9. 
– Brent ne m’a pas prêté d’argent, confirma-t–elle en soutenant son regard, feignant d’ignorer les battements précipités de son cœur. Quand bien même il l’aurait fait, j’aurais mis un point d’honneur à le rembourser. 
– Pourquoi as-tu été obligée de quitter ton appartement ? 
Sofia vacilla sous la dureté de son regard. 
– Je suis très étonnée que tu ne le saches pas. 
– Dis-le-moi. 
Sofia exhala un soupir résigné. 
– Ma colocataire a organisé une fête qui a dégénéré. L’appartement a été dévasté. C’est mon nom qui figurait sur le contrat de location, j’étais donc légalement responsable de ce qui s’était passé. 
– Et tu t’es empressée de confier tes malheurs à Brent, déclara Kain d’un ton railleur. 
– Non ! 
A la vérité, elle avait effectivement parlé à Brent de la situation délicate dans laquelle elle se trouvait. Et lorsque ce dernier avait proposé de l’héberger, elle avait accepté avec gratitude. 
Elle releva le menton. 
– Les arrangements que nous avons conclus, Brent et moi, ne te regardent pas. 
– C’est là où tu te trompes. Tu ne fais plus partie de la vie de Brent, je croyais que tu l’avais compris. Combien lui dois-tu ? 
– Rien du tout. Il s’est juste prêté caution pour un petit prêt que j’ai contracté auprès de ma banque. 
Kain hocha lentement la tête. Ses yeux clairs brillaient d’un éclat métallique. 
– Pourquoi ne vends-tu pas le diamant qu’il t’a offert pour rembourser ce prêt ? 
– Parce que ce diamant n’a jamais existé ! répliqua-t–elle en le foudroyant du regard, les joues en feu. Brent ne m’a jamais offert de bague. Quand bien même il aurait eu envie de le faire, jamais je n’aurais accepté pareil cadeau ! 
Elle s’interrompit avant de conclure d’un ton cinglant : 
– Tu peux penser ce que tu veux de moi, ça m’est complètement égal, mais pourquoi méprises-tu ton cousin à ce point ? 
La bouche de Kain prit un pli dur. 
– Tu ne sais pas de quoi tu parles. 
Sofia laissa échapper un rire amer. 
– Tu es tellement sûr de ton jugement infaillible que tu ne vois même plus les gens tels qu’ils sont en réalité ! 
Ils se mesurèrent du regard. La tension qui régnait entre eux était presque palpable et Sofia dut fournir un effort considérable pour contrôler la poussée d’adrénaline qu’elle sentait couler dans ses veines. 
– Tout cela est ridicule, reprit–elle finalement d’une voix lasse. 
Le visage parfaitement impassible, Kain haussa les épaules et tourna les talons. 
– Va préparer tes affaires. Nous partons. 
***
Le trajet jusqu’à Auckland se déroula dans un silence pesant. Les nerfs à vif, Sofia garda les yeux rivés sur le pare-brise. Dans l’habitacle confiné de la voiture, la proximité de Kain était encore plus intimidante… 
Arrivés à l’appartement, il lui montra sa chambre et annonça qu’il allait réserver une table pour deux au restaurant qu’abritait l’immeuble. 
Sofia acquiesça d’un signe de tête. La soudaine froideur de son compagnon faisait naître en elle des émotions contradictoires – un mélange de soulagement, de déception et de frustration qui la déstabilisait profondément. 
Assise au bord du lit, elle laissa passer quelques minutes avant de se lever pour se diriger vers la salle de bains attenante. A quoi bon se morfondre ? Elle se trouvait de nouveau dans une situation délicate qu’elle comptait bien surmonter le plus dignement possible. 
Elle se sentit plus apaisée après une douche froide et une séance de maquillage durant laquelle elle se força à respirer lentement, profondément. Puis elle choisit sa tenue – une robe noire à la fois sobre et élégante, avec un col rond très sage et des manches longues, des bas noirs et des escarpins à talons hauts. 
Après avoir vérifié une dernière fois son maquillage et sa coiffure, elle sortit de sa chambre. Son cœur battait à coups sourds lorsqu’elle longea le couloir en direction du salon. 
Plongé dans la lecture d’un dossier, Kain leva la tête à son arrivée. Le regard long et pénétrant dont il l’enveloppa la fit tressaillir. A l’évidence, il savait très bien pourquoi elle avait choisi une tenue aussi stricte. 
