5. Où il est question

des whigs et des populistes

 

Un pays qui, à la suite d’une amère défaite, a été amputé de la moitié de son territoire, perd énergie et moral et le choc qu’il a subi est ressenti par la population tout entière. Pendant des générations, les gens reviennent sans cesse sur ce qui s’est passé, espèrent le miracle puis les jours qui s’écoulent leur apportent soit la résignation, soit un renversement de la situation. La grande armée, avec sa philosophie et ses méthodes à la fois primaires et brutales, niait orgueilleusement cette défaite.

Mais ce n’était pas là l’unique réaction. Les deux principaux partis politiques en avaient d’autres. Les whigs, réalistes, s’efforçaient d’adapter le pays et son économie à la situation mondiale ; à le faire dépendre ouvertement des grandes nations industrialisées dont ils acceptaient avec gratitude protection et capitaux. Selon eux, les classes possédantes en tireraient une immédiate prospérité et il en résulterait une élévation du niveau de vie pour tous. En effet, les chefs d’industrie engageraient une main-d’œuvre plus importante et le système de l’endenture, concurrencé par l’augmentation des salaires, disparaîtrait peu à peu.

Mais cela, les populistes le niaient. Le gouvernement, disaient-ils, lorsqu’ils n’étaient pas au pouvoir, se devrait de créer de nouvelles industries, d’interdire le système de l’endenture ; de libérer les ouvriers spécialisés victimes de ce système ; de leur offrir d’assez hauts salaires pour augmenter leur pouvoir d’achat et de défier le monde en créant une nouvelle armée et une marine de guerre. Et, bien entendu, ils attribuaient aux whigs, ces traîtres, le fait qu’ils n’aient jamais pu mettre ce programme à exécution.

L’élection présidentielle de 1940 fut chèrement disputée, comme s’il s’agissait d’un prix à remporter et non d’un simple titre vide de sens, le pouvoir réel étant détenu par le chef de la majorité à la Chambre des représentants et ses conseillers. Au début du mois de mai un fervent partisan du candidat populiste, victime d’un attentat, fut grièvement blessé, et l’hôtel de ville de Cleveland où siégeait la convention fut incendié par un fanatique du parti opposé.

Je devrais attendre encore deux ans pour avoir le droit de voter, mais je n’en fus pas moins saisi par la fièvre de l’élection présidentielle. Jennings Lewis, le populiste, était le candidat le plus laid qu’on ait jamais vu, avec son crâne nu comme une boule de billard et son visage squelettique. Dewey, son concurrent whig, ne manquait pas d’une certaine beauté, ce qui aurait été pour lui un atout si les partisans du droit de vote pour les femmes avaient eu gain de cause.

Traditionnellement, les candidats ne s’aventuraient jamais à l’ouest de Chicago, concentraient tous leurs efforts sur New York et la Nouvelle-Angleterre, et laissaient aux politiciens locaux le soin de mener la campagne électorale dans les territoires peu habités qui s’étendaient au-delà du Mississippi. Cette année-là, les deux candidats employèrent les moyens les plus variés pour réunir le plus grand nombre possible d’électeurs. Dewey exécuta une grande tournée dans son aérostat ; Lewis figura dans une série de phonotos auxquels on put assister gratuitement. Dewey s’adressait plusieurs fois par jour à de petits groupes d’assistants ; Lewis réunissait au contraire chaque semaine d’importants meetings qui se terminaient par une retraite aux flambeaux.

Au début de septembre, un de ces meetings populistes se tint à Union Square. George Norris, le président sortant, prit la parole, ainsi que l’ex-président Norman Thomas, le seul populiste, depuis le très populaire Bryan, à avoir accompli deux mandats. Tyss m’accorda l’autorisation de quitter la librairie deux heures avant que ne commence le meeting, afin que je puisse trouver une place où voir et entendre ce qui se passerait. Bien qu’il traitât les élections de manifestations dépourvues de toute signification, destinées à abuser le peuple, il n’y avait pas moins pris, cette fois-là, une part active, toujours à sa manière mystérieuse et secrète.

