J’étais couché mollement,
Et contre mon ordinaire
Je dormais tranquillement ;
Quand un enfant s’en vint faire
À ma porte quelque bruit.
Il pleuvait fort cette nuit :
Le vent, le froid, et l’orage
Contre l’enfant faisaient rage.
« Ouvrez ; dit-il, je suis nu. »
Moi charitable et bon homme
J’ouvre au pauvre morfondu ;
Et m’enquiers comme il se nomme.
« Je te le dirai tantôt,
Repartit-il ; car il faut
Qu’auparavant je m’essuie. »
J’allume aussitôt du feu.
Il regarde si la pluie
N’a point gâté quelque peu
Un arc dont je me méfie.
Je m’approche toutefois
Et de l’enfant prends les doigts ;
Les réchauffe ; et dans moi-même
Je dis : « Pourquoi craindre tant ?
Que peut-il ? c’est un enfant :
Ma couardise est extrême
D’avoir eu le moindre effroi
Que serait-ce si chez moi
J’avais reçu Polyphème ? »
L’enfant, d’un air enjoué,
Ayant un peu secoué
Les pièces de son armure ;.
Et sa blonde chevelure,
Prend un trait, un trait vainqueur,
Qu’il me lance au fond du cœur.
« Voilà, dit-il, pour ta peine.
Souviens-toi bien de Clymène,
Et de l’Amour ; c’est mon nom.
– Ah ! je vous connais, lui dis-je,
Ingrat et cruel garçon ;
Faut-il que qui vous oblige
Soit traité de la façon ? »
Amour fit une gambade,
Et le petit scélérat
Me dit ; « Pauvre camarade,
Mon arc est en bon état ;
Mais ton cœur est bien malade. »