VIII
LE « DÉMARIAGE » DE MONSIEUR
L’invalidation par le parlement de Paris
Dès le mois d’octobre 1632, le juriste Pierre Dupuy
a remis un mémoire au roi sur la question du mariage lorrain et
développé une argumentation destinée à servir les intérêts
personnels de Louis XIII et ceux de la couronne[1]. L’érudit a souligné
l’importance du problème suscité par Monsieur à la fois pour les
affaires intérieures et extérieures du royaume. Il a dénoncé la
collusion avec les puissances étrangères hostiles, qui constitue un
crime de lèse-majesté, à plus forte raison si le mariage a été
contracté sans le consentement du roi. Il a souligné le préjudice
causé à l’État par une alliance matrimoniale avec une maison
ennemie. Il a mis en exergue un point essentiel : la minorité
de Gaston d’Orléans à la date du mariage. Or un fils mineur doit
avoir le consentement de père pour contracter une union,
a fortiori un prince l’approbation du
roi. L’auteur a également rappelé la réticence du duc
Charles III à reconnaître Henri IV. Il s’est insurgé contre le
mythe de l’ascendance carolingienne revendiquée par la famille
ducale de Lorraine et contre les
prétentions et les ambitions de Charles IV et de son entourage.
Pierre Dupuy a conclu sur la nécessité de casser le mariage et a
évoqué non seulement la clandestinité de la cérémonie mais
également le véritable rapt dont aurait été victime le frère du roi
de la part de la famille ducale de Lorraine à la fin de l’année
1631. L’érudit fourbit de ses arguments les armes de
Richelieu.
Pour le roi, le problème posé par le mariage de
Gaston d’Orléans est crucial. Il revêt non seulement l’ampleur
d’une affaire d’État, mais touche peut-être plus profondément
encore à la vie familiale et intime du souverain. Les clauses du
traité de Charmes étant inapplicables
en raison du séjour de Marguerite à Bruxelles, Richelieu ne peut que s’appliquer à
obtenir l’invalidation du mariage.
Le mariage est un sacrement, un acte purement
religieux. La législation canonique réserve donc normalement aux
seuls juges d’Église les causes relatives à la validité de l’union.
La loi civile et les juges laïcs ne peuvent interférer qu’en cas
d’incompétence des juges ecclésiastiques. Le prétexte du rapt opéré
par la famille ducale sur la personne mineure du duc d’Orléans est repris par Richelieu. Il lui permet de
saisir le Parlement qui avance la notion de rapt comme cause
d’incompétence des juges d’Église. Le cas est d’ailleurs prévu par
le concile de Trente, mais seulement
dans le sens de violences commises contre une femme par son mari.
La situation est totalement paradoxale : le Parlement se
prévaut d’un empêchement créé par le concile de Trente, alors que
par ailleurs il rejette l’oeuvre disciplinaire de
l’assemblée !
Le 14 décembre 1633, le procureur général au
parlement de Paris, Matthieu Molé, est
informé par le garde des sceaux, Pierre Séguier, de la saisie de la
cour de justice : une instruction judiciaire pour rapt commis
sur la personne de Monsieur est ouverte. Le 4 janvier suivant,
la cause est solennellement portée devant le Parlement, toutes
chambres assemblées. Louis XIII fait officiellement état de sa
résolution « de déclarer la nullité du mariage de Monsieur et
de Marguerite […] par toutes les voies accoutumées […] et cependant
de faire intenter par-devers lui une action de rapt »[2]. Le procureur général dépose
ses conclusions sur le problème de l’enlèvement, demandant au
Parlement de lui « accorder commission pour en informer, pour,
l’information faite, requérir ce que de raison »[3].
Quelques jours plus tard, Louis XIII somme son frère
de rentrer dans le devoir et dénonce Charles IV comme l’un des
principaux auteurs du rapt commis sur sa personne. Par une étrange
concordance chronologique, c’est le lendemain même que le duc de
Lorraine se démet de ses fonctions et
de ses prérogatives en faveur de son frère Nicolas-François. Le 20
janvier, l’information parlementaire est confiée à deux
conseillers : Antoine Boucher et Samuel de La
Nauve.Information faite pour justifier que le
Roy n’a jamais consenty le mariage de Monsieur, 31 janvier
1634, MAE, coll. MD France, vol. 810, fol. 70-82.
Entre le 31 janvier et le 20 février 1634, ceux-ci
reçoivent les dépositions de neuf témoins : pas un n’a assisté
à la réception de Gaston d’Orléans en Lorraine. Il leur est cependant demandé de
témoigner que le mariage n’a pu être célébré que consécutivement à
un enlèvement. Malgré l’expression d’opinions modérées, ou
l’insistance sur l’influence de l’entourage du duc de Lorraine,
Matthieu Molé estime avoir recueilli les éléments prouvant le rapt.
Le procureur général obtient l’autorisation de procéder aux
assignations. Le 24 mars, un arrêt en ce sens est adopté à
l’encontre de la princesse Marguerite, du duc de Lorraine lui-même,
de la princesse de Phalsbourg, de Nicolas-François de Lorraine et
d’Albin Tellier[4].
