(Air noté.)
Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire
D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous:
Préférant au plaisir la plus noble victoire,
Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.

suzanne est à genoux, et pendant les derniers vers du duo, elle tire le Comte par son manteau et lui montre le billet qu'elle tient; puis elle porte la main qu'elle a du côté des spectateurs à sa tête, où le Comte a l'air d'ajuster sa toque; elle lui donne le billet.

le comte le met furtivement dans son sein; on achève de chanter le duo; la fiancée se relève, et lui fait une grande révérence.

figaro vient la recevoir des mains du Comte et se retire avec elle, à l'autre côté du sallon, près de Marceline.

(On danse une autre reprise du fendango pendant ce temps.)

le comte, pressé de lire ce qu'il a reçu, s'avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein; mais en le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt; il le secoue, le presse, le suce, et regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit:

le comte.

(Pendant qu'il parle, ainsi que Figaro, l'orchestre joue pianissimo.)

Diantre soit des femmes, qui fourent des épingles par-tout! (il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.)

figaro, qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne:

C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d'une épingle, qui l'a outrageusement piqué.

La danse reprend; le Comte qui a lu le billet le retourne;
il y voit l'invitation de renvoyer le cachet pour réponse.
Il cherche à terre, et retrouve enfin l'épingle qu'il attache
à sa manche.

figaro, à Suzanne et à Marceline.

D'un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l'épingle. Ah! c'est une drôle de tête!

Pendant ce temps, Suzanne a des signes d'intelligence avec la Comtesse. La danse finit; la ritournelle du duo recommence.

(Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu'on a conduit Suzanne; à l'instant où le Comte prend la toque, et où l'on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivans.)

l'huissier, criant à la porte.

Arrêtez donc, Messieurs, vous ne pouvez entrer tous... Ici les gardes! les gardes! (Les gardes vont vîte à cette porte.)

le comte, se levant.

Qu'est-ce qu'il y a?

l'huissier.

Monseigneur, c'est monsieur Bazile entouré d'un village entier, parce qu'il chante en marchant.

le comte.

Qu'il entre seul.

la comtesse.

Ordonnez-moi de me retirer.

le comte.

Je n'oublie pas votre complaisance.

la comtesse.

Suzanne?... elle reviendra. (à part à Suzanne) Allons changer d'habits. (elle sort avec Suzanne.)

marceline.

Il n'arrive jamais que pour nuire.

figaro.

Ah! je m'en vais vous le faire déchanter!

 

SCÈNE X.

TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté la Comtesse et Suzanne; BAZILE tenant sa guitare, GRIPE-SOLEIL.

 

bazile entre en chantant sur l'air du Vaudeville de la fin. (Air noté.)

"Coeurs sensibles, coeurs fidèles,
Qui blâmez l'Amour léger,
Cessez vos plaintes cruelles;
Est-ce un crime de changer?
Si l'Amour porte des ailes,
N'est-ce pas pour voltiger?
N'est-ce pas pour voltiger?
N'est-ce pas pour voltiger?

figaro s'avance à lui.

Oui, c'est pour cela justement qu'il a des ailes au dos; notre ami, qu'entendez-vous par cette musique?

bazile, montrant Gripe-soleil.

Qu'après avoir prouvé mon obéissance à Monseigneur, en amusant Monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.

gripe-soleil.

Bah! Monsigneu! il ne m'a pas amusé du tout: avec leux guenilles d'ariettes....

le comte.

Enfin, que demandez-vous, Bazile?

bazile.

Ce qui m'appartient, Monseigneur, la main de Marceline; et je viens m'opposer....

figaro s'approche.

Y a-t-il long-temps que Monsieur n'a vu la figure d'un fou?

bazile.

Monsieur, en ce moment même.

figaro.

Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer Madame....

bartholo, en riant.

Eh pourquoi? laisse-le parler.

brid'oison s'avance entre deux.

Fau-aut-il que deux amis?...

figaro.

Nous amis!

bazile.

Quelle erreur!

figaro, vîte.

Parce qu'il fait de plats airs de chapelle?

bazile, vîte.

Et lui, des vers comme un journal?

figaro, vîte.

Un musicien de guinguette!

bazile, vîte.

Un postillon de gazette!

figaro, vîte.

Cuistre d'oratorio!

bazile, vîte.

Jockey diplomatique!

le comte assis.

Insolens tous les deux!

bazile.

Il me manque en toute occasion.

figaro.

C'est bien dit, si cela se pouvait!

bazile.

Disant par-tout que je ne suis qu'un sot.

figaro.

Vous me prenez donc pour un écho?

bazile.

Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.

figaro.

Brailler.

bazile.

Il le répète!

figaro.

Et pourquoi non, si cela est vrai? es-tu un prince, pour qu'on te flagorne? souffre la vérité, coquin! puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur: ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces?

bazile, à Marceline.

M'avez-vous promis, oui ou non, si dans quatre ans vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence?

marceline.

À quelle condition l'ai-je promis?

bazile.

Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance.

Tous ensemble.

Il est trouvé.

bazile.

Qu'à cela ne tienne.

Tous ensemble, montrant Figaro.

Et le voici.

bazile, reculant de frayeur.

J'ai vu le diable!

brid'oison, à Bazile.

Et vou-ous renoncez à sa chère mère!

bazile.

Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement?

figaro.

D'en être cru le fils; tu te moques de moi!

bazile, montrant Figaro.

Dès que Monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de rien.

(Il sort.)

 

SCÈNE XI.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté BAZILE.

 

bartholo, riant.

Ha! ha! ha! ha!

figaro, sautant de joie.

Donc à la fin j'aurai ma femme!

le comte, à part.

Moi, ma maîtresse. (Il se lève.)

brid'oison, à Marceline.