– C’est drôle, murmura-t–il alors d’une voix suave sans cesser de la fixer, alors que je devrais être refroidi par ton allure austère, j’ai très envie au contraire de te déshabiller lentement et d’embrasser chaque centimètre carré de ta peau. Comment expliques-tu une réaction aussi irrationnelle ? 
Elle esquissa une moue provocante. 
– Tu es insatiable, c’est tout. 
Il haussa les épaules et jeta un coup d’œil à sa montre. 
– Allons manger, dit–il en se levant. 
En proie à un curieux sentiment de déception, elle entra à sa suite dans l’ascenseur privé qui les conduisit rapidement au restaurant de l’immeuble. 
Aussi bizarre que cela puisse paraître, Sofia découvrit qu’elle avait une faim de loup. Et comme par enchantement, Kain redevint le compagnon charmant, attentionné et cultivé qu’elle avait entraperçu à plusieurs reprises. Ils abordèrent des sujets passionnants et Sofia prit un réel plaisir à confronter ses opinions aux siennes. 
De retour à l’appartement, Kain appela Geoff, qui lui apprit que Corky allait déjà beaucoup mieux : ses blessures étaient moins graves qu’elles en avaient l’air. Quant à son frère, il se remettait peu à peu, et ses jours n’étaient pas en danger. 
La semaine qui suivit fut particulièrement chargée, mais Sofia trouva toutefois le temps de rendre visite aux deux adolescents hospitalisés. Après lui avoir réservé un accueil chaleureux, Corky lui apprit que Kain était passé les voir la veille, les bras chargés de jeux vidéo. Son frère était sorti des soins intensifs et ne tarderait pas à le rejoindre dans le même service. 
***
La vente aux enchères approchait à grands pas et chaque jour apportait son lot de contretemps et de détails à régler. Sofia travaillait d’arrache-pied, efficacement épaulée par Poppy. 
– Tu t’amuses comme une folle, n’est–ce pas ? lança celle-ci d’un ton accusateur après que Sofia eut appelé le traiteur pour modifier in extremis le nombre de convives. 
Sofia ne put s’empêcher de sourire. 
– J’y prends un certain plaisir, c’est vrai, concéda-t–elle en tapant sur son écran d’ordinateur. Cela dit, j’aurais préféré que la compagnie de minibus s’aperçoive un peu plus tôt qu’ils n’avaient pas suffisamment de véhicules à nous proposer pour demain soir. Oh… et si nous louions plutôt des bus à impériale ? Il nous en faudrait moins et ce serait plus original, qu’en penses-tu ? 
Elle se leva et s’étira langoureusement, le regard pétillant d’excitation. 
Poppy fit la moue. 
– C’est bien ce que je disais, tu adores trouver une solution aux problèmes les plus insurmontables… 
Sofia dévisagea sa jeune assistante d’un air songeur. 
– Tu as sans doute raison. 
Un sourire mutin éclaira le visage de Poppy. 
Celle-ci sursauta lorsqu’une voix grave retentit dans le hall d’accueil. 
– Il est l’heure de rentrer chez vous, toutes les deux. 
Le cœur battant à se rompre, Sofia vit les yeux de son assistante s’arrondir de surprise comme Kain avançait vers elles d’un pas souple, plus séduisant que jamais dans un costume sombre à la coupe impeccable. Une vague de chaleur s’abattit sur elle, et elle continua à fixer Kain d’un air hébété. 
– Bonjour, Poppy, reprit ce dernier en gratifiant la jeune femme d’un sourire charmeur. J’ai entendu dire que vous faisiez de l’excellent travail, ici. 
Poppy rougit comme une écolière. 
– J’adore travailler avec Sofia, admit–elle d’une voix altérée par l’émotion. Nous nous entendons à merveille et c’est la première fois que je travaille avec quelqu’un d’aussi compétent. 
– Sofia est faite pour ça, approuva Kain. 
Sofia secoua la tête. 
– Vos compliments me touchent beaucoup, fit–elle en les fixant à tour de rôle, mais j’avoue que j’aimerais assez mettre en veille mon imagination débordante. Si l’un de nos prestataires s’avise encore d’appeler pour nous prévenir qu’il ne pourra finalement pas tenir ses engagements, j’irai me cacher dans les toilettes où je pleurerai toutes les larmes de mon corps… 
Poppy éclata de rire tandis que Kain haussait les sourcils d’un air perplexe. 
– Je crois qu’il est grand temps que je te ramène à la maison pour te préparer un bon dîner. 
