CHAPITRE II

 

L’ADN, la vie, le cerveau et la conscience

Nous avons vu que le phénomène de l’intrication, tout en n’étant pour l’instant pleinement vérifié et unanimement accepté que dans le cas des particules élémentaires, trouve son origine dans un mécanisme de portée exceptionnellement vaste, bien décrit quantitativement (potentiel quantique) et qualitativement (ordre impliqué) par le modèle de Bohm, un modèle qui par de nombreux aspects se conjugue très bien avec le modèle holographique du cerveau de Pribram. L’extension aux mécanismes de fonctionnement du cerveau, afin de nous permettre de percevoir la réalité, nous mène à voir immédiatement que l’horizon de l’intrication quantique est réellement infini, et sûrement non limité aux états de cohérence quantique des seules particules élémentaires. Ces vingt dernières années ont connu le développement de recherches aussi bien dans le domaine de la physique théorique que dans celui de la biophysique, qui semblent montrer – même si à un niveau encore embryonnaire, mais fondé du point de vue de la rigueur scientifique – que la réalité de l’intrication quantique peut s’appliquer à des systèmes beaucoup plus complexes que les seules particules comme les électrons, les photons ou les atomes.

Quoi qu’il en soit, certains phénomènes de cohérence relativement macroscopique ont été établis non seulement du point de vue expérimental, mais aussi technologique. Par exemple, la technologie du laser, y compris ses applications dans le domaine de l’holographie, est un type de cohérence quantique, du moment où un faisceau de lumière laser – qui se vérifie à température ambiante – est caractérisé par des photons monochromatiques qui se meuvent en harmonie d’un commun accord. Il ne s’agit pas exactement d’intrication quantique dans le sens d’union synchrone de particules distantes les unes des autres, mais plutôt de particules très proches qui évoluent avec un parfait synchronisme. La substance ne change toutefois pas : dans ce cas également, une résonance a lieu entre de nombreux photons. En effet, dans le cas du laser, les ondes varient de façon identique. L’holographie n’est rien d’autre qu’une manifestation des processus de cohérence qui ont lieu dans le laser. Et la chose intéressante, c’est que les effets de la décohérence sont ici évités. Les « condensats de Bose-Einstein » sont une autre application, moins connue, où des effets de cohérence quantique ont lieu à un niveau relativement macroscopique (pour être précis : il s’agit d’un état « mésoscopique », c’est-à-dire intermédiaire entre les niveaux microscopiques et macroscopiques). Dans ce cas, il s’agit de conglomérats d’atomes obtenus en refroidissant la matière jusqu’à environ le zéro absolu : ceci afin d’annuler les mouvements thermiques des atomes. Prenons, comme exemple, le cas du sur-refroidissement d’environ 2 000 atomes de rubidium : comme dans le cas du laser (qui est de l’énergie pure), ces condensats (qui sont de la matière pure) prennent une structure cohérente, sous forme d’un nuage sombre, où chaque atome perd son individualité en entrant dans un état énergétique unique. Si l’un des atomes est perturbé par une cause quelconque, tous les autres composants en ressentiront simultanément l’effet et réagiront en conséquence. Ces atomes se comportent donc comme une seule entité quantique et, en raison de leur cohérence, peuvent être décrits par une seule fonction d’onde. En résumé, il s’agit de l’équivalent atomique d’un laser. Les supraconducteurs et les superfluides qui, comme dans le cas des condensats de Bose-Einstein, exigent un sur-refroidissement pour atteindre un état de cohérence quantique, constituent d’autres exemples où des groupes d’atomes peuvent s’aligner en agglomérats cohérents. Disons, en conclusion, que ces situations reflètent toutes des formes de non-localisation qui se vérifient, dans ce cas, non pas entre objets distants, unis par des liens de type EPR, mais entre objets qui tout en agissant à l’unisson comme les particules d’une expérience EPR, restent ensemble pour constituer une seule structure comme, par exemple, un faisceau laser ou un condensat de Bose-Einstein.

Eh bien, notre cerveau contient au sein des neurones des micro-organes connus sous le nom de « microtubules » qui semblent être de bons candidats pour devenir le siège de phénomènes de cohérence quantique semblables à ceux des condensés d’atomes décrits ci-dessus. Comme nous le verrons par la suite, en analysant en détail la plus avancée des théories relatives à la « neurodynamique quantique », les microtubules jouent un rôle déterminant en termes de cohérence, d’intrication et de réalisation quantique. Et cela surviendrait dans des conditions aptes à empêcher les processus de décohérence, bien que le cerveau soit caractérisé, en raison de sa température relativement haute, par des phénomènes d’oscillation thermique qui pourraient la favoriser. En d’autres termes, il semble que les caractéristiques quantiques de cohérence, d’intrication et de superposition quantiques ne soient pas la seule prérogative des particules, mais également de systèmes macroscopiques comme le cerveau dans son ensemble. Nous reviendrons sur ce point en détail dans un prochain chapitre.

Mais revenons à présent aux systèmes cohérents d’un point de vue quantique comme le laser, l’élément énergétique des systèmes mésoscopiques cohérents. Nous sommes habituellement convaincus que les phénomènes d’émission cohérente monochromatique ne peuvent être produits artificiellement que par l’homme ou, plus rarement, qu’ils ne surviennent spontanément dans la nature que dans des phénomènes astrophysiques comme l’effet maser (où le rayonnement cohérent est émis dans les ondes radio plutôt que dans les ondes lumineuses). Mais les choses ne se passent apparemment pas que dans ces termes, du moins c’est ce que laissent penser les découvertes récentes sur le présumé « effet ADN fantôme » du biophysicien russe Peter Gariaev.

2.1.  UN BIOORDINATEUR APPELÉ ADN

La cellule représente la forme de vie la plus simple. Il en existe une grande variété, aussi bien au niveau de la forme que des dimensions, qui remplissent de nombreuses fonctions. Le corps humain peut être considéré comme une communauté de milliards de cellules de 200 types différents qui vivent en harmonie. L’un des plus grands mystères de la vie consiste à comprendre comment ces cellules autonomes peuvent transcender leur individualité pour fonctionner en harmonie les unes avec les autres pour le bien de l’ensemble du corps. Nous savons que chaque cellule contient de l’acide désoxyribonucléique : l’ADN. Les gènes, qui spécifient la composition des protéines, sont l’unité fonctionnelle de l’ADN. De cette façon, notre corps représente un système complexe de cellules qui s’auto-organisent pour réaliser les figures génétiquement définies que prend l’ADN. Mais qu’est-ce que l’ADN, d’où vient-il précisément et de quelle façon fonctionne-t-il pour créer la vie ? Des descriptions biochimiques officielles nous expliquent comment l’ADN agit, mais ne nous donnent aucune description précise de la physique dissimulée derrière les processus. En outre, une très grande partie de l’ADN (97 % environ) reste méconnue. Jusqu’à peu, elle était considérée comme presque inutile, alors qu’elle jouerait un rôle fondamental dans la transmission de l’information à l’intérieur d’un ensemble de cellules.

De récentes recherches comme celles du biophysicien russe Peter Gariaev suggèrent que la cohérence collective, observée dans l’assemblage dynamique comme système auto-organisé des cellules, serait guidée par des liens non locaux provenant d’une réalité au-delà de notre monde physique. Il existe de solides raisons de penser que l’ADN fonctionne d’une façon directement liée à la projection holographique dans le sens que l’ADN projetterait le projet d’un organisme donné, qui serait ensuite transféré du niveau électrodynamique au niveau moléculaire. Les recherches de Gariaev en particulier semblent de plus suggérer que l’ADN fonctionne comme un « bioordinateur » capable de lire et d’écrire le code génétique, et qu’il est capable de former des pré-images holographiques pour les biostructures. Nous serions ainsi plus des êtres électromagnétiques que des êtres chimiques. À la base de toute forme de vie, il y aurait donc ce que l’on définit comme un « biochamp ». L’information portée par le biochamp est basée sur tout le matériel génétique de l’organisme à chaque étape de son développement ontogénétique, et fournit un véritable contrôle opérationnel sur tous les programmes vitaux de l’organisme. Des biochamps individuels seraient aussi capables d’interagir avec les biochamps d’autres organismes. Les processus structurés capables de générer ces biochamps endogènes qui préfigurent la formation de la structure moléculaire seraient localisés au sein du séquençage des chromosomes22 qui opéreraient comme un émetteur de rayonnement laser fonctionnant à travers des biophotons cohérents. L’idée que les organismes puissent utiliser un rayonnement électromagnétique pour permettre une communication entre les cellules remonte aux années 20 du siècle dernier, mais c’est à partir des recherches du biophysicien allemand Fritz-Albert Popp et de ses collaborateurs dans les années 70 que des études approfondies lui ont été consacrées. On comprit que l’ADN est l’une des sources des biophotons, et l’on devina que derrière ces derniers se trouvait une structure. Des preuves que les biophotons sont responsables du déclenchement de réactions biochimiques entre les cellules furent également établies. Des recherches plus récentes démontrent qu’exposer des embryons à la lumière blanche provoque une réémission de couches de lumière flash quelques minutes voire quelques heures après l’exposition, une réminiscence de cette même superradiance observée dans les systèmes atomiques hautement cohérents.

D’une manière probablement liée à l’émission de biophotons, les fonctions des chromosomes agiraient comme un appareil d’ensemble dont la propriété fondamentale serait la non-localisation de l’information génétique transmise par ces derniers. Le système des chromosomes agirait aussi bien comme un transmetteur que comme un récepteur de ce que l’on définit comme des « textes » génétiques. Ainsi, la mémoire holographique des chromosomes serait lue par des champs électromagnétiques et acoustiques qui transportent l’information génétique au-delà des limites du chromosome même. Un système de transmission de l’information de ce genre ressemble beaucoup au modèle de mémoire holographique élaboré par Karl Pribram pour le cerveau. Mais ici, nous sommes au niveau de l’ADN, une structure, fondamentale à la vie, que l’on pensait « stupide » et ne fonctionnant que selon des mécanismes biochimiques.

