gold tout autour du baquetSoudain un léger bruit de lourde s'ouvre et se referme et un pas feutré sur le tapis du couloir...

A toi de jouer, San-Antonio !... Et rappelle-toi que le zig qui a dit que la vendetta se tortorait àfroid n'avait jamais fait de pique-niquCHAPITRE X

C'est bel et bien Moustachu qui passe dans le couloir. Le moins qu'on puisse dire de lui, c'est qu'il est décontracté ! Voilà un brave homme qui défenestre ses contemporains dans un grand hôtel et qui, un quart d'heure plus tard, s'offre encore le luxe de traînasser dans les étages ! il fait pas de complexes, je vous jure

Mon premier mouvement en le voyant passer est de lui bondir sur le poil pour lui faire dégus≠ter ma droite au foie... Mais je me dis que ce fumier est fort comme toute la Turquie. Cette fois il serait chiche de me balanstiquer dans la cage de l'ascenseur et du coup ma colonne verté≠brale commencerait à crier classe ! Le plus marle, c'est encore de lui filer le train. Mon heure ne tardera pas... Je la désire trop pour que le premier clocheton venu me la refuse encore longtempsPoil-sous-le-naze dédaigne la cage métallique de l'ascenseur et emprunte l'escalier (lequel est sans intérêt). J'attends qu'il se soit payé un étage avant de déhoter de ma guitoune. Ensuite je fonce sur ses talons.

La porte tournante du Palace est encore animée d'un mouvement de rotation lorsque je parviens dans le hall. Le veilleur de nuit se frotte à nouveau les vasistas en m'apercevant. S'il avait lu Shakespeare, il me prendrait pour le fantôme de service. Je lui adresse un salut très courtois et je murmure, pensant au poulardin que mon ami Bodard doit m'expédier...

- Si on me demande, dites que je ne vais pas tarder...

Là-dessus, je sors à mon tour. L'aurore rôdaille derrière les montagnes...

Une petite pluie fine met comme un frisson dans l'air frais de cette fin de nuit. Et vlan! me voilà de nou≠veau en train de poétiser... Ah, c'est dur àcamoufler, le talent, je vous promets!

Je file un coup de saveur à gauche, un autre a droite... Et je finis par apercevoir mon agresseur qui s'éloigne, les épaules rentrées sous son bitos.

La poursuite s'engage sous la bruine. Moustachu arque vite. C'est duraille de le suivre en rasant les murs, d'autant plus qu'il s'engage en terrain découvert, le long du lac. J'espèr ~MER

qu'il ne m'entend pas... La flotte produit un bruit menu qui, heureusement, feutre celui de mes pas. J'espère qu'il ne va pas à pinces jusqu'à

Lausanne, le frelot! Le Marathon, après la secousse que j'ai essuyée, ça n'est pas mon fort.

Nous parcourons un millier de mètres à la queue leu leu, enfin il s'arrête devant une maison de modeste apparence. Il tire une clé de sa poche et ouvre le portail rouillé qui émet un grincement déchirant... Il referme soigneusement, remonte une brève allée semée de graviers, escalade un court perron et, se servant d'une autre clé, il pénètre dans la maison... Je guette, les gobilles rivées à la grille. Je vois une lumière par l'im≠poste au-dessus de la porte. Puis elle s'éteint... pour réapparaître immédiatement après à une fenêtre du premier étage... J'aperçois l'ombre massive du gars derrière les rideaux... Il doit se déloquer, à en juger par ses gestes. Puis il se zone, aussi sec, et la façade du pavillon retombe dans l'ombre.

J'attends un bon moment contre ma grille, sans savoir exactement quelle attitude adopter... il serait plus sage de rentrer me pager moi aussi.

Après de telles émotions, j'ai droit à un moment de repos au même titre que les héros morts ont droit à une minute de silence... Seulement vous oubliez une chose, bande de noix vomiques!C'est que San-Antonio, c'est pas le genre de type qui remet à une date ultérieure ce qu'il peut faire le jour même, vu?

Je respire un grand coup l'air mouillé du matin pour me purifier les soufflets, puis j'esca≠lade la ....... Le portail grince trop pour que je le force avec mon petit bijou.

Une fois à l'intérieur de la propriété, je marche sur la pelouse mal entretenue pour éviter le cris≠sement des gravillons... Mes targettes à

semelles crêpe ne font pas de bruit sur le perron. Je biche l'ami sésame et je le suce un peu avant de l'in≠troduire dans la serrure... «a évite tout cliquetis, essayez-le, c'est radical, comme dirait Mendès Avec des gestes d'une douceur infinie, j'ac≠tionne l'outil... La serrure, simple comme une fille de ferme, n'insiste pas... Me voici dans la place.

Je songe alors avec une certaine amertume que je n'ai pas la moindre arme sur moi... Excepté le fameux stylo, bien entendu... Mais puis-je appeler ça une arme ? C'est à la fois plus et moins.

Enfin, je compte sur ma chance, ma force et aussi... sur le sommeil des Belles-Bacchantes que ses exercices nocturnes ont tout de même d˚

fatiguer...

Je gratouille une alouf et, à sa petite flamme précaire, je me repère. Je me trouve dans un couloir vieillot, avec des lambris de bois, une vieille lanterne japonaise au plafrard et un porte-par-dingue en bambou... Au fond, un escadrin... J'ôte mes pompes et j'entreprends l'ascension... D'après mes calculs, la chambre de mon assassin doit être la dernière à gauche...

Pourvu que cette vieille tante n'ait pas fermaga au verrou ! Du coup je serais marron foncé, les mecs ! Une ser≠rure, on s'explique avec elle, mais pour avoir une targette, faut y aller de l'épaule et ça ne passe pas inaperçu.

Je prête l'oreille. Me voici brusquement ras≠suré: Moustache ronfle comme toute la Compa≠gnie Air-France. J'empoigne le loquet et je le tourne doucement, doucement...

Tenez, je pense à une chose, et je vous la crache au passage: dans mon job, je crois que les minutes les plus émouvantes sont celles o˘ j'ouvre une porte. Une lourde, c'est le plus fort symbole du mystère, d'abord parce qu'au départ elle est conçue pour abriter, pour défendre, pour cacher...

Ensuite parce qu'elle s'ouvre progres≠sivement et qu'on n'a pas une vision totale de l'endroit o˘ l'on établit une tête de pont.

Miracle ! Le grand tordu ne s'est pas barricadé dans sa chambrette à

l'instar d'une jeune collé≠gienne qui s'enferme avec la photo de Luis MarianoLe panneau se déplace doucement. Je le sou≠lève un peu pour l'empêcher de gémir... Enfin l'espace est assez large pour me permettre d'en≠trer... L'animal en écrase sauvage! Il a la conscience pure, ce faisandé du bulbe ! Il fait un peu jour maintenant et je distingue la topogra≠phie de la pièce. Je vois le pageot... A côté il y a une chaise de paille sur laquelle sont entassées les fringues du dormeur. Il n'est pas coquet et il a foutu ses loques en tas... Je m'accroupis pour le cas o˘, éveillé brusquement, il donnerait la cal-bombe, et je m'approche des nippes à Monsieur Valdingue. Pas besoin de les t‚ter longtemps. J'y déniche vite ce que je cherche, à savoir une arquebuse.

Au toucher, je me rends compte que c' est de la mécanique sérieuse. Et du calibre pour adulte. Mon pouce expert cherche le cran de s˚reté, le trouve et l'ôte... Probable qu'il y a du monde dans le magasin, en général on ne conserve pas un engin pareil en fouille pour s'en servir de bre≠loque porte-clés.

Maintenant me voilà rassuré... Il ne me reste plus qu a réveiller Moustache... Pas duraille. Je finis par repérer le commutateur et je donne le jus.

La lumière, chose curieuse, ne le fait pas sur≠sauter. Il continue de ronfler un moment, puison moteur s'arrête... Il se tourne dans son lit, incommodé par la clarté de l'ampoule suspendue au-dessus de sa tête.

Enfin, il ouvre les yeux, cille, b‚ille, les referme, les rouvre... Et puis il m'aperçoit et sa bouche se fait béante comme une entrée de métro.