Consciente du regard curieux de Poppy posé sur elle, Sofia s’efforça de rester impassible. 
– J’en ai encore pour une demi-heure… 
– Le bon déroulement de la vente aux enchères sera-t–il compromis si tu remets à demain ce que tu avais l’intention de faire ce soir ? 
– Non ! intervint Poppy avec un aplomb qui ne lui ressemblait guère. Papa a coutume de dire qu’on revient toujours sur la dernière décision qu’on prend dans la journée. Et puis, tu n’as même pas pris le temps de déjeuner à midi. 
Sofia leva les mains au ciel en signe de reddition. 
– D’accord, d’accord, je m’incline ! A condition que tu rentres aussi chez toi, Poppy. Tu as travaillé dur aujourd’hui et la journée de demain risque d’être encore plus mouvementée. Rendez-vous demain matin à Totara Bay. 
Poppy se tourna vers Kain avec un grand sourire. 
– J’ai hâte d’y être ! Je suis sûre que la vente va rencontrer un franc succès, compte tenu du cadre idyllique où elle se tient cette année ! 
***
Poppy avait vu juste. Désireux de découvrir l’une des plus belles propriétés du pays, le nombre d’invités n’avait cessé de croître jusqu’à la dernière minute. La foule qui se pressait dans le parc comptait plusieurs stars de cinéma domiciliées à l’étranger, un pilote de course, quelques figures de la vie politique et de nombreux sportifs de renommée internationale. Les hommes avaient revêtu d’élégants smokings tandis que les femmes, parées de leurs plus beaux bijoux, resplendissaient dans des robes de soirée de grands couturiers. 
Il flottait dans l’air un parfum d’euphorie qui se mêlait à la fragrance subtile des gardénias. Après avoir dégusté de savoureux cocktails et des amuse-bouches raffinés, les convives prirent place sous la marquise pour la vente aux enchères. Là, dans une ambiance à la fois électrique et conviviale, les tableaux furent présentés et âprement disputés – les prix de vente atteignirent même des sommets, à la grande satisfaction de Mark Russell, le directeur de la fondation. 
– C’est de loin la meilleure vente que nous ayons jamais faite, déclara-t–il en serrant chaleureusement la main de Kain. Et c’est grâce à vous. Vous nous avez sauvé la mise in extremis. Votre propriété est l’écrin idéal pour ce genre de manifestation… une pure merveille, vraiment ! 
– Il faut aussi dire que l’événement a été orchestré de main de maître par Sofia, fit observer Kain d’un ton neutre. 
Le visage de Mark s’éclaira. 
– Vous avez raison ! s’exclama-t–il en lâchant la main de Kain pour prendre Sofia dans ses bras. Félicitations ! A la vérité, je n’ai jamais douté de vos capacités à organiser ce genre d’événement – c’est la meilleure secrétaire de direction que j’aie jamais eue, ajouta-t–il à l’attention de Kain qui observait la scène d’un air indéchiffrable. 
– Poppy m’a beaucoup aidée, intervint Sofia en gratifiant son assistante d’un clin d’œil complice. Nous formons une excellente équipe, toutes les deux. 
Mark se tourna vers sa fille dont les pommettes empourprées trahissaient l’embarras. 
– Je suis très impressionné, ma chérie, murmura-t–il en l’embrassant affectueusement sur la joue. 
Sofia se raidit imperceptiblement lorsque le photographe de la soirée fit son apparition. Au prix d’un effort, elle parvint à afficher un sourire de circonstance. Bien qu’elle n’ait aucune envie de voir sa photo dans les pages mondaines des journaux, elle savait que cela ferait de la publicité à la fondation et à Mae qui lui avait prêté pour l’occasion une robe de soie noire à la fois sobre et ultrasophistiquée. 
Après le départ du photographe, Sofia put enfin savourer pleinement l’intense satisfaction qui l’habitait. La soirée se déroulait comme dans un rêve. La pleine lune projetait sur l’estuaire et les îles voisines une clarté opalescente. Nimbé d’une lumière irisée, le parc prenait des allures de jardin enchanté. Personne n’avait envie de quitter les lieux. 
Après que Mark eut annoncé le montant stupéfiant des sommes recueillies ce soir-là, un tonnerre d’applaudissements éclata et le champagne coula à flots. Une heure plus tard, les convives déambulaient encore dans le jardin en riant et bavardant, visiblement sous le charme du lieu. 
