En voyant Ian et Alex avancer sur le chemin, Sileas attrapa sa cape et courut à leur rencontre.
— Où étiez-vous passés ? demanda-t-elle en prenant le bras d'Ian à qui elle adressa un sourire.
Alex gratifia la jeune femme d'un clin d'œil entendu, comme s'il était le seul responsable du changement opéré entre elle et Ian.
— Nous sommes restés avec Connor et Duncan la nuit dernière, répondit Ian. Nous avions trop bu pour retrouver le chemin jusqu'ici.
Sileas fit claquer sa langue.
— Au moins tu ne me mens pas, c'est déjà ça.
Ian s'immobilisa au milieu du chemin pour poser sur elle un regard chaud comme un soleil d'été.
— Tu m'as manqué, cette nuit.
Alex saisit le message et poursuivit seul sa route vers la maison.
— Nous devons parler, reprit Ian. Mais pas ici.
Consciente que Ian voulait mettre les choses au clair entre eux, Sileas sentit son cœur effectuer une petite pirouette dans sa poitrine. Elle était prête.
Après avoir passé la moitié de la nuit à réfléchir au Après avoir passé la moitié de la nuit à réfléchir au problème, elle avait enfin pris sa décision.
Elle se sentit gagnée par une excitation nerveuse tandis qu'Ian l'entraînait sur le sentier qui menait à la petite plage, en contrebas de la propriété.
L'espoir : voilà ce qui l'habitait. Lorsqu'il l'avait emmenée à l'étage, il lui avait montré l'homme qu'elle connaissait, celui à qui elle faisait confiance.
Elle n'était pas parvenue à se persuader qu'il l'aimait, cependant; ses raisons pour faire d'elle son épouse étaient autres. Mais il avait fait preuve de tant d'attention qu'elle avait bon espoir que les choses finissent par changer. Et, même s'il ne l'aimerait jamais autant qu'elle l'aimait, lui, Ian l'avait convaincue qu'il tenait à elle et qu'il était à présent déterminé à se comporter en bon mari.
De toute façon, il était trop tard. Si elle avait dû le quitter, il aurait fallu qu'elle le fasse avant qu'il la conduise à l'étage, la veille. Elle était certes encore vierge, mais il lui avait pris son innocence. Elle se languissait de sentir de nouveau le poids de son corps, de faire courir ses doigts sur les muscles de son dos tandis que des vagues de plaisir déferleraient en elle.
Quelle femme saine d'esprit pourrait renoncer à un tel délice une fois qu'elle y avait goûté ? A la simple idée de partager chaque nuit son lit avec Ian, des frissons l'assaillaient.
Sileas sourit intérieurement et toucha la pierre Sileas sourit intérieurement et toucha la pierre porte- bonheur qu'elle gardait dans sa poche. Une fois sur la plage, Ian la guida jusqu'au vieil appentis dissimulé dans les arbres au-dessus de la ligne de marée. Ils se glissèrent à l'intérieur, puis s'assirent sur le banc situé au milieu d'un assortiment familier de filets, de cordes et de chutes servant à rafistoler les voiles.
— Je le pensais vraiment quand je t'ai dit que tu m'as manqué, dit Ian en rivant sur elle son intense regard bleu.
— Toi aussi, tu m'as manqué.
— Je veux que tu sois à mes côtés pour toujours.
Et je refuse de passer une nouvelle nuit sans toi.
Elle retint son souffle, attendant qu'il ait terminé.
— Ce que j'essaie de te dire — ce que je te demande, en fait —, c'est de devenir ma femme pour de bon, dès ce soir. (Il glissa les mains sous son kilt.) Tiens, j'ai quelque chose pour toi. (Il lui prit la main et y déposa un petit anneau d'argent.) Je n'avais pas de bague pour toi le jour de notre mariage. Et je tiens à corriger cette erreur.
Sileas retourna l'anneau dans sa paume, le cadeau traditionnel du jeune marié à sa future femme. Elle fit courir un doigt sur le cercle, symbole d'un amour sans fin. La bague ressemblait à deux cordes
entrelacées,
entremêlées
comme
le
deviendraient les vies des deux jeunes gens.
deviendraient les vies des deux jeunes gens.
— Je sais que notre cérémonie de mariage n'a pas été ce qu'elle aurait dû être, reprit Ian.
Sileas ne put s'empêcher de rire à cette remarque.
— C'était le pire jour de ma vie.
Il fit la grimace.
— Ça n'a pas pu être si terrible que ça.
— Si, crois-moi. Tu ne te rappelles pas cette robe que ta mère m'a fait enfiler ?
— Vous auriez pu y entrer à trois, concéda-t-il avec une moue.
— Et la couleur ! enchérit-elle en levant les yeux au ciel. Ça n'aurait pas pu être pire.
Ils rirent de bon cœur, pourtant le souvenir était amer pour eux deux. Néanmoins, le fait d'en parler soulageait Sileas.
— Au moins, tu as eu l'homme que tu voulais, pas vrai ? plaisanta Ian en lui prenant l'épaule et en lui adressant un clin d'œil.
— Que le marié prononce son serment sous la menace d'un dirk pointé dans son dos n'est pas vraiment ce dont rêve une jeune femme lorsqu'elle pense à son mariage.
Ian redevint soudain sérieux.
— Je vais tout arranger. La bague n'est qu'un début.
Plonger son regard dans celui d'Ian revenait à se faire entraîner par la mer ; et Sileas était bien faire entraîner par la mer ; et Sileas était bien disposée à se laisser porter, où que le courant l'emmène.
— Je suis prêt à être un bon époux pour toi, poursuivit-il en lui prenant la main. Dis-moi que tu veux être ma femme.
— Je le veux.
Ian récupéra l'anneau dans le creux de sa main pour le lui passer au doigt.
— Il te va bien, dit-il avant de porter la main à sa bouche.
La douceur de ses lèvres tièdes sur ses doigts rappela à Sileas leur délicieux passage sur son ventre.
Elle déglutit.
— J'ai moi aussi un cadeau pour toi.
Voyant qu'il haussait les sourcils, elle fut ravie de le surprendre à son tour. Elle sortit le cristal de son étui pour le lui montrer. A peine plus gros que le pouce, il abritait comme un brouillard magnifique qui donnait l'impression de contempler la mer à travers une brume épaisse.
— Sais-tu ce que c'est ? lui demanda-t-elle.
— Un petit caillou ? plaisanta Ian.
— C'est une amulette, expliqua-t-elle à voix basse. C'est le cristal des MacDonald.
— Je le croyais perdu. (Il le prit avec précaution et le porta à son œil pour essayer de voir au travers.) Ce n'est quand même pas le cristal que les croisés Ce n'est quand même pas le cristal que les croisés sont censés avoir rapporté de la Terre sainte ?
— Si. Ma grand-mère l'avait en sa possession.
(Sileas baissa les yeux sur ses mains, posées sur ses genoux.) Mais elle n'aimait pas mon père et savait ma mère faible. Alors, pour éviter qu'il s'en empare, elle l'a confié à la vieille voyante pour qu'il me revienne. Teàrlag me l'a donné dès que je suis venue m'installer avec les tiens. Elle m'a dit qu'il protégeait son porteur.
— Dans ce cas, tu dois le garder.
Ian glissa le cristal dans la paume de Sileas, puis referma les mains sur celles de la jeune femme.
Elle le regarda alors droit dans les yeux et secoua la tête en signe de dénégation.
— Tu m'as dit que tu me protégerais, et je te crois. Mais qui va te protéger, toi ? C'est mon cadeau de mariage, tu ne peux pas le refuser.
C'était la chose la plus précieuse qu'elle possédait. En la lui remettant, elle lui signifiait qu'elle était prête à lui confier sa vie, et son cœur.
— Je veillerai à ce qu'il ne lui arrive rien, pas plus qu'à toi, s'engagea-t-il, solennel.
— Teàrlag a confectionné cet étui pour le protéger. (Elle tira alors sur la lanière de cuir qui dépassait de sa poche.) Elle a renforcé la puissance du cristal par ses incantations.
Elle ne lui répéta pas les propos de la voyante quant aux propriétés supposées de la pierre : celles quant aux propriétés supposées de la pierre : celles de faire en sorte que le second cœur qui dormirait à proximité
du
cristal
n'oublie
jamais
son
prédécesseur. Elle espérait que c'était vrai.
Elle ouvrit la bourse, et Ian y laissa tomber l'amulette. Elle dut retenir ses larmes lorsqu'elle tendit les bras pour lui passer la lanière autour du cou.
Elle couvrit ensuite la bourse d'une main, juste sur son cœur.
— Je perçois tes pulsations au travers, dit-elle en le regardant. Garde-le bien à l'abri et en sécurité pour moi.
Ian la prit alors dans ses bras. Elle sentit la douceur de son souffle lorsqu'il lui murmura à l'oreille :
— Merci, Sileas.
Ils se serrèrent ainsi pendant un long moment.
Puis Ian l'embrassa avec tendresse et déclara :
— Je te rejoindrai donc cette nuit.
— Oui. Ce soir.
Ce soir.
Le début de leur nouvelle vie commune.
Chapitre 19
— Le bébé d'Annie est vraiment magnifique, déclara Sileas qui marchait, bras dessus, bras dessous, avec Beitris, de retour de chez leurs voisins.
Niall, c'est adorable de nous avoir accompagnées.
Ian avait prévu lui aussi de se joindre à eux, mais Payton lui avait demandé de l'aider à s'entraîner dans la cour. Ce serait la première fois qu'il retoucherait à sa claymore depuis sa blessure.
— Tu as l'air heureuse, aujourd'hui, lui fit remarquer sa belle-mère avec un clin d'œil. Peut-être auras-tu, toi aussi, un bébé à présenter, l'année prochaine.
Sileas sentit son cœur s'emballer à cette simple évocation. Beitris avait deviné que tout avait changé entre elle et Ian ; ce qui la réjouissait presque autant que Sileas.
Elle ne put s'empêcher de rougir sous le regard inquisiteur de Niall. Elle n'avait pas la moindre intention de lui annoncer que son frère et elle s'apprêtaient à partager le lit conjugal, même si, comme les autres membres de la maisonnée, il l'apprendrait avant le lendemain matin.
l'apprendrait avant le lendemain matin.
— Regardez qui approche, annonça Niall d'un ton amer.
C'était Gôrdan, et il fondait droit sur eux, visiblement déterminé à ne pas garder pour lui ce qu'il avait en tête. Sileas prit une profonde inspiration. Elle avait redouté qu'il croise leur chemin, à l'aller ou au retour, sa maison se trouvant sur la route qui menait chez Annie.
— Autant être franche avec lui, lui glissa Beitris à l'oreille avant que Gôrdan les rejoigne.
— Beitris, Niall, les salua-t-il avec un hochement de tête. Sileas, je peux te parler ? C'est important.
— Nous marcherons doucement, annonça Beitris à sa bru. Tu n'auras qu'à nous rattraper après votre conversation.
Gôrdan adressa un sourire chaleureux et plein d'espoir à la jeune femme, qui se sentit au plus mal.
Beitris avait raison : le moment était venu de lui dire que les choses avaient évolué entre Ian et elle.
Gôrdan était quelqu'un de bien, elle lui devait au moins ça.
— Je ne pourrai plus venir me promener avec toi dorénavant, lui annonça-t-elle. J'ai décidé de rester avec Ian.
— Dis-moi que ce n'est pas vrai, l'implora-t-il en s'agrippant à son bras, le regard furieux. Dis-moi qu'il n'est pas trop tard, que tu ne t'es pas encore donnée à lui.
donnée à lui.
Elle rougit au souvenir de tout ce qu'Ian lui avait fait. Même si elle était toujours vierge, elle s'était bel et bien donnée à lui.
— Il ne te mérite pas, reprit Gôrdan. Il ne t'aime pas autant que moi.
Ah, il ne lui facilitait pas la tâche.
— Ian a dit qu'il était prêt à devenir un bon mari pour moi, et je le crois.
— Avec sa gueule d'ange il peut avoir n'importe quelle fille, lança Gôrdan avec un grand geste, comme pour désigner une file imaginaire de femmes.
Mais, toi, tu mérites un homme qui voie en toi la femme exceptionnelle que tu es.
Elle ne voulait pas le blesser, mais tourner autour du pot ne l'aiderait pas à se faire une raison.
— Ian tient à moi.
— C'est lui qui t'a dit ça ? demanda Gôrdan en haussant le ton. Ça me fait mal de me dire que tu gobes ses mensonges.
— Ça suffit, Gôrdan. Je sais que tu es en colère, mais je t'interdis de traiter Ian de menteur.
— Tu as toujours eu un faible pour lui, et ça te rend aveugle, répliqua-t-il en secouant la tête. Ce qu'Ian voit en toi, ce sont tes terres, rien d'autre.
— Non. C'est faux.
— Il est revenu sur l'île pour aider Connor à prendre le commandement, expliqua-t-il d'une voix rendue rauque par l'émotion. C'est la seule raison.
rendue rauque par l'émotion. C'est la seule raison.
Le doute resserra alors ses doigts glacials sur le cœur de Sileas.
— Non, Ian veut devenir mon époux.
— C'est pour ça qu'il est resté cinq ans à l'étranger ? Tu sais qu'Ian est prêt à tout pour Connor et que celui-ci veut voir ton château entre les mains des MacDonald.
— Qu'est-ce que tu insinues, Gôrdan ?
— Tous les quatre — Connor, Ian, Alex et Duncan — ont organisé une réunion secrète la nuit dernière dans l'église.
Un frisson de terreur lui parcourut l'échiné.
— À quel sujet ? Vont-ils attaquer Hugh ?
— Connor est malin. Il sait qu'il est encore trop tôt pour défier son oncle de façon si frontale. Au lieu de cela, il charge Ian, ton époux, d'enjoindre aux hommes de reprendre Knock Castle.
Pourquoi personne ne l'avait mise au courant du plan visant à chasser son beau-père de son château ?
Pourquoi Ian ne lui avait-il rien dit ? Au lieu de l'en informer, il avait laissé entendre qu'il avait passé la soirée à boire avec Connor et les autres.
— Ils ont tout planifié entre eux quatre, enchaîna Gôrdan en levant les bras au ciel. Ils savent pertinemment combien la perte de Knock Castle a blessé les hommes du clan dans leur fierté.
Tous sont venus hier, poussés par la colère qu'ils ressentent envers Hugh pour ne pas avoir repoussé ressentent envers Hugh pour ne pas avoir repoussé les MacKinnon. Et tous sont rentrés chez eux, persuadés que Connor, à la différence de Hugh, ne fermerait jamais les yeux tandis que nos ennemis nous déposséderaient de l'un de nos biens.
— En effet, Connor ne ferait jamais une chose pareille.
— Je te l'ai dit, résuma Gôrdan. Tout ce plan visant à reprendre Knock Castle n'a pour but que de rallier les hommes à la cause de Connor, qui brigue le commandement du clan.
Sileas avait la gorge nouée. Elle demanda, d'une voix aiguë et ténue :
— Tu as dit que cette réunion s'était tenue hier soir ?
— Oui.
Et Ian était venu la trouver ce matin avec un anneau, déclarant qu'il refusait d'attendre une nuit de plus pour endosser son rôle d'époux. Elle avait l'impression de se tenir au bord d'un banc de sable qui se dérobait petit à petit sous ses pieds.
— Connor a besoin de la légitimité d'un époux pour justifier l'assaut, insista Gôrdan. C'est pourquoi Ian revendique son dû.
Elle entendit résonner les mots d'Ian : «Je ne reculerai devant rien pour Connor. »
Malgré tout, elle persista :
— Ça n'implique pas qu'Ian ne tient pas à moi.
— Tout ce qui lui importe, contra Gôrdan, c'est
— Tout ce qui lui importe, contra Gôrdan, c'est de devenir le héros qui sauvera le clan en plaçant Connor à la tête du commandement.
Ces propos avaient l'accent de la vérité; Sileas savait qu'Ian mourait d'envie de se racheter aux yeux de tous.
— Il est évident qu'Ian souhaite aider le clan, mais ce n'est pas forcément l'unique raison qui le pousse à devenir mon mari.
— Je te le répète : Ian cherche, grâce à toi, la légitimité pour revendiquer tes terres et ton château.
— J'étais déjà l'héritière de Knock Castle il y a cinq ans, et ça ne lui a pas pour autant donné l'envie de m'épouser.
Elle-même
perçut
le
désespoir
qui
transparaissait dans sa voix.
— C'était avant Flodden. Avant que le père et le frère de Connor meurent. Avant que Hugh Dubh prenne le pouvoir. (Gôrdan battait en brèche le moindre de ses espoirs.) Et avant que Connor puisse raisonnablement prétendre au commandement.
(Refusant de le croire, elle secoua la tête.) Celui-ci a ordonné à Ian de partager ta couche, afin d'obtenir un droit par alliance sur Knock Castle. Je l'ai entendu de mes propres oreilles.
Les phrases de Ian tournaient dans la tête de Sileas : «Je ferai tout ce qu'il faudra pour le bien du clan. Je ne reculerai devant rien pour Connor. »
— Ian a assuré à Connor qu'il n'avait pas à
— Ian a assuré à Connor qu'il n'avait pas à s'inquiéter et qu'il « y veillerait ».
Le chagrin et la honte lui firent monter le rouge aux joues.
— Je ne t'ai jamais menti, tu le sais.
— Je refuse de te croire, dit-elle avant de s'éloigner.
— Il s'est moqué de toi pendant cinq ans, assena Gôrdan. Je t'en supplie, ne le laisse pas continuer pour le restant de ta vie.
Ces longues années d'attente la faisaient toujours souffrir. Et, pour sûr, Ian ne lui était pas resté fidèle lors de son séjour en France. Une bague et quelques mots doux suffisaient-ils à effacer tout cela ?
— Pour l'amour de Dieu, Sileas, ouvre les yeux et vois l'homme qu'il est vraiment. (Gôrdan inspira une profonde bouffée d'air qu'il expira lentement.) Si jamais tu changes d'avis, je serai là, à t'attendre.
Les lèvres tremblantes, elle regarda Gôrdan tourner les talons pour rentrer chez lui. Non, elle refusait de le croire. Elle connaissait le cœur d'Ian.
Elle savait qu'il ne la trahirait jamais de la sorte.
Mais, alors qu'elle regagnait la maison en courant, tout ce dont elle parvenait à se souvenir, c'était que pas une seule fois Ian ne lui avait dit qu'il l'aimait.
Chapitre 20
Ian chantonnait tout en versant un second pichet d'eau bouillante dans la baignoire. En un clin d'œil, il se débarrassa de ses vêtements sales, qu'il jeta dans un coin de la pièce, puis se glissa dans l'eau chaude en émettant un long soupir de satisfaction.
Ce soir. Ce soir il consommerait son mariage et se lierait à Sileas pour le restant de ses jours. Il voulait que tout soit parfait pour elle. Bien entendu, il ne sentirait jamais aussi bon qu'elle mais, au moins, il serait propre. Il apporterait une carafe de vin dans leur chambre et illuminerait la pièce de bougies.
Il reposa la tête sur le bord de la baignoire et sourit, rêvant déjà de la nuit à venir.
