[68] C’est pourquoi la célèbre Table Ronde du grand Hall de Winchester comporte des noms de chevaliers, au nombre de 24, autour du roi Arthur, lequel occupe une place prépondérante qui n’est pas conforme à la tradition primitive qui insiste sur l’égalité entre tous les participants. À la gauche d’Arthur se trouve le Siège Périlleux, occupé par Galaad, le « Bon Chevalier », lequel a lui-même, à sa gauche, son père Lancelot du Lac. À la droite d’Arthur se trouve le siège de Mordret. La référence à la Sainte Cène est évidente, puisque Mordret est assimilé à Judas et Galaad à l’apôtre Jean. Mais, au centre de la Table, est représentée une rose, ce qui n’est pas sans évoquer la symbolique rosicrucienne, et ce qui montre également qu’à partir du XIVe siècle la Table Ronde avait été récupérée par les cercles ésotériques ou mystiques.
[69] Ce sera Perceval le Gallois.
[70] D’après le Merlin, de la tradition de Robert de Boron.
[71] Trait de mœurs typiquement celtique : le roi est obligé d’accorder un don sans savoir de quoi il s’agit. La littérature épique de l’ancienne Irlande est remplie d’anecdotes de ce genre, où le roi, placé dans des situations « cornéliennes », est contraint d’accéder à la demande, ou de s’engager dans des aventures fantastiques, sous peine d’être déshonoré et de perdre tout crédit vis-à-vis de ses sujets. Mais, d’autre part, si le roi perd, pour une raison ou pour une autre (c’est ce qui arrive dans le récit de Perlesvaux), sa faculté du don, il devient incapable de régner, et le royaume s’en va à la débandade.
[72] On remarquera les réserves prudentes émises par Arthur pour éviter un don trop contraignant. On verra plus loin, dans l’épisode de Kilourh, les restrictions précises données par Arthur à l’octroi du don.
[73] Il s’agit du même personnage que le Roi Pêcheur, gardien du Graal dans le château de Corbénic.
[74] Dans les textes les plus anciens, Kaï est un redoutable et indomptable guerrier. Frère de lait d’Arthur, il est, avec Bedwyr (Béduier dans les récits français), le plus ancien compagnon du héros. Mais, dans les récits postérieurs, Kaï prend très vite les allures d’un moqueur, d’un médisant, voire même d’un traître, en tout cas d’une sorte de miles gloriosus, soldat fanfaron et ridicule qui échoue piteusement dans toutes les entreprises dans lesquelles il se lance avec beaucoup d’inconscience.
[75] Poème attribué au barde gallois Llywarch Hen, contenu dans le manuscrit du XIVe siècle, le Livre Rouge de Hergest. J. Markale, les Grands Bardes gallois, Paris, Picollec, 1981, pp. 41-42.
[76] D’après le Merlin de la tradition de Gautier Map.
[77] D’après un conte populaire ancien recueilli dans les Iolo Manuscripts, p. 118.
[78] D’après les Triades de l’île de Bretagne, n° 132.
[79] Iolo Manuscripts, p. 118.
[80] Triade 131.
[81] Yder, dont le nom breton-armoricain est Édern (du latin aeternus, « éternel »), est l’un des plus énigmatiques compagnons de la Table Ronde. Il s’agit d’une entité mythologique très ancienne dont les animaux emblématiques semblent avoir été l’ours et le cerf. Incorporé très tôt dans le cycle arthurien primitif, Yder-Édern est devenu « saint » Édern dans l’hagiographie bretonne-armoricaine, où il est le patron de plusieurs paroisses. Son frère, Gwynn (= « blanc »), est devenu le gardien de l’Enfer dans la tradition galloise : il empêche les diables d’envahir la terre ! Mais il apparaît également dans le cycle arthurien primitif, notamment dans le récit de Kilourh. Quant à leur père, Nudd (Nut dans les romans français), c’est incontestablement le Nodens ou Nodons des inscriptions britto-romaines, sorte de dieu celtique de l’Autre Monde.
