-Ici nous procédons à la fécondation des ovules stockés à partir de spermatozoïdes sélectionnés chez les rares mâles qui en produisent encore. Pendant un mois les embryons se développent dans ces incubateurs spéciaux, puis ils sont mis en état de vie suspendue jusqu'à ce que nous ayons un organisme pour les faire se développer.
Les deux femmes longèrent un couloir et Ryna montra une porte :
-Normalement c'est ici que les embryons sont introduits quatre par quatre dans les cavités abdominales des niâtes que tu nous procures, expliqua Ryna.
Quelques mètres plus loin, elles arrivèrent dans une longue pièce constituée d'un ensemble de cellules vitrées. Dans chacune d'elles un primitif était enfermé. En voyant arriver tes femmes, certains poussèrent des grognements.
-Ils croient que c'est l'heure de la distribution de nourriture, ricana Ryna. Au début, c'est fou ce qu'ils peuvent engloutir!
Dans tes dernières cages, les hommes ne bougeaient plus. Ils étaient allongés sur un lit, le ventre gonflé, monstrueusement distendu. Des tubulures partaient de flacons de couleurs variées et arrivaient dans les veines des bras.
-Sur la fin, ils ne peuvent plus manger et nous sommes obligés de tes nourrir artificiellement. Il faut également augmenter considérablement les doses d'immunodépresseurs.
Fièrement elle précisa :
-Normalement tes organismes sécrètent des substances destinées à éliminer les corps étrangers, c'est-à-dire tes embryons, artificiellement introduits. Nous possédons heureusement toute une gamme de produits susceptibles de neutraliser tes protéines antagonistes. Toutefois, nous devons maintenir une atmosphère stérile pour éviter les risques d'infection intercurrente.
Ryna désigna une cage. L'occupant était allongé, tes yeux mi-clos. Son visage était décharné et sa peau mince, cireuse devenait presque diaphane.
Après avoir soigneusement vérifié les indications portées sur une pancarte collée contre la porte, Ryna sourit :
-Tu as de la chance, celui-là est à terme et tu vas pouvoir assister à une intervention.
Elle appuya sur un bouton et quatre solides techniciennes en blouse blanche apparurent poussant un chariot. Elles saisirent l'homme et l'allongèrent sur le brancard. Il tenta un instant de se défendre mais il fut rapidement maîtrisé et attaché.
Curieuse, Myrna suivit Ryna jusqu'à une autre salle d'opération. La biologiste ôta sa tunique, offrant sans complexe son corps charnu aux regards de sa congénère, puis passa dans un sas où une multitude de filets de liquide antiseptique jaillirent de la paroi, bientôt remplacés par des jets d'air stérile.
Elle revêtit ensuite une blouse et enfila ses gants. Pendant ce temps, une assistante avait guidé Myrna jusqu'à une lucarne où elle pouvait voir ce qui se déroulait dans la salle.
-Prêt, annonça Ryna en saisissant son bistouri.
D'un geste vif, elle incisa la peau du ventre sur la ligne médiane du pubis jusqu'au sternum.
Tandis qu'une aide tamponnait les rares vaisseaux sanguins qui avaient échappé à la coagulation-laser, Ryna ouvrit le péritoine et posa habilement des écarteurs. Aussitôt quatre foetus apparurent à travers une mince membrane translucide, flottant dans un liquide abondant.
Rapidement, elle ouvrit un premier oeuf, saisit l'enfant et clampa te cordon tandis que son assistante aspirait te liquide qui s'écoulait à flots. Lorsqu'elle eut confié le quatrième foetus à l'aide qui se trouvait en retrait derrière elle, elle contempla un instant ta masse rouge, charnue du placenta qui s'était collée sur te péritoine, te foie et l'intestin perforant ce dernier en de multiples endroits.
Elle se contenta de poser des ligatures sur les cordons ombilicaux, puis referma la paroi abdominale à gros points, après avoir glissé quelques drains plastiques.
-Normalement, dit-elle, je pourrais l'envoyer à l'incinérateur sans même refermer, mais je me suis aperçue que certains individus arrivaient à survivre. Ils peuvent ainsi resservir une autre fois mais je n'ai jamais pu dépasser la seconde intervention. Cela ne sera pas le cas de celui-là car il me semble avoir de grosses lésions. Enfin nous verrons bien.
Ryna revint vers Myrna, tandis qu'une assistante l'aidait à se débarrasser de sa blouse.
-Voilà, la visite est terminée, ricana la jeune femme. Les enfants sont confiés à des puéricultrices qui s'en occuperont jusqu'à ce qu'ils soient en état de supporter le voyage vers notre planète Swiz.
Tandis que Myrna regagnait son bureau, Ryna passa particulièrement la main sur les fesses de son assistante qui ne fit rien pour s'écarter.
-Viens dans ma chambre, murmura-t-elle, j'ai besoin d'affection !
CHAPITRE XIV
Tor était rigoureusement immobile, son arc à la main, épiant les bruits de la forêt, bien dissimulé par un épais buisson. En cinq ans, il était devenu un solide jeune homme, aux muscles allongés, dépassant presque d'une tête ses camarades.
Cnex avait vieilli mais était toujours le chef, veillant au développement harmonieux de la petite communauté où les derniers arrivants s'étaient fort bien intégrés. Le champ de graines avait été agrandi et produisait une importante récolte permettant d'avoir des galettes à tous les repas.
Pour pallier les irrégularités de la pêche, Tor avait fait construire au bord de la rivière des viviers où, en bonne saison, s'accumulaient les poissons argentés en attendant qu'ils soient sortis de l'eau pour être fumés.
Surtout le jeune homme avait introduit encore une réforme. Ayant remarqué que certaines terres glaises se modelaient facilement, il avait confectionné des pots qu'il avait mis à sécher d'abord au soleil. Puis il avait inventé un four pour les faire cuire et leur donner encore plus de solidité.
Les mois derniers, il avait même dû construire une petite hutte pour abriter sa production que surveillaient T'Lo et M'No. Son entente avec les deux femmes était parfaite et nombre de soirées étaient fort houleuses.
Aussi avait-il l'esprit plein de rage de savoir que les diablesses allaient une fois encore bouleverser ce bonheur paisible. Soudain, il les vit, courant à courtes foulées. Il les laissa passer, puis visa le large dos de celle qui fermait la marche. La flèche partit en sifflant, atteignant sa cible. Toutefois, au grand désespoir de Tor, elle rebondit avec un petit bruit. Il ne pouvait savoir qu'au dernier moment, Myrna avait exigé que les chasseresses portent sous leur tunique une mince cuirasse de plastique!
Déjà la chasseresse s'était retournée en hurlant, le doigt pointé dans sa direction. Tor voulut partir en courant. Trop tard ! Il se heurta presque avec le groupe couvrant le premier.
Comme au ralenti, il vit une diablesse lever son arme, sentit une piqûre et presque aussitôt une torpeur le gagna. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il glissa sur le sol.
Des mains brutales arrachèrent son arc et son poignard puis lui lièrent les poignets dans le dos avec de curieuses sangles. Par orgueil, il voulut résister au sommeil. Comme dans le cas de la morsure du ribac, il lui sembla que d'étranges substances apparaissaient dans son organisme neutralisant la toxine.
Maintenant il était toujours incapable de bouger mais parfaitement conscient. Derrière ses paupières mi-closes, il vit un traîneau assez vaste se poser. Deux chasseresses le portèrent jusqu'à une sorte de grande cage où un corps était déjà affalé. Tor reconnut N'Mok qui dormait profondément. En démontant le pistolet autrefois récupéré, Tor s'était aperçu qu'il contenait douze aiguilles métalliques emplies d'une goutte de liquide.
L'appareil décolla aussitôt. À travers les barreaux, Tor pouvait regarder le poste de pilotage. Fasciné, il épiait les mouvements du pilote. Cinq fois l'appareil se posa pour récupérer un corps endormi. Avec soulagement, Tor constata qu'Homme-Sage et Cnex avaient échappé à la captivité !
Puis l'engin prit de l'altitude et mit le cap vers le sud. Avec surprise, Tor comprit qu'il y avait deux pédales, une pour accélérer, l'autre pour ralentir et une tige médiane surmontée d'une boule qu'il suffisait d'incliner dans la direction où l'on souhaitait aller.
Après deux heures de vol, le Trans amorça sa descente et se posa sur l'astroport à peu de distance d'une bâtisse sans étages. Des serviteurs arrivèrent alors avec des chariots. Tor examina avec curiosité ces hommes grands, à la chevelure blonde mais pratiquement dépourvus de système pileux et aux organes génitaux infantiles.
Rapidement, les serviteurs organisèrent le transport des hommes inconscients et Tor se retrouva enfermé dans une cellule grillagée ne comportant qu'une litière de paille.
Surpris, Tor vit passer d'autres serviteurs, beaucoup plus petits qu'il prit pour des enfants de douze à quatorze ans. Puis la porte se referma.
***
Dans son bureau, Myrna poussa un soupir de soulagement. La chasse s'était terminée sans incident.
-Heureusement que tu as institué le port des cuirasses, reconnut Ryna, sinon nous aurions eu deux morts à déplorer malgré l'utilisation des doubles équipes.
Une chasseresse pénétra alors dans ta pièce. Elle était colossale, avec des muscles impressionnants. Ses bras étaient plus gros que les cuisses de ses compagnes.
-Bienvenue, Riwa, dit aimablement le commandant. Je pense que votre groupe a passé une agréable journée.
-Excellente, Myrna, le gibier était rusé et de bonne qualité. Je ne manquerai pas, à mon retour sur Swiz, de dire à notre vénérée Impératrice tout le bien que je pense de toi.
Le commandant remercia d'une inclination de tête.
-Maintenant, reprit la colossale blonde, il nous faut organiser les jeux pour demain. J'ai décidé de descendre dans l'arène avec Vêla et Sama. Nous voudrions choisir nos adversaires.
-Allons voir notre gibier. Ryna nous accompagnera car elle a priorité pour son centre de reproduction.
-J'espère que nous pourrons nous entendre, car l'Impératrice est très friande de la retransmission télévisée de nos jeux, insinua Riwa.
Bientôt le trio, précédé d'un serviteur, pénétra dans la prison. Riwa esquissa une grimace.
-Ils puent, ricana-t-elle.
Elles passèrent lentement les cages en revue. Les guerriers étaient réveillés et certains tentaient de secouer les barreaux métalliques en poussant des grognements.
Myrna s'arrêta brusquement en voyant Tor qui se tenait debout. Elle fut frappée par sa beauté et la vivacité de son regard. Soudain il lui sembla monstrueux de l'imaginer avec un ventre énorme et des membres amaigris. Mieux valait pour lui une mort rapide !
Soudain une querelle éclata entre ses deux compagnes.
-Il a des hanches trop étroites, disait Ryna. Jamais quatre foetus ne pourront se développer.
-Que veux-tu que nous fassions d'un pareil gringalet! Il nous faut des adversaires solides.
Myrna feignit de réfléchir.
-Il est beaucoup plus musclé qu'il paraît, dit-elle, et il doit être très rapide. De plus les rapports indiquent qu'il avait en sa possession un couteau de chasseresse et il est peut-être responsable de la mort d'une des nôtres. En combat singulier, il doit être très dangereux et je ne voudrais pas que vous preniez des risques. Mieux vaut l'envoyer au centre de reproduction !
Une forte hilarité secoua la « colosse », faisant tressauter ses mentons multiples.
-Imagines-tu qu'une chasseresse puisse être vaincue par un mâle ! Je te prouverai demain ton erreur. Sama le coupera en tranches en un temps record !
-Fais comme tu l'entends, Riwa, mais tu en prends la responsabilité.
CHAPITRE XV
Sur l'astroport, une arène avait été dressée. Elle était circulaire, entourée d'une palissade d'éléments plastiques. Des gradins l'entouraient pouvant accueillir deux cents personnes. Une loge un peu surélevée avait été prévue pour Myrna, ses principales collaboratrices et les visiteuses. Les serviteurs étaient également conviés et occupaient toute la partie opposée à la tribune.
Sur un signe de Myrna, une porte s'ouvrit et les trois guerrières avancèrent jusqu'à la loge. Elles avaient leur tenue de chasse, tunique, courtes bottes et casques. Elles portaient au bras gauche un bouclier rond et tenaient à la main droite une solide épée.
Selon un cérémonial immuable depuis un siècle, elles se tournèrent d'abord vers les caméras de télévision dominant l'estrade et saluèrent profondément, puis elles levèrent leurs épées et s'adossèrent à la balustrade.
Après un nouveau signe du Commandant, une porte s'ouvrit et trois mâles furent poussés dans l'arène. Ils étaient entièrement nus et n'avaient pour toute arme qu'une solide massue.
Ils avancèrent, hésitants, éblouis par la vive lueur du soleil. Avec des hurlements, les chasseresses s'avancèrent vers leurs adversaires. Tor se trouva en face d'une solide virago, aux muscles noueux et à ta lèvre supérieure ourlée d'une fine moustache.
Il n'eut pas le temps de la détailler davantage car elle s'était avancée et lui portait un coup de fouet destiné à lui zébrer le thorax. Il esquiva de justesse d'un retrait du buste et riposta de sa massue.
Immédiatement, la chasseresse avait levé son boucher qui amortit facilement le choc. Plus vive que son aspect massif le laissait croire, elle lança une nouvelle attaque.
Tor écarta le fer d'un revers de sa massue et frappa non sur le bouclier déjà levé à la parade mais sur le bord. Sous le choc violent, les attaches se rompirent et le bouclier tomba sur le sol.
Une immense clameur salua cet exploit. Les mains crispées sur l'accoudoir de son fauteuil, Myrna se pencha en avant. Furieuse, la chasseresse frappait maintenant sous tous les angles sans parvenir à toucher un adversaire qui esquivait sans cesse.
Profitant du déséquilibre momentané de la femme, Tor fit un saut de côté et la toucha à hauteur des reins. Un grondement de douleur jaillit des lèvres contractées de la chasseresse, tandis qu'un lourd silence s'abattit soudain sur le stade.
