The Project Gutenberg EBook of Nouveau voyage en France, by Anonymous
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Title: Nouveau voyage en France
Conversations familières, instructives et amusantes par un Papa
Author: Anonymous
Illustrator: V. -A. Poirson
Release Date: November 16, 2009 [EBook #30484]
Language: French
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OUVRAGE ENRICHI DE NOMBREUSES GRAVURES PAR V.-A. POIRSON
IMPRIMÉES EN COULEURS
![Gayant Gayant](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-26.jpg)
PARIS
GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
6, RUE DES SAINTS-PÈRES, 6
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER.—Le Départ. |
CHAPITRE DEUXIÈME.—Le Jura. |
L'Arrivée à Salins.—La Fabrication du Fromage.—Les Salines.—L'Horlogerie. |
CHAPITRE TROISIÈME.—Les Vosges. |
Épinal.—La Fabrication du Papier.—La Fabrication des Instruments de Musique.—La Maison de Jeanne d'Arc.—Le Bain Romain de Plombières. |
CHAPITRE QUATRIÈME.—Meurthe-et-Moselle. |
Formation du Département.—La guerre de 1870.—Nancy.—Une Verrerie.—Les Mines de Fer.—Un Monument funèbre. |
CHAPITRE CINQUIÈME.—Le Nord. |
Description du Département.—Cambrai.—Valenciennes.—Une Fabrique de Sucre.—La Fabrication des Briques.—Douai.—La Bière.—La Fête de Gayant. |
CHAPITRE SIXIÈME.—Le Nord (Suite). |
Lille.—Une Filature.—Le Beffroi de Bergues.—L'Embarquement à Dunkerque. |
CHAPITRE SEPTIÈME.—La Manche. |
Cherbourg.—Saint-Lô.—Le Cidre.—Granville.—Le Mont-Saint-Michel.—La Récolte du Varech. |
CHAPITRE HUITIÈME.—Le Retour. |
Visite d'une Imprimerie. |
PARIS.—IMPRIMERIE DES ARTS ET MANUFACTURES. 12, RUE PAUL LELONG.—J. DEJEY, PAR. 1947-10-86.
![Une veillée chez les Rinval Une veillée chez les Rinval](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-01.jpg)
CHAPITRE PREMIER
LE DÉPART
Nous avons raconté, dans un précédent recueil, le petit voyage en France que fit la famille Rinval au moment des vacances. On se rappelle que ce voyage avait été décidé pour récompenser les trois enfants, Lucien, Hélène et Paul, du zèle qu'ils avaient mis dans leurs études pendant l'année scolaire. A côté des plaisirs qu'elles devaient procurer aux voyageurs, leurs excursions avaient, on ne l'a pas oublié, un but très utile. Les enfants devaient apprendre, chemin faisant, à connaître les richesses de notre industrie et s'initier à quelques découvertes scientifiques récentes. Ceux de nos jeunes lecteurs qui ont suivi la famille Rinval dans son premier itinéraire se rappellent sans doute les conversations du papa, de la maman et des trois enfants sur les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone, le phonographe, la fabrication de la porcelaine, le tissage de la soie, les vendanges, la fonte de l'acier, les mines à charbon, les différents modes d'éclairage, etc.
La famille de M. Rinval s'était bien promis de continuer ce genre d'études l'année suivante, mais un pénible événement vint l'en empêcher. Javotte, la vieille bonne qui avait élevé les trois enfants, depuis longtemps souffrante et cassée, dut un jour s'aliter à la suite d'un refroidissement et, malgré les soins empressés de Mme Rinval et d'Hélène, elle ne tarda pas à mourir.
Sa mort arriva justement à l'époque des vacances, et la famille fut si attristée de cette perte qu'elle ne songea pas cette année-là à voyager.
![Le départ Le départ](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-02.jpg)
Ce ne fut donc que deux ans après le premier voyage que l'on se décida à se remettre en route. Mme Rinval proposa de commencer cette fois l'excursion par Salins, ville du département du Jura, où habitait une de ses amies d'enfance. M. Rinval accueillit d'autant plus volontiers ce projet que Lucien et Hélène avaient souvent manifesté le désir de se rendre compte de l'exploitation des puits de sel, et que Salins est un des principaux centres de cette industrie.
Les jeunes voyageurs de notre premier récit s'étaient déjà transformés: Lucien atteignait sa quatorzième année. C'était un véritable jeune homme; son instruction était en bonne voie, et il s'acheminait à grands pas vers les épreuves du baccalauréat.