[82] D’après les Antiquités de Glastonbury de Guillaume de Malmesbury (fin du XIIe siècle) et le Roman d’Yder, ouvrage anglonormand du début du XIIIe siècle. Cet épisode fait penser à la fameuse représentation dite de la déesse Artio (musée de Berne), où l’on voit un ours devant une femme assise sur un siège royal. Ce groupe, de facture gallo-romaine, n’en plonge pas moins dans la plus ancienne mythologie celtique. Le nom de la déesse Artio, comme celui d’Arthur, se réfère à l’un des noms celtiques de l’ours, artos.
[83] D’après le Tristan de Thomas (1170).
[84] D’après le Roman d’Yder. Il semble bien qu’avant l’introduction – récente – de Lancelot dans le cycle arthurien, les premiers récits mentionnaient une liaison adultère entre Guenièvre et Yder. Plusieurs épisodes du Roman d’Yder y font une discrète allusion, et l’on trouve une affirmation en ce sens dans un fragment de poème anglo-normand sur Tristan, datant du XIIe siècle (« Yder, qui occit l’ours, n’eut tant de peine et de douleur pour Guenièvre, la femme d’Arthur. »). Mais, en recherchant la tradition arthurienne primitive, on s’aperçoit qu’Yder n’était pas le seul amant de Guenièvre : les sculptures de la cathédrale de Modène, qui datent de 1100, font état d’un certain Malduc que le roi Arthur a bien du mal à vaincre ; et un étrange poème gallois du Livre Noir de Carmarthen (XIIe siècle) suggère nettement Kaï. D’ailleurs, l’ambiguïté des rapports de Kaï et de Guenièvre est soulignée dans le Lancelot de Chrétien de Troyes. De plus, certains récits concernant la fin du monde arthurien font de Guenièvre la maîtresse et la complice consentante de l’usurpateur Mordret. Tout cela se réfère au thème celtique de la Souveraineté. Voir J. Markale, la Femme celte, nouvelle édition, Paris, Payot, 1992.
[85] Dans le récit de la Vengeance de Raguidel, la fille s’appelle Tremionette, et dans le Roman d’Yder, Guenloie. Ce nom est la transcription française du gallois gwennlloyw, c’est-à-dire « blanche lumière ». Quant au nom de Guenguasœn, il est la transcription du gallois gwenn-gwas-hen, « diable blanc », littéralement « vieux serviteur blanc ». Ce qui indique nettement l’appartenance de Guenguasœn, de sa fille, de Raguidel et de la jeune fille à un Autre Monde intermédiaire entre l’image païenne du « Blanc Pays » et la représentation chrétienne de l’Enfer diabolique.
[86] D’après l’un des nombreux épisodes de la Vengeance de Raguidel, récit du XIIIe siècle contenu dans le célèbre manuscrit d’Aumale, qui contient deux autres œuvres arthuriennes, les Merveilles de Rigomer et le Bel Inconnu. Tout semble indiquer qu’il s’agit d’une adaptation française d’un original en langue galloise.
[87] On reconnaîtra encore ici la forme galloise du latin Caledonia qui désigne l’Écosse.
[88] Ce nom gallois signifie « lumière du jour ».
[89] J’ai transcrit à la française le nom gallois de Kulhwch que l’auteur anonyme du récit décompose en deux termes, cil, « cachette », et hwch (houc’h en breton-armoricain), signifiant actuellement « truie », et autrefois « porc » en général. Il semble que l’histoire de Kilourh se réfère à un antique rituel totémique.
[90] L’amour que l’on ressent tout à coup pour quelqu’un qu’on n’a jamais vu est un motif très répandu dans la tradition celtique, aussi bien en Irlande que dans l’île de Bretagne, et il se reconnaît aisément dans la « fine amor » des troubadours occitans, devenue le célèbre thème de l’amour lointain (Jaufré Rudel). Mais, en fait, il s’agit bel et bien d’une résurgence de la doctrine gnostique, la femme aimée – et qu’on n’a jamais vue – représentant la Pistis Sophia qu’il faut réintégrer dans sa plénitude originelle afin de parvenir à l’Harmonie cosmique.