Plus précisément, de quelle façon le biochamp se lie-t-il à la nature de l’ADN et comment une projection holographique a-t- elle lieu ? La molécule d’ADN semble vraiment avoir des caractéristiques quantiques, et peut être « lue » par ce que l’on définit comme des « biophotons » provenant des chromosomes, jusqu’à mettre sur pied une sorte de champ d’onde holographique, qui fonctionnerait comme un modèle pour la formation de la structure biologique. L’image serait construite sur la base de l’information de référence contenue dans les gènes. En effet, le groupe de recherche dirigé par Gariaev a commencé à explorer expérimentalement la structure hélicoïdale de l’ADN et en a découvert certains marquages qui font effectivement penser que cette structure fonctionne comme un projecteur holographique du code génétique. De cette façon, le projet existentiel décrit par la structure en colimaçon de l’ADN est traduit en un champ électromagnétique complexe qui dirige la croissance moléculaire de l’organisme vivant. Le groupe de Gariaev semble avoir découvert que cette structure holographique de l’ADN porte en soi des « textes » génétiques, en tout point semblables aux textes du langage humain ; le séquençage des chromosomes (contenant les gènes qui se trouvent dans le noyau de la cellule en ordre linéaire) agirait simultanément aussi bien comme source que comme récepteur de ces textes génétiques, en les décodant et en les codant ; la séquence constituée par les chromosomes agirait à l’instar d’un réticule holographique dynamique, qui produit ou capte une faible lumière laser et un champ électro-acoustique de nature solitonique23. De cette façon, le code serait transformé dans la matière physique connue, guidé par des signaux sonores et lumineux. L’ADN agirait alors comme projecteur holographique d’information acoustique et électromagnétique contenant la base d’information d’un « bio-hologramme ». Dans ces processus, la transmission de l’information génétique aurait lieu de façon complètement non locale, c’est-à-dire basée sur le mécanisme de l’intrication. Les chromosomes en particulier semblent avoir la capacité d’émettre un rayonnement laser, et de la convertir en ondes radio, afin que les signaux codés se transforment de lumière en son. Cependant, la polarisation des photons laser des chromosomes est liée par intrication avec la polarisation des ondes radio. L’information génétique du génome serait donc enregistrée en termes de polarisation de ses photons, transférée de façon non locale, puis diffusée globalement à travers tout l’organisme biologique. Les signaux électromagnétiques créeraient des figures d’interférence en mesure de générer de véritables hologrammes, de telle façon que la « mémoire holographique » d’un gène équivaudrait à la « lecture » des hologrammes – c’est-à-dire les « textes génétiques » – par les biophotons laser et par les ondes radio produites en réponse à ces derniers. Gariaev considère que l’origine de ce mystérieux mécanisme se trouve dans le vide quantique, la « région » d’où partirait toute l’information. Sur la base de ce mécanisme de transport de l’information, l’ADN porterait partout une copie de soi comprenant intégralement le projet originaire, tandis que le mécanisme de répétition serait conçu par le champ électromagnétique biophotonique.

Concentrons toutefois notre attention sur le fait que, d’après les recherches de Gariaev, la propriété fondamentale des chromosomes est le transfert non local de l’information génétique, qui se vérifie à travers l’intrication quantique du paramètre « polarisation » des photons laser avec le paramètre « polarisation » des ondes radio. Des expériences de laboratoire semblent en effet le prouver : en faisant interagir un faisceau laser avec une préparation in vitro d’ADN, l’ADN polarise et convertit instantanément le faisceau en ondes radio (en fréquences oscillant entre les KHz et les MHz). De cette façon, les chercheurs sont capables de lire intégralement, de reproduire et d’utiliser comme empreinte l’information d’ADN mémorisée. Dans ce cas particulier, comme dans le cas analogue des photons intriqués des expériences de téléportation actuelles, le principal canal d’information – ou paramètre d’intrication – serait justement la polarisation : un canal complètement non local qui fonctionne aussi bien pour les (bio)photons que pour les ondes radio. Il ne resterait alors plus qu’à conclure que l’ADN est un véritable ordinateur fonctionnant selon des principes quantiques de gestion de la mémoire et ressemblant beaucoup à un projecteur holographique où le génome24 est considéré comme un hologramme de lumière et d’ondes radio qui créent le background – ou projet constructif – nécessaire pour une expression détaillée du matériel génétique. Cette information est constamment, et de façon synchrone, lue par des milliards de cellules, ce qui justifie les réponses parfaitement coordonnées des systèmes vivants. En revanche, dans ce cas, il s’agit d’un système biologique : un bioordinateur à tous les effets, où l’information est lue par des émissions laser endogènes des chromosomes lesquels, à leur tour, produisent une émission radio de type « sémantique » (ou régulateur) pour le génome même. Avec ce système, au sein d’organismes biologiques complexes comme, par exemple, le corps humain, les cellules peuvent prendre instantanément connaissance l’une de l’autre : c’est le seul système efficace en mesure de permettre au regroupement de cellules de coordonner son métabolisme et ses propres fonctions. Nous ne sommes pas les seuls à être dotés d’intelligence, les bases cellulaires de notre corps et d’organismes moins complexes comme, par exemple, les amibes ou les oursins le sont aussi. L’extraordinaire chemin évolutif des biosystèmes multicellulaires ne peut être expliqué qu’avec le mécanisme de la non-localisation qui se vérifie à travers un jeu d’échange d’information entre biophotons laser et ondes radio. Tout cela survient en dehors d’un contexte de cause et d’effet. Si les choses ne se passaient pas ainsi, les organismes biologiques ne seraient pas aussi sophistiqués qu’ils le sont en tant que système collectif, et si les transmissions intercellulaires avaient effectivement lieu à la vitesse de la lumière à travers des canaux électromagnétiques conventionnels, nous ne pourrions pas avoir des biosystèmes hautement évolués et complexes en mesure d’opérer en temps réel à chaque instant. Selon Garaiev, nous devons la vie et l’intelligence qu’elle abrite à la non-localisation des processus d’information qui ont lieu dans la structure intime des cellules, lesquelles assurent supercohérence et cohésion à un organisme donné au sein d’un tout parfaitement coordonné, en mesure de garantir l’intégrité de l’information.

Ces découvertes ont des conséquences étonnantes comme, par exemple, ces ondes radio produites par intrication avec les biophotons laser de l’hologramme de base qui seraient en mesure de provoquer des modifications morphogénétiques chez les organismes vivants, dans le but également de remédier à d’éventuels dommages au niveau génétique, justement parce que ces ondes transmettent de façon cohérente et non locale des informations sur le « plan correct » relatif aux déjà cités « textes sémantiques » concernant le génome : ainsi seraient conservés les processus vitaux, grâce à ce système de corrections continues. Cela a été prouvé par des expériences menées sur certains organismes végétaux : par exemple, en reproduisant artificiellement les mêmes ondes radio polarisées que celles produites par l’ADN, on a pu faire croître très rapidement des pommes de terre ou tubercules, voire ressusciter les graines mortes de certaines plantes qui avaient poussé dans la région de Tchernobyl en 1987. En revanche, on a observé que les ondes radio polarisées qui ne véhiculent pas d’informations sur l’ADN sont biologiquement inactives. Les processus de non-localisation qui ont lieu dans l’émission de biorayonnement représentent donc le seul moyen à travers lequel un organisme obtient des informations illimitées sur son propre métabolisme, puisque grâce à ce mécanisme bio-informatique, les molécules d’ADN sont apparemment capables de former des pré-images des biostructures globales d’un organisme , et de transmettre instantanément cette information à toutes les autres molécules. Si les choses se passent vraiment ainsi, alors l’homme pourra, une fois que la technique de transport d’information de l’ADN sera bien comprise, simuler ce qui se passe sur le plan holographique de l’ADN pour remédier à de graves défauts comme, par exemple, le cancer ou la maladie d’Alzheimer, ou d’autres maladies handicapantes et, à ce jour, sans traitement.

La beauté de cette phénoménologie réside aussi dans le fait que l’ordinateur génétique est capable de lire et de comprendre des textes sémantiques représentés par des biophotons laser (à leur tour intriqués avec le faisceau d’ondes radio), d’une façon très proche de la pensée humaine, au point de considérer que même le langage trouve son origine, bien enracinée, dans les mécanismes par lesquels l’ADN absorbe et transmet l’information.

Certains ont suggéré que la cohérence quantique relevée dans la molécule de l’ADN est associée à la conscience même. Elle fonctionnerait comme les champs quantiques de la conscience, mais également comme un intermédiaire en mesure de faciliter une véritable cascade d’informations d’origine multidimensionnelle, qui serait ensuite convertie dans le domaine électromagnétique.

Ces découvertes nous éclairent non seulement sur la nature quantique de notre être biologique (dans ce cas, il serait bien plus correct de dire « biophysique »), mais ouvrent aussi de nouveaux horizons pour la conception d’ordinateurs et/ou d’automates quantiques basés sur la physique de l’ADN. En effet, l’holographie quantique affirme que l’ADN satisfait aux principes d’un ordinateur. L’ADN porte en lui sa propre copie et il est son propre projet, écrit dans les textes génétiques où le mécanisme de transcription de l’ADN appartient au champ biophotonique. Dans la répétition de l’organisme, le projet crée un « champ acoustique » qui conçoit et construit mécaniquement les organismes en utilisant la matière disponible, ceci en accord avec l’information constamment véhiculée dans les hologrammes du champ électromagnétique.

La transmission de l’information génétique n’est pas un processus aléatoire. Les phénomènes biochimiques se limitent aux effets d’une cause physique, tandis que seul un processus très élaboré peut être à l’origine de tout ceci. Il ne fait alors aucun doute que les notions biochimiques sur le code génétique telles qu’on les accepte aujourd’hui doivent changer (ou du moins être développées) radicalement. Il sera alors non seulement possible de comprendre et de créer à notre tour l’ADN comme un bioordinateur quantique, mais aussi d’obtenir de la nature même une compréhension profonde de ce que signifie exactement un « processus informatif ». Ces découvertes semblent vouloir nous enseigner que l’univers et la vie sont structurés pour transmettre l’information d’un système à l’autre, tandis que les éléments de matière/énergie ne seraient que l’effet d’une cause plus grande, dérivant de l’information à l’état pur.

Ce rayonnement faible connu sous le nom de « biophotons » découvert, il y a quelques années, par quelques chercheurs, mais ignoré par tous les autres est probablement l’un des points cruciaux de la recherche en biophysique. Il s’agit de la marque commune à tous les phénomènes caractérisés par un degré très élevé de cohérence, ainsi que du mécanisme principal de transmission non locale d’information entre les cellules. Tout ceci rappelle le phénomène universel de la vie, de la naissance, de son développement et de son évolution.

2.2.  LES MICROTUBULES ET L’INTRICATION CÉRÉBRALE

Nous avons vu que les processus vitaux qui naissent de l’ADN ne peuvent se vérifier qu’à travers des mécanismes d’intrication quantique, où la non-localisation est arbitrée par les biophotons. Dans ce cas particulier, nous avons parlé de vie consciente. Comment et où naît la conscience ? Les théories normalisées défendent contre vents et marées un modèle mécanique, selon lequel la conscience ne serait qu’un processus purement électrique – et donc voyageant à la vitesse de la lumière, mais pas quantique – déclenché par les échanges continus d’énergie entre les neurones. En effet, l’approche classique considère que les neurones et leurs synapses25 chimiques sont les unités fondamentales d’information dans le cerveau, et que l’expérience de la conscience émerge lorsqu’un niveau critique de complexité est atteint dans le réseau neural du cerveau. Le processus d’élaboration de l’information serait de cette façon complètement algorithmique26, exactement comme l’ordinateur que nous avons sur notre bureau, même si, cela va de soi, beaucoup plus complexe.

Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui continuent de croire que le cerveau – avec ses 100 milliards de neurones, qui contiennent chacun de 1 000 à 10 000 synapses agissant comme des interrupteurs qui fonctionnent des centaines de fois par seconde pour un nombre d’opérations déclenchant environ 1015 processus par seconde – fonctionne simplement comme un ordinateur de bureau. Pourtant, les recherches de Pribram sur le cerveau holographique semblent brosser un tableau bien différent de la façon dont nos perceptions et nos souvenirs se manifestent. Bien que le cerveau soit indispensable à la réalisation de processus fondamentaux, les recherches les plus avancées montrent que notre conscience n’est pas le simple fruit d’un ensemble de « processus linéaires ». Comme dans le cas des recherches précédentes, ce ne sont pas des penseurs obscurs ou frustrés qui l’affirment, mais deux des plus grands esprits de l’ establishment officiel : le mathématicien et physicien théorique britannique Roger Penrose et l’anesthésiste et neurobiologiste américain Stuart Hameroff. Ces deux génies, en unissant leur savoir et leur ténacité sont parvenus à mettre sur pied le plus sophistiqué des modèles biophysiques, en mesure d’expliquer comment émerge le mécanisme de la conscience et quel est le rôle exact du cerveau dans ce processus. Ainsi que l’avaient démontré les études de Peter Gariaev sur l’ADN, l’architecture dynamique de tout le processus dérive de l’intrication quantique. Les « microtubules » du cerveau sont le siège principal de l’intrication quantique.

Les microtubules sont l’élément constitutif du cytosquelette, que l’on pourrait définir comme l’ossature des cellules. Il a été démontré que les microtubules constituent le système nerveux et « circulatoire » des cellules. Ce sont eux qui déplacent tout dans les cellules : ils en organisent la forme et la fonction tout en communiquent avec les membranes et l’ADN nucléaire. Les microtubules sont de véritables unités dotées d’une intelligence propre, à tel point qu’un être élémentaire unicellulaire comme la paramécie est capable de nager, d’apprendre, d’éviter les prédateurs, de trouver de la nourriture et de se reproduire, simplement grâce aux microtubules, et ce sans nul besoin de synapses. De plus, cette forme élémentaire d’intelligence des microtubules fut vérifiée directement par les expériences de Hameroff sur la division cellulaire dans les cellules normales et dans les cellules cancéreuses : il a constaté l’extraordinaire capacité des chromosomes à se séparer de façon extrêmement précise grâce à l’action régulatrice des microtubules. De cette façon, les microtubules prouvent qu’ils se comportent comme de véritables mécanismes d’information ; ils n’ont d’ailleurs pas été choisis au hasard par Hameroff comme principaux médiateurs de la conscience. De plus, la structure à cristaux liquides27 quasiment identique des microtubules, le caractère de cohérence prouvé aussi bien par une structure semblable aux condensats de Bose-Einstein ou aux supraconducteurs, que par des phénomènes de « superradiance »28 caractérisés par l’émission de biophotons par les microtubules, en font un terrain idéal pour que des effets quantiques remarquables aient lieu, si l’on ajoute que les conditions particulières d’isolement des microtubules, grâce à la médiation d’un type de « gel », les rendent suffisamment armés contre le phénomène de la décohérence.

Les microtubules comptent également parmi les principaux éléments de chaque neurone du cerveau. Dans les neurones, ils s’assemblent pour permettre et réguler les connexions synaptiques, lesquelles sont responsables des fonctions cognitives. Les microtubules interagissent mécaniquement dans l’environnement cérébral en mettant en contact les protéines, chimiquement à travers la production d’ions qui fonctionnent comme des « signaux messagers » et électriquement en générant des champs de voltage.

Dans ses recherches sur les chromosomes, Hameroff s’est au fil du temps non seulement rendu compte que les microtubules représentaient le véritable système nerveux des cellules, mais il a surtout découvert, en étudiant la composition des microtubules présents en grand nombre dans les neurones cérébraux, que la structure de ces microscopiques organes cellulaires, à leur tour constitués principalement d’une protéine appelée « tubuline », était identique aux circuits on-off d’un ordinateur : les tubulines à l’intérieur des microtubules peuvent donc jouer le rôle de « bit » mais, comme nous le verrons par la suite, il ne s’agit pas de bits classiques, mais de q-bits, c’est-à-dire de bits quantiques. L’idée de se concentrer sur les microtubules en tant que possibles objets quantiques est motivée par la nécessité de trouver un environnement adapté autorisant les états quantiques à vivre suffisamment longtemps avant que les interactions avec l’environnement tiède et liquide du cerveau ne les détruisent. Les microtubules sont le lieu idéal où les tubulines peuvent rester pendant un certain laps de temps en état de superposition quantique, tandis que simultanément les microtubules présents dans le cerveau se trouvent entre eux en parfait état d’intrication. Mais ces deux propriétés – la superposition et l’intrication – sont justement utilisées dans les ordinateurs quantiques, où ce ne sont pas les bits, faits d’états qui correspondent à 0 ou 1, qui comptent, mais les q-bits, qui sont des superpositions de 0 et 1. Dans les ordinateurs quantiques, les q-bits communiquent instantanément au moyen du mécanisme de l’intrication : cela permet d’effectuer des calculs incroyablement rapides. Puis, lorsque quelqu’un observe ou mesure les q-bits, leur état de superposition s’effondre de telle façon que les états égaux à 0 ou 1 sont choisis. Le calcul quantique est en soi algorithmique, mais ce n’est qu’à l’instant de l’effondrement des états quantiques superposés qu’a lieu une influence non algorithmique déclenchée par un élément qui – comme nous le verrons par la suite – semble concerner la métaphysique, mais qui est dans les faits enraciné dans la réalité plus fondamentale de l’univers.

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Figure 3. Représentation schématique d’un microtubule et des tubulines qu’il contient (à gauche) et (à droite) simulation par ordinateur d’un microtubule en 3D.

(Lawrence Berkely National Laboratory : http://www-vis.lbl.gov/)

Les microtubules sont donc un élément fondamental – autrefois négligé (tout comme l’avait été l’« effet ADN fantôme » de Gariaev) – des neurones cérébraux. On trouve aussi des microtubules dans les cellules eucaryotes29 ou dans d’autres formes particulièrement primitives de vie comme la paramécie ou les amibes. Ces êtres n’ont ni neurones ni système nerveux et pourtant, grâce aux microtubules, ils parviennent à accomplir des opérations élémentaires d’intelligence. Mais comment sont faits les microtubules ? Il s’agit de tout petits tubes allongés de quelques nanomètres de diamètre, qui ressemblent un peu à de longs épis de maïs, dont les grains de blé représenteraient justement les tubulines. Ils incarnent la structure la plus profonde des neurones et en garantissent la connexion collective, dès lors que ce sont les microtubules qui autorisent le transport des neurotransmetteurs. Ces molécules sont fondamentales pour le comportement des synapses. À l’intérieur de chaque microtubule se trouvent les tubulines, formées de protéines disposées en spirale, qui confèrent au microtubule sa structure tubulaire. On estime qu’il y a environ 1018 tubulines dans le cerveau. Le fait physiquement important est qu’ici chaque tubuline se comporte à l’instar d’un dipôle pouvant assumer deux états de polarisation électrique, d’après les états 1 et 0. Dans ce cas, il s’agirait de véritables « dipôles protéiniques », dont la distribution dans les parois de chaque microtubule peut exciter les molécules d’eau30 dans le noyau de ce microtubule. Si un nombre assez important de ces dipôles est déclenché, l’énergie même des molécules d’eau atteint un état de cohérence élevée. Lorsque l’énergie diminue, les molécules d’eau retombent collectivement dans un état d’énergie plus bas, en émettant des photons cohérents dans le microtubule. De cette façon, les tubulines et les molécules d’eau forment un système hautement coopératif.

Les tubulines sont les environnements idéaux pour les processus algorithmiques, mais comme nous le verrons, il ne s’agit pas de processus classiques. Ce ne sont certainement pas des processus semblables aux ordinateurs traditionnels, car à l’intérieur des microtubules se forme l’environnement idéal pour des effets quantiques bien isolés de l’environnement externe et donc protégés de l’action délétère de la décohérence. D’après Hameroff, les microtubules présents à l’intérieur de chaque cellule nerveuse (neurone) sont capables de produire des états de cohérence quantique dans l’ensemble du cerveau, afin que la cohérence quantique entre les tubulines distribuées dans le cerveau devienne possible. Comme nous le verrons par la suite, ce sera l’effondrement de ces états de cohérence qui détermineront les actes élémentaires de conscience. Cette cohérence et les processus d’intrication quantique qui y ont lieu font de ces tubulines des entités pouvant posséder les mêmes caractéristiques que les électrons ou les photons intriqués du monde des particules élémentaires, et où les particules intriquées ne se comptent pas par simples paires, mais par milliards ! La situation pour les microtubules est légèrement semblable aux condensats de Bose-Einstein, où le mécanisme de l’intrication se réalise entre particules voisines et coopérantes, et non pas entre particules particulièrement distantes. Pour les raisons qui seront expliquées par la suite, c’est à travers les microtubules que se manifeste la conscience.

2.3.  LA MAGIE DU MONDE PLATONIQUE ET LA NAISSANCE DE LA CONSCIENCE

Le travail d’Hameroff, avec son expérience en neurobiologie, consistait à trouver des endroits et structures dans le cerveau en mesure de permettre des effets de calcul quantique, mais il manquait encore l’ossature physique de la théorie. Ce fut alors que Roger Penrose entra en scène. Il expliqua quels étaient les mécanismes physiques qui déterminaient la formation de moments de conscience dans le cerveau, à travers des états d’intrication et de cohérence présents dans les microtubules et l’effondrement de la fonction d’onde qui rassemble les états quantiques à l’intérieur des microtubules. Cet effondrement se vérifie d’une manière très sophistiquée et a lieu non pas à travers un processus de mesure, mais à travers la gravité quantique. Comme nous le verrons, cet effondrement conduit à des actes élémentaires de conscience, que l’on ne peut toutefois pas calculer dans le sens traditionnel du terme (c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de processus algorithmiques), comme on le pensait lorsque l’on considérait encore que les neurones avec leurs mécanismes de transmission électrique étaient les principaux protagonistes du processus.

Afin que tout ceci ait lieu, il est nécessaire que le cerveau produise un état de cohérence quantique macroscopique, et que cet état soit maintenu pendant un certain temps. Comme nous le verrons, l’effondrement des états de superposition quantique qui se vérifient dans le cerveau à travers les microtubules a lieu en moyenne tous les quarantièmes de seconde. Comme en conviennent Penrose et Hameroff, la conscience est un processus à la frontière du monde quantique et du monde classique. Il s’articule en deux étapes fondamentales. La première phase est celle du « moment inconscient » qui correspond à la superposition quantique de tous les états des tubulines dans les microtubules, une sorte de limbes de la conscience de très brève durée. La seconde étape est celle du véritable « moment conscient » qui correspond à l’effondrement de la fonction d’onde qui rassemblait en soi dans un seul état quantique la complexe intrication d’ensemble unissant les microtubules dans le cerveau : cette seconde étape est dénommée « réduction objective orchestrée ». Objective parce que l’effondrement de la fonction d’onde réduit un état quantique à un état traditionnel. Orchestrée parce que le moment de conscience résulte de l’action concertée d’un certain nombre de microtubules intriqués dans le cerveau. D’après les calculs, il est possible d’établir que 109 tubulines sont nécessaires pour générer un moment de conscience correspondant à la réduction orchestrée. Cette seconde étape enclenche automatiquement, à la suite de l’effondrement de la fonction d’onde, les processus électriques normaux par lesquels les neurones et les synapses communiquent entre eux à travers les signaux classiques. Les connaissances traditionnelles sur le fonctionnement du cerveau n’étaient pas fausses en soi, mais simplement très incomplètes, dès lors qu’elles ne prenaient en considération que les effets des choses et non pas les causes (c’est une caractéristique constante de toute la science classique d’empreinte purement newtonienne).