Les poursuites en vue de l’annulation du mariage,
plus exactement en vue du « démariage »[5], se transforment en procès
contre la famille ducale. L’instruction se poursuit jusqu’à la fin
de l’été. Le Parlement n’a aucun égard pour les droits souverains
lorrains. Nicolas-François est qualifié de « ci-devant
cardinal-archevêque de Toul »,
Charles IV de « vassal lige de la couronne ». Il
reste que les inculpés sont hors de prise des juges. Mais
l’assemblée circonvient la difficulté, et, le 30 août, décide tout
simplement que le récolement des témoignages reçus par Antoine
Boucher et Samuel de La Nauve vaudrait confrontation.
Trois jours plus tard, second clin d’oeil des
circonstances, le jour de la bataille de Nordlingen, le parlement de Paris adopte un nouvel arrêt, en tous points
conforme aux conclusions de Matthieu Molé : le « prétendu
mariage » est déclaré « non valablement contracté »,
pour cause de rapt ; les « attentat et rapt commis par
lesdits Charles, duc, Nicolas-François et Henriette de
Lorraine » sont dénoncés et le duc de Lorraine est déclaré
« criminel de lèse-majesté », dont il doit faire aveu et
demander pardon ; les princes de Lorraine sont bannis à perpétuité du royaume, et
leurs biens sont confisqués par le roi ; Albin Tellier, qui a
célébré l’union, est banni du royaume ; l’arrêt doit être
reproduit sur une plaque de marbre fixée sur une pyramide sur la
place centrale de Bar[6].
Alors que s’opère la réunion au royaume des duchés
de Lorraine et de Bar, l’invalidation du mariage de Monsieur et le
procès pour rapt provoquent non seulement la condamnation du duc de
Lorraine comme vassal félon, mais rejettent aussi, et avec la plus
grande véhémense, son ingérence dans les affaires familiales de la
dynastie Bourbon et ses prétentions à la couronne de France. Curieuse jurisprudence, qui ne fait que
justifier la loi du plus fort.
Le retour du duc d’Orléans
Richelieu a sans aucun doute sous-estimé les
capacités de Monsieur. Celui-ci organise sa défense dès 1633 et
demande très habilement à l’université de Louvain d’émettre un avis à propos de son mariage.
Un collège de docteurs en théologie et de docteurs en droit canon
conclut à la validité de la cérémonie[7]. Le 25 février 1634, le mariage fait l’objet
d’une réitération officielle, en présence de l’archevêque de
Malines : les motifs de
clandestinité et de rapt sont réduits à néant, au moins aux yeux de
l’Église universelle[8]. Monsieur sait que, désormais, Louis XIII
et Richelieu ne disposent d’autre alternative que le recours à la
procédure ecclésiastique. Le Parlement n’a qu’une autorité très
limitée en la matière qui lui a été soumise. Seule l’Église peut
procéder à l’invalidation de la cérémonie de Nancy. C’est pourquoi, au début de l’année 1634, le
frère du roi envoie au pape les pièces prouvant la validité et la
régularité de son mariage et supplie Urbain VIII d’intervenir pour
faire accepter son mariage, ou au moins empêcher que des
ecclésiastiques français ne se penchent sur le problème.
Contre l’avis de Richelieu, et au même moment,
l’ambassadeur de Louis XIII à Rome, le
maréchal de Créqui, est chargé d’expliquer à Urbain VIII la
procédure engagée devant le parlement de Paris. Le souverain Bourbon admet la compétence
ecclésiastique exclusive pour statuer de la validité ou de
l’invalidité du mariage. Il propose au pape de choisir quatre
prélats dans une liste qu’il lui envoie pour juger de l’affaire.
Sont avancés les noms des archevêques de Narbonne, d’Arles, de
Tours, des évêques de Saint-Malo, d’Uzès, et
de Saint-Flour, tous connus pour leur
attachement au roi et à Richelieu. Le 3 février 1634, une audience
est accordée par le souverain pontife au maréchal de Créqui.
Urbain VIII déclare que seules les parties concernées sont
habilitées à faire une demande devant lui. L’envoyé du roi de
France se tourne vers le neveu du pape,
le cardinal Francesco Barberini, qui lui oppose la même fin de
non-recevoir. Aucune discussion n’est possible.
Monsieur est renforcé dans ses positions par
l’attitude du pape. En mars, il sollicite le pardon du roi pour ses
fautes mais peut revendiquer l’union contractée avec la princesse
Marguerite. Le 24 avril, Créqui est remplacé à Rome par le comte de Noailles, qui n’obtient pas
plus de succès. Toutefois, une entente s’esquisse entre les deux
frères à partir du mois d’octobre. L’accommodement est conjoncturel
et avant tout destiné à ménager l’honneur de Monsieur afin de parer
au plus pressé : le faire revenir à la cour, ou au moins à
l’intérieur du royaume[9].