Et tou-out le monde est satisfait.

le comte.

Qu'on dresse les deux contrats; j'y signerai.

Tous ensemble.

Vivat! (Ils sortent.)

le comte.

J'ai besoin d'une heure de retraite.

(Il veut sortir avec les autres.)

 

SCÈNE XII.

GRIPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE.

 

gripe-soleil, à Figaro.

Et moi, je vas aider à ranger le feu d'artifice sous les grands maronniers, comme on l'a dit.

le comte revient en courant.

Quel sot a donné un tel ordre?

figaro.

Où est le mal?

le comte, vivement.

Et la Comtesse, qui est incommodée, d'où le verra-t-elle l'artifice? c'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.

figaro.

Tu l'entends, Gripe-soleil? la terrasse.

le comte.

Sous les grands maronniers! belle idée! (en s'en allant, à part) Ils allaient incendier mon rendez-vous!

 

SCÈNE XIII.

FIGARO, MARCELINE.

 

figaro.

Quel excès d'attention pour sa femme! (Il veut sortir.)

marceline l'arrête.

Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi; un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme: je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de Bazile qu'elle l'avait toujours rebuté.

figaro.

Vous connaissiez mal votre fils, de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.

marceline.

Il est toujours heureux de le penser, mon fils; la jalousie....

figaro.

....N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie.... imperturbable; et si Suzanne doit me tromper un jour, je lui pardonne d'avance; elle aura long-temps travaillé.... (Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.)

 

SCÈNE XIV.

FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.

 

figaro.

Eeeh.... ma petite cousine qui nous écoute!

fanchette.

Oh! pour ça non: on dit que c'est malhonnête.

figaro.

Il est vrai; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l'un pour l'autre.

fanchette.

Je regardais si quelqu'un était là.

figaro.

Déjà dissimulée, friponne! vous savez bien qu'il n'y peut être.

fanchette.

Et qui donc?

figaro.

Chérubin.

fanchette.

Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est; c'est ma cousine Suzanne.

figaro.

Et que lui veut ma petite cousine?

fanchette.

À vous, petit cousin, je le dirai.—C'est... ce n'est qu'une épingle que je veux lui remettre.

figaro, vivement.

Une épingle! une épingle!... et de quelle part, coquine? à votre âge vous faites déjà un mét... (il se reprend, et dit d'un ton doux) Vous faites déjà très-bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette; et ma jolie cousine est si obligeante....

fanchette.

À qui donc en a-t-il de se fâcher? je m'en vais.

figaro, l'arrêtant.

Non, non, je badine; tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait; tu vois que je suis au fait.

fanchette.

Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien?

figaro, cherchant.

C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur s'y est pris pour t'en donner la commission.

fanchette, naïvement.

Pas autrement que vous ne dites: tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est le cachet des grands maronniers.

figaro.

Des grands?...

fanchette.

Maronniers. Il est vrai qu'il a ajouté; prends garde que personne ne te voie.

figaro.

Il faut obéir, ma cousine: heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission; et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a ordonné.

fanchette.

Et pourquoi lui en dirais-je? il me prend pour un enfant, mon cousin. (Elle sort en sautant.)

 

SCÈNE XV.

FIGARO, MARCELINE.

 

figaro.

Hé bien, ma mère!

marceline.

Hé bien, mon fils!

figaro, comme étouffé.

Pour celui-ci!... il y a réellement des choses...

marceline.

Il y a des choses! hé! qu'est-ce qu'il y a?

figaro, les mains sur la poitrine.

Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.

marceline, riant.

Ce coeur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé? une épingle a tout fait partir!

figaro furieux.

Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée!...

marceline, rappelant ce qu'il a dit.

La jalousie! oh, j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie.... imperturbable; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne....

figaro, vivement.

Oh, ma mère! on parle comme on sent: mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi!—Je ne m'étonne plus s'il avait tant d'humeur sur ce feu!—Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses maronniers! si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche, il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner...

marceline.

Bien conclu! abymons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le Comte? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel? sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va, ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera? je te croyais plus fort en jugement.

figaro, lui baisant la main avec respect.

Elle a raison, ma mère, elle a raison, raison, toujours raison! mais accordons, maman, quelque chose à la nature; on en vaut mieux après. Examinons en effet, avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.

(Il sort.)

 

SCÈNE XVI.

marceline seule.

Adieu: et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne; ou plutôt avertissons-la; elle est si jolie créature! Ah! quand l'intérêt personnel ne nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé, contre ce fier, ce terrible.... (en riant) et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.

(Elle sort.)

Fin du quatrième Acte.


ACTE V.

Le théâtre représente une salle de maronniers, dans un parc; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche; le fond est une clarière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.

 

SCÈNE PREMIÈRE.

fanchette seule, tenant d'une main deux biscuits et une orange, et de l'autre une lanterne de papier allumée.

Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C'est celui-ci:—s'il allait ne pas venir à présent; mon petit rôle.... Ces vilaines gens de l'office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits!—Pour qui, Mademoiselle?—Hé bien, Monsieur! c'est pour quelqu'un.—Oh! nous savons;—et quand ça serait; parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu'il meure de faim?—Tout ça pourtant m'a coûté un fier baiser sur la joue!... que sait-on? il me le rendra peut-être! (elle voit Figaro qui vient l'examiner; elle fait un cri.) Ah!... (Elle s'enfuit, et elle entre dans le pavillon à sa gauche.)

 

SCÈNE II.

FIGARO, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu. BAZILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID'OISON, GRIPE-SOLEIL, TROUPE DE VALETS ET DE TRAVAILLEURS.

 

figaro, d'abord seul.

C'est Fanchette! (il parcourt des yeux les autres à mesure qu'ils arrivent, et dit d'un ton farouche:) bon jour, Messieurs; bon soir; êtes-vous tous ici?

bazile.

