1
La lettre
Une brise étrange et scintillante s’engouffra par la fenêtre de la chambre d’Athéna, un matin, apportant un rouleau de papyrus. Elle se leva de son bureau d’un bond et observa avec stupéfaction le rouleau qui tourbillonnait dans sa direction.
— Un message pour Athéna en provenance du mont Olympe ! hurla le vent. Est-elle présente ?
— Oui, je suis elle. Je suis présente. Je veux dire… Je suis Athéna, répondit-elle précipitamment.
La brise s’immobilisa aussi abruptement qu’elle s’était levée, et le rouleau tomba au beau milieu de son devoir de sciences. Un frisson d’excitation l’envahit. Elle n’avait jamais reçu auparavant de message de la part des dieux ! Ni aucun humain de sa connaissance non plus. Les dieux et les déesses du mont Olympe régnaient sur Terre, mais ils ne dévoilaient leurs pouvoirs que pour des choses d’une importance capitale. Que pouvaient-ils bien lui vouloir ? Lui transmettaient-ils une mission urgente pour sauver le monde ?
Elle déroula le papyrus aussi rapidement qu’elle le put et commença à lire.
Chere Athéna,
Ceci pourrait te paraître surprenant, mais moi, Zeus, roi des dieux et souverain des cieux, je suis ton père. Et, bien entendu, cela fait de toi une déesse.
Hein ? Les genoux d’Athéna tremblaient si fort qu’elle se laissa retomber sur sa chaise. Elle poursuivit sa lecture :
Tu dois bien avoir environ… neuf ans, maintenant ?
— Disons plutôt 12, marmonna-t-elle entre ses dents.
Et pendant la plus grande partie de ces 12 années, elle s’était languie de savoir qui étaient ses parents. Elle s’était raconté des histoires interminables dans sa tête, tentant d’imaginer de quoi ils avaient l’air.
Une pièce du casse-tête venait enfin d’atterrir dans ses mains. Ou sur son bureau, à tout le moins. Ses yeux parcoururent le reste de la lettre :
Quoi qu’il en soit, tu es maintenant assez vieille pour poursuivre tes études a l’Académie du mont Olympe, dont je suis, moi, ton cher vieux papa, le directeur. Je t’ordonne donc par la présente de te préparer À te rendre au mont Olympe de ce pas. Le Service de livraison HermÈs viendra te prendre chez toi demain matin.
Tonnerrement vôtre,
Zeus
* * *
Tout ceci avait-il réellement lieu ? Elle arrivait à peine à le croire ! Sous la signature, il y avait un dessin, le pire qu’elle n’eut jamais vu. Cela ressemblait à une espèce de chenille, mais Athéna avait le sentiment que c’était censé être un bras musclé. Elle fit un sourire ironique. Chose certaine, Zeus n’était pas ce qu’on appelle un artiste.
Un Z doré resplendissant en forme d’éclair, l’insigne officiel de Zeus, était embossé sur le côté du dessin. Elle en suivit le tracé du bout du doigt.
— Aïe !
Une décharge électrique lui pinça le bout du doigt, et le parchemin lui échappa des mains. Alors que le picotement la traversait tout entière, le papyrus se referma brusquement et alla rouler sur la moquette. Aucun doute désormais, la lettre venait bien du roi du mont Olympe !
Se sentant secouée, mais pas à cause de la décharge, elle déglutit. Elle était sa fille. Une déesse !
Athéna sauta sur ses pieds, ne sachant pas si elle devait être heureuse ou contrariée, mais sentant un mélange des deux l’envahir. Se précipitant vers le miroir, elle y observa son reflet. Ses yeux gris pleins de détermination lui rendirent son regard, ne paraissant pas différents alors qu’avant d’avoir lu la lettre. Et ses longs cheveux châtains ondulés étaient eux aussi comme avant. Du bout du doigt, elle retroussa vers le haut le bout de son nez trop long à son goût, puis fronça les sourcils en voyant le museau de porcelet que cela lui faisait.
Elle ne savait plus trop à quoi elle s’était attendue en allant se voir dans le miroir. D’être soudainement devenue belle, sage et puissante ? Autrement dit, de ressembler davantage à une déesse ?
Elle se retourna en entendant Pallas, sa meilleure amie, entrer dans leur chambre.
Crounche ! Crounche !
Pallas la dévisagea en croquant dans une pomme.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-elle en faisant un geste vers la lettre sur le sol.