Le visage congestionné, couvert de sueur, la respiration haletante, la chasseresse, pleine de rage, s'obstina à attaquer. Un coup à l'estomac lui bloqua la respiration. Aussitôt elle vit son épée s'envoler tandis qu'une épouvantable douleur irradiait de son coude fracturé.
Malgré tout son courage, elle glissa à terre. Tor leva sa massue sur son crâne mais au dernier instant, il retint le coup. Le choc fut rude mais l'os ne se brisa pas.
Dans un silence incrédule, il alla ramasser l'épée, la soupesa. Bien qu’il n'eût jamais vu une arme semblable, une certitude s'imposa à son esprit survolté... Epée... escrime...
Une clameur le ramena aux réalités présentes. Riwa venait de plonger son épée dans le coeur du malheureux N'Mok. La troisième chasseresse avait plusieurs fois touché son adversaire qui toutefois se défendait encore.
-Riwa, vengeance ! vengeance ! hurlèrent toutes les spectatrices.
Vivement, la « colosse » s'avança vers Tor immobile. Parade de quarte, de sixte, quinte..., murmura-t-il étonné en bloquant à chaque fois les attaques.
Les deux adversaires étaient maintenant au corps à corps. Confiante dans sa force, Riwa tenta de faire reculer ce mâle ridicule. Elle eut l'impression de heurter un mur !
Soudain Tor se déroba et Riwa plongea en avant tandis qu'une douloureuse estafilade lui zébrait le dos. Rugissant de colère, elle repartit à l'assaut. Une riposte rapide après une parade de quinte fit voltiger son casque et quelques gouttes de sang jaillirent d'une plaie du cuir chevelu.
Maintenant c'était au tour de Tor d'attaquer. Il feinta deux fois puis se fendit. La pointe de l'épée laboura l'avant-bras droit de Riwa avant de transpercer le coude. La douleur fit lâcher à la chasseresse son arme et baisser son bouclier. Aussitôt Tor frappa de la poignée de son épée en pleine figure, écrasant les dents. Sous le choc, la « colosse » bascula en arrière et tomba inanimée sur le sol.
Un sentiment aigu de danger fit se retourner Tor. La troisième chasseresse, enfin débarrassée de son adversaire, arrivait à la rescousse. Cette fois, le combat ne dura guère. Tor para en quarte et riposta d'un coup de pointe qui traversa la cuisse de ta chasseresse puis i) mit fin au combat d'un vigoureux coup de plat d'épée sur le sommet du crâne.
La voix sèche de Myrna rompit le silence pesant qui s'était installé.
-Gardes, reconduisez le prisonnier dans sa cellule ! Nous déciderons ultérieurement de son sort.
***
Ryna pénétra dans le bureau de Myrna, très absorbée par la rédaction de son rapport.
-Les interventions sont terminées. Elles s'en tireront toutes les trois. Ce sauvage a fait preuve de modération. Sama a une fracture du coude et une bosse sur le crâne alors qu'elle aurait pu être tuée sur le coup. Riwa sera obligée de porter des prothèses dentaires mais ses plaies sont sans gravité comme celles de Vala. Je me demande encore comment cela a pu se produire.
-Ce primitif m'intrigue, concéda Myrna. Pour quelqu'un qui vit à l'âge de pierre, j'ai trouvé qu'il maniait remarquablement l'épée. Enfin, maintenant que je suis rassurée sur le sort de nos amies, je vais pouvoir me coucher.
Ryna se releva en précisant :
-Je passerai la nuit à l'infirmerie pour veiller sur elles.
Myrna, une fois seule, appela par l'interphone son serviteur et lui donna des consignes précises, puis elle gagna son appartement où un repas froid l'attendait.
Tor somnolait dans sa cellule quand la lumière s'alluma brutalement. Un mâle blond ouvrit la porte et se recula prudemment, menaçant Tor d'un pistolet à aiguilles.
D'un geste, il lui fit signe de se tourner et de mettre les poignets derrière le dos. Aussitôt Tor sentit des lanières lui emprisonner les bras. Sous la conduite de son gardien, il traversa une cour puis pénétra dans un élégant pavillon. Le blondinet le poussa dans une pièce carrelée, brillamment éclairée, puis le fit allonger dans une grande cuve.
Aussitôt des filets d'eau colorée j attirent des parois. Tor se laissa aller à la douceur de ce bain, tandis que le serviteur lui passait sur les joues un curieux cube bourdonnant. Une fois rasé, il entreprit de lui tailler les cheveux.
Une demi-heure plus tard, Tor se contempla dans un miroir. Il grimaça lorsque le serviteur ouvrit un flacon de parfum et entreprit de lui frictionner la poitrine.
-Viens, murmura-t-il, j'espère que tu seras en forme, car la maîtresse est terrible quand on la déçoit !
À sa grande surprise, Tor comprit parfaitement la phrase. Il allait répliquer quand la prudence le fit s'interrompre. Mieux valait qu'on ignorât cette particularité.
Poussé par le serviteur, Tor pénétra dans une vaste chambre, l'homme s'agenouilla et tendit le pistolet à Myrna.
-C'est bien ! Attends à côté et sois discret ! Myrna contempla un long moment Tor qui, baigné, coiffé, lui parut encore plus beau. S'avisant que le sauvage regardait la table couverte de plats, elle lui fit signe d'approcher.
-Mange, dit-elle. Tu dois avoir faim, car j'ai complètement oublié d'ordonner qu'on te donne un repas.
Tor avança lentement. Avec prudence, il s'assit sur la chaise et découvrit couteau et fourchette. Maladroitement, il saisit les objets puis découpa une épaisse tranche de viande.
Intriguée, Myrna le regardait dévorer le contenu des plats. Elle avait cm qu'il allait se goinfrer gloutonnement alors qu'au contraire, il gardait une certaine dignité.
-Va t'allonger sur le lit! ordonna-t-elle plus sèchement qu'elle l'aurait voulu.
Repu, Tor obéit, étonné de la mollesse de la couche. Myrna posa son arme et dégrafa sa tunique. Nue, merveilleusement belle, elle s'approcha du jeune homme qui semblait fasciné par ce charmant tableau.
L'heure qui suivit fut aussi houleuse qu'agréable. Toutefois, Tor resta sur une prudente réserve, car il avait compris que l'orgueil de Myrna l'obligeait à garder l'initiative en toutes circonstances.
Enfin la jeune femme se redressa, satisfaite. Jamais un de ses serviteurs ne lui avait procuré un tel plaisir. Elle hésita à faire immédiatement reconduire Tor dans sa cellule mais songea qu'il serait temps d'agir demain à l'aube après une nouvelle expérience.
Elle saisit le pistolet et tira avant que Tor ait pu esquisser un geste.
-Désolée, dit-elle, mais je veux dormir quelques heures sans craindre que tu tentes de t'échapper !
Cette fois, Tor ressentit à peine la torpeur comme si son organisme, maintenant accoutumé, neutralisait immédiatement le poison. Toutefois, il fit semblant de s'endormir.
Myrna resta ainsi plusieurs minutes à le contempler. Elle allait s'allonger quand des coups discrets furent frappés à la porte de sa chambre. Vivement, elle enfila sa tunique et ouvrit. La tête ronde d'Ala se profila dans l'entrebâillement.
-Le prisonnier est-il avec toi ? chuchota-t-elle.
-Oui, mais pour l'instant je l'ai endormi avec une aiguille.
-Je m'en doutais ! C'est pourquoi je suis venue te voir directement. Nous venons de recevoir un message urgent de l'Impératrice.
L'exhibition de cet après-midi, télévisée en direct sur Swiz, a causé un énorme scandale et toute ta cour est indignée. L'Impératrice exige que te sauvage soit dès demain mis à mort devant les caméras. Elle a elle-même précisé tous tes supplices qui devront lui être infligés. Il devra hurler sa douleur pendant des heures avant d'agoniser. J'ai donc pensé que tu désirerais en être informée la première.
-Merci, Ala, je me souviendrai de ton dévouement. Le primitif va être reconduit immédiatement dans sa cellule.
Dès la porte refermée, Myrna se dirigea vers le bouton d'appel, mais figée de stupeur, elle interrompit son geste. Tor se tenait devant elle, le pistolet à ta main. Elle voulut hurler mais te projectile t'avait déjà atteinte, étouffant un cri dans sa gorge.
Vivement, Tor fouilla la chambre, déçu de ne pas trouver d'autre arme qu'un couteau de chasse. Silencieusement, il se glissa dans l'appartement. Le serviteur était tranquillement assis regardant une grosse boîte lumineuse où se profitaient des images.
Tor le saisit par les cheveux et lui appliqua le couteau sur la gorge.
-Un cri et je te tranche le cou, gronda-t-il. Tremblant, l'homme ne bougea pas.
-Où se trouve le garage des Trans ?
-Près de l'astroport ! Mais il y a des sentinelles.
-Conduis-moi, ordonna Tor en poussant vigoureusement son prisonnier.
-Je ne peux pas ! Si les maîtresses apprenaient que je les ai trahies, elles me tueraient !
Tor appuya plus fort la lame.
-Si tu n'obéis pas, je t'égorge immédiatement, gronda-t-il.
Toute résistance vaincue, l'homme capitula.
-Au moins, promettez-moi de m'assommer avant de vous enfuir.
À la suite de l'homme, Tor traversa la cour fleurie, et se glissa entre deux baraquements puis l'homme désigna du doigt un hangar un peu à l'écart.
-Les Trans sont là-bas. Il y a une petite porte sur l'arrière mais tout de suite après se trouve le poste de contrôle avec deux gardes.
-Merci, murmura Tor en appuyant sur la détente de son pistolet.
Aussitôt le serviteur s'écroula, endormi. Tor traversa en courant l'espace découvert et se plaqua contre le vantail métallique. Il écouta longuement mais aucun son ne frappa son oreille. Il ouvrit doucement la porte et se glissa à l'intérieur. De la lumière provenait d'un bureau vitré. Le pistolet à la main, prêt à tirer, il avança. Ses pieds nus glissaient sur le sol sans bruit.
Tor retint un éclat de rire en découvrant les deux gardes fort occupées à des jeux sans aucun rapport avec leur rôle de sentinelles. Elles passèrent de l'extase au sommeil sans même avoir aperçu Tor.
Il ramassa une de ces armes longues au canon effilé.
-Laser, murmura-t-il.
Le mot s'était imposé à son esprit. Avisant une poignée avec des lettres inscrites en dessous, il sut immédiatement que c'était le mécanisme d'ouverture du hangar. Il ne chercha pas à comprendre pourquoi, lorsque son cerveau était sollicité par certains détails pourtant très techniques, la réponse venait immédiatement.
Sans hésiter, il enclencha te mécanisme. Tandis que de vastes portes s'escamotaient automatiquement, il courut vers le Trans le plus près de la sortie.
Il s'installa à la place du pilote, tandis que son regard inspectait le tableau de bord. Presque instinctivement son index appuya sur un bouton rouge. Aussitôt, un discret ronflement fut perceptible tandis que l'appareil s'élevait de quelques centimètres.
Soudain le hurlement d'une sirène résonna à ses oreilles. Probablement un signal d'alarme qu'il n'avait pas su neutraliser. Sans plus tergiverser, il écrasa la pédale de droite. La brutale accélération le rejeta en arrière. Instinctivement, il tenta de se raccrocher à la tige médiane.
Aussitôt l'appareil bondit vers le ciel. Heureusement pour Tor, la vitesse initiale avait été suffisante pour permettre à l'engin de franchir le seuil du hangar. Après quelques maladresses, le jeune homme parvint à stabiliser le Trans en vol horizontal.
Nul doute que les chasseresses allaient le poursuivre et qu'il devrait se cacher et ensuite survivre. Or il était entièrement nu avec seulement un couteau, un pistolet à aiguille et cette curieuse arme.
Instinctivement, Il désira gagner le volcan et la coltine où deux fois déjà il avait trouvé refuge. Il lui fallait donc se diriger vers le nord et espérer que la lune qui se levait lui permettrait de reconnaître le volcan.
Un cadran horizontal avec une aiguille mobile attira son regard et il sut aussitôt où se diriger. Une voix issue du tableau de bord lança brusquement :
-Trans 3, regagnez immédiatement la base. Je répète...
Tor grimaça car, très certainement, la présence de cette radio allait permettre de localiser son appareil. Gardant le pied appuyé à fond sur l'accélérateur, il concentra son attention sur la route à suivre.
Agacé par la voix qui ordonnait sans cesse de revenir, il tourna un bouton situé sur la radio. La voix se tut enfin, bientôt remplacée par une autre.
-Patrouille à Tour de contrôle. Volons à mille mètres. Avez-vous localisé le fugitif?
-Il se dirige vers le nord à basse altitude, ce qui gêne son repérage.
Ainsi la chasse était déjà commencée ! La lune levée éclairait faiblement la masse sombre de la forêt qui défilait sous l'appareil.
Une heure s'écoula seulement entrecoupée par les injures que s'échangeaient la Tour de contrôle et les Trans de chasse.
Tor était incapable d'évaluer la vitesse de son engin, mais elle semblait supérieure à celle du Trans qui l'avait amené jusqu'à la ville des chasseresses. Or, d'après son estimation, ce premier voyage avait duré deux heures. Normalement, il ne devrait pas tarder à voir le volcan, s'il ne s'était pas trompé de direction.
Plusieurs minutes s'écoulèrent, mortellement longues lorsque Tor vit enfin sur l'horizon l'ombre conique, familière, de sa montagne.
Déjà il reprenait espoir quand un cri le fit tressaillir.
-Gibier repéré ! Je gagne rapidement sur lui.
Ter tourna la tête et finit par discerner dans le ciel un minuscule point qui grossissait rapidement. Tout à l'excitation de sa chasse, la pilote commit l'erreur de s'écrier :
-Ça y est ! Je le tiens dans mon viseur ! Instinctivement, Tor écrasa la pédale du frein. Tandis qu'un énorme poids semblait soudain s'abattre sur ses épaules, il vit un éclair rougeâtre passer devant son appareil, bientôt suivi de la masse sombre du Trans ennemi. Le juron de dépit que poussa la chasseresse lui fut fort agréable.