La place était déjà noire de monde lorsque j’y arrivai, et les spectateurs les plus agiles s’étaient perchés sur les statues de Lafayette et de Washington. Les fanfares jouaient des airs patriotiques et des machines à vapeur envoyaient dans les airs des jets de fumée qui y écrivaient dans le ciel le nom du candidat. Résigné à ne voir à peu près rien de ce qui se passerait, je reculai jusqu’à la frange de la foule, me disant que je ferais aussi bien de m’en aller.

— Vous avez fini de me marcher sur les pieds, ou est-ce là une tradition populiste ?

— Oh ! pardon, miss ! Je suis navré. Je vous ai fait mal ?

Nous nous trouvions près d’un réverbère, ce qui me permit de me rendre compte que cette fille, jeune et bien vêtue, ne ressemblait en rien à celles qui assistent généralement à ce genre de meetings qui attirent d’ailleurs peu de femmes.

— Pas trop, me dit-elle sans beaucoup de bonne grâce en se massant énergiquement le cou-de-pied. Cela m’apprendra à m’être mêlée par curiosité à cette populace.

Elle était grassouillette, mais jolie, avec une petite bouche à la moue maussade, et des cheveux d’un blond très pâle qui flottaient sur ses épaules.

— D’ici, nous ne verrons pas grand-chose, lui dis-je, à moins que vous ne soyez fanatique au point de vous contenter d’entr’apercevoir les personnalités les plus importantes. Si ce n’est pas le cas, permettez-moi, pour me faire pardonner ma maladresse, de vous accompagner jusqu’au tramway le plus proche.

— Je n’ai pas besoin d’être escortée, dit-elle en me scrutant du regard, mais si vous estimez avoir quelque chose à vous faire pardonner pour m’avoir écrasé le pied, pourriez-vous m’expliquer pourquoi les gens viennent si nombreux à ces ridicules meetings ?

— Mais… pour entendre parler les orateurs.

— Seuls ceux qui sont aux premiers rangs les entendent.

— Alors ils y viennent pour montrer qu’ils accordent leur soutien au parti.

— C’est exactement ce que je pensais. En somme, un rite, ou quelque chose de ce genre. Une distraction ridicule.

— Mais gratuite. Et en régie générale, ceux qui votent populiste n’ont pas beaucoup d’argent.

— Oui, c’est une explication, me concéda-t-elle. S’ils occupaient leur temps de façon plus utile, ils gagneraient de l’argent, et à ce moment-là, ils ne voteraient plus populiste.

— On pourrait inverser la proposition et dire que si nous votions tous whig, nous serions tous riches.

Elle eut un petit haussement d’épaules que je trouvai charmant.

— Il est trop facile d’envier ceux qui sont mieux lotis que nous ; et beaucoup plus difficile d’améliorer sa situation.

— Là, je ne peux que vous donner raison, miss… heu ?…

— Dites-moi, monsieur le Populiste, quand vous leur marchez sur le pied, les femmes vous disent toujours leur nom ?

— Je n’ai pas souvent l’occasion de marcher sur le pied d’une aussi jolie fille, lui répondis-je hardiment. Je ne nie pas mes tendances populistes, et je m’appelle Hodge Backmaker.

J’appris qu’elle se nommait Tirzah Vame, et qu’elle s’était liée par endenture à une opulente famille whig, propriétaire d’une fastueuse demeure de fonte et de béton située tout près du réservoir, à l’angle de la 42e rue et de la 5e avenue. Elle avait employé le mot « curiosité » pour se décrire elle-même, et je ne tardai pas à découvrir qu’elle se laissait en effet guider par une froide et inflexible curiosité. Elle ne pensait qu’à explorer ce qu’elle croyait devoir lui être utile, ou qu’elle jugeait au contraire parfaitement absurde. Elle s’intéressait à tout ce qui concernait aussi bien l’élite que la masse, à tout ce qui défrayait la chronique, et l’idée de se passionner pour des idées abstraites ne l’effleurait même pas.