Louis XIII s’engage alors à ne plus tenir rigueur à
son frère de ses incartades et trahisons passées. Les fautes
commises par Gaston d’Orléans lui sont même formellement
pardonnées. Les deux frères promettent de se soumettre à une
nouvelle instruction et à un nouveau jugement concernant la
validité ou l’invalidité du mariage. Monsieur doit accepter de
résider en Auvergne, Bourbonnais ou dans les Dombes ; il obtient le gouvernement de cette
première province, à la place de celui de l’Orléanais. Le roi le rétablit en outre dans ses
biens et prérogatives et lui concède des troupes placées sous les
ordres de Puylaurens. La procédure ouverte au Parlement se
poursuivant, le but de la manoeuvre est de faire renoncer Monsieur
au mariage qu’il a contracté. Son favori en prend d’ailleurs
l’engagement vis-à-vis de Louis XIII et de Richelieu. Le 28
novembre, il épouse Marguerite-Philippe de Cambout, fille du baron
de Pontchâteau et parente de Richelieu[10]. Au lendemain de la publication des articles
d’accommodement, Monsieur rentre en France, laissant une nouvelle fois Marguerite
derrière lui. Les circonstances de son retour sont aussi
rocambolesques que la fuite des membres de la famille ducale de
Lorraine. Il s’échappe littéralement de
Bruxelles et quitte les Flandres à l’insu des Espagnols et de sa
femme !
Léon Bouthillier, comte de Chavigny, fils de Claude
Bouthillier, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, est dépêché
à Soissons au-devant de Monsieur. Le
roi le charge de nouvelles propositions concernant le
mariage : l’amnistie du passé, une riche pairie, cent mille
livres d’argent comptant, le tout contre l’engagement de Monsieur
de dissoudre son mariage. Dans ces circonstances, le duc d’Orléans
accepte une commission chargée de statuer sur la validité de
l’union contractée avec Marguerite de Lorraine. Le collège se
compose d’éminents ecclésiastiques : notamment le père
Rabardeau, jésuite ; Jacques de Lescot, lecteur du roi et
confesseur de Richelieu ; Isambert, docteur en Sorbonne ;
le père de Condren, de l’Oratoire, confesseur de Monsieur. Le 6
novembre 1634, les commissaires arrivent à Blois pour rencontrer le frère du roi, immobilisé
par la goutte, en compagnie du père Joseph, appelé d’Amiens, et de Chavigny.
À Rome, l’arrêt du
parlement de Paris du mois de septembre
provoque un tollé général. Pour le Saint-Siège, il ne s’agit ni
plus ni moins que d’une atteinte majeure portée à la juridiction
ecclésiastique. Le cardinal Francesco Barberini charge
l’ambassadeur ordinaire du pape à Paris, Giorgio Bolognetti, de
dénoncer l’ingérence du Parlement dans les affaires de l’Église, et
de préciser qu’Urbain VIII se réserve d’ores et déjà la matière.
Bolognetti est secondé dans ses fonctions à la cour de France par Mazarin, dépêché spécialement pour
demander la restitution de la Lorraine
au duc Charles et pour sauver la paix entre la France et
l’Espagne. Alors que la guerre ouverte
devient inéluctable, le « démariage » de Monsieur prend
une singulière importance.
Richelieu est obligé de reconnaître que la décision
judiciaire rendue par les magistrats français n’a qu’une portée
très relative. Face aux démarches entreprises par Monsieur et face
à l’attitude du pape, il doit se résoudre à commander des travaux
complémentaires à Théodore Godefroy et Pierre Dupuy. Le droit
romain et les annales de l’histoire de France sont passés en revue pour étayer la position
de Louis XIII. Le roi très chrétien se trouve dans
l’obligation de remporter l’adhésion d’Urbain VIII, puisque le
mariage de Gaston d’Orléans a été réitéré devant témoin faisant
autorité, et que le souverain pontife se réserve légitimement la
question de la validité. Mais si le pape considère comme suspecte
une commission de prélats proposés par ses conseillers, ne
pourrait-il adhérer à une décision de l’assemblée du clergé de
France ? La réunion est justement prévue en 1635. Pierre
Séguier et Pierre Dupuy sont à nouveau sollicités pour préparer la
procédure[11].
L’assemblée du clergé de France
Dès les premiers jours du mois de mai, la probable
évocation du mariage de Monsieur à la prochaine assemblée du clergé
de France est de notoriété publique. Le
père Joseph est chargé de convaincre les prélats français d’aller
dans le sens voulu par le roi. Le capucin peut s’appuyer sur un
traité rédigé par le supérieur des jésuites de Paris, le père Rabardeau, qui affirme l’invalidité
du mariage et utilise des arguments canoniques pour démontrer la
nullité de l’union contractée par Monsieur. L’auteur souligne que
les lois civiles peuvent constituer des « empêchements
dirimants » du mariage et affirme que la décision du roi a
force de loi. Il en conclut que la prohibition de Louis XIII,
à elle seule, invalide la cérémonie clandestine[12].