Mais qu’est-ce qui détermine l’effondrement de la « fonction d’onde cérébrale » ? Il ne s’agit ni d’un processus de mesure ou d’observation, comme c’est au contraire le cas dans les processus quantiques normaux, ni de la décohérence en raison des interactions destructrices au niveau quantique qui peuvent survenir dans le cerveau. Il s’agit ici d’un processus complètement différent qui prend naissance dans la gravité quantique. Cela peut paraître étrange, un effondrement gravito-quantique à l’intérieur du cerveau serait en effet vraiment étonnant, mais c’est pourtant bien réel et compréhensible quand on a saisi le contexte physique précis où elle survient. Penrose considère que les superpositions quantiques d’états au niveau des tubulines se manifestent comme des « séparations » à un niveau très élémentaire de la réalité : la dernière des réalités possibles, du moins d’après les connaissances de physique théorique les plus avancées. Il s’agit justement du champ de Planck, cette « région » également dénommée « écume quantique » (ou vide quantique, qui n’est qu’un faux vide), où le monde quantique et le monde relativiste finissent par nécessairement coïncider, dès lors que ce champ est à la fois matière/énergie (soumise à des effets quantiques) et espace-temps. D’après la théorie de la relativité, une masse possède la caractéristique de courber l’espace-temps. Penrose considère que la gravité, générée par la masse, est justement importante pour comprendre les énigmes de la mécanique quantique, et que cette dernière doit être modifiée pour intégrer les effets de la gravité, plutôt que le contraire. Le champ de Planck est le contexte idéal où développer cette physique.

Roger Penrose a en effet étudié à fond le problème de l’union de la mécanique quantique et de la relativité générale à travers sa théorie des réseaux de spins31, et il a trouvé dans le cerveau une région idéale où cette fusion pourrait avoir lieu ; mais avant l’effondrement de la fonction d’onde (le moment de conscience), c’est comme si les éléments qui fournissent de la conscience au cerveau se trouvaient dans un état d’animation suspendue dans une autre dimension : le champ de Planck, justement, avec une longueur caractéristique de 10-33 cm. Mais que se passe-t-il donc en présence d’états de superposition quantique dans l’ensemble de microtubules intriqués qui animent le cerveau ? Ils correspondent à des séparations (ou boules) dans l’espace-temps, qui en provoquent l’effondrement, exactement comme une masse s’effondre dans un trou noir. Penrose définit cette « information suspendue », qui caractérise les états de superposition, comme de l’« information protoconsciente ». Elle réside dans le champ de Planck, mais Penrose étend justement à cette échelle la théorie de la relativité générale (où une masse courbe l’espace-temps). De cette façon, des arrangements spécifiques de masses comme, par exemple, celles des microtubules, représentent alors des configurations particulières de la géométrie de l’espacetemps. Nous ne nous trouvons cependant pas ici au voisinage d’un trou noir, dans l’ergosphère, mais dans un environnement microscopique ; aux effets relativistes doivent donc être ajoutés les effets quantiques : de cette façon, la masse énergie des tubulines dans les microtubules courbe l’espace-temps, et lorsque les tubulines sont dans un état de superposition quantique, cela se manifeste dans l’espace-temps par des « séparations » de la masse totale, ce qui n’est autre qu’un effet simultané (par intrication quantique) de courbure spatio-temporelle dans des directions opposées. Dans ces circonstances, une protéine comme la tubuline en arrive à se trouver dans deux états superposés qui correspondent à deux courbures spatio-temporelles alternatives : cela correspond exactement à un état de superposition quantique de 0 et 1. Imaginons alors le nombre de tubulines qui sont dans cet état à l’intérieur d’un seul microtubule et au nombre total de microtubules dans le cerveau ; nous obtiendrons un nombre absolument considérable de q-bits. Ce n’est autre que la manifestation d’un ordinateur quantique ! En effet, quand elles sont en état de superposition, les tubulines communiquent avec les autres tubulines intriquées qui sont dans le même microtubule, dans les autres microtubules qui se trouvent dans le même neurone, dans les microtubules des neurones proches et à travers des régions macroscopiques du cerveau. Tous ces processus tirent leur origine de l’échelle de Planck, c’est-à-dire du vide quantique ! Le vide quantique semble être une « région » lointaine. En réalité, elle se trouve dans l’espace interatomique, c’est-à-dire partout, et donc également dans notre corps et dans les microtubules.

Lors de l’augmentation de la taille d’un système donné de superpositions quantiques comme dans le cas de l’immense océan de microtubules dans le cerveau, on finit par atteindre un point – une valeur de seuil – où un « facteur objectif » représenté par la gravité quantique du champ de Planck déterminera l’effondrement de toute cette superposition. À l’échelle de Planck – c’est-à-dire du vide quantique –, cela se manifeste lorsqu’une courbure dans l’espace-temps devient trop grande : elle finira par s’effondrer dans un état ou dans un autre, sous l’action de la gravité. Cette même gravité, quantique en particulier, agirait comme une colle empêchant à l’univers de se scinder en de multiples univers différents afin qu’il reste compact, comme une seule entité. Contrairement à Everett avec sa « théorie des mondes multiples », à Deutsch et à d’autres physiciens, Penrose considère que c’est la seule façon de permettre l’existence de la conscience, au moyen justement d’un événement objectif de gravité quantique qui se déclenche dès qu’est dépassée une valeur de seuil de la masse des microtubules à l’étape de la superposition quantique. De cette façon, ces effondrements – ou « réductions objectives » comme l’appelle Penrose – agissent comme une « soupape thermorégulatrice » qui concentre notre conscience en un seul univers et fonctionne à la fois comme un mécanisme de « plug-in » capable d’unir notre être dans le monde physique avec l’être cosmique éternel du règne de Planck. Le flux de notre conscience serait alors une séquence continue de moments de conscience correspondant chacun à autant d’effondrements gravito-quantiques. Mais nous nous souvenons bien qu’il ne s’agit pas là du classique effondrement de la fonction d’onde qui a lieu lorsqu’un système quantique interagit avec l’environnement (décohérence) ou lorsqu’il subit un processus de mesure. Dans ce cas, il s’agit d’un effondrement auto-provoqué qui prend aussi en compte l’élément quantique de la gravité et qui survient spontanément et de façon objective dès qu’est dépassée une certaine valeur de seuil.

L’effondrement de la fonction d’onde n’est donc pas un simple effondrement quantique, mais c’est un effondrement gravitationnel qui survient dans un environnement quantique comme le champ de Planck. L’effondrement est dû à des facteurs objectifs, intrinsèques à la structure de l’espace-temps. Plus grande est la masse, plus grand et rapide est l’effondrement gravitationnel. Du moment où, dans le cerveau, un moment donné de conscience est déterminé par l’effondrement de la fonction d’onde dont nous avons parlé auparavant et dure très peu, c’est que la masse (équivalant à son tour à une énergie, en vertu de la théorie de la relativité) totale qui correspond au nombre de microtubules du cerveau est, relativement, très élevée. Il y a, par exemple, un nombre énorme de microtubules dans le cerveau humain, tandis qu’il y en a un nombre très petit chez des animaux primordiaux comme une amibe. Cela se traduit en différences de masses. Plus grande sera la masse et plus petite sera la durée de l’effondrement, c’est-à-dire la réduction objective de Penrose-Hameroff. Il est possible de l’exprimer à l’aide d’une formule très simple :

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E est l’auto-énergie gravitationnelle de la masse totale des superpositions quantiques chez les microtubules, h la constante de Planck divisée par 2π, et T la durée de cohérence jusqu’à l’effondrement. Nous voyons clairement par là que l’énergie totale d’un système gravito-quantique en condition de superposition d’états, comme dans le cas contingent de l’ensemble de microtubules et des tubulines/q-bits qu’ils contiennent, est inversement proportionnel au temps qu’il faut pour arriver à la réduction objective, c’est-à-dire au moment de conscience. En substance, dans le cas du cerveau humain, l’effondrement prend très peu de temps par le simple fait que l’énergie correspondante à la masse des microtubules concernés à un moment de conscience est énorme. N’oublions pas que dans le cerveau, il y a bien 1018 tubulines, et qu’un moment de conscience a besoin d’au moins 109 tubulines en état d’intrication. L’effondrement qui conduit à un moment de conscience est un facteur intrinsèque à la géométrie spatio-temporelle et dans ce cas, se manifeste comme un effet de gravité quantique, étant donné que l’événement ne survient pas à la surface d’une étoile de neurones, mais à une échelle quantique extrêmement petite. Il ne s’agit que d’une interprétation relativiste de la superposition quantique, qui dans ce cas est lue comme une « séparation de la masse d’elle-même », qui se manifeste en termes de « courbure » dans la géométrie spatio-temporelle de cette réalité fondamentale qu’est le champ de Planck. L’effondrement n’est pas provoqué par l’extérieur, mais c’est un phénomène d’instabilité spontané qui plonge ses racines dans la structure de l’espace-temps sur le plan quantique. Pour différentes raisons, la formule ci-dessus n’est autre qu’une conséquence du principe d’incertitude de Heisenberg.

Les états d’output qui émergent – comme moment de conscience – à l’instant du processus d’effondrement sont choisis de façon non algorithmique et régissent automatiquement les événements neuraux en liant entre elles les protéines associées aux microtubules et en régulant l’action des synapses : de cette façon, nous entrons dans le cadre traditionnel, qui ne décrit toutefois que les effets et non pas les causes du processus en acte lorsque l’on provoque un moment de conscience. Dans ce contexte, comment se configure le concept de « libre arbitre », un facteur fondamental de notre expérience qui prend naissance des événements de conscience ? Il peut être compris comme l’association de processus déterministes pré-conscients sur lequel agit une influence que l’on ne peut pas calculer (ou non algorithmique) : le moment même de la conscience qui coïncide avec l’effondrement quanto-gravitationnel des états de superposition des tubulines. Dans ce contexte, le flux subjectif du temps découle d’une séquence d’effondrements irréversibles, où a en effet lieu un « choix » que l’on prélève du monde platonique de Penrose, mais ce choix n’est pas vraiment algorithmique, et c’est justement la caractéristique principale des perceptions humaines, qui distinguent un être humain d’un autobus.

La durée très courte de cet effondrement dans le cerveau est donc autorisée par la grande masse constituée d’un nombre vraiment considérable de microtubules. Pour atteindre un moment de conscience de 1/10 – 1/100 de seconde (plus généralement 1/40 sec. correspondant à l’oscillation cérébrale EEG32 de 40 Hz), il faut que les microtubules de seulement 100 000 neurones soient en état de superposition quantique. Il est alors évident que si pour avoir un moment de conscience chez un être humain, il faut aussi peu de temps, cela signifie qu’à l’état de veille, un être humain peut expérimenter jusqu’à un million de moments de conscience par jour. Cela fait de l’homme un être résolument supérieur. Non pas qu’une cellule isolée (dotée de microtubules) ne puisse avoir conscience, mais étant donné la masse très basse en jeu, il lui faudrait au moins une heure pour avoir un moment de conscience. Cela signifie qu’une cellule n’aurait que 24 moments de conscience par jour : trop peu pour qu’elle soit capable d’éprouver de l’étonnement devant un tableau de Van Gogh. De plus, il est improbable qu’un état de superposition quantique puisse durer jusqu’à une heure, sans que la décohérence n’en détruise l’état. Cela explique pourquoi ce n’est qu’à travers le cerveau dans son ensemble qu’il est possible d’atteindre des moments de conscience très brefs, mais suffisants pour agir, avant que la décohérence ne détruise l’état de superposition. Nous voyons donc que l’être humain n’est pas une entité due au hasard, mais une machine intelligente extrêmement raffinée, dotée d’un cerveau qui permet des moments de conscience suffisamment brefs pour éviter la décohérence et suffisamment nombreux pour permettre l’existence de génies comme Stephen Hawking et Léonard de Vinci.

Ce qui est étonnant, c’est que Penrose et Hameroff – en raisonnant très rigoureusement et en unissant la physique quantique avec la neurobiologie – révèlent que l’origine de la conscience n’est pas dans le cerveau, mais dans un « monde absolu » comme l’écume quantique sur l’échelle de Planck. Ils n’y sont pas parvenus en faisant des spéculations abstraites sans rapport avec la réalité, mais tout simplement en analysant les fonctions spécifiques du cerveau et en parvenant à trouver une caractéristique structurelle – le microtubule – qui transforme le cerveau en un standard capable de se connecter avec… le monde des idées. Oui, justement le monde des idées de Platon ! En effet Penrose, qui est non seulement le plus grand expert de relativité au monde après Einstein, mais aussi l’un des rares scientifiques suffisamment subtils pour saisir le sens, et pas seulement le mécanisme, de la réalité, veut vraiment dire que cette géométrie fondamentale qui réside dans l’échelle de Planck contient toutes ces valeurs platoniques classiques comme la vérité mathématique et les valeurs éthiques et esthétiques, c’est-à-dire ces facteurs scientifiques et artistiques qui anoblissent l’homme et qui jaillissent justement de ses moments de conscience. Il ne s’agit cependant pas de valeurs appartenant réellement à l’homme, mais simplement de valeurs auxquelles l’homme accède en utilisant son cerveau comme transducteur quantique d’information.

L’information réside dans un lieu comme le champ de Planck, qui représente un peu le système de référence absolu de l’univers, une région qui réunit toute la création et qui ne peut être perçue qu’au cours de moments de conscience : les valeurs esthétiques, la perfection des mathématiques, la beauté et les sentiments les plus sublimes font partie de la base de données platonique qui existe sur l’échelle de Planck à l’instant où nos microtubules, et les tubulines avec eux, s’effondrent. De cette façon, les individus interagissent à chaque instant avec ce qu’il y a de plus fondamental dans l’univers. Alors pourquoi avons-nous un cerveau ? Pour pouvoir disposer d’instruments transducteurs gravito-quantiques comme les microtubules nous permettant à travers l’effondrement de leur fonction d’onde de rester en contact avec le « règne des cieux » au moins 40 fois par seconde. D’où pensez-vous que tirent leur génie certains scientifiques et artistes ? De leur capacité à faire bon usage des moments de conscience. En substance, ce sont de bonnes « antennes », des antennes en mesure d’accéder à un règne supérieur qui, en y réfléchissant bien, ressemble beaucoup à l’inconscient collectif de Carl Gustav Jung et à l’ordre impliqué de David Bohm. Après Wolfgang Pauli, David Bohm, Karl Pribram et d’autres encore, le médecin et neurobiologiste Hameroff et le grand mathématicien Penrose ont eux aussi, par une certaine volonté du destin, senti le besoin de pousser le ballon de la science beaucoup plus loin que l’habituel petit terrain de football : pas dans un terrain carré et limité, mais dans l’immense et luxuriant jardin de la conscience ! Et ce qui est surprenant, c’est que vraiment rien dans la théorie de Hameroff-Penrose n’est laissé au hasard : tout est le fruit de la pensée logico-mathématique et expérimentale. Songer aux applications possibles de leur théorie, au niveau technologique entre autres, est tout simplement bouleversant.

Ce que l’on observe donc, c’est qu’à l’étape de la réduction objective dans l’orchestre des microtubules, les valeurs platoniques influencent littéralement le choix d’états classiques particuliers. Parce que le cerveau ne fonctionne pas comme un simple ordinateur comme on a bien voulu nous le faire croire pendant des dizaines d’années, mais comme un ordinateur quantique spécial qui ne marche pas de façon algorithmique au moment de l’effondrement des états intriqués. Si nous fonctionnions comme un ordinateur traditionnel, nous ne serions pas des hommes évolués en mesure de comprendre les hautes mathématiques, d’apprécier le beau et d’avoir de sublimes intuitions ; nous ne serions que des poules évoluées. Stuart Hameroff, tout en se basant sur la rigueur de la science expérimentale, parvint à illustrer par l’exemple, de façon très suggestive, ce qui se passe lorsque le flux de la conscience a lieu. Il nous incite à imaginer que nous sommes en train d’observer un visage de femme qui nous est familier. S’agit-il d’Amy, de Betty ou de Carol ? Toutes ces possibilités (et beaucoup d’autres encore) se superposent dans un état de calcul quantique, mais dès qu’est atteinte la valeur de seuil prévue par la « réduction objective » de Penrose, un événement conscient se vérifie soudainement en l’espace d’un quarantième de seconde (en moyenne). À l’instant même où les q-bits des tubulines se réduisent à des états bien définis, alors ils deviennent des bits classiques. Ce n’est que l’une des innombrables possibilités qui, avant l’effondrement, se trouvent superposées dans bien 109 tubulines.

2.4.  UN HOLOGRAMME ANIMIQUE DANS L’OCÉAN DE PLANCK

Que se passe-t-il avant un moment de conscience, c’est-à-dire avant le phénomène de la réduction objective de Penrose-Hameroff ? Dans ces instants de préconscience, les microtubules et nous naviguons dans un océan de superpositions quantiques qui ne se sont pas effondrées : dans un monde qui pourrait bien représenter l’inconscient collectif de Jung, et qui pourrait correspondre à notre subconscient, à nos rêves, où ont lieu de multiples possibilités qui existent également, en dehors du temps et de l’espace. Un jour, la science nous fournira probablement une clef qui va bien au-delà des moments de conscience, en remontant jusqu’aux moments de préconscience. Toutefois, nous savons déjà aujourd’hui que ces moments de conscience ne sont autorisés que par l’action de l’effondrement gravito-quantique, au point que la conscience même n’est pas le résultat d’un jaillissement mécanique, mais qu’elle comporte des processus cérébraux étroitement liés au niveau le plus fondamental de la réalité : le monde platonique des idées qui réside dans le champ de Planck, cette géométrie spatio-temporelle fondamentale qui existe depuis toujours, avant même le big-bang. Une question logique surgit alors immédiatement : le champ de Planck est-il conscient ? Qu’est-ce qui détermine ou « décide » l’effondrement de la fonction d’onde à cet endroit ? Ce qui revient à dire que dans l’expérience du chat de Schrödinger, même si nous ne savons pas si le chat est vivant ou mort tant que nous n’avons pas ouvert la boîte, le chat en personne – c’est-à-dire l’observateur absolu – devrait sûrement savoir s’il est vivant ou mort. Si les choses se passent comme ça, alors Dieu existe, et c’est le champ de Planck et… le chat aussi.

Mais pour revenir à la théorie de Penrose-Hameroff, il est indubitable que le cerveau fonctionne comme un récepteur de conscience cosmique. Une conscience qui se manifeste lorsque les états de superposition quantique s’effondrent soudainement. Dans le cas de l’effondrement des microtubules, ce n’est cependant pas une mesure qui provoque l’effondrement de la fonction d’onde, mais c’est « Dieu » ou l’une de ses formes qui, en provoquant l’effondrement de nos microtubules, nous permet de créer la réalité dans laquelle nous vivons.

Résumons à présent ce dont nous avons parlé jusqu’à présent. La théorie exposée par Roger Penrose et Stuart Hameroff affirme que la nature de la conscience est quanto-gravitationnelle. Dans un tel contexte, les fonctions d’onde interprétées par les sens sont codées dans les microtubules à l’intérieur des neurones dans tout le cerveau. L’information (ou la mémoire) unit intrinsèquement les microtubules à travers le processus de l’intrication. L’effondrement de la fonction d’onde relative à l’état quantique des microtubules les met en corrélation à travers l’espace et le temps, et l’activation de cette énorme masse de microtubules intriqués est donc le mécanisme responsable du comportement des neurones du cerveau. Le modèle en objet prévoit que le réseau de microtubules présents au sein du cerveau fonctionne comme un ordinateur quantique. Les tubulines des microtubules sont en état de superposition quantique, tandis que l’effondrement de la fonction d’onde est provoqué par la gravité quantique. Ainsi, dans le cadre de ce modèle, l’information consciente est codée dans la géométrie spatio-temporelle au niveau fondamental de l’échelle de Planck. Mais les « choix » qui émergent de l’effondrement ne sont pas dus au hasard comme le prédit l’interprétation classique de la mécanique quantique lorsqu’elle traite des états d’intrication entre particules élémentaires, que le processus de la mesure fait s’effondrer. Dans ce cas, les « choix » sont influencés par l’« information platonique » enveloppée dans le temps de Planck, le niveau fondamental de l’univers. Penrose, avec son extraordinaire modèle, jette les bases d’une interprétation téléologique33 de la mécanique quantique, là où elle interagit avec le principe gravitationnel dans le champ de Planck et lorsque le facteur « conscience » entre en jeu.