J' ai la satisfaction de lire la peur sur sa bouille ensommeillée. Et cette trouille monumentale ne lui vient pas du pétard que j'ai dans la main...

Non, elle est le fait de ma seule personne.

- Je m'excuse de te réveiller, mon chéri, lui dis-je... Mais le temps me durait de toi, en Enfer... Alors je suis venu te chercher... Viens chez mon pote Satan, ta verras, y a du feu

Il est pétrifié.

Je rigole devant sa bouille incrédule.

- Tu vois, ma vieille loque, je suis un zouave comme Raspoutine, pour m'avoir il faut pas pleurer l'arsenic ! La prochaine fois, balance-moi de la tour Eiffel, t'auras des chances... Un sixième, j'en ai rien à foutre...

quand j'étais petit, je les sautais déjà à pieds joints, les six étages, alors tu juges?

Il m'avait déjà paru peu loquace, tout àl'heure, mais maintenant on lui a plombé la men≠teuse. Tout ce qui sort de la bouche, c'est un mince filet de baveBon. now j'ai joui de sa stupeur, il s'agit de passer à un autre genre d'exercice... Seulement, auparavant (comme disent les Chinois) je dois m'entourer, non seulement d'une ceinture de fla≠nelle, mais aussi de certaines précautions.

Prompto je lève le pétard et je lui file sur le bol un coup magistral du talon de la crosse. Il prend le gnon sur la tempe et son regard devient vasouillard. Par mesure de sécurité, je lui applique un second cataplasme... Il lui pousse une somptueuse aubergine sur le dôme... Il me paraît out pour un temps... Un filet de sang lui dégouline le long de la joue...

Vite je biche un drap et je le déchire dans le sens de la longueur de façon à obtenir une solide lanière. Après ça j'attache les poignets de l'homme après les montants du lit de fer... Il ne tarde pas à être crucifié... J'en fais autant pour ces cannes... Nous voici en mesure de discu≠...... Afin de l'aider à récupérer, j'empoigne un flacon d'eau de Cologne sur une coiffeuse et je lui en verse sur le bol. «a dégouline jusque dans les calots et la douleur le ranime.

Il veut remuer, mais ses solides entraves l'en empêchent.

- Te fatigue pas, bonhomme, l'avertis-je... Et d'abord quel est ton nom?

Il articule-

Carnigi...

-

Tu travailles avec Bucher?

-

Oui...

-

Spécialisé dans le nettoiement gêneurs?

Il a une moue.

-

Non?

des

- Dans ça et dans autre chose.

- Tu veux parler du trafic d'armes?

Il se force à sourire, mais il n'en a pas envie. Je connais fort bien ce genre d'individu. «a se croit fort, ça écrase tout, mais lorsqu'on leur cause une surprise comme celle que je viens d'offrir à celui-ci, ils deviennent soumis comme des tapineuses bretonnes.

Je pourrais lui demander n'importe quoi, y compris l'heure et la main de sa soeur, il me les accorderait.

- Bucher t'a appelé ce soir en te disant qu'un gars des Services secrets français cherchait àl'embistouiller. Il t'a ordonné de me liquider presto, non?

- Oui.

- qu'est-ce que ta fous dans cette maison?

- Je la garde...

Du coup, j'ai la comprenette qui s'embourbe.

- Comment ça, tu la gardes- C'est l'adresse officielle de Bucher...

Seulement il n'y habite jamais...

Compris. C'est un fin renard, l'Amerlock... Il se tient à proximité dans les Palaces des envi≠rons, menant la grande vie à l'abri des surprises tandis que son coéquipier assure la perma≠nence...

- Pour nous résumer, lorsque des achei~rs d'Euréka veulent contacter le boss, c'est ici qu'ils s'adressent ?

- Oui.

- En somme, t'es quelque chose dans le genre du réceptionniste?

- Oui...

Je me frotte les paluchettes. Mes petits trésors, je peux bien vous le dire malgré vos tristes bouilles, j'ai le sentiment d'avoir fait une bonne opération en investissant cette baraque. C'est le nid, la Centrale ! Pour peu que je sache manoeu≠vrer, ça va me payer de beaucoup de mes peines...

- Les types de la Ligue se sont-ils mis en rapport avec vous?

Il hésite...

- que je te dise, fais-je en brandissant le pétard, si ta refuses de parler ou si tu me déballes des foutaises, tu auras droit à une purge de plombPour l'achever, je lui dis

-

C'est moi qui ai rétamé Sion, alors tu vois que je n'ai pas peur des mouches...

Ma parole, il y a de l'admiration dans son regard. Je passe à ses yeux pour une fameuse épée.

-

Oui, dit-il, ils ont téléphoné hier...

-

Et qu'ont-ils dit?

-

Ils voulaient parler à Bucher... J'ai dit que j'allais le prévenir... Ils m'ont dit qu'ils rappel≠leraient tard dans la soirée...

-

Et ils l'ont fait?

-

Oui.

-

Bucher attendait ici?

-

Oui.

Voilà donc pourquoi il est entré si tard à son hôtel.

-

qu'est-ce qui a été convenu?

-

Rien, ils doivent venir tout à l'heure.. pour se mettre d'accord avec le patron.

-

A quelle heure?

-

Dix heures...

-

Et Bucher compte les rencontrer ici?

-

Bien s˚r...

-

Leur appel téléphonique venait d'o˘?

-

De MilanoJe gamberge tellement vite que ma tête enfle C'est le frottement ! Comme me disait Sal-Si-Fimon pédicure chinois " La chaleur dilate les cors ! "

-

Ecoute, Carnigi, les types de la Ligue connaissent-ils Rucher?

-

Non... puisqu'ils le contactent...

-

Je veux dire, l'ont-ils déjà vu?

-

Oh non, jamais... Rucher rencontre rare≠ment ses... clients... «a se passe avec des inter≠médiaires.

C'est cette prudence qui fait la force du chef des AA1.

-

....... Maintenant, tu vas me dire autre chose...

Il

réprime un soupir. Mes questions le turlupi≠nent. Pourtant, il est engrené et il crache ce qu'il sait... C'est psychologique, je vous le répète.

Je m'assieds au bord du lit.

-

O˘ se trouve le dépôt d' armes que veut acheter la Ligue?

Il

secoue la tête.

-

«a, je l'ignore...

Le plus drôle, c'est que je le crois. Malgré tout, je joue le jeu en chiquant au petit incrédule.

-

Voyons, Camigi. tu te rappelles déjà plus de mon avertissement?

J'approche l'Euréka de sa tempe.

-

Pourtant, je suis sérieux, tu sais?

il

a les grelots. Oui, cette armoire qui saijouer avec brio " Terreur sur la ville " a peur de canner. Il sue des chandelles comme le pouce.

-

Je vous jure! Je ne sais pas ! Vous ne connaissez pas Bucher!

Jamais il ne fait de confidences... Il se méfie de tout le monde! Ceux qui gardent les armes en ce moment ne savent peut-être même pas de quoi il s'agit...

Je le regarde.

-

Parfait, boy... Je fais comme si je te croyais. Mais si c'est du bidon, on te souhaitera ta fête avec quatre cierges, promis ! A quelle heure doit venir Bucher?

-

Un peu avant dix heures...

-

Rien de spécial auparavant? Tu n'as pas de coup de tube à donner ?

Tu n'en as pas à rece≠voir?

-

Non.

-

Rucher entre comment ici?

-

Je lui ouvre...

-

Bon... Maintenant fais dodo comme un petit ange. Et ne cherche pas à filer parce qu'il n'existe pas un homme capable d'aller plus vite qu'une balle, tu me comprends?

-

Oui.

Alors d'accord...

Je prends tous les flacons disponibles sur la coiffeuse et je les pose sur son ventre.

-

Ne bouge pas, ça les entrechoquerait. Jvais me payer une petite ronflette dans le fau≠teuil. Le moindre de tes mouvements fera un bruit de grelot et j'ai le sommeil fragile. Je ne te conseille pas de le troubler parce qu'il ne te res≠terait plus de dents demain, et peut-être plus de langue pour te commander un r‚telier... Allez, mec, good night!