Elle s’était liée par endenture, non pour échapper à la misère, mais par calcul, persuadée d’atteindre ainsi à la sécurité matérielle. Cela me sembla paradoxal, même si je comparais ma minable condition d’homme « libre », avec la sienne. Elle semblait, en tout cas n’avoir qu’un minimum d’obligations car à la suite de notre première rencontre à ce meeting, elle me retrouva presque tous les soirs à Reservoir Square où, installés sur un banc de la place, nous parlions pendant des heures, ou marchions d’un bon pas lorsque le temps se mit à se rafraîchir.

Je ne me berçai pas longtemps de l’illusion que l’intérêt qu’elle me manifestait – tolérance serait peut-être un mot plus juste – était dû à l’attirance qu’elle éprouvait pour moi. Elle semblait au contraire ressentir quelque répugnance pour ma personne qui devait évoquer pour elle une classe sociale et un milieu qui ne pouvaient que lui déplaire et offraient sûrement un frappant contraste avec ceux de ses employeurs et de leurs amis, bien vêtus et bien nourris. La première fois que je l’embrassai, elle frissonna légèrement, puis ferma les yeux, et me permit de l’embrasser à nouveau.

Elle ne me résista pas lorsque je me fis plus entreprenant. Elle m’emmena le plus simplement du monde dans la chambre qu’elle occupait dans cette belle demeure, lorsque j’employai l’argument cousu de fil blanc qu’il faisait vraiment trop froid pour continuer à converser en plein air. Je n’avais certes rien d’un séducteur accompli, mais tout naïf que j’étais, je compris qu’elle était bien décidée à me céder.

Je ne tardai pas à me rendre compte qu’en me cédant elle n’obéissait pas à la passion. Si j’échouai à l’éveiller, c’est qu’elle se refusait à l’être avec une rare obstination. Même lorsqu’elle me permit de la posséder, elle resta virginale, lointaine et détachée.

— Cela ne mérite vraiment pas toute la peine qu’on se donne, me déclara-t-elle. Quand je pense qu’il y a des gens qui ne font que penser à ça, parler de ça et en faire le sujet de leurs écrits.

— Tirzah, ma chérie…

— Sans parler de toutes les fioritures dont s’accompagne cet acte. Tu ne m’es pas plus cher qu’il y a une heure. Puisque les gens se plaisent à ce genre d’exercice  et je suppose que c’est le cas puisqu’il se pratique depuis si longtemps – j’estime qu’il devrait être accompli avec plus de dignité.

Plus ma passion grandissait et plus sa froideur augmentait. Un seul sentiment fort l’agitait, la curiosité. Les efforts pathétiques que je faisais pour m’instruire l’amusaient.

— À quoi te serviront toutes ces connaissances ? Tu n’en tireras pas un penny.

Je caressai ses longs cheveux d’or pâle, l’embrassai sur l’oreille, et dis d’un ton nonchalant :

— Et même si c’était le cas ? Dans la vie il y a autre chose que l’argent.

— C’est ce que disent tous ceux qui sont incapables d’en gagner, fit-elle en s’écartant de moi.

— Et que disent les gens qui savent en gagner ?

— Que c’est la chose au monde la plus importante, me répondit-elle avec conviction, car elle permet d’acquérir toutes les autres.

— Évidemment, avec de l’argent tu pourras te libérer de cet esclavage qu’est ton endenture, dus-je reconnaître, mais pour ce faire, il te faut d’abord t’en procurer.

— M’en procurer ? Mais j’en possédais déjà avant de signer le contrat bilatéral.

— Dans ce cas, pour quelle raison l’as-tu signé ?

— Ne t’arrive-t-il donc jamais de penser à des choses sérieuses ? me demanda-t-elle d’un air ébahi. Seuls comptent pour toi les livres et la politique ? Mais seule l’endenture peut m’offrir l’occasion que j’attends. Je doute que les Vame soient très supérieurs aux Backmaker. Cependant tu n’es guère plus qu’un coursier, alors que je suis une gouvernante, une institutrice, et même, jusqu’à un certain point, l’amie de Mme Smythe.