Penrose, en élaborant sa part de théorie, a sans aucun doute été très influencé par le grand mathématicien tchèque Kurt Gödel qui, en 1931, stupéfia la communauté mathématique et philosophique en prouvant de manière rigoureuse qu’il existe, en arithmétique, des propositions qu’on ne peut ni prouver, ni réfuter dans le système des codes mathématiques. Il s’agit de la formulation du célèbre « théorème d’incomplétude ». De la même manière, Penrose conclut que la compréhension humaine ne peut être réduite à une poignée de règles purement algorithmiques. En réalité, lorsque nous comprenons quelque chose de façon vraiment consciente, nous mettons en œuvre des outils qu’il est impossible de calculer ou qui ne sont pas algorithmiques. Le mécanisme de la conscience utilise des « règles » beaucoup plus subtiles : il existe bien une forme de calcul, mais un calcul quantique qui exige nécessairement des états de superposition, lesquels ne résident pas dans une table de multiplication ni dans une calculatrice, mais dans un règne qui s’apparente au rêve. Afin d’illustrer ce qui se passe dans l’esprit de Penrose – lequel tout en ayant fait de grands pas en avant est bien conscient que nous ne connaissons le problème que superficiellement – nous souhaitons citer ses propres mots :

La pensée consciente doit comporter des ingrédients impossibles à simuler convenablement par le simple calcul traditionnel ; et le calcul lui-même serait encore moins capable d’évoquer des sentiments conscients ou des intentions. Par conséquent, l’esprit doit vraiment être quelque chose qu’aucun type de terme algorithmique classique ne saurait décrire… Ce sont des sujets vraiment profonds, et nous sommes encore loin de leur explication. Je suis porté à croire qu’aucune réponse claire ne nous parviendra à moins que l’on ne voie interagir entre eux ces mondes [le monde mental, le monde physique et le monde platonique – ou mathématique ]. Aucun de ces problèmes ne sera résolu indépendamment de tous les autres. J’ai fait allusion à trois mondes et aux mystères qui les unissent. Il est évident qu’il n’existe pas en réalité trois mondes, mais un seul, dont nous n’avons pas encore vu la vraie nature, même brièvement.

Ces interrogations de fond, qui sont également celles qui nous font avancer, sont évidemment aussi partagées par Stuart Hameroff qui va jusqu’à affirmer que le « monde réel » serait représenté par le monde quantique, tandis que le monde traditionnel que nous percevons normalement serait une contrefaçon. Cela reflète en substance ce qui est dit dans le modèle holographique du cerveau proposé par Karl Pribram. Mais Hameroff, ayant étudié à fond les structures cérébrales qui permettent la naissance de la conscience et ayant également adopté le modèle quanto-gravitationel élaboré par son ami Penrose, se rendit compte que quelle que soit la réalité, la conscience se trouve sûrement à la frontière entre les deux mondes : quantique et classique. Pour mieux l’exprimer, Hameroff évoque la kabbale34. Cette dernière décrit en effet justement deux mondes – un monde de chaos et de conflit, et un monde de sagesse et d’illumination – et affirme que la conscience « danse sur le bord », entre les deux mondes. Le monde de sagesse et d’illumination correspond justement au monde platonique entrevu par Penrose avec sa théorie quantique relativiste, qui explique comment naît un moment de conscience. Nos cerveaux, à travers les mécanismes qui ont lieu collectivement dans les microtubules, accèdent et sélectionnent alors directement certaines « formes » (en rapport avec l’expérience réelle) de la géométrie fondamentale de l’espace-temps, exactement comme un artiste choisit ses couleurs d’une palette pour ensuite créer un chef-d’œuvre.

Stuart Hameroff a découvert le rôle fondamental des microtubules en étudiant l’effet que l’anesthésie provoquait sur ses patients. Il a vérifié que les anesthésiants altèrent la capacité d’intrication au sein des tubulines ; cela détermine en effet une perte totale de conscience. Les anesthésiants ont donc le pouvoir d’inhiber l’action quanto-mécanique. En revanche, certaines drogues psychédéliques exercent un effet directement contraire aux tubulines, dès lors qu’elles augmentent l’état quantique macroscopique, en accroissant aussi bien l’intensité des moments de conscience que le nombre de ces événements dans le temps. Mais pour renforcer les états de conscience, il n’est vraiment pas nécessaire d’avoir recours à des drogues. La méditation – comme, par exemple, celle qui est pratiquée dans le contexte de la philosophie bouddhiste et hindouiste – permet à elle seule de renforcer aussi bien l’intensité que le nombre de moments de conscience, mais pas seulement. Certains experts en méditation seraient même capables de visualiser, en état de méditation profonde, la fluctuation même des moments de conscience, c’est-à-dire le processus à travers lequel ces derniers se succèdent les uns après les autres avec des temps-échelle typiques qui sont en moyenne de 1/40 seconde et qui correspondent justement à la « réduction objective » du modèle physique de Penrose. Cela signifie qu’ils parviennent à percevoir les moments de conscience au moins 40 fois par seconde, voire 100 fois par seconde et plus lorsque la méditation est très profonde. Dans ce cas, celui de la méditation, nous sommes donc en présence du renforcement de l’efficacité des microtubules dans la création d’événements de conscience et d’une extraordinaire capacité à percevoir le flux de la conscience dans son incidence rythmique. Dans ces moments si sacrés, même le cours du temps ralentit. Il n’est sûrement nul besoin d’avoir recours à des drogues, mais plutôt à une puissante discipline personnelle : la conscience est une chose sacrée et en tant que telle, elle vit ; ce n’est certainement pas un objet de consommation que l’on peut accorder à coups de pilules de LSD.

Mais qu’arrive-t-il lorsque disparaît l’environnement riche de microtubules en mesure d’autoriser les processus d’effondrement qui déterminent le flux de la conscience ? Que se passe-t-il, par exemple, lorsqu’une personne se retrouve dans le coma ou au cours des expériences de mort imminente, voire au moment où tous les processus vitaux cessent avec la mort ? Hameroff, bien que spéculant sur une chose que personne ne connaît encore, considère que l’information quantique persiste sous la forme d’un « hologramme » dans le règne de Planck ! Si la conscience est le résultat de processus quantiques dans les microtubules qui se connectent au champ de Planck – la région du vide quantique qui est à base fondamentale de l’univers – alors même si le cerveau cesse de fonctionner, l’information quantique pourrait persister et rester cohérente pendant un certain laps de temps en raison de l’intrication quantique. Il est alors possible que celle que nous appelons « âme » soit une forme très cohérente ne pouvant résider que dans le vide quantique de Planck. L’âme pourrait donc être une pure entité planckienne ! Et si elle parvenait à se fixer à un autre cerveau avec suffisamment de microtubules, cela pourrait expliquer la réincarnation ou, du moins, le mécanisme qui pourrait porter à une autre vie après la mort. Mais Homeroff va encore plus loin. Des civilisations extraterrestres extraordinairement évoluées pourraient être capables de fixer l’âme – c’est-à-dire cet état suspendu d’intrication quantique d’information relatif à une personne – à des ordinateurs quantiques pouvant simuler le cerveau humain, comme, par exemple, ceux probablement très puissants basés sur des molécules de fullerène. De cette façon, à la mort du corps, la conscience pourrait être transférée pendant une période indéfinie dans de vrais robots (peut-être même élaborés à partir de matériel biologique). Il est sûrement difficile de croire que l’âme puisse approuver une opération de ce genre : dans ce cas, il s’agirait d’un véritable piège. Et pourtant cette éventualité – même si on ne peut pas encore la démontrer – ne peut être exclue, et elle est terrifiante. Que des entités supérieures accordent l’autorisation à d’autres, qui leur sont subalternes, d’accomplir des opérations de ce genre sur les âmes des autres, laisse songeur, d’autant que l’on s’attendrait à ce que les intelligences qui œuvrent au niveau du champ de Planck aient aussi atteint un niveau élevé de sagesse. Et c’est aussi notre souhait…

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Figure 4. Trois des plus grands scientifiques qui ont travaillé sur la non-localisation dans le domaine biologique. De gauche à droite : Roger Penrose, Stuart Hameroff et Peter Gariaev.

2.5.  L’INTRICATION COSMOLOGIQUE, NOTRE CONSCIENCE ET LE TEMPS DU RÊVE

À propos du cosmos, considéré dans son ensemble, il est impossible de ne pas faire le parallèle entre les recherches de Penrose-Hameroff et celles de la physicienne italienne Paola Zizzi. Comme nous y avons déjà fait allusion dans un chapitre précédent, elle a calculé que l’« univers », durant l’inflation cosmique, était un objet incommensurablement petit qui se trouvait dans un état de superposition quantique d’univers multiples jusqu’à ce que l’univers aussi dans son ensemble – c’est-à-dire le multivers dans le cas de cette théorie – n’atteigne une valeur de seuil telle que se produise le phénomène de la réduction objective. Il s’agit exactement de la même « réduction objective » à laquelle sont sujettes les tubulines de notre cerveau et qui caractérisent chaque moment de conscience. En résumé, l’univers devait nécessairement être sujet à un effondrement gravito-quantique déclenché par le champ de Planck sous-jacent, mais cette action aurait créé l’univers classique dans lequel nous vivons, lequel serait alors le résultat d’un moment de conscience du multivers ! Les nouveaux cosmologues n’appellent d’ailleurs plus le moment initial de l’univers « big-bang », mais « big-wow ».

À travers ce moment de conscience, le multivers effectuait un choix s’inspirant du champ de Planck… et nous voilà à vivre dans cet unique univers, à nager dans la mer, à jouer au volley, à regarder des levers et des couchers de soleil et à observer les galaxies à l’aide d’un télescope. Mais s’il en est ainsi, alors notre conscience n’est autre qu’un microcosme faisant partie d’un macrocosme, et fonctionnant selon le même principe d’autosimilarité. Cette hypothèse pourrait également être comprise comme une visualisation holographique. En effet, si nous brisons une pellicule holographique en mille morceaux, nous obtiendrons toujours la même figure quand nous projetterons dessus des faisceaux interférents de lumière laser. Ce n’est qu’une métaphore pour permettre de mieux imaginer la portée énorme des recherches de Zizzi.

Plus précisément, selon Zizzi, le phénomène de la « réduction objective » aurait lieu à la fin de l’ère de l’inflation. Ce qui est vraiment stupéfiant, c’est le nombre de superpositions qui se créent avant la réduction de l’univers à l’état classique (et conscient) : ce nombre correspond à 109 registres quantiques. Mais c’est aussi le nombre de tubulines qui sont en état de superposition dans notre cerveau, avant d’être sujettes à un effondrement gravito-quantique afin de produire un moment de conscience. C’est indubitable : le dessin se reproduit à l’identique dans le microcosme ! En bas comme en haut. Comme le premier univers, comme notre esprit. L’effondrement gravito-quantique au niveau de l’échelle de Planck expliquerait alors très bien la naissance et le développement de l’entropie dans l’univers.

Une fois évaluées les masses en jeu à l’étape de l’inflation, Zizzi, en utilisant la formule (1) de Penrose, calcule que le moment de conscience de l’univers équivaut à un temps T = 10-34 secondes, c’est- à-dire au moins 32 ordres de grandeur plus bref que celui utilisé par le cerveau pour traverser un moment unique de conscience. Dans un instant d’une durée immensément petite d’« auto-calcul » quantique, l’univers prit conscience de soi. Si les choses se passent ainsi, cela signifie que l’univers, avant la « réduction objective », n’était pas conscient, mais vivant dans un état suspendu identique au rêve. « Autrefois n’était que le rêve » disent les aborigènes australiens. Et comment le savent-ils ? Ou bien parviennent-ils à téléporter leur conscience au moment de la naissance de l’univers ?