Le 25 mai 1635, s’ouvre la grande assemblée du
clergé de France au couvent des Grands
Augustins de Paris. La réunion est
dominée par quelques personnalités marquantes. Le président de
l’assemblée, tout d’abord, l’archevêque de Bordeaux, d’Escoubleau de Sourdis, est l’un des
plus proches collaborateurs de Richelieu. L’archevêque de
Toulouse, Charles de Montchal, est
amené à porter un témoignage ultérieur original sur les événements.
Le coadjuteur de l’archevêque de Tours,
Victor Bouthillier, est également présent. Frère de Claude
Bouthillier, il est un ami intime de Richelieu. Le
cardinal-ministre est encore épaulé au sein même de l’assemblée du
clergé, par l’évêque d’Auxerre,
Dominique Séguier, frère du garde des sceaux ; par l’évêque de
Saint-Malo, Achille de Harlay
Sancy ; et surtout par l’évêque de Chartres. Leur est enfin adjoint l’évêque de
Montpellier, Fenouillet, député de la
province de Narbonne.
La question royale mise à l’ordre du jour est de
savoir si les mariages des princes du sang qui peuvent
prétendre à la succession de la couronne peuvent être valables et
légitimes s’ils sont faits non seulement sans le consentement du
roi. Le procédé de Richelieu est habile. L’arrêt du parlement de
Paris est respecté sans être évoqué. La
procédure d’invalidation prend un second départ.
L’épineux problème est confié à une commission de
cinq évêques, l’évêque de Montpellier,
les évêques de Sées, de Saint-Malo, de Nîmes et
de Chartres. Leur désignation ne doit
rien au hasard. Le 18 juin, l’évêque de Montpellier et ses
collaborateurs déclarent la question si importante qu’elle
requiert la consultation d’experts en théologie. Les cinq
commissaires sollicitent le point de vue des représentants des
grands couvents de Paris, en organisant
dès le lendemain leur audition. L’Église séculière préfère partager
la responsabilité de l’avis final avec le clergé régulier, et ne se
compromettre ni devant le pape ni devant le roi.
Quelques jours plus tard, religieux et docteurs
commencent à rendre leurs avis. Le 6 juillet, l’évêque de
Montpellier présente la synthèse de
toutes les opinions émises[13]. Il rappelle tout d’abord que le mariage a
trois usages : l’enfantement, le maintien de la société
civile, l’élévation d’un contrat, à la base civil, en un sacrement
surnaturel par le bénéfice de loi évangélique. Les ecclésiastiques
soulignent la perfection du contrat civil et la perfection du
sacrement. Pour eux, il est nécessaire de considérer la cause du
mariage (volonté de deux parties), sa nature (la conjonction
maritale) et son effet (réciproque et mutuelle acceptation). Il est
rappelé que les mariages clandestins ont été déclarés nuls par le
concile de Trente.
Le clergé, dans son ensemble, confirme le droit des
rois à s’opposer aux mariages de leurs sujets. Il tente de
démontrer qu’à défaut de lois écrites, les coutumes auraient la
même valeur. Il en serait ainsi en France en ce qui concerne les princes du sang et
plus particulièrement l’héritier présomptif de la couronne :
en vertu de nombreux précédents historiques, ceux-ci seraient
inhabiles à contracter un mariage valide sans le consentement du
roi.
Tous les docteurs et théologiens consultés, après
Rabardeau, Lescot et Fenouillet, reprennent l’argument de la
coutume, réputée justifier les empêchements. Mais la majorité des
réguliers, comme les jésuites ou les carmes de la place Maubert,
subordonne son avis au jugement de toute l’Église et à celui du
pape. Or les séculiers ne tiennent aucun compte de ces réserves.
Mais c’est à l’unanimité que tous les membres de l’assemblée
signent la déclaration finale. Fenouillet apporte lui-même l’avis
définitif de l’assemblée du clergé de France au roi et à Richelieu qui expriment
leur satisfaction. Bien des années plus tard, l’archevêque de
Toulouse fait état des pressions subies
par le clergé en 1635. Il accuse Richelieu d’avoir usé de
l’intimidation pour infléchir ses collègues. L’abbé de Saint-Cyran
aurait aussi refusé d’écrire contre le mariage de Monsieur, malgré
la promesse de l’évêché de Bayonne et
de quelques abbayes proches[14].
Au lendemain de la décision de l’assemblée du
clergé, un seul homme, Pierre de Marca, magistrat envoyé à la cour
par le parlement de Pau, donne
publiquement de cet acte et de ses motifs une interprétation visant
à en ruiner la crédibilité[15]. Le raisonnement développé par le magistrat
admet l’invalidité du mariage mais dénie toute valeur aux trois
quarts des moyens invoqués par l’assemblée ou ses inspirateurs.
Selon le juriste, la coutume a bien le droit d’introduire dans un
royaume un « empêchement annulatif d’un mariage ». Mais,
en France, si la dite coutume « a toujours défendu les
mariages des princes sans le consentement du Roy », elle ne
les a pas interdits sous peine de nullité. Le mariage clandestin
n’est passible que d’une peine « arrêtée à la perte d’un fief,
ou aux excommunications […] ; on ne punissait pour lors de la
peine de nullité ». Quant au droit attribué aux princes de
rendre leurs sujets inhabiles au mariage, aucune loi ne le leur
concède. En ce qui concerne le rapt enfin, sur lequel est fondé
l’arrêt du parlement de Paris, Marca
est le seul à reconnaître que si ce motif vaut contre le mariage
célébré à Nancy, « il ne vaut rien
contre celui qui a été fait à Bruxelles
après la majorité ».
Le concile de Trente
menace de plus d’anathème tout individu qui entraverait la liberté
du mariage. Les canons tridentins dénient eux-mêmes à toute
autorité laïque le droit de poser des empêchements dissolutifs. Qui
plus est, les caractéristiques du mariage définies par l’assemblée
générale du clergé de France, et
singulièrement celles de l’évêque de Montpellier, s’éloignent de la conception
pontificale « d’après laquelle le sacrement repose bien, il
est vrai, sur contrat, mais sur un contrat moral, consistant dans
le consentement mutuel, et non sur un contrat civil »[16].
L’assemblée de 1635 prévoit la « subordination
du contrat religieux et du sacrement au contrat civil, la
translation des registres de l’état civil des mains du clergé dans
celles de l’officier municipal, la laïcisation de l’acte
constitutif de la famille »[17]. Le sentiment national du clergé français
entre en contradiction avec les doctrines romaines. Les évêques,
autant que les docteurs et religieux, font preuve d’un indéniable
gallicanisme. Même le père Joseph, ultramontain par conviction
comme par sa robe, est imprégné de ce sentiment plus ou moins
conscient.
La décision de l’assemblée générale du clergé de
France n’est une surprise pour
personne. Louis XIII met un point d’honneur à venger son
honneur bafoué. Il affecte de voir dans la décision de l’assemblée
le jugement promis à son frère, pour la bonne conscience de ce
dernier, et se hâte de mettre Monsieur en demeure de considérer son
mariage comme nul. Bolognetti s’en émeut aussitôt[18]. Pour le nonce, l’assemblée
du clergé, pas plus que le Parlement, n’a l’autorité nécessaire
pour juger du mariage de Gaston d’Orléans. Le roi et son ministre
lui font la même réponse : les ecclésiastiques n’ont émis
qu’un avis, non un jugement. Le souverain pontife ne saurait y voir
une atteinte à ses prérogatives juridictionnelles. Les évêques,
quant à eux, rétorquent aux reproches de Bolognetti en affirmant
que leur opinion ne concerne que l’existence en France d’une
coutume particulière relative aux mariages des princes du
sang.
Le 16 août 1635, contre toute attente, Gaston
d’Orléans semble s’incliner. Il signe un acte tenu secret par
lequel il reconnaît la nullité de son mariage[19]. La soumission et l’inertie de Monsieur sont
d’autant plus suspectes que des lettres adressées par lui à Urbain
VIII, interceptées en 1634 par les hommes de Richelieu, témoignent
de sa résolution à ne pas laisser son cas soumis à des
ecclésiastiques français, ces derniers agissant soit par crainte de
déplaire à Richelieu soit dans l’espérance de voir leur
collaboration récompensée[20]. Le frère du roi, avant même son retour en
France, a d’ailleurs pris la précaution
d’écrire au pape pour désavouer par avance et par anticipation tout
ce qu’il pourrait faire lui-même, ou plus exactement tout ce qu’il
pourrait être obligé de faire, contre son mariage à l’intérieur du
royaume[21].
Richelieu n’apprend l’existence de cette lettre qu’au début de
l’année 1635. Il accuse aussitôt Puylaurens de la lui avoir cachée.
Arrêté le 14 février 1635, le favori du duc d’Orléans est conduit
au donjon de Vincennes, où il meurt le
1er juillet.
La princesse Marguerite, de son côté, en exil à
Bruxelles, se sent de plus en plus
isolée. Elle est en froid avec sa belle-mère, et n’est assistée que
de sa soeur Henriette, dont la présence est d’ailleurs plutôt de
nature à la compromettre. Afin d’assurer sa propre défense,
Marguerite de Lorraine sollicite l’appui de l’ambassadeur
d’Espagne à Rome en écrivant à son épouse, la marquise de
Castel-Rodrigo[22]. Elle
prend également contact avec le cardinal Gaspar Borgia, le cardinal
Alonzo de La Cueva, le cardinal Antonio Barberini, et le cardinal
Francesco Barberini[23]. Elle fait aussi remettre à Urbain VIII les
documents authentiques qui établissent la validité de son mariage.
La princesse de Lorraine invoque non seulement son bon droit mais
aussi le peu de cas fait de l’autorité pontificale par le parlement
de Paris et l’assemblée du clergé de
France, malgré les réserves émises par
les réguliers. Elle met également en avant les services rendus au
Saint-Siège par la famille ducale pour la défense de la chrétienté.
Elle revendique la tradition de la croisade et touche de manière
habile l’honneur même d’Urbain VIII[24].