[91] Ce que prononce la marâtre, c’est un « charme contraignant », une sorte d’incantation magique que les Irlandais appellent geis. On trouve un exemple analogue dans le récit irlandais des Aventures d’Art, fils de Conn, J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande, édition 1978, pp. 184-191.
[92] Trait de mœurs très celtique, et plus particulièrement gallois : au VIIIe siècle, c’était la coutume, dans les familles nobles, de faire couper les cheveux de leurs enfants par un chef renommé. Cela constituait une sorte d’initiation sociale et spirituelle.
[93] Tout ce passage est la traduction littérale du texte gallois. On remarquera le mélange ahurissant d’éléments réalistes d’une extrême précision et de projections mentales allant jusqu’au fantastique.
[94] Chez les anciens Celtes, Bretons et Irlandais, et jusque vers le XIe siècle, la valeur des terres, des objets, des animaux et même des personnes (notamment dans le cas des esclaves) se calculait sur la base des têtes de bétail. Ce qui renforce la thèse attribuant pour origine aux structures sociales des Celtes les coutumes d’un peuple de pasteurs nomades.
[95] Tout ce passage dénote une société archaïque par rapport aux descriptions des récits médiévaux. Dans ce texte, qui est le plus ancien de tous les récits concernant Arthur, il n’est pas question de chevalerie, ni de courtoisie à la mode des auteurs des XIIe et XIIIe siècles. Pour comprendre cette étrange épopée, il convient de se replonger dans l’atmosphère du haut Moyen Âge, à l’époque mérovingienne, avec en outre l’influence de cette société celtique primitive telle qu’elle existait encore au Pays de Galles et en Irlande. Dans ce passage, il faut comprendre la « cour » d’Arthur comme une assemblée plénière où tous les guerriers, chevaliers ou non, sont admis ; mais le « conseil » que tient Arthur avec quelques compagnons est un « huis clos », une véritable réunion de « bureau politique », à laquelle ne sont admis que certains responsables.
[96] Le « Château des Pucelles » est la dénomination romanesque, médiévale, de la cité d’Édinburgh. De Tintagel, au sud-ouest, dans la péninsule de Cornwall, jusqu’à Édinburgh, nord-est, actuellement en Écosse, mais à l’époque historique arthurienne domaine des Bretons du Nord, c’est donc l’ensemble du royaume de Bretagne qui est concerné.
[97] Il s’agit encore une fois d’un geis celtique, souvenir évident des malédictions druidiques frappant un pays ennemi de stérilité.
[98] C’est évidemment un signe d’orgueil de la part de Kilourh. Mais ce genre d’entrée fracassante se retrouve dans plusieurs textes arthuriens, notamment dans certaines versions de la Quête du Graal, où Perceval agit de la même façon. Quoi qu’il en soit, ce détail est encore la preuve que le décor habituel de l’épopée arthurienne n’est pas celui des XIIe et XIIIe siècles, mais celui de l’Antiquité finissante ou du haut Moyen Âge. Kilourh ou Perceval ne pourraient pénétrer ainsi dans la grande salle d’un château fort tel que nous en voyons des vestiges actuellement, car cette salle serait nécessairement à l’étage. Dans l’esprit des conteurs, même ceux des XIIe et XIIIe siècles, qui ne font qu’actualiser des données antérieures, il s’agit bel et bien d’une forteresse de type celtique, soit un grand enclos fortifié sur une hauteur, à l’intérieur duquel se trouvent dispersées différentes maisons. Si l’on tient compte de cette réalité historique, l’entrée de Kilourh, à cheval, dans la salle du conseil, n’a rien que de très normal et n’est pas due à la fantaisie naïve de quelque auteur en mal de pittoresque.