La montagne semblait maintenant toute proche mais Tor comprit qu'il ne pourrait jamais ['atteindre. Déjà le Trans effectuait un virage serré pour revenir vers lui. Avisant une clairière dans la forêt, il piqua dessus, frôlant la cime des arbres, puis donna un violent coup de frein. Avant même que l'engin fût arrêté, Tor sauta et roula sur l'herbe.
Etourdi par sa chute, il regarda le Trans emporté par son élan, poursuivre un instant sa route puis s'écraser contre un tronc. Immédiatement des flammes orangées s'élevèrent jusqu'au faîte des arbres.
Tor ramassa ses armes puis s'éloigna à grandes enjambées.
CHAPITRE XVI
Une aube pâle éclairait l'astroport lorsque Myrna pénétra dans son bureau pour découvrir Ryna installée dans son fauteuil avec à ses côtés Ala, le visage renfrogné, et Riwa. Cette dernière avait la face tuméfiée et ses lèvres gonflées cachaient mal la perte de ses incisives. Enfin son bras droit, couvert de bandages, était immobilisé par une attelle plastique.
-Que se passe-t-il? interrogea sèchement Myrna.
-Le prisonnier que tu avais très complaisamment introduit dans ta chambre s'est évadé. Comme tu dormais, j'ai été obligée de prendre un certain nombre de mesures.
-Tu pouvais fort bien me réveiller par une injection de KZ 3 qui neutralise immédiatement les effets du soporifique.
Un sourire glacé étira les lèvres minces de Ryna.
-J'ai pensé préférable de rendre compte de l'incident directement à notre état-major. L'Impératrice elle-même m'a nommée commandant de cette base. Regagne ton appartement. Tu es aux arrêts de rigueur jusqu'à ce que notre souveraine statue sur ton sort ! Pour l'instant, je dois réparer tes fautes et capturer ce sauvage, ce qui ne saurait tarder.
Myrna comprit qu'elle avait commis t'erreur que sa rivale guettait depuis des années. Les mâchoires serrées de colère, elle fit demi-tour sans même remarquer le regard désolé que lui lançait Ala.
-Primitif! murmura-t-elle. Je crois que cette chère Ryna apprécie mal la situation. Après tout, qu'elle se débrouille ! Si elle échoue, cela diminuera ma responsabilité !
Pendant ce temps, le nouveau commandant mettait son plan au point avec ses collaboratrices.
-Résumons-nous, le Trans s'est écrasé ici. Un équipage a vérifié l'épave sans trouver trace du corps. Peu après les détecteurs ultrasensibles ont localisé le fugitif un peu plus au nord. Un appareil reste en permanence au-dessus de la région et suit sa course mètre par mètre. Des transports déposeront huit patrouilles de quatre chasseresses.
Rapidement, Ryna désigna les emplacements.
-Ainsi nous cernerons toute la région et U ne pourra s'échapper. Les consignes sont d'essayer de le capturer vivant mais mieux vaut l'abattre que de le laisser échapper. L'armement comprendra donc pistolets à aiguilles et laser!
Riwa gronda d'une voix rendue sifflante par l'absence de dents :
-Mes filles vont le capturer en un temps record ! Je réclame le plaisir de lui infliger les premières tortures !
-Nous en discuterons quand le gibier sera pris ! concéda Ryna avec un sourire indulgent. Maintenant au travail !
***
Tor marchait rapidement. Depuis sa descente précipitée du Trans, il ne s'était accordé que quelques minutes de repos au bord d'un ruisseau où il s'était désaltéré. Il avait faim et des crampes tiraillaient son estomac. Malheureusement, ce n'était pas le moment de songer à chasser.
Soudain, il perçut derrière lui les bruits familiers d'une course. Les diablesses étaient déjà sur sa trace ! Il accéléra encore son allure. Un quart d'heure plus tard, il arriva à un espace herbeux d'une centaine de mètres. Il songea à le contourner mais un détail attira son attention. Sur un cercle d'environ cinq mètres, la végétation avait disparu.
Laissant une trace bien visible, il courut vers la zone dénudée qu'il franchit d'un bond. Il atteignait à nouveau le couvert des arbres lorsque des clameurs retentirent. Un groupe de chasseresses venaient de l'apercevoir. Il s'arrêta un instant pour les contempler.
Les quatre femmes sûres de leur force s'élancèrent en avant. Déjà les deux plus rapides atteignaient la zone sans herbe. Le drame éclata brutalement. Ce qui semblait de la terre ordinaire se révéla être une poussière impalpable dans laquelle elles enfoncèrent jusqu'au torse.
Immédiatement un immonde grouillement se produisit, révélant une nuée d'insectes grisâtres de la taille d'un pouce et pourvus d'une paire de pinces tranchantes. Couvertes d'insectes, les chasseresses poussèrent des cris déchirants. Leurs mouvements maladroits ne firent que les enfoncer plus dans la poussière.
-Bon appétit, petits tsers, ricana Tor, en reprenant sa course.
Médusées d'horreur, les deux autres chasseresses contemplaient, impuissantes, l'horrible spectacle. Déjà les victimes n'avaient plus de peau ! Muscles et aponévrose apparaissaient à nu ! Les hurlements diminuaient d'intensité quand une survivante, livide, brancha sa radio d'un index tremblant.
-Restez sur place ! ordonna Ryna, aussitôt avertie. J'envoie une patrouille vous remplacer. Il semble que vos compagnes soient tombées dans un nid de tsers, sorte d'énormes fourmis carnivores. Si vous le pouvez, achevez vos amies pour leur éviter d'atroces souffrances.
Pâle de rage, le nouveau commandant distribua ses ordres puis appela le Trans de surveillance qui répondit aussitôt :
-Nous localisons toujours le gibier, qui marche obstinément vers le nord. Bientôt il entrera en contact avec les patrouilles Alpha et Gamma.
-Avertissez-les, recommanda Ryna en déplaçant une petite pastille colorée sur sa carte.
***
Tor avait ralenti sa course et maintenant se glissait silencieusement à travers les buissons. Un vent léger fouettait son visage et son odorat exacerbé percevait une odeur de sueur mêlée à un discret parfum.
-Gamma Deux, ouvrez l'oeil ! Gibier légèrement sur votre gauche.
Le bruit tout proche fit sursauter Tor qui plongea aussitôt à terre. Il était temps ! Un éclair rougeâtre passa au-dessus de lui et frappa un tronc d'arbre quelques mètres derrière lui, creusant dans le bois un large sillon.
Tor saisit le laser. Instinctivement son index trouva la détente et il tira sur une silhouette entrevue un instant entre deux buissons. Avançant prudemment, il buta presque contre le cadavre de la chasseresse, étendu sur le sol avec un petit trou noir juste entre les deux yeux.
Sans plus s'attarder, il reprit sa course tandis que la radio émettait :
-Gamma Deux, attention ! Le gibier semble vous dépasser...
***
De rage, Ryna brisa la règle qu'elle tenait à la main.
-C'est invraisemblable, lança-t-elle à Riwa. Le primitif a réussi à forcer notre encerclement et nous avons déjà perdu trois compagnes.
-Pourquoi le Trans de surveillance ne tire-t-il pas avec son laser lourd ?
-C'est impossible ! La forêt est trop dense et il ne peut le repérer avec assez de précision. De plus, nos patrouilles sont beaucoup trop près !
-Dans ce cas, il faut envoyer des renforts et cerner entièrement cette curieuse colline où le gibier sembla se diriger avec acharnement.
Tandis que Ryna distribuait ses ordres, Riwa ajouta fielleusement :
-Je n'ose imaginer la déception de notre Impératrice si ce sauvage parvenait à s'enfuir !
***
Tor gravissait les premières pentes de la colline. La végétation moins dense l'obligeait à progresser courbé. Déjà il apercevait l'amas rocheux où il espérait trouver refuge. Plus il progressait, plus un affreux doute rongeait son esprit. Là-bas, serait-il à l'abri du détecteur?
Cinq minutes plus tard, il reprit espoir. Il ne lui restait plus qu'une dizaine de mètres à parcourir pour atteindre les rochers. Brutalement, il ressentit une douleur atroce au mollet droit, qu'une longue estafilade sanglante avait profondément entaillé. C'est en clopinant qu'il effectua les derniers pas tandis que des éclairs rougeâtres frappaient la roche tout autour de lui.
Roulant sur le sol, il se retourna, laser en main, et abattit deux chasseresses qui s'étaient imprudemment avancées à découvert. Les autres s'étaient dissimulées à l'orée de la forêt mais entretenant un feu nourri.
Avec désespoir, Tor vit apparaître un Trans d'où jaillit un éclair qui pulvérisa un bloc de granit une dizaine de mètres sur sa gauche. Maintenant il était certain qu'il ne lui restait plus que quelques secondes à vivre.
Déjà le Trans, après le premier passage, avait effectué son virage et revenait dans sa direction. Soudain l'appareil parut s'illuminer et il disparut du ciel. C'était comme s'il n'avait jamais existé ! Dans le même temps, des petits éclairs blancs naquirent à l'orée de la forêt.
Abasourdi, Tor se frotta les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, il vit à quelques mètres de lui ce curieux oeuf coloré déjà entr'aperçu. Il mesurait un mètre cinquante de haut et se déplaçait sur sa plus grosse extrémité à quelques centimètres du sol.
-Bonjour, Tor, je suis A 1.
Les paroles n'avaient pas été prononcées mais avaient résonné directement dans te crâne du jeune homme.
-Je pense, reprit l'étrange créature, que tu as surtout besoin de sommeil. De plus, ta jambe réclame des soins rapides.
Malgré tous ses efforts, Tor sentit une torpeur envahir irrésistiblement son esprit !
***
Ryna s'effondra dans son fauteuil, le visage livide.
-C'est incompréhensible, murmura-t-elle.
-Le trans de surveillance s'est volatilisé et six chasseresses ont complètement disparu. Si on ajoute les trois cadavres retrouvés et les deux tombées dans le nid de tsers cela porte nos pertes à onze chasseresses sans compter l'équipage du Trans.
-Vos groupes de protection sont bien mal entraînés pour laisser échapper ainsi un minable primitif, grommela Riwa.
-Ton équipe n'a guère été plus efficace, rétorqua vertement Ryna, en particulier Gamma Deux qui le tenait au bout de son laser. Toi-même tu n'es pas sans reproche. Si tu l'avais tué dans l'arène au lieu de te laisser cabosser le visage, nous n'aurions pas eu à courir après.
Riwa eut un mouvement de colère qu'elle réprima cependant.
-Pensons maintenant à l'avenir! Où en sont les recherches ?
-Le Trans envoyé peu après n'a décelé aucune présence humaine.
-Il est donc caché dans une caverne, s'écria Riwa.
Le commandant secoua lentement la tête.
-Depuis des heures, les gardes fouillent cette colline et elles n'ont rien découvert, en dehors de deux minuscules traces de sang en contrebas d'un amas rocheux.
-Si le gibier a été blessé, il ne peut guère être loin. De toute façon, il lui faudra bien sortir de sa cachette pour se ravitailler !
-Espérons-le ! Toutes nos forces disponibles encerclent la colline et deux Trans sont en permanence en vol. Même un lapin ne pourrait passer sans être repéré !
-Il ne nous reste plus qu'à attendre ! soupira Riwa.
CHAPITRE XVII
Tor ouvrit lentement les yeux. Il était dans une pièce aux éclairages tamisés, allongé sur une couche moelleuse. Son mollet où le laser avait tracé un large sillon ne portait plus qu'une mince cicatrice. Sans surprise, il découvrit le gros oeuf irisé en face de lui.
-Tu es réveillé, émit la créature, mais encore fatigué. Décontracte-toi, car nous devons avoir une longue conversation et je sens que de multiples questions se bousculant dans ton esprit.
Le jeune homme respira plusieurs fois calmement avant de demander où il se trouvait.
-Inutile de parler, précisa l'ovoïde, il suffit que tu penses fortement ; quand tu seras habitué à ce mode de transmission, tu comprendras qu'il est plus rapide. Nous sommes dans une base Kral, la seule établie sur cette planète qui se nomme Xen.
-Es-tu un Kral ?
-Non, je suis un robot, une sorte de machine perfectionnée que les Krals ont construite ; je suis de catégorie A et premier de la série.
Prévenant une nouvelle question, le robot ajouta :
-Laisse-moi t'exposer un résumé de la situation, ensuite tu pourras poser des questions. Les Krals sont originaires d'un système solaire distant de 600 années-lumière et leur civilisation est vieille de plus de cinquante siècles. Il y a 2000 ans, ils ont acquis d'immenses connaissances scientifiques et techniques. Ils ont alors entrepris d'explorer te cosmos. Chaque fois qu'ils découvraient une planète habitable ou habitée, ils construisaient une base identique à celle-ci.
-C'étaient de grands conquérants! s'exclama Tor.
-Absolument pas ! Car en même temps que le savoir, ils avaient acquis ta sagesse. Aussi, ils restaient toujours dissimulas et ils se contentaient d'étudier la faune, la flore et les différentes civilisations. Parfois ils s'amusaient à intervenir mais toujours pour le bien des populations.
-Comment étaient-ils physiquement ?
-Ils te ressemblaient beaucoup, tu comprendras pourquoi plus tard ! Cette base a été créée il y a 1200 ans.
-Elle est sous ta colline ?
-Plus exactement, elle est la colline ! Le dôme n'est recouvert que par une mince couche de terre. Il y a dix siècles, survint une épouvantable catastrophe. Une épidémie ravagea la planète mère puis les différentes bases. C'était un virus rapporté d'une planète extérieure, à développement extrêmement lent. Si bien que lorsque les premières manifestations cliniques apparurent, pratiquement toute la population Kra était déjà contaminée. Les biologistes se mobilisèrent pour combattre le fléau mais malgré leurs immenses connaissances, ils ne parvinrent pas à le juguler, surtout en raison du caractère très tardif de sa découverte. Cette base abritait un couple d'éminents généticiens. Comprenant que tous ceux qui vivaient ici étaient condamnés à plus ou moins brève échéance ils conçurent un projet grandiose dont tu es le résultat.