Hélène avait douze ans accomplis. Elle avait fait de sérieux progrès, et on la considérait comme une des meilleures élèves de sa pension. C'était en outre une des jeunes filles les plus douces et les plus aimables que l'on pût rencontrer. Elle s'était appliquée sans relâche à se corriger des mouvements d'humeur et de vivacité qui lui échappaient autrefois et qui avaient tant attristé ses parents. Elle y avait complètement réussi. Tant il est vrai que rien ne résiste à la persévérance des bonnes résolutions.
Paul, qui marchait à grands pas vers sa huitième année, avait lui-même fait des progrès sensibles. Il lisait maintenant couramment et sans trop chantonner. On arrivait assez facilement à le comprendre. Son écriture commençait à se former et il réussissait généralement dans les trois premières règles, à condition, bien entendu, qu'il ne se trouvât pas en présence d'un trop grand nombre de chiffres. La division seule lui semblait vraiment épineuse, mais il s'appliquait de si bon cœur à l'étudier qu'on pouvait entrevoir le jour où il vaincrait les dernières difficultés.
Les soirées étaient toujours consacrées, chez M. Rinval, à l'étude ou à des jeux de salon auxquels prenait part toute la famille. Parfois, le papa entamait de longues causeries que les enfants et même Mme Rinval écoutaient avec le plus vif intérêt. C'était généralement sur les voyages qu'il avait faits jadis en France et à l'étranger que M. Rinval aimait à discourir. Ces récits avaient naturellement le don de réveiller chez les trois enfants le désir de voyager; aussi l'annonce du prochain départ fut-elle accueillie avec une satisfaction générale.
Le 28 août, à huit heures du matin, la famille Rinval quitta donc son domicile, boulevard de Magenta, pour se rendre à la gare du chemin de fer de Lyon, où l'on devait s'embarquer pour Salins.
Au moment du départ, ce fut le cœur assez gros que les trois enfants et leur mère entendirent M. Rinval fermer à double tour la porte de l'appartement. Les domestiques avaient été renvoyés dans leur famille pour la durée du voyage. La maison allait rester déserte. On n'y laissait plus la vieille amie qui, deux ans auparavant, faisait de si tendres adieux à ses chers enfants.
Les tristes pensées des voyageurs se dissipèrent peu à peu, lorsque le train qui les emportait eut franchi les fortifications de la capitale. La conversation ne tarda pas à s'engager.
—Le Jura est un pays rempli de montagnes, n'est-ce pas? demanda Paul, lequel, comme on le voit, s'intéressait déjà aux questions géographiques.
![En wagon En wagon](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-03.jpg)
—Pas entièrement, répondit M. Rinval. La partie qui confine aux départements de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or n'est qu'une vaste plaine. Le reste du département se divise en vignoble, ou région où l'on cultive la vigne, et en basse et haute montagne. La haute montagne comprend les parties les plus élevées de la chaîne du Jura. Son plus haut sommet, celui de Dôle, a 1,681 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer.
—Ce n'est pas encore le mont Blanc, dit Lucien.
—Je crois bien, répondit Paul.
—Quelle hauteur a donc le mont Blanc? demanda Mme Rival au petit garçon.
—Quatre mille huit cent dix mètres, répondit Paul sans sourciller.
Tous se regardèrent étonnés.
—Très bien, Paul, fit M. Rinval. Depuis quand sais-tu cela?
—C'est Hélène qui le disait l'autre jour; et elle ajoutait que c'était la plus haute montagne de l'Europe.
—Bravo! mon élève, fit la jeune fille. Il est heureux, reprit-elle en consultant son Guide, que nous ne nous aventurions pas trop tard dans le Jura. Je lis ici que la neige s'y installe dès le mois de septembre, pour ne fondre qu'en mai. Dans l'arrondissement de Saint-Claude et dans celui de Poligny, on trouve, dit-on, souvent un mètre de neige dès le mois d'octobre, et, dans les hivers rigoureux, il y en a jusqu'à cinq ou six mètres.
—Cinq ou six mètres! On ne me verrait plus, dit Paul.
—Ni aucun de nous, répondit M. Rinval en riant. Heureusement, nous ne sommes qu'au mois d'août; tu peux donc te rassurer.
On voyagea pendant quelque temps en silence, mais Paul posa bientôt une nouvelle question:
—A quelle heure arriverons-nous à Salins? demanda-t-il.
—A sept heures, répondit Hélène.