Mince. Quelqu'un avait-il ouvert la porte d'entrée ? Avec son père endormi et le reste de la maisonnée parti rendre visite aux voisins pour l'arrivée de leur nouveau bébé, il avait espéré disposer des lieux pour lui seul un peu plus longtemps. Ah, il ferait mieux de s'activer avant que les femmes investissent la cuisine pour préparer le dîner !
dîner !
Il se redressa et se savonna le visage. Après avoir plongé la tête en arrière pour se rincer, il sentit des doigts se glisser dans ses cheveux.
— Sileas, sourit-il béatement, les yeux fermés, tandis que de l'eau ruisselait sur son visage.
Elle posa les mains sur ses épaules, et il soupira en les sentant glisser sur son torse. Mais quelque chose n'allait pas... Il se redressa d'un bond et fit volte-face pour découvrir que ce n'étaient pas les mains de Sileas qui se promenaient sur son corps.
— Dina. Qu'est-ce que tu fiches ici ?
— C'est quoi, ça ? demanda-t-elle en lui passant la lanière de cuir par-dessus la tête avant qu'il ait le réflexe de lui saisir le bras pour l'en empêcher.
— Va-t'en ! Tu ne vois pas que je prends un bain ? (Il tendit la main.) Et rends-moi ça avant de partir.
Elle balança la bourse, juste hors de sa portée, avant d'éclater de rire et de la passer autour de son cou.
— Ce serait un joli cadeau pour me récompenser de ce que je vais t'offrir.
— On ne va rien s'offrir du tout, Dina, rétorqua-t-il, à bout de patience. Maintenant, rends-moi ça.
— Tu ne m'as même pas demandé ce que je comptais te donner.
Elle fit courir un doigt le long de la lanière de cuir, jusqu'à la bourse protégeant le cristal qui cuir, jusqu'à la bourse protégeant le cristal qui reposait juste entre ses seins.
— Nom de Dieu, Dina. Mais à quoi est-ce que tu joues ?
— Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que tu dormais dans la vieille dépendance, dit-elle. C'est bien dommage de passer ses nuits tout seul, surtout lorsqu'on a le choix.
— Ce que tu as à offrir ne m'intéresse pas, répliqua-t-il. Maintenant, donne-moi ça et va-t'en.
Il se pencha en avant et empoigna sa jupe, puis tira.
— Rends-le-moi.
Elle avait dû dénouer sa robe par avance, car elle s'en dégagea en un clin d'œil. Il quitta des yeux le tissu serré dans son poing pour la découvrir en sous-vêtements. Puis, avant qu'il ait pu dire le moindre mot, elle était nue comme un ver.
Il n'avait pas eu l'intention de la regarder, mais il était un homme, après tout. Et bien que Dina ne soit pas la femme qu'il désirait, elle avait de sérieux...
attributs. Elle restait plantée devant lui, dans le plus simple appareil. Et la frustration dans laquelle l'avait laissé Sileas n'arrangeait en rien sa situation.
Malgré lui, son sexe se dressa.
— Maintenant, tu vas me rendre ça, te rhabiller et sortir de cette cuisine, que je finisse de prendre mon bain et de me préparer.
— Viens le chercher toi-même.
— Viens le chercher toi-même.
Comme elle l'avait prévu, il posa les yeux sur l'étui de cuir, qui oscillait entre ses seins offerts.
Il chercha des yeux sa serviette. Mince, il l'avait laissée sur un tabouret de l'autre côté de la table.
Dina suivit son regard, contourna la table en un éclair, sa poitrine s'agitant, et s'empara de la serviette.
Ah ! Il l'aurait volontiers étranglée.
— Puisque tu refuses de t'habiller et de partir, moi, je vais le faire.
Il s'agrippa aux rebords de la baignoire, se hissa et sortit de l'eau fumante. Il tendait la main pour s'emparer de sa chemise posée sur la table lorsqu'il entendit du bruit dans son dos et se retourna.
Les cris de Sileas, qu'il aperçut dans l'embrasure de la porte, emplirent la petite pièce. Hagarde, elle hurlait comme si quelqu'un venait de la poignarder.
— Sileas, dit Ian en s'approchant d'elle.
Mais, alors, elle baissa les yeux, et ses cris retentirent de plus belle. Il avait oublié qu'il était nu.
Il empoigna sa chemise et s'en couvrit rapidement.
Bien qu'elle soit encore vierge, il ne s'était pas attendu à ce qu'elle réagisse de la sorte à sa nudité.
— Tout va bien Sil, l'apaisa-t-il en se dirigeant vers elle.
Elle recula, le visage frappé non pas de peur comme il s'y attendait, mais d'une douleur telle qu'il sentit un pincement lui serrer le cœur.
sentit un pincement lui serrer le cœur.
Voyant qu'elle regardait derrière lui, il se souvint de Dina. Tout à la réaction de Sileas, il en avait oublié cette maudite femme. Il comprit alors à quoi la scène devait ressembler aux yeux de Sileas, et pourquoi elle avait hurlé.
— Tu lui as donné ma pierre, murmura-t-elle d'une voix hachée.
Ian eut l'impression que le ciel lui tombait sur la tête.
— Non. Non, pas du tout ! s'écria-t-il, tandis que la jeune femme tournait les talons pour s'enfuir en courant. Ce n'est pas ce que tu crois !
Il s'élança à sa suite, mais Niall lui barra le chemin.
— Espèce de salaud !
— Dégage, rétorqua Ian en repoussant son frère.
Malheureusement, ses pieds, comme le sol, étaient encore mouillés. Niall se jeta sur lui, et il tomba à la renverse, sur le dos. Son frère entreprit alors de lui marteler le visage et le torse de coups de poing en hurlant :
— Comment as-tu pu faire une chose pareille ?
Comment ?
Ian mourait d'envie de filer une sérieuse raclée à son jeune frère, mais Alex se chargea de les séparer.
— Pourquoi as-tu mis si longtemps ? s'exclama Ian en enfilant sa chemise.
— Je me suis dit que tu le méritais peut-être,
— Je me suis dit que tu le méritais peut-être, répondit Alex.
— Je n'ai pas touché Dina.
Il se tourna vers elle pour lui aboyer au visage :
— Dis-leur que je ne t'ai pas touchée. Dis-leur !
Dans son dos, Niall parvint à se libérer de l'étreinte d'Alex et lui assena un violent coup de poing à la tempe qui fit résonner son crâne. Lorsque le coup suivant arriva, il ne put rien faire pour le détourner.
Lorsqu'il reprit connaissance, il gisait par terre, à côté de la cheminée; sa mère le toisait, et sa tête lui faisait un mal de chien.
— Où est Sil ? demanda-t-il en tentant de se redresser.
Sa mère lui plaqua une main sur le torse pour l'en empêcher.
— Si tu bouges, je me chargerai personnellement de t'assommer de nouveau.
— Mère, je dois la voir. Elle est persuadée que j'ai fait quelque chose qu'en réalité je n'ai pas fait.
— Laisse-lui le temps de se calmer. Et, même alors, ça ne sera pas facile de la convaincre de t'écouter. Crois-moi, mon fils, la situation est bien mal engagée.
Il n'en doutait pas une seconde. Elle les avait surpris nus tous les deux, sans parler de son sexe au garde-à-vous.
— Tu devrais peut-être me laisser lui parler,
— Tu devrais peut-être me laisser lui parler, proposa sa mère.
— Toi, au moins, tu me crois, mère ? demanda-t-il, rassuré que quelqu'un lui prête crédit.
— Tu es bien comme ton père, répondit-elle en dégageant une mèche du visage de son fils. Une fois que tu as trouvé la femme que tu veux, tu cesses de chercher ailleurs. (Elle se retourna lorsque Alex entra, accompagné d'une rafale d'air froid.) Mes sœurs n'ont pas eu tant de chance. J'espère que Connor et Alex ne suivront pas le pitoyable exemple de leurs pères.
— De quoi vous parlez ? lança Alex en traversant la pièce. (Puis il se pencha sur Ian, un grand sourire aux lèvres.) Ça y est, tu te réveilles enfin ? La prochaine fois que l'on ira à la bataille, je tiens à ce que ton frère nous accompagne.
— Combien de temps suis-je resté étendu là ?
Ian refoula un accès de nausée et se redressa malgré les protestations de sa mère.
Alex haussa les épaules.
— Je dirais une heure.
— J'exige que Dina quitte cette maison, déclarat-il en se levant tant bien que mal.
Par le sang de Dieu, que sa tête le faisait souffrir ! Mais il lui fallait absolument parler à Sileas. Il longea le mur pour garder l'équilibre et s'engagea dans l'escalier. Arrivé devant la porte de sa chambre, il frappa doucement.
sa chambre, il frappa doucement.
— Sil. (Il frappa de nouveau.) Sileas, laisse-moi t'expliquer. Je t'en prie.
Rien.
Il revint à la charge à trois reprises.
Comme elle refusait encore de répondre à la quatrième fois, il la prévint :
— Je vais entrer.
Il tourna la poignée, mais un objet bloquait la porte. À coups d'épaule, il parvint à l'entrouvrir, mais au prix d'une effroyable vague de douleur qui lui vrilla le crâne. Espérant qu'elle n'était armée d'aucune poêle à frire, il glissa la tête dans l'embrasure.
Le silence qui régnait dans la pièce fit naître un frisson de malaise qui lui glaça la nuque. Il aperçut alors le coffre dont elle s'était servie pour entraver la porte. Après l'avoir ouverte un peu plus, il entra dans la chambre.
Debout au milieu de la pièce vide, il balaya lentement les lieux du regard. Il passa de la masse de vêtements jetés pêle-mêle sur le lit à la robe jaune qu'elle portait et qui, à présent, ne formait plus qu'un petit tas sur le sol.
Le silence ambiant rendait assourdissant le martèlement des battements de son cœur.
Il se retourna vers la patère censée accueillir la cape de Sileas, bien qu'il sache déjà que cette dernière avait disparu.
C'était en effet le cas.
C'était en effet le cas.
Une colère noire l'envahit tandis qu'il devinait sans mal où Sileas s'était rendue, chez le premier de la file d'hommes qui n'attendaient qu'une chose : la lui arracher. Il redescendit les marches quatre à quatre et quitta la maison sans le moindre mot pour ceux qui s'y trouvaient.
Devant Dieu, il jura de battre Gôrdan MacDonald jusqu'à ce qu'il frôle la mort. Ensuite, il ramènerait sa femme chez lui — par les cheveux, s'il le fallait.
Chapitre 21
Bien qu'elle trébuchât à plusieurs reprises sur le chemin rocailleux plongé dans l'obscurité, Sileas continua néanmoins à courir, comme si la distance qu'elle parviendrait à mettre entre elle et ce qu'elle avait vu dans la cuisine pouvait suffire à amoindrir la violence de la douleur qui lui transperçait le cœur.
Mais elle avait beau fuir à toutes jambes, la vision d'Ian et Dina flottait toujours devant ses yeux.
Tous les deux. Ensemble. Nus.
Découvrir son cristal qui pendait entre les seins de Dina constituait une trahison pire encore. Elle avait refusé son lit à Ian. Avec le temps, elle aurait sans doute réussi à lui pardonner de s'être encore donné à une autre femme avant qu'ils partagent la couche conjugale.
Mais le cristal avait été son cadeau de noces. Il symbolisait le cœur qu'elle lui offrait, et Ian le savait.
Une petite bourse de cuir, nouée à sa taille, lui battait la cuisse tandis qu'elle courait dans le noir.
Elle espérait avoir emporté assez d'argent pour payer la traversée du détroit à bord d'un bateau de pêcheur, puis pour s'acheter un cheval, une fois de pêcheur, puis pour s'acheter un cheval, une fois de l'autre côté. Grâce à Dieu, elle avait gardé les vieux vêtements de Niall qu'elle utilisait pour récurer l'étable. Si jamais on le lui demandait, le pêcheur en question dirait qu'il avait conduit un jeune homme sur la rive opposée.
— Qu'est-ce que c'est que ça ?
Malgré le bruit de sa respiration, elle entendait quelque chose dans son dos. Un loup ? Un ours ? Elle se rappelait Ian lui disant de ne jamais s'enfuir devant une bête sauvage sous peine de passer pour une proie à ses yeux. Maudit soit-il ! Ne se débarrasserait-elle donc jamais de la voix d'Ian qui résonnait dans sa tête ?
Elle décida de ne pas y prêter attention et accéléra.
Plus elle courait vite, plus le son la rattrapait.
Elle hurla en sentant la bête la percuter et l'envoyer bouler par terre. Celle-ci atterrit ensuite sur Sileas de tout son poids, lui coupant le souffle et la clouant au sol.
— Sileas, arrête de me frapper ! J'essaie de me relever.
— Niall ?
La masse roula sur le côté ; Sileas put enfin se redresser, et inspirer à pleins poumons. Sous le contrecoup de la terreur, elle avait l'impression d'avoir les membres en coton.
— Tu m'as fichu une peur bleue !
— Tu m'as fichu une peur bleue !
— Est-ce que je t'ai fait mal ? demanda Niall.
— Non, mais pourquoi m'as-tu suivie ? Tu as vu comme moi ce qu'ils faisaient dans cette cuisine, tu sais très bien que je ne rentrerai pas.
— Je ne pouvais pas te laisser partir seule, sans protection. Alors, je viens avec toi, où que tu ailles.
Elle faillit éclater en sanglots devant tant de gentillesse, mais se maîtrisa. Elle redoutait, si elle cédait aux larmes, que celles-ci ne tarissent jamais.
— Tu ne peux pas venir avec moi, déclara-t-elle.
Ta famille n'apprécierait pas que tu m'aides à m'enfuir.
— C'est mon père qui m'a envoyé. Il t'a entendue descendre par la fenêtre et m'a demandé de te suivre pour te protéger. Il m'a également donné de l'argent.
Ce cher Payton. Cette fois, elle dut essuyer une larme.
— En plus, reprit Niall d'une voix où perçait un sourire, je ne veux pas que tu ailles chercher de l'aide auprès de Gôrdan.
— Gôrdan n'est pas un mauvais bougre, le rassura-t-elle avant de se demander pourquoi elle n'avait même pas pensé à aller le trouver.
— Il n'est pas non plus l'homme idéal — pas pour toi, Sil. (Niall se leva et aida la jeune femme à en faire autant.) Alors, tu allais où ?
— À Stirling.
Niall laissa échapper un long soupir.
Niall laissa échapper un long soupir.
— Ça fait une trotte. Et pourquoi veux-tu aller là-bas ?
Sileas se mit à marcher.
— Je compte demander à la reine de m'aider à obtenir une annulation de mon mariage par l'Église.
Et tant que j'y serai, je lui demanderai aussi son soutien pour déloger mon beau-père de Knock Castle.
Elle n'avait aucune envie de s'installer dans ce château, mais il lui appartenait, et elle devait trouver un endroit pour vivre.
— Aller solliciter la reine est un peu radical comme démarche, tu ne penses pas ? objecta Niall.
La loi des Highlands te donne parfaitement le droit de te séparer d'Ian. Ça ne te suffit pas ?
— Pour que, avant même que j'aie eu mon mot à dire, mon chef de clan m'impose un nouveau mari ?
Je ne laisserai pas Hugh décider de ma vie, jamais.
Non, le seul moyen que j'aie de m'affranchir de son autorité, c'est de recourir à quelqu'un de plus puissant. Je loue Dieu que cette personne soit une femme pour le moment.
— Mais Hugh ne restera pas une menace encore bien longtemps, lui fit remarquer Niall. Connor sera notre prochain meneur.
— Connor souhaite que Knock Castle revienne à l'un de ses proches. Il décidera que je n'ai aucune raison valable de quitter Ian.
— Connor est un homme honnête, contra Niall.
— Connor est un homme honnête, contra Niall.
Il acceptera que tu te sépares d'Ian, du moment que tu prends un autre membre du clan pour époux, surtout si le type en question est un autre de ses proches parents.
Elle grogna.
— Es-tu en train de me parler d'Alex ? Je l'aime beaucoup, mais me marier avec lui reviendrait à passer de la peste au choléra.
— Tu n'as qu'à m'épouser, moi, proposa Niall d'une voix douce. Je suis aussi proche de Connor qu'Ian ou Alex.
Sileas eut l'impression qu'on lui vrillait le cœur.
Elle s'immobilisa, puis fit volte-face, bien qu'elle distingue à peine ses traits dans la nuit.
— Allons, Niall, dit-elle en posant ses doigts sur la joue du jeune homme. Tu n'es pas sérieux.
— Quoi ? Tu crois que je suis trop jeune, c'est ça ?
s'offensa- t-il. Ou c'est parce que je ne suis pas aussi bien que mon frère, même après tout ce qu'il t'a fait subir ?
— Non, ça n'a rien à voir, le rassura-t-elle, bien qu'il soit en effet beaucoup trop jeune. (Elle posa une main sur son bras.) J'ai grandi en regrettant chaque jour de n'avoir ni frère ni sœur. Le fait d'avoir découvert en toi le frère que je n'ai jamais eu est l'une des plus grandes joies de ma vie. Ne me demande pas d'y renoncer.
— Tu as également été comme une sœur pour
— Tu as également été comme une sœur pour moi, répondit-il en dansant d'un pied sur l'autre, d'après ce qu'elle percevait dans le noir. Mais... tu es si belle que je pense pouvoir souffrir cette perte.
— Ta proposition me va droit au cœur, dit Sileas en l'incitant à reprendre leur marche. Mais je ne crois pas que je voudrai d'autre mari avant très, très longtemps.
— Où est-elle ? cria Ian en tambourinant à la porte de Gôrdan.
Aucune lumière ne filtrait pas la fenêtre ou sous la porte. Si Gordan avait entraîné Sileas dans son lit ce soir même, Ian tuerait ce rejeton de Satan sur-le-champ.
Il continua à maltraiter la porte jusqu'à ce que les vitres en tremblent.
— Sors donc m'affronter comme un homme !
Lorsqu'on ouvrit enfin, il serra les poings, prêt à réduire le visage de Gôrdan en bouillie. Il ravala sa rage en découvrant la mère de son rival qui le regardait sous son bonnet de nuit.
— Je suis venu chercher ma femme.
— Sileas ? (La mère de Gôrdan ramena sa robe de nuit sur son cou.) Ne me dis pas que cette fille t'a quitté. J'ai toujours su qu'elle n'amènerait que des ennuis.
Il prit alors conscience que ce serait le premier Il prit alors conscience que ce serait le premier endroit où Gôrdan et Sileas s'attendraient à ce qu'il vienne les débusquer. S'ils n'étaient pas là, il les traquerait sans relâche, jusqu'en enfer si nécessaire.
— Je dois vous demander de vous écarter, afin que je jette un coup d'œil, dit Ian.
Gôrdan apparut soudain derrière sa mère.
— Nom de Dieu, mais pour qui te prends-tu ?
demanda- t-il en écartant sa mère. Qui es-tu pour te planter comme ça devant ma porte au beau milieu de la nuit et menacer ma mère ?
Ian écrasa son poing dans la figure de Gôrdan, le forçant à reculer dans la maison. Il avança d'un pas et empoigna son rival par le col de sa chemise.
— Je ne te le demanderai qu'une fois, aboya-t-il, nez à nez avec Gôrdan. Où as-tu caché ma femme ?
— Sileas ? C'est pour elle que tu es venu ?
rétorqua Gôrdan en essuyant le sang qui lui maculait la bouche du revers de la main. Alors, comme ça, elle t'a enfin quitté ? Tant mieux pour elle.