-Comment !
Deux tentacules jaillirent de la partie moyenne de l'ovoïde et saisirent un verre empli d'une mixture rose.
-Bois ceci ! C'est tonique et reconstituant. Tor avala le liquide frais, agréable, avec un goût qu'il n'arriva pas à déterminer.
-Donc, à partir de gamètes prélevées sur eux, ils entreprirent de former un embryon in vitro, c'est-à-dire en éprouvette. Mais auparavant, grâce à d'habiles manipulations génétiques, ils introduisirent de nombreux gènes supplémentaires pour le doter de capacité de résistance exceptionnelle. Ils multiplièrent ainsi les systèmes immunitaires et antitoxiques. De même, ils inventèrent un mécanisme biologique pour qu'en cas d'agression, le futur individu ait ses réflexes, sa résistance physique et sa force multipliés par cinq à dix tandis que l'élément douleur s'estompait immédiatement.
-Je suis cet embryon ! s'écria Tor.
-Effectivement ! C'est pourquoi tu n'as pas succombé à la morsure d'un ribac autrefois et plus récemment à l'action des aiguilles soporifiques. Tu comprends également d'où te viennent ta force et ta résistance à un effort soutenu. Ton organisme doit cependant compenser la dépense d'énergie par une consommation accrue de nourriture.
Tor appliqua les mains sur son front.
-Je ne comprends pas, gémit-il, tu viens de m'affirmer que cela se passait dix siècles auparavant.
-Aie un peu de patience et laisse-moi continuer. Les manipulations génétiques terminées et l'ovule fécondé, tes maîtres laissèrent se développer l'embryon puis le foetus jusqu'à proximité du terme. C'est là que commença la partie la plus délicate de leur besogne. Ils introduisirent dans les neurones de l'enfant un très grand nombre de données. Une sorte de synthèse de toutes les connaissances des Krals, sans oublier ce qui était nécessaire à la survie dans un monde primitif.
-L'escrime ! sourit Tor. Je n'avais jamais vu d'épée auparavant et pourtant dans l'arène j'ai su immédiatement la manier.
-Effectivement, tu as été instruit de tous les sports de combat mais également tu as la faculté de comprendre rapidement toutes les langues étrangères. Tu n'y as pas prêté attention mais pendant notre dialogue et en fonction des besoins du vocabulaire, nous sommes passés du dialecte de la Tribu à l'idiome des Wyz, les chasseresses, puis à la langue des Krals.
Tout en réfléchissant à ce paradoxe, Tor songea qu'il boirait volontiers un peu de l'étrange mixture. Aussitôt U vit devant lui un verre tendu par A 1.
-Ce travail minutieux terminé, les maîtres avaient l'intention de garder l'embryon en vie suspendue dans une enceinte stérile à l'abri du virus pendant une dizaine d'années puis, eux morts, de l'envoyer à l'extérieur de la base pour naître et grandir à l'abri de toute contagion du virus.
-Un nouveau-né seul dans un monde sauvage, c'était de la folie, s'étonna Tor.
-Non, car j'étais programmé pour l'accompagner et le protéger. Une fois l'enfant devenu grand, nous aurions pu alors regagner la base.
-Malgré le risque de contagion ?
-Il aurait alors disparu ! Pour survivre, les virus doivent se développer à l'intérieur de cellules vivantes. Les maîtres estimaient que vingt années après leur mort représentaient une marge de sécurité largement suffisante. Après que le dernier des Krals de la base eut disparu, le processus de naissance de l'enfant allait se déclencher lorsque survint un accident que les maîtres n'avaient pas prévu. Le générateur principal d'énergie tomba en panne. Aussitôt l'ordinateur qui règle chaque initiative s'arrêta de fonctionner et toute activité cessa dans la base.
-La cellule d'hibernation du foetus privée d'énergie aurait dû alors rapidement se détériorer, objecta Tor.
-Par chance, elle possédait une double sécurité et était également branchée sur le générateur auxiliaire, chargé des défenses automatiques de la base.
-Et pendant mille ans, rien ne se produisit ?
-Effectivement.
-Pourquoi ce réveil subit ?
-Le volcan en est la cause. Il y a maintenant 21 ans, il entra brutalement en éruption et des blocs rocheux tombèrent sur ce qui était devenu une coltine couverte de végétation. Cela fut cependant suffisant pour stimuler les défenses automatiques. Les plus gros blocs furent désintégrés en l'air avant qu'ils ne touchent te sol. L'éruption terminée, les robots défenseurs entreprirent une vérification de la base pour s'assurer qu'elle n'avait pas subi de dommages. C'est alors qu'ils réparèrent le générateur principal.
-Pourquoi ne sont-ils pas intervenus plus tôt?
-Leur programmation ne prévoyait d'intervention qu'après une attaque !
-Il faudra la changer !
-Tu pourras le faire plus tard si tu le désires. Donc Pso, notre cerveau électronique géant, fonctionna à nouveau. Toutefois, même lorsqu'on est construit avec des matériaux pratiquement indestructibles, mille ans entraînent des dégradations non négligeables. Certains de ses circuits se remirent immédiatement en activité, tandis que d'autres exigèrent des réparations souvent longues, ce qui explique une certaine anarchie dans le fonctionnement de la base. Moi-même, je dus subir d'importantes révisions. Le hasard voulut que le système de réveil puis d'expulsion à l'extérieur de l'enfant fonctionnât avant ma reprise en fonction. Lorsque je sortis à mon tour de la base, l'enfant avait disparu. Nous n'avons appris que plus tard qu'une femme indigène t'avait trouvé et emporté.
-Qu'a fait Pso devant cette disparition ?
-Aucune programmation n'était prévue pour ce cas. Il s'est contenté d'achever la remise en état de la base et d'attendre. Douze ans plus tard, mes détecteurs qui avaient été minutieusement accordés sur tes ondes cérébrales ont perçu un très faible appel. Bien qu'une erreur fût possible, j'ai émergé de la base pour aussitôt juger la situation. Mon premier travail fut de griller un détecteur assez primitif qui semblait chercher à te localiser puis je t'ai endormi.
-Pourquoi ne t'es-tu pas montré immédiatement ?
-Un certain nombre de tests étaient d'abord indispensables. Ils se sont révélés fort mauvais. D'abord sur le plan physique, tu avais subi une sous-alimentation chronique aggravée par un mauvais équilibre dû à la consommation presque exclusive de viande. Nous avons commencé à le corriger en pratiquant une perfusion importante de vitamines et d'éléments qui te faisaient défaut.
Un sourire éclaira le visage de Tor.
-Le point rouge au pli du coude en était la conséquence !
-Effectivement! Sur le plan psychique, la situation était encore plus catastrophique. Les maîtres n'avaient pas prévu la vie extrêmement primitive que tu avais menée et ton esprit n'avait encore utilisé aucune des connaissances qui t'avaient été fournies. Si tu t'étais réveillé dans ta base, l'afflux brutal de toutes tes données aurait inéluctablement abouti à la folie ou à la mort. Après avoir envisagé toutes les hypothèses, Pso a décidé de te renvoyer dans ta tribu et de commencer ton éducation comme si tu avais seulement quelques semaines. Comme les programmations des maîtres empêchaient que je m'exhibe au grand jour, sauf péril imminent, il a été décidé de te donner d'abord le moyen de te nourrir pour éviter de nouveaux syndromes de carence.
-Le lapin dans le fourré était une de tes inventions ?
-J'ai eu beaucoup de mal à te capturer puis à entourer son cou de lianes. Pso, malgré ses immenses connaissances techniques, ne possédait pas dans ses mémoires d'images précises de collets. Il a dû refaire une étude mathématique avec toutes les possibilités. Juste avant de te réveiller, nous t'avons suggéré un certain nombre d'idées qui ne faisait pas partie de ton programme initial. Puis je ne t'ai plus quitté !
-Comment se fait-il que je ne t'ai jamais vu?
-J'étais trop haut dans le ciel.
-Ainsi, murmura Tor, tu m'as donc tout suggéré, les collets, les nasses, les armes, ta taille des silex !
-Pas tout ! L'idée d'empoisonner tes flèches avec cet extrait de plante voisin du curare est de toi. Pso a même noté soigneusement cette première manifestation d'indépendance. Cependant c'est moi qui ai mis au jour le petit gisement de silex.
-Et l'idée des cultures?
-Nous désirions que ton alimentation s'enrichisse en hydrate de carbone. Toutefois, le problème n'était pas simple car naturellement il n'existait à la base aucune semence, puisqu'il y a fort longtemps que les maîtres n'utilisaient que des nourritures synthétiques. Pso a entrepris l'étude systématique de toute la flore de Xen jusqu'à ce qu'il trouve une sorte de maïs très primitif. Par sélection et manipulation génétique, il a créé une race riche en éléments énergétiques et adaptée aux conditions du sol. J'en ai donc semé quelques échantillons dans les endroits où je savais que tu passais souvent, puis nous avons suivi tous tes efforts. Pour que tu obtiennes une première récolte encourageante, j'ai veillé constamment sur ton champ, écartant les lapins d'abord, puis les xantils qui auraient volontiers dévoré tes épis. Toutefois, périodiquement nous contrôlions tes progrès.
-Je me souviens m'être endormi anormalement une fois près de la rivière et encore sur cette colline après avoir échappé aux chasseresses.
-Nous étions satisfaits de tes progrès malgré leur lenteur mais nous avions décidé de les accélérer quand les Wyz sont intervenues.
-Effectivement au train où je progressais, j'aurais eu cinquante ans avant de pénétrer dans cette base.
-Pso désirait ta sécurité avant tout. Le temps ne compte guère car grâce aux procédés de régénération, les maîtres vivaient en moyenne cinq à six siècles sauf accidents brutaux! Ta capture par tes Wyz a modifié tes données du problème.
-Ce jour-là, tu ne m'as guère protégé !
-Ta vie n'était pas en danger ! Pso voulait connaître tes réactions devant une civilisation plus évoluée. De plus, cela nous a donné l'occasion de nous informer des moeurs curieuses de ces Wyz.
-J'ai passé de bien désagréables moments et dans l'arène j'aurais fort bien pu être embroché, jeta Tor acide.
-Je t'avais entouré d'un champ protecteur et tu ne pouvais subir ta moindre égratignure. De même, lorsque tu as sauté du Trans, tu avais mal évalué la vitesse et tu te serais certainement blessé sans cette protection.
-J'ai pourtant été touché par un laser en arrivant ici !
-Un fâcheux hasard! Je voulais arriver discrètement jusqu'à toi et je devais contourner le sommet de la base. Le champ protecteur n'a été interrompu qu'une fraction de seconde ! Tes derniers examens étaient excellents et ton esprit avait remarquablement supporté le contact avec une civilisation technologique avancée. Pso a alors décidé de te donner accès à la base.
-Puis-je correspondre directement avec Pso?
-À l'intérieur de ta base, c'est facile car il a suivi tout notre entretien. À l'extérieur, tu dois avoir à proximité de toi un robot de classe ***
Pso se manifesta alors :
-Bonjour, Tor. Tu es désormais le maître de cette base. Toutefois, tu dois maintenant te reposer après ce premier contact. Ton esprit est actuellement soumis à une très vive tension.
-Encore quelques questions, cela m'aidera à trouver le sommeil. Quand les Wyz sont-elles apparues ?
-Le service de sécurité a noté que le premier astronef s'est posé sur Xen, le siècle dernier.
-Pourquoi les a-t-il laissées entreprendre ces chasses sauvages ?
-Il n'avait pas à intervenir sauf en cas d'attaque directe contre notre base.
-Sais-tu d'où elles viennent ?
-Aucune recherche n'a été effectuée sur ce sujet.
-Pourrais-tu les entreprendre ?
-Sans difficulté. Il suffit que tu en donnes l'ordre.
-Mets-toi immédiatement au travail ! Maintenant A 1 tu peux me faire dormir car je me sens épuisé !
CHAPITRE XVIII
Riwa pénétra dans le bureau de Ryna. Son visage avait un peu dégonflé et elle exhibait des incisives toutes neuves, posées le matin même.
-Rien de nouveau, soupira Ryna. Cela fait maintenant six jours que nous surveillons cette colline. Les Trans n'ont toujours rien détecté et les gardes viennent de ratisser le terrain pour la quatrième fois en pure perte !
-Le gibier a certainement réussi à filer aussitôt après la disparition du premier Trans. Sinon il n'aurait pu rester six jours sans boire ni manger.
-Il est peut-être mort, suggéra Ryna.
-Dans ce cas, nous aurions retrouvé son cadavre, ricana Riwa. Je crois qu'il faut chercher ailleurs.
-Mais où ? La forêt recouvre pratiquement toute la région !
Riwa consulta un long moment la carte avant de s'exclamer en posant son gros doigt sur un point :
-Ici ! Il y a toutes les chances pour qu'il ait regagné son village !
-Excellente idée ! s'exclama Ryna. Dès demain je vais organiser une chasse !
-La période des jeux est terminée, rétorqua Riwa. Tu ne cherches pas quelques pièces de gibier au hasard mais un individu déterminé. Il te faudra déposer des patrouilles de nuit et encercler le village juste avant l'aube. Tout le monde devra être endormi. Le tri s'effectuera ensuite !
Diplomatiquement Ryna approuva le plan.
-Je repars immédiatement pour Swiz car l'astronef ne peut attendre plus longtemps. Je rendrai compte directement de nos efforts à l'Impératrice.
Elle ajouta avec un discret sourire complice :
-Je pense que la responsabilité de cet incident dramatique revient à Myrna qui n'a pas su prendre les précautions nécessaires et a même commis une faute grave en introduisant le primitif dans son appartement. C'est ce que je ne manquerai pas de souligner devant notre souveraine.
Les deux femmes se quittèrent, enchantées de cette perspective.
***
Tor terminait son repas. Il était maintenant vêtu d'une combinaison noire d'astronaute et chaussé de bottes souples. En six jours, il s'était parfaitement intégré à son nouveau personnage. En ce moment, il conversait avec A 1. Il aurait pu interroger directement Pso mais il avait pris l'habitude de s'entretenir avec le robot qui devenait presque un compagnon.