— J’ai bien peur que tu ne fasses preuve de snobisme, en ce moment.

— Vraiment ? En effet, je suis snob, et je ne le nie pas. Je tiens à vivre comme une dame, avoir une belle demeure, des domestiques, des calèches, une minibile, voyager dans des pays civilisés, avoir un pied-à-terre à Paris, Rome, ou Vienne. Toi, tu aimes les pauvres et défends les populistes. Moi j’aime les riches et je suis pour les whigs.

— Tout cela c’est très joli, lui fis-je remarquer, mais même si tu as assez d’argent pour racheter ton endenture et retrouver ta liberté quand tu le désireras, je ne vois pas comment cela te mènera à la richesse.

— Crois-tu donc que je garde mon argent dans un bas de laine ? Je l’investis jusqu’au dernier cent. Les amis et relations des Smythe me font des cadeaux, non seulement en argent, ce qui m’a permis d’accroître mon petit capital, mais ils me passent également des tuyaux sur ce qu’il faut vendre et acheter en bourse. À trente ans, je serai riche. Il est possible d’ailleurs que j’épouse bien avant un homme fortuné.

— Quelle façon cynique d’envisager le mariage, lui dis-je d’un ton de reproche.

— Tu trouves ? Tu viens de me dire que je me montre cynique. Autant que mon cynisme me rapporte quelque chose.

— Si c’est vraiment ainsi que tu ressens les choses, je me demande ce que nous faisons ensemble ? Tu aurais pu dénicher un amant mieux loti.

— Décidément, tu ne penses à rien, fit Tirzah, nullement démontée. Si tu y avais réfléchi, tu te serais rendu compte que je ne pouvais me lier avec un homme appartenant à la classe sociale dans laquelle je désirais me marier. Une femme du monde peut se rire des bruits que l’on fait courir sur elle, mais le plus léger soupçon me causerait à moi le plus grand tort. Pour éviter tout scandale, il faut qu’on me prenne pour une fille froide et prude.

Une définition qui correspond assez bien à la réalité, me dis-je, maladivement jaloux à la pensée que n’importe quel garçon aussi insignifiant et aussi peu compromettant que moi aurait pu être à ma place. L’idée que j’avais été choisi en raison même de mon insignifiance me causa une souffrance plus grande encore. En somme quiconque qui ne fût ni un serviteur ni un familier de la maison aurait fait l’affaire, puisqu’il n’aurait pas eu l’occasion de rencontrer Mme Smythe et encore moins de s’entretenir avec elle.

Lorsque j’évoque ce passé enfui j’éprouve un étrange élan de pitié pour la jeune Tirzah et le non moins jeune Hodge. Comme nous prenions au tragique nos divergences, tant sur le plan moral que politique, et comme nous attachions peu d’importance à de fugitifs instants de bonheur ! Nous disions, nous faisions exactement ce que nous n’aurions pas dû dire et faire, avec cette intransigeance de la jeunesse qui ne faisait qu’élargir le fossé qui se creusait entre nous. Nous palabrions, nous discutions, opposant Dewey à Lewis ; les whigs aux populistes ; les matérialistes aux idéalistes ; la réalité aux principes. Tout cela qui me semble maintenant si futile, nous paraissait alors d’une importance vitale.

Nous partagions non seulement la haine quasi unanime qu’inspiraient les étrangers à nos concitoyens des États-Unis, nous rendions les confédérés responsables de tous nos malheurs. Nous ne faisions pas que les condamner et les craindre ; ils représentaient pour nous la lie de l’humanité. Les orateurs populistes avaient beau jeu, pour combattre les whigs, de les accuser d’être à la solde des sudistes.