Le modèle de Zizzi est la version macroscopique de celui microscopique de Penrose-Hameroff, et outre les mécanismes de superposition quantique qui portent à l’effondrement, il explique de quelle façon l’univers dans l’ère post-inflationniste a commencé à s’organiser au moment de la naissance de sa conscience :il l’a fait comme une espèce d’automate cellulaire, qui produit nécessairement des systèmes de calcul auto-semblables, comme notre esprit justement. De cette façon, l’univers actuel et tout ce qu’il contient utilise partout la même logique (dans ce cas : classique, c’est-à-dire faite de 0 et de 1) de telle manière qu’il est possible d’enregistrer le passé et de mémoriser l’information. Et, ne l’oublions pas, il s’agit d’un seul univers, mais avant le moment de conscience, il y avait N univers et ils existaient dans un état de superposition quantique jusqu’à l’effondrement de la fonction d’onde quanto-relativiste qui les liait. Aujourd’hui, l’univers semble n’avoir qu’une seule identité qui n’est pas guidée par le hasard comme veulent encore nous le faire croire les physiciens et les biologistes (comme les darwinistes) de la vieille école, mais par une évolution de type téléologique. L’univers n’est en effet pas un tas de pierres et de matière gazeuse, mais il a pu naître sous sa forme actuelle parce qu’il a eu un moment de conscience. Et ce moment de conscience a donné la matrice pour répliquer la conscience partout jusqu’au microcosme et donc jusqu’à l’humanité. L’univers est né de l’intelligence et en fonction de l’intelligence ! Et comme l’observe profondément Zizzi, la structure réelle de l’univers nous montre que vraiment tout l’esprit est matière et que la gravitation en particulier, celle qui enclenche l’effondrement des états vers la conscience, est provoquée par le mouvement de cet esprit.

2.6.  PIXELS MENTAUX DANS LE CERVEAU ET INTRICATION QUANTIQUE AVEC DES SUBSTANCES EXTERNES

La structure du niveau le plus fondamental de réalité, celui localisé sur l’échelle de Planck, est à l’origine du modèle de Penrose relatif aux mécanismes qui déterminent la formation de moments de conscience. Roger Penrose a étudié à fond la structure de cet « hyperespace » particulier, en appliquant les principes de la relativité et de la mécanique quantique. Le résultat de ses études porte à une structure très particulière qui se réduit à un réseau de spin. Le spin serait donc la propriété fondamentale de la nature à ses niveaux les plus profonds, et représenterait la brique la plus élémentaire de l’espace-temps, tout en étant capable d’en décrire la géométrie et les effets quantiques, parmi lesquels l’intrication est sûrement le plus important : l’existence même du spin serait à l’origine de l’intrication. C’est l’exposé de Penrose sur la gravité quantique (une théorie alternative à celle des supercordes) et il n’est possible de l’appliquer que sur l’échelle de Planck. Avant l’inflation cosmique, le temps de Planck était la seule réalité. À ce niveau fondamental de l’univers, selon Penrose, tout est donc un réseau intriqué de spins, à tel point que le spin représenterait le « pixel » fondamental de la réalité. Le réseau de ces pixels représenterait la géométrie fondamentale de l’espace-temps et, à la différence du modèle traditionnel relativiste qui ne contient pas d’éléments quantiques (du moins au niveau de la géométrodynamique), il serait modelé par ces derniers qui, dans ce cas, se réduiraient à de simples « atomes de géométrie » contenant en eux toutes les propriétés de la théorie quantique, notamment l’intrication. Comme nous le voyons donc, Roger Penrose, avant d’élaborer son modèle de conscience, avait déjà derrière lui une architecture mathématique très solide en mesure de décrire ce qu’il a ensuite défini comme un « monde platonique ». En considérant alors la structure de gravité quantique qui émerge du modèle du réseau de spins, on en vient spontanément à penser que la géométrie spatio-temporelle fondamentale doit contenir celle que l’on définit comme une « expérience protoconsciente », c’est- à-dire le lieu – cet océan de spins – à travers lequel l’émergence de la conscience devient possible.

Les biophysiciens chinois Huping Hu et sa femme Maoxin Wu ont mis à profit la théorie des spins de Penrose, pour élaborer un modèle de neurodynamique quantique légèrement différent de celui de Penrose-Hameroff. Leur théorie s’appelle la « théorie de la conscience arbitrée par le spin » et affirme que le spin quantique est la racine de la conscience et le point de connexion qui lie l’esprit au cerveau. Dans ce contexte, Hu et Wu désignent le spin sous le nom de « pixel mental ». La conscience serait ainsi intrinsèquement liée aux processus de spin et à leur effondrement comme fonction d’onde, en considérant que l’unité de l’esprit serait atteinte à la suite d’un état d’intrication de ces pixels mentaux. Les deux chercheurs en ont conclu que le spin quanto-mécanique, en lien avec la géométrie spatio-temporelle, est indispensable pour fixer la conscience à la réalité physique. De cette façon, l’expérience consciente émergerait de la dynamique collective de l’ensemble des spins neuraux de nature nucléaire et/ou électronique sous l’influence de la dynamique du champ de Planck, une région qu’ils appellent « préespace-temps », un domaine complètement holistique situé en dehors de l’espace-temps, mais lié à ce dernier par l’intermédiaire de l’intrication quantique (semblable à l’ordre impliqué de Bohm). Les études de Hu et de Wu conduisent à 3 déductions fondamentales : la conscience est liée au spin quantique qui se trouve dans le réseau de spins intriqués constituant le niveau fondamental de la réalité ; les « pixels » d’un esprit sont les spins nucléaires qui se trouvent dans les membranes neurales et dans les protéines du cerveau, et leur ensemble en état d’intrication globale constitue cet état de superposition quantique nécessaire pour l’apparition de la conscience ; l’expérience consciente naît de l’effondrement des états quantiques sous l’influence de la géométrie pré-spatio-temporelle sous-jacente, tandis que l’unité de la conscience est atteinte à travers l’intrication quantique des pixels mentaux.

Mais comment cela fonctionne-t-il dans l’environnement cérébral ? Le cerveau fonctionnerait en utilisant les spins nucléaires qui sont dans les membranes neurales et les protéines, lesquelles formeraient des états quantiques intriqués dans le cadre d’un ensemble intriqué de spins – désigné sous le nom d’« écran mental » – lequel aurait des effets directs sur la chimie du cerveau en influençant ainsi son réseau neural.

La théorie de Hu et Wu, même si elle ne prend pas explicitement en considération les microtubules comme dans le cas de la théorie de Hameroff-Penrose, parvient quasiment aux mêmes conclusions : dans ce cas particulier – celui des spins –, l’unité de la conscience serait atteinte par le phénomène de l’intrication de ces derniers et par l’effondrement relatif pour produire des moments de conscience.

Là où le travail de Hu et Wu devient vraiment intéressant, c’est au niveau expérimental. Les deux scientifiques seraient en effet parvenus à créer un état d’intrication entre les entités quantiques présentes dans le cerveau (basées sur le paramètre de spin) et les substances chimiques externes au cerveau (comme, par exemple, un échantillon d’anesthésiant). Par la suite, en soumettant – comme stimulation – ces substances à des impulsions de lumière laser ou à des champs magnétiques, ils seraient parvenus à produire immédiatement un effet dans le cerveau, en stimulant justement des substances qui se trouvent en dehors de lui. Dans une expérience particulièrement éclatante, un faisceau de lumière laser fut projeté sur une substance chimique. Au bout d’environ 30 minutes d’exposition au laser, on demanda à un sujet d’expérience de consommer cette substance. Au cours des heures suivantes, on contrôla le cerveau de cette personne et on vérifia les effets qui pouvaient être enregistrés. Dans une variante de l’expérience d’intrication de Hu et Wu, deux portions d’une même substance furent placées en état d’intrication, avant que l’on donne à boire l’une d’entre elles au sujet d’expérience. Après quoi, l’autre moitié fut irradiée à l’aide d’une lumière laser ou d’un champ magnétique. Il en résulta qu’au moment de l’émission laser sur la substance externe, le sujet ressentit des effets immédiats dans le cerveau. Dans un autre cas, le parcours inverse fut effectué : le cerveau d’un sujet d’expérience fut irradié à l’aide d’un champ magnétique alors que des substances comme un anesthésiant se trouvaient dans le voisinage. Le cerveau sentit alors l’effet de la substance sans même l’avoir ingérée ! En résumé, il s’agit d’un type de téléportation quantique, d’un point (la substance) à l’autre (le cerveau), mais dans ce cas c’est le cerveau de l’être humain qui est en jeu, lequel en état d’intrication avec une substance externe, réagit instantanément à n’importe quelle stimulation appliquée à cette substance. Il s’agirait donc d’états d’intrication quantique entre les entités de spin existant dans le cerveau et celles d’une substance particulière, externe au cerveau, provoqués par la stimulation effectuée en utilisant des photons laser ou des champs magnétiques. Évidemment, il ne s’agit là que des premières expériences qu’il faudra largement développer à l’avenir. De toute façon, quand les standards techniques auront été ainsi mis au point, de la façon la plus rigoureuse qui soit, et que les inévitables problèmes de décohérence auront été résolus (qui augmentent lorsque la distance grandit), il sera même probablement possible de contrôler le cerveau d’une personne à des centaines de kilomètres de distance, en irradiant simplement une substance qui se trouve en état d’intrication quantique avec le cerveau de cette personne ou, éventuellement, avec n’importe quel autre type d’organe (voire l’ADN) montrant des caractéristiques d’intrication avec quelque chose d’extérieur.

Évidemment, le duo Hu-Wu et le duo Hameroff-Penrose n’ont pas été les seuls à proposer des modèles quantiques expliquant le fonctionnement du cerveau et les mécanismes correspondants d’intrication et d’interface entre le cerveau et la conscience, mais on peut sûrement affirmer que ces derniers sont actuellement les plus avancés. Rendons à César ce qui est à César et citons également le modèle des physiciens américains Evan Harris Walker et Henry Stapp. D’après eux, l’état du cerveau est très sensible aux événements qui ont lieu au niveau atomique, en particulier aux régions de contact des neurones, c’est-à-dire dans les synapses. Nous savons que les neurones communiquent l’un avec l’autre à travers la libération de neurotransmetteurs. Lorsqu’un signal électrique atteint l’extrémité d’un neurone, il s’emploie à ce que des canaux s’ouvrent dans le neurone, à travers lesquels peuvent circuler des ions de calcium. Si un nombre suffisamment important d’ions est accumulé, le neurone libère les neurotransmetteurs qui, à leur tour, augmentent (ou parfois diminuent) la tendance des neurones environnants à émettre leurs propres signaux électriques. Répétons ce processus avec quelques millions de neurones et trillions de synapses, et nous obtiendrons l’infrastructure de communication de base du cerveau. Ce qui intéresse Walker et Stapp, c’est que l’élément quantique entre alors dans les canaux ioniques, puisque ces canaux font en certains endroits moins d’un milliardième de mètre de diamètre et qu’à ces dimensions, les effets quantiques deviennent actifs, in primis l’intrication, si importante pour générer l’unité de la conscience en utilisant comme intermédiaire des processus au niveau atomique qui surviennent dans le cerveau. Stapp suggère que l’incertitude quantique dans l’emplacement de l’ion le pousse à « s’échelonner » et à se transformer en un nuage de potentiels plutôt qu’en la classique particule, située dans un endroit précis.