Très progressivement, pour ménager son système cérébral, il avait pris connaissance des immenses possibilités de la base, toutefois sans entrer dans les détails techniques. Il sut ainsi qu'il possédait un astronef puissamment armé pouvant se déplacer à des vitesses supraluminiques dans le subespace. L'astronef pouvait emporter trois vedettes de liaison. Brusquement Tor demanda :
-Pso a-t-il essayé de contacter les autres bases Krals?
-Aucune émission n'a été perçue depuis la remise en marche du générateur.
-La race aurait-elle complètement disparu ?
-Ce n'est pas obligatoire. En mille ans beaucoup de choses peuvent survenir et les modalités des communications ont pu être modifiées.
Tor réfléchit en silence pendant une heure avant de demander à Pso :
-Le générateur auxiliaire de sécurité ne risque-t-il pas de manquer d'énergie après mille ans de fonctionnement ?
-Il reconstitue régulièrement ses réserves en puisant dans le magma de la planète. C'est la raison pour laquelle les maîtres avaient choisi la proximité du volcan.
-Peux-tu brancher un circuit de secours sur lui pour t'alimenter en cas de défaillance du générateur principal ?
-C'est faisable mais la probabilité d'une seconde panne est très faible.
-Je préfère une certitude. Cela m'ennuierait de ne plus pouvoir compter sur ton aide, même temporairement. De plus, conditionne tes robots de surveillance pour qu'ils puissent te dépanner si le contact avec toi venait à être rompu.
-Cela sera fait, Tor.
-As-tu localisé la planète des Wyz ?
-Depuis une demi-heure ! Un astronef a quitté ce matin la base. D'après sa direction de plongée, j'ai localisé le secteur probable et ai envoyé une sonde ultrarapide. Je reçois en ce moment les premières images. Comme c'était prévisible en raison des caractères assez rudimentaires du vaisseau Wyz, la planète fait partie d'un système solaire, très proche, exactement trois années-lumière. Elle a approximativement les mêmes caractéristiques que Xen. A 1 va te projeter les images tridimensionnelles de ce monde.
Les lumières de ta pièce diminuèrent d'intensité et une sphère bleutée naquit sous les yeux de Tor.
-La planète est aux deux tiers recouverte par des océans, commenta Pso. Il existe deux grands continents répartis dans les hémisphères nord et sud. La végétation se divise en forêts, cultures, avec par endroits de vastes et curieux déserts qui semblent des séquelles d'un conflit thermonucléaire ancien car il subsiste encore une légère radioactivité.
Plusieurs images défilèrent tandis que Pso poursuivait :
-Il existe une ville principale dans le continent nord et d'assez nombreuses petites agglomérations. La population totale ne doit guère dépasser quelques millions d'habitants. Il n'existe qu'un astroport près de la capitale. Enfin les zones industrielles semblent relativement rares, ce qui confirme le nombre restreint de la population.
-Quelle énergie utilisent-elles ?
-C'est très varié ! Energie solaire, géothermique et biomasse pour les petites quantités mais il existe trois centrales à fusion d'hydrogène pour l'industrie et les besoins fondamentaux.
Les images disparurent et la lumière revint.
-C'est tout pour l'instant mais la sonde reste en orbite et continue à fournir des renseignements que je classe quand ils me parviennent.
-La sonde est-elle armée ?
-Elle possède deux missiles à faible charge d'antimatière destinés d'ordinaire à désintégrer de volumineux météorites rencontrés en chemin. Toutefois, je peux les programmer pour toucher éventuellement un autre objectif.
-Parfait ! La base sur Xen est-elle toujours sous surveillance ?
-Depuis le départ de l'astronef, il semble régner une certaine animation comme si les Wyz préparaient une opération.
-Préviens-moi immédiatement si elles sortaient de leur camp.
***
Un appel de Pso réveilla Tor en sursaut.
-Six Trans Wyz viennent de quitter la base et se dirigent vers le nord.
-Continue à tes surveiller pendant que je me prépare.
Rapidement, il passa au bloc sanitaire. En moins d'une semaine, il s'était remarquablement habitué au confort de la civilisation. Quelques minutes plus tard, il arrivait dans une vaste salle dont un mur était tapissé d'écrans de contrôle.
-Les Trans approchent de ton ancien village, Tor. Les Wyz pensent certainement que tu y as trouvé refuge.
Déjà les chasseresses débarquaient et encerclaient la palissade. Avec soulagement, Tor constata qu'elles étaient armées de pistolets à aiguilles à l'exception de quatre gardes porteuses de laser.
-Prépare-moi un module de transport, ordonna Tor. Je pars avec A 1.
Tor hésita sur la tenue à adopter puis demanda à A 1 :
-Trouve un pagne en simili-fourrure. Toutefois, tu m'accompagnes et tu resteras en relation permanente avec Pso. Je te retrouve dans le hangar des modules.
Quelques minutes plus tard, A 1 le rejoignit et lui tendit un morceau de tissu plastifié.
-C'est un revêtement mural que j'ai prélevé dans une chambre. Cela devrait faire illusion.
Un autre tentacule du robot lui présenta une large ceinture.
-Elle induit autour de celui qui la porte un écran protecteur. Les maîtres en portaient toujours lorsqu'ils se promenaient à l'extérieur. Tu seras à l'abri de tout projectile. Pour franchir l'écran, il faut une énergie supérieure à celle du générateur contenu dans la boucle. Seule une arme atomique de forte puissance peut y parvenir.
Tor acquiesça et monta rapidement dans le module dont il confia les commandes à A 1.
***
Ryna qui avait tenu à participer à l'attaque du village indigène poussa un grognement de colère en contemplant le dernier corps. Tous les habitants mâles avaient été rassemblés sur la place mais aucun ne ressemblait à celui qui lui avait échappé.
Soudain elle entendit une voix forte crier dans sa langue :
-Serait-ce moi que vous cherchez ?
Elle se retourna vivement comme piquée par un ribac. A l'entrée du village se tenait son gibier qui la contemplait d'un air narquois. Un hurlement sortit de la gorge de Ryna et aussitôt dix aiguilles frappèrent le sauvage qui se contenta d'éclater de rire.
L'instant de surprise passé, Ryna arracha un laser des mains de la chasseresse qui se trouvait à côté d'elle. Vive comme un serpent, elle épaula et tira, ce qui ne fit qu'augmenter l'hilarité de son gibier.
Décontenancée, elle laissa retomber son arme, remarquant alors la présence d'un curieux oeuf irisé à côté de l'homme.
-Rends-toi, lança-t-elle contre toute logique. Sinon j'ordonne aux gardes de liquider tous ces sauvages.
Immédiatement les trois lasers se pointèrent sur les corps allongés où Tor reconnut Homme-Sage, Cnex, Xur, Mok et tous les autres. Son visage se crispa de colère. Trois éclairs jaillirent soudain de l'oeuf irisé et les chasseresses disparurent comme effacées par une gomme gigantesque.
Hébétée, livide, Ryna resta immobile, l'esprit en déroute, tandis que Tor annonçait :
-Si tu prends encore une initiative de ce genre, c'est toi qui seras désintégrée.
Plusieurs minutes s'écoulèrent dans un silence pesant. Soudain une chasseresse porta sa radio à son oreille puis se précipita vers Ryna en murmurant :
-Ala nous avertit qu'un projectile vient de frapper le centre de reproduction qui a été entièrement détruit. Elle a mis toutes nos troupes en état d'alerte mais souhaite que tu reviennes rapidement.
Tor se manifesta alors avec un froid sourire :
-J'entends que tu as appris la nouvelle. Vous pouvez partir mais si un Trans prend ensuite l'air, pour quelque raison que ce soit, je détruirai la totalité de votre base. Si, dans les jours prochains, vous souhaitez me contacter, appelez sur votre fréquence radio habituelle. Je vous répondrai si j'en ai envie.
Pâle de rage, Ryna, suivie de ses compagnes, passa devant Tor qui s'était légèrement écarté. Ce n'est que lorsque son Trans eut décollé qu'elle laissa éclater sa colère. Jamais elle n'avait subi une telle humiliation, surtout de la part d'un de ces mâles méprisables. Maintenant il lui fallait rendre compte au plus vite à l'Impératrice de cet incident.
Resté seul au village, Tor désigna à A 1 Homme-Sage et Cnex.
-Réveille-les, je dois leur parler.
A 1 s'affaira vivement et bientôt les deux hommes se redressèrent, jetant un regard étonné sur leurs compagnons encore endormis.
-Tor!... Tu es vivant! s'exclama Homme-Sage.
-Malheureusement, je dois repartir pour un très long voyage. Je voulais seulement vous dire que les chasseresses ne reviendront plus jamais ici. Désormais vous pouvez vivre en toute quiétude.
Se tournant vers le chef, il ajouta :
-Cnex, je te laisse T'Lo et M'no. Promets-moi de toujours les protéger. Normalement la fabrique de poterie devrait leur permettre d'assurer leur subsistance sans mal. Si, ultérieurement, de jeunes guerriers s'intéressent à elles, conseille-leur d'accepter.
-Tu ne comptes donc pas revenir, s'écria Homme-Sage.
-Certainement pas avant très longtemps et dans le village la vie doit continuer.
Désignant les corps allongés, il ajouta :
-Ne vous inquiétez pas pour eux. Dans quelques heures, ils se réveilleront.
Cnex serra la main de Tor et murmura :
-Adieu ! Et merci pour tout ce que tu as apporté à ce village. Nous n'oublierons jamais ton trop bref passage.
Emu, Tor s'enfuit presque en courant et regagna son module.
Il me reste encore à assurer définitivement leur protection, gronda-t-il.
CHAPITRE XIX
Tor était dans la grande salle des transmissions, poursuivant avec persévérance l'acquisition de ses connaissances selon le programme accéléré mis au point par Pso. Avec bonne grâce, il se soumettait périodiquement aux contrôles qu'exigeait le cerveau électronique.
Pso annonça alors :
-Trois avisos armés Wyz viennent d'émerger du subespace et se dirigent vers Xen.
-C'est la réponse logique de leur Impératrice qui ne pouvait laisser impuni l'affront fait à ses chasseresses. Notre dispositif est-il en place ?
-J'ai suivi tes instructions. Nous pourrons agir quand tu le voudras.
***
Ryna, installée à son bureau, ruminait de sombres projets de vengeance. Sa dernière communication avec l'Impératrice avait été fort difficile mais la souveraine avait compris le danger et décidé d'envoyer trois avisos puissamment armés, emportant un escadron d'élite. Cent guerrières surentraînées avec tout un matériel lourd !
Le commandant envisageait comment elle allait procéder. D'abord, reprendre contact avec ce damné mâle et faire durer la conversation assez longtemps pour que tous les détecteurs d'avisos restés en orbite puissent localiser l'endroit où il se trouvait. Dès le repérage effectué, toute la région serait arrosée de torpilles nucléaires. Pas un mètre carré de terrain ne devait être épargné. Ensuite, seulement, les équipes d'assaut pourvues d'équipement antiradiation ratisseraient le terrain à la recherche de l'abri où il se terrait !
Ryna se prit à rêver. Si par chance, le mâle terrorisé pouvait être capturé vivant au fond d'une cachette, elle imaginait déjà les supplices qu'elle aimerait lui faire subir. Ceux prescrits par l'Impératrice n'étaient, par comparaison, que jeux d'enfants. Elle saurait arrêter les tortures, juste le temps de réanimer le prisonnier pour que le spectacle dure plus longtemps. Deux, trois jours entiers de souffrances lui paraissaient un minimum.
L'arrivée d'Ala interrompit ces agréables perspectives.
-Les trois avisos viennent d'émerger du subespace et seront ici dans six heures. Le détachement est commandé par Gala, chef d'état-major de l'Impératrice. Tu devrais venir au Centre de transmission, car il est probable qu'elle voudra rapidement te parler.
Ryna acquiesça de la tête, les dents serrées de dépit. Elle connaissait le caractère autoritaire et exclusif de Gala. Nul doute que cette garce prendrait l'ensemble du commandement et s'attribuerait ensuite tout le mérite de l'opération !
De mauvaise grâce, Ryna suivit Ala et s'installa en face des écrans de contrôla, surveillant la progression des trois avisos. Ils donnaient une impression de puissance qui réjouissait Ryna. Brutalement, des stries colorées zébrèrent l'écran et l'image disparut. Quand, quelques secondes plus tard, elle reparut, les avisos n'étaient plus là.
Très pâte, Ala manipula nerveusement divers boutons de réglage, mais sans succès.
-Que se passe-t-il ? demanda Ryna.
-Je l'ignore ! La liaison avec les avisos est interrompue.
Elle saisit un micro et appela :
-Centre de Communication à Tour de Contrôle. Suivez-vous la marche des avisos?
Lorsqu'elle entendit la réponse, une fine sueur couvrit son visage d'ordinaire souriant.
-Le radar a également perdu brusquement tout contact, coassa-t-elle d'une voix étranglée.
-C'est impossible ! décréta Ryna acerbe. Votre appareillage, mal entretenu, est tombé en panne ! Je considère cela comme une lourde faute dont vous répondrez devant te Grand Conseil. Je vous donne l'ordre de réparer immédiatement !
Pendant deux heures, Ala, livide, houspilla les malheureuses techniciennes qui testaient tous les éléments de l'émetteur. Il lui fallut pourtant se rendre à l'évidence, les trois astronefs s'étaient volatilisés !
A ce moment, un écran s'illumina et le visage de l'Impératrice apparut. Ses traits réguliers, habituellement impassibles, semblaient contractés !
-Les avisos sont-ils arrivés ?
-Nous avons perdu tout contact, exactement à 10 h 30, heure locale, vénérée souveraine, balbutia Ryna.
-C'est effectivement le moment où la liaison avec Swiz a été interrompue. Mais il y a plus grave, au même instant un missile a pulvérisé notre plus important générateur d'énergie. Le service de défense ne l'a détecté que quelques secondes avant qu'il touche son objectif avec une précision remarquable. La destruction simultanée des avisos et de notre centrale ne peut être une coïncidence. Je pense que c'est un avertissement très clair. Votre soi-disant primitif n'est qu'un leurre. Derrière lui, se cache une puissante organisation pourvue d'un armement largement supérieur au nôtre. Il faut donc les obliger à se découvrir. Ensuite nous utiliserons la seule arme où nous sommes supérieures : la ruse.