—Que c'est long! reprit l'enfant.
—Il est vrai, dit Lucien, que les locomotives des chemins de fer ne vont pas aussi vite que les ballons; cependant, auprès des diligences d'autrefois...
—D'ailleurs, nous ne tarderons peut-être pas à pouvoir voyager dans les airs, dit M. Rinval en souriant; cela ira alors beaucoup plus vite.
—Oui; on assure avoir trouvé le moyen de diriger les ballons, fit Lucien.
—Est-ce possible! s'écria Mme Rinval.
—On a déjà suivi un itinéraire déterminé d'avance, et l'on est revenu sans trop de difficultés au point de départ.
—Oui; mais le trajet n'était pas long, observa Hélène.
—Pas bien long, en effet; et le temps était calme. Dame! je ne parierais pas que s'il fallait aller en Chine et lutter contre les tempêtes...
—Toujours est-il que le premier pas est fait, conclut Hélène. Pour moi, je ne désespère pas que l'an prochain nous ne puissions accomplir notre voyage de vacances en ballon.
—Oh! que ce serait amusant! s'écria Paul en sautant de joie.
—Hum! fit Mme Rinval en souriant. J'aime autant les chemins de fer, bien qu'on n'y soit pas à l'abri de tout danger.
Ce fut en devisant de cette façon que l'on arriva à Salins.
![En ballon En ballon](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-04.jpg)
![Les Salines Les Salines](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-05.jpg)
CHAPITRE DEUXIÈME
LE JURA
L'Arrivée à Salins.—La Fabrication du Fromage.—Les Salines.—L'Horlogerie.
On arriva un peu fatigués à Salins, et l'on n'eut guère le loisir de contempler le pays avant de se rendre chez Mme Durand. Lucien et Hélène remarquèrent cependant la curieuse situation de cette petite ville, laquelle se trouve pour ainsi dire emprisonnée dans une gorge étroite, entre deux montagnes élevées.
La voiture qui conduisit la famille Rinval de la gare du chemin de fer chez Mme Durand suivit la rue principale, qui traverse entièrement Salins. Nos voyageurs en apprécièrent la régularité. Ils virent aussi quelques places publiques ornées de fontaines simples, mais de bon goût, et remarquèrent que les maisons étaient spacieuses et solidement bâties.
Après le dîner réconfortant que leur servit leur hôtesse, les langues de nos voyageurs commencèrent à se délier, et la conversation s'engagea sur les beautés de la contrée, sur les usages et sur les travaux de ses habitants.
—L'industrie n'est pas, je crois, fort développée dans le Jura? demanda Lucien à Mme Durand.
—En effet, mon ami, répondit celle-ci, il y a chez nous peu d'industrie; mais l'agriculture y est plus florissante que dans beaucoup d'autres régions de la France. Les cultivateurs forment à peu près les sept dixièmes de la population.
—Quelles sont les principales industries du Jura? demanda à son tour Hélène.
—Après l'exploitation des salines—dont vous pourrez vous rendre compte demain—viennent la fabrication des objets tournés en buis, corne ou écaille, à laquelle on se livre principalement à Saint-Claude; la lunetterie, l'horlogerie et l'argenterie ruolz, de Morez; les scieries à eau de Poligny; les forges de Dôle...
![Pâturage du Jura Pâturage du Jura](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-06.jpg)
—Mais voilà encore beaucoup de choses, dit Mme Rinval, et je m'étonne que dans un pays où l'on s'occupe autant d'agriculture, on puisse trouver un nombre d'ouvriers suffisant pour se livrer à la fabrication de tous ces articles.
—C'est que nos compatriotes ont, comme l'on dit, deux cordes à leur arc, répondit Mme Durand. L'été est consacré par la population ouvrière aux travaux des champs, et beaucoup s'occupent pendant l'hiver à des travaux industriels, lesquels s'accomplissent généralement au foyer, dans les veillées.
—Le Jura renferme beaucoup de forêts, je crois? dit Hélène.
—Les forêts couvrent, en effet, une grande partie de notre département et fournissent une grande quantité de bois de construction.
—Si j'ai bonne mémoire, dit à son tour M. Rinval, on s'occupe ici tout particulièrement de l'élevage du bétail?
—Oui, monsieur. Dans la plaine, on élève principalement les bœufs et les vaches pour la boucherie, tandis que dans les arrondissements de Saint-Claude, de Poligny et de Lons-le-Saunier, on s'adonne surtout à la fabrication du fromage.
—Et quelle espèce de fromage y fabrique-t-on? dit Hélène.
—Le gruyère.
—Tiens! fit Paul; je croyais que ce fromage venait de la ville de Gruyères, en Suisse.
—En effet, répondit Mme Durand, c'est cette ville qui lui a donné son nom; mais on en fabrique aussi dans les montagnes du Jura et des Vosges. Ici, la fabrication se fait en grand, dans de vastes locaux appartenant à un certain nombre de cultivateurs associés qu'on nomme fruitiers. Dans les Vosges, on fait les fromages pendant la belle saison, dans des cabanes construites sur les montagnes mêmes.
—Mais avec quoi fait-on le fromage? reprit le petit garçon.
—Parbleu, avec du lait, dit Lucien.
—Oui, mais de quelle façon?
—On se sert de grandes chaudières pouvant contenir environ deux cent cinquante litres, reprit Mme Durand. On y verse le lait au tiers écrémé, et l'on chauffe au moyen de fagots de petit bois parfaitement sec. Aussitôt que le liquide a atteint le degré de chaleur voulu, on verse dans la chaudière à peu près un demi-litre de présure.
Les yeux de Paul semblèrent poser un point d'interrogation lorsqu'il entendit ce mot. M. Rinval vint à son secours.
![La fabrication du fromage La fabrication du fromage](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-07.jpg)
—La présure, dit-il, est du lait aigri que l'on recueille dans l'estomac des jeunes moutons ou des jeunes veaux, et qui sert à faire cailler le lait.
—Lorsque le caillé est formé, ce qui demande un quart d'heure environ, reprit Mme Durand, on le taille et on le fait chauffer de nouveau. Bientôt il présente une teinte jaunâtre, il se roule parfaitement entre les doigts et craque légèrement sous la dent. On le met alors dans un moule et on le porte à la cave. Là, on le frotte tous les jours et dans tous les sens avec du sel bien pilé, jusqu'à ce que la meule n'en absorbe plus. Cela dure de deux à trois mois.
—Que de soins! dit Mme Rinval. Il est vrai que cette industrie est productive, si ce que l'on m'a dit est exact. On m'a cité, comme produit annuel de la fabrication du fromage dans le Jura, un chiffre si élevé que je n'ose le répéter.
—Dix-huit millions, n'est-ce pas? fit Mme Durand. Eh bien, ce chiffre n'est pas exagéré.
—Dix-huit millions de francs de fromage! s'écria Paul émerveillé. Il y a, je parie, de quoi faire une nouvelle montagne à ajouter à la chaîne du Jura.
Tout le monde éclata de rire à cette boutade.
Le lendemain, nos voyageurs allèrent visiter la vaste saline qui occupe le centre de la ville.
Un contremaître obligeant leur montra tous les détails des travaux, et notamment les réservoirs où l'eau salée des sources, amenée par l'action des pompes, subit une première évaporation. Il leur raconta que trois trous de sonde, commencés en 1845 et terminés en 1849, avaient d'abord atteint le terrain salifère à 223 mètres et avaient été poussés depuis jusqu'à 265 mètres. Chacun d'eux fournit par jour 500 hectolitres de sel.
La moitié des eaux est dirigée par un conduit en fonte de 17 kilomètres de longueur sur la saline d'Arc, dans le département du Doubs, tandis que l'autre moitié, élevée par le même mécanisme hydraulique, va remplir les réservoirs, d'où elle se rend aux chaudières à évaporation.
—Ces salines ne servent-elles pas aussi à l'alimentation d'un établissement de bains? demanda M. Rinval.
![La fabrication des pièces d'horlogerie, dans une ferme La fabrication des pièces d'horlogerie, dans une ferme](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-08.jpg)
—Si, monsieur. Et la piscine ne contient pas moins de 86,000 litres d'eau. Les eaux de Salins sont limpides, incolores et généralement inodores; elles ont une saveur plus ou moins salée, suivant les sources. Après les grandes pluies, cette saveur est plus forte. On les emploie en bains et en douches; elles peuvent être supportées en boisson par la plupart des malades.
—N'y a-t-il pas aussi des mines de sel? demanda Paul.
—Si vraiment; on rencontre le sel dans la terre, comme la houille et les différents métaux. Nous avons des mines de sel dans le Jura même, à Montmorot et à Grozon. Le produit des mines de Montmorot est même plus important que celui de notre ville. La production annuelle y est, en effet, de plus de 90,000 quintaux par an.
—Le sel détaché de la mine ne doit pas avoir besoin de grandes préparations? demanda Hélène.
—Non, certes. Les ouvriers taillent au ciseau des blocs de différentes grosseurs. Ces blocs, à peine séparés de la muraille, sont ensuite transportés au dehors de la mine. On les pulvérise, et on les vend sans autre préparation, lorsque le sel est très pur.
La famille Rinval quitta la saline, vivement intéressée par ce qu'elle avait vu et par les détails qui lui avaient été donnés.
—Il est cependant encore un système d'exploitation du sel que nous ne connaissons pas! fit Lucien tout à coup.
—Lequel? demanda Hélène.
—Les marais salants.
—Qu'appelle-t-on ainsi? demanda Paul.
—On désigne sous le nom de marais salants de vastes bassins ou réservoirs creusés sur le bord de la mer, et dans lesquels les eaux salées sont soumises à l'évaporation pendant la saison chaude, dit M. Rinval.
—Sans aucune espèce d'appareil ou de machine, n'est-ce pas? demanda Hélène.
—Sans appareil et sans machine. C'est ce qu'on appelle l'évaporation spontanée. Les eaux arrêtées dans ces bassins laissent, après leur disparition, le sel qu'elles contenaient.
—Y a-t-il beaucoup de marais salants en France? demanda Hélène.
—On en compte quatre-vingt-deux. Trente-six sont situés sur les côtes de l'Océan; quarante-cinq sur la Méditerranée, et un sur les bords de la Manche, dans le département d'Ile-et-Vilaine.
![Le pont de Saint-Claude Le pont de Saint-Claude](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-09.jpg)
Le soir de la visite aux salines, la famille Rinval annonça à Mme Durand qu'elle partirait le lendemain pour Épinal.
—Déjà! s'écria Mme Durand. J'espérais vous emmener dans deux ou trois jours à Saint-Claude, chez mon père.
—Cela n'est malheureusement pas possible, répondit M. Rinval: j'ai fixé à un ami d'Épinal le jour de notre arrivée dans cette ville.
—C'est grand dommage! Vous auriez vu à Saint-Claude le beau pont suspendu qui réunit la montagne des Étappes à la place Saint-Pierre, en traversant la vallée de Tacon.
—J'ai entendu dire que c'était une construction d'une grande hardiesse, dit M. Rinval.
—Le pont a 148 mètres de longueur, et le tablier est à 50 mètres du sol, répondit Mme Durand.
—Je ne voudrais pas tomber de là, fit Paul. Cinquante mètres! Brrr! C'est plus haut que la colonne de la Bastille.
—Nous sommes-nous bien rendu compte de toutes les branches de l'industrie du Jura? demanda Hélène.
—Je le crois, dit Mme Durand. Si nous étions dans la saison d'hiver, je vous conduirais dans quelques-unes de nos fermes, où l'on fabrique, pendant les veillées, certains articles d'horlogerie. Mais vous arrivez trop tôt pour cela. Je ne vois donc plus à vous signaler, dans notre département, que la fabrique de mouvements de pendules de Morez.
—L'horlogerie! voilà encore une industrie à étudier, dit Hélène.
—Sous le rapport commercial seulement, dit Lucien, car je ne pense pas que nous puissions nous initier rapidement aux combinaisons assez compliquées des horloges et des montres.
—C'est vrai, fit Hélène, mais il y a aussi le côté historique de cette industrie. Pourrais-tu me dire, par exemple, de quelle façon l'on se rendait compte de l'heure dans l'antiquité?
—Certainement. On mesurait alors le temps au moyen soit de cadrans solaires, soit de clepsydres, ou horloges d'eau.
—Je sais ce que c'est qu'un cadran solaire, fit Paul. J'en ai vu un sur le Pont-Neuf; il est peint sur une haute muraille. Les heures sont disposées en demi-cercle, et l'ombre d'une aiguille inclinée qui se trouve au milieu se dirige sur l'heure—quand il fait du soleil, bien entendu. Mais, comment étaient construites les clepsydres?
—On leur donnait les formes les plus variées, mais toutes mesuraient le temps par l'écoulement d'une certaine quantité d'eau qu'elles contenaient.
—C'était alors comme le sablier dont notre pauvre Javotte se servait pour faire cuire des œufs à la coque? La quantité de sable tombée lui indiquait si l'œuf était ou non cuit à point.
—Parfaitement. Ces sabliers ont d'ailleurs servi aussi, autrefois, à indiquer l'heure.
—Pourrais-tu me dire maintenant, fit de nouveau Hélène à Lucien, à qui l'on attribue l'invention de la première horloge mécanique?
Lucien hésita un instant:
—Ma foi non, répondit-il, je l'ai oublié.
—Eh bien, c'est au moine Gerbert, qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, et qui vivait à la fin du dixième siècle.
—C'est vrai, fit M. Rinval; mais on n'a aucune notion sur le mécanisme de cette machine. L'horloge du Palais de justice de Paris est peut-être la première dont on connaisse le mécanisme. Elle fut construite en 1370 par Henri de Vic, que Charles V avait fait venir d'Allemagne.
—J'ai remarqué le curieux cadran de cette horloge, dit Lucien. Est-ce toujours le mécanisme de Henri de Vic qui fait mouvoir ses grandes aiguilles dorées?
—Non, mon fils. Il est évident qu'on se sert aujourd'hui d'un mécanisme plus perfectionné. Le cadran n'est même pas celui de l'époque: c'est une copie très fidèle d'un cadran modelé par un célèbre sculpteur du seizième siècle, Germain Pilon.
![L'horloge du Palais de justice L'horloge du Palais de justice](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-10.jpg)
![La Fabrication du Papier La Fabrication du Papier](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-11.jpg)
CHAPITRE TROISIÈME
VOSGES
Épinal.—La Fabrication du
Papier.—La Fabrication des Instruments de Musique.
La Maison de Jeanne d'Arc.—Le Bain romain de Plombières.
En arrivant à Épinal, M. Rinval fit remarquer à sa famille la jolie situation de la ville, que la Moselle partage en trois quartiers principaux: la grande ville, sur la rive droite de la rivière; la petite ville, entre le lit principal de la rivière et le canal, et le faubourg de l'Hospice, situé sur la rive gauche du canal. Ces différents quartiers sont reliés entre eux par plusieurs ponts, dont deux sont particulièrement remarquables: le pont suspendu, qui fait communiquer la grande et la petite ville, et le pont de pierre, qui rattache à l'est la petite ville à la grande.
Dès le lendemain de leur arrivée, nos touristes s'enquirent des monuments à visiter. On les conduisit à l'église Saint-Maurice, dont la construction remonte au dixième siècle; ils allèrent aussi contempler l'Hôtel de ville, qui fut bâti en 1757, et remarquèrent, en passant, la caserne monumentale de la gendarmerie, les maisons à arcades de la place des Vosges, la fontaine de Pineau, que surmonte la statue en bronze d'un enfant accroupi. On leur fit voir, dans la bibliothèque, des boiseries en chêne sculpté provenant de l'abbaye de Moyenmoutier, une charte sur vélin de l'empereur Henri II aux dames d'Épinal, et un beau manuscrit contenant l'Évangile selon saint Marc, écrit en lettres d'or sur un vélin en teinte violette. Ces curiosités intéressèrent vivement Lucien et Hélène.
Le lendemain on se rendit dans un des faubourgs de la ville, afin de visiter une papeterie, pour le directeur de laquelle M. Rinval s'était procuré une lettre d'introduction. Mme Rinval, un peu fatiguée, avait renoncé à prendre part à cette excursion.
Arrivés à la fabrique, les visiteurs furent introduits dans une vaste salle où se trouvait installée une machine de très grandes dimensions.
![La Fabrication des Instruments à cordes La Fabrication des Instruments à cordes](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-12.jpg)
Paul remarqua avec admiration, et du premier coup d'œil, que cette machine, qui, à l'une de ses extrémités, renfermait une cuve contenant une sorte de bouillie, chassait de l'autre côté de grandes feuilles de papier qui semblaient se couper d'elles-mêmes pour tomber dans les mains des ouvriers chargés de les recueillir.
M. Rinval pria un contremaître de vouloir bien leur donner quelques explications. Celui-ci s'y prêta de bonne grâce.
«Vous savez, dit-il, que la plupart des papiers se fabriquent avec des chiffons triturés et réduits en pâte. On en fabrique aussi avec des plantes filamenteuses telles que l'alfa, qui croît abondamment en Algérie.
—Vraiment! avec des plantes! s'écria Paul.
—On fait même des papiers d'emballage avec de la paille, du bois, ou on mélange de ces matières avec des chiffons.
—Du bois! Je ne l'aurais pas cru, reprit le petit garçon.
—Le papier, continua le contremaître, se fabrique soit à la main ou à la forme, soit à la mécanique. La première méthode, qui a été longtemps la seule, ne s'emploie plus que pour quelques papiers spéciaux, tels que les papiers timbrés, les imitations de papier de Hollande, et certains papiers à dessin.
—La fabrication à la mécanique, que vous avez sous les yeux, s'opère de la façon suivante: Lorsque la pâte est préparée, on la dépose dans cette cuve que vous voyez en tête de la machine. De là, elle arrive dans un compartiment appelé vat, où tourne un agitateur qui la mêle avec de l'eau versée par un autre robinet. La pâte tombe ensuite en nappe sur une toile métallique, à laquelle un mouvement de va-et-vient très rapide est constamment imprimé. Ce mouvement étale la pâte et fait écouler l'eau qu'elle renferme. Sur chaque bord de la toile sont fixées deux courroies de cuir qui déterminent la largeur du papier.
La toile métallique entraîne la pâte, en égalisant son épaisseur, entre des jeux de cylindres revêtus de manchons de feutre. Un feutre la reçoit alors et la conduit entre de nouveaux cylindres, lesquels la pressent fortement des deux côtés et lui donnent de la consistance. La matière passe ensuite sur des cylindres chauffés à l'intérieur par un courant de vapeur; elle durcit, perd son humidité, et rencontre de nouveaux cylindres, également chauffés, destinés à lui donner un nouvel apprêt ou satinage. Le papier est alors terminé. Il va s'enrouler autour d'un grand dévidoir, et des ciseaux, manœuvrés par le moteur, le découpent au fur et à mesure en feuilles de la dimension voulue. Les feuilles, étant ainsi découpées, sont placées entre des feuilles de zinc, puis on les porte sous la presse pour en extraire tout ce qui reste d'humidité. On les fait encore sécher dans une étuve, et enfin on les prépare par mains et par rames pour les livrer au commerce.
![La Maison de Jeanne d'Arc La Maison de Jeanne d'Arc](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-13.jpg)
Les enfants regardèrent pendant quelque temps fonctionner la merveilleuse machine, et, de retour auprès de leur mère, ils ne manquèrent pas de lui détailler tout ce qu'ils avaient vu.
—Si je ne me trompe, dit Mme Rinval, Épinal n'est pas seulement renommé pour ses fabriques de papier.
—C'est vrai; il l'est aussi pour la fabrication des instruments de musique.
—Et des images, dit Paul. J'ai vu souvent le nom d'Épinal sur celles qu'on m'a achetées.
—En effet, dit M. Rinval. J'aurais voulu, sinon vous faire voir l'impression des images, qui n'offre rien de bien extraordinaire, du moins vous montrer un atelier de luthier. Mais, outre que le temps nous manque pour en chercher un, cela ne vous eût donné qu'une idée bien imparfaite du mérite des ouvriers, ou plutôt des artistes, qui fabriquent les instruments de musique.
—C'est donc bien difficile? dit Paul.
—Je ne vous parlerai pas des nombreuses qualités que doit réunir le bois destiné à la fabrication des instruments à cordes, à laquelle on se livre principalement à Épinal, ni des connaissances que l'on doit posséder pour faire ce choix; je vous ferai seulement remarquer que le violon, qui sert de type à toute une catégorie d'instruments: altos, violoncelles, contrebasses, etc., ne compte pas moins de soixante-neuf à soixante et onze pièces, lesquelles exigent chacune un travail spécial et très délicat, car il suffit que l'une d'elles ne soit pas parfaite pour que l'instrument perde toute sa valeur.
—Je m'explique, dit Hélène, que quelques luthiers se soient rendus célèbres.
Le soir, à l'hôtel, l'attention d'Hélène fut attirée par une magnifique gravure représentant Jeanne d'Arc en costume de combat.
—Au fait, s'écria-t-elle, mais nous sommes dans le pays de Jeanne d'Arc!
—De la bergère qui a combattu les Anglais sous Charles VI, et que ces méchants ont brûlée à Rouen! fit Paul.
—Oui, mon fils, dit Mme Rinval.
—En effet, répondit l'hôtelier. Domrémy, le village de Jeanne d'Arc, est situé dans notre département, dans le canton de Coussey.
—Ne pourrions-nous y passer? demanda Hélène à son père.
—Malheureusement non, ma fille; cela nous détournerait de notre route, et tu sais quelles villes nous avons encore à visiter. Les vacances nous suffiront à peine.
—Quel dommage! fit Hélène. Avez-vous vu Domrémy? demanda-t-elle à l'hôtelier.
