Venez, bergers, accourez tous,

Laissez vos pâturages.

Un nouveau roi est né pour vous,

Portez-lui vos hommages.

N'oubliez pas vos chalumeaux,

Ni vos douces musettes,

Et faites de vos airs nouveaux

Retentir ces retraites.

Ces jeunes filles figurent les anges annonciateurs de la venue du Messie aux bergers endormis dans la plaine de Bethléem. Leurs voix pures et fraîches nuancent avec délicatesse la naïve invitation. Mais, à la voix des anges, quelqu'un répond du porche de l'église.

Rauque, angoissée, avec des intonations discordantes, sans aucun souci du rythme et de la mesure, lançant les notes les plus fausses qu'il soit possible d'entendre, c'est la voix d'un berger qui, volontairement bourru, s'écrie:

Quelle est cette importune voix

Qui frappe mon oreille,

Ne puis-je dormir une fois

Sans que l'on me réveille?

Tantôt c'est le coq par son chant,

Tantôt l'enfant qui crie.

On doit laisser dormir les gens

Quand ils en ont envie.

Sans se laisser déconcerter par cet accueil quelque peu brutal, les anges répètent leur invitation qui ne reçoit point de réponse: le berger s'est sans doute rendormi.

Tout à coup, à la voûte du choeur, immédiatement au-dessus de l'autel, la lueur fulgurante d'une traînée de fulmi-coton allumant les bougies d'une vaste étoile symbolique illumine l'église tout entière.

Cette fois, le berger ne résiste plus; il lui fallait sans doute un miracle...

Ah! Quel éclat frappe mes yeux,

Malgré la nuit profonde!

Sans doute, c'est le Roi des cieux

Qui vient de naître au monde.

Je sens déjà dans mon esprit

Sa grâce qui m'éclaire,

Et sa lumière me suffit

Pour un si grand mystère.

Les couplets se succèdent alors interminables, les anges multiplient leurs exhortations et le berger ses louanges et ses protestations d'amour et de fidélité58.

Note 58: (retour) Pierre Villette, Journal de Rouen, 25 déc. 1904.

Ces dialogues rappellent la coutume qu'on avait autrefois de célébrer par des scènes animées la naissance du Christ. Cet usage se pratiquait dans nos anciennes provinces, pendant la nuit de Noël. Ces sortes de représentations, connues sous le nom de Pastorales59, finirent par dégénérer en bouffonneries sur divers points et donnèrent lieu à de sévères interdictions. Un chant, nommé Chant des Pasteurs, fut seul maintenu dans nos anciennes basiliques comme dans les églises de campagne: il précédait, dans les Landes, le cantique Benedictus; alors la voix des fidèles, des chantres et des enfants de choeur répétait à l'unisson les mêmes paroles, en s'unissant aux accords harmonieux de l'orgue; quelquefois aussi ce chant était accompagné par les musettes, les hautbois, les fifres et les tambourins.

Note 59: (retour)

De nos jours, à Paris et dans plusieurs villes de province, on s'est mis à jouer des Pastorales ou scènes de Noël, avec toute la dignité et la piété qui leur conviennent.

A Pithiviers, la Pastorale a été jouée, en 1911, avec un plein succès par les jeunes filles de la Persévérance.


La Messe de minuit en Vendée

En Vendée, Noël est toujours la grande fête populaire, exclusivement religieuse.

Il n'y a pas de temps ni de chemins, si mauvais qu'ils soient, qui empêchent les gens de venir à la Messe de minuit.

Les habitants du village de Sallertaines (dans le Marais) se rendent en bateau ou mieux en yole à la Messe de minuit.

Il n'y a guère que de la Saint-Jean à la Toussaint qu'ils peuvent venir à pied dans le village; le reste de l'année, ils ne peuvent sortir qu'en bateau. Alors ils suivent les fossés qu'ils connaissent comme des chemins et se rendent à l'entrée du bourg.

Comment décrire ces barques oscillantes au milieu des ténèbres, portant à l'avant une lanterne accrochée à un bâton, «étoile menue qui fouille les eaux, balancée par la marche et secouée par le vent60

Note 60: (retour) René Bazin, La terre qui meurt.

Au détour des fossés que cette lumière vacillante éclaire de ses lueurs falotes en faisant étinceler le givre des arbres, on croit voir d'étranges silhouettes. On entend le clapotis des lames sous les coups de la ningle (rame). «Quelquefois les herbes amoncelées en maint endroit barrent le passage; des oiseaux se lèvent au frôlement des roseaux, jetant un cri déchirant ou plaintif: vanneaux, pluviers, bécassines61

Note 61: (retour) Id., loc. cit.—Pithiviers s'est aussi appelé Pluviers; quelques auteurs ont pensé que ce nom pourrait bien venir des pluviers que l'on rencontrait autrefois dans la vallée de la rivière de l'Oeuf. Aujourd'hui cet oiseau a complètement disparu. Il y a plusieurs sortes de pluviers, comme on peut le voir au musée de Carnac (Morbihan); le pluvier doré est un gibier rare et très recherché.

Des centaines de voix font entendre de joyeux Noëls et les échos répondent sur l'immense étendue des prairies inondées62.

Note 62: (retour) Quand, dans une ferme du Marais, il y a un malade qui doit recevoir le saint Viatique, tous les habitants des hameaux voisins, à deux ou trois kilomètres, sont prévenus. Une yole de chaque maison, avec quelques personnes, se dirige vers le fossé que doit suivre le prêtre avec le Saint-Sacrement. Dès que le prêtre est passé, chacune des yoles venues à sa rencontre se met à sa suite, et l'on arrive ainsi avec toute une petite flottille à la demeure du malade. C'est très poétique et très édifiant.


La Messe de minuit en Provence

Les fêtes de Noël se passent avec beaucoup d'entrain, de religion, de naïveté et de grâce dans toute la Provence et le Comtat.

Il existe, en Provence, un usage rappelant la coutume suédoise qui associe les oiseaux à la solennité de Noël63.

Note 63: (retour) Noël dans les pays étrangers, le réveillon des petits oiseaux, p. 14. 1°.

A Entraigues (Vaucluse), la veille de Noël, les jeunes gens se mettaient à poursuivre les roitelets que les Comtadins appellent Petouses (petoua). Lorsqu'ils étaient parvenus à en prendre un vivant, ils en faisaient hommage au curé de la paroisse. «Celui-ci, d'après le récit de Barjavel, dans son livre curieux sur les Dictons et Sobriquets patois de Vaucluse, après la Messe de minuit, montait en chaire tenant l'oiseau enrubanné de couleur rose et le lâchait dans l'église en présence d'une nombreuse réunion. Le choix que l'on faisait, en cette circonstance, d'un des oiseaux les plus petits avait peut-être pour but de reporter l'esprit des fidèles vers le petit Enfant de Bethléem, et la liberté accordée solennellement par le pasteur au passereau était vraisemblablement la représentation naïve de l'affranchissement de l'âme humaine, délivrée par la venue du Messie des chaînes du ravisseur infernal.

Une coutume pareille se pratiquait aussi à Mirabeau, de temps immémorial. Les jeunes gens apportaient un roitelet vivant à la grand'messe au son du tambourin; ils recevaient la somme de trois francs que leur remettait le curé.

A Mazan et dans quelques pays voisins, un grand nombre de personnes apportaient, à la Messe de minuit, des oiseaux de diverses espèces, qu'on lâchait au moment de l'élévation et dont le gazouillement joyeux venait ajouter un charme de plus à l'éclat de la fête.

Ce devait être un spectacle gracieux que ces multitudes de petits oiseaux retrouvant dans la Crèche, qu'entouraient de nombreux et verts branchages, une image imparfaite de leur retraite habituelle. L'éclat d'une vive lumière, rappelant le soleil, ajoutait l'illusion, et le chant des oiseaux semblait se mêler aux voix célestes des anges, pour annoncera l'humanité tout entière l'auguste et consolant Mystère de Noël64.

Note 64: (retour) Le Clocher provençal, 25 déc. 1905.

Cet usage rappelle le lâcher d'oiseaux qui avait lieu dans la cathédrale de Rouen le jour de la Pentecôte. Voici ce que raconte le vieux chroniqueur normand: «Pendant le Veni Creator..., du haut des voûtes, les domestiques du trésorier de la cathédrale jetaient en bas, sur une foule de personnes qui s'y trouvaient, quantité de feuilles d'arbres, des étoupes ardentes et des oiseaux jusqu'à l'Evangile65

Note 65: (retour) Farin, Histoire de Rouen, tome Ier, 3e partie, au chap. des Processions générales.

On sait que la symbolique chrétienne a souvent représenté le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe mystique, descendant d'une nuée lumineuse.

La petite ville des Baux66, située à trois lieues d'un versant des Alpines, a gardé intactes les traditions ancestrales, et, tous les ans, pour Noël, une curieuse cérémonie se renouvelle.

Note 66: (retour) Site grandiose qui attire le voyageur et l'artiste.

Quand la Messe de minuit sonne, tous les bergers, toutes les bergères du pays s'acheminent vers l'église où rayonne près de l'autel une immense Crèche en rocailles.

On se presse, on s'agenouille autour, et lorsque tous les fidèles sont rassemblés, qu'il ne manque plus une pastourelle, plus un pasteur, l'un d'eux entonne un Noël. Après lui, un autre berger chante le second couplet, celui-là en provençal. Et tous deux alternent ainsi, tandis que le fifre et le tambourin donnent la ritournelle.

Puis l'adoration des bergers commence. Un cortège pittoresque s'avance vers l'autel. D'abord une petite charrette fleurie, attelée d'un bélier enrubanné, caparaçonné d'or, où repose un agneau couché. Des bergères suivent, en robes blanches et ceinture d'aurore et d'azur, accompagnées de bergers aux manteaux sombres. Celui qui suit la charrette l'arrête au pied de l'autel. Alors, délicatement, il prend l'agnelet sur sa couchette, s'approche de l'officiant dont il baise l'étole, et se tourne vers sa compagne. Il fait un salut; elle fait une révérence. Le berger tend l'agneau à la bergère, qui se tourne à son tour vers son voisin, pour lui remettre le présent. De mains en mains, l'agnelet passe ainsi avec toujours les mêmes gracieux saluts, les mêmes révérences, pour demeurer enfin le cadeau fait à la Crèche.

Quelques-unes des bergères doivent s'incliner avec beaucoup de précaution devant l'agneau. Elles portent, en effet, une coiffure fragile: une corbeille chargée d'an gâteau67.

Note 67: (retour) Le Pèlerin, déc. 1906.

Une cérémonie à peu près semblable a lieu dans quelques communes des environs d'Arles:

A la Messe de minuit, au moment de l'offrande, on voit s'avancer vers l'autel le corps des bergers, précédé du tambourin, de la cornemuse et de tous les instruments rustiques qu'on peut réunir dans le pays. Ils portent de grandes corbeilles remplies de fruits et d'oiseaux de différentes espèces. Les bergers suspendent ces corbeilles à leur ceinture par un ruban et les femmes les portent sur leur tête.

A Maussane, les prieuresses sont coiffées du garbalin; sorte de gerbe élégante en forme de bonnet conique et, fort haut, garni tout autour de pommes et d'oranges. A la suite du corps des bergers est un petit char tout couvert de verdure, éclairé par une multitude de bougies et traîné par une brebis dont la toison, d'une blancheur éclatante, est encore relevée par des noeuds de rubans distribués en guise de flocons. L'agneau sans tache est dans le char. Une seconde troupe de bergers et de bergères, jouant et chantant des Noëls, ferme la marche. Les prieurs font l'offrande de l'agneau et des corbeilles, et le cortège retourne dans le même ordre. Le même cérémonial est répété à la messe de l'aurore et à celle du jour68.

Note 68: (retour) Ces détails nous sont fournis par les auteurs de la Statistique des Bouches-du-Rhône.

En 1872, dans le village des Lagnes (Vaucluse), bergers et bergères, costumés et chargés de présents rustiques, célébraient la Nativité. Détails curieux: on y portait une étoile au bout d'un bâton nommé guérindon et le cortège se terminait par un groupe de jeunes filles armées d'une épée à la pointe de laquelle se trouvait une pomme lardée de pièces d'argent, qui était déposée dans la Crèche.

Nous citons textuellement le récit qu'on a bien voulu nous faire de la Procession des bergers, à la Messe de minuit, à l'Isle-sur-Sorgue (Vaucluse).