— N'essaie pas de me faire croire que tu n'étais pas au courant, répliqua Ian en balayant les lieux du regard. (Comme elle était invisible, il relâcha sa poigne et arpenta la pièce.) Où est-elle ?
Il jeta un coup d'œil dans la cuisine.
— Il n'y a personne d'autre ici que nous deux, intervint la mère de Gôrdan.
Ian l'entendit manipuler une lampe. Lorsque la flamme prit vie, il découvrit que l'inquiétude flamme prit vie, il découvrit que l'inquiétude déformait les traits de son rival.
— Elle est partie dans la nuit toute seule ?
demanda ce dernier. Bon sang, mais qu'est-ce que tu lui as fait ?
La peur lui planta sa lame acérée dans les tripes.
— Ne me dis pas que tu ne sais vraiment pas où elle est ?
— Je te le jure sur la tombe de mon père, répliqua Gôrdan.
Ian déglutit avec peine.
— Il faut que je la retrouve avant qu'il lui arrive malheur. (Une fois à la porte, il se retourna.) Me le diras-tu si elle vient ici ?
— Oui, acquiesça Gôrdan. Mais, si elle a décidé de te quitter, je ne la renverrai pas vers toi.
— Où a-t-elle bien pu aller ?
Ian se passait les mains dans les cheveux tout en faisant les cent pas dans la salle commune. En période de crise, il avait généralement les idées claires, mais là, il était incapable de réfléchir.
— Montons dans sa chambre pour voir si elle y a laissé une quelconque piste, proposa Alex.
Ian monta les marches quatre à quatre, avec son cousin sur les talons.
Arrivé dans la chambre, il ramassa la robe jaune. Instinctivement, il la porta à son visage et inspira à pleins poumons. Il ferma les yeux. Il inspira à pleins poumons. Il ferma les yeux. Il souffrait physiquement de son absence, comme si une lame de rasoir lui lacérait le cœur.
Comment avait-elle pu le quitter ?
— Tiens, regarde-ça, s'écria Alex dans son dos.
Ian rejoignit son cousin à la petite table sur laquelle Sileas tenait les comptes. Alex démolit les piles impeccables en étalant au hasard les parchemins sur la table.
— Lis ça, dit-il en tapant du doigt une feuille qui reposait au milieu des papiers éparpillés.
Ian sentit son cœur s'arrêter de battre à mesure qu'il parcourait la missive. Dieu du ciel, qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Il s'agissait d'une lettre adressée à la reine, la priant d'apporter son soutien à une demande d'annulation de mariage impliquant un certain Ian MacDonald. Elle réclamait également l'aide de la couronne pour chasser son beau-père de son château et de ses terres.
— On dirait que c'est un premier jet, indiqua Alex en désignant les taches d'encre qui maculaient la page.
— Elle a dû emporter la dernière mouture. (Ian reçut alors la révélation de la destination de Sileas comme un violent coup de poing.) Nom de Dieu, elle se dirige vers Stirling !
Il entendit les bruits d'un pas léger dans l'escalier et se retourna pour découvrir sa mère dans l'embrasure de la porte. Elle resta plantée là, l'embrasure de la porte. Elle resta plantée là, immobile, à se tordre les mains.
Lorsqu'elle prit enfin la parole, sa voix fut à peine plus audible qu'un murmure :
— Niall est parti, lui aussi.
Il fallut quelques secondes à Ian avant de comprendre la portée des mots de sa mère.
— Niall ? Niall est avec Sileas ?
— Ton père pense que c'est une bonne chose qu'elle ne soit pas toute seule, lui confirma sa mère.
— Misère ! (Ian arpenta furieusement la pièce, tel un fauve en cage.) Mais qu'est-ce qui a bien pu leur passer par la tête, à ces deux-là ? Stirling n'est pas la porte à côté, il faut voyager plusieurs jours pour y parvenir. Doux Jésus, ils risquent de se faire assassiner en chemin !
D'horribles images de Sileas violée, du couple battu à mort, et de leurs corps abandonnés sans vie aux charognards sur le bord du chemin, lui emplirent la tête.
— Niall sait manier l'épée, le rassura Alex, comme s'il lisait dans ses pensées. Je suis sûr que ton père lui a enseigné, comme il l'a fait avec toi, à déceler tout danger et à voyager sans être vu.
Les yeux de sa mère étaient rivés sur la robe jaune toujours serrée dans la main d'Ian, puis ils passèrent sur le lit.
— Les vieux vêtements de Niall qu'elle utilise pour récurer l'étable ne sont plus là. Je les avais pour récurer l'étable ne sont plus là. Je les avais lavés, pliés et déposés sur son lit.
— Si Sileas est habillée en homme, le risque est moindre, souligna Alex.
— Mais même s'ils parviennent à atteindre Stirling en un seul morceau, cette ville est pire qu'un essaim d'abeilles, déplora Ian, les mains au ciel.
La mort prématurée de Jacques IV à Flodden avait laissé l'Ecosse avec un enfant en guise de roi et sa mère, la sœur du détesté roi d'Angleterre, pour régente. Inutile d'être clairvoyant pour deviner que la
cour
grouillait
d'intrigants
puissants
et
impitoyables, prêts à tout pour s'attirer les faveurs de l'enfant et de sa mère.
— Je pars à leur recherche, déclara Ian en se dirigeant vers l'escalier. Et dès que je les aurai retrouvés, je les tuerai de mes propres mains.
Alex le rattrapa dans la salle commune.
— Nous n'aurons aucune difficulté à convaincre Connor et Duncan de se joindre à nous.
Ian secoua la tête.
— Non. Je ne sais pas combien de temps tout cela prendra, et l'assemblée de Samhain doit avoir lieu dans deux semaines à peine. Vous trois, vous restez là pour vous assurer que Connor soit choisi comme chef de clan.
— Nous venons avec toi, s'entêta Alex en enfilant son béret et son manteau accrochés à une patère. Nous avons le temps pour un aller et retour patère. Nous avons le temps pour un aller et retour jusqu'à Stirling, si nous nous dépêchons.
Ian croisa le regard vert marin — et pour une fois sérieux — de son cousin.
— Connor et Duncan te diront la même chose, ajouta-t-il.
Ian le remercia d'un hochement de tête avant de sortir.
Chapitre 22
Sileas s'agrippait au bras de Niall tandis qu'ils guidaient leurs chevaux sur les pavés des rues grouillantes de Stirling. En dépit de la crasse et de la fatigue accumulées après des jours de trajet, la jeune femme ne perdait pas une miette du spectacle alentour. Jamais auparavant elle n'avait mis les pieds dans une si grande ville.
— Peux-tu me lâcher le bras ? lui glissa Niall à voix basse. Je n'aime pas la façon dont les gens nous regardent, vu que tu es habillée en garçon et tout.
Sileas
s'exécuta
aussitôt.
Frappée
de
stupéfaction, elle en avait oublié son accoutrement.
— On dirait un palais bâti pour des dieux, dit-elle, les yeux rivés sur le château.
Ils l'avaient aperçu bien des lieues avant d'atteindre la ville, perché au sommet de falaises à pic qui le protégeaient sur trois côtés. Le quatrième, celui qui faisait face à la ville, constituait le seul accès possible. Il était gardé par un rempart circulaire et une imposante barbacane.
— Et si la reine n'est pas là ? demanda Niall. La famille royale dispose de plusieurs châteaux, tu sais.
famille royale dispose de plusieurs châteaux, tu sais.
— Ton père a dit que, si la reine était un tant soit peu sensée, c'est ici qu'elle emmènerait son roi de fils, répondit Sileas. D'après lui, pas même les Anglais ne pourraient prendre Stirling.
Ils rebroussèrent chemin jusqu'à une auberge installée dans les faubourgs, qui proposait des chambres à l'étage et une écurie à l'arrière. Ils payèrent leur nuit, puis y prirent leur dîner.
Sileas ne s'était jamais retrouvée entourée de tant d'étrangers. La plupart s'exprimaient dans le patois des Lowlanders. Bien qu'elle en connaisse quelques rudiments, ils parlaient trop vite pour qu'elle puisse comprendre grand- chose. Beaucoup étaient habillés à la mode anglaise.
— Tu veux bien arrêter de scruter leurs braguettes, siffla Niall en lui rabattant son béret sur les yeux. Tu vas nous attirer des ennuis — ou pire, des propositions inconvenantes.
Sileas masqua un éclat de rire derrière sa main.
Elle avait certes entendu dire que les nobles anglais portaient des pièces de tissu renforcées devant leurs parties, mais sans vraiment y croire.
— Il faut que je prenne un bain avant de me présenter devant la reine. (Elle renifla.) Je sens le cheval, et encore, ce n'est pas le pire.
— Je vais demander à l'aubergiste de nous faire monter de l'eau, indiqua Niall en se levant. Ça nous coûtera un supplément.
coûtera un supplément.
Peu de temps après, Sileas aperçut une femme qui empruntait l'escalier, chargée de deux seaux débordants — apparemment, le traitement le plus proche du ménage que les marches recevaient depuis très, très longtemps.
Niall et elle lui emboîtèrent le pas jusqu'à une petite pièce fonctionnelle, meublée d'une unique couche. Après avoir recommandé à Sileas de verrouiller la porte, Niall regagna la salle commune tandis qu'elle prenait son bain.
Elle tira la robe bleue qu'elle avait pliée dans son sac de toile, satisfaite d'avoir eu la présence d'esprit, malgré le chaos ambiant, d'emporter sa plus belle toilette pour se rendre à la cour. Elle l'étendit sur la couche pour l'aérer, puis se nettoya autant que possible dans la petite baignoire de bois avant d'enfiler la chemise qu'elle porterait sous sa robe le lendemain.
À son retour, Niall insista pour qu'elle dorme sur la couche. Elle s'y allongea en lui tournant le dos pendant qu'à son tour il se lavait dans l'eau du bain.
Lorsqu'il eut fini, il s'enroula dans son kilt, par terre devant la porte.
Sileas souffla les bougies, puis essaya de trouver une position confortable sur ce lit inconnu.
— Merci de m'avoir accompagnée, Niall, dit-elle dans l'obscurité. Je ne pense pas que je serais arrivée jusqu'ici sans toi.
jusqu'ici sans toi.
— Pour être franc, je ne suis pas certain que notre venue soit une si bonne idée, répondit le jeune homme. La ville regorge de Lowlanders et, pire, d'Anglais, à commencer par la reine elle-même. Nous ne savons absolument pas dans quoi nous nous fourrons. Il serait peut-être préférable de rentrer à la maison et de régler tes problèmes là-bas.
— Je n'ai pas fait toute cette route pour repartir sans avoir vu la reine, affirma Sileas, mais elle ferma les yeux et pria.
Niall avait-il raison ? Était-ce une erreur que de venir à Stirling ? Elle ne s'était jamais tant éloignée de Skye et se sentait coupable d'avoir entraîné Niall avec elle.
Le jeune homme était resté silencieux si longtemps qu'elle le croyait endormi quand il déclara :
— J'ai beaucoup repensé à ce que nous avons vu dans la cuisine.
— Et qu'est-ce qui a bien pu te donner à réfléchir ? s'enquit-elle d'un ton acéré.
— Et si Ian n'avait fait que prendre un bain et que Dina était entrée sans prévenir ? proposa Niall d'une voix hésitante. Tu as vu la baignoire, et Ian qui dégoulinait.
— Tu as oublié de préciser que Dina était nue, elle aussi, répliqua Sileas, la mâchoire crispée. Et n'essaie pas de me faire croire que tu ne l'as pas n'essaie pas de me faire croire que tu ne l'as pas remarqué.
— J'aurais difficilement pu ne pas m'en apercevoir, c'est vrai. Et j'ai d'abord pensé la même chose que toi en entrant dans la cuisine. (D'après la gêne qu'elle percevait dans la voix du jeune homme, il semblait clair qu'il aurait préféré être fouetté à coups d'orties plutôt que d'évoquer ce sujet avec elle.) Mais, tu vois, Dina est bien du genre à se délester de ses vêtements sans qu'un homme ait à le lui demander.
Sileas se redressa sur sa couche pour foudroyer du regard la forme sombre étendue au sol.
— Et comment sais-tu une chose pareille, Niall MacDonald ?
— Eh bien... Elle l'a déjà fait avec moi, confessa-t-il.
La jeune femme resta bouche bée. Comment Dina avait- elle osé tenter de manipuler Niall ? Bien qu'il mesure plus de six pieds de haut, il n'était encore qu'un enfant.
Mais la propension de cette Dina à se dévêtir n'expliquait pas comment le cristal MacDonald s'était retrouvé autour de son cou.
— Tu espères vraiment me convaincre qu'il ne s'est rien passé dans cette cuisine ? persifla-t-elle.
Comme quand elle s'est déshabillée devant toi, Niall ? Rien du tout ?
Le silence qu'observa le jeune homme suffit à Le silence qu'observa le jeune homme suffit à confirmer sa faute.
— Ta mère aurait honte de toi, lui fit remarquer Sileas.
Elle s'étendit de nouveau et donna quelques coups de poing à son oreiller pour qu'il retrouve un peu de volume.
— Je ne suis pas marié, répliqua Niall. Et ce que je fais avec une femme consentante ne concerne en rien ma mère.
— Pff, vous me dégoûtez, tous autant que vous êtes !
Elle lui tourna le dos et rabattit la couverture sur ses oreilles.
Seuls les sons montant de l'auberge venaient ponctuer le long silence qui s'était installé entre eux, jusqu'à ce que, finalement, Niall reprenne la parole.
— Si j'avais une femme comme toi, Sil, je n'aurais jamais accepté les propositions de Dina. (Il se tut quelques instants.) C'est pour ça que je pense que, peut-être, Ian n'a rien fait de mal et que tu devrais lui laisser une chance de t'expliquer ce qui s'est passé.
Sileas s'agita et se retourna sur sa couche étroite durant la moitié de la nuit, frappant les insectes qui infestaient le matelas de paille et réfléchissant aux propos de Niall. Elle était si faible lorsqu'il s'agissait propos de Niall. Elle était si faible lorsqu'il s'agissait d'Ian MacDonald qu'elle était presque prête à croire tout ce qui pourrait l'absoudre.
En sentant sa résolution flancher de nouveau, elle se rappela le souvenir d'Ian nu, le sexe en érection, avec Dina derrière lui, dans le plus simple appareil, à l'exception de la petite bourse qui oscillait entre ses seins et qui abritait son cristal.
Chaque fois qu'elle parvenait à se défaire de cette image, elle se tournait dans le lit, inquiète à l'idée de rencontrer la reine. Etait-ce une folie que d'exposer son problème à la reine ? Ah, de toute façon, elle en avait assez que des hommes décident de sa vie pour elle. Une femme s'intéresserait sans doute plus à elle qu'à son château.
Après tout, même si la reine refusait de l'aider, qu'avait- elle à perdre ?
Fatiguée de chasser les punaises et de ressasser sans cesse les mêmes pensées, elle quitta la couche pour aller s'allonger par terre non loin de Niall. Elle lui était reconnaissante d'être resté et de ne pas avoir remis en cause sa décision, même si, à ses yeux, celle-ci relevait de la folie.
En annulant son mariage avec Ian, elle mettrait également un terme au lien formel qui l'unissait à Niall. Une perte de plus, douloureuse. Étendue à côté de lui, elle l'écoutait respirer, sachant qu'il resterait à jamais son frère de cœur. Elle espérait qu'il ressentait la même chose et pria pour ne pas le ressentait la même chose et pria pour ne pas le perdre, lui aussi.
Chapitre 23
Sileas arpentait la petite chambre à l'étage de l'auberge. A chaque demi-tour, elle regrettait que Niall ait réussi à la convaincre de rester là tandis qu'il apportait sa lettre au château. Lorsqu'on frappa à la porte, elle ramassa son dirk posé sur le lit et colla une oreille contre le panneau de bois.
— Sileas, laisse-moi entrer.
C'était Niall ; elle ôta la barre qui entravait l'ouverture.
— J'étais morte d'angoisse. Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ?
— Tu es ravissante, déclara-t-il en découvrant sa tenue.
— Raconte-moi comment ça s'est passé, le pressa-t-elle. Est-ce que la reine accepte de me voir ?
— Les gardes m'ont ri au nez quand je leur ai dit que je comptais attendre la réponse de la reine, relata Niall en se laissant tomber sur la couche.
Mais, une heure après, ils sont venus me dire qu'elle nous recevrait ce matin même.
Sileas eut subitement l'impression d'avoir ingurgité une livre de plomb et non pas du porridge ingurgité une livre de plomb et non pas du porridge sans consistance au petit déjeuner. Elle allait rencontrer la reine pour de bon.
— Je n'ai pas de miroir. Peux-tu m'aider avec mes cheveux ?
Niall écarquilla les yeux, mais il prit docilement les épingles qu'elle lui tendit. Lorsqu'elle eut dompté ses mèches folles en un chignon, il se plaça derrière elle et tenta de le fixer. Niall était un tireur à l'arc hors pair, mais dès qu'il s'agissait de cheveux, c'était comme s'il avait cinq pouces à chaque main.
— Je vais les retenir avec mon ruban, conclut-elle en constatant que le chignon ne tenait toujours pas malgré trois tentatives. (Une fois sa coiffure terminée, elle tourna sur elle-même.) Tu crois que ça ira pour la cour ?
— Tu y seras sans nul doute la plus jolie jeune femme, répondit-il avec un sourire radieux.
Tandis qu'ils traversaient la ville en direction du château, un sentiment de malaise s'immisça dans le dos de Sileas, ralentissant ses pas. Pas étonnant que Payton pense le jeune roi en sécurité à Stirling. La barbacane, qui s'avançait devant le mur d'enceinte du château pour en constituer une entrée fortifiée, était gigantesque. Le regard de la jeune femme passa des quatre tours rondes de la barbacane à celles, carrées mais tout aussi massives, qui flanquaient le rempart.
— Nous pouvons encore rentrer à la maison, lui
— Nous pouvons encore rentrer à la maison, lui annonça Niall. Il n'est pas trop tard pour changer d'avis.
— Nous avons fait tant de trajet, répondit-elle.
Et puis, ce ne serait pas très courtois de refuser l'invitation de la reine après l'avoir sollicitée.
Ils empruntèrent le pont-levis et présentèrent leur convocation aux gardes postés entre les deux premières tours rondes. Après avoir jeté un coup d'œil au sceau qui frappait la lettre, les sentinelles leur firent signe d'avancer.
Sileas eut l'impression de ne pas pouvoir respirer en traversant la barbacane, oppressée qu'elle était par les tonnes de pierre qui la surplombaient et la flanquaient de chaque côté. Une fois dans le château, elle aperçut une nouvelle série de tours rondes orientées vers l'intérieur. Le sentiment d'écrasement s'évanouit lorsqu'ils débouchèrent dans la lumière, de l'autre côté.
— C'est là que j'ai attendu, déclara Niall. Ils appellent ça l'enceinte extérieure.
Sileas eut le souffle coupé. Devant eux se dressait un bâtiment de pierre rose étincelante, aussi immense que gracieux avec ses hautes fenêtres et ses tours effilées, visiblement plus décoratives que défensives. Des silhouettes sculptées, tantôt de lions couronnés, tantôt d'une créature mythique dotée de cornes que la jeune femme ne reconnut pas, jalonnaient le faîte de son toit pentu.
jalonnaient le faîte de son toit pentu.