Je descends ouvrir le portail. Je ne ferme pas complètement la porte pour qu'en arrivant demain - ou plutôt tout à l'heure - Rucher n'ait pas l'idée de sonner. Puis je ferme la porte de la maison à clé... Ensuite, regrimpée dans la piaule o˘ mon petit camarade Carnigi joue les statues.

Il

évite presque de respirer de crainte de faire tinter la verrerie entreposée sur son baquet. Je glisse le revolver dans l'échancrure de ma che≠mise, tire l'unique fauteuil de cuir contre la porte afin d'éviter une intrusion semblable à la mienne... Et, le coeur content, l'‚me en fête, le corps épuisé... Je m assoupis...

Mon sommeil est assez précaire. J'ai la bouche en fond de cage à oiseaux et les membres brisés... Pourtant, je pionce, les aminches ! Je pionce avec une farouche délectation, afin de me préparer des lendemains qui chantent.

que dis-je ! Des lendemains qui braillent

Ma bonne Félicie dort-elle à cet instant, sur les bords de l'Adriatique ?

S˚rement pas. Elle pensà son enfant chéri... Est-ce idiot? Mais il me semble que sa chaude pensée me protège. Il y a également une autre mère dans l'angoisse... près d'ici... Une mère qui se demande en se mordant les mains si elle reverra jamais sa petite fille.

CHAPITRE XI

C' est un fracas de verre brisé qui me réveille.

Je bondis instantanément, le pétard en main.

Camigi, à bout de force, a fini par céder au sommeil lui aussi. En pionçant, il a remué et une bouteille d'embrocation s'est brisée sur le plan≠cher... Il est vert de trouille et me regarde d'un oeil suppliant.

- Je... ce n'est pas ma faute... j'ai d˚ m'en≠dormir... Excusez-moi!

Une vraie guenille ! quel paumé tout de

même ! Ces tueurs n'ont rien dans le ventre...

Je regarde ma montre. Elle dit neuf heures vingt... Dans le fond c'est mieux ainsi... Je débarrasse le restant de la verrerie et je me passe un peu de flotte sur la hure. J'ai la bouille bouf≠fie et grise. Je ressemble à quelque chose d' ava≠rié. Si je m'écoutais, j'irais me porter à la poubelle..Mes très sommaires ablutions terminées, je reviens à Camigi.

- Deux mots, Comte : c'est Bibi qui va rece≠voir Bucher... Si tu essaies de le rencarder, tu fais le voyage chez Plumeau sans escale, alors avis.

Je griffe une serviette de toilette.

-

Ouvre ta grande gueule, bonhomme!

il obéit. Je lui attache alors la serviette très serrée par-dessus son clapoir ouvert... «a m'éton≠nerait qu'il puisse balancer le duce avec ça sur le museau.

Ayant terminé, je vais me poster près de la fenêtre... Au bout de cinq minutes, qui vois-je ici paraître ? Monsieur Bucher, dans un épastrouillant costard bleu de Bresse! il s'annonce à pas non≠chalants, biglant les alentours pour s'assurer que le secteur est libre... Je dévale l'escadrin àl'allure d'un Egyptien qui vient d'entendre pro≠noncer le mot " juif ".

Puis je vais me placer der≠rière la porte, le zoeil au niveau du trou de la serrure.

Bucher est maintenant devant la grille. Il voit qu'elle est ouverte et ça le surprend nettement. Il s' arrête pile.

Pourvu qu'il ne se ravise pas

J'ai, comme toujours dans les cas graves, une idée géniale. Je me mets à

siffler tant que je peuun air dont en ce moment toutes les radios d'Europe nous cassent les tympans... et le reste.

Rien de plus rassurant qu'un type qui siffle. «a dénote une parfaite, une absolue tranquillité d'esprit.

Mon astuce prend. Bucher, qui flottait, pousse la grille et entre à pas rapides. Il grimpe les marches et heurte la lourde sur un rythme convenu: un, deux, trois, quatre, cinq... Un, deux, trois, quatre, cinq ! Un, deux, trois!

Vous savez? Comme lorsqu'on porte un ban dans les banquets.

Je m' arrête de siffler et je nasille en prenant la voix de Camigi:

-O.K.!

Je sais que j'ai pour ma pomme l'élément de surprise, puisque ce connard me croit scrafé -mais c'est une sacrée fine lame et je dois faire vite pour le cueillir. Ou plus exactement l'ac≠cueillir.

Très posément j'ouvre la porte. Puis je tire àmoi le battant et je me trouve face à face avec Bucher qui, comme prévu, se croit le jouet (d'autres grands plumitifs disent aussi l'objet) d'une hallucination.

Vite je l'alpague par les revers de son épous≠touflant costard et je lui mets un coup de boule dans le placard. Ensuite je le rentre assez panteVUFLe et le finis av<

de

remonté qui lui meurtzit l'h

Point de le faire dégueuîe~

Il s'effond~.~

Toujours sans perdre la moindre secc traîne au fond du couloir. Sous l'escal une lourde qui doit, je l'espère, être cE cave... Mes estimations sont exactes. cends Monsieur le marchand de flin~ cave. L'en~oit est encombré de cais sies, de vieux tonneaux et de ferraille formes Je dépose Bucher dans une grande encore solide. Seule sa tronche et ses jai émergent J'empile sur son buste tout ce peux dégauchir de lourdingue: un vieu:

en fonte, des chenets égaleme~~ en fonte, un petit tonneau que je bourre de saloperie être un peu ankylosé, le frère. En tout ca5 est impossible de remuer le petit doigt.

Je regarde ma tocante : dix heures moin C'est juste... En galopant, je monte cherc, quoi le ranimer... De son côté, Carnigi esi quille...

Lorsque je me retrouve à la cave, muni flacon de rhum, Bucher a repris ses sens. regarde en clignant de ses petits yeux inqui~ d'oiseau de nuit réveillé en plein jour.

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rau

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ya

Ha

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oj≠Iti- se

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je

le

s

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Je ne perds pas de temps à phraser, n qu a tirer un parti verbal de ma suprématic

- Je viens de vous prouver, Bucher, qi avez eu tort de m'envoyer aux prunes, i nant je reste seul en piste. Je sais tout grand buteur a moufté... Les types de la vont radiner... Nous allons, eux et moi, ......

Je vais me faire passer pour vous, ni les modalités de la rançon... Pour cela indispensable que je sache deux choses:

trouve la camelote et son prix approximati:. n'ai pas ces deux tuyaux, les gars compre que je les bidonne et tout sera foutu pouî gosse. Comprenez-moi, je ne vous tartir pour faire joli... Je pense à elle ! Si mes ci savaient, ils ne seraient pas d'accord parc pour eux la vie d'un enfant est puissan secondaire, mais Dieu merci, je suis encc homme Là-dessus, je ferme ma grande gueule...

L'autre se tait... Il a un regard injecté de Il se croit trahi par son compère à moustaci je parierais la jambe de bois de votre contre ma gueule de bois qu'il n'hésiterait p centième de seconde à lui démolir la figure des ciseaux de brodeuse.

En attendant, il ne parle pas... J'ai un

Bucher, je crois que vous

ne pigez pas la gravité de la situation...

Silence.

-

Bucher, est-ce que votre p... de cargaison a plus de prix pour vous que la vie de votre gosse?

Ses m‚choires se crispent, mais il continue àla boucler très hermétiquement. Ma colère est telle que je claque des ratiches en continuant àl'exhorter...

-

Bucher, votre orgueil est-il donc si grand que vous marchandiez encore avec vous-même?

Silence.

Mes paumes sont moites... J'ai le coeur qui me fait mal... Toute la partie : ma mission, la vie de la gosse se jouent à cet instant crucial.

-

Alors, vous ne voulez pas parler?

Il

ne dit toujours rien... Bon Dieu, est-ce que je lui aurais filé une commotion capable d'anni≠hiler en lui toute mémoire?

Je le regarde, méprisant.