A la Messe de minuit, un peu avant qu'elle commence, tandis que le Te Deum qui termine les Matines est solennellement chanté aux sons harmonieux de l'orgue, un mouvement bien prononcé se produit dans l'église. On entend dans le lointain le bruit vague du tambourin et le son aigu du fifre... Bientôt ils sont à la porte... Des enfants jettent des cris: «la charrette! la charrette!»

La charrette est un petit chariot à deux roues; il est couvert, mais les côtés ouverts sont fermés par de petits barreaux artistement tournés; il est décoré de guirlandes de buis et enrubanné; il est traîné par deux brebis à la blancheur d'hermine, précédé du tambourin, du fifre et des tinclettes; les bailes (ou fermiers) en tête, dont l'un porte un tout petit agneau blanc.

Ils entrent dans l'église en jouant un air retentissant, rustique et traditionnel dont il serait impossible de donner une juste idée, mais dont l'entrain et la gaieté électrisent la nombreuse assistance. Ils vont se ranger auprès de la Crèche qui occupe une des vastes chapelles latérales, au centre de la nef. Le silence se fait, l'émotion religieuse est visible; ce calme n'est interrompu de temps en temps que par le bêlement de l'agneau auquel répond celui des brebis mères, bêlement grave d'un octave plus bas mais dont le contraste est d'un effet charmant et touchant.

L'office terminé, la grand'messe commence.

Après l'Incarnatus est, le diacre se détache, accompagné des enfants de choeur (ils sont vingt-quatre, tous de rouge vêtus), et va à la Crèche. Là, après avoir encensé l'Enfant-Jésus, il le prend et l'apporte dans son frêle berceau; il est précédé des enfants de choeur et des bailes, tenant des cierges allumés; le premier baile place son cher petit agneau blanc sur l'autel.

Le Credo et l'offertoire terminés, l'orgue donne le signal du départ en jouant l'air obligé (comme ci-dessus) qui est répété par les tinclettes, le fifre et le tambourin. C'est le beau moment; tout est préparé: les bailes en ligne, les torches allumées, la charrette où sont attelées les brebis richement harnachées, le petit agneau entre les bras du premier baile qui, la tête couronnée d'un étincelant diadème, couvert d'un magnifique manteau écarlate, ouvre le cortège et se dirige vers l'autel.

Quelle majesté! Quelle grâce naïve! Ils s'avancent lentement; tous, sous le coup de l'émotion qui dut être celle des bergers auprès de la Crèche de Bethléem.

L'agneau bêle de temps à autre. Tout le monde est debout: on veut voir la brebis, la charrette toute illuminée dans laquelle on aperçoit des pigeons, des poulets, de petits oiseaux, un lapin blotti au coin du véhicule. L'enthousiasme est à son comble; des larmes coulent dans les yeux de beaucoup de fidèles. C'est bien la scène de Bethléem, ce sont bien les bergers qui arrivent à la Crèche pour adorer l'Enfant divin, anéanti sous la forme humaine; on voudrait être du cortège qui arrive à l'autel.

Le célébrant, qui a déjà baisé le divin Enfant, est là, entouré du diacre, du sous-diacre et des enfants de choeur. Il tient dans ses mains le petit Jésus qu'il fait baiser d'abord au suisse, qui a levé son chapeau, puis à tous les bailes et à ceux qui se sont joints à eux, ensuite à la musique champêtre et aux bergers qui conduisent les brebis. Tous font le tour de l'autel, suivant le char traîné par les brebis, et de là retournent à la Crèche où le diacre va déposer le Bambino.

Ainsi se termine cette offrande qui sera répétée à la grand'messe du jour et à celle de la Purification, le 2 février.


Une Messe de minuit en Bretagne.

Brizeux, le poète breton par excellence (décédé en 1854), qui ne chante que son pays natal:

«La terre de granit recouverte de chênes»

à décrit, avec la fraîcheur et la sincérité de l'inspiration, une Messe de minuit dans le pays des genêts et des bruyères».

Ouvre! c'est moi, Joseph!—Quoi! si tard en voyage!

N'as-tu pas rencontré les chiens par le village?

Mon Dieu! Seul et si tard dans le creux des chemins!

A ce feu de Noël viens réchauffer tes mains,

Noël! t'en souvient-il? Quand, pour bâtir la Crèche,

Les prêtres nous menaient cueillir la mousse fraîche?

—Ne ris pas! C'est Noël qui chez toi me conduit:

Je viens entendre encore la Messe de minuit.

Par un gai carillon enfin fut annoncé

L'office de minuit. Le chemin est glacé,

Disait Joseph Daniel en traversant la lande:

Chaque pas retentit. Comme la lune est grande!

Entends-tu dans le pré, des voix derrière nous?

—Oui, j'entends des chrétiens, des pasteurs comme vous.

Ils ont vu cette nuit la légion des Anges

Passer, et du Très-Haut entonner les louanges:

Gloire à Dieu! Gloire à Dieu dans son immensité!

Paix sur la terre aux cours de bonne volonté!

Et tous vont adorer Jésus, l'Enfant aimable,

Le roi des pauvres gens, le Dieu né dans l'étable».

O vivants souvenirs! La nuit, par ce beau ciel,

Tandis que nous marchions en célébrant Noël,

Les arbres, les buissons, les murs du presbytère,

Dans la brune vapeur passaient avec mystère.

Toute l'église est pleine; et, courbant leurs fronts nus,

Les pieux assistants chantent l'Enfant Jésus.

Chaque femme, en sa main, porte un morceau de cierge.

On a placé la Crèche à l'autel de la Vierge;

Je reconnais les Saints, les lampes, les deux croix,

Enfin, tout dans l'église était comme autrefois.

Je restais comme une ombre, immobile à ma place.

Muet, ou pour pleurer les deux mains sur ma face.

A la communion, quand le prêtre arriva

Offrant le corps du Christ, mon front se releva.

Les hommes, les enfants et les femmes ensuite

Marchèrent lentement vers la table bénite;

Et, comme en un festin, où beaucoup sont conviés,

Dès qu'un communiant avait reçu l'hostie,

Du ciboire sortait la blanche Eucharistie.69.

Note 69: (retour) Brizeux, Poème de Marie.


Une Messe de minuit à Paris.

«Parmi les souvenirs de ma toute petite enfance, écrit François Coppée, il en est un, particulièrement doux, qui surgit en ce moment du fond de ma mémoire: c'est celui d'une messe de Noël.

«La neige était tombée avec abondance les jours précédents, puis une forte gelée avait durci le blanc tapis de frimas, et les rues, alors peu fréquentées, de cette partie du faubourg Saint-Germain, faisaient songer à la retraite de la Grande Armée à travers les steppes de Russie et au passage de la Bérésina.

«Toute la famille s'était proposé d'assister à la Messe de minuit; mais, devant la rigueur de la température, il fut décidé que les femmes garderaient le coin du feu, et que seuls, les hommes—j'en étais un, songez donc, cinq ans et demi,—se risqueraient à mettre le nez dehors.

«Donc, quand les cloches commencèrent à sonner dans le ciel étoilé, ma mère nous emmitoufla soigneusement, mon père et moi, sous les paletots et les cache-nez, et, faisant craquer la neige durcie sous nos semelles, nous gagnâmes tous les deux, en suivant la rue Vanneau et la rue de Varenne, la chapelle des Missions étrangères qui était alors notre paroisse.

L'église bondée de foule, la chaleur étouffante, le violent parfum de l'encens, l'harmonieux rugissement de l'orgue, les innombrables lumières des cierges qui semblaient une pluie d'or immobilisée, je revois et je ressens tout cela comme si j'y étais encore. La Crèche surtout, la Crèche avec ses personnages et ses animaux de bois peint, et son petit Jésus de cire que les brins de paille auréolaient comme des rayons, émerveillèrent mes yeux d'enfant»70.

Note 70: (retour) François Coppée, Lointain Noël.


Une Messe de minuit dans l'église
de Notre-Dame de Bethléem, à Ferrières-en-Gâtinais.

La seconde année de son pontificat, saint Pierre avait envoyé saint Savinien, saint Potentien et saint Altin, prêcher l'Evangile dans les Gaules.

Après une longue marche pleine de périls, les nouveaux apôtres arrivèrent en un lieu solitaire, situé au bord d'une petite rivière appelée depuis la Cléry, non loin de l'endroit où la voie romaine qui va d'Auxerre à Chartres se croise avec celle de Genabum à Sens, à neuf lieues de cette dernière ville.

De rares habitants vivaient au milieu de la nature agreste de ces contrées, demeurant dans des cabanes grossières que protégeaient les grands bois silencieux. Ils recueillaient du minerai de fer, dont les gisements abondants apparaissaient çà et là, et l'exploitaient dans des fourneaux de forge qui plus tard firent donner à la ville bâtie en ce lieu le nom de Ferrières.

C'était au milieu de l'hiver, à la fin du mois de décembre. Les trois apôtres s'étaient retirés dans la cabane hospitalière de quelqu'un de ces pauvres forgerons, élevée non loin de la rivière. Entourés de gens du voisinage, accourus pour contempler ces étrangers, ils se mirent à annoncer la religion de Jésus, mort sur une croix pour nous sauver. Bientôt un grand nombre des habitants fut converti par leur parole et surtout par les miracles dont elle était accompagnée.

Mais, de tous ces miracles, le plus éclatant fut celui qui arriva la veille de Noël, vers minuit, dans une petite chapelle où la communauté chrétienne était réunie pour prier et honorer l'anniversaire de la naissance de l'Enfant Jésus.

Saint Savinien disait la sainte Messe. Tout à coup une lumière mystérieuse remplit l'enceinte sacrée. Les assistants saisis d'émotion, levant les yeux au ciel, purent contempler à loisir l'Enfant Jésus, la Sainte Vierge, saint Joseph; au-dessus de la Crèche, les Anges chantaient leur harmonieux cantique: Gloria in excelsis Deo. Saint Savinien, transporté d'admiration et de joie, s'écria: «C'est bien là Bethléem!»

Les envoyés de saint Pierre, ravis de bonheur, se crurent un instant dans l'étable de la Nativité. C'est pourquoi ils donnèrent à leur chapelle le nom de Notre-Dame de Bethléem71.

Note 71: (retour) Cette apparition est marquée d'un caractère particulier c'est d'avoir eu lieu du vivant même de la Sainte Vierge.

Telle est, d'après les Actes de la Grande Passion de saint Savinien et de ses compagnons martyrs (Ve siècle), l'origine du premier sanctuaire consacré à la Mère de Dieu sur la terre de France. Tel fut le commencement de ce culte toujours vivace qui, depuis dix-huit siècles, amène chaque année, à Ferrières-du-Gâtinais, d'innombrables pèlerins dans le sanctuaire de Notre-Dame de Bethléem72.

Note 72: (retour) Eugène Jarossay. Histoire d'une abbaye, p. 12-14.


La Fête des Ânes, à Rouen.

L'âne joue un certain rôle dans les offices du Moyen Age.

Bien que cet animal ait la réputation d'être sobre, patient, laborieux et pour ainsi dire infatigable, ce n'est point pour ces précieuses qualités qu'on le fêtait, mais uniquement à raison des divers épisodes que rappelle l'Écriture.

Sans parler de l'ânesse fameuse du prophète Balaam, c'est sur un âne que la Sainte-Famille fuit en Égypte; c'est sur un âne encore que Notre-Seigneur entre triomphalement à Jérusalem, le jour des Rameaux.

La fête de l'âne est, croit-on, originaire de Vérone73 d'où elle se répandit dans toute la chrétienté du Moyen Age.

Note 73: (retour) D'après certaines traditions, Pane qui porta Notre-Seigneur serait venu mourir dans cette ville.

D'après Du Cange74 qui reproduit l'ancien Ordinaire de la cathédrale de Rouen, on faisait dans cette église l'Office des Pasteurs pendant la nuit de Noël. Les chanoines habillés en bergers et les enfants de choeur en anges, venaient après le Te Deum des Matines adorer Jésus-Christ dans la Crèche, derrière l'autel.

Note 74: (retour) Glossarium ad scriptores mediae et infimae latinitatis, Parisiis, 1733. Art. Festum asinorum, tome 3, coll. 424-427.

Après Tierce, se faisait la procession des ânes.

Le cortège suivait le cloître et la grande nef. Les chanoines y figuraient habillés en prophètes.