[99] C’est un bel exemple de don royal obligatoire et contraignant. Le roi est tenu d’accorder un don sans savoir de quoi il s’agit, compte tenu des restrictions annoncées solennellement. S’il n’accordait pas le don, même si celui-ci est extravagant, le roi serait déshonoré à tout jamais.
[100] Le récit original gallois utilisé ici, Kulhwch et Olwen, a été composé bien avant la formation de la légende de Merlin. Le personnage, on s’en doute, n’y apparaît pas. Mais, dans cet épisode, deux personnages, qu’Arthur adjoint effectivement à l’expédition, offrent toutes les caractéristiques du Merlin médiéval classique : Gwrhyr Gwalstawt Ieithœd (« Homme long connaissant toute langue »), « parce qu’il savait toutes les langues », et Menw (« intelligence »), fils de Teirgwaedd, qui a vraiment toutes les caractéristiques du devin-magicien tel qu’est présenté Merlin dans les textes classiques.
[101] Il est évident que les héros se trouvent ici dans l’Autre Monde, cet univers parallèle où les Celtes plaçaient les demeures des dieux, des démons et des défunts. Yspaddaden Penkawr (« Tête de Géant ») est un personnage cyclopéen infernal dont l’équivalent, dans la mythologie irlandaise, est le géant Balor, à l’œil qui foudroie, chef du mystérieux peuple des Fomoré. Voir J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande, pp. 25-30.
[102] Cela signifie que le berger considère Kilourh comme virtuellement mort, déjà tué par le redoutable Yspaddaden.
[103] C’est un thème mélusinien : tous les samedis, la jeune Olwen reprend obligatoirement sa véritable nature en accomplissant un geste symbolique. Le lavement de la tête équivaut au bain que prend Mélusine avec sa queue de serpent.
[104] Attitude incompréhensible si l’on ne se réfère pas au thème mélusinien : Mélusine est aussi la « serpente », la Vouivre qui, lorsqu’elle boit à une fontaine, ôte le diamant ou la pierre précieuse qu’elle a sur la tête et dont on peut alors s’emparer. Voir J. Markale, Mélusine, nouvelle édition, Paris, Albin Michel, 1993, pp. 111-144.
[105] Le détail n’est compréhensible que si l’on se réfère au récit gaélique de la Bataille de Mag Tured, à propos du géant Balor : « Celui-ci avait un œil pernicieux ; cet œil ne s’ouvrait que dans le combat. Quatre hommes soulevaient la paupière avec un croc bien poli qu’ils passaient dans la paupière. L’armée qui regardait cet œil ne pouvait résister » (Georges Dottin, l’Épopée irlandaise, nouv. éd., Paris, 1980, p. 26). Dans le récit gallois, le géant n’a plus l’œil « foudroyant » du Fomoré Balor, mais il a gardé ce même aspect cyclopéen. Le thème développé ici est le même que celui de l’épisode de Polyphème dans l’Odyssée.
[106] Dans le récit irlandais, le dieu Lug vient à bout du géant Balor en lui lançant une balle de fronde dans son œil « foudroyant ». De même, Ulysse enfonce un pieu dans l’œil de Polyphème. L’aveuglement du géant marque la neutralisation de son pouvoir maléfique.
[107] Le nom d’Amaethon provient de l’ancien mot celtique ambactos et signifie « laboureur ». Le nom gallois de Govannon signifie « forgeron », et il a pour équivalent irlandais le dieu forgeron Goibniu, l’un des Tuatha Dé Danann. Quant à Dôn – par ailleurs mère de Gilvaethwy, devenu Girflet dans les romans arthuriens –, elle est l’équivalent de la déesse mère irlandaise Dana, qui porte encore le nom de Brigit aux trois visages, déesse de la science, de la poésie et des techniques, celle que César classe comme étant la Minerve gauloise.
[108] Voir le. chapitre « le Chef des Bardes » dans la première époque de cette série, la Naissance du roi Arthur, pp. 192-212.