-

Votre silence ne sauvera pas votre came≠lote, mon salaud ! Je la trouverai, seulement ce sera fini pour la petite... Je serai obligé de jouer cartes sur table avec les Africains...

J'en suis là de mon baratin lorsqu'un coup de sonnette me fait tressaillir.

Le visage de Bucher devient tout gris- Laissez-moi aller! articule-t-il d'un ton intense.

-

Non!

-

Je vous en supplie... C'est moi qui dois m'occuper de ma petite fille.

J'ai les tripes qui se tressent comme des cordes.

Nouveau coup de sonnette.

-

Bucher, écoute, si tu menais une vie réglo, tu n'en serais pas là.

Tant pis pour ta gueule, tu n'as plus que la ressource d'avoir confiance en moi. Non ? Bon, j'y vais...

Je suis déjà à la porte. Il dit:

-

Les armes sont à bord d'un cargo, le Wander~ mouillé dans le port de Gênes... Sa car≠gaison vaut deux milliards L'énormité du chiffre me fait sursauter.

-

Merci, Bucher... Ayez confiance et fermez votre gueule, hein?

En courant... Décidément Mimoun n'a qu'à bien se tenir. Je remonte et cavale jusqu'à la grille...

J'ai le battant qui fait du rabe; bon Dieu, je vais devenir cardiaque si je continue à m'offrir du suspense à cette cadence Je rajuste ma cravate, lisse mes crins... Je dois avoir l'air un peu déjeté, mais n'est-ce pal'aspect logique d'un homme qui vit dans les affres?

In petto'. In petto, j'envoie une ardente prière à celui d'ailleurs.

Puisqu'il peut tout, qu'il m'as≠siste ! Après tout, il a permis qu'on fasse les zouaves sur la planète, non?

CHAPITRE XII

Deux types sont derrière la grille. Malgré la douceur du temps, ils portent des lardeus de demi-saison en poil de chameau. Ils sont très bronzés sur les bords avec des crins crépus et des baffles à la Mac-Kac... Pas d'erreur, ce ne sont pas des Norvégiens.

Je les invite à entrer... J' ouvre une porte qui, par bonheur, donne sur un salon fané... Je pousse les volets... Tout cela sans un mot. Je n'ai jamais fait de thé‚tre, ayant Dieu merci une personnalité affirmée, mais je me cramponne àmon personnage de père ravagé, qui, toutefois, reste un aventurier dans les cas graves. Je leur désigne des fauteuils en priant de nouveau le Seigneur pour que ceux-ci ne s'écroulent pas.

L'un d'eux me regarde d'un oeil perspicace. Puis il m'adresse la parole en anglais... Je ne connais cette langue que du bout des chaillesPourtant je comprends qu'il la parle en " petit nègre ". D'un ton autoritaire, en prenant un for≠midable accent yankee, je crache sévère:

-

Parlons français, je vous comprendrai mieux!

Le plus vieux des deux, un type au visage sérieux dont les tempes grisonnent, a un rire inquiétant. Un rire chevroté qui ne me dit rien qui vaille.

-

L'essentiel, fait-il, ça n'est pas seulement que nous nous comprenions, c'est surtout que nous nous entendions.

Je suis sensible au jeu de mots de qualité.

-

Votre repartie, fais-je, me prouve que j'ai eu raison de vous demander la langue française. Je vois qu'elle vous est familière.

il a une courbette pleine d'appréciation.

-

Merci... Mais nous espérons pouvoir nous en passer bientôt.

Mettez-vous dans la peau du franchecaille qui esgourde des vannes pareilles! Je retiens ma menteuse qui serait capable de distiller du bara≠tin mélodramatique.

J' attends la suite. In english the suite! L'autre, le plus jeune des Arbis, me demande en me sondant d'un regard intense:

-

Alors, Mister Bucher, o˘ en sommes-nous-

J' allais vous le

demander...

Il

me balanstique cette nouvelle phrase qui, comme l'aurait dit Paul Bourget, ne laisse pas de m'inquiéter:

-

Nos propositions n'ont pas varié depuis hier...

C'est du terrain mou pour personne fragile. qu'entend-il par là? Mystère et constipation chronique!

Le tout, en pareil cas, est de sembler affranchi, sinon tout est à la flotte.

-

Elles sont inacceptables lorsqu'on les étudie de près, affirmé-je, très s˚r de moi.

Il

ne me reste plus qu'à attendre des contre≠propositions qui éclaireront ma lanterne magique.

C'est encore une fois celui qui a du carat qui se manifeste.

-

Dommage, fait-il, car elles n'ont pas varié : la petite et cinq cents millions

Soulagé, je fais semblant de discuter.

-

Huit cents et Carolyne!

Le gars a un rire qui, décidément, me bat les claouis.

-

Allons, Bucher, vous savez bien que nous pourrions avoir la cargaison contre seulement l'enfant.

-

Alors, pourquoi proposez-vous du fricgueulé-je. Hein? Parce que vous savez que je suis un homme d'affaires avant tout, hein, espèce de...

-

Restez poli ! implore l'autre.

«a se déroule magnifiquement, suivant le plan prévu, comme disent les maréchaux en pleine retraite.

-

J'ai dit huit cents, fais-je... Vous y gagnez près d'un milliard et demi...

-

La vie de votre enfant ne vaut peut-être pas cela ? demande le même loustic.

Mon indignation n'est pas feinte:

-

Espèce de...

-

Ne vous répétez pas...

-

C'est honteux d'employer de pareils argu≠ments ! La vie privée d'un homme ne doit pas entrer en ligne de compte sur le terrain affaires

-

Ce sont des affaires très.., importantes pour nous, monsieur Bucher.

-

Pour moi aussi, figurez-vous!

-

Alors acceptez nos conclusions...

J'ai une forte envie de dire Ji-go ! Mais je dois avant tout sauvegarder mon personnage.

-

Non. Ces armes vous sont presque aussi précieuses que ma fille !

qui peut vous céder d'un seul coup un pareil stock, hein ? Alors ces≠sons de tergiverser... Vous devriez vous estimer heureux.L'autre Arbi lève la main.

-

Entendu, dit-il, huit cents millions et la fille.

-

L'avez-vous bien traitée au moins? Je vous préviens que si elle a subi le moindre sévisse...

-

N'ayez aucune crainte... Elle vous sera restituée saine et sauve...

si vous marchez droit

-

Employez un autre ton pour me parler, voulez-vous?

Mon coup de saveur leur en impose plus que mes paroles.

-

Comptez sur nous...

-

Bon, tranche l'autre gars de la Ligue qui semble moins accommodant et beaucoup plus exigeant, alors comment procédons-nous?

Je réfléchis...

-

Je ferai venir la livraison par bateau dans le port de Gênes...

-Et?

-

Procurez-vous un rafiot susceptible d'assu≠rer le transbordement.

-

Ensuite?

-

Avant que le changement s'effectue, nous nous rencontrerons sur les quais. Vous serez tous les deux. Vous aurez ma fille à la main...

-

Après?

-

La valise contenant l'argent également..-

Et puis?

- Moi je serai accompagné d'une dame... Une vieille dame. Nous lui remettrons l'enfant et moi je vous indiquerai le nom du barlu, vous pigez?

-

Ensuite?

-

La vieille dame et ma fille partiront. Je donnerai des instructions pour que le décharge≠ment soit opéré... Je serai avec vous et vous pourrez me descendre en cas de... heu... scepti≠cisme de votre .....

Immuable, mon interlocuteur demande:

-

Et puis?

-

Lorsqu'on aura achevé le transbordement, vous me remettrez la valise contenant le fric, après, bien entendu, que j'en aurai vérifié le contenu. Alors je quitterai le bord et... tout sera dit...

Les deux hommes se regardent. Leurs yeux sont résolument inexpressifs.

Celui qui paraît prendre les décisions, c'est-à-dire le plus jeune, déclare:

- Cela me paraît à peu près convenable!

Il me regarde et dit en riant quelque chose en anglais.

- Vous en êtes un autre, réponds-je, à tout hasardRe-marrage du gnard qui me prouve que j'ai encore mis dans le mille!