On y voyait Isaïe, Zacharie, Jean-Baptiste; Balaam même y était avec son ânesse (ce qui fit donner le nom de procession des ânes), Nabuchodonosor: les trois enfants dans la fournaise y paraissaient aussi bien que Virgile et la Sybille. A la Messe, on ne manquait pas de chanter la Prose de l'âne75.

Note 75: (retour) Farin, Histoire de Rouen, tome I, 3e partie, au chap. des Processions générales.

M. Nicolay, traduisant à peu près littéralement le Glossarium de Du Cange, nous décrit admirablement toute cette Pastorale76.

Note 76: (retour) Nicolay, loc. cit.

Au milieu de la nef de la cathédrale, on dressait une sorte de bûcher composé de linges et d'étoupes, et, après avoir chanté Tierce (processio ordinetur post Tertiam), le clergé faisait processionnellement le tour du cloître, puis venait s'arrêter au centre de l'église, entre deux groupes représentant, l'un les Juifs, l'autre les Gentils; au bout de l'édifice étaient massés de nombreux personnages destinés à jouer le rôle des prophètes dans l'Ancien Testament.

Les chantres commençaient par apostropher avec impétuosité les Juifs et les Gentils, qui, de leur place, leur répondaient par un verset non moins violent. Les mêmes chantres, s'adressant ensuite à celui qui jouait le rôle de Moïse, disaient: «Voici Moïse, le législateur!» Un Moïse à longue barbe, portant une corne au front (cornuta facie), vêtu d'une aube et d'une chape, tenant une baguette dans une main et les tables de la loi dans l'autre, entonnait à son tour un chant prophétique, relatif à la naissance du Christ. Puis un cortège, célébrant les louanges du Messie, conduisait Moïse près du brasier. Le même cérémonial se renouvelait pour chacun des prophètes successivement interpellés: ils s'avançaient à mesure qu'ils étaient appelés.

Moïse était suivi d'Amos, vieillard barbu, ayant un épi à la main, ensuite venait Isaïe, vêtu d'une aube, le front ceint d'un bandeau rouge; puis Aaron, couvert d'ornements pontificaux, la mitre en tête, précédant Jérémie en habits sacerdotaux et tenant une petite boule à la main. Daniel, représenté par un jeune ecclésiastique, était drapé dans une tunique verte, et le prophète Habacuc, vieillard boiteux, suivait orné d'une dalmatique; dans un vase étaient des racines qu'il mangeait entre deux versets.

Après lui, Balaam, monté sur une ânesse, tirait la bride et frappait l'ânesse de ses éperons, tandis qu'un jeune homme, lui barrant le passage avec une épée, l'obligeait à s'arrêter. (Le jeune homme figure, ici, l'ange armé dont parle l'Écriture dans l'épisode de Balaam). Un clerc, se dissimulant sous l'ânesse, disait alors d'une voix étrange: Pourquoi me déchirez-vous ainsi avec l'éperon?

Puis l'ange disait à Balaam: «Renonce à servir les desseins du roi Balac». Et les chantres de dire: «Balaam prophétise».—Alors Balaam répondait: «Une étoile sortira de Jacob!» Orietur stella ex Jacob77.

Note 77: (retour) Nombr. XXII-XXIV. Tunc Balaam ornatus, sedens super asinam (hinc festo nomen) habens calcaria, retineat lora et calcaribus percutiat asinam, et quidam juvenis, tenens gladium, obstet asinæ. Quidam sub asina dicat: «Cur me calcaribus miseram sic læditis?» Hoc dicto, angelus ei dicat: «Desine regis Balac præceptum perficere». Vocatores: «Balaam, esto vaticinans». Tunc Balaam respondeat: «Exibit stella ex Jacob!» (Du Cange, loc. cit.).

A Balaam succédait le prophète Samuel, puis David, paré des emblèmes de la royauté. A la suite des prophètes, on voyait Zacharie, habillé en juif et accompagné de sa femme Elisabeth, vêtue de blanc; leur fils Jean-Baptiste avait les pieds nus.

Derrière lui se tenait le vieillard Siméon et enfin Virgile, au visage resplendissant de jeunesse 78, qui devait s'étonner un peu de se trouver en si sainte compagnie: c'était ordinairement lui qui fermait la marche.

Note 78: (retour) Tous les personnages du cortège, à l'exception de Daniel et de Virgile, portaient la barbe; leur nom est toujours accompagné, dans Du Cange, de l'épithète barbatus.

Si l'on admettait le grand poète latin à la procession de Noël, c'est qu'il était réputé avoir prédit la naissance du Sauveur.

On lit, en effet, dans l'églogue qu'il adressa au consul Pollion, les vers suivants:

Ultima Cumæi jam carminis ætas:

Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo,

Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna;

Jam nova progenies coelo demittitur alto.

Tu modo nascenti puero, quo ferrea primun

Desinet ac toto surget gens aurea mundo,

Casta, fave, Lucina: tuus jam regnat Apollo!79

Note 79: (retour) Buc, Eglog. IV.

Voici que le dernier âge prédit par l'oracle de Cumes est arrivé. La grande révolution des siècles va recommencer son cours. Déjà une Vierge revient et Saturne nous ramène l'âge d'or; déjà un Enfant va descendre des cieux.—Veille sur Lui avec un soin jaloux, ô chaste Lucine; c'est par Lui que l'âge de fer cessera et que l'âge d'or reviendra sur la terre; déjà règne ton Apollon!

La procession de Noël se terminait souvent, dit le Mémorial de Rouen80, par un clerc habillé en sybille, portant une couronne sur la tête et chantant des versets contenant des prédictions.

Note 80: (retour) Ordinarium Rothomagense, cité par Du Cange dans son Glossarium, s. v. Festum.

On est aussi étonné de voir la sibylle dans ce cortège. Cependant, on admet assez généralement que les sibylles pouvaient connaître et prévenir l'avenir. Saint Jérôme leur attribuait le don de prophétie, et l'Eglise, dans la Prose des Morts, invoque l'autorité de la sibylle et semble l'assimiler à l'autorité même de David:

Teste David cum sibylla.

C'est la raison pour laquelle Michel-Ange les a représentées dans les célèbres fresques du plafond de la chapelle Sixtine, et Raphaël dans l'église Santa-Maria-della-Pace, à Rome.

Quant à la Prose de l'âne, nous n'avons trouvé aucun document qui nous prouve qu'elle ait été chantée à l'office de Noël. Farin seul l'affirme: nous serions donc porté à croire qu'elle était chantée à la porte de l'église.

Elle commençait par cette strophe:

Orientis partibus

Adventavit asinus

Pulcher et fortissimus,

Sarcinis aptissimus.

Hez, sire âne, hez!

Des contrées de l'Orient, il est arrivé un âne beau et fort, propre à porter les fardeaux.—Hez, sire âne, hez!

Cette cantilène n'avait rien de choquant, ni pour le goût, ni pour les convenances.

Telle était cette fête de l'âne dont on a dit beaucoup de mal, parce qu'elle prêtait à certains abus et dégénéra vite en un cortège peu digne du sanctuaire, ce qui la fit interdire par l'autorité ecclésiastique. Il n'en est pas moins vrai qu'elle naquit d'une pensée de foi, d'une interprétation et d'une mise en scène ingénieuse des prophéties sur le Messie.

Nous terminerons ce chapitre par le ravissant usage de:

LA «SCALA» DE NOËL

Dans un causse aride et sauvage,

Aux flancs d'un rocher accroché,

Est un ancien Pèlerinage

Entre ciel et terre perché.

C'est Rocamadour qu'il s'appelle.

Lieu saint et des plus vénérés,

Où pour atteindre la chapelle

Il faut gravir deux cents degrés

Là survit un touchant usage:

A chaque soir de la Noel,

Petits et grands de ce village

Semblent faire l'assaut du ciel!

La population tout entière

Monte à genoux chaque degré,

En récitant sur chaque pierre

De l'Archange le doux Ave.

Et les prêtres sont à la tête

De cette étrange ascension

Faite au son gai de la musette

Avec peine et dévotion.

Telle, à Rome, la foule sainte

Au Latran montant à genoux

La Scala Santa toute empreinte

Du sang du Christ versé pour nous?

(Comtesse O'Mahony.)




CHAPITRE IV

LE RÉVEILLON ET LES GÂTEAUX DE NOEL

La Messe de minuit, nous l'avons dit, était ordinairement précédée d'un repas maigre, qu'on nommait, en Provence, le gros souper; elle était suivie d'un repas gras qu'on était convenu d'appeler, dans tous les pays, le réveillon.

Ce repas avait sa raison d'être par suite du jeûne de la veille, de la privation de sommeil, de la longueur des offices de la nuit, qui souvent duraient plusieurs heures81 et aussi des fatigues d'une longue route parcourue pour venir à l'église.

Note 81: (retour) La grand'messe de minuit était précédée des trois Nocturnes des Matines et suivie des Laudes.

Telle a été l'origine du réveillon.

Nous parlerons successivement des groupes de quêteurs en vue du réveillon, du repas lui-même et des gâteaux de Noël.



I. LES QUÊTEURS


L'Aguilloné dans le pays d'Armagnac

L'Aguilloné est le chant de joie de Noël; il est en patois gascon. Pendant tout le mois de décembre, les jeunes gens qui doivent tirer au sort vont chanter l'Aguilloné, le soir, après souper, devant les portes. Comme récompense, on leur donne quelques sous, des oeufs, de la farine, des châtaignes. Avec le produit de cette quête, ils font le réveillon de Noël.

L'Aguilloné se chante sur un air très gracieux et très entraînant. Les chanteurs (lous aguillounès) portent le béret bleu du pays, brodé avec de la laine rouge, jaune, verte, blanche, le tout surmonté d'un pompon aux multiples couleurs: c'est avec ce costume bigarré qu'ils se promènent crânement dans les foires et marchés.

«Il ne faut pas oublier, nous dit notre aimable correspondant, que nous sommes au doux pays d'Armagnac, pays du bon vin et du gai soleil, et on aime beaucoup chez nous à rire et à s'amuser. Il y a de braves gens tout de-même, et si les têtes sont un peu légères, les coeurs sont toujours bons82

Note 82: (retour) M. l'abbé B., du diocèse d'Auch.

CHANT DE L'AGUILLONÉ

1

Trois compagnons sont arrivés

Devant la porte d'un chevalier.

Refrain

Gentil Seignou,

L'Aguilloné

Il faut donné

A ous coumpagnous

2

Aci qué bouha lou bént d'aoutan,

Daoubrit la porto, qu'entreran.

Gentil Seignou!

(et la suite du refrain qui se répète à chaque couplet).

3

Brabos gens, allucat la candello,

Bous pourtant no gran noubello.

4

Inta Nadaou, escoutats ben,

Jésus va néché à Bethléem.

5

Dam-mous aoumen un bresserou,

Inta coucha lou Salvadou.

6

Dam-mous un brioulletto,

Indé bouta déguens sa manetto.

7

Enségnam-mous un cansoun,

Indé hé risé lou maynatjoun.

Etc., etc.

TRADUCTION

1

Trois compagnons sont arrivés

Devant la porte d'un chevalier.

Gentil Seigneur,

L'Aiguilloné

Il faut donner

Aux compagnons.

2

Ici souffle le vent d'antan.

Ouvrez la porte, nous entrerons.

3

Braves gens, allumez la chandelle,

Nous vous portons une grande nouvelle.

4

Pour Noël, écoutez bien,

Jésus va naître à Bethléem.

5

Donnez-nous au moins un petit berceau.

Pour y coucher le Sauveur.

6

Donnez-nous une violette,

Pour mettre dans sa petite main.

7

Enseignez-nous une chanson,

Pour faire rire le petit enfançon.

Etc., etc.

Ainsi se continuent indéfiniment les couplets de l'Aguilloné qui se termine toujours par des souhaits, en rapport avec l'aumône reçue ou refusée.

Si les chanteurs ne reçoivent rien, ils disent les choses les plus désagréables, par exemple:

Diou bous counserbe la santat

Coumo l'aygo déguens tin bergat.

Dieu vous conserve la santé

Comme l'eau dans un panier percé.

Mais s'il se trouve un donateur généreux, on souhaite toutes sortes de prospérités à sa maison, par exemple:

Lou boun Diou bous doungo aoutant d'aoucats

Coumo d'herbetto deguens tous prats.

Que le bon Dieu vous donne autant d'oies

Qu'il y a de brins d'herbes dans les prés.

Diou benasisco aquesto maysoun,

Mous an baillat caoucoun dé boun.

Dieu bénisse cette maison,

Car on nous a donné quelque chose de bon.

Cette chanson, comme on le voit par le texte lui-même, se rapporte surtout à la fête de Noël. Elle est chantée à l'occasion des quêtes qui ont lieu pendant tout le mois de décembre.

La chanson traditionnelle que répètent les enfants, pendant le temps de l'Avent, la vieille chanson de quête, aux environs de Rouen, est encore celle-ci:

Aguignette,

Miettes, miettes,

J'ons des miettes dans not' pouquette,

Pour les jeter à vos poulettes.

Si elles pondent de gros oeufs,

La maîtresse, donnez-m'en deux!

Aguignolo!

Dans les environs de Ploërmel, la veille de Noël, quand le soir arrive, des enfants, réunis par petits groupes de trois ou quatre, vont de porte en porte, éclairés par une bougie que tient le chef de la bande. Ils posent d'abord à la maîtresse de maison cette question: «Faut-il chanter Noé?» Si la réponse est affirmative, ils entonnent le couplet suivant:

Chantons Noé,

Ma bonne femme,

Chantons Noé,

Vous et moi.

Pour eun' pomm', pour eun' peire,

Pour un p'tit coup d' cidr' à beire,

Chantons Noé, etc.

Puis, après avoir reçu quelques sous ou quelques friandises, ils s'en vont à une autre porte répéter la même chanson.

Dans certaines paroisses des Hautes-Pyrénées, situées entre Lourdes et Bagnères, les enfants s'en vont, le matin de la veille de Noël, «musiquer» devant chaque maison; on donne à chacun un petit pain fait exprès par la ménagère. Régulièrement, les enfants pauvres seuls devraient aller à cette distribution d'aumônes, mais, par camaraderie et par amusement, les enfants des familles aisées se joignent à eux. On désigne ces joyeux quêteurs sous le nom patois de «Eis allégrès», en français «les joyeux»; ce mot n'est jamais employé qu'à Noël.

Dans la vallée d'Arros, au centre du même département, il y a trente ans, les enfants couraient de même, de maison en maison, la veille de Noël, pour demander «la prouesse», c'est-à-dire des pommes, des noix et des friandises. Cet usage a à peu près disparu.

Dans le pays d'Auribat (Landes), les enfants de la campagne se forment en groupes joyeux, la veille de Noël. Ils vont solliciter des offrandes devant toutes les maisons où il y a eu un baptême dans l'année. Ils chantent alors un refrain connu vulgairement sous le nom de lou Piguehoü:

Pigue hoü, hoü, hoü

Pigue talhe, talhe, talhe

Dat loumouyne à le canalhe.

Pigue hus, hus, hus

Les miches à ca de dus.

Pigue, hégn, hégn, hégn

Lé maye part que si lou mégn.

Pigue hoü, hoü, hoü

Pigue, taille, taille, taille,

Donnez l'aumône à la marmaille.

Pigue hus, hus, hus.

Les miches83 à chacun d'eux

Pigue hégn, hégn, bégn

La plus grande portion que ce soit la mienne.

Note 83: (retour) Pain d'anis.

Malheur à celui qui ferait la sourde oreille; les enfants, de leur ton le plus aigu, hurleraient un refrain vengeur, mais trop grossier pour pouvoir être reproduit.



II. Le repas

Dans l'Orléanais, le réveillon avait des mets et des chants traditionnels; le porc composait le menu de ce festin. C'était sous toutes les formes et par parties que la victime était servie sur la table. Partout son sang apparaissait sous la forme de boudin succulent, et sa chair hachée sous celle de crépinettes, sorte de saucisses longues qui, dans certaines communautés, étaient servies à chaque personne, dès le retour de la Messe de minuit. La fin du repas était égayée par le chant de Noëls. locaux.

Dans les familles angevines, il était d'usage, à Noël, de tuer un des porcs mis à l'engrais.

Dès le matin, le boucher, accompagné de ses valets, se rendait à domicile et, après avoir saigné, épilé 84 le porc, puis taillé sa chair, se mettait à faire force saucisses et boudins, car il fallait en envoyer à tous les parents et amis...

Note 84: (retour) Épiler, enlever le poil.

Le soir arrivé, une grande chaudière d'airain était posée sur le feu. Cette chaudière était remplie de la chair du porc coupée en petits morceaux et destinés à faire des rilleaux. Le chef de la famille se signait, jetait de l'eau bénite sur le feu, puis plaçait dans la chaudière trois mesures de sel.

A l'aube du jour, les rilleaux étaient cuits, et alors on se délassait, dans ce gai repas, des veilles de la nuit. Ensuite on partait pour l'église paroissiale, en emportant sur un large plateau un magnifique jambon couvert de verdure. Ce jambon était déposé devant le maître-autel.

Un prêtre, en habit de choeur, venait le bénir et prononçait une prière consacrée à cette cérémonie, prière qu'on retrouve encore dans nos anciens rituels du Moyen Age.

Après la bénédiction, le jambon était reporté à la maison et suspendu dans l'âtre de la cheminée; il y restait jusqu'à Pâques. Ce jour-là, il était décroché et mis sur la table autour de laquelle la famille venait s'asseoir et rompait avec cette viande bénite l'abstinence du Carême 85.

Note 85: (retour) Extrait du Bulletin historique et monumental de l'Anjou.

Dans le Rouergue (Aveyron), tout en se chauffant autour du souquonaudolengo qui flambe, on réveillonne avec un bon morceau de saucisse, cuite à point par les soins de la ménagère, ou, à défaut de saucisse, on se régale tout bonnement d'un morceau de porc salé, conservé depuis le carnaval passé. Et, comme dessert, une rissole aux prunes ou aux pommes bien chaude et bien dorée.

Le jour de Noël est un jour de grande liesse; c'est le maître, «le bourgeois» qui «régale» la famille et les domestiques. C'est à lui qu'incombe le soin de tout disposer, car c'est, ce jour-là, la fête des petits, des humbles, des serviteurs; le maître «paie» à toute la maisonnée.

Mais, en revanche, le jour des Rois sera sa fête à lui.

A leur tour, les domestiques paieront ou seront censés payer, et ce soir-là encore, il y aura grande liesse dans la ferme, éclairée autant par le grand feu de la cheminée que par la lampe du plafond86.

Note 86: (retour) L'abbé M——, du diocèse de Rodez.

En Poitou, Lucas Le Moygne, curé de Notre-Dame de la Garde (Poitiers), a composé un nouël où il est raconté quel réveillon on faisait, après la Messe de minuit:

Conditor, le jour de Noël,

Fit un banquet non pareil

Qui fut faict, passé v'là longtemps,

Et si le fit à tous venans.

Suit le menu: «perdrix, chapons, oiseaux sauvages, hérons, levrauts, congnilz, faisans, sangliers, lymaces au chaudumé», voilà pour les plats de résistance, et j'en oublie. Maintenant, pour le dessert: la pâtisserie, «les fouaces», les crasemuseaux, gâteaux secs, pains de chapitre, échaudés pour les mauvaises dents... avec du vin.

................de l'Ypocras,

Vin carapy et faye Montjeau,

Pour enluminer tout museau

Nouël!

Il y vint même un bouteillier

Qui onc ne cessa de verser

Tant que un quartault il assécha

In sempiterna secula.

A défaut du petit vin clairet de Poitiers, on avait «de derrière les fagots» quelque réserve, en cachette, «de pomme sans iau» ou «de poiré doulcereux» pour arroser chansons qui ne tarissaient guère87.

Note 87: (retour) J. Noury.

Dans les Hautes-Alpes, Noël est le grand jour de réunion familiale. Au marché qui précède la fête, les femmes se pourvoient d'une bougie par ménage, car, le soir de Noël, on ne s'éclaire ni avec le bouillon-blanc trempé dans l'huile, ni avec le bois résineux qui sert là de lumière, comme dans les villages russes.

Il est de coutume de manger, après la Messe de minuit, des soupes de pâté qu'on appelle sazanes ou creusets. Le chef de la famille prend le premier un verre plein de vin et porte la santé de tous les siens; le verre passe ensuite de main en main, la même santé se répète et, à la fin du repas, chacun à son tour y boit à ceux des membres de la famille que la nécessité retient absents.

Dans le Var, après la Messe de minuit, les tourtes, gros gâteaux ronds faits avec du miel, de la farine, de la confiture, de l'huile, dérident tous les fronts88.

Note 88: (retour) L'abbé Ch., du diocèse de Fréjus (Var).

En Armagnac. Devant la souche de Noël, en partant à la Messe de minuit, on laisse «mijoter» le pot de la daube, qui est la base du réveillon. La daube est un plat national et bien gascon: elle se compose d'un morceau de boeuf cuit dans une sauce noire, faite avec du vin rouge et force condiments. On ne comprendrait pas, en Armagnac, un dîner de Noël sans la daube. Les familles les plus pauvres se paient ce luxe gastronomique, et si leur misère était trop grande pour pouvoir se donner ce régal, de charitables voisins se font un devoir de le leur procurer.

Le réveillon se complète avec de longs morceaux de saucisses cuites sur le gril, toujours avec les charbons de la souche. On termine par les châtaignes grillées, arrosées de vin nouveau89.

Note 89: (retour) L'abbé B., du diocèse d'Auch.

«Si vous voulez quelques notes sur les fêtes de Noël, dans notre beau Béarn, je puis vous en donner. Tout se passait très simplement: les amis se réunissaient, on chantait des Noëls béarnais, en attendant la Messe de minuit. On nous faisait rôtir des marrons et on nous faisait boire de cet excellent vin blanc qu'aimait tant notre bon Henri (Henri IV, le Béarnais); seulement on nous le donnait à très petite dose, car il porte. Puis on nous mettait au dodo, en nous promettant de nous réveiller au moment voulu... Et le lendemain grand désespoir de n'avoir pas été réveillé à temps, mais le tour était joué.

«Et l'on nous menait voir le petit Jésus dans sa Crèche, où nous lui promettions d'être sages. Ceci se passait dans ma petite enfance, il y a trois quarts de siècle90».

Note 90: (retour) Mme la comtesse de X...

Dans les montagnes du Gévaudan (Lozère), on arrive à trois heures du matin de la Messe de minuit. On prend un air de feu et on se met à table. Depuis des siècles, le menu est toujours le même: oreille de porc, riz au lait, saucisse, fromage.

Le tout était jadis arrosé de Vivarais, vrai nectar que les vieux seuls ont connu. Aujourd'hui, c'est le Languedoc qui figure à la table de nos montagnards. Il monte facilement à la tête, mais il ne réjouit pas le coeur91.

Note 91: (retour) M. l'abbé R..., du diocèse de Mende.

En Corse, dans les familles pauvres, on mange, au réveillon, la traditionnelle polenta (bouillie de farine de châtaignes ou de maïs), avec des tranches de porc tué exprès la veille.

Dans le pays bizontin, on prend, au retour de la Messe de minuit, un peu de vin chaud, avec une petite tranche de pain, c'est la «mouillotte».

Pour la journée de Noël, on fait actuellement une grande fournée de gâteaux. Autrefois, en montagne, quand on mangeait habituellement le pain d'avoine et d'orge, on préparait, pour Noël, des pains d'orge mélangée d'un peu de froment: chacun avait sa michotte. La mère de famille avait soin d'en faire une de plus pour le premier pauvre qui passait: on l'appelait la «pâ Dé» (la part à Dieu.)

Dans le pays de Caux (Seine-Inférieure). Dans les campagnes, le réveillon est réduit aux plus modestes proportions. Pendant que, dans l'âtre, se consume la traditionnelle bûche de Noël, on se contente d'un frugal repas où figure parfois, chez les pauvres, une «fricassée» d'oiseaux pris, le soir à la «soutarde»; on termine aussi quelquefois par une tasse de «flippe», boisson chaude et composée de cidre doux, d'eau-de-vie et de sucre réduits au feu.

En Alsace, le réveillon se fait avec des saucisses, des jambons, des boudins arrosés de vin blanc. C'est le Kuttelschmauss.

Nous avons dit qu'en Angleterre il se fait, à l'occasion de Noël, une consommation considérable d'oies grasses92. Il en était ainsi autrefois dans nos provinces méridionales de la France; il n'était pas de fête, en Languedoc et en Béarn, où l'antique gardien du Capitole ne figurât à la place d'honneur. Le plus souvent, le réveillon se composait d'une bonne soupe aux choux, dont la marmite avait été enterrée sous la cendre, avant le départ pour la Messe de minuit, d'une oie rôtie, d'une saucisse fraîche et d'un pâté de foie gras.

Note 92: (retour) Noël dans les pays étrangers, p. 16.

Le jour de Noël, M. de Talleyrand avait l'habitude de servir à ses invités l'oie traditionnelle dont il avait lui-même imaginé la recette. Vous plaît-il de la connaître?

«Foncez une casserole de bandes de lard et de tranches de jambon. Veuillez ajouter quelques oignons piqué de clous de girofle, une gousse d'ail, un peu de thym et de laurier. Sur ce matelas parfumé, posez une oie grassouillette, bien jeune, bien tendre, soigneusement farcie de son foie et de crêtes de coq; arrosez généreusement de sauternes, semez une pincée légère de muscade, et laissez tomber quelques gouttes d'orange amère. Couvrez enfin de papier beurré et, feu dessus, feu dessous, faites partir.»

Décidément, il avait beaucoup d'esprit, M. de Talleyrand!

L'oie de Noël est bien un vrai rôti de fête! Tandis que les cloches égrènent dans le ciel leurs joyeux carillons, que le boudin fume et crie sur le gril, que les marrons pétillent sous la cendre, que les gâteaux de famille profilent leur coupole feuilletée, l'oie fumante est placée au milieu de la table, aux applaudissements des convives. De ses flancs embaumés s'échappent bientôt de succulents marrons: les enfants tendent leur assiette en criant: Noël! Noël!

Et la douce voix des cloches semble leur répondre: «Réjouissez-vous, enfants, car Jésus est né»93.

Note 93: (retour) Fulbert-Dumonteil.

Mme de Sévigné, dans la nuit de Noël de l'an 1677, offrit un réveillon, dans son merveilleux hôtel Carnavalet, aujourd'hui transformé en musée de Paris historique, ancien et moderne.

D'après le cérémonial accoutumé, Coulange met le feu à la bûche de Noël, dans la grande cheminée Henri II. La table est garnie au centre d'un agneau tout entier. Sur l'immense dressoir, qui occupe tout un panneau de la salle, des orangers encadrent les aiguières et la vaisselle d'argent et de vermeil.

Les jets d'une haute fontaine les parfument encore de l'essence des fleurs les plus odorantes et les plus variées.

Le réveillon se prolonge au milieu des huit services dont la simple énumération, en sa consistance abondante et variée, suffirait à soulever d'effroi les estomacs de notre temps.

Qu'il nous suffise d'indiquer qu'après les soupes, les entrées, les deux services de rôtis, gros et menu gibier, le service des poissons: saumon, truite et carpe, parurent deux énormes buissons d'écrevisses flanqués de quatre tortues dans leur écaille. Au sixième service, on en était encore aux légumes: cardons et céleris, et le huitième service termina le repas par les amandes fraîches et les noix confites, les confitures sèches et liquides, les massepains, les biscuits glacés, les pastilles et les dragées.

Les meilleurs crus de Bourgogne et des côtes du Rhône avaient arrosé les divers services du repas, le muscat de Languedoc restant réservé aux babioles du dessert94.

Note 94: (retour) La Rouvraye.

A Paris, le réveillon est plus à la mode que jamais, et la statistique serait impuissante à établir la quantité de boudin grillé qui se consomme, pendant la nuit du 24 au 25 décembre, dans la grande capitale.

Plus que toute autre ville, Paris subit l'influence des coutumes étrangères. Il a pris à l'Angleterre les joies gastronomiques du Christmas, à l'Allemagne son arbre de Noël si charmant et si poétique. C'est seulement dans les quartiers paisibles du Marais et de l'île Saint-Louis, loin des rues grondantes de la grande ville, où les chaudes rôtisseries, les charcuteries enrubannées toutes grandes ouvertes, les cafés et les restaurants illuminés offrent jusqu'au matin l'odeur et le flamboiement d'un immense festin; c'est dans ce Paris ignoré qu'il serait possible de retrouver quelques traces des vieux usages de nos pères.



III. LES GÂTEAUX

A l'occasion de Noël, il se fait une grande consommation de gâteaux qui, suivant les pays, portent différents noms.

Dans les Vosges, on réveillonne surtout avec du vin, de l'eau-de-vie et des coigneux, gâteaux à forme particulière, fabriqués exprès pour la fête de Noël. Il est d'usage que les parrains et marraines donnent à leurs filleuls un coigneux à Noël. C'est un acompte sur les étrennes.

«Le nom français de cette pâtisserie, dit X. Thiriat, n'existe pas dans le dictionnaire de l'Académie: il varie suivant les pays. A Saint-Amé, on dit queugna; à Dommartin, queugno; à Gérardmer, coïeue; à Rambervillers, cogneu95

Note 95: (retour) La vallée de Cleurie, p. 329.—Coigneux et ses variantes viennent peut-être de l'allemand Kuchen, gâteau.

Les Lorrains ont l'habitude de s'entredonner, à l'époque de Noël, des cognés ou cogneux, espèces de pâtisseries dont les unes figurent deux croissants adossés et dont les autres, plus longues que larges, se terminent également, à leurs extrémités, par deux croissants.

Dans les Flandres, on donne aux enfants, le jour de Noël, des kéniolles ou coignolles ou quégnolles, gâteaux de forme oblongue, au creux desquels un Enfant-Jésus en sucre est mollement couché, piquant une note rose au sein de la pâte dorée.

Dans le département du Nord, ces mêmes gâteaux sont connus sous le nom de coquilles. Dans certaines villes, les boulangers et les pâtissiers en offrent à leurs clients, à titre d'étrennes, immédiatement après la Messe de minuit96.

Note 96: (retour) M. D..., boulanger à W... (Nord), nous a envoyé, pour la Noël 1906, une succulente coquille que nous avons admirée et appréciée: c'était en souvenir d'un voyage resté mémorable.

Dans le pays chartrain et en Beauce, on servait au réveillon des cochelins, petites galettes feuilletées ovales ou losangées, qui étaient saupoudrés de grains en sucre rose et blanc; ils servaient aussi d'étrennes.

En Normandie, les indigents se pressent, à l'heure du réveillon, à la porte des fermes, en demandant des aguignettes (étrennes) et chantent en choeur ce vieux couplet:

Aguignette, Aguignon,

Coupez-moi un p'tit cagnon;

Si vous n'volez pas le coper,

Donnez-moi l'pain tout entier.

Les Aguignettes! Tout le monde connaît, en Normandie, ces galettes feuilletées, ces gâteaux de deux sous, cousins germains des «cheminaux tout chauds» et des vieilles «nourolles» découpées à l'emporte-pièce et revêtant les formes les plus diverses, suivant les caprices du boulanger.

Quelle jolie couleur elles vous ont à la sortie du four et comme elles fleurent le bon beurre frais! Elles sont surtout succulentes, quand un léger coup de feu leur a donné une teinte d'acajou et qu'elles craquettent sous la...

[Texte détérioré—reliure défectueuse]

Quelles pâtisseries affriolantes que ces Aguignettes d'enfants!

En Berry97, les pains ou gâteaux de Noël étaient de deux sortes: les cornabeux et les naulets. Les cornabeux ou pains aux boeufs sont confectionnés dans les fermes, et on les distribue aux pauvres dans la matinée de Noël: ces pains sont en forme de cornes ou de croissants.

Note 97: (retour) D'après Laisnel de la Salle, Croyances et Légendes, t. I, p. 6.

A Argenton, à Saint-Gaultier, etc., les cornabeux sont connus sous le nom de holais. Tous les laboureurs de ces contrées donnent aux pauvres, le jour de Noël, autant d'holais qu'ils possèdent d'animaux de labour, boeufs ou chevaux.

Les naulets sont ces petites galettes que fabriquent les boulangers pour le jour de Noël. On leur donne, autant que possible, la forme d'un petit Jésus, qu'au Moyen Age, on désignait quelquefois sous le nom de Naulet ou Nolet, pour Noëlet (petit Noël):

J'ai ouï chanter le rossigneau

Qui chantoit un chant si nouveau,

Si gai, si beau,

Si résonneau;

Il m'y rompoit la tête,

Tant il preschoit,

Et caquetoit;

A donc prins ma houlette,

Pour aller voir Nolet98.

Note 98: (retour) Bible des Noëls, de Ribaut de Laugardière, p. 15, Bourges, 1857.

Tous ces gâteaux n'auraient-ils pas pour origine ces pains de Noël, espèce de redevance payée jadis par les vassaux à leur seigneur? 99.

Note 99: (retour) Voir du Cange, Glossarium, s. v. panis.

Nous pourrions citer encore une foule d'autres gâteaux que l'on sert à l'occasion des fêtes de Noël et du jour de Tan; en Beauce, les nieules, espèce d'échaudées; en Normandie, les nieules 100, petites gaufrettes un peu semblables aux oublies, pâtisserie légère que fabriquait, à Rouen, la corporation des oubleyeurs-neuliers; on les voit souvent figurer comme redevances, comme les oublies les chemineaux, les fouaces; en Provence, le calendau et le nougat que l'on sert orné de feuilles vertes; en Normandie, les craquelins, qu'on appelle bourettes à Valognes, etc.

Note 100: (retour) Les nieules étaient surtout jetées, du haut des galeries, dans la cathédrale de Rouen, le jour de la Pentecôte (Farin).

A ces sortes de gâteaux doit se rapporter le petit pain blanc que, chez nos voisins des Amognes (Nièvre), les parrains et les marraines offraient, naguère encore, aux approches de Noël, à leurs filleuls et que l'on connaissait, dans ces contrées, sous le nom d'apogne cornue.

On pourrait encore ranger dans la catégorie des apognes, l'ai gui l'an de Vierzon (Cher), dont Raynal parle en ces termes 101: «A Vierzon pendant quelques jours des environs de Noël, tous les pâtissiers vendent un petit gâteau de forme bizarre qu'on nomme l'ai gui l'an.»

Note 101: (retour) Histoire du Berry, tom. I, p. 17.

«Dans notre province, comme en beaucoup d'autres, ajoute Raynal, on donne encore les noms de guilané, guilaneu aux aumônes spéciales ou à de certains présents que l'on distribue aux premiers jours de l'an. Les mots guilané, guilaneu signifient, dit-on, gui l'an neuf102».

Note 102: (retour) Les auteurs sont très partagés sur cette étymologie. V. le Barzaz-Breiz, de M. de la Villemarqué, t. I, p. 396.

En Picardie, il y a quelques années, les cabaretiers offraient, la veille de Noël, à leurs clients des cuignons ou cuignots, sorte de tarte aux pommes en forme de croissants allongés.

Dans la Flandre flamingante, les gâteaux de Noël se nomment Kerskoeken et représentent un porc ou un sanglier, comme les cougnoux de Namur.

Le réveillon des animaux103.

Note 103: (retour) Voir Noël dans les pays étrangers, p. 13. Le réveillon des oiseaux.

Dans un grand nombre de pays, les animaux eux-mêmes font réveillon.

En Berry, les animaux de la ferme, à l'issue de la Messe de minuit, reçoivent une provende extraordinaire du meilleur fourrage.

Il en est ainsi en Lorraine et dans le pays bisontin. Dans un village voisin de Besançon, à Mamirolle, il y a quelques années, un cultivateur qui n'avait aucune religion se levait avec grande diligence, pour conduire son bétail à l'abreuvoir public, tout au sortir de la Messe de minuit. Il fallait, disait-il, que ses animaux eussent la première eau de Noël. Cette habitude superstitieuse a quelque chose de bien poétique et n'est que l'application abusive d'une idée admirable du Mystère de Noël. 104

Note 104: (retour) L'abbé B..., du diocèse de Besançon.

On nous écrit que, dans certaines paroisses perdues des montagnes de l'Auvergne, à l'occasion de Noël, tous les animaux participent aux réjouissances communes; «il n'est pas une tourterelle ni un pigeon qui ne fasse réveillon.»

Le même usage existe en Bretagne. Au retour de la Messe de minuit, on donne à tous les animaux une botte du meilleur foin qui se trouve à l'étable. Les paysans bretons (de Bignan, au diocèse de Vannes) pensent qu'il est convenable que les animaux eux-mêmes participent à la joie universelle, la nuit de Noël, en mémoire de la place que Dieu leur assigna, d'après la tradition, dans l'étable de Bethléem, au moment de la Nativité.

En Touraine, dans plusieurs villages, la Messe de minuit terminée, chacun regagne sa demeure. Mais avant d'aller prendre sa part au gai repas du réveillon, le maître de la maison passe d'abord à l'étable. En souvenir des deux animaux qui, de leur tiède haleine, ont réchauffé les membres tremblants du Sauveur-Enfant, il donne à chacun de ses animaux domestiques une double ration. C'est leur réveillon à eux 105.

Note 105: (retour) M. l'abbé B... du diocèse de Tours.

Le poète qui a si bien chanté le réveillon des oiseaux devait aussi chanter le réveillon des animaux; il l'a fait sous ce titre gracieux:

LA GERBE DE NOËL

Dans les nombreux pays où la sainte croyance

Vit encor dans le coeur du campagnard heureux,

—A l'heure où de Jésus l'on chante la naissance,

On observe un usage aussi bon que pieux.

La venue ici-bas de cet Enfant aimable

Mit en liesse la terre, aux chants du Paradis;

De même le croyant s'en va dans son étable

Réjouir son bétail, ses agneaux, ses brebis.

Il donne à l'âne, au bouf, une exquise provende,

Aux chèvres, aux moutons, ou du sucre ou du sel:

Car tout être vivant doit, suivant la légende,

Faire son réveillon dans la nuit de Noël106.

Note 106: (retour) Comtesse O'Mahony.




CHAPITRE V

LES CADEAUX DE NOËL

(ARBRE DE NOËL ET SOULIER DE NOËL)

Aujourd'hui l'usage se répand de plus en plus de donner des cadeaux aux enfants, à l'occasion de la fête de Noël.

On donne à cette coutume une double origine. Quelques auteurs ont voulu la faire remonter aux Romains, qui s'envoyaient les uns aux autres des présents, afin de commencer la nouvelle année sous d'heureux auspices. Les nouveaux convertis eurent beaucoup de peine à se défaire de cette coutume payenne.

A la fin du IVe siècle, saint Maxime de Turin la condamne avec véhémence: il reproche aux chrétiens de donner des présents exagérés, quelquefois même en contractant des emprunts107.

Note 107: (retour) Homil. C. de Kalendis gentilium, Migne, LVII, col. 492-493.

Dans la suite, Noël prit peu à peu la place des Calendes de janvier et fut considéré comme le commencement de l'année108.

Note 108: (retour) En provençal, Noël se dit Caleno ou Calendo pour cette raison.—Noël fut appelé Calendes, nom qu'on donnait Auparavant au premier janvier.

Il nous semble exagéré de faire remonter aux Romains l'usage des cadeaux de Noël; cette coutume chrétienne nous paraît avoir son origine toute naturelle dans l'idée même de la fête. En effet, Noël, étant un jour de joie universelle, est en même temps une fête de famille: les étrennes en sont la conséquence.—Comme Dieu s'est donné en présent aux hommes pour leur prouver son amour, les hommes se donnent entre eux des signes d'amitié et de bienveillance. Les parents surtout pensent à réjouir leurs enfants en souvenir du divin Enfant-Jésus, qu'ils leur montrent comme leur meilleur ami et leur plus parfait modèle.

Les cadeaux de Noël se font surtout par l'arbre de Noël et par le soulier de Noël.



I. L'ARBRE DE NOËL

Partout l'arbre est regardé comme un symbole de vie, d'abondance et de prospérité109.

Note 109: (retour) L'arbre joue un grand rôle dans la symbolique chrétienne. On a souvent mis en face l'un de l'autre l'arbre de la science du bien et du mal, principe de la déchéance de l'humanité, et la croix, principe de rédemption et de salut.

L'arbre de Noël est un petit arbuste vert, le plus ordinairement un sapin, aux branches duquel on attache les cadeaux que l'on veut distribuer aux enfants, à l'occasion de la fête. Il apparaît tout éclatant de lumières, tout chargé de jouets et de friandises. Cet arbre merveilleux est pour les coeurs innocents le symbole de Celui qui est «la lumière du monde» et la source de tout don céleste.

Cet arbre, en effet, a pour les enfants une signification chrétienne. Ce sapin, qui reste vert au milieu du deuil de la nature et qui produit des fruits absolument inusités, fournit l'occasion de parler aux petits enfants de ce Jésus qui s'est fait enfant pour nous, de ce Jésus qui, dans sa crèche, leur prêche la piété, l'obéissance, la pauvreté. Ils écoutent comme on écoute quand on est enfant: plus tard ils se souviendront!...

Qui donc peut assister sans être profondément ému à cette scène ravissante d'un arbre de Noël dans nos Écoles maternelles? «Devant les yeux émerveillés des tout petits, le verdoyant sapin, illuminé de mille petites lumières tremblotantes, se dresse tout chargé de jouets et de cadeaux qui, pendant des heures, mettent du bonheur dans les âmes de tout ce monde enfantin. A ces joujoux d'un jour, on joint quelquefois une large distribution de bons vêtements chauds et de hardes neuves: tricots qui recouvrent les petits membres grelottants, mitaines qui préservent des engelures, foulards où s'enfouissent les petits nez rougis par la bise, bonnes galoches qui sonnent sur le pavé au moment des glissades. Et comme il n'est point de belles fêtes sans chanson, on chante quelques-uns de ces jolis noëls naïfs, sur des airs qui ont traversé les siècles et qui n'en sont pas pas moins une bonne et égayante musique110».

Note 110: (retour) Nous empruntons cette description de l'arbre de Noël au savant article, si documenté, si varié et si plein d'humour de M. Georges Dubosc (Journal de Rouen, 25 déc. 1897).

Le romancier anglais Ch. Dickens décrit ainsi l'arbre de Noël111: «Cet arbre, planté au milieu d'une large table ronde et s'élevant au-dessus de la tête des enfants, est magnifiquement illuminé par une multitude de petites bougies et tout garni d'objets étincelants. Il y a des poupées aux joues roses qui se cachent derrière les feuilles vertes, il y a des montres, de vraies montres, ou du moins avec des aiguilles mobiles, de ces montres qu'on peut monter continuellement; il y a de petites tables vernies, de petites armoires et autres meubles en miniature qui semblent préparés pour le nouveau ménage d'une fée; il y a de petits hommes à face réjouie, beaucoup plus agréables à voir que bien des hommes réels—car si vous leur ôtiez la tête, vous les trouveriez pleins de dragées.—Il y a des violons et des tambours, des livres, des boîtes à ouvrage, des boîtes de bonbons... toutes sortes de boîtes; il y a des toutous, des sabots, des toupies, des étuis à aiguilles, des essuie-plumes et des imitations de pommes, de poires et de noix, contenant des surprises. Bref, comme le disait tout bas devant moi un charmant enfant à un autre charmant enfant, son meilleur ami: «Il y avait de tout et plus encore!»

Note 111: (retour) Christmas carols.


Comment installer et garnir l'arbre de Noël

Il faut choisir, dans la forêt, un beau sapin aux branches épaisses et bien vertes: on le plante dans une caisse profonde remplie de terre: les parois sont ornementées de papier multicolore ou d'andrinople. C'est, à Paris, au marché du quai aux Fleurs qu'on trouve à meilleur compte les sapins de Noël; chaque année, les forêts de France et même de l'étranger en envoient un stock considérable.

Il est bon de placer l'arbre au tiers de la pièce où l'on doit se réunir, afin de laisser, en avant, un espace suffisant pour recevoir les invités, grands et petits.

On peut établir, dans un coin de la salle, une sorte de cloison de tentures, faite avec de longs rideaux épais. Derrière cette cloison, on peut placer un piano ou un harmonium autour duquel grands frères et grandes soeurs chanteront des noëls populaires: leurs voix sembleront se perdre dans un lointain mystérieux, et parfois imiter les Anges de Bethléem, annonçant aux bergers la venue du Sauveur.

Il faut, sur le fond de verdure sombre qu'offre le sapin, placer des boules de verre ou de petits miroirs qui refléteront, en mille facettes, la lumière des petites bougies suspendues dans l'arbre. Souvent on sème sur les branches quelques poignées de givre argenté et de neige artificielle; on y ajoute aussi quelquefois de longs fils d'argent qu'on appelle des «cheveux d'ange». Enfin, on accumule, avec art et bon goût, tout ce qu'on peut trouver de petits rubans, de faveurs, et on agrémente le tout de nombreuses bouffettes, de noeuds et de croisettes de bolduc rose112.

Note 112: (retour) Grosse ficelle rose, plate.

Quant aux bibelots, jouets et friandises à placer sur l'arbre de Noël, on a le choix, assurément, mais il faut prévoir ce qui fera le plus grand plaisir à l'assistance: les fruits et les jouets à surprises ont toujours le plus grand succès. Les enfants préfèrent souvent les objets peu coûteux aux cadeaux de grand prix: il faut surtout savoir les enjoliver et les présenter, sous les formes les plus gracieuses et les plus attrayantes: par exemple, les petits paniers et les corbeilles seront recouverts de percaline et doublés de satinette rose ou bleue; on collera sur les panoplies des papiers de couleur, des papiers de fantaisie à dessins comiques, etc.

Quelquefois, on place, au sommet de l'arbre de Noël, une étoile lumineuse étincelante de rubis et d'émeraudes, ou un ange de carton aux ailes d'or et aux mains pleines de présents.

On trouve dans les bazars et chez les marchands de jouets tous les accessoires d'un arbre de Noël à des prix très abordables.

Les savants ne sont pas d'accord sur l'origine de l'arbre de Noël: les uns le font remonter au temps du paganisme, les autres lui donnent une origine gauloise, d'autres, enfin, le font venir des plus pures traditions germaniques.

Origine payenne. L'arbre de Noël, suivant une légende, remonterait aux peuples payens, qui célébraient, par des réjouissances, les derniers jours de l'année. Le sapin, «roi des forêts» 113, comme disent encore certains chants populaires allemands, recevait alors un culte idolâtrique: des sacrifices humains avaient même arrosé ses racines. Cependant, il faut observer que, parmi les nombreuses espèces d'arbres pour lesquels les anciens Germains avaient un culte, on ne vit jamais figurer le sapin. Il faut aller jusqu'à l'extrême Scandinavie où, dans les temps payens, lors des fêtes de Youl114, célébrées à la fin de décembre, en l'honneur du retour de la terre vers le soleil, on plantait, devant la maison, un sapin auquel on attachait des torches et des rubans de couleur.

Note 113: (retour) Il faut visiter les belles forêts du mont Saint-Odile, en Alsace, pour voir que le sapin mérite bien ce titre d'honneur.
Note 114: (retour) Noël dans les pays étrangers, p. 19.

Le christianisme aurait transformé cette coutume et l'aurait appropriée au Mystère de Noël, qui se célèbre à cette époque de l'année; cette ancienne cérémonie serait tombée en désuétude avec le cours des siècles.

Origine gauloise. Vers 573, saint Colomban, poussé par un ordre mystérieux de Dieu, quitta l'Irlande, son pays natal, et le monastère de Bangor, où les fortes études n'empêchaient pas l'enthousiasme de se développer. Il partit pour la Gaule dont, malgré la conversion de Clovis, les habitants avaient grand besoin d'être évangélisés. L'ardent missionnaire fut bien accueilli par Gontran, roi des Bourguignons.

Bientôt l'étroite enceinte du vieux château romain d'Annegray, que lui avait concédé ce prince, fut insuffisante pour ses nombreux disciples. Une portion de la nouvelle communauté dut se transporter à Luxeuil, au pied des Vosges.

Un soir de Noël, saint Colomban prit avec lui quelques-uns de ses religieux et parvint avec eux, en chantant des hymnes, jusqu'au sommet de la montagne où se trouvait un antique sapin encore vénéré par quelques habitants. Les religieux accrochent à l'arbre leurs lanternes et leurs torches; un d'eux parvient jusqu'à son faîte et y dessine une croix lumineuse.

Les paysans accourent et saint Colomban leur raconte les merveilles de la nuit qui donna au monde un Sauveur.

Malgré ce fait, nous ne croyons pas que la tradition de l'arbre de Noël soit née sur notre vieille terre française. Nous n'en trouvons aucune trace dans nos vieux noëls normands, gascons, bourguignons ou provençaux. Dans toutes nos Pastorales, dans l'Officium pastorum, même silence au sujet du vert sapin étoilé de lumières. Ce n'était point le sapin, mais bien le chêne celtique qui était l'arbre symbolique par excellence dans les vieilles forêts druidiques de l'ancienne Gaule115.

Note 115: (retour) Noël dans les pays étrangers, p. 18, note.

Origine allemande. Il y a un siècle environ que l'arbre de Noël est devenu populaire dans les contrées du Nord de l'Allemagne.

C'est en Norwège et en Suède qu'il fut d'abord adopté aux fêtes chrétiennes de Noël, et tout indique qu'il a été propagé, en Allemagne, par les Suédois, pendant la guerre de Trente ans.

C'est peut-être en Alsace qu'il faut chercher l'origine de l'arbre de Noël. Dans ce pays, les charmes de la poésie ont enveloppé tous les actes de la vie publique et privée.

Nous trouvons la plus ancienne mention de l'arbre de Noël dans une description des usages de la ville de Strasbourg, en 1605. On y lit le passage suivant: «Pour Noël, il est d'usage, à Strasbourg, d'élever des sapins dans les maisons; on y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, des hosties coloriées, du sucre, etc.»116.

Note 116: (retour) Auf Weihnachten richtett man Dannenbaümen zu Strasburg in den Stuben auf, daran hencket man rossen auss vielfarbigen. Papier geschnitten, Aepfel, Oblaten, Zischgolt, Zucker (Rietschel, I. C., p. 144).

En 1765 encore, Goëthe se trouvant à Leipsick, chez un ami, en face d'un arbre de Noël, exprime la surprise que lui cause ce spectacle qu'il voyait pour la première fois.

L'un des plus anciens vestiges de cette coutume se trouve dans l'Essence du Catéchisme que publia, vers le milieu du XVIIe siècle, le pasteur protestant Dannhauer, de Strasbourg. Il constate que depuis quelque temps, en Alsace, on suspend, à la Noël, pour la récréation des enfants, des bonbons et des jouets aux branches d'un sapin. Il déclare qu'il ignore d'où cet usage, qu'il blâme fortement, a pu tirer son origine117.

Note 117: (retour) Katechismusmilch (le lait du Catéchisme), 1642-1646, cité par Rietschel. I. C., p. 145.

L'arbre de Noël fut introduit à Paris, en 1840, par la princesse Hélène de Mecklembourg, duchesse d'Orléans, et favorisé plus tard par l'impératrice Eugénie.

Dans cette même année, le prince Albert, époux de la reine Victoria, l'introduisit au palais royal de Buckingham, à Londres, et le mit en honneur dans l'aristocratie et la bourgeoisie anglaise.

Cette touchante et délicieuse tradition de l'arbre de Noël, perpétuée à travers les âges, semble aujourd'hui plus vivace encore que jamais. La preuve en est dans l'immense quantité de sapins qui, dès l'aube, chaque année, sont alignés sur les deux côtés de la Madeleine, à Paris.

Les sapins!... Ils sont là des centaines, des milliers, de toute taille, de tout âge. Les uns, tout petits, les autres très grands avec d'énormes racines. Ceux-là, de quelques centimètres de hauteur; ceux-ci atteignant plusieurs mètres.

Et tous ces arbres de Noël, disposés en ordre, forment de grandes et de petites allées... C'est comme une forêt en miniature, où l'oeil se perd dans les masses de feuillage sombre, où l'esprit se reprend à rechercher les images exquises de Pierre Dupont, le chantre des Sapins, évocateur génial des beautés de la nature:

Le Sapin brave et l'hiver et l'orage,

Chaque printemps lui fait un éventail;

Droite est sa flèche et vibrant son feuillage;

L'art grec s'y mêle au gothique travail...

Dieu d'harmonie

Et de beauté,

J'adore ton génie

Dans sa simplicité.

Qui de nous n'a contemplé, avec larmes, en 1870, l'arbre de Noël de nos ennemis insolents et vainqueurs? Ces hommes du Nord abattaient les rares sapins de nos bosquets et en détachaient la cime. Dressée dans un tonneau, cette cime devenait leur arbre de Noël. Ils suspendaient à ses branches des pommes au lieu d'oranges, et des saucisses en guise de guirlandes: le tout était éclairé par des chandelles fumeuses. C'était plutôt lugubre!...

Les Chartrains se rappellent encore cet épouvantable incendie qui, le jour de Noël, détruisit le château du prince Napoléon, à Gourdez. Un sapin immense était dressé dans les magnifiques salons. Pour célébrer leur «Weihnachten», les Allemands suspendirent à ses branches toutes sortes de victuailles; le tout était éclairé a giorno par de nombreuses bougies. L'on festoya, l'on dansa autour de l'arbre de Noël. Le feu ne tarda pas à se déclarer; bientôt le château n'était qu'un brasier, et malheur aux paroissiens de Morancez qui essayèrent de conjurer l'incendie 118!

Note 118: (retour) L'abbé G..., du diocèse de Chartres.

Nous avons donné dans notre premier opuscule une longue description de l'arbre de Noël allemand 119, nous nous contenterons de citer l'arbre de Noël des petits forains et l'arbre de Noël des Alsaciens-Lorrains à Paris.

Note 119: (retour) Noël dans les pays étrangers, p. 39-49.


L'arbre de Noël des petits forains, à Paris

Le 24 décembre, une vaste salle avait été mise gracieusement à la disposition de l'École foraine; la réunion fut très belle. Un public nombreux voulut prendre part à la joie des pupilles de Mlle Bonnefois.

M. Gaston Lacoin, avocat à la Cour d'appel, dans un à-propos très brillant sur l'École foraine et sa fondatrice, fit savoir qu'elle n'avait pas été oubliée par le bonhomme Noël, puisque le Conseil général, sur la proposition de M. Duval-Arnoult, lui allouait une subvention de 500 francs.

Cette heureuse nouvelle fut accueillie avec joie.

Mmes L. Vaillant et J. Jucquot ont ouvert le concert par un charmant morceau à quatre mains. Mme Raucet-Banès a charmé l'auditoire par son talent de fine diseuse. Mme Benoiste a brillamment exécuté une Étude de Liszt et accompagné tous les artistes avec un réel talent. Deux jeunes élèves de Mlle Caroline Brun ont fait entendre de ravissantes mélodies avec des voix bien posées, une diction parfaite et un style impeccable.

La distribution des présents de toutes sortes suspendus à un splendide arbre du Noël eut ensuite lieu au milieu de la joie générale; tous les petits forains paraissaient être au comble du bonheur.

Mlle Bonnefois peut être heureuse et Mlle Giraud fière de ses petits élèves. Puissent-elles longtemps encore assister à cette fête de famille!


L'arbre de Noël des Alsaciens-Lorrains, à Paris

Il n'est pas un journal, en France et surtout en Alsace-Lorraine, qui n'ait raconté, au moins une fois, cette cérémonie si particulièrement touchante et patriotique.

Tout le monde connaît l'Association des Alsaciens-Lorrains, à Paris. Cette oeuvre a distribué, depuis son origine, des millions de secours et procuré du travail et des moyens d'existence à des milliers de familles émigrées.

Comme l'arbre de Noël est en grand honneur dans toutes les familles alsaciennes, on pensa, dès l'année qui suivit la guerre de 1870, à une fête qui rappelât aux petits émigrés les joies du foyer natal.

Jules Claretie a raconté l'origine de cette fête, dans une salle de café-concert, à l'Alcazar, où les petits Alsaciens étaient accourus. On en attendait quelques centaines; il en était venu plus d'un millier.

«Les fillettes et les gamins, dit Jules Claretie montaient, tout émus, les marches de l'estrade. Même après avoir pillé les épiciers du voisinage, on n'allait bientôt plus avoir rien à leur donner. Il fallut briser par fragments les tablettes de chocolat, pour que les derniers emportassent quelque chose. C'est Gambetta qui les cassait en deux, ces tablettes de chocolat, et les passait à Mme Floquet qui les distribuait à ces petites mains tendues.»

Cette fête de famille, très modeste à l'origine, reçut dans la suite un développement considérable; entourée de la sympathie universelle, elle devint une manifestation charitable vraiment grandiose.

Qu'on en juge par le récit que nous en fait un journal de la capitale 120:

Note 120: (retour) Le Monde illustré, 26 déc. 1881.

«Le 25 décembre 1881, a eu lieu, dans l'après-midi, à l'Hippodrome, la Noël des Alsaciens-Lorrains.

«De patriotiques souvenirs planaient sur cette fête. Une foule émue et sympathique se pressait dans l'immense vaisseau, admirablement décoré pour la circonstance.

«Des Alsaciens, au nombre de six mille, et environ quatre mille enfants, avaient été convoqués dans cette vaste enceinte, afin de participer aux libéralités que leur réservaient les Dames patronnesses de l'Oeuvre, sous la forme d'agréables et utiles dons, consistant en vêtements chauds, objets de toute espèce, jouets et bonbons.

«Au centre de l'arène se dressait un énorme sapin, provenant des forêts d'Alsace 121, dont les gigantesques rameaux, ornés de rubans aux couleurs nationales, ployaient sous une charge coquette de joujoux et de Lanternes.

Note 121: (retour) Avant de l'expédier, ses racines avaient été soigneusement enveloppées d'une grosse motte de terre alsacienne.

«Des mâts, autour desquels s'enroulaient des oriflammes et des drapeaux tricolores, étaient plantés de place en place. Ils portaient tous, au centre, les armes des villes des pays annexés, ainsi que l'écusson de la ville de Paris.

«Sur des tables placées au pied de ces mâts, s'amoncelaient des piles de cadeaux, qui attiraient les regards de la troupe enfantine, assise au milieu de l'ellipse.

«Le reste de l'assistance s'étageait sur les gradins de l'amphithéâtre.

«On y remarquait bon nombre de sénateurs, de députés, des élèves de l'École polytechnique, de l'École centrale...

«La musique de la Garde républicaine et plusieurs sociétés chorales ont fait entendre, comme intermèdes, des morceaux très applaudis.

«Des pièces de vers et des chants patriotiques ont été chaleureusement acclamés.

«Ensuite a commencé le défilé des enfants qui sont venus, accompagnés de leurs parents, recevoir, des mains charitables, les dons destinés à chacun d'entre eux.

«Les bienfaiteurs se sont retirés avec la conscience d'un doux et cher devoir de commisération accompli en faveur de frères malheureux.

«Les Alsaciens pauvres ont mieux compris qu'ils faisaient toujours partie du territoire français, et que, en dépit des efforts faits pour les séparer de nous, la charité supprimait les frontières nouvelles.»

Ce spectacle charmant de l'arbre de l'Hippodrome fait retrouver aux pauvres exilés, dans la douce fête de l'arbre de Noël, le souvenir vivant de la patrie absente, et ceux qui veulent être généreux pour l'enfance proclameront hautement «qu'elles sont bonnes et touchantes, les traditions qui permettent ainsi de faire le bien et la charité, en les parant de cette poésie émue et naïve qui, depuis dix-neuf siècles, s'attache à la plus populaire de nos fêtes 122».

Note 122: (retour) Le Journal de Rouen, loc. cit.

Rückert, le plus poétique révélateur, dit Baur, de l'amour divin manifesté dans la grotte de Bethléem, nous a laissé une poésie très aimée des enfants. C'est comme une perce-neige toute pure et toute délicate qui s'est épanouie sur le bord de la Crèche; nous ne ferons que résumer le poète allemand:


L'arbre de Noël et l'enfant pauvre

«Un petit enfant étranger parcourt les rues superbes d'une ville inconnue: il admire les jouets exposés aux vitrines, la lumière des palais et les étincelants sapins entrevus dans les salles bien chauffées.

«Tout enfant, dit-il, a son petit arbre et sa bougie: tout enfant, chez ses parents, a sa douce surprise, et, moi seul, je n'ai rien. Et il frappe tristement à toutes les portes, et personne n'a pitié de lui et ne l'invite à entrer.

«O saint Enfant-Jésus, s'écrie-t-il, je n'ai ni père, ni mère, je n'ai que vous; puisque personne ne m'écoute, venez à mon secours.» Il joint ses petites mains glacées par le froid, et, tout grelottant, il attend, anxieux, dans la rue.

«Et voici que descend vers lui un autre petit enfant, entouré d'une lumière étrange et qui lui dit:

«Je suis le divin Jésus... tout le monde te repousse, moi je viens à toi... tu auras aussi ton arbre de Noël, regarde!»

«De la main, l'Enfant-Jésus lui montre alors le ciel dans lequel brille un gigantesque arbre de Noël tout scintillant d'étoiles.

«L'enfant, dont l'âme est inondée de joie et de paix, se sent soulevé lentement, doucement par mille petits anges qui se détachent de l'arbre merveilleux.

«.....Il est retourné dans sa vraie patrie, et là il oublie toutes les souffrances d'ici-bas!»