Contrairement à l’opinion généralement répandue aux États-Unis, j’étais pour ma part persuadé que les héros de la guerre d’indépendance sudiste avaient été des hommes d’une haute probité et que le plus noble d’entre eux avait été leur second président. Mais je savais également qu’immédiatement après qu’eut été signée la paix de Richmond, des hommes dénués de scrupules avaient pris dans cette nouvelle nation une influence de plus en plus grande. Comme l’a dit une fois Sir John Dahlberg : « Le Pouvoir corrompt. »

Depuis sa première élection en 1865 jusqu’à sa mort qui survint dix ans plus tard [4], le président Lee fut le prisonnier d’un Congrès de plus en plus puissant et impérialiste. Il s’était opposé à l’invasion et à la conquête du Mexique par les confédérés, entreprise par eux sous le prétexte de restaurer l’ordre lors du conflit qui opposa les républicains à l’empereur. Il avait cependant un profond respect pour la Constitution et devant la ferme résolution de la Chambre et du Sénat des confédérés, il s’inclina.

Lee gardait une valeur de symbole, mais à mesure que s’éteignait la génération qui avait combattu pour l’indépendance, l’idéal qu’il représentait pâlissait. L’émancipation des Noirs, due en grande partie à l’influence qu’avaient exercée des hommes tels que Lee, se révéla bientôt un moyen de rétablir en quelque sorte l’esclavage et d’en tirer tout le bénéfice sans en assumer les obligations. Des deux côtés de la nouvelle frontière, les hommes « libres » n’avaient ni droits civiques ni droit de vote. Cependant, tandis que l’Union restreignait, puis abolissait l’immigration, la Confédération l’encouragea et fit des nouveaux venus des citoyens à part entière. Ce fut le cas pour les Latino-Américains qui, lorsque la Confédération s’étendit en direction sud-ouest, accrurent à un tel point la population sudiste que les autorités limitèrent désormais l’octroi de la pleine citoyenneté aux descendants des citoyens qui résidaient dès le 4 juillet 1864 dans les États confédérés.

Les populistes accusaient les whigs d’être les agents des confédérés ; les whigs rétorquaient que les populistes étaient des visionnaires et des démagogues qui toléraient et même encourageaient les activités de la grande armée. Les populistes flétrissaient à leur tour les méthodes qu’employaient les whigs pour mener leur campagne électorale à l’aide d’organisations illégales par des moyens tout aussi illégaux. Je ne me laissais nullement impressionner par ces accusations, moi qui savais que Tyss, Pondible et leurs partisans s’activaient dans l’ombre depuis le début de cette campagne.

Le soir de l’élection, Tyss ferma boutique et nous nous rendîmes à pied, à quelques blocs de là, au comptoir de tissus Wanamaker & Stewarts où, sur un immense écran, étaient affichés les résultats entre des flashes de publicité vantant les marchandises de ce comptoir. Dès le début il apparut que l’électorat, imprévisible comme toujours, préférait Dewey à Lewis. Les uns après les autres, des États qui, jusque-là, se montraient fermement populistes, votèrent whig pour la première fois depuis que William Hale Thompson avait battu, en 1920, le président Thomas R. Marshall, puis en 1924 Alfred E. Smith avant que ce même Smith retrouvât une popularité qui lui valut quatre ans plus tard la présidence. Seuls le Massachusetts, le Connecticut, le Dakota et l’Oregon votèrent pour Lewis. Son propre fief, le Minnesota, ainsi que vingt et un autres États accordèrent leurs suffrages à Dewey.

Déçu comme je l’étais, je fus frappé par l’air ravi de Tyss. Lorsque je lui demandai quelle satisfaction il pouvait bien tirer d’une défaite aussi écrasante, il me répondit en souriant :

— De quelle défaite parles-tu, Hodgins ? As-tu cru un instant que nous désirions voir les populistes remporter la victoire ? Voir élire Jennings Lewis, avec son programme de conférence mondiale de la paix ? Mon pauvre Hodgins, je crains bien que plus les jours passent et moins tu voies clair.

— Vous voulez dire que la grande armée désirait voir élire Dewey ?

— Dewey ou un autre. Nous préférons une administration whig aux buts bien définis à un gouvernement populiste qui ne cesse de tergiverser.

J’aurais bien entendu dû comprendre que Tyss et Tirzah auraient les mêmes réactions. Que cela ne me soit jamais venu à l’esprit était une nouvelle preuve de mon incroyable naïveté.