L'autre demande:

-

Parfait, quand auront lieu les transactions? Je réfléchis... Un jour pour régler la situation

ici... Un autre pour aller à Cervia... Un troi≠sième pour gagner Genova...

- Après-demain, fais-je... Entendu? Ils approuvent.

-

Parfait... quelle heure?

- Dix heures, comme aujourd'hui... Devant les docks, d'accord?

- Oui...

-

Je voulais aussi vous dire..leur physionomie devient attentive.

-

Surtout ne cherchez pas à me duper... «a ne vous porterait pas bonheur... Déjà votre façon d'agir me défrise un peu...

-

Je l'espère... pour tout le monde. Ma répu≠tation n'est plus à

faire, n'Ils ne soulignent pas la provocation voilée que contiennent ces paroles.

D'un commun accord, ou ce qui est mieux dit d'un accord communils se lèvent.

-

A... après-demain, dix heures, docks de Gênes, résume le plus jeune des " ligueurs "..Je leur fais un signe d'acquiescement.

Ils vont à la porte... Je les escorte...

Cette fois, pas l'ombre - même voilée d'une erreur: les dés sont jetés. Je les ai un peu pipés, mais quand on est seul, il faut bien s'assurer une marge bénéficiaire, pas vraiJe regarde s'éloigner les plénipotentiaires...

A mon avis, jusque-là tout marche bien...

Lorsqu'ils sont sortis de mon champ visuel, je m'approche du téléphone posé

sur une table basse du salon. Je chope l'annuaire afin d'y cher≠cher le numéro du Léman-Palace... L'ayant déni≠ché entre un gars qui s'appelle Lelong et une veuve Lemann, j'en compose fiévreusement le numero...

Je leur balanstique mon numéro de chambre et un résumé de mon curriculum.

-

Personne ne m'a demandé ce matin?

Le préposé interpelle un collègue. Y a du blabla en suisse-allemand. Après quoi il me dit que " ce monsieur " s'est présenté vers les six heures du mat et qu'il est toujours là à poireauter dans le hall...

La constance de ce flic me va droit au coeur-

Voulez-vous me le passerIl

veut. J'ai bientôt Cherio à l'appareil. Je m'excuse pour le retard, le remercie de m'avoir attendu et le prie de radiner dare-dare à l'adresse de la villa du lac.

Il

fait: " Très bien, monsieur le commissaire "et nous raccrochons avec un ensemble parfait.

Bon... Si je ne fais pas de fausse manoeuvre, tout doit boomer le mieux du monde... Je vais sur le seuil guetter mon zigoto.

Bien que je ne le connaisse pas (et j'ai pour cela la meilleure des raisons : celle de ne l'avoir jamais vu), je le repère au premier regard.

C'est un grand costaud qui a une gueule de marteau et des épaules larges comme une cabine télépho≠nique... Avec ça l'air commode du monsieur qui vient d'apprendre simultanément que sa femme s'est barrée avec les éconocroques de la casba, qu'il a un cancer au pylore et qu'un plaisantin vient de foutre le feu à son domicile... Pourtant son visage neutre et sévère s'éclaire d'un sourire respectueux lorsque je me présente à lui.

-

Commissaire San-Antonio, fais-je...

il

s'incline.

-

Enchanté de vous connaître, M. Bodard m'a parlé de vous en termes enthousiastes...

On se fait un peu de tennis-baratin, puis j'entre tête boulée dans le vif de la question- J'ai neutralisé un gros trafiquant d'armes et son complice.

Il est essentiel pour moi que ces gens soient mis au secret absolu pendant au moins trois jours... Pouvez-vous le faire?

Il

soulève son vieux bitos verd‚tre et gratte d'un index embarrassé sa manufacture de pelli≠cules.

-

C'est que...

M... arabe! ça commence mal... Il fait sa chochotte, le Cherio... Il est vrai qu'en Suisse, on ne connaît que le droit chemin, fort de ce qu'il est le plus court d'un point à un autre.

-

C'est que quoi, inspecteur?

-

Je ne puis incarcérer quelqu'un sans motif

-

Ces gars-là sont des pirates et vous voulez un motif...

-

Je ne nie pas que ce soient des pirates, mais ça n'est pas à moi, vous devez le savoir, de décider leur arrestation. Je ne suis qu'un simple inspecteur...

Je réfléchis.

-

Ils se sont livrés sur moi à une tentative de meurtre. Je porte plainte contre eux...

-

Alors, il faut aller à la maison de police déposer une plainte en bonne et due forme...

La moutarde me grimpe au nez. Je m'efforce au calmeSi je dépose plainte contre eux, ça donne] un procès, n'est-ce pas ? il y aura de la publici autour de la chose?

- Naturellement

-

C'est précisément ce que je veux éviter... Soudain, je me frappe le front...

- J'ai trouvé... Supposez qu'ils soie' ivres... Supposez qu'ils vous insultent... Voi les arrêteriez pour outrage à magistrat et ivres: sur la voie publique?

- Oui.

- O.K., alors asseyez-vous et patient< encore dix petites minutes, je vais arranger ça..

Je monte dans la piaule o˘ m'attend Camigi.

- A nous deux, mon petit pote, fais-je... '1 vas...

Je la ferme... Il ne va plus rien faire du tout. il est violet comme un évêque et ne respi plus... Je suis complètement ahuri parce que E n'est pas la première fois que je b‚illonne i gars... J'ai assez de doigté pour ces sortes choses...

Je pige tout et, malgré la gravité de la situ tion, je ne peux retenir un sourire...

L'ironie du sort, les gars ! Le hasard, ce grai maître, etc., etc. Figurez-vous qu'une fois set mon assassin a tenté de se débarrasser de s entraves... Il a tiré dessus, s'est trémoussé, brel faire un tel chahut dans le lit que l'une de quatre boules de cuivre qui en ornaient le frontol et qui ne devait pas être vissée à fond, lui es dégringolé sur le pif... Il a saigné du nez... sang s'est coagulé, et comme il ne pouvait respi rer par la bouche, il est mort asphyxié... Ma fo c'est ce qu'on peut appeler la justice im.mE nente...

Je le débarrasse de ses liens, du b‚illon... J roule le tout en boule et j'en fais un paquet. Ensuite de quoi je saisis la bouteille de rhum je m'évacue en vitesse à la cave... Pourvu qt Bucher ne soit pas canné aussi!

Non, il est bien vivant... Il tourne vers moi s pauvres yeux inquiets.

-

Alors ? fait-il...

-

Alors ça colle... Je les ai eus... Dans trc jours, vous aurez votre fille...

Il reste très soucieux.

- Mon Dieu, fait-il, enlevez ces saloperies sur moi... J'étouffe...

- Minute, Bucher... Il faut que nous parlie un peu auparavant.

- qu' avons~nous encore à dire?

- Maintenant, c'est moi qui suis Bucher p( les gens de la Ligue. Il est donc indispensal que vous disparaissiez pour quelques jours de circulation.

Vous allez avaler quelques centili-

Peu importe, signe-moi tout de même

un mot disant que tu donnes toute qualité au porteur de la présente pour réceptionner les marchan≠dises...

Il

obéit... Muni de ce matériel, je lui tends la bouteille de rhum...

-

Bois!

-

Je n'aime pas le rhum...

-

M'en fous, avale!

Il refuse toujours.

-

C'est ça ou du plomb dans les tripes... T' as le choix, mais décide vite

Il

avale du rhum...

-

Encore... Tiens, finis le flacon...

Il le vide.

Vous croyez peut-être qu'un demi-litre de Saint James va le mettre en l'air ? Pas du tout ! Il est aussi tranquille qu'avant de s'être mis le goulot sous le nez...

-

Bon, maintenant monte... Tu verras une grande armoire... Cogne-lui dessus, vu?

-

EntenduD'une bourrade, je pousse Bucher dans le salon o˘ attend le patient CheriBucher, propulsé par mes soins, lui choit dessus.

J'adresse un coup d'oeil au policier.

- Hé, dites donc, grommelle Cherio... Vous ne pouvez pas faire attention?

Bucher reste un moment indécis. Je lui plante le canon du feu dans les reins...

Alors il file un ramponneau dans la m‚choire de Cherio... Vous pouvez être certain qu'il n'est pas manchot, l'Amerlock! Le flic bascule par≠dessus sa chaise et s'étale, sonné comme un tocsin

En soufflant, il se relève... L'autre l'attend de pied ferme.

- Si tu bouges, t es mort! lui dis-je... Frapper un policier suisse ! Non, mais t'es malade, je te jure ! Voilà un truc qui va te co˚ter chérot, pas vrai, m'sieur l'inspecteur ?...

Cherio se masse les croqueuses. Il n'a pas l'air content du tout. Sans doute doit-il vouer mon ami Bodard à tous les diables pour l'avoir embarqué

dans cette galère...

D'un geste expert, il sort des menottes et les passe aux poignets de Bucher...

- Je vous arrête ! dit-il...

Puis il m'attire dans un coin...

-

Bon, vous le voulez trois jours au cachot?

-

Oui. Et au secret le plus absolu ! Ne lupermettez pas de communiquer avec l'extérieur, ne faites aucune commission dont il serait sus≠ceptible de vous charger, compris?

-

Comptez sur moi...

Cherio va pour sortir avec son sujet. Il se ravise:

-

Ne m'aviez-vous pas dit qu'ils étaient deux ? demande-t-il...

-

Si... Mais l'autre est parti en voyage... «a ne contrarie pas Cherio, au contraire... Des clients qui lui déballent des bouquets champêtres comme celui de Bucher, moins il en a mieux ça vaut!

CHAPITRE XFélicie est transportée d'allégresse en voyant revenir son petit gars sain et sauf... Ma blessure est refermée, en bonne voie de cicatrisation. Je la lui montre afin de la rassurer.

- J'ai beaucoup tremblé pour toi, dit-elle. J'avais l'impression que tu courais un grand danger!

Je rigole en pensant à mon plongeon du sixième.

- Tu plaisantes, m'man, ç'a été une vraie partie de plaisir...

Je la questionne sur l'enquête de police concernant la mort de Sion. Elle me dit que les pandores ont appris la nouvelle à la belle rou≠quine...

Celle-ci s'est trouvée mal (moi je la trouvais bien). Ce petit cinéma a d˚

impression≠ner ces braves Ritals si amoureux des démonstra≠fions exagérées-qu'est-elle devenue ? m'enquiers~je.

- Elle est partie le jour même...

- Eh bien, m'man, nous allons faire une petite virouze aussi...

- quand?

- Dès demain... Je vais te faire visiter Gênes Elle me sourit.

-

Je croyais que nous étions beaucoup plus près de Venise?

-

C'est juste; m'man, t'as la géographie dans I oeil, seulement j'ai encore une petite affaire de rien du tout à régler à Genova!

Elle soupire:

- Encore!

-

Oui... Ce sera la dernière... Après on revient passer huit jours ici, et je te mènerai àVenise, Rimini, etc. Des petits pachas, je te pro≠mets...

Gigi nous sert un repas particulièrement copieux et succulent... Les autres pensionnaires sont aimables tout plein. Ils nous disent qu'ils aiment beaucoup la France, malgré la couennerie de ceux qui prétendent présider à

ses destinées. Je vois que, par sa gentillesse modeste, Félicie les a tous conquis...

On lui cède le meilleur fauteuil devant le poste de télé. Ce soir, on donne un film formidabld'avant 38. Une superproduction naveteuse avec Marlène Dietrich dans le rôle de Marlène Dietrich et je ne sais plus quelle truffe dans celui d'un autre ! «a chiale du début à la fin. On voit une jeune femme dont le mari est tyrannique, empêché du zozor et affilié à un réseau d'espion≠nage.

Il la bat, la fout par terre à tout bout de champ, ce qui est grave, et à

tout berzingue, ce qui est pire.

La Marlène se venge avec un gars du réseau adverse... Le mari tue l'amant... J'en suis là lorsque la petite Martha se faufile près de moi...

Elle me glisse une main dévastatrice le long du genou. J'en suis gêné!

Elle a des projets précis que nous grimpons réa≠liser dès que possible. En supergala, sous le haut patronage d'honneur de Monsieur le Président de la République, je lui joue "On défoule Paméla" puis "Bien lavé ça ressert ", drame hydrothéra≠pique en deux actes et à la chlorophylle Le lendemain matin, nous nous levons malgré tout assez tôt... Je conseille à Félicie de prendre sa chemise de nuit et sa brosse à dents... Un expresso, et fouette cocher! Nous partons pour Genova, via Firenze...

A cause des routes en lacet, il nous faut la journée pour atteindre le grand port qui donnnaissance à Christophe Colomb, le plus espagnol des Italiens, qui, comme chacun le sait, découvrit qu'en découpant l'extrémité

d'un oeuf dur, on pouvait le faire tenir debout'

Ces randonnées au volant me fatiguent. Pour des vacances peinardes, vous admettrez que je suis g‚té ! Après ça, on pourra m'inscrire pour le prochain Rallye de Monte-Carlo!

Nous atteignons Gênes au crépuscule... Le ciel est d'un bleu tirant sur le mauve... Mille et une lumières brillent dans le port.

C'est féerique! Les gratte-ciel dominant la ville ressemblent à une espèce de seconde ville en suspens au-dessus de la première... Nous des≠cendons dans un hôtel important et nous allons illico sur le port... Une fois là, je me rencarde sur le Wander Un type fringué comme un as de pique défraîchi et portant une casquette galonnée me renseigne... Je ne mets qu'un quart de plombe à dénicher le barlu dans cette armada de b‚timents de tout poil...

C'est un vieux carg1. Conscient de la mission éducative d'un écrivain, je pense que Christophe Colomb a également découvert l'Amérique. C'est un détail de sa vie que beaucoup de gens ignorent ; prin≠cipalement les Américains, qui ont tendance, eux, à découvrir l'Europe. Indirectement, Colomb est donc le père du Coca-cola, du chewing-gum et de Dillinger. C'est de cette triple découverte qu'est née l'expression: " Ben, mon Colomb !

poussif, noir comme un curé, avec une grosse cheminée baguée d'un cercle rouge.

Il

est immobile sur l'eau huileuse; inquié≠tant... Du moins pour moi qui sais ce qu'enfer≠ment ses flancs.

Je dis à Félicie de m'attendre un peu à l'écart et je monte à bord... Un gars se présente à moi sitôt que j'ai mis le pied sur le pont.

Il

a un maillot cradingue, une casquette à la visière cassée. Il me pose une question en italien.

-

Vous parlez français ? je demande...

Il

secoue la tête... Puis lève la main en me fai≠sant signe qu'il va me chercher quelqu'un de compétent.

Il

s'évacue et je renifle un peu l'atmosphère... Plutôt malsaine... Je ne sais quoi d'hostile, de pénible, me hante comme une nuit écossaise.

J'en ai un frisson gluant le long de l'échine. quelques minutes s'écoulent et un officier paraît. Il est court sur pattes, trapu, avec une barbe poivre et sel et des yeux chafouins.

- Vous désirez ? me demande-t-il en un fran≠çais guttural.

- Voir le capitaine Fulmer.

- C'est moi

Je souns...

- O.K... Je suis le collaborateur dne bronche pas, attendant la suite...

- Bucher n'a pas pu venir parce qu'il lui est arrivé un petit truc f

‚cheux...

Je souris pour l'amadouer, mais il reste de bois.

- Il est incarcéré à Montreux (Suisse)... Je crois remarquer qu'un sourcil du capitaine se soulève...

- Rien de grave: il a eu des mots avec un inspecteur et l'autre était un grincheux...

Je me fouille

- De toute façon, c'est moi qui devais venir... Voici un mot de Bucher à

votre inten≠tion...

Je lui donne le billet que j'ai pris la précaution de faire écrire par l'Amerluche. Le capitaine le ligote en fronçant les sourcils. Puis il me dit:

- Un instant, s'il vous plaît...