Ceux que tu as pressés d'y venir.

figaro.

Quelle heure est-il bien à peu-près?

antonio regarde en l'air.

La lune devrait être levée.

bartholo.

Eh quels noirs apprêts fais-tu donc? Il a l'air d'un conspirateur!

figaro, s'agitant.

N'est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château?

brid'oison.

Cè-ertainement.

antonio.

Nous allions là bas dans le parc, attendre un signal pour ta fête.

figaro.

Vous n'irez pas plus loin, Messieurs; c'est ici, sous ces maronniers, que nous devons tous célébrer l'honnête fiancée que j'épouse, & le loyal Seigneur qui se l'est destinée.

bazile, se rappelant la journée.

Ah! vraiment je sais ce que c'est. Retirons-nous, si vous m'en croyez: il est question d'un rendez-vous: je vous conterai cela près d'ici.

brid'oison, à Figaro.

Nou-ous reviendrons.

figaro.

Quand vous m'entendrez appeler, ne manquez pas d'accourir tous, et dites du mal de Figaro, s'il ne vous fait voir une belle chose.

bartholo.

Souviens-toi qu'un homme sage ne se fait point d'affaire avec les grands.

figaro.

Je m'en souviens.

bartholo.

Qu'ils ont quinze et bisque sur nous, par leur état.

figaro.

Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l'homme qu'on fait timide, est dans la dépendance de tous les fripons.

bartholo.

Fort bien.

figaro.

Et que j'ai nom de Verte-allure, du chef honoré de ma mère.

bartholo.

Il a le diable au corps.

brid'oison.

I-il l'a.

bazile, à part.

Le Comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi? Je ne suis pas fâché de l'algarade.

figaro, aux Valets.

Pour vous autres, coquins, à qui j'ai donné l'ordre, illuminez-moi ces entours; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j'en saisis un par le bras...

(Il secoue le bras de Gripe-Soleil.)

gripe-soleil s'en va en criant et pleurant.

Ah, ah, oh, oh! damné brutal!

bazile, en s'en allant.

Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié!

(Ils sortent.)

 

SCÈNE III.

figaro seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre.

O femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct; le tien est-il donc de tromper?... Après m'avoir obstinément refusé, quand je l'en pressais devant sa maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole; au milieu de la même cérémonie.... Il riait en lisant, le perfide! et moi, comme un benêt!... non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas.... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!... noblesse, fortune, un rang, des places; tout cela rend si fier! qu'avez-vous fait pour tant de biens? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus; du reste homme assez ordinaire! tandis que moi, morbleu! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes; et vous voulez joûter.... On vient.... c'est elle.... ce n'est personne.—La nuit est noire en diable, et me voilà fesant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié! (Il s'assied sur un banc) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée! fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et par-tout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie; et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire!—Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre; me fussé-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet, sans scrupule: à l'instant, un envoyé.... de je ne sais où, se plaint que j'offense dans mes vers, la sublime Porte, la Perse, une partie de la Presqu'Isle de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: Chiens de chrétiens!—Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant.—Mes joues creusaient; mon terme était échu: je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque; en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses, pour en raisonner, n'ayant pas un sou, j'écris sur la valeur de l'argent, et sur son produit net; si-tôt je vois du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un Château-fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces Puissans de quatre jours; si légers sur le mal qu'ils ordonnent; quand une bonne disgrace a cuvé son orgueil! je lui dirais.... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.—(il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et, comme il faut dîner; quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question; on me dit que pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou! je vois s'élever contre moi, mille pauvres diables à la feuille; on me supprime; et me voilà derechef sans emploi!—Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place; mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de Pharaon: alors, bonne gens! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut, m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter; je commençais même à comprendre que pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais, comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un Dieu bienfesant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville; il me reconnaît, je le marie; et, pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne! intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abyme, au moment d'épouser ma mère, mes parens m'arrivent à la file. (il se lève en s'échauffant.) On se débat; c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non ce n'est pas nous, eh mais qui donc? (il retombe assis.) O bizarre suite d'événemens! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas d'autres? qui les a fixées sur ma tête? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m'occupe: un assemblage informe de parties inconnues; puis un chétif être imbécille; un petit animal folâtre; un jeune homme ardent au plaisir; ayant tous les goûts pour jouir; fesant tous les métiers pour vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices! orateur selon le danger, poëte par délassement, musicien par occasion, amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite; et trop désabusé.... désabusé!... Suzon, Suzon, Suzon, que tu me donnes de tourmens!—J'entends marcher.... on vient. Voici l'instant de la crise.

(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)

 

SCÈNE IV.

FIGARO, LA COMTESSE avec les habits de Suzon, SUZANNE avec ceux de la Comtesse, MARCELINE.

 

suzanne, bas, à la Comtesse.

Oui, Marceline m'a dit que Figaro y serait.

marceline.

Il y est aussi; baisse la voix.

suzanne.

Ainsi l'un nous écoute, et l'autre va venir me chercher; commençons.

marceline.

Pour n'en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.

(Elle entre dans le pavillon où est entrée Fanchette.)

 

SCÈNE V.

FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.

 

suzanne, haut.

Madame tremble! est-ce qu'elle aurait froid?

la comtesse, haut.

La soirée est humide, je vais me retirer.

suzanne, haut.

Si Madame n'avait pas besoin de moi, je prendrais l'air un moment sous ces arbres.

la comtesse, haut.

C'est le serein que tu prendras.

suzanne, haut.

J'y suis toute faite.

figaro, à part.

Ah oui, le serein!

(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)

 

SCÈNE VI.

FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.

Figaro et Suzanne retirés de chaque côté sur le devant.

 

chérubin en habit d'officier arrive en chantant gaiement la reprise de l'air de la romance.