Il faut lire cette ravissante poésie dans le texte allemand pour en savourer toute la suavité.

Après avoir célébré tous les charmes de l'arbre de Noël, parlons de la coutume si française du soulier ou du sabot de Noël, mis dans l'âtre pendant la Messe de minuit, pour le plus grand bonheur de nos naïfs enfants.



II. LE SOULIER DE NOËL

L'heure de la veillée est déjà avancée; les plus petits enfants consentent à assister à la Messe de minuit dans la chapelle blanche, c'est-à-dire à dormir sous leurs blancs rideaux, pendant que leurs parents iront à l'église. Mais auparavant, tout émus, ils déposent, avec grand soin, leur soulier au pied des chenets de fonte. Pendant leur sommeil, ils rêvent de sucre de pomme, de polichinelles, de bonbons et de jouets de toutes sortes...

Maman attend que bébé soit bien endormi; puis, elle s'avance discrètement et remplit l'escarpin mignon, largement ouvert, des objets qu'elle sait que son cher petit désire le plus,—elle le lui a fait dire tant de fois!...

Le lendemain, dès son réveil, l'enfant accourt, pieds nus, le cour battant, l'oeil encore gros de sommeil et déjà brillant de plaisir, pour contempler les trésors, objets de toutes ses espérances.

Malgré la nuit plus courte, avec quel empressement le père et la mère sont debout, dès le jour naissant, pour guetter le réveil de leur fils, pour être les heureux témoins de sa surprise, de sa joie exubérante, quand il aperçoit les jouets, friandises et cadeaux de toutes sortes, que lui envoie le petit Jésus par son fidèle messager le bonhomme Noël123.

Note 123: (retour) Lectures pour tous, déc. 1903. Extrait d'un article de François Veuillot.

Quelquefois, quand les enfants n'ont pas été sages, quand ils ont été espiègles, menteurs, gourmands, désobéissants ou colères, le petit Jésus n'envoie, en souvenir... qu'une poignée de verges.

Qui de nous n'a été la naïve et heureuse victime de cette supercherie toute imprégnée d'affection maternelle? Une petite fille disait à sa maman: «Je ne sais pas pourquoi ma petite soeur Luce trouve toujours dans son soulier de Noël précisément ce qu'elle désire?»

—«Ah! ma chère Lise, c'est qu'elle est toujours plus sage que toi!»

«Oh! que papa et maman vont être surpris et contents, disait un charmant bébé, quand ils verront tout ce que le petit Jésus m'a apporté!»

Aussi, quand à notre raison plus complètement éveillée s'est dévoilé le mystère, quelle amère déception, quel trouble dans nos joies enfantines!

Il n'y a rien de plus gracieux que cette fiction du soulier de Noël, utilisée par les mamans pour rendre raisonnables leurs bébés capricieux.

Un critique connu la recommandait, et nous voulons reproduire le tableau plein de fraîcheur que sa plume traçait il y a quelques années.

C'était aux environs de Noël, la scène se passait au bazar de la rue d'Amsterdam; nous citons les paroles de l'éminent écrivain124:

Note 124: (retour) Fr. Sarcey. Annales polit. et littér., du 22 déc. 1889.

«Je suivais une jeune mère qui tenait par la main une petite fille. L'enfant s'extasiait sur les poupées et les joujoux. Elle voulait qu'on lui achetât le bazar tout entier.

—Non, lui disait doucement sa mère: c'est bientôt Noël et le petit Jésus t'apportera dans ton soulier ce qu'il aura choisi pour toi.

—C'est ici, répond la petite, que l'Enfant Jésus vient acheter des joujoux?

—Oui, sans doute, pour les enfants bien sages.

—Pour les petits enfants bien sages?

—Oui, le petit Jésus tient à leur faire une surprise pour les récompenser.

—Alors, je serai bien sage!

«... Qu'est-ce que ce petit Jésus qui achète des jouets chez les marchands... et qui s'introduit mystérieusement dans les cheminées? Les enfants ne s'en rendent pas bien compte.

«Ce qu'il y a de certain, c'est que le petit Jésus n'est pas pour eux une abstraction, un symbole. Ils le voient qui traverse l'air, qui presse sur sa poitrine des mains pleines de gâteaux et de jouets, ils le sentent au-dessus d'eux très bon et très juste: ils se disent qu'avec Lui il faut marcher droit, ou sinon... les souliers resteront vides. Quels cris de joie ils vont jeter quand ils verront que le petit Jésus a justement choisi ce qu'ils désiraient le plus, ce qu'ils avaient demandé dix fois à leur mère.»

Quelquefois l'Enfant-Jésus réserve aux pauvres et aux affligés ses meilleurs cadeaux, comme le prouve la légende des bigorneaux.

Jadis vivait à Saint-Malo une pauvre femme dont presque tous les garçons s'étaient noyés en mer. Un seul avait survécu. Sa mère le garda auprès d'elle...

Un jour de décembre, elle tombe gravement malade.

Son fils l'entend qui pleure. Il se souvient qu'on est à la veille de Noël. Donc, doucement il se déchausse et vient poser son sabot usé auprès des cendres froides; puis il ouvre la fenêtre et se met à prier en regardant le ciel. Soudain, au moment où les cloches annoncent la Messe de minuit, il aperçoit un nuage lumineux qui s'arrête juste au-dessus de la maison.

Ce n'était pas un nuage ordinaire, ou, pour mieux dire, c'était un essaim de ces escargots de mer que l'on appelle des bigorneaux et, que l'on mange sur la côte bretonne. Les premiers remplirent les sabots, les suivants couvrirent le plancher, et quand la place manqua dans la pauvre chambre, ils rampèrent sur les panneaux de bois de la façade, ou s'accrochèrent aux ardoises du toit.

Cependant la pauvre veuve émerveillée se sentait mieux... Elle remplit en hâte plusieurs paniers qu'elle alla vendre le lendemain: jamais elle n'avait fait de si belles recettes, car personne n'avait jamais vu d'escargots de mer si beaux et si appétissants.

On sut bientôt, dans le pays, le prodige qui s'était opéré et l'on appela la vieille maison le château des bigorneaux125.

Note 125: (retour) Lectures pour Tous, loc. cit.

Nos poètes ont souvent traité ce sujet si touchant et si naïf du soulier de Noël:

Ainsi qu'ils le font chaque année,

En papillotes, les pieds nus,

Devant la grande cheminée

Les bébés roses sont venus.

A minuit chez les enfants sages

Le joli Jésus qu'à genoux

On adore sur les images

Va, les mains pleines de joujoux,

Du haut de son ciel bleu descendre;

Et, de crainte d'être oubliés,

Les bébés roses, dans la cendre,

Ont tous mis leurs petits souliers.

Derrière une bûche ils ont même,

Tandis qu'on ne les voyait pas,

Mis, par précaution suprême,

Leurs petits chaussons et leurs bas.

Puis, leurs paupières se sont closes

A l'ombre des rideaux amis.

Les bébés blonds, les bébés roses,

En riant se sont endormis

Et jusqu'à l'heure où l'aube enlève

Les étoiles du firmament

Ils ont fait un si joli rêve

Qu'ils riaient encore en dormant126.

Note 126: (retour) Rostand.

Nos enfants savent par coeur ces beaux vers d'André Theuriet:

Il est minuit, l'étable est sombre,

La Vierge rêve et Joseph dort;

L'Enfant repose dans cette ombre

Ayant au front l'étoile d'or.

Vêtu de satin et de moire,

Le front ceint d'un rayon vermeil,

A travers la grande nuit noire,

Jésus passe comme un soleil.

Glissant sur un rayon de lune,

Il pénètre dans les foyers.

Seul le grillon, dans la nuit brune,

Voit remplir les petits souliers.

Noël! Jésus vient de naître.

Souliers et sabots de hêtre

Sont rangés dans l'âtre noir.

Noël! Enfants, venez voir

Les merveilles qu'à la ronde,

Jésus, pour le petit monde,

Du haut des cieux fait pleuvoir!

Non moins gracieuse est la poésie suivante que nous envoie un de nos bons amis du Canada127.

Note 127: (retour) Le rév. Père B***, qui, bien des fois, dans notre belle église de Pithiviers, a su intéresser et charmer ses auditeurs.

Hier au soir, à l'Angélus,

Quand la nuit étendait son voile,

J'ai vu, de la plus belle étoile

Descendre le petit Jésus.

Sur le toit de chaque demeure,

Il s'arrêtait pour écouter!

Car à l'enfant méchant qui pleure

Il ne viendra rien apporter.

Celui qui manque sa prière,

Ou qui déchire ses habits,

N'aura qu'une verge sévère,

Avec un morceau de pain bis.

Mais Jésus, aux enfants bien sages,

Apportera de beaux joujoux,

Des livrets tout remplis d'images,

Et des bébés aux grands yeux doux.

Avec une plume éternelle,

En caractères triomphants,

Un ange écrivait sur son aile

Le nom des bons petits enfants.

Que ceux-là, dans la cheminée,

Mettent sans crainte leur soulier

Petit Jésus, dans sa tournée,

Saura ne pas les oublier.




TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE.

CHAPITRE PREMIER.

La veillée de Noël et les légendes qu'on y raconte.

La veillée de Noël.

I.—Le REPAS MAIGRE.

En Auvergne.

En Provence.

Dans le Comtat-Venaissin.

A Marseille.

Le gros souper du musée d'Arles.

En Bretagne.

II.—LES DIVERTISSEMENTS.

La fête de la pelote en Anjou.

La fête de la pelote en Normandie.

La fête des flambarts en Champagne.

Une veillée de Noël dans le Rouergue.

Une veillée de Noël au pays lorrain.

Une veillée de Noël à Paris.

Une pieuse coutume à Montsecret (Orne).

III—LES LÉGENDES

Êtres inanimés.

En Franche-Comté.

Dans les Vosges.

Au pays de Caux.

En Bretagne.

Animaux.

Dans les Vosges.

Dans les Landes.

En Berry.

Démons et croyances superstitieuses.

En Limousin.

Opinion d'un poète anglais.

A Saint-Michel-en-Grève.

En Franche-Comté.

Dans les Vosges.

En Normandie.

En Corse.

En Bretagne.

Récits édifiants.

La rose de Marienstein.

La Marguerite de Bethléem.

La Noël des trépassés.

La veillée de Noël (dom Guéranger).

CHAPITRE II

La Bûche de Noël.

Origine de la bûche de Noël.

En Berry.

En Normandie.

En Provence.

En Bretagne.

CHAPITRE III

Les particularités de la Messe de minuit.

Les trois messes de Noël.

Les trois messes de Noël à Rome.

La Messe de minuit au village.

En allant à la Messe de minuit.

Une Messe de minuit pendant la Révolution.

Une Messe de minuit manquée.

Une Messe de minuit en Normandie.

Une Messe de minuit en Picardie.

Les agneaux de Sainte-Agnès à Rome.

Une Messe de minuit en Champagne.

Une Messe de minuit au pays d'Armagnac.

Une Messe de minuit dans le Rouergue.

Une Messe de minuit en Provence.

Une Messe de minuit à Saint-Victor-l'Abbaye.

Une Messe de minuit en Vendée.

Une Messe de minuit à l'Isle-sur-Sorgue.

Une Messe de minuit en Bretagne.

Une Messe de minuit à Paris.

Une Messe de minuit à Ferrières.

La fête des Ânes à Rouen.

La Scala de Noël.

CHAPITRE IV

Le réveillon et les gâteaux de Noël

Origine du réveillon.

I.—Les quêteurs.

L'Aguilloné au pays d'Armagnac.

Les Aguignettes en Normandie.

A Ploërmel.

Dans les Pyrénées.

Dans les Landes.

II.—Le repas.

Dans l'Orléanais.

Dans l'Anjou.

Dans le Rouergue.

Dans le Poitou.

Dans le Dauphiné.

Dans l'Armagnac.

Dans le Béarn.

Dans l'Auvergne.

En Corse.

En Franche-Comté.

Dans le pays de Caux.

L'oie de Noël.

Le réveillon de Mme de Sévigné.

Le réveillon à Paris.

III.—LES GÂTEAUX.

Dans les Vosges.

En Lorraine.

En Flandre.

Dans le pays chartrain.

En Normandie.

En Berry.

Le réveillon des animaux.

CHAPITRE V

Les cadeaux de Noël

(l'Arbre de Noël et le Soulier de Noël)

Origine des étrennes.

I.—L'ARBRE DE NOEL.

II.—LE SOULIER DE NOEL.