Et il disparaît dans la coursive... Le mataf qui m'a reçu paraît et vient se placer devant l'échelle... Le capitaine a d˚ lui donner des ins≠tructions à mon sujet, car l'autre me regarde avec l'air de ne pas vouloir me laisser descendre si j'en avais envie. Je remarque que son futal fait une grosse bosse à droite... O˘ diantre Fulmer est-il allé? Je suis vaguement inquiet... Dix minutes s'écoulent, enfin il réapparaîtSon expression a changé. Il paraît détendu, presque courtois.

- «a va, dit-il... Descendez...

Je le suis, prêt à empoigner l'ami tu-tues en cas de malheur... Je descends l'escalier roide qui conduit à la coursive... Je file le train à l'officier jusqu'à sa cabine... C'est propre, beaucoup plus propre que l'état du barbu ne le laisserait suppo≠ser, ripoliné, avec des coussins, des flacons inté≠ressants...

- Asseyez-vous, me dit Fulmer...

Je m'assieds.

- Excusez, fait-il... Mais j'ai préféré compa≠rer l'écriture de Bucher avec une lettre de lui que je possède... Il vaut mieux pécher par excès de prudence, n'est-il pas vrai?

- qui songerait à vous donner tort... Mais j'ai eu chaud. Si le gars San-A n'était pas d'une prudence extrême, il se serait fait faire marron en la conjoncture!

Je tire de mon portefeuille les paperasses piquées à Bucher et les tends au capitaine...

- Je crois que c'est pour les opérations doua≠nières... Il est question de coton...

Et je rigole manière de lui indiquer que ce coton-là ne servira jamais à

faire des panse≠ments, bien au contraire

- Bon, tranche-t-il après avoir pris posses≠sion des fafs... Comment vont se dérouler les opérations?

Je hausse les épaules.

- A vrai dire, je n'en sais rien encore... Nos acheteurs sont des gars très prudents... Je les rencontre demain à dix heures sur le quai... Je pense qu'un transbordement aura lieu... imme≠diatement. Soyez prêt avec vos hommes...

Je me lève... Je soupire en pensant à mon stylo. L'occasion de l'utiliser est rêvée... Si je le glissais dans un coin de la cabine du pitaine, tout sauterait... Seulement il y aurait du dég‚t dans le port. vu le chargement du ....... De plus, la petite serait fichue car les Arabes, privés de leur camelote, s'en débarrasseraient rapidos

Non, il faut attendre demain en espérant très fort que tout ira bien.

- A demain, capitaine Fulmer... Et ravi de vous avoir connu...

Il me dit:

- J'espère que Bucher vous aura remis l'argent!

Du coup, j'ai l'oesophage qui se déguise en corde à noeuds.

- Naturellement...

Il sourit.

- Et... bien entendu vous me verserez l'argent du fret avant le déchargement?

-

«a va de soi

Je suis plutôt dans les ennuis, vous ne trouvez pas?

-

Il ajoint la prime?

C'est le moment de préciser...

-

Il m'a donné une somme globale pour vous, sans la détailler, vous vous attendiez àcombien?

J'ai parlé sec, en type que ces questions presque administratives emmouscaillent prodi≠gieusement.

-

Cinquante, dit-il...

Je pense que ce sont des dollars ! A moins qu'il ne s'agisse de millions de francs... Dans le doute, je m'abstiens.

-

Il m'en a donné cinquante-cinq.

Le visage de l'autre s'épanouit.

-

Parfait...

On se serre la louche très énergiquement, en vieux potes de toujours et, l'allure dégagée, je vais rejoindre Félicie qui commence à trouver le temps long.

CHAPITRE XVI

Dix plombes du matin!

Il y a un ramdam formidable sur le port. Brouhaha confus. intense! Les sirènes qui ulu≠lent dans le ciel d'azur... Des gars qui galopent Des wagonnets sur des rails... Des grues avec leur zonzonnement régulier... Et des cris, des exclamations, des interjections, des onomatopées!

J'ai, de bon matin, affranchi Félicie sur le rôle qu'elle allait devoir jouer... Elle est bouleversée en sachant que la petite fille de l'hôtel K2

va lui être confiée et qu'elle devra la mettre à l'abri...

- Ton bizeness est simple, lui ai-je dit. Je me planterai bien en vue...

Les types arriveront... Ils auront la fillette. Toi, tu te tiendras cachée àl'écart... Je dirai à Carolyne de te rejoindre... A cet instant, il y aura sur le quai une ambulance que je viens de commander en prétendant qu'elle était destinée à une enfant malade qu'on doit débarquer.

" Tu prendras l'enfant dans tes bras et tu iras àl'ambulance... Nous sommes à l'hôtel Ferrari, Via Emmanuel Il, ne l'oublie pas... Donne sim≠plement cette adresse et attends-moi dans ta chambre avec la petite... "

- Et toi ? a-t-elle murmuré...

- Ne t'occupe pas, j'en aurai presque fini...

- J'ai peur pour toi!

- Occupe-toi seulement de la gosse! San≠Antonio a son ange gardien! Je l'ai convoqué pour ce matin...

C'est à lui que je pense, à mon ange gardien... Il s'appelle Félicie et, d'o˘ je suis, en faisant les cent pas, je l'aperçois, immobile entre deux montagnes de caisses sur lesquelles le mot CUBA est écrit en caractères grands comme ça

A cinquante mètres de là, l'ambulance mandée est stoppée... Son conducteur, un jeune gars brun en blouse blanche, fume une cigarette, assis sur le marchepied du tank...

De ce côté-là, ça joue...

Un clocher essaie de sonner dix coups dans le tumulte.

Je regarde ma montre, elle se déclare entière≠ment d'accord avec lui.

Bon Dieu, ces ouistitis ne vont pas tarder,

j'espère... J'ai les nerfs qui sont survoltés... Un de ces quatre, faudra que je leur fasse mettre un disjoncteur

Une minute s'écoule, puis deux, puis trois...

Je piaffe ! qu'est-ce qu'ils maquillent, les Ben Bougnouls brothers ? Est-ce qu'il y aurait contror≠dre ? Est-ce que cette came de Bucher serait par≠venu à feinter Cherio ? Est-ce que...

Soudain une main me frappe sur l'épaule. Je saute : c'est le plus jeune des Arbis, toujours avec son bath pardingue en poils de camel.

- Fidèle au rendez-vous, monsieur Bucher? fait-il de sa voix nasale.

Je lui souris.

- O˘ est l'enfant?

m Elle va arriver... Auparavant je voulais assurer que vous étiez bien seul... Je suis ici

depuis six heures du matin!

- Non mais, qu'est-ce que vous croyiez?

- Rien, je redoutais seulement... J'ai vu qu'il n'y avait que la vieille dame... Parfait...

Il ôte son chapeau marron et s'en évente la frime. C'est un signal... Une bagnole radine... Mon battant bondit dans ma gorge. A l'intérieur j'aperçois l'autre Africain avec Carolyne. Saine et sauve ! Et puis, en même temps que je vois l'enfant, je pense à une chose terrible ! La gosse ne va pas me sauter au cou... Ni m'appeler

papa... Au contraire, comme elle se rappellera que je l'ai un peu brutalisée l'autre matin, elle va avoir les chocottes...

Je souris...

- Bon... Vous avez aussi l'argent?

- Mon collègue l'a...

Je vais pour m'approcher de l'auto, mais il me retient.

- Minute... Avant de récupérer l'enfant, vous allez me dire sur quel bateau se trouve la marchandise. J'irai vérifier... Si ça va, on vous rend la gosse... Sinon l'auto démarre et vous n'entendrez plus jamais parler de la fille! Et puis n'approchez pas de la voiture car elle filerait également...

Autre chose: donnez-moi votre revolver!

J'hésite et le lui tends.

Ce sont des fortiches... Je me dis que leur coup est minutieusement préparé.

J'attends donc après lui avoir désigné le Wander.

L'Arbi s'y dirige, grimpe l'échelle et se met àparlementer sur le pont avec... Je ne suis qu'une intense prière... Pourvu que tout aille bien! Si par hasard l'auto s'éloigne, je suis bourru. Pas moyen de tirer dans les pneus...

Je piétine et me tords les doigts en adressant des risettes à l'enfant qui me regarde d'un air

craintif, le nez aplati contre la vitre de l'auto. L'autre zèbre n'a d'yeux que pour son aminche... Pourtant je l'ai vu déplacer son rétroviseur, ce qui lui permet de surveiller itou mes réactions.

Un instant s'écoule... Le gnare descend de la passerelle... Il s'approche de moi.

- «a me paraît régulier, Bucher.

- Alors, rendez-moi la gosse...

,-Attendez! Le transbordement ne Œeut s effectuer ici... Je l'ai prévu en pleine mer... Vous allez donner des ordres à votre capitaine pour qu'il appareille. Vous viendrez avec l'en≠fant... Lorsque tout sera fini, je vous remettrai l'argent et vous filerez à bord du Wander Je gronde:

- En voilà assez ! Je ne lèverai pas le petit doigt tant que la petite ne sera pas en sécurité

Ses yeux deviennent presque blancs.

- Et moi je vous dis que si vous n'obéissez pas illico, l'auto fout le camp, compris ?

La sueur me dégouline le long de l'échine.

- Allons-y, tranché-je.

- Montez d'abord...

il faut obéir. Je grimpe. Lui derrière. La porte de l'auto s'ouvre, le plus vieux des deux poils de chameau fait descendre la petite. Il la tire par la main vers l'échelle au milieu de laquelle je me suis arrêté pour voir.

- Avancez ! intime celui qui commande l'expédition.

Mon regard va chercher celui de Félicie entre ces caisses provenant de Cuba.

Elle est folle de désespoir... Elle pige que ça ne se passe pas comme prévu et que nous allons embarquer avec la môme...

Alors la voilà qui s occupe de Carolyne... D'une bourrade maladroite, elle l'envoie de côté. Elle rafle la gosse et trotte vers l'ambulance.

L'Arabe pousse un juron, retrouve son équi≠libre et se lance à la poursuite de m'man. Son pote lui crie des trucs en arabe Je vois Félicie perdre du terrain.

- Attention, m'man ! crié-je à plein chapeau. Je ne sais si au milieu du tintamarre elle a entendu...

Oui ! Elle se retourne... Elle voit l'autre sur elle... Elle recule...

Choc ! Le gars titube encore... Félicie l‚che la gamine et ramasse un morceau de chaîne cassée qui jonche le sol... Il n'y a que quatre ou cinq maillons, mais ils sont mahousses ! Elle lève ce bout de chaîne et l'abat dans la gueule du méchant qui se propulse à terre en bramant.

Le type de l'ambulance a entendu du bruit. Il a contourné les caisses et il assiste à la scène... Il s avance. Félicie prend la petite dans ses bras...

a une bouille implacable.

- Je dis que vous restez ici ! Je ne vous l‚cherai que lorsque j'aurai touché mon d˚...

J'en ai assez de ces histoires

- Mais, vous le toucherez... L'argent est àmon hôtel... Le temps de...

Je file un regard à ma breloque: une minute

vient de s'écouler depuis que...

- Vous deviez l'emporter ce matin.

- Je...

- Vous vouliez me posséder! Si vos inten≠tions avaient été pures, vous ne seriez pas venu sans l'argent... Je tirerai tout ça au clair avec Bucher.

Il crie:

- Hank ! Steve!

Deux matafs du genre " laissez passer ce mon≠sieur " s insinuent dans la coursive... Mon sang cogne à mes tempes. J'ai mal au coeur. Je me sens faible... Le stylo explosif (nouvelle farce et attrape) est en train d'agir... Dans trois minutes, il explosera et on ne retrouvera que ma dent en or!

Le barlu remue... Il quitte le port lentement...

Tant mieux pour les b‚timents voisins...

Fulmer dit quelque chose en danois. Les deux

matafs me cramponnent chacun par une aile et

m'entraînent.

On va au fond de la coursive... Ils ouvrent uneporte, près de la cabine du vieux... Comme ça, je vais être aux premières loges pour le zim-boum≠boum!

Plus que deux minutes et demie... Peut-être même pas... San-Antonio, mon chéri, c'est le moment de faire quelque chose... Les gars me propulsent à

l'intérieur de la cabine... Je vois que le hublot est aveuglé par une plaque de tôle... Rien à faire...

Je me retourne... Incident technique... En me balançant, il m'ont accroché

le pied dans une rai≠nure du parquet et j'ai perdu mon soulier droit. Le plus gros se baisse pour l'enlever car il gêne la fermeture de la lourde.

Je n'hésite pas. Prenant appui sur mon pied déchaussé, j'envoie un ter≠rible coup de chaussette à clous dans le cr‚ne du marin baissé. Il ne dit rien et s'écroule. Je me rue à l'extérieur. L'autre, qui filait déjà, se retourne. Il a droit à un une-deux à la nuque qui lui fait voir le pays d'Hamlet comme à travers un porte-plume souvenir!

Je l'enjambe sans m'excuser et je bombe... J'atteins le bout de la coursive... Je grimpe l'es≠calier... Vite ! Vite ! C'est maintenant une ques≠tion de secondes... Vite, vite... Le capitaine est là... Mais il y aurait une locomotive que ça ne m'empêcherait pas de passer. quand on a lejetons à ce point, aucune force au monde ne peut vous arrêter...

- Arrêtez ou je tire ! aboie-t-il.

- Ta gueule, hé, c... ! lui l‚ché-je malgré mon essoufflement. Ton barlu va sauter, j'y ai placé une bombe!

Il est tellement éberlué qu'il ne pense pas àprendre son pistolet. Je traverse le pont en quatre enjambées.

Le temps me scie les oreilles. Je crois que la fatale seconde va se produire...

Je pique dans la baille... Nom d'un cannibale à roulettes ! ça devrait être maintenant... Oui, ça devrait... A moins que j'aie perdu la notion exacte du temps?

Je nage comme un fou en direction du port. Nous n'avons pas encore franchi la jetée. Je nage comme un dingue. Et il ne se produit toujours rien... Je nage encore, encore... Je nage... Je dépasse un b‚timent qui gagne les quais... Et j'espère pour ma peau... Si l'explosion se pro≠duit maintenant, je m'en sortirai peut-être.

Alors?

Alors quoi... Je suis loin du Wande r... Je me retourne et le vois sur le point de sortir du port... Est-ce que je n'ai pas su armer le stylo ? Est-ce qu'il était de qualité inférieure ? Est-ce qu'il a du retard ? Est-ce..soudain, ce que j'attendais, ce que je redou≠tais, ce que j'espérais, se produit... Il y a une fonnidable explosion, suivie, ou plutôt accompa≠gnée, d'une chiée d'autres. C'est une grappe de bruits infernaux Le tonnerre à l'état pur ! La quintessence du bruit!

La flotte a un grand frisson profond... Je fais la planche et je regarde...

A la place du Wande, il ne reste que d'extraordinaires débris et un nuage de fumée qui évoque le champignon de Bikini1!

CONCLUSIONous avons passé une bonne fin de vacances, Félicie et moi. J'ai télégraphié à Bucher, lequel, après son séjour au cambron, est venu récupérer sa petite. Je pense qu'il va orienter son activité d'un autre côté, car il a eu chaud aux plumes.

Un coup de tube au Vieux pour lui dire que tout a bien boomé. Je lui ai fait part du retard de l'explosion et il a souri.

- Elle devait se produire un quart d'heure après l'amorçage, m'a-t-il expliqué, radieux... Mais je connais votre imprudence... J'ai voulu vous laisser une marge de sécurité...

- Elle m'a sauvé la mise...

- Alors, tant mieux, je ne sais pas trop o˘ je pourrais trouver un garçon comme vous!

Sur ces bons mots j'ai raccroché... Martha était derrière moi, avec son air désenchanté, sa peau blanche, ses yeux bleus, son petit sourirqui réclame du bonheur.., et qui vous en donne tant que vous en voulez Elle s'est approchée:

-

qu'est-ce que vous faites ce soir? a-t-elle murmuré.

Je l'ai regardée:

-

Comme d'habitude, ai-je ricané, le fan≠tôme dans les couloirs de l'hôtel après minuit

FIN

le livre se fini comme sa!