La, la, la, &c.

J'avais une marraine,
Que toujours adorai.

la comtesse, à part.

Le petit Page!

chérubin s'arrête.

On se promène ici; gagnons vîte mon asyle, où la petite Fanchette.... C'est une femme!

la comtesse écoute.

Ah grands Dieux!

chérubin se baisse en regardant de loin.

Me trompé-je? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c'est Suzon.

la comtesse, à part.

Si le comte arrivait!...

(Le Comte paraît dans le fond.)

chérubin s'approche et prend la main de la Comtesse, qui se défend.

Oui, c'est la charmante fille qu'on nomme Suzanne; eh, pourrais-je m'y m'éprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l'a saisie, surtout au battement de mon coeur! (Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse; elle la retire.)

la comtesse, bas.

Allez-vous-en.

chérubin.

Si la compassion t'avait conduite exprès dans cet endroit du parc, où je suis caché depuis tantôt?

la comtesse.

Figaro va venir.

le comte, s'avançant, dit à part.

N'est-ce pas Suzanne que j'aperçois?

chérubin à la Comtesse.

Je ne crains point du tout Figaro, car ce n'est pas lui que tu attends.

la comtesse.

Qui donc?

le comte, à part.

Elle est avec quelqu'un.

chérubin.

C'est Monseigneur, friponne, qui t'a demandé ce rendez-vous, ce matin, quand j'étais derrière le fauteuil.

le comte, à part avec fureur.

C'est encore le Page infernal!

figaro, à part.

On dit qu'il ne faut pas écouter!

suzanne, à part.

Petit bavard!

la comtesse, au Page.

Obligez-moi de vous retirer.

chérubin.

Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.

la comtesse effrayée.

Vous prétendez?...

chérubin, avec feu.

D'abord vingt baisers, pour ton compte, et puis cent, pour ta belle maîtresse.

la comtesse.

Vous oseriez?

chérubin.

Oh que oui, j'oserai; tu prends sa place auprès de Monseigneur; moi, celle du Comte auprès de toi: le plus attrapé, c'est Figaro.

figaro, à part.

Ce brigandeau!

suzanne, à part.

Hardi comme un page.

(Chérubin veut embrasser la Comtesse.)

(Le Comte se met entre deux et reçoit le baiser.)

la comtesse, se retirant.

Ah ciel!

figaro, à part, entendant le baiser.

J'épousais une jolie mignonne! (Il écoute.)

chérubin, tâtant les habits du Comte.

(à part.) C'est Monseigneur. (il s'enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.)

 

SCÈNE VII.

FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.

 

figaro s'approche.

Je vais....

le comte, croyant parler au Page.

Puisque vous ne redoublez pas le baiser....

(Il croit lui donner un soufflet.)

figaro qui est à portée, le reçoit.

Ah!

le comte.

....Voilà toujours le premier payé.

figaro, à part, s'éloigne en se frottant la joue.

Tout n'est pas gain non plus en écoutant.

suzanne riant tout haut, de l'autre côté.

Ha, ha, ha, ha!

le comte, à la Comtesse qu'il prend pour Suzanne.

Entend-on quelque chose à ce Page! il reçoit le plus rude soufflet, et s'enfuit en éclatant de rire.

figaro, à part.

S'il s'affligeait de celui-ci!...

le comte.

Comment! je ne pourrai faire un pas.... (à la Comtesse) mais laissons cette bizarrerie; elle empoisonnerait le plaisir que j'ai de te trouver dans cette salle.

la comtesse, imitant le parler de Suzanne.

L'espériez-vous?

le comte.

Après ton ingénieux billet.... (Il lui prend la main.) Tu trembles?

la comtesse.

J'ai eu peur.

le comte.

Ce n'est pas pour te priver du baiser, que je l'ai pris.

(Il la baise au front.)

la comtesse.

Des libertés!

figaro, à part.

Coquine!

suzanne, à part.

Charmante!

le comte prend la main de sa femme.

Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse, ait la main aussi belle!

la comtesse, à part.

Oh! la prévention!

le comte.

A-t-elle ce bras ferme et rondelet? ces jolis doigts pleins de grâce et d'espiéglerie?

la comtesse, de la voix de Suzanne.

Ainsi l'amour?...

le comte.

L'amour.... n'est que le roman du coeur: c'est le plaisir qui en est l'histoire; il m'amène à tes genoux.

la comtesse.

Vous ne l'aimez plus?

le comte.

Je l'aime beaucoup; mais trois ans d'union, rendent l'hymen si respectable!

la comtesse.

Que vouliez-vous en elle?

le comte, la caressant.

Ce que je trouve en toi, ma beauté....

la comtesse.

Mais dites donc.

le comte.

....Je ne sais: moins d'uniformité peut-être; plus de piquant dans les manières; un je ne sais quoi qui fait le charme; quelquefois un refus, que sais-je? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant: cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment! (quand elles nous aiment) et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu'on est tout surpris un beau soir de trouver la satiété où l'on recherchait le bonheur.

la comtesse, à part.

Ah! quelle leçon!

le comte.

En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.

la comtesse piquée.

Donc elles doivent tout....

le comte, riant.

Et l'homme rien? changerons-nous la marche de la nature? notre tâche, à nous, fut de les obtenir; la leur...

la comtesse.

La leur?

le comte.

Est de nous retenir: on l'oublie trop.

la comtesse.

Ce ne sera pas moi.

le comte.

Ni moi.

figaro, à part.

Ni moi.

suzanne, à part.

Ni moi.

le comte prend la main de sa femme.

Il y a de l'écho ici; parlons plus bas. Tu n'as nul besoin d'y songer, toi que l'amour a faite et si vive et si jolie! avec un grain de caprice tu feras la plus agaçante maîtresse! (il la baise au front) Ma Suzanne, un Castillan n'a que sa parole. Voici tout l'or promis pour le rachat du droit que je n'ai plus sur le délicieux moment que tu m'accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j'y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l'amour de moi.

la comtesse, une révérence.