-Pourquoi ne pas envoyer une escadre et écraser Xen sous des projectiles thermonucléaires ? plaida Ryna.
-Cela serait sacrifier les équipages sans même leur donner une chance d'apercevoir leur adversaire. De plus, si une autre centrale venait à être touchée, cela serait catastrophique. Déjà notre production industrielle est réduite de moitié ! Non, Ryna, il nous faut donc amorcer une négociation.
Dénonçant les objections du commandant, l'Impératrice ajouta sèchement :
-C'est un ordre ! Prenez contact avec ce mâle et transmettez-moi immédiatement ses propositions ! Exécution !
Ryna resta une longue minute à contempler l'écran devenu sombre puis elle soupira :
-Tu as entendu tes ordres, Ala. Emettez sur la fréquence des Trans. Quand ce maudit sauvage répondra, tentez de localiser son antre.
Pendant une demi-heure, Ala répéta inlassablement son appel. Déçue, elle murmura :
-Il ne nous entend peut-être pas !
-Je suis certaine du contraire, ragea Ryna. Il se moque simplement de nous ! Continue !
Enfin une voix répondit laconiquement :
-J'écoute.
-Notre vénérée Impératrice pense, débuta Ryna d'une voix aussi mielleuse qu'elle le pouvait, qu'une négociation entre nos deux races pourrait fort bien s'ouvrir. Vous exposeriez alors en toute quiétude ce que vous souhaitez et je ne doute pas qu'un arrangement profitable aux deux parties soit conclu.
-Peut-être accepterai-je de négocier mais auparavant je désire un gage de votre bonne foi. Je veux que le commandant Myrna me soit livré en otage cet après-midi à cinq heures, dans la clairière située à 100 km au nord de votre base.
-C'est une lourde exigence, plaida Ryna, et je ne puis prendre la responsabilité...
-Vous n'avez pas le choix, coupa le mâle arrogant. Si je n'ai pas mon otage à l'heure dite, quinze minutes plus tard une autre centrale énergétique de Swiz sera détruite. Terminé !
Verte de rage, Ryna laissa retomber son micro.
-D'où émet-il ? gronda-t-elle.
Ala écarta les bras en signe d'impuissance.
-D'après le repérage gonio, l'émetteur semble être à un point situé exactement à la verticale de la base mais le radar ne localise aucun objet volant !
-Ha prévu que nous chercherions à le localiser et sa technologie est supérieure à la nôtre ! Il me faut immédiatement avertir l'Impératrice de ce qui menace Swiz !
CHAPITRE XX
Myrna arpentait nerveusement le plancher de sa chambre qu'elle n'avait pas quittée depuis qu'elle avait été relevée de son commandement. Toutefois, par les bavardages des serviteurs et par Ala qui était venue la voir en cachette à plusieurs reprises, elle avait été informée des échecs de Ryna.
Soudain la porte s'ouvrit et le nouveau commandant entra, suivi de deux gardes qui se précipitèrent sur Myrna pour lui attacher tes mains derrière le dos.
Sur un signe de Ryna qui jouait négligemment avec une fine cravache, les gardes se retirèrent et les deux jeunes femmes restèrent face à face.
-Que signifie cette intrusion? demanda Myrna tremblante de rage.
Sans répondre, Ryna lui cingla à plusieurs reprises le haut des cuisses. Elle s'interrompit pour murmurer avec un sourire méchant :
-Il y a longtemps que j'attendais cet instant ! Combien de fois m'as-tu fait espérer pour toujours te dérober au moment où je pensais enfin pouvoir te toucher.
-Tu me paieras cela, grinça Myrna, je me plaindrai à l'état-major !
-Je crains que tu n'en aies guère l'occasion. Par ruse, notre vénérée souveraine feint de traiter avec ce maudit mâle. Or ce dernier a exigé que tu lui sois remise en otage avant toute discussion. Probablement a-t-il gardé de toi un excellent souvenir et veut-il reprendre votre tête-à-tête dans de nouvelles conditions.
Myrna sursauta comme piquée par une araignée et hurla :
-Je refuse et préfère la mort !
-Tu n'as pas le choix, ricana Ryna le visage dur. L'ordre de l'Impératrice est de te livrer vivante.
De sa cravache, elle désigna les marques violacées qui striaient les cuisses de Myrna :
-Ton primitif ne sera certainement pas regardant sur les détails. J'espère même que cela lui donnera des idées ! Maintenant en route ! Nous ne devons pas être en retard à notre rendez-vous.
Dix minutes plus tard, un Trans décollait de la base. Sans difficulté il trouva la clairière indiquée et se posa. Seules, Myrna et Ryna en descendirent.
-Ton soupirant va s'offrir le luxe de nous faire attendre, ricana Ryna en tapotant ses bottes de sa cravache.
Comme pour lui infliger un démenti, à cinq heures moins une, Tor émergea de la forêt. Il était toujours vêtu de son simple pagne et marchait paisiblement. Ryna porta instinctivement ta main à son pistolaser mais elle interrompit son geste en voyant apparaître à quelques mètres de l'homme te curieux oeuf irisé. Elle ne se souvenait que trop du sort de ses gardes. Arrivé à ta hauteur des deux femmes, Tor tança :
-Vous êtes exactes, c'est parfait !
-Voila votre otage, dit sèchement Ryna. Quand débuterons-nous les négociations ?
-Dans quarante-huit heures, vous pourrez m'appeler. D'ici la vous n'avez rien à craindre, sauf si un Trans quitte ta base ou si un astronef Wyz pénètre dans ce système solaire !
Ryna hocha la tête et tendit sa cravache en souriant :
-Prenez-la ! Vous en aurez certainement besoin pour dresser votre prisonnière.
Tor saisit la cravache puis la laissa tomber sur le sol avec un sourire ironique.
-Je vous remercie, mais l'émetteur que contient cette poignée délicatement ouvragée est déjà en panne ! Toutefois, je ne mentionnerai pas à votre Impératrice cette malheureuse initiative.
Furieuse, Ryna fit demi-tour et regagna son Trans à grandes enjambées. Lorsque l'appareil eut disparu à l'horizon, Tor se tourna vers Myrna et la délia.
-Merci, dit machinalement ta jeune femme en se massant les poignets.
Tor la conduisit jusqu'au modula dissimulé par les arbres. A 1 s'installa aux commandes et l'engin bondit vers le ciel. Quelques minutes plus tard, il plongea vers la colline. Croyant à une collision imminente, Myrna ferma un instant ses yeux et ne put voir le sas qui s'était brutalement ouvert. Lorsqu'elle souleva les paupières, le module se trouvait dans un vaste hangar brillamment éclairé.
Quelques minutes plus tard, Tor introduisit la jeune femme dans une pièce confortablement meublée.
-Voici votre nouvelle demeure, annonça Tor d'un ton neutre.
Puis désignant les zébrures violacées que portait Myrna, il ajouta :
-Je vois que vos compagnes n'ont guère été tendres avec vous.
Aussitôt A 1 arriva avec une bombe aérosol dont il pulvérisa te liquide sur les blessures.
Avec surprise, Myrna sentit la brûlure s'estomper.
-Dans une heure, il n'y paraîtra plus, reprit Tor. Sachez que je suis totalement étranger à ces sévices que je déplore.
Désemparée, la jeune femme lança :
-Pourquoi m'avoir fait venir? Que désirez-vous de moi ?
Tor, sans répondre, détailla longuement le corps harmonieux mal dissimulé par la courte tunique. Myrna sentit un frisson courir sur son dos tandis qu'une discrète rougeur colorait ses joues.
-Vous êtes en mon total pouvoir et je pourrais facilement vous contraindre à tous mes caprices comme vous l'avez fait avec moi.
J'avais envie de vous donner une leçon; je pense que cela est fait. Reposez-vous tranquillement. Nul ne vous dérangera. Si vous désirez quelque chose, appelez A 1, il vous le procurera.
Tor quitta la pièce, laissant la jeune femme stupéfaite.
CHAPITRE XXI
Un appel tira Myrna de sa rêverie. Elle était réveillée depuis peu et hésitait à quitter sa couche moelleuse.
-Acceptez-vous de partager mon repas ou préférez-vous déjeuner seule? demandait la voix de Tor. J'ai appris avec regret qu'hier soir vous vous étiez endormie sans même réclamer à manger.
Par orgueil, la jeune femme allait refuser mais la curiosité la fit changer d'avis.
-Je me rendrai à votre invitation, concédât-elle.
-Je vous en remercie, le bloc sanitaire est à gauche du lit. A 1 viendra vous chercher dès que vous serez prête.
Une demi-heure plus tard, le robot introduisit Myrna dans une pièce circulaire. Une table couverte de récipients était dressée au centre.
Galamment, Tor conduisit la jeune femme jusqu'à un fauteuil.
-Prenez place, dit-il, et servez-vous. Toutefois, ne croyez pas que ce repas soit une revanche mesquine au souper que vous m'avez offert. En réalité, c'est mon ordinaire, car mes robots n'ont pas à leur disposition de programme gastronomique, science que mes ancêtres semblaient totalement ignorer.
En silence, Myrna absorba une tasse d'un liquide jaune frais, onctueux et délicatement parfumé puis croqua une sorte de galette fondant sur la langue. Lorsqu'elle eut terminé, elle s'exclama avec un sourire :
-Vous êtes fort sévère avec ces malheureux robots ! Je trouve ce déjeuner délicieux. Maintenant que vous avez nourri mon enveloppe charnelle, accepteriez-vous de satisfaire ma curiosité? Pourquoi avoir exigé ma présence ici?
Elle ajouta rapidement, le visage grave :
-J'ai compris depuis hier que ce n'était pas pour satisfaire une simple vengeance. Vous avez largement su dépasser ce stade.
Tor approuva distraitement de la tête.
-Avant de prendre de graves décisions, j'ai besoin de mieux connaître votre race. Aussi je compte sur vous pour me fournir les explications nécessaires.
Devant le visage soudain crispé de Myrna, il ajouta :
-Je ne vous demande pas de trahir des secrets militaires. Je sais tout, non seulement des défenses de votre base, mais aussi de votre planète : le nombre d'astronefs, leur armement et votre dispositif de défense qui est, sans vous peiner, fort primitif. Il y a autant de différence entre lui et les moyens dont je dispose, qu'entre la massue des primitifs et les Trans armés de laser de vos compagnes. Je veux tout savoir de vos origines et de votre mode de vie.
Myrna réfléchit un bon moment avant de commencer :
-L'histoire écrite de notre planète remonte à environ 25 siècles. C'était une civilisation à évolution classique, vie tribale d'abord, puis féodale, enfin démocratique mais toujours dominée par un phallocratisme plus ou moins camouflé et déchiré par d'inévitables conflits internes. Il y a cinq siècles nous avions acquis un développement technologique satisfaisant quand une guerre épouvantable éclata entre les deux continents. Elle dura plus de cinquante ans marqués par d'innombrables batailles plus meurtrières les unes que les autres. Tous les hommes, même très jeunes et très vieux, furent mobilisés et sacrifiés dans ce gigantesque holocauste.
« Comme si cela n'était pas suffisant, les deux états-majors utilisèrent des projectiles thermonucléaires, rasant des cités entières. La guerre cessa faute de combattants au sens littéral du terme. Les deux gouvernements sortirent enfin de leurs profonds abris bétonnés, se congratulèrent sur leur héroïsme mutuel et s'aperçurent avec effroi qu'il ne restait rien de leur pays respectif! Villes, villages, tout avait été rasé, broyé, pilonné.
« Poussés par la faim, les quelques militaires survivants finirent par trouver des îlots où des femmes s'étaient regroupées et organisées pour survivre. Loin d'être accueillis à bras ouverts, les rares mâles furent désarmés et cantonnés dans des tâches subalternes.
« Vingt ans plus tard fut constitué un gouvernement unifié des deux continents exclusivement féminin. La population qui, avant le conflit, comprenait deux milliards d'individus, était tombée, à cent mille environ. Lentement, ce chiffre s'éleva mais la crainte de ta guerre déclenchée par la folie des hommes était restée si vivace que tout mâle était tenu à l'écart.
« L'éducation et le moindre poste de responsabilité étaient réservés exclusivement aux femmes. En un siècle de sage gestion, la vie avait repris un cours satisfaisant et nous avions retrouvé un développement technologique égal et même supérieur à ce qu'il était avant la grande guerre.
« Restait pour nous l'humiliant problème d'avoir à subir le contact des hommes et de porter pendant neuf mois un foetus. L'insémination artificielle avait résolu la première question mais pas la seconde. C'est alors que nos biologistes découvrirent la fécondation en éprouvette et la possibilité de faire développer l'embryon dans la cavité péritonéale du mâle en neutralisant les protéines et anticorps qu'il pouvait sécréter. »
Tor intervint alors :
-Pourquoi utiliser les hommes et ne pas avoir fait se développer le foetus en milieu artificiel jusqu'à son terme ?
-Nous n'y sommes jamais parvenues. Les foetus arrêtent de se développer entre le quatrième et le cinquième mois! Donc les mâles choisis portent en général, en une fois, quatre foetus. Pendant une génération, le système a fort bien marché et plus une femme n'a accepté une grossesse. Malheureusement, deux générations plus tard, est apparue une difficulté imprévue. D'abord les mâles nés de cette manière ont vu leurs organes génitaux s'atrophier et actuellement rares sont ceux qui ont encore des glandes sécrétantes.
« Ensuite ils se sont révélés mauvais porteurs de foetus. Malgré tous les immunodépresseurs et anti-protéines spécifiques utilisés, il s'est avéré qu'ils ne donnaient plus naissance qu'à des embryons masculins de qualité fort médiocre. Vous en avez probablement aperçu à la base. Leur taille ne dépasse pas un mètre cinquante, ils sont graciles, abêtis, et à leur tour totalement inaptes à la reproduction. Nous les appelons les mâles de troisième génération et nous ne pouvons les employer qu'à des tâches très subalternes qui demandent peu d'effort physique et peu d'intelligence. Aussi la population de Swiz, qui avait retrouvé un chiffre de cinq millions d'habitants, s'est remise à décroître.
« Heureusement, nous avions fait également de grands progrès en astronautique et après avoir exploré les planètes désertiques de notre système solaire, nous avons pu dépasser la vitesse de la lumière et visiter le système le plus proche du nôtre qui est celui-ci.
« Xen s'est révélée une planète non seulement habitable mais aussi peuplée de tribus primitives. Nous avons capturé quelques mâles et nous leur avons installé des embryons qui se sont parfaitement développés. De plus, leurs descendants supportent l'insémination jusqu'à la sixième génération. »
-Pourquoi ne pas utiliser plus simplement des femmes dans l'utérus desquelles vous auriez implanté vos embryons ?
Myrna prit un air choqué :
-C'est impossible! Jamais nous n'aurions voulu imposer une telle épreuve à des femmes, même si elles sont de civilisation très peu développée !
Tor retint un sourire devant cette indignation non feinte.
-Je comprends que vous ayez eu besoin de capturer des hommes mais pourquoi cette parodie de chasse et ces combats dans l'arène ?
La jeune femme réfléchit un instant pour ordonner ses pensées.
-C'est la survivance d'une vieille coutume qui date des années qui suivirent la grande catastrophe. Des mâles errants, survivants de la guerre, rôdaient autour des rares villages à la recherche de nourriture. Il se créa des milices d'autodéfense villageoise qui, rapidement, constituèrent la caste des chasseresses. A l'origine elles protégeaient donc les villages et chaque fois qu'elles capturaient vivant un prisonnier, elles le combattaient devant tous les villageois pour bien montrer aux mâles esclaves leur condition inférieure. La tradition des chasseresses s'est perpétuée au fil des années et les dirigeantes et même l'Impératrice sont toujours choisies parmi les membres de cette caste.
« Lorsque la planète Xen a été découverte, il a été décidé de remettre en honneur cette tradition et les combats dans l'arène sont télévisés en direct et retransmis sur notre planète! Toutefois, nous prenions bien garde de ne capturer que sept jeunes mâles par village tous les trois à cinq ans. D'après nos études sur ordinateur, ce prélèvement minime ne devait en rien perturber le développement des communautés indigènes. »
-Malheureusement vos passages créaient beaucoup plus de pertes. Dans leur fuite, femmes et enfants mouraient victimes d'accidents et surtout des bêtes fauves. Enfin dans les mois qui suivaient nombre d'entre eux périssaient de faim quand les chasseurs étaient trop peu nombreux.
Myrna fronça discrètement les sourcils.
-J'ignorais ce détail et je comprends maintenant pourquoi certains villages disparaissaient alors que nous n'avions jamais tué ni une femme ni un enfant.
Les traits de Tor se durcirent brusquement.
-Une chasseresse, une fois, a tué une femme qui allait accoucher. C'est, en réalité, ce geste qui a déclenché le curieux processus qui nous a amenés ici.
Devant la muette interrogation de Myrna, il ajouta :
-C'est une histoire qui nous écarte trop de notre sujet. Je vous remercie d'avoir répondu franchement aux questions que je me posais. Maintenant, je vais devoir réfléchir à l'avenir. Toutefois, je tiens à vous rassurer. Four discuter avec vos congénères et obtenir votre venue ici, j'ai utilisé le terme d'otage. En fait, il est très mat choisi. Quelles que soient mes décisions futures, je vous donne ma parole que dans deux jours, trois où plus tard, je vous ferai raccompagner à votre base, sans rien exiger en échange.
La jeune femme, très surprise, hocha doucement la tête avant de murmurer, avec un sourire qui éclaira son visage :
-Dès mon arrivée ici, je me suis sentie en sécurité. Toutefois, j'avoue mourir de curiosité. Pouvez-vous m'expliquer comment te primitif capturé par des chasseresses a pu se transformer en maître puissant dominant une technologie largement supérieure à la mienne ?
Tor se leva en souriant :
-L'histoire est très langue et je n'ai malheureusement pas le temps de vous la narrer aujourd'hui. Toutefois, je vous ai préparé une surprise.
Sur un appel mental, un deuxième oeuf irisé pénétra dans la pièce.
-Il s'appelle A 2 et sera à votre service pendant tout votre séjour ici. Il répondra mieux que moi à toutes les questions que vous vous posez. Si vous te souhaitez, nous pouvons nous retrouver ce soir pour dîner.
-Très volontiers, répondit spontanément Myrna.
***
Toute la journée, Tor travailla avec Pso pour mettre au point le plan qu'il avait imaginé pour écarter définitivement les chasseresses de Xen.
-Quarante-huit heures seront nécessaires pour mettre l'aviso en état et pour terminer les transcriptions des travaux biologiques que tu as demandées.
-Nous avons largement le temps. Les systèmes de sécurité sont-ils toujours en place ?
-Naturellement ! La base Wyz sur Xen est sous surveillance permanente et toute irruption d'un vaisseau dans ce système solaire sera immédiatement détectée. De plus, j'ai maintenant deux sondes porteuses de petits missiles en orbite autour de Swiz.
-Ne risquent-elles pas d'être interceptées ?
-Certainement pas! Il faudrait des détecteurs très particuliers que les chasseresses ne possèdent pas.
Tor se leva du vaste fauteuil pivotant qu'il occupait et se frotta machinalement les yeux. Se tournant vers A 1, il émit :
-Il va être temps de songer au dîner. Je ne voudrais pas faire attendre notre invitée.
-A 2 vient de m'appeler. Myrna souhaiterait que tu acceptes de souper dans ses appartements où elle a fait préparer le repas.
-Entièrement d'accord, mais dans une demi-heure seulement, car j'aimerais passer au bloc sanitaire pour me relaxer. Les longs échanges psychiques avec Pso me fatiguent encore beaucoup.
-Je l'avais noté, aussi le bloc est-il prêt. Lorsque, revigoré et détendu, Tor pénétra dans l'appartement de Myrna, il s'immobilisa, sidéré, sur le seuil de la porte. La pièce, fonctionnelle et froide, avait été totalement transformée. Des tentures chatoyantes ornaient les murs éclairés par d'invisibles projecteurs.
Au centre, se dressait une table richement ornée de vaisselle luxueuse.
Ce qui stupéfia le plus Tor fut Myrna. La jeune femme portait une longue robe vert émeraude, largement fendue sur le côté droit. De plus, un décolleté audacieux dégageait les épaulas, la gorge et une partie du dos. Les cheveux blonds avaient été ramenés en une large natte piquetée de pierres précieuses qui auréolaient sa tête.
Elle sourit largement en disant :
-Entrez, Tor. Je suis sûre que vous ignoriez que votre base contenait de tels trésors artistiques. A 2 a été merveilleux et a réalisé toutes ces transformations à une vitesse extraordinaire qui nous a laissé le temps de composer un savoureux menu. Asseyez-vous et goûtez ce breuvage.
Docilement, Tor se laissa conduire à son fauteuil et saisit le verre finement ciselé que A 2 lui tendit. Il savoura le liquide parfumé et légèrement alcoolisé. Le repas fut une suite d'enchantement pour les yeux comme pour le palais.
Myrna s'amusait visiblement de la surprise de Tor.
-A 2 m'a résumé votre histoire. Passer de l'ère paléolithique à une civilisation technique très sophistiquée, vous a demandé un effort inimaginable et je conçois fort bien que vous n'ayez guère eu le temps de vous occuper des détails gastronomiques ou artistiques.
Tor répondit spontanément :
-Votre venue ici est réellement un bienfait.
Sans vous, ces trésors d'art seraient restés longtemps ignorés.
Le repas achevé, Myrna se lava, le regard brillant. Voyant que Tor hésitait, elle dit d'une voix chaude :
-Venez voir les petites transformations que j'ai demandées à A 2 d'effectuer dans ma chambre.
Intrigué, Tor avança de quelques pas. Une lumière douce éclairait la pièce tandis que s'élevait une musique discrète. La couche étroite avait été remplacée par un vaste lit. Un bruit de soie froissée fit se retourner le jeune homme. Son regard accrocha d'abord ta tunique verte qui gisait sur le sol, tandis que Myrna, nue, merveilleusement belle, s'avançait vers lui.
CHAPITRE XXII
Tor contemplait sans réellement les regarder les divers écrans du poste de contrôle. Il songeait à sa nuit précédente avec Myrna. Jamais il n'avait connu un tel bonheur. Très rapidement corps et esprit s'étaient accordés, chacun offrant tout de lui-même et exigeant tout de l'autre.
Epuisés, les deux amants s'étaient endormis à l'aube; Lorsque Tor avait quitté la chambre, Myrna reposait encore. Un long séjour au bloc sanitaire et deux verres de breuvage reconstituant confectionné par A 1 lui avaient redonné une forme acceptable.
-Pso, interrogea-t-il, où en sont les vérifications de l'astronef?
-Elles se poursuivent selon le plan prévu. Dans vingt-quatre heures tout sera en ordre. Toutefois, tu n'as pas encore ouvert ton esprit aux connaissances de commandant de bord. Il te faudra de nombreuses séances de simulation, ce qui prendra plusieurs semaines.
-C'est trop long, grimaça Tor. A 1 pourra-t-il piloter ?
-Certainement pas ! Il n'a pas reçu de conditionnement d'astro-navigateur et ses circuits sont pratiquement tous utilisés. Cependant, je peux te préparer A 5 qui est disponible.
-Alors fais-le vite ! Toutefois, j'aimerais également avoir une première séance d'instruction.
-Je m'en suis douté. Rends-toi dans le laboratoire 215 au 2" niveau.
-Parfait! Mais auparavant je veux entrer en contact avec la base Wyz.
Moins de dix minutes plus tard, la voix de Ryna retentit dans le haut-parleur.
-J'ai décidé, annonça Tor, d'un ton sec, que je devais rencontrer votre Impératrice.
-C'est absolument impossible ! Jamais notre vénérée souveraine ne discutera avec un mâle maudit !
-C'est pourtant la seule façon d'éviter l'anéantissement complet de votre base ainsi que de toutes les centrales énergétiques de Swiz. Je me poserai après-demain à 11 heures, heure locale, sur votre astroport. En cas de refus de votre Impératrice, les destructions commenceront à 11 h 15 ! Encore un détail. Au cas où cela vous intéresserait, le commandant Myrna sera libéré à ce moment ! J'attends une réponse dans un délai de vingt-quatre heures, pas une seconde de plus !
Tor interrompit brutalement la communication et lança à Pso :
-Maintenant je suis prêt pour la première leçon de pilotage !
***
Ryna était dans une rage telle que ses mains tremblantes n'arrivaient pas à éteindre son émetteur.
-Ala, jeta-t-elle avec hargne, contacte l'état-major et essaie d'obtenir une communication avec l'Impératrice !
Un quart d'heure plus tard, le visage impassible de la souveraine apparut sur l'écran. Après avoir écouté sans broncher le rapport de Ryna assorti de ses commentaires indignés, elle ordonna :
-Donnez sans tarder mon accord pour cette rencontre. Je préfère négocier moi-même et agir si j'en ai l'occasion. Vous avez fait jusqu'à présent trop d'erreurs pour vous laisser continuer ! Restez dans la base sans bouger et ne prenez aucune initiative sans en informer au préalable mon état-major !
Livide, Ryna regagna son bureau. Maintenant, quelle que soit l'issue des négociations, elle savait que l'Impératrice ne lui pardonnerait pas son échec ! Elle regrettait presque de ne pas avoir réveillé Myrna lors de l'évasion du prisonnier. C'est elle qui maintenant serait dans cette mauvaise position. En évoquant le nom de sa rivale, elle marmonna :
-J'espère au moins que ce maudit mâle lui fait endurer les supplices les plus ignobles !
***
Tor pénétra dans l'appartement de Myrna. Le décor de la veille avait été légèrement modifié et embelli. La jeune femme portait une robe de soie noire très ajustée, mettant en valeur sa taille mince et sa poitrine altière.
-Tu as t'air fatigué, Tor, remarqua-t-elle en lui tendant un verre empli d'un mélange de sa composition.
-J'ai subi une initiation au vol spatial et j'avoue être épuisé, répondit-il en s'effondrant dans te fauteuil confortable qu'elle lui désignait.
-Détends-toi et savoure cette mixture. Tandis que Tor dégustait sa boisson, elle ajouta, avec un discret sourire :
-Après le dîner, je connais un moyen pour te faire oublier tes soucis !
Au cours du repas, encore plus succulent que la veille, Tor dit :
-Nous avons rendez-vous sur Swiz après-demain matin, avec ton Impératrice. J'ai reçu cet après-midi son accord. Tu m'accompagneras pour prouver que je n'ai pas trop maltraité mon otage.
Myrna posa doucement la main sur celle de Tor.
-Je préférerais que cette situation dure toujours. Malheureusement c'est impossible !
Elle s'interrompit pour demander :
-Nous devrions déjà être en route. Jamais nous ne pourrons être à Swiz en temps voulu !
-Rassure-toi. Il suffit de quelques heures à mon vaisseau pour ce court trajet. Cela nous laisse encore plus de vingt-quatre heures !
CHAPITRE XXIII
Tor était debout dans le poste de commandement de l'aviso avec Myrna à ses côtés, tandis qu'A 5 occupait le siège du pilote.
-Nous sommes en orbite stationnaire autour de Swiz, annonça le robot de sa voix métallique.
Le voyage s'était déroulé sans incident en moins de deux heures. Myrna, très impressionnée par une technologie infiniment supérieure à celle de sa race, n'avait pas prononcé une parole. Tor consulta son chronographe.
-Il est temps de gagner la navette de liaison si nous ne voulons pas être en retard !
Escortés de A 1 et A 2, ils pénétrèrent dans une vaste soute où une navette était parée pour l'éjection. Elle avait une forme effilée et mesurait une quinzaine de mètres de long.
Myrna avait revêtu sa tunique blanche qu'elle portait en arrivant à la base. Tor lui tendit une ceinture protectrice. Désireux que la jeune femme ignore son utilité, il avait demandé à A1 d'en modifier l'aspect en l'enrichissant d'or ciselé et de pierres précieuses.
-Quel joli bijou ! s'exclama Myrna.
-J'aimerais que tu la portes pendant mon séjour sur Swiz.
Puis Tor émit à l'intention d'A 2 :
-Veille à ce que l'écran protecteur soit toujours à un niveau convenable.
Au moment de monter dans la navette, Myrna dit après un instant d'hésitation :
-Je ne sais quelles sont tes intentions, Tor, mais méfie-toi ! Pour mes congénères, ta haine des hommes est telle qu'elles ne reculeront devant aucune traîtrise et ne te fie en aucune façon à leur parole !
-Merci, Myrna ! Cette confidence a dû te demander un rude effort ! Crois bien que je l'apprécie à sa juste mesure.
La navette fut éjectée dans l'espace, puis merveilleusement guidée par A 5 depuis le vaisseau, plongea dans ['atmosphère.
Quelques minutes plus tard, elle se posa en douceur sur l'astroport.
-Le comité d'accueil est en place, sourit Tor en désignant sur l'écran de visibilité extérieure une vingtaine de chasseresses groupées à l'extrémité du terrain.
Le jeune homme descendit le premier. Il était vêtu d'une simple combinaison d'astronaute et ne portait aucune arme. Il fut bientôt suivi de Myrna et des deux robots.
Tor se dirigea d'un pas rapide vers le groupe des femmes. L'Impératrice se tenait debout, immobile. Elle était grande, mince, âgée d'une cinquantaine d'années. Son visage aux traits réguliers exprimait une autorité certaine. Elle était vêtue d'une tunique longue, dorée, et portait au-dessus de sa chevelure ébène un mince diadème.
Tor s'arrêta à quelques mètres de la souveraine et attendit. Myrna avança encore de deux pas et tomba à genoux.
-Vénérée souveraine, je vous présente Tor, descendant et héritier de la civilisation des Krals.
L'Impératrice feignit de ne pas entendre et dévisagea Tor d'un oeil courroucé. Ce dernier supporta l'examen sans baisser les yeux. Une longue minute s'écoula et ce fut la souveraine qui dut détourner son regard. Riwa, qui se tenait à sa droite, hurla, le visage contracté par la colère :
-A genoux, chien ! Prosterne-toi devant tes maîtres !
-Je ne suis le serviteur de personne, rétorqua Tor d'un ton sec. Je viens discuter, d'égal à égal, avec l'Impératrice de Swiz.
Riwa grimaça de rage et lança :
-Je te défie en combat singulier ! Tu peux même choisir les armes !
Tor s'offrit le luxe d'un sourire et railla :
-Le temps de ces jeux puérils est terminé ! De plus, je n'ai aucune envie de briser ces dents artificielles qui sont presque aussi belles que celles que tu as perdues dans l'arène !
Ce rappel de sa défaite fit perdre toute raison à Riwa qui porta la main à l'arme suspendue à sa ceinture, La voix sèche de l'Impératrice l'obligea à interrompre son geste.
-Il suffit, Riwa ! Regagne ton poste et ne reparais plus devant nous avant la fin des négociations.
La chasseresse s'inclina et s'éloigna à grands pas. La scène laissa Tor songeur car quelque chose sonnait faux, comme s'il s'agissait d'une comédie jouée uniquement à son intention, il venait de subir un premier test.
-Nos entretiens risquant d'être longs, accepteriez-vous qu'ils se déroulent dans mon palais? reprit l'Impératrice.
Tor acquiesça aussitôt et elle reprit en désignant tes robots :
-Ne pouvez-vous éloigner ces curieux objets ?
-Ce sont mes serviteurs et ils me suivent toujours.
Sur un signe de l'Impératrice, des véhicules sur coussin d'air s'avancèrent :
-Voici Raza, reprit la souveraine en désignant une sculpturale brune dont la tunique ne masquait qu'imparfaitement des charmes certains. Elle vous tiendra compagnie jusqu'au palais. Le commandant Myrna montera dans mon Trans. Je suis tellement heureuse de la retrouver après une aussi longue absence !
Tor intervint alors :
-Jusqu'à la fin des négociations, je considère qu'elle est toujours mon otage. Aussi un robot t'accompagnera partout !
Le cortège se mit rapidement en route. Dans son véhicule richement décoré, l'Impératrice s'exclama :
-Chère Myrna, il y a si longtemps que je ne t'ai vue. Viens m'embrasser.
Tandis que la jeune fille s'exécutait, la souveraine murmura à son oreille :
-Cette étrange créature ovoïde comprend-elle notre langue ?
-Très certainement, vénérée souveraine.
-Peut-elle communiquer avec le mâle ?
-Je l'ignore mais il est en contact avec l'autre robot. Ils échangent leurs connaissances avec une vitesse incroyable.
Tout en feignant une affection débordante, la souveraine reprit :
-Ces mâles sont-ils nombreux dans cette base?
Myrna réfléchit un instant. Grâce à ses longs entretiens avec A 2, elle savait tout de l'origine de Tor. Elle allait parler de sa solitude mais un sentiment curieux lui fit répondre :
-Je l'ignore, Majesté. Je n'ai vu que Tor mais je sais que sa puissance est considérable. Il faudrait essayer de négocier car un conflit entre nos deux races entraînerait des destructions irréparables.
Dépitée, l'Impératrice repoussa brutalement Myrna et garda un silence maussade jusqu'à l'arrivée au palais. Pendant ce temps, dans l'autre véhicule, la brune Raza essayait de tenir une conversation enjouée. Les yeux brillants, elle se serra contre Tor en murmurant :
-Vous êtes le premier vrai mâle qu'il m'ait été donné de rencontrer! J'espère que nous aurons l'occasion de nous voir dans des circonstances moins protocolaires.
Tor resta de marbre devant ces avances non déguisées.
-N'avez-vous jamais participé à une chasse sur Xen ?
-Une fois seulement mais je n'ai jamais eu l'occasion de tirer un gibier !
-Il est dommage, rétorqua Tor d'une voix sèche, que vous n'ayez été sur Xen ces dernières semaines. Vous auriez pu avoir d'intéressantes émotions.
L'arrivée au palais interrompit la conversation. C'était une élégante construction blanche à plusieurs étages bâtie au milieu d'un parc.
Le Trans s'arrêta devant un perron et Raza conduisit Tor dans une vaste salle où une table carrée était dressée. L'Impératrice s'assit et désigna à Tor le fauteuil en face d'elle tandis que l'assistance restait debout à distance respectueuse.
-La coutume veut, sur notre planète, qu'avant d'entamer une discussion, nous prenions un rafraîchissement en signe d'amitié.
Deux chasseresses déposèrent aussitôt sur la table une coupe de métal doré délicatement ciselé qu'elles emplirent d'un liquide vert clair.
La souveraine la saisit, en but une moitié pour bien montrer qu'il n'avait rien à craindre, puis tendit la coupe à Tor.
-Attention ! émit A 1, il m'a semblé que la reine a laissé tomber un minuscule comprimé.
Tor saisit la coupe, huma son contenu et sourit tandis que les ondes du robot frappait son esprit.
-Notre navette est l'objet d'une attaque par des engins blindés.
-Les défenses automatiques fonctionnent-elles ? s'enquit Tor.
-Aucun problème de ce côté ! Le détachement assaillant vient d'être désintégré et le vaisseau envoie comme prévu un projectile d'antimatière sur l'objectif désigné.
Ce rapide échange mental n'avait demandé qu'une fraction de seconde. Tor porta la coupe à ses lèvres puis brusquement la laissa tomber sur le sol.
-Majesté, dit-il dans un silence pesant, nos organismes doivent être fort différents. Le mien ne tolère absolument pas le cyanure dont l'odeur est très caractéristique pour le primitif que je suis.
À ce moment, une chasseresse pénétra en courant dans la salie et murmura une phrase à l'oreille de l'Impératrice qui pâlit malgré tous les efforts qu'elle faisait pour contrôler ses réactions.
Tor frappa de la main sur la table et dit d'un ton sec :
-Maintenant que vos facéties sont terminées, nous pouvons discuter sérieusement. Il est inutile de continuer à envoyer vos troupes à une mort certaine. Ma vedette est en état de défense automatique et quiconque s'en approche est désintégré. Même vos plus puissants projectiles thermonucléaires ne parviendraient pas à la détruire. Enfin le missile qui a désintégré votre deuxième centrale énergétique est la réponse à cette tentative ridicule d'empoisonnement.
Quelques gouttes de sueur perlèrent au front de l'Impératrice.
-Remerciez le ciel de votre échec, reprit
Tor, car si vous aviez réussi à me tuer, ma mort n'aurait précédé que de quelques minutes l'anéantissement de votre peuple. En effet, en cas de disparition, j'avais programmé plusieurs fusées nucléaires, une se serait abattue sur votre capitale et les autres auraient explosé à moyenne altitude empoisonnant l'atmosphère et détruisant toute vie organique pour plusieurs siècles !
Après un instant de stupéfaction, la souveraine soupira :
-li semble que nous soyons à votre merci. Qu'exigez-vous de nous ?
-Simplement que vous fermiez définitivement votre base sur Xen. De toute façon, j'ai déjà installé des défenses automatiques et tout vaisseau pénétrant dans ce système solaire sera immédiatement désintégré !
L'Impératrice réfléchit un instant.
-Vous ne pouvez ignorer que sans les mâles de Xen pour faire développer nos oeufs, notre population déjà en régression ne tardera pas à s'éteindre. C'est nous condamner à ta disparition aussi sûrement qu'avec vos projectiles thermonucléaires.
Tor laissa échapper un sourire ironique :
-Je pourrais vous répondre que vous n'avez qu'à revenir aux méthodes ancestrales. Dans toutes les espèces humanoïdes, ce sont les femelles qui mettent les enfants au monde ! Devant le haut-le-corps des chasseresses, il ajouta :
-Toutefois, connaissant vos habitudes, vous seriez capables de préférer la disparition de votre race à une reproduction naturelle.
Aussi, je peux vous offrir une solution à ce problème. Le commandant Myrna m'a révélé que vous saviez obtenir une fécondation artificielle et une culture des embryons jusque vers quatre mois.
-C'est exact, admit l'Impératrice, mais nos biologistes n'ont pu dépasser le terme de cinq mois.
Tor sortit d'une poche de sa combinaison une petite liasse de papiers.
-Voici, rédigé en termes intelligibles pour votre race, le moyen d'obtenir un développement harmonieux du foetus jusqu'à son terme.
L'Impératrice réfléchit un long moment :
-Cela résoudrait effectivement nos problèmes. Qu'exigez-vous en échange ?
-Rien de plus que l'évacuation de votre base et la promesse que vous ne renouvellerez pas vos expériences sur une autre planète.
Un froncement discret de sourcils trahit la surprise de la souveraine.
-Est-ce réellement tout? Vous ne venez pas ici pour rétablir la loi des mâles ?
-C'est un problème propre à Swiz qui ne me concerne aucunement. Si vos hommes acceptent l'esclavage, tant pis pour eux! Cela sera à eux, et à eux seuls, de conquérir l'égalité s'ils la souhaitent un jour !
Soulagée, l'Impératrice esquissa un sourire :
-Je regrette de ne pas vous avoir écouté auparavant. Cela aurait évité la destruction d'une centrale et la mort de plusieurs chasseresses. Nous pouvons conclure notre traité, cette fois sans arrière-pensée. Reste toutefois un détail à régler, c'est le sort de votre otage sur lequel votre robot semble veiller.
Sur un signe de l'Impératrice, ta jeune femme avança près de la table :
-Le commandant Myrna, dit Tor, vous confirmera qu'elle a été traitée avec tous les égards dus à son rang. Maintenant que notre accord est scellé, elle est totalement libre de choisir sa destinée et de rester sur Swiz.
Le regard triste, presque implorant de Myrna lui fit ajouter :
-Toutefois, si elle le souhaite, elle peut aussi repartir avec moi vers l'inconnu. Je serais follement heureux de l'accueillir à bord de mon vaisseau !
La cour de l'Impératrice de Swiz connut alors son plus grand scandale depuis sa création, car Myrna, au mépris de toutes les règles établies, s'élança dans les bras de Tor et le couple s'étreignit fougueusement sans se soucier des cris horrifiés des spectatrices.
Seul un soupçon de regret voila un instant le regard de la souveraine.
-Je pense que la cause est entendue, dit-elle. Un véhicule vous reconduira à votre navette et dès demain notre base de Xen sera évacuée.
Après un rapide salut, Tor et sa compagne gagnèrent la porte, main dans la main. Ce fut l'instant que choisit une chasseresse pour hurler :
-Une telle abomination ne peut exister, mieux vaut la voir morte.
Vivement elle saisit son pistolaser et tira sur Myrna. L'éclair rougeâtre atteignit la jeune femme au milieu du front, ne créant qu'un simple grésillement au contact du champ protecteur. Tor retint de justesse A 2 qui allait désintégrer la tireuse, hébétée de son échec!
Myrna, très pâle, car elle avait cru sa dernière heure arrivée, lança un regard interrogateur à Tor :
-Tu sembles oublier, sourit-il, que tu es sous ma protection et celle très efficace d'A 2. Inutile de nous attarder plus longtemps, j'ai hâte de regagner notre vaisseau.
***
Beaucoup plus tard, Tor et Myrna regardaient, sur l'écran, Swiz qui n'était plus qu'une sphère bleutée diminuant rapidement de volume.
-Es-tu sûre, demanda Tor, de ne pas regretter ta planète ?
-Là où tu seras, sera ma patrie. Et toi, ne désires-tu pas retourner à ton existence primitive?
-Tu sais bien que cela est impossible.
-Où irons-nous ?
Tor serra tendrement sa compagne.
-À la base, nous avons mérité quelques semaines d'intimité, puis nous poursuivrons l'étude des techniques de mes ancêtres. Ensuite nous partirons avec le vaisseau explorer la planète mère des Krals et les antres colonies. Peut-être trouverons-nous quelques survivants de ma race ?
FIN