Contrarié par les mesures parlementaires et par la
prise de position des évêques français, le pape est probablement
encore renforcé dans sa position par les sollicitations des
principaux intéressés. Urbain VIII fait porter directement ses
doléances au roi par les nonces Bolognetti et Mazarin. Il exprime
également son mécontentement à l’ambassadeur du roi à Rome, le comte de Noailles. Le problème spirituel
du mariage de Monsieur est trop important pour qu’Urbain VIII
puisse accepter le point de vue du clergé de France. Au-delà du dissentiment suscité par le
gallicanisme, le pape peut légitimement craindre une soustraction
d’obédience.
Attribuant l’hostilité et l’inflexibilité du pape
aux influences espagnoles, Richelieu décide de dépêcher à
Rome son propre frère, Alphonse,
cardinal de Lyon, chargé de représenter
la personne du roi lui-même. L’assemblée du clergé de France envoie aussi un émissaire vers
Urbain VIII. L’évêque de Montpellier reçoit l’ordre de présenter au
souverain pontife un compte rendu de ce qui s’est passé, en
invoquant la légitime défense mise en oeuvre par le roi, face au
danger constitué par l’alliance de Gaston d’Orléans avec la maison
de Lorraine, ennemie de la France. Il
ne réclame pas une confirmation de la décision de l’assemblée, mais
explique simplement les raisons qui ont obligé le roi à procéder
contre le mariage de son frère. Il rappelle d’ailleurs l’ambition
démesurée des princes lorrains, leurs prétentions et l’importance
de la coutume qui invalide le mariage. Fenouillet explique au pape
que Louis XIII s’est refusé à recourir au tribunal du pape à
cause, entre autres, de « la malice des Espagnols, qui les
porte à calomnier les plus justes actions de Sa
Sainteté »[25].
Le comte de Noailles présente Pierre Fenouillet au
pape le 21 janvier 1636. L’ambassade envoyée à Rome par Louis XIII
et Richelieu semble se heurter à l’inflexibilité d’Urbain VIII,
puisque l’évêque de Montpellier, Alphonse de Richelieu et le comte
de Noailles reprennent presque simultanément le chemin de la
France six mois plus tard. L’opposition
espagnole est alors bien réelle. Des traités en faveur du mariage
de Monsieur sont composés à Madrid,
pour fournir les arguments contradictoires à l’ambassadeur à
Rome du roi catholique. Dès l’été 1635,
Richelieu est pressé par le roi d’envoyer à Rome « quelque personne de condition qui fût
de son naturel agissant plus violemment que M. de Noailles et
M. le cardinal de Lyon »[26]. Le ministre de Louis XIII dépêche sur
place le maréchal d’Estrées. Mais le pape refuse que celui-ci
évoque la question du mariage[27]. Les conditions requises pour la validité du
mariage sont définitivement établies d’après les canons du concile
de Trente. Les tentatives du roi de
France et de son ministre pour
invalider le mariage échouent les unes après les autres. Si le
frère du roi a donné son consentement aux démarches entreprises à
Rome, il a pris suffisamment de
précautions pour que le processus n’aboutisse à rien.
Voyant toute démarche auprès du Saint-Père
circonvenue, Louis XIII adopte une autre tactique, et, au cours de
l’année 1636, empêche littéralement Monsieur de subvenir aux
besoins de son épouse. Peu à peu, le duc d’Orléans se rapproche du
comte de Soissons qu’il côtoie à Amiens
dans l’armée de Louis XIII. Dans la nuit du 19 au
20 novembre 1636, les deux complices prennent la fuite, sans
prendre congé du roi, mais ne franchissent pas les frontières du
royaume. Peut-être ont-ils craint que les conséquences d’un nouveau
complot ne dépassent leurs intentions ? Leur entrée en
dissidence constitue une nouvelle menace pour l’État. Le comte de
Soissons pourrait livrer Sedan aux
Espagnols et Monsieur entraîner à sa suite le duc d’Épernon et ses
deux fils, les ducs de Candale et de La Valette. Au début du mois
de décembre, Richelieu envoie à Blois trois de ses plus fidèles
agents, Bautru, Guiche et Chavigny, qui détient la charge de
chancelier du duc d’Orléans, pour sonder les intentions de Monsieur
et lui présenter un nouvel acte de soumission[28]. Les négociations débutent alors, autour de
l’approbation du mariage et de la restitution d’une pension à la
princesse Marguerite. La situation ne se débloque qu’au mois de
février 1637, avec l’arrivée sur place des armées de
Louis XIII. Monsieur n’a plus d’autre issue que de signer les
conventions qu’on lui propose[29]. Le roi impose à son cadet un compromis qui a
cependant le mérite de ménager l’honneur de chacun : les
sacrements du mariage sont reconnus, seule la cérémonie de
Nancy est mise en cause. Louis XIII, de
surcroît, accorde une pension à sa belle-soeur. Mais la princesse
Marguerite interprète le geste du roi de France comme un acte de charité et celui de son
mari comme une faiblesse. Elle ne peut accepter d’être le jouet des
cabales qui agitent le royaume, ni de voir son mariage réduit à un
objet de marchandage[30]. Poussée par la princesse de Phalsbourg, elle
ne tarde pas à inciter le comte de Soissons à une nouvelle
révolte[31].
Richelieu conserve espoir de détacher Charles IV de
Lorraine de l’armée impériale par l’entremise du duc d’Orléans.
Mais la tentative d’accommodement est un nouvel échec. Gaston
d’Orléans et la princesse Marguerite entretiennent alors des
relations conflictuelles. Dès 1632, l’infortune de la jeune épousée
et la liaison de Monsieur avec Bianca Colonna sont de notoriété
publique. Lors de son séjour à Blois,
le mari volage s’éprend d’une certaine Louison Royer. Le couple
semble pourtant se réconcilier au cours du printemps 1638[32]. Leurs relations ont
peut-être trouvé un relatif apaisement dans l’annonce de la
grossesse d’Anne d’Autriche. L’arrivée d’un héritier modère
l’importance du mariage contracté par Monsieur, qui perd son statut
de prétendant à la couronne. Ce n’est qu’à la fin du mois de
janvier 1643 qu’il envisage de faire venir la princesse Marguerite
à la cour. Et ce n’est que sur son lit de mort que Louis XIII
signe les passeports nécessaires.
Au cours de ces péripéties, au mois de mai 1635
précisément, le duc d’Orléans se rend à Loudun, où une affaire d’une tout autre nature
défraie la chronique.
Le démon de Loudun
Au début du xviie siècle, la
ville de Loudun est profondément
marquée par la réforme catholique. Plusieurs communautés
religieuses s’y sont installées : les jésuites, les carmes,
les capucins et les ursulines. La place commence à faire parler
d’elle dès 1617, lorsqu’un ancien élève des jésuites, Urbain
Grandier, devient curé de la paroisse Saint-Pierre du Marché. Il se
heurte aussitôt aux capucins, qui s’en plaignent à leur provincial,
le père Joseph, ainsi qu’aux clercs du lieu et au prieur de
Coussay, par ailleurs évêque de
Luçon… Urbain Grandier se met également
à dos les bourgeois de la ville, notamment par la liaison qu’il
entretient avec la fille du procureur du roi, Trincart. Le curé va
même jusqu’à justifier son comportement dans un Traité du célibat des prêtres, où il n’hésite pas à
contester la discipline ecclésiastique. Seule la protection de
l’archevêque de Bordeaux lui permet de
ne pas être inquiété davantage.
Mais la situation se complique vers 1630, époque à
laquelle Loudun est ravagée par la
peste. On compte trois mille sept cents décès entre le mois de mai
et le mois de septembre 1632, pour une population totale d’environ
quatorze mille habitants. Les rumeurs de châtiment divin commencent
même à circuler.
Alors que les derniers cas de peste se déclarent à
l’automne de cette même année, les premières apparitions
surnaturelles viennent bouleverser la vie paisible du couvent des
ursulines. La prieure de l’institution, la mère Jeanne des Anges,
ne tarde pas à montrer du doigt Urbain Grandier. Une dizaine de
soeurs sont victimes de convulsions et se déclarent possédées par
le diable. Le curé est accusé de sorcellerie et soupçonné d’avoir
introduit le diable dans le couvent.
L’affaire connaît très vite un retentissement
considérable, dans tout le royaume. On vient des provinces les plus
éloignées assister aux exorcismes. Même les plus brillants esprits
se déplacent, comme Nicolas Fabri de Peiresc, brillant humaniste et
astronome. Richelieu intervient en commettant sur place, pour
enquête, Martin de Laubardemont, intendant chargé d’appliquer la
législation royale et de procéder au démantèlement de la forteresse
de Loudun. En 1634, le jésuite
Jean-Joseph Surin arrive à son tour sur place pour exorciser Jeanne
des Anges et les ursulines.
À l’issue d’un procès douteux, Urbain Grandier est
finalement condamné au bûcher et exécuté. Les exorcismes se
poursuivent tandis que la mère prieure, présentant des stigmates,
commence à acquérir la réputation de sainteté. En 1638, elle
entreprend un long voyage pour se rendre sur le tombeau de saint
François de Sales à Chambéry et attire
les foules. À Paris, elle est même
présentée à Richelieu, Louis XIII et Anne d’Autriche.
L’anecdote pourrait prêter à sourire si elle ne révélait encore une
fois un usage abusif de l’autorité judiciaire et la fragilité des
potentats locaux, contraints après une période difficile, marquée
par la maladie, de trouver un bouc émissaire aux maux subis par la
population. Du reste, au plan intérieur comme en matière de
politique étrangère, la rapidité des progrès de la France entre 1630 et 1634 ne doit pas masquer leur
relativité.
2-
Extrait des Mémoires
d’Omer Talon, cité par A. Degert, « Le mariage de Gaston
d’Orléans… », article cité, 2e partie, p. 7.
3-
Le Parlement fait droit aux conclusions de Matthieu
Molé. Cf. Arrest du parlement par lequel il
est ordonné que commission sera deslivrée au procureur général pour
informer de la nulité du mariage de Monsieur, frère unique du
Roi, 4 janvier 1634, MAE, coll. MD France, vol. 810,
fol. 3.