— Euh…
Athéna prit la lettre rapidement et la cacha derrière son dos.
L’air suspicieux, Pallas s’approcha en essayant de voir de quoi il s’agissait.
— Allez, donne ! Je te connais depuis toujours. Pourquoi ces secrets soudainement ?
Athéna tapa doucement une extrémité du rouleau contre son dos. D’une part, elle avait envie de faire des pirouettes et de clamer bien haut qu’elle était une déesse ! Mais en même temps, elle voulait cacher la lettre au fond de son placard et faire semblant que celle-ci n’était jamais arrivée.
L’ordre qu’elle venait de recevoir de Zeus allait changer toute sa vie.
— C’est une lettre, admit-elle enfin. De mon père. Il se trouve que c’est… Zeus.
Pallas s’arrêta de mastiquer, la bouche encore pleine.
— Ouoi ? Zeu ?
Elle finit rapidement de mastiquer et avala sa bouchée.
— Ton père est le roi des dieux ?
Athéna hocha la tête en lui tendant le rouleau de papyrus.
Pallas le lui arracha presque des mains. Lorsqu’elle eut fini de lire, elle avait les yeux ronds d’ébahissement.
— Tu es une déesse ?
Sa voix était montée d’un cran en prononçant le dernier mot.
— Je ne voudrais surtout pas que ça change quoi que ce soit, dit Athéna à toute vitesse. On va rester les meilleures amies, n’est-ce pas ?
Pallas examina le papyrus de près, semblant ne pas avoir entendu.
— Qui te l’a apportée ?
— Le vent.
— Elle porte le sceau officiel et tout le tralala. C’est vrai, donc… une invitation au mont Olympe.
Pallas regarda Athéna, émerveillée.
— Ma meilleure amie est une déesse !
— Alors, tu crois que je devrais y aller ?
Et même si elle posait la question, Athéna savait que l’idée d’aller à l’Académie du mont Olympe commençait à faire son chemin dans son esprit. Mais comment allait-elle pouvoir le dire à Pallas ? Elle serait dévastée à l’idée qu’Athéna déménage.
Pallas jeta le papyrus sur son lit. Encore une fois, il s’enroula sur lui-même brusquement.
— Tu perds la raison ? Bien sûr que tu dois y aller ! s’exclama-t-elle. Voilà ta chance de devenir vraiment quelqu’un ! Je veux dire : qui ne voudrait pas être une déesse ?
Athéna s’étreignit elle-même et regarda par la fenêtre en direction de la rivière Triton, se sentant un peu blessée. On aurait dit que Pallas essayait de se débarrasser d’elle. Elle vivait avec la famille de Pallas depuis qu’elle était bébé. Les deux filles avaient partagé cette chambre et avaient vécu comme des sœurs toute leur vie.
— Mais tu vas me manquer, Pal, dit Athéna doucement.
Pallas s’approcha de la fenêtre et entoura Athéna de ses bras. Sa voix était plus douce, désormais, comme si elle venait de se rendre compte qu’elle allait perdre sa meilleure amie.
— Ouais. Tu vas me manquer aussi, dit-elle en prenant une grande inspiration. Mais tu t’es toujours posé des questions au sujet de tes parents. Voilà ta chance de pouvoir enfin découvrir qui ils sont. Et de plus, on dirait bien que Zeus ne te donne pas vraiment le choix.
Athéna hocha la tête.
— En effet, sa lettre est plutôt impérative.
Elle leva le nez en l’air d’une manière arrogante pour le citer en prenant une voix profonde et autoritaire :
— « Je t’ordonne donc par la présente de te préparer à te rendre au mont Olympe de ce pas. »
Pallas ricana.
— « Tonnerrement vôtre », l’imita-t-elle d’un ton de basse très fort.
— Zeus ! terminèrent-elles en chœur.
Elles se laissèrent tomber chacune sur leur lit, écroulées de rire.
— J’imagine que contrevenir aux désirs d’un dieu, même s’il est mon père, serait une très mauvaise idée, dit Athéna une fois qu’elles furent calmées. S’il se fâchait, il pourrait bien me jeter l’un de ses éclairs à la tête.
Pallas pâlit soudainement, et elle se releva sur un coude pour la regarder.
— Crois-tu qu’il pourrait être violent ? demanda-t-elle.
— Ne t’en fais pas, dit Athéna rapidement, en se tournant sur le côté pour regarder Pallas. Je suis certaine que nous allons bien nous entendre.
Mais elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler cet éclair et de se sentir un peu nerveuse à l’idée de rencontrer ce père si puissant.
Elle tendit la main vers un jouet sur sa table de chevet, un cheval de bois nommé Woody.
— Je me demande de quoi aura l’air l’Académie, songea-t-elle tout haut en lissant des doigts la crinière de son jouet d’enfance préféré.
— Je parie que les dieux et les déesses qui la fréquentent sont tous des génies comme toi, dit Pallas en appuyant sa tête sur son poing. En fait, je n’arrive pas à croire que personne n’ait deviné que tu es une déesse. Je veux dire, tu as appris à tricoter et à faire des maths alors que tu n’avais que trois ans ! Tu es beaucoup plus brillante que nous tous.
Athéna haussa les épaules, sachant que c’était la vérité. Ses études, ici-bas sur Terre, étaient si faciles qu’elles en étaient ennuyantes.
— Et il y a les autres choses, aussi, laissa entendre Pallas avec délicatesse.
Athéna tressaillit en regardant ailleurs. Des choses bizarres, voulait dire Pallas, mais elle était trop gentille pour le dire comme ça. Comme cette journée où Athéna avait inventé la première flûte et la première trompette jamais vues sur Terre, puis qu’elle avait fait un concert impromptu, même sans rien connaître à la musique.
Et il y avait cette autre fois où elle avait lu quelque chose au sujet des hiboux et où elle s’était mise à penser qu’il serait amusant de pouvoir voler. Soudainement, ses pieds avaient quitté le sol, et ses cheveux s’étaient transformés en plumes brunes hirsutes. Et au beau milieu du cours de gym, par-dessus le marché ! Heureusement, elle était redevenue comme avant presque immédiatement, et tout le monde avait présumé qu’elle avait simplement été touchée par un jet de magie qui flottait dans l’air et qui était sans doute descendu du mont Olympe ce jour-là.
À partir de ce moment, elle s’était assurée d’être en bonne compagnie lorsqu’elle faisait des choses comme ça. Mais certains des élèves de son école l’appelaient toujours « cervelle d’oiseau » à cause de cet épisode.
— J’en ai assez d’essayer de cacher que je suis différente. Ce serait chouette d’être comme les autres, pour faire changement, admit Athéna. J’aimerais seulement que tu puisses venir toi aussi.
Pallas fit non de la tête.
— Je ne serais pas à ma place, là où tu t’en vas. Mais, hé ! peut-être pourrais-je aller te rendre visite. Si ce n’est pas contre les règles, je veux dire.
Athéna s’égaya.
— Ouais ! Je vais le demander à Zeus en arrivant.
Pallas s’assit.
— Alors, c’est vrai, tu vas y aller ?
Un sourire se forma lentement sur le visage d’Athéna, et elle hocha la tête en s’assoyant sur ses talons.
— Comme tu l’as dit, qui ne voudrait pas être une déesse ?
Pallas sauta de son lit et fit un sourire à son amie.
— Viens, allons annoncer la nouvelle à mes parents et ensuite, je vais t’aider à faire tes valises.
Pendant que les parents de Pallas vérifiaient que la lettre de Zeus était authentique, Athéna commença à empaqueter ses affaires. Les deux filles passèrent le reste de la journée à s’activer, alors qu’Athéna se préparait à quitter la seule maison qu’elle n’eût jamais connue.
— Une valise entière remplie de rouleaux de papyrus ? la taquina Pallas. Ne crois-tu pas qu’ils aient une bibliothèque, à l’Académie ?
— Je ne laisse rien au hasard, répondit Athéna.
Précautionneusement, elle remplit une valise de rouleaux de textes écrits par ses auteurs grecs préférés, notamment Platon, Aristote et Ésope. Puis elle ajouta ses propres rouleaux de notes qui contenaient ses idées d’inventions et de tricot, de même que ses idées de projets de sciences et de maths.
À la fin de la soirée, elle avait empaqueté toute sa vie dans deux valises et un sac. Elle était épuisée, mentalement et physiquement, mais Pallas et elle restèrent éveillées la moitié de la nuit, discutant et rigolant, se demandant de quoi pouvaient bien avoir l’air Zeus et les autres dieux de l’Olympe.
— Je me demande bien quels dieux et quelles déesses fréquentent l’Académie, rêvassait Athéna avec excitation. Je me demande si je vais rencontrer des Amazones. Je me demande si je vais pouvoir monter Pégase.
— Promets-moi de m’en informer, si tu rencontres des dieux sympas comme Poséidon, dit Pallas. Je meurs d’envie de savoir s’il est aussi mignon dans la réalité que la sculpture que j’ai vue en Crète l’été dernier.
— J’en fais ma principale priorité, la taquina Athéna.
— J’espère qu’il n’est pas trop snobinard.
— Moi aussi, dit Athéna. J’espère qu’aucun des dieux et des déesses ne l’est.
Pallas sourit d’un air rêveur.
— J’ai vraiment hâte de dire à tout le monde à l’école demain que tu es une déesse !
Puis elle bâilla.
— Eh bien, bonne nuit, Athéna. Réveillons-nous tôt, demain matin, je vais te faire des crêpes « hiboux » avant que tu partes. Celles avec des oreilles et des yeux en myrtilles que tu aimais lorsque nous étions petites, continua-t-elle d’une voix qui s’atténuait à mesure qu’elle parlait.
Une fois Pallas endormie, Athéna se tourna et se retourna dans son lit jus-qu’au lever du soleil, rêvant au mont Olympe. Dans certains de ses rêves, elle était la vedette de l’Académie, obtenant les plus hauts honneurs. Dans d’autres, des cauchemars, plutôt : Zeus lui lançait des éclairs pour la punir de lui avoir fait honte avec des notes médiocres.
Avant même qu’elle s’en rende compte, le matin arriva, et elle serrait les parents de Pallas dans ses bras pour leur dire au revoir avant qu’ils ne partent travailler. Au moment où Pallas et elle terminaient les crêpes qu’elles avaient faites pour leur petit déjeuner, on frappa à la porte. Hermès était là, portant des sandales ailées, un casque ailé et une toge qui lui descendait jusqu’aux genoux. Derrière lui, sur la pelouse, il y avait un magnifique char argenté qui contenait déjà des piles de paquets.
— Et où es-tu censée t’asseoir ? murmura Pallas derrière elle.
— Bonne question, murmura Athéna à son tour.
Et, curieusement, il n’y avait aucun cheval attelé au char.
— Hop ! Hop ! Nous sommes en retard.
Hermès repoussa certains des paquets pour lui faire de la place. Puis il précipita Athéna, son sac et ses deux valises à bord, comme si elle n’avait été qu’un paquet de plus à livrer. Et d’une certaine manière, elle imagina que c’était le cas.
Dès qu’elle fut installée, des ailes blanches puissantes sortirent des côtés du char.
— Mets ta ceinture ! lui ordonna Hermès lorsque les ailes se mirent à battre.
Athéna attacha la ceinture et se retourna au moment où le char prit son envol.
— Bye ! Tu vas me manquer, Pal ! cria-t-elle par-dessus son épaule.
— Tu vas me manquer aussi ! cria Pallas en lui envoyant la main. N’oublie pas de demander à Zeus pour la visite !
— Ouais ! répondit Athéna en criant elle aussi.
Deux filles de leur cours de mathématiques, en chemin pour se rendre au lycée Triton, rejoignirent Pallas au même moment. Pallas montra le char du doigt, leur parlant avec excitation, probablement pour leur raconter toute l’histoire de la lettre de Zeus, imagina Athéna.
— Promets-moi de ne pas m’oublier ! cria Athéna.
— Quoi ? cria Pallas à son tour en mettant sa main autour de son oreille.
Alors qu’Hermès montait plus haut dans le ciel, l’ombre du char se profila sur une mer de nuages blancs chatoyants.
— J’ai dit : ne m’oublie pas ! essaya encore une fois Athéna.
Mais Pallas ne fit que secouer la tête, l’air perplexe. Malgré tout, Athéna continua de lui envoyer la main jusqu’à ce que les trois filles ne fussent plus que des points minuscules qui se rendaient à l’école le long de la rivière Triton au-dessous d’elle.
Athéna savait que, bien entendu, Pallas se ferait de nouvelles amies une fois qu’elle serait partie. Mais cette pensée ne lui apporta aucun réconfort. Elle ne voulait pas que Pallas rencontre une nouvelle meilleure amie ! La tristesse s’empara d’elle à cette pensée, et une larme coula sur sa joue. Elle s’empressa de l’essuyer ; elle ne voulait pas se montrer à sa nouvelle école avec les yeux rouges.
Soudain, le char fit une embardée, puis il se mit à vaciller. Les ailes de chaque côté se mirent à battre désespérément l’air alors que le char semblait perdre l’équilibre.
Athéna, les yeux agrandis par la peur, fut projetée de tous côtés dans son siège.
— Que se passe-t-il ?
Les muscles des bras d’Hermès saillissaient alors qu’il se débattait avec le levier de commande pour stabiliser les ailes. En maugréant, il donnait des coups de poing sur le tableau de bord.
Les coins des paquets heurtaient les bras et les jambes d’Athéna, qui s’agrippait pour avoir la vie sauve.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle.
— Nous sommes en surcharge. Il faut jeter du lest.
Hermès lui jeta un coup d’œil et, pendant un instant, elle craignit qu’il ne la jette, elle, hors du char. Mais il fit plutôt passer ses deux valises par-dessus bord.
— Attendez ! Mes rouleaux de notes ! protesta-t-elle.
Le cœur brisé, elle ne put que les regarder tomber. Ses idées d’inventions ! Ses journaux personnels ! Toutes ses pensées et ses idées des 12 dernières années étaient consignées sur ces rouleaux. Maintenant, ils avaient disparu, avec la majorité de ses rouleaux de textes d’étude. Il ne lui restait plus qu’un seul sac, qui contenait certains de ses vêtements, une pelote de laine et des aiguilles avec le tricot qu’elle avait commencé, ainsi qu’une biographie de Pythagore qu’elle était en train de lire.
— Vous auriez au moins pu me demander lequel des sacs je voulais garder ! protesta-t-elle.
Hermès ne répondit pas. Le vent soufflait alors si fort qu’elle n’était pas certaine qu’il l’avait entendue.
Au fil de leur voyage, Athéna put entrevoir des champs verdoyants, la mer bleue et les silhouettes des villes qui se profilaient sous eux. Mais tout cela s’atténuait à mesure que le char ailé volait de plus en plus haut.
Bientôt, ils se mirent à tourner en rond autour de la cime d’une montagne gigantesque.
— Prochain arrêt : l’Académie du mont Olympe, grommela Hermès.
Athéna se pencha en avant pour essayer de voir, ses longs cheveux flottant au vent derrière elle.
Dans un accès de vitesse, le char traversa un nuage cotonneux. Juste devant, sa nouvelle école apparut comme par magie. L’Académie, majestueuse, brillait au soleil sur la cime de la plus haute montagne de Grèce. Construite en pierre blanche polie, elle comportait cinq étages et était entourée de tous les côtés de douzaines de colonnes ioniques. Des frises en bas-relief étaient sculptées juste au-dessous du toit en crête.
« On dirait que j’ai échangé Pallas pour un palace », pensa Athéna.
En bas, dans la cour, des douzaines d’étudiants se dépêchaient. Chacun semblait devoir se rendre quelque part. Il s’agissait de jeunes dieux et de jeunes déesses, comprit-elle soudainement. Comme c’était étrange de penser qu’elle était l’une d’eux. Étaient-ils gentils ? L’aimeraient-ils ? Athéna agrippa son sac.
— Trop tard pour changer d’idée, maintenant, dit Hermès.
Comment avait-il deviné qu’elle avait des doutes ?
Il atterrit au haut des marches de granit qui menaient à l’école et la poussa hors du char. Puis, sans un mot de plus, il prit son envol, la laissant derrière avec son sac. Sans doute une autre livraison importante à faire.
Il l’avait déposée devant une énorme porte blanche, sur laquelle était inscrit en lettres taillées au ciseau le mot « BUREAU ». Il y avait une fontaine juste devant. Assoiffée après son voyage, Athéna se pencha pour boire une gorgée et découvrit rapidement qu’au lieu d’eau, une sorte de jus qu’elle n’avait jamais goûté auparavant sortait de la fontaine. C’était si délicieux qu’elle en but une deuxième gorgée.
Lorsqu’elle se redressa, elle remarqua que sa main paraissait bizarre, comme si elle avait été saupoudrée de brillants dorés. En la faisant bouger, elle vit que sa main scintillait au soleil. Tout comme son bras. Comme ses deux bras, en fait ! Et ses jambes aussi.
Sa peau avait commencé à chatoyer… tout comme celle d’une vraie déesse !