Kain était resté près d’elle tout au long de la soirée. Terriblement sexy dans son smoking coupé sur mesure, il s’était montré aimable et attentionné envers les invités qui évoluaient dans sa propriété. 
Perdue dans ses pensées, Sofia leva les yeux vers lui et retint son souffle en croisant son regard intense, empreint de gravité. Elle tressaillit comme sous le coup d’une décharge électrique puis se figea, éblouie par le flash d’un appareil photo. 
– Merci ! lança le photographe avant de disparaître dans la foule. 
Légèrement étourdie, Sofia se tourna vers Poppy qui venait de les rejoindre. 
– Je crois que nous devrions commencer à battre le rappel. 
Une heure plus tard, le traiteur fut le dernier à quitter les lieux et la gouvernante prit congé, non sans avoir vérifié méticuleusement l’état de sa cuisine. 
Sofia se retrouva seule avec Kain. Après le départ des invités, il avait retiré sa cravate et ouvert le col de sa chemise. Le contraste entre l’étoffe d’une blancheur éclatante et sa peau cuivrée était si érotique qu’elle détourna précipitamment les yeux. 
– Tu es sur les nerfs, dit–il en lui tendant une flûte de champagne. 
Comme elle secouait la tête par réflexe, il insista : 
– C’est ton premier verre d’alcool de la soirée, ça va t’aider à te détendre, tu verras. 
Elle avala une gorgée du liquide doré et pétillant et savoura la sensation de fraîcheur. 
– La fondation te doit une fière chandelle, dit–elle en souriant. Si tu n’avais pas suggéré que la vente ait lieu chez toi après le désistement des Brown, nous aurions été dans une situation plus que délicate. 
– Je n’ai rien fait de particulier. C’est toi qui as tout organisé. 
– Je n’étais pas seule. 
Il esquissa un sourire espiègle. 
– J’ai du mal à croire que Poppy t’ait beaucoup aidée. 
– Et pourtant, si ! Cette jeune fille timide possède une vivacité d’esprit exceptionnelle et un carnet d’adresses à faire pâlir toute la jet–set néo-zélandaise ! Elle connaît toutes les figures importantes du pays. Si ce n’est pas elle qui est allée à l’école avec untel ou untel, ce sont ses parents ou bien ses cousins. Sans compter que les Russell forment une grande famille… 
– On dirait que ça te fait envie, fit observer Kain en la fixant avec attention. Tu n’as réellement aucun parent ? 
Sofia posa sa flûte de champagne. 
– Pas à ma connaissance, en tout cas. Mon père a grandi dans des familles d’accueil et des orphelinats. 
– Et ta mère ? 
– Mon père n’en parlait jamais. Tout ce que je sais, c’est qu’ils s’étaient rencontrés dans un foyer pour orphelins. 
Kain hocha la tête en silence. Désireuse de revenir à des sujets moins intimes, Sofia déclara d’un ton neutre : 
– Merci pour tout, Kain. 
Soudain, il posa les mains sur ses épaules et l’obligea à lui faire face. En croisant son regard clair voilé par le désir, Sofia fut parcourue d’un long frisson. 
– Il existe d’autres manières beaucoup plus intéressantes de remercier quelqu’un. 
Elle aurait dû lutter, oui… Elle aurait dû le repousser parce qu’ils jouaient là un jeu dangereux, mais elle avait tellement envie de lui ! Pire encore, elle avait besoin de lui et le désir intense, incontrôlable, qui la consumait anéantissait toutes ses résolutions, toute sa prudence. 
En proie à un doux vertige, elle eut l’impression que ce baiser brisait d’un coup le barrage des émotions qu’elle s’était efforcée de réprimer depuis sa rencontre avec Kain. Presque douloureusement, elle comprit soudain qu’il ne s’agissait pas là d’une simple attraction physique, un désir purement charnel qui s’essoufflerait au fil d’étreintes enfiévrées. Non, c’était bien plus grave que ça… Malgré tout ce que Kain représentait à ses yeux, malgré tout le mépris qu’il lui vouait, elle était tombée amoureuse de lui. Oui, elle l’aimait. Et elle l’aimerait toute sa vie. 
Tandis que les lèvres de Kain caressaient les siennes, elle accepta ce que lui offrait son destin et s’efforça de ne pas songer à l’avenir. 
Les bras de Kain se resserrèrent autour d’elle. 
– J’ai envie de toi. Maintenant, murmura-t–il d’une voix rauque. 