Suzanne accepte tout.

figaro, à part.

On n'est pas plus coquine que cela.

suzanne, à part.

Voilà du bon bien qui nous arrive.

le comte, à part.

Elle est intéressée; tant mieux.

la comtesse regarde au fond.

Je vois des flambeaux.

le comte.

Ce sont les apprêts de ta noce: entrons-nous un moment dans l'un de ces pavillons pour les laisser passer?

la comtesse.

Sans lumière?

le comte l'entraîne doucement.

À quoi bon? nous n'avons rien à lire.

figaro, à part.

Elle y va, ma foi! je m'en doutais. (il s'avance.)

le comte grossit sa voix en se retournant.

Qui passe ici?

figaro, en colère.

Passer! on vient exprès.

le comte, bas à la Comtesse.

C'est Figaro!... (il s'enfuit.)

la comtesse.

Je vous suis.

(Elle entre dans le pavillon à sa droite, pendant que le Comte se perd dans le bois, au fond.)

 

SCÈNE VIII.

FIGARO, SUZANNE, dans l'obscurité.

 

figaro cherche à voir où vont le Comte, et la Comtesse qu'il prend pour Suzanne.

Je n'entends plus rien; ils sont entrés; m'y voilà. (d'un ton altéré) Vous autres époux mal-adroits, qui tenez des espions à gages, et tournez des mois entiers autour d'un soupçon, sans l'asseoir; que ne m'imitez-vous? dès le premier jour je suis ma femme, et je l'écoute; en un tour de main on est au fait: c'est charmant, plus de doutes; on sait à quoi s'en tenir. (marchant vivement) Heureusement que je ne m'en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin.

suzanne, qui s'est avancée doucement dans l'obscurité.

(à part.) Tu vas payer tes beaux soupçons. (du ton de voix de la Comtesse.) Qui va là?

figaro, extravagant.

Qui va là? Celui qui voudrait de bon coeur que la peste eût étouffé en naissant....

suzanne, du ton de la Comtesse.

Eh! mais, c'est Figaro!

figaro regarde, et dit vivement.

Madame la Comtesse!

suzanne.

Parlez bas.

figaro, vîte.

Ah! Madame, que le ciel vous amène à propos! où croyez-vous qu'est Monseigneur?

suzanne.

Que m'importe un ingrat? Dis-moi....

figaro, plus vîte.

Et Suzanne mon épousée, où croyez-vous qu'elle soit?

suzanne.

Mais parlez bas.

figaro, très-vîte.

Cette Suzon qu'on croyait si vertueuse, qui fesait la réservée! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.

suzanne, lui fermant la bouche avec la main, oublie de déguiser sa voix.

N'appelez pas.

figaro, à part.

Eh c'est Suzon! God-dam!

suzanne, du ton de la Comtesse.

Vous paraissez inquiet.

figaro, à part.

Traîtresse! qui veut me surprendre!

suzanne.

Il faut nous venger, Figaro.

figaro.

En sentez-vous le vif désir?

suzanne.

Je ne serais donc pas de mon sexe! Mais les hommes en ont cent moyens.

figaro, confidemment.

Madame, il n'y a personne ici de trop, celui des femmes... les vaut tous.

suzanne, à part.

Comme je le souffleterais!

figaro, à part.

Il serait bien gai qu'avant la noce!

suzanne.

Mais qu'est-ce qu'une telle vengeance, qu'un peu d'amour n'assaisonne pas?

figaro.

Par-tout où vous n'en voyez point, croyez que le respect dissimule.

suzanne, piquée.

Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.

figaro, avec une chaleur comique, à genoux.

Ah! Madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances; et que le dépit supplée en vous, aux grâces qui manquent à ma prière.

suzanne, à part.

La main me brûle.

figaro, à part.

Le coeur me bat.

suzanne.

Mais, Monsieur, avez-vous songé?...

figaro.

Oui, Madame, oui, j'ai songé.

suzanne.

...Que pour la colère et l'amour...

figaro.

...Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, Madame?

suzanne, de sa voix naturelle, et lui donnant un soufflet.

La voilà.

figaro.

Ah Demonio! quel soufflet!

suzanne lui en donne un second.

Quel soufflet! et celui-ci?

figaro.

Et ques-à-quo! de par le diable! est-ce ici la journée des tapes?

suzanne le bat à chaque phrase.

Ah! ques-à-quo? Suzanne: voilà pour tes soupçons; voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédiens, tes injures et tes projets. C'est-il ça de l'amour, dis donc comme ce matin?

figaro rit en se relevant.

Santa barbara! oui c'est de l'amour. Ô bonheur! ô délices! ô cent fois heureux Figaro! frappe ma bien aimée, sans te lasser. Mais quand tu m'auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l'homme le plus fortuné, qui fut jamais battu par une femme.

suzanne.

Le plus fortuné! bon fripon, vous n'en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil, que m'oubliant moi-même, en vérité, c'était pour elle que je cédais.

figaro.

Ai-je pu me méprendre, au son de ta jolie voix?

suzanne, en riant.

Tu m'as reconnue? Ah comme je m'en vengerai!

figaro.

Bien rosser et garder rancune, est aussi par trop féminin! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui; et comment cet habit, qui m'abusait, te montre enfin innocente....

suzanne.

Eh c'est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piége apprêté pour un autre! Est-ce notre faute à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux?

figaro.

Qui donc prend l'autre?

suzanne.

Sa femme.

figaro.

Sa femme?

suzanne.

Sa femme.

figaro, follement.

Ah Figaro, pends-toi; tu n'as pas deviné celui-là!—Sa femme? Ô douze ou quinze mille fois spirituelles femelles!—Ainsi les baisers de cette salle?

suzanne.

Ont été donnés à Madame.

figaro.

Et celui du Page?

suzanne, riant.

À Monsieur.

figaro.

Et tantôt, derrière le fauteuil?

suzanne.

À personne.

figaro.

En êtes-vous sûre?

suzanne, riant.

Il pleut des soufflets, Figaro.

figaro lui baise la main.

Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.

suzanne.

Allons, Superbe, humilie-toi.

figaro fait tout ce qu'il annonce.

Cela est juste; à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.

suzanne, en riant.

Ah! ce pauvre Comte! quelle peine il s'est donnée...

figaro se relève sur ses genoux.

...Pour faire la conquête de sa femme!

 

SCÈNE IX.

LE COMTE entre par le fond du théâtre, et va droit au pavillon à sa droite. FIGARO, SUZANNE.

 

le comte, à lui-même.

Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.

suzanne, à Figaro, parlant bas.

C'est lui.

le comte, ouvrant le pavillon.

Suzon, es-tu là-dedans?

figaro, bas.

Il la cherche, et moi je croyais....

suzanne, bas.

Il ne l'a pas reconnue.

figaro.

Achevons-le, veux-tu? (Il lui baise la main.)

le comte se retourne.

Un homme aux pieds de la Comtesse!... Ah! je suis sans armes. (il s'avance.)

figaro se relève tout-à-fait en déguisant sa voix.

Pardon, Madame, si je n'ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.

le comte, à part.

C'est l'homme du cabinet de ce matin. (il se frappe le front.)

figaro continue.

Mais il ne sera pas dit qu'un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.

le comte, à part.

Massacre, mort, enfer!

figaro, la conduisant au cabinet.

(bas.) Il jure. (haut.) Pressons-nous donc, Madame, et réparons le tort qu'on nous a fait tantôt, quand j'ai sauté par la fenêtre.

le comte, à part.

Ah! tout se découvre enfin.

suzanne, près du pavillon à sa gauche.

Avant d'entrer, voyez si personne n'a suivi. (il la baise au front.)

le comte s'écrie.

Vengeance!

(Suzanne s'enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.)

 

SCÈNE X.

LE COMTE, FIGARO.
(Le Comte saisit le bras de Figaro.)

 

figaro, jouant la frayeur excessive.

C'est mon maître.

le comte le reconnaît.

Ah scélérat, c'est toi! Holà, quelqu'un, quelqu'un!

 

SCÈNE XI.

PEDRILLE, LE COMTE, FIGARO.

 

pedrille botté.

Monseigneur, je vous trouve enfin.

le comte.

Bon, c'est Pédrille. Es-tu tout seul?

pedrille.

Arrivant de Séville à étripe cheval.

le comte.

Approche-toi de moi, et crie bien fort.

pedrille, criant à tue tête.

Pas plus de Page que sur ma main. Voilà le paquet.

le comte le repousse.

Eh, l'animal!

pedrille.

Monseigneur me dit de crier.

le comte, tenant toujours Figaro.

Pour appeler.—Holà quelqu'un; si l'on m'entend, accourez tous!

pedrille.

Figaro et moi, nous voilà deux; que peut-il donc vous arriver?

 

SCÈNE XII.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, BRID'OISON, BARTHOLO, BAZILE, ANTONIO, GRIPE-SOLEIL, toute la noce accourt avec des flambeaux.

 

bartholo, à Figaro.

Tu vois qu'à ton premier signal....

le comte, montrant le pavillon à sa gauche.

Pédrille, empare-toi de cette porte.

(Pédrille y va.)

bazile, bas à Figaro.

Tu l'as surpris avec Suzanne?

le comte, montrant Figaro.

Et vous, tous mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m'en répondez sur la vie.

bazile.

Ha! Ha!

le comte furieux.

Taisez-vous donc. (à Figaro d'un ton glacé.) Mon Cavalier, répondez-vous à mes questions?

figaro, froidement.

Eh! qui pourrait m'en exempter, Monseigneur? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.

le comte, se contenant.

Hors à moi-même!

antonio.

C'est çà parler.

le comte reprend sa colère.

Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur! ce serait l'air calme qu'il affecte.

figaro.

Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer, pour des intérêts qu'ils ignorent? je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.

le comte hors de lui.

O rage! (se contenant.) Homme de bien qui feignez d'ignorer! Nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon?

figaro, montrant l'autre avec malice.

Dans celui-là?

le comte, vîte.

Dans celui-ci?

figaro, froidement.

C'est différent. Une jeune personne qui m'honore de ses bontés particulières.

bazile étonné.

Ha, ha!

le comte, vîte.

Vous l'entendez, Messieurs.

bartholo étonné.

Nous l'entendons?

le comte, à Figaro.

Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement que vous sachiez?

figaro, froidement.

Je sais qu'un grand seigneur s'en est occupé quelque temps; mais, soit qu'il l'ait négligée ou que je lui plaise mieux qu'un plus aimable, elle me donne aujourd'hui la préférence.

le comte, vivement.

La préf.... (se contenant.) Au moins il est naïf! car ce qu'il avoue, Messieurs, je l'ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.

brid'oison stupéfait.

Sa-a complice!

le comte avec fureur.

Or quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.

(Il entre dans le pavillon.)

 

SCÈNE XIII.

TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENS, hors LE COMTE.

 

antonio.

C'est juste.

brid'oison, à Figaro.

Qui-i donc a pris la femme de l'autre?

figaro, en riant.

Aucun n'a eu cette joie là.

 

SCÈNE XIV.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, LE COMTE, CHÉRUBIN.

 

le comte parlant dans le pavillon, et attirant quelqu'un qu'on ne voit pas encore.

Tout vos efforts sont inutiles; vous êtes perdue, Madame; et votre heure est bien arrivée! (il sort sans regarder.) Quel bonheur qu'aucun gage d'une union aussi détestée!...

figaro s'écrie.

Chérubin!

le comte.

Mon Page?

bazile.

Ha, ha!

le comte, hors de lui.

(à part.) Et toujours le Page endiablé! (à Chérubin.) Que fesiez-vous dans ce sallon?

chérubin, timidement.

Je me cachais, comme vous l'avez ordonné.

pedrille.

Bien la peine de crever un cheval!

le comte.

Entres-y toi, Antonio; conduis devant son juge, l'infame qui m'a déshonoré.

brid'oison.

C'est Madame que vous y-y cherchez?

antonio.

L'y a parguenne, une bonne Providence; vous en avez fait tant dans le pays....

le comte furieux.

Entre donc.

(Antonio entre.)

 

SCÈNE XV.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté ANTONIO.

 

le comte.

Vous allez voir, Messieurs, que le Page n'y était pas seul.

chérubin, timidement.

Mon sort eût été trop cruel, si quelqu'ame sensible n'en eût adouci l'amertume.

 

SCÈNE XVI.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, ANTONIO, FANCHETTE.

 

antonio, attirant par le bras quelqu'un qu'on ne voit pas encore.

Allons, Madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu'on sait que vous y êtes entrée.

figaro s'écrie.

La petite cousine!

bazile.

Ha, ha!

le comte.

Fanchette!

antonio se retourne et s'écrie.

Ah palsembleu! Monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c'est ma fille qui cause tout ce train-là!

le comte, outré.

Qui la savait là-dedans?

(Il veut rentrer.)

bartholo, au-devant.

Permettez, monsieur le Comte, ceci n'est pas plus clair. Je suis de sang froid, moi.

(Il entre.)

brid'oison.

Voilà une affaire au-aussi trop embrouillée.

 

SCÈNE XVII.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, MARCELINE.

 

bartholo, parlant en dedans, et sortant.

Ne craignez rien, Madame, il ne vous sera fait aucun mal; j'en répons. (il se retourne et s'écrie:) Marceline!...

bazile.

Ha, ha!

figaro, riant.

Hé quelle folie! ma mère en est?

antonio.

À qui pis fera.

le comte, outré.

Que m'importe à moi? La Comtesse....

 

SCÈNE XVIII.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, SUZANNE.
(Suzanne, son éventail sur le visage.)

 

le comte.

....Ah! la voici qui sort. (Il la prend violemment par le bras.) Que croyez-vous, Messieurs, que mérite une odieuse....

(Suzanne se jette à genoux, la tête baissée.)

le comte, fort.

Non, non.

(Figaro se jette à genoux de l'autre côté.)

le comte, plus fort.

Non, non.

(Marceline se jette à genoux devant lui.)

le comte, plus fort.

Non, non.

(Tous se mettent à genoux, excepté Brid'oison.)

le comte, hors de lui.

Y suffiez-vous un cent!

 

SCÈNE XIX et dernière.

TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENS, LA COMTESSE sort de l'autre pavillon.

la comtesse se jette à genoux.

Au moins je ferai nombre.

le comte regardant la Comtesse et Suzanne.

Ah, qu'est-ce que je vois!

brid'oison, riant.

Eh pardi c'è-est Madame.

le comte veut relever la Comtesse.

Quoi c'était vous, Comtesse? (d'un ton suppliant.) Il n'y a qu'un pardon bien généreux....

la comtesse, en riant.

Vous diriez, non, non, à ma place; et moi pour la troisième fois d'aujourd'hui, je l'accorde sans condition.

(Elle se relève.)

suzanne se relève.

Moi aussi.

marceline se relève.

Moi aussi.

figaro se relève.

Moi aussi; il y a de l'écho ici! (Tous se relèvent.)

le comte.

De l'écho!—J'ai voulu ruser avec eux; ils m'ont traité comme un enfant!

la comtesse, en riant.

Ne le regrettez pas, monsieur le Comte.

figaro, s'essuyant les genoux avec son chapeau.

Une petite journée comme celle-ci, forme bien un ambassadeur!

le comte à Suzanne.

Ce billet fermé d'une épingle?...

suzanne.

C'est Madame qui l'avait dicté.

le comte.

La réponse lui en est bien due.

(Il baise la main de la Comtesse.)

la comtesse.

Chacun aura ce qui lui appartient.

(Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne.)

suzanne, à Figaro.

Encore une dot.

figaro, frappant la bourse dans sa main.

Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher!

suzanne.

Comme notre mariage.

gripe-soleil.

Et la jarretière de la mariée, l'aurons-je?

la comtesse arrache le ruban qu'elle a tant gardé dans son sein, et le jette à terre.

La jarretière? Elle était, avec ses habits; la voilà.

(Les garçons de la noce veulent la ramasser.)

chérubin, plus alerte, court la prendre et dit:

Que celui qui la veut, vienne me la disputer.

le comte en riant, au Page.

Pour un Monsieur si chatouilleux, qu'avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt?

chérubin recule en tirant à moitié son épée.

À moi, mon Colonel?

figaro, avec une colère comique.

C'est sur ma joue qu'il l'a reçu: voilà comme les grands font justice!

le comte, riant.

C'est sur sa joue? ha, ha, ha, qu'en dites-vous donc, ma chère Comtesse?

la comtesse absorbée revient à elle, et dit avec sensibilité.

Ah! oui, cher Comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.

le comte, frappant sur l'épaul du Juge.

Et vous, Don-Brid'oison, votre avis maintenant?

brid'oison.

Su-ur tout ce que je vois, monsieur le Comte.... ma-a foi, pour moi je-e ne sais que vous dire: voilà ma façon de penser.

tous ensemble.