[109] Animal fantastique et infernal signalé dans le texte latin de l’Historia Brittonum, au IXe siècle (Porcus Troit, le mot twrch signifiant effectivement « cochon »). Mabon est le Maponos (« fils », ou « filial ») des inscriptions gallo-romaines, et Modron est la forme galloise de la déesse mère gauloise Matrona (« maternelle »). Le mythe de Twrch Trwyth est très ancien et il a persisté dans ces fameuses « Chasses d’Arthur » ou « Mesnies Hellequin » qui hantent la tradition populaire occidentale.
[110] Pour comprendre cette scène, il faut encore se référer à la Bataille de Mag Tured, quand Lug, le « Multiple Artisan », ne peut pénétrer dans la salle où sont réunis les Tuatha Dé Danann qu’après avoir précisé au portier qu’il possédait à lui seul la maîtrise de tous les arts et techniques.
[111] Sic. L’épisode est représenté sur le célèbre Chaudron de Gundestrup, qui est un véritable livre d’images sur la mythologie celtique (Musée d’Aarhus, au Danemark).
[112] D’après les principaux épisodes du Kulhwch et Olwen, récit gallois contenu dans le manuscrit dit Livre Rouge de Hergest, du XIVe siècle. Ce récit de Kulhwch et Olwen est le plus ancien texte littéraire connu à propos du roi Arthur. On peut le dater du XIe siècle ; mais des archaïsmes prouvent que le schéma provient d’une rédaction plus ancienne qu’on peut faire remonter au IXe siècle, et peut-être bien avant. L’atmosphère générale est bien différente de celle qu’on remarque dans les romans courtois des XIIe et XIIIe siècles, et tous les épisodes se réfèrent à des thèmes mythologiques très anciens, remontant au paganisme druidique. C’est vraiment dans ce récit – que j’ai raccourci et adapté pour l’accorder avec l’ensemble du cycle arthurien – que se manifeste le caractère authentique du personnage d’Arthur, chef de guerre de la fin de l’Antiquité et du début de l’époque mérovingienne, au milieu d’épisodes qui appartiennent incontestablement à la mythologie celtique la plus archaïque.
[113] D’après divers épisodes du Merlin de Robert de Boron, et du Merlin de Gautier Map.
[114] Terme utilisé dans le texte médiéval.
[115] D’après le Lai du Lécheur, lai anonyme breton en langue d’Île-de-France, datant des environs de l’an 1200. Traduction intégrale dans D. Régnier-Bohler, le Cœur mangé, Paris, Stock 1979, pp. 169-172.
[116] Bien entendu, cet aspic sort tout droit d’un des nombreux « Bestiaires » fantastiques du Moyen Âge.
[117] Allusion aux phénomènes prêtés aux vampires. Voir J. Markale l’Énigme des Vampires, Paris, Pygmalion, 1991.
[118] Il s’agit du futur Lancelot du Lac, et non pas du fils de celui-ci, qui sera l’un des trois héros de la Quête du Saint-Graal.
[119] D’après le Merlin de Robert de Boron.
[120] D’après l’épisode gallois de la légende, contenu dans plusieurs manuscrits des XVIe et XVIIe siècles. Revue celtique, XXXIV, pp. 358 et suiv.
[121] Ce détail ne se trouve que dans le Roman de Tristan en prose, qui date du milieu du XIIIe siècle ; mais il est exactement conforme au mythe fondamental de Tristan, homme-lune, et Yseult, femme-soleil. Voir J. Markale, l’Amour courtois ou le Couple infernal, Paris, Imago, pp. 146-157.
[122] D’après le Tristan, récit anglo-normand de Béroul écrit vers 1165, et conservé de façon fragmentaire dans le manuscrit 2171 de la Bibliothèque nationale de Paris, édité par Ernest Muret, Paris, Champion, 1947. Traduction complète dans André Mary, Tristan et Yseult, Paris, Gallimard, 1941.
[123] C’est une hutte faite de branchages sur des fondations en pierres sèches.