Un garde, qui les avait accompagnés, désigna une porte cintrée sur le côté du bâtiment.
— Passez par là.
Sileas et Niall lui obéirent et débouchèrent dans la cour intérieure du château, laissant le bâtiment aux tours décoratives sur leur droite. Une autre bâtisse imposante, constituée de la même pierre scintillante, lui faisait face. Le fond de la cour était délimité par une construction plus modeste décorée de vitraux ; sans doute une chapelle. Serviteurs, soldats et courtisans élégamment vêtus traversaient la cour d'un pas rapide, visiblement pressés de rejoindre leur destination.
— A ton avis, dans quel bâtiment se trouve la reine ? demanda-t-elle à Niall dans un murmure.
Il haussa les épaules en indiquant les tours décoratives.
— Celui-là est le plus grand.
Lorsqu'ils s'approchèrent des gardes, ceux-ci examinèrent Sileas de la tête aux pieds, comme si elle dissimulait un dirk sous ses jupons — ce qui, bien entendu, était le cas. Elle fut néanmoins ravie de constater qu'ils venaient des Highlands.
— Nous cherchons la reine, leur annonça Niall.
— Vous êtes ici devant la grande salle de cérémonie. Elle n'est utilisée que pour les occasions les plus rares. (Âgé d'une quarantaine d'années, le garde qui leur répondit avait des troncs d'arbres garde qui leur répondit avait des troncs d'arbres musculeux en guise de jambes et des yeux rieurs.) Mais, puisque la jeune femme a un si charmant sourire, je veux bien vous laisser jeter un coup d'œil.
Après avoir regardé à droite puis à gauche, il entrouvrit la porte et leur fît signe d'entrer.
Ils pénétrèrent dans une pièce haute d'au moins trois étages, ornée de cinq cheminées et d'un plafond barré par de lourdes poutres de bois qui s'entrecroisaient pour former des voûtes arquées.
— C'est ici qu'a été couronné Jacques V il n'y a pas si longtemps, les informa le garde. C'est la plus grande salle de cérémonie de toute l'Ecosse ; elle est plus vaste encore que celle du château d'Edimbourg.
Il semblait aussi fier que s'il avait bâti lui-même l'édifice.
— C'est une vision magnifique, et je vous remercie de nous avoir permis de la contempler, déclara Sileas. Mais nous sommes attendus par la reine. Pouvez-vous nous indiquer où la trouver ?
Le garde ouvrit de nouveau la porte et pointa un doigt droit devant lui.
— Elle tient audience de l'autre côté, dans ce que nous appelons la maison royale.
Tandis que Sileas emboîtait le pas de Niall, le garde l'intercepta en lui touchant le bras.
— Laissez-moi vous donner un petit conseil, ma chère, lui glissa-t-il, si proche qu'elle sentit l'odeur d'oignon de son haleine. N'entrez pas là-dedans avec d'oignon de son haleine. N'entrez pas là-dedans avec ce seul jeune homme. Attendez et revenez avec votre père et d'autres membres de votre clan.
— C'est mon frère, il me protégera, répondit-elle en s'efforçant de sourire.
La maison royale était une structure imposante, mais qui n'avait pas l'élégance gracile de la grande salle de cérémonie. Des hommes et des femmes vêtus avec goût arpentaient ses galeries couvertes, tout en bois, et qui faisaient office de couloirs extérieurs permettant d'accéder aux étages supérieurs.
— Nous devons rester vigilants, lui glissa Niall à l'oreille tandis qu'ils traversaient la cour. Si la reine ressemble un tant soit peu à son maudit frangin, elle sera retorse et obstinée.
— Voilà qui correspond à la plupart des hommes que je connais, répliqua Sileas. J'ai donc de l'entraînement.
— Méfie-toi également du comte d'Angus, Archibald Douglas.
— Le chef du clan Douglas ? s'étonna-t-elle. En quoi nous intéresse-t-il ?
— Hier soir, pendant que tu prenais ton bain, j'ai entendu dire que la reine s'appuyait beaucoup sur ses conseils. (Niall se pencha vers elle.) En fait, la rumeur veut même qu'elle ait attitré le comte dans son lit.
Sileas se tourna pour lui adresser un regard outré.
outré.
— Mais le roi est à peine enterré.
— Tout juste, sans compter qu'elle porte son enfant, ajouta le jeune homme à voix basse. Mais, malgré tout, on dit qu'elle en pince plus qu'un peu pour Douglas — et que lui n'est pas insensible à l'idée de régner sur l'Ecosse.
Arrivés à l'entrée de la maison royale, ils tombèrent sur un nouveau groupe de gardes qui les invitèrent à entrer dans le hall et à attendre qu'on les appelle.
À peine entrée, Sileas fut contente d'avoir revêtu une robe à taille haute, plus ajustée que celles qu'elle portait tous les jours, car toutes les autres femmes en portaient de semblables. Sa toilette, cependant, était plus simple et bien plus modeste que celle des courtisanes. Et, à l'exception d'une poignée de Highlanders en chemise de lin couleur safran et kilt, la plupart des hommes observaient eux aussi la mode anglaise.
Sileas traversa le hall, attirée par la vue spectaculaire qu'offraient les fenêtres de l'autre côté.
En regardant par les vitres, elle constata que la maison royale avait été bâtie tout au bord des falaises à pic.
— On peut voir à des lieues d'ici. Ah, on dirait le Ben Lomond, là-bas ! dit Niall, le doigt tendu.
— Je crois bien que vous avez raison.
Tous deux firent volte-face pour voir d'où Tous deux firent volte-face pour voir d'où provenait cette légère voix féminine.
Si la jeune femme ne s'était pas exprimée en anglais, Sileas aurait cru avoir affaire à la reine des fées. Ses cheveux, rappelant le clair de lune, scintillaient en encadrant un visage magnifique aux traits délicats. Une robe rose chatoyant d'un éclat argenté flottait autour d'elle, sauf à l'endroit du corsage étroit à col droit qui révélait le sommet de deux petits seins au galbe parfait.
Qu'elle soit une fée ou non, Niall la scrutait bouche bée, comme victime d'un envoûtement.
— Vous êtes nouveaux à la cour, ou je vous aurais reconnu, dit-elle à Niall avec un sourire radieux.
Soit le jeune homme était en proie à un véritable enchantement, soit son anglais lui faisait défaut.
Bien que Sileas maîtrise encore moins cette langue que lui, elle parvint malgré tout à répondre :
— Nous venons d'arriver.
— Ah, vous venez des Highlands. (Elle laissa son regard dériver de nouveau vers Niall.) Pour être franche, j'avais deviné à votre taille et à votre beauté sauvage que vous en étiez originaire.
Niall sembla enfler tel un crapaud sous le coup de cette flatterie éhontée.
— Bienvenue à Stirling, reprit-elle. Je suis lady Philippa Boynton.
Philippa. Ce nom se planta comme une lame dans le cœur de Sileas. C'était celui de la jeune dans le cœur de Sileas. C'était celui de la jeune femme qu'Ian avait évoquée la nuit fatidique où ils avaient dormi dans la forêt.
— Etes-vous à Stirling depuis longtemps, vous-même ? s'enquit Sileas, se demandant si le sort s'acharnerait vraiment sur elle jusqu'à lui faire rencontrer la femme qu'Ian souhaitait épouser.
— Non, pas cette fois-ci, répondit la jeune femme en portant son regard étincelant sur Sileas. Ces derniers temps, je reste surtout à Londres, mais je suis venue à Stirling à de nombreuses reprises.
— Étiez-vous au château il y a cinq ans ?
poursuivit Sileas, la gorge serrée.
Son interlocutrice laissa échapper un petit rire cristallin.
— Ma foi, oui, je crois bien. J'y suis même restée plusieurs mois, à cette époque. Comment l'avez-vous deviné ?
Ah, c'était bien elle, la femme qu'Ian désirait épouser !
Le
souvenir
de
cette
nuit
lui
revint
douloureusement en mémoire : le sol dur sous son dos, le froid qui régnait dans l'air et le ciel nocturne qui les surplombait. Mais, par-dessus tout, elle se rappelait le ton rêveur d'Ian lorsqu'il avait parlé d'une femme au rire merveilleux, à la grâce féerique et d'une beauté capable de convaincre un jeune homme qu'il était prêt pour le mariage.
Ian avait oublié de préciser que Philippa était Ian avait oublié de préciser que Philippa était anglaise. Pour qu'il décide d'annoncer à son père et à son chef de clan qu'il souhaitait prendre une Anglaise pour femme, il devait vraiment la désirer plus que tout.
La fée dévisageait Sileas, comme dans l'attente d'une réponse. Mais Sileas ne se souvenant d'aucune question se contenta donc de secouer la tête, laissant croire à la lady qu'elle n'avait pas compris ses mots.
Sileas fut soulagée qu'un jeune homme en livrée vienne les interrompre.
— Son Altesse la reine va vous recevoir, déclarat-il à Sileas en s'inclinant légèrement devant elle. Je vais vous escorter jusqu'à son salon privé.
Sileas salua Philippa, puis elle prit le bras de Niall. Tandis qu'ils suivaient le serviteur à travers le hall, Niall regarda lady Philippa par-dessus son épaule.
Le valet les entraîna vers une porte voûtée puis s'immobilisa au pied d'un escalier circulaire.
— Seule la jeune femme est conviée.
— Elle ne va nulle part sans moi, répliqua Niall.
— L'audience se tient dans les appartements privés de la reine, insista le valet. L'intimité de la reine et de ses suivantes doit être respectée.
Sileas attira Niall sur le côté.
— Il n'y aura que des femmes dans les appartements de la reine, tu n'as aucune raison de t'inquiéter.
t'inquiéter.
Niall ne sembla pas se satisfaire de son explication, mais il ne protesta pas lorsqu'elle rassembla ses jupes pour suivre le valet dans l'escalier.
Peu de temps après, Sileas fut invitée à entrer dans la chambre de la reine. De jeunes femmes se prélassaient sur des sofas ou sur des coussins de soie et de brocart à même le sol. La reine, quant à elle, était assise sur un fauteuil à haut dossier, et ses pieds, étonnamment menus, reposaient sur un tabouret devant elle. Elle tenait sur ses genoux un chien qui ressemblait à un rat. C'était une femme potelée, aux yeux globuleux, qui rappelaient ceux de son animal. De grosses bagues scintillaient à chacun de ses doigts boudinés.
Debout à côté d'elle, une main posée sur le dossier du fauteuil, se tenait un bel homme ténébreux qui avait environ le même âge qu'Ian, une barbe finement taillée et un regard implacable.
D'après ses vêtements raffinés et son port altier, Sileas déduisit qu'il devait s'agir du comte d'Angus, Archibald Douglas. Elle avait appris la mort de son père lors de la bataille de Flodden, qui l'avait propulsé chef de son clan.
Sileas avait la gorge sèche lorsqu'elle s'avança pour faire sa révérence à la reine, espérant ne commettre aucun impair.
— Vous êtes Sileas MacDonald, de l'île de Skye,
— Vous êtes Sileas MacDonald, de l'île de Skye, n'est-ce pas ? demanda la reine en anglais.
La jeune femme n'avait pas envisagé que la reine ne parle pas un mot de gaélique. Son mari, bien que né dans les Lowlands, avait gagné la confiance des habitants des Highlands en apprenant leur langue. Il était également grand amateur de leur musique.
— Peut-être ne comprend-elle pas l'anglais, avança l'homme que Sileas pensait être Archibald Douglas.
— Je le parle un peu, indiqua Sileas dans cette langue.
La reine laissa échapper un soupir impatient.
Sileas prit une profonde inspiration pour reprendre son calme avant de se lancer.
— Votre Altesse, j'ai fait un long voyage pour venir vous demander de m'aider à obtenir l'annulation de mon mariage par l'Église.
Le visage de la souveraine sembla se froisser, comme si elle avait sous les yeux une déjection abandonnée par son chien. Archibald Douglas scruta Sileas de la tête aux pieds, comme s'il la déshabillait du regard. Quel effroyable couple ils formaient tous les deux ! Comme le disait le proverbe : « Une chèvre habillée de soie n'en reste pas moins une chèvre. »
— Je présume que vous voulez épouser un autre homme ? (La reine se tourna vers ses suivantes.) C'est la raison la plus fréquente.
C'est la raison la plus fréquente.
Sileas sentit le rouge lui monter aux joues.
— Non, Votre Altesse.
— En quoi est-ce si urgent, alors ? s'indigna la reine en haussant ses sourcils épilés. Vous portez l'enfant d'un autre homme ?
Cette fois-ci, Sileas avait le visage en feu et elle secoua la tête de droite à gauche avec vigueur.
Douglas intervint alors en gaélique :
— Vous êtes vierge, dans ce cas ?
— C'est une question bien cavalière, monsieur, répondit- elle dans la même langue, en le regardant droit dans les yeux.
Le Douglas se tourna vers la reine qu'il gratifia d'un sourire ravageur.
— Je n'ignore pas combien il vous est pénible de parler avec quelqu'un qui maîtrise si peu l'anglais.
Ses mots plongèrent Sileas dans une colère telle qu'elle eut envie de cracher. Son anglais n'était pas si catastrophique.
— La nervosité de cette jeune femme, qui s'adresse pour la première fois à une personne de la famille royale, n'arrange rien. (Il s'adressait à la reine avec une voix douce et onctueuse comme du miel.) Voulez-vous que je règle ce problème à votre place ?
La reine foudroya Sileas d'un regard assassin, qu'elle détourna lorsque Douglas lui glissa quelque chose à l'oreille qui la fît rosir jusqu'au cou. Une chose à l'oreille qui la fît rosir jusqu'au cou. Une seconde plus tard, il se dirigea vers la porte qui donnait sur la galerie et lui adressa un geste de la main, lui indiquant de le suivre.
L'appréhension envahit Sileas jusqu'à la faire frissonner tandis qu'elle lui emboîtait le pas, mais elle n'avait pas plus envie de rester en compagnie de celle-ci. Une fois dans la galerie et hors de vue de la reine, il lui saisit le bras avec fermeté et l'attira contre lui, amplifiant d'autant son sentiment de malaise. Elle s'efforça de ne pas oublier qu'elle se trouvait dans un palais, entourée de gardes et de soldats. Elle n'avait rien à craindre.
Après lui avoir fait franchir trois portes, il en ouvrit une quatrième qui donnait sur un petit salon privé. Sileas fut soulagée d'y découvrir deux valets, qui se redressèrent d'un bond avant de s'incliner en les voyant entrer. Sur sa droite, elle aperçut un vaste lit de bois sombre rehaussé d'un baldaquin d'où tombaient d'épais rideaux pourpres. Son cœur s'emballa sous le coup de l'appréhension.
— Laissez-nous, ordonna Archibald Douglas.
Les valets disparurent par une issue dérobée.
Tandis qu'ils la refermaient derrière eux, Sileas porta une main à sa cuisse pour s'assurer que son dirk s'y trouvait toujours. Elle se maudit de ne pas avoir trouvé un endroit plus accessible pour le dissimuler. Elle avait pourtant cherché, mais sa robe n'offrait aucune cachette valable, sans parler de ses n'offrait aucune cachette valable, sans parler de ses délicats souliers.
Le chef du clan Douglas préleva une carafe d'argent ciselé sur une desserte et se servit un verre de vin, qu'il porta à ses lèvres.
— Nous avons à parler, tous les deux, ma chère, déclara- t-il en lui tendant ensuite la coupe. Votre lettre à la reine indique que vous êtes l'héritière de Knock Castle.
Elle décida de tenir sa langue tant qu'elle ne savait pas où il voulait en venir.
— Je le savais, bien évidemment, mais j'avais cru comprendre que vous aviez épousé un MacDonald, ce qui, de fait, classait l'affaire.
La surprise dut s'inscrire sur ses traits, car il précisa :
— C'est mon travail que de savoir ce genre de choses.
Elle n'aimait guère que cet homme en sache tant à son sujet. Puisqu'il avait bu à la coupe, elle déduisit que le vin n'était pas empoisonné et en avala une gorgée. Le liquide ne fit rien pour apaiser la sécheresse de sa gorge.
— La reine va prochainement me nommer protecteur des Hébrides extérieures, ce qui inclut Skye, bien entendu. Ce qui signifie, ma chère, qu'il est bon de me compter parmi ses relations, ajouta-t-il d'une voix suave en se penchant vers elle. Et plus notre relation sera étroite, mieux vous vous en notre relation sera étroite, mieux vous vous en porterez.
Son cœur battait à présent la chamade. Malgré son inexpérience, elle n'avait aucun doute quant au marché qu'il lui proposait.
Il lui ôta la coupe des mains et la reposa sur la desserte.
— Je suppose que vous avez dû souffrir, tiraillée entre les MacDonald et les MacKinnon qui tous rêvent de vous voir rallier leur giron, en leur apportant
votre
château,
reprit-il.
Il
est
vraisemblable que les MacLeod tentent eux aussi quelque chose.
Lorsqu'il fit un pas en avant, elle battit en retraite.
— Je suis un homme puissant, poursuivit-il en posant la main sur le bras de Sileas. Je pourrais vous protéger des MacDonald, des MacKinnon et des autres.
Elle recula encore, jusqu'à ce que ses talons butent contre le mur. Il était à présent si proche qu'elle percevait son haleine avinée et l'odeur musquée de sa peau, qu'il dissimulait sous son parfum.
— Vous êtes une très jolie jeune femme. (Il fit courir un doigt le long de sa joue.) Courageuse, qui plus est, d'avoir entrepris un si long trajet sans prévenir personne d'autre que le gamin qui vous attend dans le hall.
attend dans le hall.
S'il avait eu pour but de lui faire comprendre combien elle était seule et loin de la protection des membres de son clan, il avait réussi.
Elle refoula sa peur et essaya de garder les idées claires.
— Je ne pense pas que la reine apprécierait d'apprendre que vous m'avez touchée.
— Non, vous avez raison, reconnut-il avec un sourire immaculé. C'est pourquoi je veillerai à ce qu'elle ne le sache jamais. Rien ne saurait être plus simple.
Elle passa la langue sur ses lèvres sèches.
— Il est grand temps que je parte.
— Allons, ma chère, je mérite bien une compensation pour partager la couche de cette truie de Tudor. (Il lui prit le visage entre les mains et fit courir son pouce sur sa lèvre inférieure.) Vous n'avez pas à vous inquiéter. Si vous tombez enceinte, je vous promets de reconnaître l'enfant.
La crudité avec laquelle il faisait état de ses intentions la laissa bouche bée.
— Vous n'êtes qu'un salaud, un calculateur, lui siffla- t-elle à la face. Vous ne cherchez qu'à mettre la main sur Knock Castle, vous ne valez pas mieux que tous les autres.
— Je vous rassure, ma chère, répondit-il en la saisissant par les épaules pour la plaquer contre le mur. Knock Castle n'est pas la seule chose que je mur. Knock Castle n'est pas la seule chose que je désire de vous.
Si elle avait pu dégainer son dirk, elle l'aurait étripé sur-le-champ. Mais elle avait beau se débattre, il ne relâchait pas son emprise.