—Oui, mademoiselle, plusieurs fois déjà.
—La maison de Jeanne d'Arc existe toujours, je crois.
—Toujours. Elle a d'ailleurs été restaurée en 1820, et est classée parmi les monuments historiques.
Le lendemain, on partait pour Nancy. Dans le même compartiment du wagon se trouvait un monsieur qui disait venir de Plombières.
—Est-ce une ville intéressante? lui demanda M. Rinval.
—Elle est située dans un lieu très pittoresque, mais elle a peu de monuments remarquables, répondit le voyageur; ce sont ses eaux thermales qui font toute sa célébrité. Plombières est, vous le savez, une des premières stations thermales de France, et l'on y rencontre des baigneurs venus de toutes les parties de l'Europe. Les sources de cette ville alimentent six établissements. Le grand bain, ou bain romain, est un des plus spacieux. Son aspect est assez curieux. C'est une salle elliptique, demi souterraine, à laquelle on parvient par deux escaliers pratiqués aux deux extrémités. Mais ce qui le rend surtout intéressant, c'est qu'il occupe la place d'une piscine romaine.
—Les Romains ont donc habité Plombières? demanda Paul.
—Oui, mon ami, et ils y avaient établi plusieurs piscines, ou établissements de bains, dont on a retrouvé des vestiges certains. Ce qui prouve que l'efficacité des eaux de cette ville est depuis longtemps reconnue.
—Quelle est donc la vertu de ces eaux? demanda Lucien.
—On les recommande surtout dans les affections des voies digestives; contre la goutte, les rhumatismes, la paralysie et les maladies de la peau.
Le train s'arrêta. On était arrivé à Blainville, où le voyageur résidait. Il prit congé de la famille Rinval, et souhaita aux enfants un fructueux voyage.
![Plombières: le bain romain Plombières: le bain romain](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-14.jpg)
![Une Verrerie Une Verrerie](/epubstore/A/Anonymous/Nouveau-Voyage-En-France-Conversations-Familieres-Instructives-Et-Amusantes-Par-Un-Papa/30484/www.gutenberg.org@dirs@3@0@4@8@30484@30484-h@images@page-15.jpg)
CHAPITRE QUATRIÈME
MEURTHE-ET-MOSELLE
La Formation du Département.—La
Guerre de 1870.—Nancy.—Une Verrerie.
Les Mines de Fer.—Un Monument funèbre.
—Nous allons entrer dans le département de Meurthe-et-Moselle, dit Hélène, en consultant son Guide.
—En effet, répondit M. Rinval. Sais-tu, Paul, d'où ce département tire son nom?
Disons-le à sa honte, le petit garçon resta muet comme une carpe. Il était, convenons-en, encore bien jeune pour connaître à fond la géographie de la France.
Hélène vint à son secours.
—Le département de Meurthe-et-Moselle, dit-elle, doit son nom à ses deux principales rivières: la Meurthe, qui baigne Lunéville et Nancy; et la Moselle, qui arrose Toul et reçoit la Meurthe.
Il a été formé, en 1871, après la guerre des Français contre les Allemands: premièrement, des arrondissements de Nancy, Toul et Lunéville, qui composaient, avec les arrondissements de Château-Salins et de Sarrebourg, cédés à l'Allemagne, le département de la Meurthe; deuxièmement, de l'arrondissement de Briey, la seule partie qui nous soit restée du département de la Moselle.
—On s'est donc battu ici contre les Allemands, en 1870? fit Paul.
—Oui, mon ami. Cette région est une de celles qui ont le plus souffert alors. Les villes de Nancy et de Lunéville tombèrent les premières au pouvoir des ennemis. Mars-la-Tour, petite commune de l'arrondissement de Briey, fut le théâtre d'un combat acharné. Nos soldats y furent vaincus par des troupes dix fois plus fortes, car les soldats allemands semblaient sortir de terre pendant cette funeste campagne. Toul fut bombardé à plusieurs reprises, et dut capituler, après douze jours de résistance. Longwy, dans l'arrondissement de Briey, résista aussi vaillamment, mais dut enfin se rendre, alors que la moitié de la ville était en feu.—Tout le pays était couvert de troupes allemandes; les moissons furent complètement ravagées, et la plupart des habitants réduits à la misère. Et pour récompense de leurs souffrances et de leur héroïsme, les départements de la Meurthe et de la Moselle virent la moitié de leur territoire abandonné à l'Allemagne.