4-
Arrest d’adjournement
personnel contre la princesse Marguerite, le duc de
Lorraine, le
cardinal de Lorraine et la princesse de Falsbourg,
24 mars 1634, MAE, coll. MD France, vol. 810, fol. 117.
5-
Le terme est d’usage au xviie siècle. On
trouve, en particulier, un « Mémoire des formalitez à observer
pour le démariage de Monsieur, 1633 », MAE, coll. CP Lorraine,
vol. 13, fol. 729-732.
8-
P. Lelong, Bibliothèque
historique de la France, Paris, 1768-1778, 5 volumes.
Voir le vol. I, no 7380.
10-
Il est aussi créé duc et pair d’Aiguillon. Mais
moins de trois mois plus tard, ses intrigues et son double jeu
entraînent sa perte.
11-
Pierre Blet (s.j.), Le Clergé
de France et la Monarchie : étude sur les Assemblées générales
du Clergé de 1615 à 1666, Rome, Cura Pontificiae
Universitatis Gregorianae edita, 1959, vol. I, livre II, chapitre
V, p. 399 et suiv.
12-
Exercitatio canonica de
validitate seu nullitate matrimonii serenissimi Principis Joannis
Gastonis ducis Aurelianensis, Ludovici XIII Franciae et Navarrae
Regis Christianissimi fratris unici cum Margarita principe a
Lotaringia, Francisci comitis Valdemontani filia et Caroli III
Lotaringiae ducis sorore, auctore Michaele Rabardeau sociétatis
Jesu presbytero, BnF, coll. Dupuy, vol. 497.
15-
Examen des moyens de nullité,
où les trois premiers sont rejettés et le quatriesme proposé
nouvellement y restably, par M. de Marca, manuscrit
conservé à la BnF, coll. Cinq cents de Colbert, vol. 83,
fol. 211-222.
21-
Comte de Montrésor, Mémoires…
contenans diverses pièces durant le ministère du cardinal de
Richelieu, la relation de Monsieur de Frontailles et les affaires
de Messieurs les comtes de Soissons, ducs de Guise et de Boullion,
etc…, Cologne, J. Sambix le
Jeune, 1723, en 2 vol.
25-
Instruction donnée à
M. de Montpellier s’en allant
à Rome sur
le sujet du mariage de Monsieur, 12 octobre 1635, manuscrit
conservé au MAE, coll. Correspondance politique Rome, vol. 56, fol.
199-206, extrait publié par P. Blet, Le Clergé
de France et la Monarchie…, ouv. cit., vol. 1,
p. 437.
26-
L.-M. Avenel (éd.), Lettres,
instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de
Richelieu, ouv. cit., t. V, p. 307.
27-
MAE, coll. CP Rome, vol. 53,
fol. 390 : « Il [Urbain VIII] ne voulut même pas que
le maréchal d’Estrées l’entretînt de la dissolution du mariage.
Pour lui, la question était réglée. Il ne parlerait point contre la
déclaration du clergé, mais il ne casserait pas le mariage de
Gaston. »
29-
MAE, coll. CP Lorraine,
vol. 30, fol. 28-29. Publié en partie par L.-M. Avenel (éd.),
Lettres, instructions…, ouv. cit., t.
V, p. 148.
30-
Selon le terme employé par Marie de
Médicis dès 1633 à propos des négociations en cours avec
Puylaurens pour le retour du duc d’Orléans : « La rène
mère estant dans le cercle chés elle dit tout haut que le cardinal
marchandoit son fils »,
M. d’Elbène à son frère, le Prieur, Bruxelles, 14 octobre
1633, MAE, MD France, vol. 808, fol. 94.
31-
La correspondance secrète échangée à Bruxelles est
connue de Richelieu et de Louis XIII au mois d’août 1637. Anne
d’Autriche elle-même est avertie par Mme du Fargis :
« Madame [la princesse Marguerite] tint force correspondance
avec Soissons, qui a mandé ne vouloir attendre un accommodement.
Les Français se divisent et font cabale pour Madame », cité
par V. Cousin, Madame de Chevreuse,
Paris, 1862, p. 414.
32-
Madame à Monsieur, 19 mars 1638, MAE, coll. CP
Lorraine, vol. 30, fol. 330-331 : « Mon très cher coeur,
vous m’avez extrêmement consolé par vos lettres. Mais je vous prye
de me pardonner sy je me plains à vous. Hélas, à qui me plaindra-je
qu’à vous ? Je plains plustôt mon malheur que me plaindre de
vous, car vous jugerez facilement avecq le reste des personnes que
je suis la plus déplorable femme du monde, non que je ne crois pas
qu’il y en aye une plus misérable que moy, il y a tant d’années que
je suis en ung estat le plus chétif qui aye jamais esté, ne
sçachant où me tourner ny à qui m’adresser, sinon à Dieu, et à mes
larmes. Ce qui m’aflige davantage est que ceste vye préjudicie à
vostre honneur […] »