Bien jugé!

figaro.

J'étais pauvre, on me méprisait. J'ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune....

bartholo, en riant.

Les coeurs vont te revenir en foule.

figaro.

Est-il possible?

bartholo.

Je les connais.

figaro, saluant les Spectateurs.

Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.

On joue la ritournelle du Vaudeville. (Air noté.)

 

VAUDEVILLE.

bazile.

PREMIER COUPLET.
Triple dot, femme superbe,
Que de biens pour un époux!
D'un Seigneur, d'un Page imberbe,
Quelque sot serait jaloux,
Du latin d'un vieux proverbe,
L'homme adroit fait son parti,

figaro.

Je le sais...

(Il chante.) Gaudeant bene nanti.

bazile.

Non....

(Il chante.) Gaudeat bene nanti.

suzanne.

IIe COUPLET.
Qu'un mari sa foi trahisse,
Il s'en vante, et chacun rit;
Que sa femme ait un caprice,
S'il l'accuse, on la punit.
De cette absurde injustice,
Faut-il dire le pourquoi?
Les plus forts ont fait la loi.... bis.

figaro.

IIIe COUPLET.
Jean-Jeannot, jaloux risible,
Veut unir femme et repos;
Il achète un chien terrible,
Et le lâche en son enclos.
La nuit, quel vacarme horrible!
Le chien court, tout est mordu,
Hors l'amant qui l'a vendu.... bis.

la comtesse.

IVe COUPLET.
Telle est fière et répond d'elle,
Qui n'aime plus son mari;
Telle autre presque infidelle,
Jure de n'aimer que lui.
La moins folle, hélas! est celle
Qui se veille en son lien,
Sans oser jurer de rien.... bis.

le comte.

Ve COUPLET.
D'une femme de province,
À qui ses devoirs sont chers,
Le succès est assez mince;
Vive la femme aux bons airs!
Semblable à l'écu du prince,
Sous le coin d'un seul époux,
Elle sert au bien de tous.... bis.

marceline.

VIe COUPLET.
Chacun sait la tendre mère
Dont il a reçu le jour;
Tout le reste est un mystère,
C'est le secret de l'amour.

figaro continue l'air.

Ce secret met en lumière
Comment le fils d'un butor
Vaut souvent son pesant d'or.... bis.
VIIe COUPLET.
Par le sort de la naissance,
L'un est roi, l'autre est berger;
Le hasard fit leur distance;
L'esprit seul peut tout changer,
De vingt rois que l'on encense
Le trépas brise l'autel;
Et Voltaire est immortel.... bis.

chérubin.

VIIIe COUPLET.
Sexe aimé, sexe volage,
Qui tourmentez nos beaux jours;
Si de vous chacun dit rage,
Chacun vous revient toujours.
Le parterre est votre image;
Tel paraît le dédaigner,
Qui fait tout pour le gagner.... bis.

suzanne.

IXe COUPLET.
Si ce gai, ce fol ouvrage,
Renfermait quelque leçon,
En faveur du badinage,
Faites grace à la raison.
Ainsi la nature sage
Nous conduit, dans nos désir,
À son but par les plaisirs.... bis.

brid'oison.

Xe COUPLET.
Or, Messieurs, la co-omédie
Que l'on juge en cè-et instant,
Sauf erreur, nous pein-eint la vie
Du bon peuple qui l'entend.
Qu'on l'opprime, il peste, il crie,
Il s'agite en cent fa-açons;
Tout fini-it par des chansons.... bis.

BALLET GENERAL.

Fin du cinquième et dernier Acte.

S'adresser, pour la musique de l'ouvrage, à M. BAUDRON, chef d'orchestre du théâtre français.

APPROBATIONS.

J'ai lu, par ordre, de M. le Lieutenant de Police, la pièce intitulée: La folle journée, ou le Mariage de Figaro; et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher l'impression et la représentation. À Paris, ce vingt-huit février mil sept cent quatre-vingt-quatre.

Signé, coqueley de chaussepierre.

J'ai lu, par ordre de M. le Lieutenant général de Police, la pièce intitulée: La folle journée, ou le Mariage de Figaro; et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher la représentation et l'impression. À Paris, ce vingt-un mars mil sept cent quatre-vingt-quatre,

Signé, bret.

Vu les approbations; permis d'imprimer et représenter. À Paris, ce vingt-neuf mars mil sept cent quatre-vingt-quatre.

Signé, LENOIR.


ERRATA. (déjà corrigés)

 

PRÉFACE.

Page

9, ligne 8, ces fantômes, lisez, ses fantômes.

10, ligne dernière, n'existe, lisez, existe.

11, 2, les bons et les mauvais, lisez, bons et mauvais.

ibid. 24, ces grands coups, lisez, ses grands coups.

13, 9, de l'oeil de boeuf ou des carrosses, lisez, de l'OEil-de-boeuf et des Carrosses.

26, 7, la coquette ou la coquine, lisez, la coquette ou coquine.

49, 6, espagnole, lisez, espagnol.

 

COMÉDIE.

Page

116, ligne 2, dans lesquels vous mêlerez, lisez, dans lesquels on mêlera.

175, 94, poursuivions, lisez, poursuivons.

178, 5, sont rentrés, lisez, sont entrés.

183, 23, les bois, lisez, le bois.

NOTES:

[A] Au spectacle on a commencé la romance à ce vers, en disant: Auprès d'une fontaine.

[B] Ici la Comtesse arrête le Page en fermant le papier. Le reste ne se chante pas au théâtre.

[C] Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par les Comédiens français aux représentations de Paris.







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Figaro, by Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

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Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations. Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
Dr. Gregory B. Newby
Chief Executive and Director
gbnewby@pglaf.org


Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To
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particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
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against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
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works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
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