2.7.  UNE NOUVELLE VOIE POUR LE SETI : TRANSMISSION ET RÉCEPTION NON LOCALE DE MESSAGES

Comme nous le savons bien, les recherches jusqu’à présent conduites par le projet SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) n’ont pas mené à des résultats réconfortants. Il n’existe en effet aucune preuve que des civilisations extraterrestres avancées aient envoyé des signaux radio ou optiques en utilisant des ondes électromagnétiques, lesquelles sont par nature d’autant plus faibles au niveau de la réception que l’intensité du signal est faible et la distance de la source qui transmet le signal importante. Mais sommesnous certains que des civilisations bien plus avancées que la nôtre emploieraient des ondes électromagnétiques pour communiquer avec nous ? Ce que nous sommes déjà en mesure de comprendre aujourd’hui sur le mécanisme de l’intrication quantique nous permet envisager que dans un avenir prochain nous pourrons peutêtre nous aussi utiliser ce système pour communiquer de manière instantanée avec d’autres êtres intelligents dans l’univers. Lesquels y seraient toutefois parvenus avant nous, étant donné que la statistique stellaire et la théorie de la probabilité prévoient l’existence probable d’autres civilisations bien plus évoluées que la nôtre, en mesure d’utiliser des technologies inimaginables. Et en effet quelqu’un, ici, sur Terre, a déjà dans l’idée d’utiliser la méthode de l’intrication quantique pour recevoir et transmettre des messages de manière non locale. L’un d’entre eux est le biophysicien américain Fred Thaheld, lequel aurait l’intention d’utiliser les effets de la non-localisation qui surviendraient au niveau biologique, dans le cerveau en particulier.

Les expériences effectuées avec des récipients séparés de cellules neurales témoignent de phénomènes d’intrication quantique. Des états d’intrication cérébrale auraient été créés à l’université de Milan où l’on a fait pousser des neurones dans un récipient. Par la suite, on a pris un échantillon de cellules neurales de ce récipient qu’on a fait pousser dans un autre récipient. L’hypothèse de départ était que les neurones présents dans les deux récipients étaient liés par un état d’intrication. Il ne restait plus alors qu’à trouver une façon de manifester cet état. Un faisceau laser fut utilisé – tout en sachant bien que les neurones sont très sensibles à certaines stimulations électriques – et dirigé sur le second récipient de cellules neurales, bien séparé du premier. Les chercheurs milanais observèrent une remarquable réaction électrique dans les neurones présents dans les deux récipients, en prouvant ainsi que le phénomène de l’intrication semblerait également survenir au niveau des cellules neurales. Nous savons à présent que ce ne sont pas les neurones à proprement parler qui réagissent, mais les microtubules qui sont présents en eux, au moyen des propriétés étudiées par Hameroff et Penrose.

De la même façon, mais de manière encore plus sophistiquée (comme nous le verrons précisément par la suite), les cerveaux de deux personnes séparées sont capables d’entrer, dans certaines conditions, en état de réelle intrication. Cela a été prouvé en analysant les tracés EEG des deux personnes.

Ces expériences prouvent donc que si l’on peut vérifier un état d’intrication à distance entre des cellules neurales ou des êtres humains, il est alors en principe possible d’obtenir le même résultat avec des cerveaux séparés par un océan d’années-lumière. Cette hypothèse trouve sa raison d’être dans l’axiome cosmologique dont nous avons déjà parlé, selon lequel toutes les particules de l’univers étaient intriquées au moment du big-bang et qu’à certains niveaux comme, par exemple, dans l’ADN et les microtubules, ces états d’intrication sont restés les mêmes. Il suffit de les réveiller d’une façon ou d’une autre en utilisant des technologies et des stratégies très poussées. Fred Thaheld considère qu’il s’agit là non seulement d’une voie praticable, mais aussi beaucoup plus sensée que celle parcourue par le SETI traditionnel : il a ainsi mis au point un projet très raffiné qu’il appelle « non-localisation astrobiologique » (ou « bio-astro-intrication »). Thaheld considère de plus que si nous nous plaçons en condition de recevoir des signaux de ce genre, il n’est pas certain que celui que nous recevrons provienne nécessairement de civilisations plus évoluées que la nôtre. Si l’« intrication neurale » est un phénomène répandu dans l’univers, des créatures inférieures seraient aussi en mesure d’envoyer au des signaux non locaux. À tel point que l’univers serait constellé de signaux de ce genre, qui constitueraient une énorme et chaotique forêt de « bruits », dans laquelle nous devrions parvenir à éplucher différents signaux qui se croisent. Au contraire, des créatures plus avancées que nous seraient non seulement capables d’envoyer intentionnellement des signaux que d’en recevoir du même type, mais aussi de parvenir à extraire le signal du bruit cosmique d’intrication neurale dont nous venons de parler.

Le concept sur lequel repose le projet de recherche de Thaheld est que nous savons que des événements neuraux peuvent donner naissance à des événements mentaux, et que le contraire est aussi possible, c’est-à-dire que des événements mentaux enclenchent des événements neuraux. Nous pourrions être sans cesse bombardés – depuis toujours – par des signaux mentaux de ce genre, sans même nous en apercevoir : une espèce d’« émission mentale de fond ». D’ailleurs, sous d’autres aspects aussi, l’univers présente un rayonnement de fond (dans ce cas électromagnétique et particulaire) de différents types, représenté par des neutrons, des rayons cosmiques, un rayonnement cosmologique dans les microondes, un rayonnement gravitationnel. Alors pourquoi pas aussi l’émission mentale, étant donné qu’aujourd’hui nous savons que le mécanisme de l’intrication n’est plus une question d’imagination ? Nous serions donc plongés dans un bain d’émission mentale d’intrication quantique, caractérisée par différents degrés de complexité, que nous qualifierions de bruit si nous ne trouvions pas des critères, des stratégies et des procédures pour extraire et décoder le signal qui nous intéresse. Rappelons-nous qu’il s’agirait d’une superposition chaotique d’information intriquée provenant d’un nombre excessif de sources de différents types, en grande partie non intentionnelles (les civilisations les moins avancées ou primitives) et en moindre mesure intentionnelles (les civilisations plus avancées).

Mais comment faire pour fixer au moins l’un de ces messages mentaux ? D’après Thaheld, nous devrions surveiller de près notre encéphalogramme afin de vérifier si des signaux particuliers se superposent au tracé normal, qui en soi est déjà très chaotique. Évidemment, il faudrait effectuer un énorme travail de filtrage et, surtout, à l’aide de procédures algorithmiques complètement informatisées. Et même si nous parvenions à relever des « signaux externes », ces derniers pourraient aussi provenir d’autres cerveaux humains, qui produiraient une espèce d’effet perturbateur gênant. Nous constaterions probablement la nature extraterrestre de certains signaux, rien qu’en allant analyser de manière approfondie la structure des messages reçus et surtout leurs intentions. Dans ce cas, nous savons qu’ils seraient sûrement très bien conçus et codés. Donc, de cette manière, nous irions chercher la preuve d’intelligences extraterrestres en étudiant dans le détail l’électroencéphalogramme de notre propre cerveau !

Il est indubitable qu’il serait plus facile d’intercepter de l’information intriquée provenant de civilisations très avancées, en mesure de faire ressortir un signal du bruit de fond. Et ces civilisations pourraient avoir développé les techniques pour générer et transmettre le mécanisme de l’intrication entre êtres vivants dans l’univers.

Mais en plus de recevoir des messages, nous pourrions aussi tenter d’en envoyer, en utilisant exactement la même technique que celle utilisée par les chercheurs milanais avec les cellules neurales dans l’un des récipients. Sans avoir besoin d’utiliser le cerveau d’un être vivant, nous pourrions utiliser un récipient de cellules neurales et la stimuler avec des impulsions laser ou magnétiques, modulées de façon intelligente afin d’envoyer des signaux bien codés. Si au lieu de transmettre, nous voulions recevoir ou essayer de trouver une réponse à notre message, alors nous nous limiterions à observer et à simplement enregistrer le type d’activité électrique qui émerge du récipient de cellules neurales. Puis nous attendrions quelques heures ou quelques jours pour voir si les cellules développent un certain type d’activité électrique ; nous l’enregistrerions, puis nous l’analyserions en utilisant des algorithmes très sophistiqués pour l’analyse du signal. Un type d’algorithme en mesure également d’éliminer le « bruit électrique » de fond du cerveau, afin de faire émerger le signal fortement et clairement. Nous attendrions des signaux à caractère répétitif, dotés d’un schéma intelligent, facilement reconnaissable et comparable à nos modèles théoriques. Ce serait le critère qui nous permettrait de diriger notre interprétation en direction d’un signal extraterrestre réel, en parvenant à en discerner le vrai signal de l’énorme quantité de bruit de fond. De plus, il est très improbable qu’ici, sur Terre, quelqu’un soit capable d’envoyer des signaux de ce genre. Cette technique d’analyse du signal serait substantiellement identique à celle utilisée par le SETI standard ; la seule différence fondamentale, c’est que nous nous attendrions à recevoir et à transmettre des signaux de façon instantanée ! Bien que la réalisation de ce projet nécessite un bon nombre de ressources économiques et technologiques, l’idée n’en est pas moins originale du point de vue scientifique.

Évidemment, lorsque nous serons suffisamment mûrs, au lieu d’utiliser des récipients de cellules neurales, nous utiliserons directement le cerveau humain. Peut-être que dans 100 ans, ou peutêtre moins, nous y parviendrons. Aujourd’hui, nous sommes déjà capables de rédiger un avant-projet réaliste et de tenter les premières expériences. Au fond, pour démarrer, il nous suffit d’utiliser de sophistiqués systèmes EEG d’acquisition des données et un puissant algorithme d’analyse du signal, afin de commencer tout de suite à surveiller aussi bien les cellules neurales que le cerveau humain, avec ou sans stimulations externes.

D’une manière alternative, d’après les propriétés d’intrication de l’ADN comme celles observées par Peter Gariaev, nous pourrions trouver des messages extraterrestres en étudiant simplement à fond l’« élaboration éventuelle d’informations » que nous auraient justement laissées dans l’ADN des civilisations extraterrestres, que nous pourrions découvrir une fois que nous aurions atteint un degré d’évolution plus élevé. C’est ce qu’a théorisé récemment le célèbre scientifique et divulgateur australien Paul Davies.