[124] Cette réflexion indique suffisamment ce qu’on pensait, dans certains milieux, au XIIIe siècle, de la chevalerie : sous prétexte d’exploits et de protection de territoires, des chevaliers sans fortune rançonnaient bien souvent les voyageurs pour le compte d’un seigneur, propriétaire des lieux. Mais on pouvait s’assurer contre ces inconvénients en achetant un sauf-conduit délivré par le seigneur et qui garantissait le libre passage sur ses terres. Ces curieuses méthodes de racket, issues directement des ordres de chevalerie si vantés actuellement par les nostalgiques d’un passé purement imaginaire, sont à l’origine des « péages », « droits de douane » et autres taxes que les sociétés contemporaines ont bien su reprendre à leur compte.
[125] La guivre ou vouivre, dont le nom provient du latin vipera, est un animal bien connu non seulement des bestiaires fantastiques du Moyen Âge, mais également de la tradition populaire orale de l’Europe occidentale. Dans certaines légendes, ces vouivres sont considérées comme des femmes-serpents qui portent une pierre précieuse talismanique dans la tête. Ceux qui réussiraient à s’emparer de cette pierre, généralement une escarboucle, seraient en possession de nombreux pouvoirs magiques. Le thème de la guivre est indiscutablement le même que celui de Mélusine. Voir J. Markale, Mélusine, pp. 126-128 de l’édition 1993.
[126] C’est le nom du Snowdon, la grande montagne du Pays de Galles, en gallois Eyri.
[127] D’après le récit le Beau Déconnu, texte français du milieu du XIIIe siècle, reprenant des thèmes qui semblent remonter très loin dans le temps, et qu’on peut considérer comme un des plus anciens de ce qu’on appelle les « contes de fées ».
[128] C’est-à-dire sans heaume, sans haubert, sans lance et sans bouclier. Le mot « armes », au Moyen Âge, recouvre tout l’armement du chevalier, en particulier ce que l’on appelle « armure », et, dans un sens figuré, les marques héraldiques que porte le chevalier sur son bouclier. Le chevalier que rencontre Balin est donc sans « armure » et sans marque héraldique.
[129] Pellès (Pellehan dans le récit original) est le Roi Pêcheur de la Quête du Saint-Graal.
[130] Gaste Pays : « pays désolé » ; Terre Foraine : « terre étrangère ». Ce sont les deux noms que les versions classiques donnent au royaume du Graal. La blessure du Roi Pêcheur provoque en effet la stérilité et la ruine du royaume, et il faudra attendre l’arrivée du « Bon Chevalier », Perceval dans les versions les plus anciennes, Galaad dans les versions les plus christianisées, pour redonner la vie et la prospérité à ce pays déchu. Tel est le sujet de la Quête du Saint-Graal.
[131] D’après le Merlin de Robert de Boron, et, pour certains épisodes qui manquent dans le récit français, les passages correspondants du Morte d’Arthur de Thomas Malory (1450). Le récit original, très long, très confus et parfois incohérent (sans doute à la suite d’un remaniement maladroit), est l’un des plus étranges de tout le cycle du Graal. Mais il est essentiel dans le schéma général, car il donne une explication à la blessure du Roi Pêcheur tout en nous replongeant dans le mythe primitif du Graal qui était vraisemblablement une histoire de vengeance par le sang, ou plutôt de rachat par le sang. Dans ces conditions, il était normal que le thème fût récupéré par la mystique chrétienne, puisque le Graal est censé contenir le sang du Christ, sang versé pour le rachat du genre humain. En dépit des obscurités de ce récit, on voit se dessiner nettement la « signifiance » du cycle et la totale continuité des éléments païens et chrétiens.
[132] D’après le Merlin de Gautier Map.
[133] D’après le Merlin de Robert de Boron. Dans le texte original, Viviane, pour se débarrasser de Merlin, prétend dormir dans la chambre des amants. Pendant la nuit, elle l’endort d’un sommeil magique et l’enferme dans le tombeau. Mais la version dite de Gautier Map est toute différente.
[134] D’après le Merlin de Gautier Map.