— Vous êtes une beauté, reprit-il d'une voix rauque en approchant sa bouche de celle de Sileas.
Et j'ai toujours eu un faible pour les vierges.
Chapitre 24
Ian était tendu comme un arc, lorsqu'il pénétra dans Stirling. Il s'était attendu à rattraper Niall et Sileas en chemin, mais les deux fuyards avaient fait vite, maudits soient-ils. Après plusieurs jours de trajet et d'inquiétude, il avait l'impression d'être une peau de bête qu'on aurait étirée sur un cadre pour la battre.
— Jetons un coup d'œil dans toutes les auberges et tavernes, proposa Connor. Ils seront forcément dans l'une d'elles.
Si tant est qu'ils aient atteint la ville. Une douleur lancinante vrillait le crâne d'Ian chaque fois qu'il pensait aux dangers qui rôdaient.
— Je vais les chercher au château, déclara-t-il.
— S'ils ne s'y sont pas encore rendus, nous pourrons régler toute cette affaire sans faire de vagues, argumenta Connor.
La peur vibrait en Ian.
— Je me fous de devenir la risée de toute l'Ecosse. Je dois la retrouver rapidement, avant qu'il lui arrive malheur.
Si toutefois elle avait été épargnée jusque-là.
Si toutefois elle avait été épargnée jusque-là.
— Ils ne peuvent pas nous avoir devancés de plus d'une demi-journée, estima Alex. Sileas n'a pas pu
se
présenter
au
palais
et
bénéficier
immédiatement d'une audience devant la reine. Il est plus vraisemblable qu'on la fasse attendre un jour ou deux. Et encore, il n'est pas dit qu'on lui permette de voir la reine.
Ian accepta, à contrecœur, de commencer leurs recherches en ville. Après avoir laissé leurs montures dans l'écurie de la première auberge qu'ils trouvèrent, ils entrèrent dans la salle commune où le sort, pour une fois, leur sourit.
— Il y a une chambre de libre à l'étage, au fond du couloir, leur indiqua l'aubergiste tout en glissant l'argent que lui avait donné Ian dans une bourse de cuir accrochée à sa ceinture.
— Avez-vous vu deux jeunes hommes, l'un presque aussi grand que moi, accompagné d'une petite chose aux cheveux roux ? lui demanda Ian.
— Peut-être bien, répondit l'aubergiste en plissant les yeux. Qu'est-ce que vous leur voulez ?
Ian sentit son cœur s'emballer. Il avait envie de saisir l'homme par le col pour le secouer jusqu'à ce qu'il lui dise tout ce qu'il savait, mais, en même temps,
il
lui
était
reconnaissant
pour
sa
bienveillance inespérée à l'égard du couple rebelle.
— Mes frères se sont disputés avec mon père et se sont enfuis, mentit Ian. Je suis venu les ramener à se sont enfuis, mentit Ian. Je suis venu les ramener à la maison.
— C'est une bonne chose que vous soyez venu, déclara l'aubergiste en servant un verre de bière à un autre client. Le grand a l'air de pouvoir se tirer d'une bagarre, mais il y a légion d'autres dangers dans Stirling, si vous voyez ce que je veux dire.
Ian voyait. Dieu soit loué, il les avait retrouvés !
— Dans quelle chambre sont-ils ? demanda-t-il tout en se dirigeant vers l'escalier.
— Le plus jeune est peut-être encore là-haut, mais le grand est parti il y a un petit moment.
(L'aubergiste ricana puis secoua la tête.) Détail amusant, il s'est trouvé une jolie fille et a raconté qu'ils allaient rendre visite à la reine.
Dans la rue, les gens s'écartaient devant Ian, qui fonçait vers le château à toutes enjambées. Connor, derrière lui, ne le perdait pas d'une semelle, et les deux autres les suivaient un peu en retrait.
— Contrôle tes nerfs, lui intima Connor tandis qu'ils approchaient de la barbacane. Si tu dégaines ta lame, tu auras vingt gardes sur le dos avant même d'avoir pu prononcer son nom.
Ils déclarèrent aux préposés à la sécurité qu'ils étaient à la recherche d'une jeune femme, membre de leur clan.
— Elle était avec un grand type de quinze ans.
— Elle était avec un grand type de quinze ans.
Elle a une chevelure rousse éclatante et mesure à peu près cette taille-ci, expliqua Ian en plaçant une main au niveau de son menton.
— Difficile de l'oublier, celle-là, hein ? répondit l'un des gardes. Ah, elle était vraiment mignonne !
Ian prit une profonde inspiration pour éviter de lui envoyer son poing en plein visage.
— Si c'était ma femme, vous pouvez être sûrs que je la garderais à la maison, renchérit un autre.
Ian serrait les dents, tandis que Connor et Alex s'attelaient à convaincre les gardes de les laisser entrer. Dès qu'ils furent passés, ils se ruèrent vers la maison royale. Une fois le point de contrôle suivant franchi, Ian aperçut son frère.
Niall écarquilla les yeux en voyant les quatre compères traverser le hall dans sa direction.
— Où est-elle ? aboya Ian en l'agrippant par le devant de sa chemise. Parle !
— Un valet l'a emmenée dans le salon privé de la reine, expliqua Niall, le regard inquiet. Il a dit qu'aucun homme n'était autorisé à y pénétrer.
Ian savait d'expérience que c'était faux. Les suivantes de la reine y faisaient sans cesse entrer leurs amants.
— Ça ne m'a pas plu, mais puisqu'il n'y a que des femmes, Sileas ne devrait courir aucun danger, poursuivit Niall d'un ton pourtant interrogatif. Ça fait tout de même un long moment qu'elle est partie.
fait tout de même un long moment qu'elle est partie.
Ian se tourna vers ses camarades.
— Vous pouvez occuper les gardes quelques instants ?
— Attends, je pense qu'il y a plus simple, l'interrompit Alex en regardant de l'autre côté de la salle. Il me semble voir la jeune Anglaise qui en pinçait pour toi.
Ian suivit la direction qu'indiquait Alex pour découvrir une femme à la silhouette gracieuse et au visage délicat, encadré de mèches d'un blond cristallin.
— Tu veux parler de lady Philippa ? s'enquit Niall d'une voix rêveuse.
Il s'agissait en effet de Philippa, la jeune femme qu'Ian avait, durant un temps, prévu d'épouser. Ça lui semblait dater d'une vie antérieure.
— Je parie que Philippa peut te faire entrer dans le salon de la reine en un clin d'œil, si elle s'en donne la peine, avança Alex en poussant son cousin dans le dos. Alors, fais un effort pour te montrer charmant.
Philippa tourna la tête et battit des paupières en voyant Ian la rejoindre. Après avoir glissé un mot à l'oreille de l'homme qui lui tenait compagnie, elle traversa à son tour la salle d'un pas aérien pour venir à sa rencontre, un sourire radieux aux lèvres.
— Tu es plus beau que jamais, Ian MacDonald, déclara- t-elle en lui tendant une main gantée.
Combien de cœurs as-tu brisés depuis la dernière fois Combien de cœurs as-tu brisés depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ?
— J'aimerais te parler en privé, répondit-il en l'entraînant par le coude.
Elle le regarda du coin de l'œil sans se départir de son sourire, tandis qu'il la guidait vers une alcôve plongée dans l'ombre.
— Bon sang, toutes les femmes vont jaser ! Elles seront vertes de jalousie.
Ian contint son impatience.
— Je ne t'ai jamais présenté mes excuses pour ne pas être revenu te chercher. (Il lui devait bien ça ; et il lui semblait avisé de faire amende honorable avant de demander une faveur.) J'avais l'intention de revenir t'épouser, mais... c'était impossible.
— Juste ciel, Ian, je n'aurais jamais pu accepter !
s'exclama- t-elle en partant de son petit rire cristallin qu'il trouvait alors si envoûtant. J'étais l'une des maîtresses du roi Jacques, à l'époque.
Cette révélation stupéfia Ian. Il l'avait crue innocente — et amoureuse de lui.
Elle lui offrit un sourire aigre-doux.
— J'obéissais alors aux volontés de ma famille.
C'était pour cette raison que j'avais été envoyée à la cour.
— Je suis désolé que les tiens t'aient infligé un si piètre sort. Ils ont eu tort.
— Ah, Ian ! soupira-t-elle. Tu es vraiment galant. J'ai toujours aimé ça chez toi.
galant. J'ai toujours aimé ça chez toi.
— Puisque tu es de nouveau à la cour, j'en déduis que la reine n'a jamais appris quel rôle tu jouais auprès du roi, dit Ian, qui espérait qu'elle figurait dans les petits papiers de la reine afin d'obtenir son aide. J'ai entendu dire qu'elle avait la rancune tenace ; tu prends un grand risque à resurgir dans les parages.
— Cette fois-ci, c'est mon mari qui m'envoie. (Elle se pencha vers Ian.) Il dit qu'Archibald Douglas, le comte d'Angus, détiendra bientôt le pouvoir de la couronne. C'est pourquoi il veut que je l'attire dans mon lit.
Ian se raidit.
— Ton mari t'a demandé de faire une chose pareille ?
— Comme si le fait de coucher avec lui pouvait nous valoir ses faveurs ! Archibald Douglas n'est pas du genre à penser avec son sexe, ni même avec son cœur, hélas. (Elle posa une main sur le torse de Ian.)
— Ah, quel dommage que tu sois tombée sur un mari si médiocre.
Elle haussa l'une de ses graciles épaules.
— Nous partageons le même point de vue sur presque tout. (Ian resta sans réponse.) En outre, je peux parfaitement jouer jeu égal avec Douglas, ajouta-t-elle. Pas comme la pauvre vierge qu'il tient entre ses griffes en ce moment. Cette fille est d'une innocence telle qu'elle n'a aucune chance face à un innocence telle qu'elle n'a aucune chance face à un type comme lui.
Un frisson parcourut l'échiné d'Ian.
— Parle-moi de cette fille.
— Apparemment, elle est l'héritière d'un château sur lequel Douglas veut mettre la main. Ce matin, je l'ai entendu convaincre la reine d'aider la fille à annuler son mariage — et de lui faire épouser un de ses cousins. (Elle soupira.) Je crois l'avoir croisée, et j'ai bien peur qu'une fois que le comte d'Angus aura vu combien elle est belle, son cousin perde la primeur de ses faveurs.
Ian lui agrippa le bras.
— Philippa, il faut absolument que j'aille la trouver.
La jeune femme écarquilla les yeux en plaquant une main sur sa poitrine.
— Ne me dis pas... Non, Ian, ce n'est quand même pas toi, le mari dont elle souhaitait se débarrasser, si ?
— Si, c'est moi, grogna-t-il. Et je suis venu la ramener à la maison. Peux-tu me faire entrer dans les appartements de la reine ?
Elle baissa la tête.
— Je ne suis pas du genre à m'effaroucher pour un rien, mais je dois bien admettre qu'Archibald Douglas m'effraie un peu.
— Je te promets que je n'avouerai jamais qui m'a permis d'entrer, s'engagea Ian en se penchant vers elle.
elle.
— Je suppose que tu dis vrai, même sous la torture, reconnut-elle avec un sourire timide. Viens, nous devons faire vite, annonça-t-elle en lui offrant son bras.
Philippa s'engagea dans l'escalier de service, dissimulé derrière un tableau. Arrivée sur la dernière marche, elle se tourna vers Ian.
— J'espère que tu ne lui en voudras pas si... (Elle s'interrompit et se mordit la lèvre.) ... si tu arrives trop tard.
De la sueur perla sur le front du jeune homme.
— Indique-moi le chemin à suivre.
— La reine a mis à la disposition de Douglas tout un appartement pour son usage personnel, par là, expliqua-t-elle en désignant une porte tout au bout du couloir de service. Sois prudent, Ian, ajouta-t-elle avant de lui déposer un baiser sur la joue. Il y aura des gardes derrière la porte, et, à ce qu'on dit, Douglas est plutôt agile avec une épée.
Chapitre 25
Sileas regrettait amèrement d'avoir quitté Skye.
— Si cela ne vous fait rien, laird Douglas..., commença- t-elle en tentant de s'éloigner de lui, mais elle n'avait nulle part où reculer. Je vais retirer ma demande d'aide auprès de la reine et rentrer chez moi.
— Foutaise ! (Il saisit une boucle qui courait le long de son visage, tira dessus, puis la lâcha avec un sourire.) Dites-moi, ma chère, êtes-vous aussi indomptable que vos cheveux ?
Elle n'aima pas la façon dont son regard s'assombrit lorsqu'il posa cette question.
— Je suis une femme des plus convenables.
S'il y avait un temps pour déformer la vérité, celui-ci était venu.
— À en juger par votre décision brutale de traverser la moitié de l'Ecosse avec un freluquet pour seule escorte, je dirais que vous êtes plutôt du genre sauvage.
Sileas retint son souffle pour éviter que sa poitrine ne touche le torse de Douglas, qui avait encore avancé. Une sueur froide ruissela dans son encore avancé. Une sueur froide ruissela dans son dos tandis qu'elle estimait ses chances d'atteindre le dirk attaché contre sa cuisse, avant qu'il l'en empêche. Dans tous les cas, soulever sa robe maintenant serait la pire manœuvre possible.
— Vous apprendrez qu'il y a de nombreux avantages à être ma maîtresse, dit Douglas en glissant un genou entre ses jambes.
— Je ne doute pas que certaines apprécieraient cette offre, mais rien de tout cela ne m'intéresse.
Elle répugnait à le toucher mais, lorsqu'il fut évident qu'il ne bougerait pas de son propre chef, elle posa une main sur son torse et le repoussa. Il ne sembla rien remarquer.
— Vous changerez rapidement d'avis, répondit-il, si près qu'elle sentait son souffle sur son visage. Je sais satisfaire une femme.
Son cœur s'emballa quand elle vit Douglas se pencher vers elle. Elle ferma les yeux de toutes ses forces et se réfugia dans la prière qui avait accompagné toute son enfance.
Par pitié, Dieu, envoyez Ian.
— Ça fait bien longtemps que je n'ai pas connu de vierge, poursuivit-il d'une voix grave, rauque. Je meurs d'impatience de vous enseigner tout ce que je sais.
Elle tressaillit lorsque la moustache de Douglas lui effleura la lèvre.
— C'est ma femme que vous importunez,
— C'est ma femme que vous importunez, Douglas.
Par un incroyable miracle, la voix d'Ian résonna dans toute la pièce. L'espoir s'empara de Sileas. Avec lenteur, elle ouvrit les yeux, craignant d'avoir été victime de son imagination.
Elle cessa de respirer en apercevant, par-dessus l'épaule de Douglas, la réponse à sa supplique dans l'embrasure de la porte. Sa claymore à la main et un air meurtrier sur le visage, Ian était magnifique, et plus menaçant qu'elle ne l'avait jamais vu.
— Si vous vous écartez d'elle sur-le-champ, je présumerai que vous ne saviez pas qu'elle était ma femme, et je vous laisserai la vie sauve, proposa Ian.
Archibald Douglas la dévisagea, les sourcils arqués. Durant quelques instants, Sileas se demanda si Ian était conscient qu'il menaçait le comte d'Angus, l'un des hommes les plus puissants de toute l'Ecosse, et qui entretenait de plus une amitié
« spéciale » avec la reine. Mais, bien entendu, il était au courant.
Douglas fit alors volte-face, entraînant la jeune femme avec lui. Il la tenait plaquée contre son corps d'une main, tandis que l'autre reposait sur le pommeau de son épée.
— Est-ce là le mari dont vous souhaitiez vous débarrasser ? demanda Douglas, un étrange sourire aux lèvres. Celui qui vous a laissé votre virginité ?
— Ne vous méprenez pas, cette femme est
— Ne vous méprenez pas, cette femme est toujours mon épouse, et elle le restera tant que je serai en vie.
Tant qu'il sera en vie. Malgré sa situation précaire, Sileas fut transportée par les propos d'Ian.
— Ainsi, vous êtes Ian MacDonald, des MacDonald de Sleat, constata Douglas en plissant les yeux. Dites-moi, êtes-vous aussi bon combattant qu'on le prétend ?
— Encore meilleur, répliqua Ian. Je vous demande maintenant, très poliment, de vous éloigner de ma femme. La prochaine fois, je ne serai pas aussi courtois.
Sileas sursauta lorsque Douglas rejeta la tête en arrière et éclata de rire.
— J'aime beaucoup que le courage d'un homme frise à ce point l'inconscience, déclara-t-il. J'aurai besoin de guerriers dans votre genre quand je débarquerai sur les îles pour y faire taire la rébellion naissante.
— Vous ne verrez pas le soleil se lever de nouveau si vous ne relâchez pas ma femme tout de suite. Ma patience a ses limites.
— Je ferai appel à vous le moment venu.
(Douglas poussa Sileas vers Ian.) Reprenez votre femme, Ian MacDonald de Skye.
Ian saisit fermement le poignet de la jeune femme qu'il attira derrière lui.
— Mais, pour l'amour de Dieu, ne la laissez pas
— Mais, pour l'amour de Dieu, ne la laissez pas vierge une nuit de plus.
Chapitre 26
Ian entraîna Sileas, sous le regard moqueur des courtisans qui emplissaient le hall. Il lui déboîtait pratiquement l'épaule, mais elle s'en fichait. Elle était si soulagée qu'il soit venu la chercher qu'elle avait envie de pleurer, même si seule la fierté d'Ian l'avait poussé à agir.
Sans ralentir sa cadence, Ian adressa un signe à quelqu'un. Sileas eut à peine le temps de jeter un coup d'œil derrière elle, mais elle aperçut sans difficulté les quatre grands Highlanders encerclés d'une grappe de courtisanes.
Une pointe de culpabilité la traversa lorsqu'elle se rendit compte que Connor, Duncan et Alex avaient fait tout le trajet jusqu'à Stirling uniquement pour elle, alors qu'on avait besoin d'eux sur l'île. Tous trois virent clairement le couple, pourtant aucun ne sembla décidé à leur emboîter le pas. Seul Niall s'élança à leur suite.
— Dieu soit loué ! Tu vas bien...
Niall se figea en voyant son frère faire volte-face.
Ian se trouvait dans un état de rage que Sileas ne lui avait jamais connu.
— C'est passé à deux doigts, déclara-t-il, la
— C'est passé à deux doigts, déclara-t-il, la mâchoire crispée. Ce satané Douglas avait les mains sur elle.
Niall tourna vers elle un œil hagard.
— J'aurais dû t'accompagner.
— Ce que tu aurais dû faire, aboya Ian, c'est de ne jamais l'amener à Stirling.
Même Niall comprit qu'il était préférable de garder le silence. Une fois dehors, Ian se dirigea vers la porte voûtée qui flanquait la chapelle. Ils la franchirent puis empruntèrent une volée de marches escarpées creusées à même la colline. Sileas manqua de trébucher tandis qu'elle le suivait vers un immense espace herbeux bordé par le mur d'enceinte.
Sans un regard derrière lui, Ian s'engagea dans l'herbe d'un pas toujours aussi décidé. Soulevant sa robe de sa main libre, Sileas trottinait pour ne pas perdre le rythme jusqu'à ce qu'ils atteignent le rempart. Elle se dit alors qu'il allait s'arrêter, mais il s'engagea dans l'escalier aménagé à flanc de paroi sans lui lâcher la main.
Lorsqu'il s'immobilisa enfin au sommet pour se tourner vers elle, elle était à bout de souffle.
— Nom de Dieu, mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? s'écria-t-il. Tu sais qui est ce Douglas ?
Elle n'aperçut aucun garde en faction sur cette partie du rempart qui surplombait directement l'à-
pic de la falaise. Ian l'avait apparemment amenée pic de la falaise. Ian l'avait apparemment amenée jusque-là pour pouvoir lui hurler dessus sans que personne l'entende ou l'interrompe.
— Cet homme aurait pu abuser de toi et abandonner ton cadavre dans une rue sans que quiconque n'en sache rien ! cria Ian tout en arpentant le chemin de ronde. (Il s'immobilisa et contempla l'horizon.) Dieu du ciel, Sileas, et si je n'avais pas deviné où tu étais allée ? (Il se tut, la mâchoire crispée.) Et si je n'étais pas arrivé à temps ?
Le regard toujours droit devant lui, il escalada le rebord et s'assit sur le parapet, les jambes dans le vide.
Elle s'approcha de lui et contempla son profil.
— Pourquoi es-tu venu me chercher ? lui demanda-t-elle.
Il tourna vers elle un regard bleu d'une intensité telle qu'on aurait cru que l'air qui les séparait s'était mis à vibrer.
— Parce que tu es ma femme, que tu le veuilles ou non.
Elle sentit sa bouche s'assécher. Malgré ses efforts, sa voix trembla lorsqu'elle reprit la parole.
— Je vois. C'est donc ton amour-propre qui t'a poussé à venir.
— C'est vraiment ce que tu penses ? rétorqua-t-il, outré.
— Oui. (Elle se passa la langue sur les lèvres.) Et parce que tu as besoin de moi pour pouvoir prétendre parce que tu as besoin de moi pour pouvoir prétendre légitimement à Knock Castle.
— Je ne dirai pas que ma fierté n'en a pas pris un coup : ce serait mentir. Et je ne dirai pas non plus que nous n'avons pas besoin de récupérer Knock Castle, répondit-il d'un ton sec. Mais ce n'est pas pour ces raisons que je suis venu.
Elle s'arracha à la contemplation de ses chaussures tachées de boue pour croiser son regard furieux.
— Alors pour quelles raisons ?
— Je suis venu parce qu'il est de mon devoir de te protéger, déclara-t-il. Je n'ai pas le droit de te faire faux bond, pas plus à toi qu'à ma famille ou à notre clan, et je ne faillirai pas. Même si tu n'avais pas été ma femme, il aurait été de mon devoir de veiller sur toi. J'ai accepté il y a longtemps de devenir ton protecteur, un rôle que je ne renierai jamais.
Sileas comprenait le besoin qu'avait Ian de se racheter. Pour autant, elle espérait ne pas représenter seulement un devoir pour lui, un tort qu'il chercherait à redresser. Elle inspira à pleins poumons et expira lentement.
Il est difficile pour une femme de demander à un homme de prononcer les mots qu'elle aurait aimé lui entendre dire spontanément.
— Est-ce que tu tiens un peu à moi ?
— Mais bon sang, bien sûr que je tiens à toi ! dit-il en écartant un bras. J'ai toujours tenu à toi, depuis il en écartant un bras. J'ai toujours tenu à toi, depuis que tu es toute petite, et tu le sais.
Oui, comme à un animal de compagnie. Un soupir de déception lui échappa.
— Et j'ai envie de toi. (Ses yeux s'assombrirent alors et il la transperça d'un regard brûlant.) A tel point que j'ai parfois du mal à respirer en te voyant.
Il se détourna et s'abîma de nouveau dans la contemplation des montagnes lointaines. Après quelques instants de silence, il reprit :
— Lorsque tu es partie, Sil..., plus rien ne comptait pour moi que de te retrouver.
Sans doute était-ce bon signe ? Voire une raison d'espérer ? Même s'il n'en venait jamais à l'aimer comme elle aurait rêvé qu'il le fasse, il semblait à présent bien décidé à la prendre pour épouse ; sans qu'on lui pointe un dirk menaçant dans le dos. Il ressentait de l'affection pour elle, et la désirait.
— Par tous les saints, tu m'as fichu une peur bleue à t'enfuir comme ça, reprit-il, poussé par de nouveaux accès de colère. Je ne savais pas où tu étais partie, ni si tu étais en sécurité.
— Niall a veillé sur moi, le rassura-t-elle, à présent plus calme.
— Niall sera un jour un homme sur lequel on pourra compter, mais il est encore jeune, réfuta-t-il en secouant la tête. Il n'appréhende pas le genre de danger que représentent des types tels qu'Archibald Douglas.
Douglas.
Il scruta l'horizon un long moment avant de reprendre :
— Je sais que tu as des griefs envers moi, mais je dois te dire les choses sans détour. Tu as eu tort d'apporter tes problèmes ici. C'est courir un grand risque que d'attirer l'attention de la couronne, et du clan Douglas. On ne sait jamais vraiment comment cela peut finir.
Elle s'appuya contre le parapet à côté de lui et croisa les bras pour repousser le vent violent.
— Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de vos projets de prendre Knock Castle ?
— Je ne voulais pas que cela t'inquiète. En outre, notre plan était tout récent. (Il s'exprimait certes d'un ton revêche, mais au moins il n'avait pas nié que s'emparer du château familial de Sileas faisait partie de leurs intentions.) Mais, maintenant, nous n'aurons plus le temps de lancer l'assaut avant l'élection du chef de clan lors de l'assemblée de Samhain.
— Je regrette que Connor et les autres soient venus.
— Aussi horrible que cela ait pu être de te retrouver seule avec Douglas derrière une porte fermée à clé, ç'aurait pu être pire encore. Ils savaient que je pourrais avoir besoin d'eux, et nous sommes tous loyaux les uns envers les autres.
Sileas observa les nuages qui s'amassaient Sileas observa les nuages qui s'amassaient autour des montagnes en pensant à cette notion de fidélité, et notamment à celle d'Ian.
— Je suis prête à entendre ce que tu as à me dire à propos de Dina, annonça-t-elle.
— Dina ? Que veux-tu que je te raconte ? Elle n'a rien à voir avec nous. (Sileas laissa le silence s'étirer, le temps que la colère d'Ian s'estompe.) Je voulais être propre pour toi, à l'occasion de notre nuit de noces. (Son ton prit alors des accents rêveurs.) Je prenais mon bain, et Dina est entrée dans la cuisine avec des idées derrière la tête.
— Mais, et le cristal ? demanda-t-elle. Je l'ai vu autour de son cou.
— Dina est arrivée par-derrière et me l'a ôté par surprise.
Il semblait plus embarrassé par cet aveu que lorsqu'elle l'avait trouvé nu en compagnie de Dina.
Il se laissa tomber du parapet et vint se placer devant elle.
— J'ai récupéré le cristal, dit-il en glissant une main sous sa chemise pour en tirer le cordon de cuir qui lui ceignait le cou.
Il ouvrit la bourse et recueillit le joyau dans le creux de sa paume pour lui montrer qu'il disait vrai.
— Je te jure que je ne l'ai pas touchée, reprit-il en la regardant droit dans les yeux.
Sileas referma le poing d'Ian autour de la pierre et le serra entre ses mains.
et le serra entre ses mains.
— Je te crois.
— Si tu choisis de rester avec moi, je te promets d'être fidèle. Je ferai de mon mieux pour te rendre heureuse.
Il ne lui jurait pas un amour éternel, mais cela lui suffisait. Ian tenait à elle. En tant qu'époux, il ferait passer les besoins de sa femme avant tout ; il en irait de son honneur. Il serait prêt à se sacrifier pour la protéger s'il le fallait.
— Si tu es toujours décidée à me quitter, je ne lutterai pas, déclara Ian. Mais, en ces temps troublés, il te faut un homme pour te protéger. Si tu dois choisir un autre mari, il te faut le faire sans tarder.
Ce serait injuste d'épouser un autre homme alors qu'elle ne cesserait jamais d'aimer Ian. Comment avait-elle pu se croire capable de le quitter ?
— J'ai pris ma décision il y a bien longtemps, déclara- t-elle. Pour moi, ç'a toujours été toi, Ian MacDonald.
— Parfait.
Il remit le cristal dans son étui, le glissa sous sa chemise et saisit la main de la jeune femme.
De nouveau, Sileas dut courir pour suivre ses grandes enjambées. Il la tint fermement et accéléra encore à travers le château, puis la ville, comme si une meute de loups les talonnait.
— Où allons-nous ? demanda-t-elle.
— Je n'aime pas ce Douglas, répondit Ian sans ralentir. Mais je suis bien disposé à suivre son conseil ralentir. Mais je suis bien disposé à suivre son conseil au plus vite.
Sileas déglutit au souvenir des mots du comte :
« Pour l'amour de Dieu, ne la laissez pas vierge une nuit de plus. »
Chapitre 27
Sileas aperçut Niall assis à une table, dans l'auberge sombre et bruyante. Il se leva dès qu'il les vit entrer.
— Evite de te fourrer dans les ennuis, lui intima son frère en le dépassant avec un regard lourd de sens. Je viendrai te retrouver demain matin.
Il était à peine midi.
Niall attrapa la jeune femme par le bras.
— Est-ce vraiment ce que tu veux, Sil ?
Gentil garçon. Malgré son cœur qui battait la chamade, elle parvint à le rassurer d'un hochement de tête.
Ian traversa la salle commune sans le moindre regard alentour et entraîna Sileas dans l'escalier.
Devant la dernière porte du couloir, il la souleva dans ses bras pour lui faire franchir le seuil de la chambre.
Apparemment, Ian ne voulait prendre aucun risque avec les traditions, cette fois.
Il referma la porte d'un coup de talon et reposa Sileas. Tandis qu'il faisait glisser un coffre du fond de la pièce vers l'entrée pour la bloquer, la jeune femme la pièce vers l'entrée pour la bloquer, la jeune femme posa les yeux sur le lit qui semblait occuper tout l'espace. Lorsque Ian tourna vers elle son regard embrasé, elle déglutit tant bien que mal. Il semblait animé d'une énergie contenue avec peine.
Elle avait remarqué sa respiration rapide qui soulevait son torse en rythme, les muscles tendus de sa mâchoire, la tension qui semblait courir dans ses membres. Lorsqu'il fit un pas en avant, elle dut lutter pour ne pas reculer. Son désir palpable était chauffé à blanc par sa colère : une colère née de son amour-propre blessé et de sa peur pour la sécurité de son épouse.
Sans un mot, il l'attira violemment contre son torse et laissa exploser sa passion. Sa bouche avide réclamait son dû, sans retenue.
L'amant attentionné qui avait déposé de légers baisers comme autant de caresses sur son dos lacéré n'était plus. Cette fois, Ian lui laissa voir la faim sauvage qu'il éprouvait pour elle.
Elle se sentit submergée par la force de son envie, par l'assaut qu'il menait contre ses sens. Elle avait beau avoir peur, quelque chose, tout au fond d'elle, réclamait ce désir ardent, brutal et indomptable. Elle voulait se noyer sous le déluge de ses baisers fougueux, sentir la pression de ses mains insistantes qui lui agrippaient les hanches.
Ian s'arracha à ses lèvres pour l'embrasser dans le cou et la saisit par les fesses pour la soulever le cou et la saisit par les fesses pour la soulever contre lui. Elle sentit alors son sexe en érection, dur et imposant.
— J'ai tellement envie de toi, lui glissa-t-il à l'oreille. Je mourrai si tu te refuses à moi.
Pour la première fois, elle ressentit l'emprise qu'elle exerçait sur lui — et la savoura. Elle posa les mains à plat sous sa chemise et lui mordit la lèvre. Il ne put retenir un grognement sourd.
— Je suis toute à toi, dit-elle avant de l'attirer à elle pour un nouveau baiser passionné.
Il la fit reculer jusqu'au lit où tous deux basculèrent. Lui encadrant le visage de ses deux mains, il l'embrassait comme si c'était la dernière fois. Sileas sentait ses mains, rêches et avides, courir partout sur son corps ; elle eut l'impression que sa cage thoracique était trop étroite, qu'elle manquait d'air.
Ian posa alors une main sur sa poitrine et, du pouce, lui caressa le téton. Lorsque celui-ci commença à pointer, Ian baissa la tête pour le prendre dans sa bouche malgré le corsage qu'elle portait encore. Elle haleta lorsque de puissantes sensations parcoururent tout son corps. Le monde extérieur n'existait plus tant elle était focalisée sur ces baisers. Elle vivait une torture, une torture délicieuse qui la laissa hors d'haleine et lui fit tourner la tête.
Ian fît remonter ses jupons jusqu'à ce que sa Ian fît remonter ses jupons jusqu'à ce que sa main repose sur sa cuisse dénudée. Mais il en voulait plus.
— Je te veux nue, déclara-t-il d'une voix râpeuse, profonde. Tout de suite.
Il la fit rouler sur le côté et entreprit de déboutonner le dos de sa robe sans pour autant cesser de l'assaillir de baisers brûlants qui ne firent qu'accentuer l'ivresse et le désir de la jeune femme.
L'instant suivant, elle leva les bras, et il fît passer sa robe par-dessus sa tête. Elle perçut la morsure de l'air frais sur sa peau embrasée ; visiblement, ses sous-vêtements avaient disparu avec la robe.
Avant même qu'elle ait le temps de se sentir gênée, Ian l'enveloppa de son corps, de sa chaleur, de sa passion. Le tissu grossier de sa chemise faisait frissonner sa peau sensible.
Lorsqu'il s'interrompit pour se débarrasser de ses bottes et ôter sa chemise, le cœur de Sileas s'emballa dans l'attente de ce qui allait suivre. Lorsqu'il revint à l'assaut, ce fut peau contre peau.
Chaque parcelle de son corps réagissait aux caresses d'Ian, qui l'explorait sans relâche, sans cesser de lui embrasser le visage, les cheveux, la gorge. Leur nudité renforça encore son désir, déjà brûlant.
— Tu es à moi, dit-il en s'arrêtant pour lui adresser un regard incandescent. Et je revendique ton corps tout entier.
ton corps tout entier.
Elle sentit alors la caresse de ses cheveux tandis qu'il lui déposait d'ardents baisers dans le cou et se dirigeait vers son ventre sans cesser de lui caresser les seins. Les sensations qu'il faisait naître entre ses jambes devenaient presque insupportables.
Puis, tandis qu'il suivait la courbe de sa hanche, elle sentit une pointe de malaise s'insinuer dans le tourbillon de désir qui l'emportait. Sa gêne franchit un pas de géant lorsqu'il lui fit plier le genou et qu'elle sentit la caresse piquante de sa barbe et la douceur humide de sa bouche sur sa jambe.
La tension gagna encore en intensité à mesure qu'il remontait le long de sa cuisse. Il n'allait tout de même pas l'embrasser là ! Sileas avait le souffle de plus en plus court, le sentant progresser tout doucement. Elle était complètement à sa merci et s'en fichait. Où qu'il veuille l'emmener, elle était prête à le suivre.
Oh, bon sang ! Lorsqu'il finit par poser sa bouche contre son intimité, elle ne put s'empêcher de tressaillir — sous le coup de la surprise ou en raison de la sensibilité de cet endroit, elle n'aurait su le dire.
Il émit alors un grognement et raffermit encore sa prise sur ses cuisses.
Il faisait courir sa langue, déclenchant en elle des raz- de-marée de plaisir qui la forcèrent à s'agripper aux draps de toutes ses forces. Elle essaya de protester, mais les semblants de mots qui de protester, mais les semblants de mots qui franchirent ses lèvres ne firent que l'encourager davantage.
Et, plus il insistait, moins elle voulait qu'il s'interrompe.
Elle crispa un peu plus les poings sur les draps auxquels elle confiait sa survie tandis que le plaisir enflait en elle. Lorsqu'elle fut incapable de supporter ce traitement plus longtemps, elle essaya de se dégager de son emprise.
Mais Ian fut impitoyable. Elle finit par succomber, en proie à de violents spasmes qui l'aveuglèrent.
Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, Ian vint s'allonger sur elle. Les doigts glissés dans ses cheveux, son souffle haché sur son visage, il posait sur elle un regard enivré. Son torse pesait sur sa poitrine sensible. Mais elle n'avait d'attention que pour son sexe, qui pressait à l'endroit où s'était trouvée sa bouche quelques instants plus tôt.
Comme animées d'une volonté propre, ses hanches se soulevèrent pour l'accueillir. Un son guttural s'échappa de la gorge d'Ian qui s'avança.
Mais, à peine le sentit-elle pénétrer en elle, qu'il s'immobilisa.
Le visage tendu, il la regarda en clignant des yeux comme s'il débouchait en pleine lumière depuis un lieu sombre, très sombre.
Il se souleva lentement, comme s'il s'arrachait à Il se souleva lentement, comme s'il s'arrachait à un courant déchaîné, puis s'étendit à côté d'elle.
Elle se tourna pour lui faire face. Il dégagea les cheveux qui lui retombaient sur le visage. Un changement s'était opéré en lui. L'urgence qui l'animait quelques secondes auparavant semblait à présent canalisée, même si Sileas la sentait encore brûler juste sous la surface.
— Je n'ai jamais couché avec une vierge, je ne sais donc pas combien tu souffriras, déclara-t-il. Est-ce que tu as peur ?
Elle fit « non » de la tête. C'était presque vrai.
Elle baissa les yeux vers l'entrejambe d'Ian et les sentit s'écarquiller lorsqu'elle aperçut son membre.
— Oh, c'est plus gros que je ne l'aurais cru, dit-elle, incapable d'en détacher son regard. Ça va aller ?
Il émit un ricanement grave et lui releva le menton avec un doigt.
— Comme un gant. Nous sommes faits l'un pour l'autre.
Elle inclina la tête sur le côté afin de jeter un nouveau coup d'œil.
— Je n'ai pourtant pas l'impression...
— Où est passé ton courage ? demanda-t-il, un sourire dans le regard. Veux-tu me toucher ?
Voyant qu'elle ne répondait rien, il reprit :
— Tiens, donne-moi ta main.
Il inspira tant bien que mal tout en faisant lentement courir les doigts de Sileas sur son membre.
lentement courir les doigts de Sileas sur son membre.
Elle fut surprise qu'il puisse être à la fois dur comme de la pierre et doux comme de la soie. Son extrémité était humide.
— Tu vois ? Il n'y a pas de quoi avoir peur, dit-il d'une voix hachée.
Elle leva les yeux vers son visage : il semblait souffrir.
— Je te fais mal ? demanda-t-elle tout en le caressant avec un peu plus de vigueur.
— On ne peut pas dire ça. Mais je ne vais pas pouvoir le supporter longtemps, pas tant que je ne t'aurais pas prise une première fois.
Elle hocha la tête, prenant note de cette information.
— Assieds-toi, ma chérie, dit-il en l'aidant à se redresser.
Il se laissa ensuite tomber à genoux par terre et l'attira vers le rebord du lit, si bien que les jambes de la jeune femme encadraient les hanches d'Ian.
Lorsqu'il la serra dans ses bras, elle eut plus que jamais conscience du membre qui reposait contre elle. Ian l'embrassa sur le visage et pencha la tête pour poursuivre dans son cou. Puis il revint à sa bouche pour lui offrir un long baiser passionné et l'explorer avec sa langue. Une douleur se réveilla au creux de ses reins tandis qu'elle le sentait bouger le bassin d'avant en arrière, si bien que son membre se déplaçait contre elle avec une lenteur délicieuse.
Il posa les mains sur sa poitrine et fit jouer ses Il posa les mains sur sa poitrine et fit jouer ses doigts autour de ses tétons, sans cesser ses va-et-vient. Sileas était presque incapable de se tenir droite. Elle était si humide que le membre d'Ian évoluait sans difficulté, mais le jeune homme ne semblait pas s'en apercevoir.
Il se pencha en arrière, et elle sentit la brûlure de son regard se poser sur son intimité. Elle avait le plus grand mal à respirer.
— Tu es si belle, déclara-t-il d'une voix à la fois douce et rauque.
En réalité, lui-même était tout simplement magnifique. Avec ses yeux d'un bleu nuit profond, teintés par le désir, ses cheveux de jais et son corps ferme de jeune guerrier, il aurait pu séduire la reine des fées en personne.
— J'ai tellement envie de toi, reprit-il.
Elle lui fut reconnaissante lorsqu'il l'étendit de nouveau sur le lit, car elle n'avait plus la force de se tenir assise. Il l'attira au centre de la couche et la surplomba de tout son corps. Sileas haleta quand il plaça une main sur son entrejambe et entama une lente danse circulaire du bout des doigts.
Il se pencha alors pour l'embrasser, et elle passa les bras autour de son cou. Bien vite, elle se perdit dans la passion de ses baisers. Elle l'attira à lui, désireuse de sentir son poids sur son corps.
Elle fut comme privée d'air lorsque le membre d'Ian vint de nouveau se presser entre ses jambes.
d'Ian vint de nouveau se presser entre ses jambes.
Sans réfléchir, elle les releva autour de la taille d'Ian et le serra contre elle.
Il rompit leur baiser. Les yeux posés sur elle, la scrutant avec attention, il avança tout doucement jusqu'à ce que quelque chose le force à s'immobiliser.
De la sueur perla sur son front.
— Ça risque de faire un peu mal, dit-il.
— Ce n'est pas grave, le rassura-t-elle, excitée, impatiente.
— J'ai l'impression que tu es prête, constata-t-il, le souffle court. Qu'en penses-tu ? Veux-tu que je patiente encore ? demanda-t-il d'une voix implorante où perçait la tension.
— J'ai envie de te sentir en moi.
Il émit alors un son guttural et donna un coup de reins. Elle fut traversée par une douleur aiguë et sentit quelque chose céder en elle.
Sans doute avait-elle crié car Ian couvrit sa bouche de baisers.
— Ça va, mon amour ?
Il l'avait appelée « mon amour ».
— Oui, répondit-elle.
La douleur avait certes disparu, mais elle sentait la force de sa présence en elle.
— Tu es si étroite.
— Trop ? s'enquit-elle, prise de panique. Est-ce que ça va aller ?
— C'est parfait, la rassura-t-il en abaissant
— C'est parfait, la rassura-t-il en abaissant lentement les paupières. Tu n'imagines pas à quel point c'est bon.
Il l'embrassa de nouveau, et plus rien ne compta pour elle hors Ian. Elle se mit à ronronner, en proie à de nouvelles sensations exquises, lorsqu'il entama de lents va-et-vient en elle. Ses baisers devinrent avides, pressants, tandis qu'il accélérait ses mouvements. Elle se cambra et le saisit par les épaules : elle voulait qu'il soit plus proche encore, plus profond.
Tant d'émotions lui saturaient les veines qu'elle ne savait pas si elle allait fondre en larmes ou voler en éclats. La joie. L'amour. Une proximité qu'elle n'avait jusque-là ressentie avec aucun autre être humain. Elle n'aurait jamais pu imaginer la sensation qu'elle éprouvait à être ainsi dans ses bras, leurs corps unis, animés du même mouvement. Elle avait perdu toute notion des limites de son être.
— C'est si bon, Sil, parvint-il à déclarer par à-
coups. Je... Je ne tiens plus, mon amour.
Elle s'agrippa à lui tandis qu'il accélérait encore la cadence. Elle sentit le désir gonfler aussi bien en elle qu'en lui.
— Tu es mienne, haleta-t-il. Mienne. Mienne.
Pour toujours mienne.
Pour toujours. Elle l'aimait depuis toujours.
— Sileas ! s'écria-t-il dans un ultime coup de reins qui la fit exploser dans ses bras.
reins qui la fit exploser dans ses bras.
Elle ferma les yeux et crut voir des étoiles tandis que son corps se crispait autour de celui d'Ian. Elle hurla son nom tandis que des vagues de plaisir déferlaient en elle.
Il se laissa alors retomber sur elle. Malgré sa masse, elle accueillit avec joie la certitude qu'il était bien là, qu'il était à elle.
Ian avait enfin fait en sorte qu'elle lui appartienne.
En réalité, elle lui avait toujours appartenu.
Oh, bon Dieu, quel monstre et quel piètre époux il faisait ! A l'évidence, il avait été trop brutal avec elle — une vierge, de surcroît. Mais il n'avait jamais autant désiré une autre femme avant elle. Jamais.
Au moins était-il parvenu à ne pas la prendre aussi vite que son envie le lui commandait.
Il aurait dû lui parler et se montrer tendre dès le début. Ah, il avait dû lui filer une peur bleue en lui sautant dessus à peine la porte fermée. Ensuite, il l'avait outrée en l'assaillant avec sa bouche. Il ne put retenir un sourire à cette pensée. Non, il ne regrettait rien de ce passage, et il était certain qu'elle non plus, d'ailleurs.
Et quand elle avait atteint l'apogée de son plaisir... Rien dans ce monde — ni sans doute dans le prochain — ne pourrait rivaliser avec cet instant.
Son corps tremblait encore de lui avoir fait l'amour.
Il se sentait privilégié d'avoir une femme qui puisse Il se sentait privilégié d'avoir une femme qui puisse lui offrir de telles sensations.
Il l'attira contre lui, de sorte que sa tête repose sur son torse. Il savoura le parfum de ses cheveux et sombra dans le sommeil.
— J'ai rencontré la demoiselle anglaise que tu voulais épouser.
Les mots de Sileas l'arrachèrent brutalement à sa torpeur.
— Quoi ?
— Philippa, expliqua-t-elle avec douceur. Elle est exactement comme tu me l'avais décrite.
— Je ne me rappelle pas ce que je t'ai dit à son sujet.
Pourquoi lui parlait-elle de Philippa ?
— Tu regrettes toujours qu'on t'ait empêché de te marier avec elle ? demanda-t-elle d'une toute petite voix.
— Sil, je ne veux aucune autre femme que toi pour épouse.
Après ce qu'ils venaient de partager, comment pouvait- elle poser une telle question ? Il est parfois bien difficile de comprendre les femmes.
— Je t'ai dit qu'il n'y aurait jamais d'autre femme, reprit-il. Mais je ne peux pas changer le passé.
C'était bien le problème. C'était précisément à cause de leur passé qu'elle avait besoin qu'on la rassure.
rassure.
Il la fit rouler sur le dos et se pencha sur son visage.
— Tu n'as pas la moindre raison d'être jalouse de Philippa, poursuivit-il en la regardant droit dans les yeux. Et pas seulement parce que tu es plus belle qu'elle.
— Ah, je sais maintenant avec certitude que tu me mens ! répliqua-t-elle dans une grimace.
— Tu ne sais pas combien tu es ravissante.
Elle était magnifique avec ses cheveux en bataille sur l'oreiller et les joues encore rosies par leur étreinte.
Elle retint son souffle lorsqu'il baissa la tête pour faire jouer sa langue sur son téton. Celui-ci se dressa aussitôt, réclamant davantage d'attention. Ian appuya son sexe contre le flanc de Sileas afin qu'elle prenne conscience de l'effet qu'elle lui faisait.
— C'aurait été une terrible erreur de me marier avec Philippa.
Elle se passa la langue sur les lèvres et demanda d'une voix haletante :
— Et pourquoi ça ?
— Parce que tu es faite pour moi. (Il roula sur elle, lui écartant les jambes par la même occasion.) Et si tu as le moindre doute à ce sujet, laisse-moi te prouver qu'il est infondé.
Chapitre 28
Ian adressa un clin d'œil à Sileas, tout en lui serrant doucement la jambe sous la table, et finit le reste de son porridge. Il savait qu'il passait pour un imbécile énamouré aux yeux des autres résidants, lesquels avalaient un petit déjeuner ou une chope de bière avant de s'attaquer à leurs tâches de la journée, mais il ne parvenait pas à se départir de son sourire.
— Tu es ravissante ce matin, dit-il en écartant une mèche rousse de son visage.
Il était également incapable d'arrêter de la toucher, bien qu'il sache que cela la mettait mal à l'aise.
— Nous allons retrouver les autres et quitter Stirling ce matin même ? demanda-t-elle.
Ian était sur le point de lui proposer de regagner leur chambre pour une heure ou deux lorsqu'un homme pénétra dans l'auberge, dont il passa la salle commune en revue. Mince sous son épaisse barbe noire, il avait les traits d'un Douglas. Son regard se posa alors sur Ian, et il se dirigea vers eux d'un pas décidé. Oh, non !
décidé. Oh, non !
— Le clan Douglas tient à vous offrir un cadeau de mariage, déclara-t-il d'un ton qui tenait plus de la menace que de la félicitation.
Ian lui prit des mains le parchemin qu'il leur tendait et en rompit le sceau. C'était une charte pour Knock Castle et les terres qui l'entouraient, signée par la reine en sa qualité de régente.
— Remerciez Archibald Douglas de ma part, répliqua Ian, qui enroula le document avant de le glisser dans sa chemise pour le conserver en sécurité.
Je suppose que vous ne savez pas s'il s'agit de la seule charte de ce type ?
La couronne avait pris la fâcheuse habitude de délivrer plusieurs chartes portant sur la même propriété à différents clans, ce qui ne faisait qu'alimenter les conflits déjà existants.
L'homme ne répondit pas, préférant s'asseoir à côté d'Ian sur le banc.
— Donald Gallda MacDonald de Lochalsh fait de nouveau des siennes.
Donald Gallda était en effet à la tête de la récente rébellion contre la couronne. Comme son père et son cousin avant lui, Donald cherchait à redonner aux MacDonald leur gloire passée, lorsque leur chef était également le seigneur des îles. Après l'échec du soulèvement mené par son père, le roi avait envoyé Donald grandir dans les plaines, d'où le surnom de Gallda («l'étranger») que lui donnaient les surnom de Gallda («l'étranger») que lui donnaient les habitants des Highlands.
— L'époque du seigneur des îles est depuis longtemps révolue, reprit le visiteur. En vous associant à cette fronde, vous ne ferez que vous attirer, à vous comme à tous les MacDonald de Sleat, des ennuis.
Bien qu'Ian fût d'accord avec l'homme, il refusait de lui faire part de son opinion sur le sujet. Vingt ans plus tôt, le roi d'Ecosse avait forcé le seigneur des îles à se soumettre, et, depuis, le clan MacDonald s'était ramifié en plusieurs branches, chacune ayant son propre chef : un état de fait irréversible. Les anciens vassaux des MacDonald — parmi lesquels on comptait les MacLeod, les Cameron et les MacLean, avaient eux aussi pris goût à leur indépendance retrouvée.
— Je me suis laissé dire que Donald Gallda avait chassé la garnison royale et s'était emparé du château d'Urquhart.
— Ah, ce sont des démons ! éructa le messager.
Lancer leur offensive alors que nous venions de subir des pertes face aux Anglais.
— Je viens de prendre épouse, reprit Ian. Aussi, cette rébellion ne me concerne pas le moins du monde aujourd'hui, annonça-t-il en passant son bras autour des épaules de Sileas.
Le visiteur ne partirait-il donc jamais ?
— Nous avons les mêmes ennemis, s'entêta celui-
— Nous avons les mêmes ennemis, s'entêta celui-ci.
Il disait vrai, même si un journal aussi complet que celui tenu par Sileas pour gérer le bétail eût été nécessaire pour suivre l'évolution des alliances fugaces et versatiles établies entre les clans.
Cependant, les MacLeod de Harris et de Dunvegan étaient des rivaux de longue date des MacDonald de Sleat, et ils soutenaient la rébellion. Lachlan Cattanach MacLean de Duart, aussi connu sous le nom de Shaggy MacLean, avait lui aussi rallié le soulèvement, et Ian nourrissait une rancœur toute personnelle à son endroit pour avoir passé quelque temps dans son donjon.
— Si Douglas était certain que votre cousin apportera son soutien à la couronne, poursuivit l'émissaire, il pourrait se laisser convaincre de vous donner un coup de main lorsque Connor s'apprêtera à arracher le pouvoir des mains de son oncle.
— J'essaie de conseiller Connor du mieux que je peux, soyez-en sûr.
Lorsque leur visiteur se leva enfin et partit, Ian souffla bruyamment.
— Il est clair que déposséder Hugh Dubh du commandement ne fera que marquer le début des ennuis de Connor.
— En effet, acquiesça Sileas. Mais plus vite il sera chef, mieux ce sera.
— Voilà une femme qui a du plomb dans la
— Voilà une femme qui a du plomb dans la cervelle, commenta Ian en lui soulevant le menton d'un doigt. Que dirais-tu de retourner dans notre chambre ?
Ah, elle avait les yeux d'un vert si profond ! Et, mieux encore, ils lui disaient exactement ce qu'il voulait entendre.
Il se levait du banc lorsqu'une lourde main se posa sur son épaule. Quoi encore ? Il repoussa la main et se tourna pour découvrir un homme hirsute qui, d'après l'odeur qu'il dégageait, vivait à la dure depuis bien trop longtemps.
— Je vous ai vus parler à Douglas, déclara-t-il d'une voix si grave que le banc vibra.
— Il nous a apporté un cadeau de mariage, expliqua Ian qui perdait patience. Et, si ça ne vous dérange pas, j'aimerais retourner au lit avec ma femme.
— Un instant, mon ami, l'interrompit l'homme d'un ton qui n'avait rien d'amical. Rentre chez toi et dis à ton chef que nous comptons sur les MacDonald de Sleat pour rallier notre lutte contre la couronne.
Diable, avec combien d'émissaires devraient-ils discuter avant de pouvoir remonter dans leur chambre ?
— C'est parce que vous trouvez que les Anglais n'ont pas abattu assez d'Ecossais à Flodden que vous voulez que l'on s'entre-tue ? (Ian avala une longue rasade de bière et reposa brutalement sa chope sur la rasade de bière et reposa brutalement sa chope sur la table.) Quoi qu'il en soit, vous semblez avoir bien mal choisi votre moment pour passer à l'action.
— Nous devons frapper maintenant, tant qu'il n'y a encore aucun roi, expliqua le visiteur. Même les habitants des Lowlands refuseront de suivre une Anglaise au combat.
— J'ai le sentiment que ce ne sera pas la reine qui les commandera, mais Archibald Douglas, avança Ian. Je ne l'aime pas, mais je ne ferai jamais l'erreur de le sous-estimer. Un regard d'acier brûle dans ses yeux.
Lorsque le second messager les laissa seuls à son tour, Ian prit la main de Sileas.
— Nous ferions mieux de nous dépêcher.
— Ah, ils sont venus nous trouver ! répondit-elle.
Ian fit volte-face pour apercevoir Connor et ses trois compagnons qui entraient dans la salle. Il soupira, bien conscient que ses amis lui avaient déjà laissé plus de temps que de raison. Ils ne pouvaient plus se permettre de repousser leur départ. Il éprouva cependant une légère satisfaction à lire la déception sur les traits de Sileas.
Ils étaient tous assis autour d'un feu de camp, et Sileas luttait pour ne pas fermer les yeux. Niall, pour sa part, avait baissé pavillon et ronflait allègrement, la tête posée sur un rondin, tandis que les autres la tête posée sur un rondin, tandis que les autres discutaient toujours. La seule chose qui gardait Sileas éveillée était son estomac qui grondait famine — et son dos douloureux. Chaque journée de voyage lui donnait l'impression d'avoir passé une semaine entière sur son satané cheval.
Par égard pour elle, les hommes s'efforçaient de ralentir leur rythme, mais elle percevait néanmoins l'urgence qui les animait. Samhain — et l'assemblée qui élirait le nouveau chef — devait se tenir dans moins d'une semaine. Les jours qu'ils avaient perdus pour venir la récupérer à Stirling représentaient un luxe qu'ils ne pouvaient pas se permettre, et, pourtant, aucun ne lui avait adressé le moindre mot de reproche.
Et aucun ne le ferait.
Ian avait fait d'elle sa femme, et les autres l'avaient acceptée. Le lien étroit qui unissait les quatre compères était presque palpable; elle le sentait, qui l'enveloppait de sa protection. Elle avait la certitude, subtile, tacite, que tous seraient prêts à se sacrifier pour elle.
Elle avait certes connu Connor, Alex et Duncan lorsqu'ils étaient enfants, mais, à présent, elle apprenait à découvrir les hommes qu'ils étaient devenus. Elle les dévisagea à tour de rôle, en commençant par Alex qui ressemblait trait pour trait à l'un de ses ancêtres vikings en maraude, jusqu'à ce qu'il éclate de rire : ce qui lui arrivait souvent. Elle qu'il éclate de rire : ce qui lui arrivait souvent. Elle passa ensuite à Duncan, un homme imposant, capable de jouer la plus douce des musiques qui soit, mais dont le regard était en permanence obscurci par un voile de tristesse. Lorsqu'elle avait demandé à Ian la raison de cette mélancolie, il lui avait répondu que Duncan était amoureux de la sœur de Connor, laquelle était mariée au fils d'un chef de clan irlandais.
Pour finir, elle observa Connor. Il ressemblait tant à Ian que quiconque ne les connaissant pas bien les aurait confondus. Si l'assemblée des hommes faisait de lui le nouveau chef du clan, ce serait en raison de sa force et de son intelligence. Mais Sileas ne doutait pas qu'il ferait un grand meneur, car il était également assez humble pour écouter les conseils avisés et qu'il éprouvait de la compassion pour tous, jusqu'aux membres les plus modestes du clan.
— J'ai l'impression d'avoir été autant jaugé à Stirling que chez nous, déclara-t-il tout en faisant tourner les lapins embrochés au-dessus des flammes.
— Tous souhaitent parier sur le bon cheval, confirma Duncan. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que tous s'attendent à recevoir une récompense.
— Avec la couronne entre les mains d'un nourrisson, c'est chacun pour soi, déplora Connor en secouant la tête. Et les charognards se nourriront sur le dos des plus faibles.
— Les Douglas et les Campbell sont les pires de
— Les Douglas et les Campbell sont les pires de tous, intervint Alex. Ils sont comme deux chiens qui se battent pour le même os.
— Ouais, et je commence à sentir leurs dents, plaisanta Connor.
Tous éclatèrent de rire.
— Si tu avais envoyé Alex s'attaquer à la reine, dit Duncan, nous aurions tous des titres aussi chics que les Douglas à l'heure qu'il est.
— Tu fais offense à mon honneur, s'indigna Alex.
Je ne remplis mon rôle pour le clan qu'avec les jolies femmes.
Une fois l'hilarité retombée, Connor déclara :
— Nous ferions mieux de ne pas nous faire remarquer, les amis. Nous avons déjà plus d'ennemis que nécessaire, inutile d'en récolter de nouveaux.
L'odeur des lapins rôtis finit par tirer Niall de son sommeil. Il se redressa et s'étira.
— Est-ce que c'est prêt ? Je meurs de faim.
— J'aime autant servir Sileas la première, répondit Connor en ôtant la viande des flammes. Son estomac fait tellement de bruit que ça dérange les chevaux.
Sileas eut l'eau à la bouche en voyant Connor tendre la broche de fortune à Ian, qui découpa une généreuse tranche à l'aide de son couteau. Bien qu'elle apprécie les plaisanteries et le tour agréable de la conversation, dès qu'elle fut rassasiée, sa fatigue l'empêcha de suivre avec attention.
fatigue l'empêcha de suivre avec attention.
— Ta femme risque de s'étouffer si elle s'endort avec la bouche pleine, remarqua Connor.
Elle ouvrit les yeux en sursaut et découvrit que tous la regardaient en souriant.
— Ce serait bien dommage, après tout le mal que nous nous sommes donné pour la retrouver, plaisanta Duncan.
— Bon sang, Duncan, tu te rends compte que c'est déjà ta deuxième boutade de la soirée ? contra-telle, et tous rire de bon cœur.
Ian lui tendit un flacon de bière et lui frotta le dos tandis qu'elle en buvait une gorgée afin d'aider le lapin à passer.
— Allons te mettre au lit.
Il posa le flacon de côté et souleva Sileas dans ses bras.
— Bonne nuit, Sileas. Dors bien, lancèrent les autres tandis qu'Ian la conduisait dans l'obscurité, à l'écart de la lueur du feu.
Lorsqu'il trouva un endroit isolé, à quelque distance des autres, il la reposa et étala leur couverture. Elle était persuadée qu'elle sombrerait dans le sommeil à peine couchée, mais, en réalité, blottie dans les bras d'Ian, elle écouta le souffle du vent dans les arbres et la légère mélodie qui s'échappait de la flûte de Duncan.
Ian lui souleva alors le menton pour l'embrasser tendrement. Elle entrouvrit la bouche et l'attira tendrement. Elle entrouvrit la bouche et l'attira contre elle. Elle l'aimait tant.
Il se recula.
— Tu es certaine de ne pas être trop fatiguée ?
— Oui. J'ai envie de toi, Ian MacDonald.
Elle fit courir sa main sur son membre dressé pour appuyer ses propos.
C'était chaque nuit la même chose depuis qu'ils repartaient vers Skye. Après avoir chevauché si longtemps qu'elle tenait à peine debout, ils mangeaient et discutaient tous ensemble. Puis Ian l'entraînait à l'écart des autres et installait leur couche.
À peine s'étendait-elle avec lui que sa fatigue semblait s'évaporer telle une brume matinale. Puis ils faisaient l'amour une bonne partie de la nuit, et c'était pour elle un perpétuel émerveillement, une magie qu'elle avait peur que les fées ne lui envient.
Lorsqu'ils atteignirent la côte, Sileas baignait dans un brouillard de bonheur. Ils tombèrent sur un lointain cousin d'Alex, un MacDonnell, disposé à leur faire traverser le détroit de Sleat à bord de son bateau. Malgré le froid et la brise humide qui balayaient l'embarcation, Sileas, bercée par le roulis, s'endormit dans les bras d'Ian.
Elle se réveilla lorsqu'une tension diffuse s'empara du corps d'Ian. En ouvrant les yeux, elle aperçut Knock Castle encerclé d'un voile de nuages bas, sur la crête, au nord.
bas, sur la crête, au nord.
— J'espère que tu sais que je t'aurais voulue pour femme quand bien même tu n'aurais pas été l'héritière de Knock Castle.
Elle n'écouta pas la pointe de doute qui subsistait au fond de son cœur et hocha la tête.
— Mais nous devons le récupérer.
Elle serra le bras d'Ian. Même avec lui à ses côtés, serait- elle capable de vivre dans un lieu qui lui avait causé tant de chagrin ? Pourrait-il jamais être purgé des souffrances de sa mère et de la méchanceté de son beau-père ?
Parviendrait-elle à trouver le bonheur avec Ian dans un château qui faisait pleurer même un fantôme ?
Elle comprenait très bien l'importance que ce lieu revêtait pour le clan, mais sa simple vue suffisait à lui nouer l'estomac. Savoir qu'en ce moment Murdoc et Angus s'y trouvaient ne faisait qu'empirer son malaise.
— Ils ne peuvent pas nous voir depuis le château, si ? demanda-t-elle au risque de passer pour une idiote.
— Ils remarqueront notre embarcation, mais de nombreuses autres empruntent ces eaux, la rassura Ian. Et ce n'est pas un bateau qu'ils connaissent. (Ian garda les yeux rivés sur la bâtisse jusqu'à ce qu'elle soit hors de vue.) Je ne laisserai pas l'homme qui t'a fait souffrir demeurer chez toi.
fait souffrir demeurer chez toi.
Mais, à Knock Castle, elle ne s'était jamais vraiment sentie chez elle.
Chapitre 29
Des cris de bienvenue envahirent la maison à l'instant où Ian poussa la porte.
— Dieu soit loué, vous êtes tous sains et saufs et vous nous l'avez ramenée ! s'écria sa mère.
Elle serra Ian dans ses bras, puis chacun de ses compagnons, tandis que Payton étreignait Sileas.
— Est-ce que ma tête de mule de fils te traite mieux à présent ? lui demanda-t-il, un bras passé autour des épaules de la jeune femme. Les hommes ont parfois besoin d'une petite frayeur pour y voir plus clair.
— Dans ce cas, père, je dois y voir plus que clair, car elle m'a flanqué une de ces frousses, intervint Ian en riant.
Ah, quel bonheur de rentrer chez soi !
Ils échangèrent les dernières nouvelles au cours du dîner. Bien que personne n'ait été informé de leur départ, et comme c'était en général le cas sur Skye, la nouvelle s'était répandue en moins de deux jours.
— Les partisans de Hugh font courir la rumeur que Connor est parti pour toujours, déclara Payton.
Nous avons également appris de la sœur de Duncan Nous avons également appris de la sœur de Duncan que Hugh fait tout un tas de promesses — que vraisemblablement il ne tiendra pas — pour être choisi. Malheureusement, son petit manège semble fonctionner.
La situation n'augurait rien de bon. Tous savaient depuis le début que Connor aurait le plus grand mal à arracher le commandement des mains de son oncle, mais ils avaient compté sur la prise de Knock Castle pour faire pencher la balance en sa faveur. Une victoire suffisait à renverser les opinions. Mais il était trop tard pour réunir assez d'hommes en vue d'un assaut.
— Avec Samhain dans deux jours à peine, déclara Alex en assenant une tape dans le dos de Connor, nous allons devoir faire vite pour annoncer à tous que tu es de retour et prêt à prendre ta place de meneur.
Le temps leur faisait défaut. Il devait néanmoins exister un moyen de convaincre les membres du clan que Connor était l'homme de la situation — ou que Hugh ne l'était pas.
Durant le repas, ils débattirent de la stratégie à adopter pour l'assemblée, mais, une fois le dîner achevé, ils firent abstraction des incertitudes à venir pour laisser place aux célébrations de leur retour à la maison et du début de la vie conjointe d'Ian et de Sileas.
Duncan sortit sa flûte tandis que les autres Duncan sortit sa flûte tandis que les autres entonnaient à tour de rôle les couplets de vieilles chansons connues de tous. Alors qu'elle chantait en frappant dans ses mains, Sileas rayonnait d'un bonheur qui réchauffa le cœur d'Ian.
Il se laissa aller contre le dossier de sa chaise et observa les autres. Il surprit son père adressant un clin d'œil à sa mère et comprit combien ses parents étaient soulagés que les choses se soient arrangées entre lui et son épouse. Même Niall s'était joint aux festivités. Malgré sa méfiance initiale à l'endroit de son frère depuis leur départ de Stirling, il s'était laissé amadouer par le bonheur visible de Sileas.
Ian éprouvait un profond sentiment de bien-être, ici, chez lui, en compagnie de Sileas, de ses amis et de sa famille. Il ne se rappelait pas avoir jamais été aussi heureux.
— Nous ferions mieux de nous dire au revoir dès maintenant, proposa Connor en se levant. Duncan, Alex et moi, nous devons nous lever tôt demain matin ; bien avant que notre couple de tourtereaux ouvre les yeux. Nous ferons de notre mieux pour parler à un maximum d'hommes avant l'assemblée de Samhain.
— Je vous rejoindrai avant que la cérémonie commence, annonça Ian.
— Sileas, ma chère, demanda Duncan de sa voix bourrue, porteras-tu cette robe dont tu nous as parlé ?
parlé ?
Ian faillit tomber de sa chaise. Duncan était vraiment quelqu'un de bien : il ne reculait devant aucun effort pour intégrer Sileas à leur cercle d'amitié.
— Je devais vraiment être abrutie de fatigue pour parler chiffon avec toi, répondit Sileas, les joues colorées d'un joli rose. Je ne pensais pas que tu écoutais mes babillages.
— Je ne passe pas mon temps à jacasser comme certains, commenta Duncan en tournant vers Alex un regard entendu, je t'ai écoutée religieusement.
Elle est verte et s'accorde avec tes yeux, c'est bien ça ?
Ian interrogea Alex et Connor du regard, mais ses deux compères paraissaient aussi abasourdis que lui par la conversation de Duncan.
— Elle est bien verte, en effet, reconnut Sileas avec un franc sourire. Dis-moi, est-ce que tu joueras de la flûte à l'assemblée ?
— Ah, ce flûtiau ne me sert que quand je dois voyager léger ! l'informa Duncan en se frappant le torse à l'endroit où pendait son instrument retenu par un cordon sous sa chemise. Lorsque Connor sera élu, je jouerai de ma cornemuse, et peut-être aussi de ma harpe. Ma sœur veille sur elles en mon absence.
Les trois hommes se levèrent, prêts à rejoindre la vieille dépendance pour la nuit.
Sileas se hissa sur la pointe des pieds pour Sileas se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur la joue de Duncan.
— Je te verrai à l'assemblée.
— Attention à ce que tu fais, ma chère, répondit-il. Je n'aimerais pas me retrouver avec le dirk d'Ian planté dans le dos.
— Je veux bien courir le risque, moi, lança Alex, les bras écartés pour étreindre la jeune femme. Tu te rappelles que tu m'as promis un baiser lorsque nous étions dans la barque ?
— De quelle promesse...
Avant même qu'Ian ait fini de poser sa question, Alex souleva Sileas et l'embrassa en plein sur la bouche.
À peine Ian l'avait-il arrachée des griffes de son cousin que Connor déclara :
— Puisque nous partirons tôt, je suppose que je ferais mieux, moi aussi, de réclamer mon baiser dès maintenant.
En homme avisé, il se contenta d'une bise amicale sur la joue.
— Ça suffit, j'en ai assez de vous voir tripoter ma femme comme ça, s'indigna Ian en passant son bras autour des épaules de Sileas et en la serrant contre lui.
— Mais, et moi ? s'écria Niall en approchant.
— Tu as passé plus d'une nuit seul avec ma femme et, pourtant, tu respires encore, l'interrompit Ian. Je te conseille de t'en contenter.
Ian. Je te conseille de t'en contenter.
Une fois les hommes partis s'installer dans la dépendance et les parents d'Ian absorbés dans une conversation feutrée autour de l'âtre, Sileas entraîna Ian à l'écart.
— J'aimerais aller expliquer notre situation à Gôrdan, lui dit-elle. Ce ne serait pas bien qu'il l'apprenne de quelqu'un d'autre.
Ian acquiesça.
— D'accord. Je t'y accompagnerai demain matin.
— J'aime autant m'en occuper tout de suite. Ça ne te dérange pas ?
Ian se souvint de l'allusion qu'avait faite son frère à propos d'une longue file d'hommes qui n'attendaient qu'une chose : que Sileas se lasse de lui. Si elle était pressée d'annoncer au premier de ses prétendants qu'il pouvait cesser de perdre son temps, eh bien, il n'y voyait aucun inconvénient.
— Je vais venir avec toi. Je t'attendrai dehors, ajouta-t-il. Je ne veux pas que tu sortes seule.
Un peu plus tard, Ian était adossé à un arbre, sous un ciel sans lune, à observer sa femme qui frappait à la porte de Gôrdan.
Lorsque celui-ci ouvrit, un rai de lumière tomba sur Sileas et traversa la cour. Ian ne percevait que des murmures tandis que les deux échangeaient sur le pas de la porte.
le pas de la porte.
Puis il entendit la mère de Gôrdan crier :
— Cette foutue gosse a abandonné son mari pour toi, c'est ça ?
— Du calme, mère. Je t'expliquerai plus tard, répondit Gôrdan, comme toujours patient.
Puis il s'avança et referma la porte derrière lui.
La discussion à voix basse se poursuivit durant quelques instants avant que Sileas quitte Gôrdan pour s'approcher de l'arbre sous lequel l'attendait Ian. Malgré l'obscurité, celui-ci sentait le regard de Gôrdan pointé sur lui.
— Prends bien soin d'elle, lança Gôrdan.
— Tu peux compter sur moi.
Ian serra la main de son épouse tandis qu'ils rebroussaient chemin dans le noir. Il ne lui posa aucune question sur la conversation qu'elle venait d'avoir ; si elle voulait en parler, elle le ferait.
Avant d'atteindre la maison, il s'immobilisa et se tourna vers elle. Il dégagea les cheveux qui lui battaient le visage, mais il faisait trop sombre pour qu'il puisse déchiffrer son expression.
— Je regrette de t'avoir humiliée en ne rentrant pas, dit-il.
— Je sais que tu ne pensais pas à mal.
En réalité, il ne se souciait alors pas du tout de ce qu'elle pouvait ressentir, et tous deux le savaient.
— Si c'était à refaire, je ne me montrerais pas aussi stupide.
aussi stupide.
— Vraiment ? demanda-t-elle d'une voix où perçait un sourire.
C'était tout elle : essayer de le soulager en prenant les choses à la légère. Il la serra dans ses bras et posa le menton sur sa tête.
— Je suis désolé de t'avoir fait souffrir. Si seulement on ne nous avait pas forcés à nous marier alors que nous n'étions pas prêts, nous pourrions le faire maintenant, dans le respect des traditions.
— Il est vrai que je n'étais pas prête, reconnut Sileas. Mais j'ai toujours voulu que tu sois mon mari.
— C'est parce que tu as bien plus de plomb dans la cervelle que moi, concéda Ian en jouant avec son menton sur ses cheveux. Je déteste penser que ma femme se souviendra pour toujours de notre mariage comme du pire jour de sa vie. Je ferais tout pour qu'il en soit autrement.
Sileas s'écarta quelque peu, et il sentit la douceur de ses doigts sur sa joue.
— Dans ce cas, considère que notre mariage a débuté maintenant, et non pas cinq ans auparavant.
Ian prit alors conscience qu'elle avait eu raison de vouloir informer Gôrdan de la situation dès ce soir, afin de se débarrasser d'un poids. Enfin de retour chez eux, ils pouvaient à présent s'embarquer dans leur nouvelle vie commune.
Il étreignit la jeune femme.
— A partir de ce jour, je promets de faire de mon mieux pour me racheter.
mieux pour me racheter.
Chapitre 30
Sileas comprenait le besoin qu'avait Ian de lui dire de telles choses. Oh, elle le croyait volontiers lorsqu'il disait vouloir la rendre heureuse ! Il était sincère mais habité par une sorte de vide. Tant qu'il ne se serait pas racheté d'avoir été absent alors qu'on avait besoin de lui, il ne pourrait se pardonner. Elle ne l'en aimait que davantage.
En le regardant rire et parler avec ses amis et sa famille ce soir-là, Sileas sut qu'elle pourrait se retrouver face à lui à la table du petit déjeuner pendant les cinquante prochaines années sans jamais s'en lasser. Même si l'amour n'est pas toujours équitable, si Ian tenait à elle et remplissait de son mieux son rôle de mari idéal, son sort serait toujours meilleur que celui réservé par la plupart des hommes aux femmes qui leur sacrifient pourtant leur vie —
un sort incomparablement plus enviable que celui qu'avait connu sa pauvre mère.
Les sensations qu'ils partageaient lorsqu'ils faisaient l'amour étaient si puissantes qu'elle était tentée de croire qu'Ian finirait par l'aimer comme elle l'aimait. Il l'appelait « mon amour » quand il était en l'aimait. Il l'appelait « mon amour » quand il était en elle, et parfois même « a chuisle mo chroî» (toi qui fais battre mon cœur).
Elle avait cependant entendu de nombreuses histoires d'hommes qui parlaient d'amour une fois au creux des reins de leur femme, mais qui disparaissaient bien avant l'arrivée du bébé. Un jour peut-être, Ian lui dirait ces mots à d'autres moments — à table, par exemple, ou lorsqu'il ferait jouer un de leurs enfants sur ses genoux. Elle saurait alors qu'il les pensait sincèrement.
Entre-temps,
elle
se
contenterait
de
la
chaleureuse affection qu'il lui témoignait — ainsi que de leurs nuits ardentes, bien entendu.
Mais elle ne cesserait d'attendre ce jour où il lui offrirait pleinement son cœur.
Ian fut satisfait de trouver la maison silencieuse à leur retour. Lorsqu'il ouvrit la porte de leur chambre pour y laisser entrer Sileas, une dizaine de bougies inondaient la pièce de leur douce lueur. La prévenance de sa mère le fit sourire.
Debout à côté du lit, il encadra le visage de Sileas de ses mains. Lorsqu'il lui avait fait l'amour pour la première fois à Stirling, son désir trop longtemps refoulé avait rendu les choses frénétiques, intenses.
Pour être franc, une pointe de colère teintait, ce jour-là, son envie de la posséder, jusqu'à ce que là, son envie de la posséder, jusqu'à ce que l'émerveillement le frappe et l'ébranle au plus profond de lui-même.
Lors de leur retour vers Skye, ils avaient fait l'amour chaque nuit, dans le noir, sous son plaid, sur le sol humide et froid. Chaque fois, le désir insatiable se manifestait, ce sentiment qu'ils ne disposeraient jamais d'assez de temps.
Mais, ce soir, ils étaient chez eux, pour la première fois réunis en tant que mari et femme dans leur lit conjugal. En plongeant son regard dans celui de Sileas, il sentit une infinie tendresse pour elle.
— J'ai envie de te faire l'amour lentement, cette nuit, dit-il en faisant courir son pouce sur la joue de la jeune femme.
Lorsqu'il se pencha pour l'embrasser, elle leva la tête pour venir à sa rencontre. Ses lèvres étaient douces et chaudes.
Le désir s'éveilla en lui, mais il prendrait son temps et se délecterait d'elle. Elle serait là pour toujours. Elle était sienne.
De la main, il parcourut la cambrure de son dos, jusqu'au creux de sa taille et à l'évasement de ses hanches. Elle passa les bras autour de son cou et se pressa contre lui. Pendant de longues minutes, ils restèrent à côté du lit, perdus dans de langoureux baisers.
Puis elle se recula et reposa la tête contre son torse avec un soupir de satisfaction qui le fit sourire.