Il la souleva dans ses bras et l’emmena dans la chambre où elle s’était installée. Là, dans la pénombre fraîche, il relâcha doucement son étreinte et l’attira contre lui. 
Puis il reprit sa bouche dans un baiser à la fois avide et sensuel. 
– Si je m’écoutais, j’arracherais volontiers cette jolie robe qui épouse à merveille les lignes de ton corps si désirable, chuchota-t–il contre ses lèvres. Mais je suppose qu’il faut y faire attention… 
– Oui, répondit–elle dans un souffle avant de se déshabiller rapidement. 
La respiration de Kain se fit saccadée et elle fut parcourue d’un long frisson de volupté, tant elle était grisée par l’intensité de leur désir. En culotte et soutien-gorge de dentelle, elle se pencha gracieusement pour retirer ses sandales à talons. 
– Je vais t’aider, dit–il. 
D’un geste adroit, il dégrafa son soutien-gorge et fit glisser les fines bretelles le long de ses bras. 
– Enlève ta chemise, murmura Sofia, parcourue de mille frissons exquis. 
Il s’exécuta et elle posa une main tremblante sur son torse, à l’endroit où son cœur battait à coups sourds. Sa peau était lisse et chaude, infiniment sensuelle sous ses doigts. 
– Regarde-moi, ordonna-t–il. 
Elle leva les yeux et il la prit dans ses bras dans un geste presque brusque, la plaquant contre lui pour réclamer ses lèvres dans un baiser exigeant – un baiser qui réclamait tout ce qu’elle avait à lui offrir et lui promettait la même chose en retour. 
Un baiser hypocrite, songea-t–elle confusément, puisque Kain la méprisait. 
Un flot de sensations aussi délectables qu’excitantes chassa bien vite cette pensée, et Sofia se laissa emporter avec délice vers un océan de volupté où plus rien ne comptait que l’homme qui l’embrassait avec fougue. 
Comme dans un rêve éveillé, elle se retrouva allongée sur le grand lit à baldaquin tandis que Kain, simplement éclairé par la lune argentée, achevait de se déshabiller. Le cœur battant à coups redoublés, elle admira les lignes fermes de son corps viril, ses muscles à la fois puissants et déliés. Une onde d’excitation coulait dans ses veines et lorsque, enfin, il vint la rejoindre, elle lui tendit les bras, impatiente de l’accueillir. 
Elle trembla lorsqu’il s’allongea sur elle. N’était–ce pas la dernière fois qu’il lui faisait l’amour ? Car elle deviendrait vite dépendante de cette passion dévorante si elle n’y mettait pas un terme le plus tôt possible, songea-t–elle. Mais elle oublia tout lorsqu’il se pencha vers son sein pour en aspirer et titiller de la langue le téton gonflé par le plaisir. Elle frissonna. 
Il releva la tête. 
– Tu as froid ? Tu veux que je ferme la fenêtre ? 
– Non… J’ai juste l’impression de… de défaillir de plaisir, reprit–elle dans un soupir. 
– Tant mieux… parce que c’est aussi ce que je ressens. 
Lorsque le désir qui les dévorait atteignit son paroxysme, ils s’immobilisèrent et se contemplèrent un long moment. 
Puis Kain murmura quelques mots inintelligibles avant de la faire sienne. Ivre de plaisir, Sofia s’arqua contre lui et plaqua ses mains dans son dos pour l’attirer plus près encore, au plus profond d’elle. 
En parfaite osmose, ils surfèrent sur les vagues du plaisir avant de vivre à l’unisson un orgasme incandescent. 
***
Blottie dans les bras de Kain, Sofia sentit des larmes poindre sous ses paupières closes, en même temps qu’un terrible sentiment de manque et d’abandon s’emparait d’elle. 
Si seulement il pouvait passer la nuit auprès d’elle… 
Mais ce qu’elle désirait par-dessus tout – ce qui resterait à jamais un rêve aussi délicieux qu’absurde –, c’était l’amour de Kain. Un amour passionné, honnête et sincère. 
Il roula sur le dos. Sans mot dire, il l’enlaça et la serra contre lui. Le visage enfoui dans le creux de son épaule, Sofia se laissa gagner par la chaleur qui émanait de lui et inhala cet enivrant parfum épicé qui n’appartenait qu’à lui. 
Savourant le sentiment de sécurité qui l’enveloppa bientôt, elle ferma les yeux et se lova contre lui. Et tandis que la lune poursuivait sa lente ascension dans le ciel bleu nuit, elle ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond.