Partie 1
— Sénateur Bel Iblis ?
Garm Bel Iblis leva les yeux de son datapad, fronçant les sourcils à cause de la tension et de la nervosité précédant un discours. L’homme qui se tenait à la porte était le directeur assistant du Centre Politique Treitamma, chargé de la responsabilité d’éloigner tout obstacle qui pourrait déranger le pas ferme et vigoureux d‘un membre exalté du Sénat Impérial.
C’était en tout cas ce que le gentleman avait gravement expliqué à Bel Iblis lors de son arrivée cet après-midi-là. A l’évidence, la réputation des Anchoron pour les discours fleuris et une bienséance raffinée avec trouvé de quoi s’exprimer ici au Treitamma.
Ce qui allait rendre la franchise de son discours de ce soir encore plus choquante. La sombre vérité concernant l’Empereur Palpatine et ses plans secrets pour le nouvel Empire…
Il secoua brièvement sa tête d’ennui. Le directeur assistant Graskt attendait toujours patiemment, et voilà qu’il laissait son esprit dériver. Cela montrait que le sérieux de son discours – et la situation qui en découlerait – avait obnubilé ses pensées depuis le matin.
— Oui, directeur assistant Graskt, qu’y a-t-il ?
— Un membre de votre équipe vient juste d’arriver de Coruscant, répondit Graskt en s’avançant, une datacarte à la main. Il m’a demandé de vous donner cela sur le champ.
— Merci, fit Bel Iblis.
Les poils de sa nuque se hérissèrent lorsqu’il tendit son bras par-dessus le bureau et prit la datacarte. Sena ne lui aurait jamais envoyé un colis sans s’assurer que le coursier avait sa fréquence personnelle de comlink. De fait, il n’avait reçu aucun appel l’informant de telles livraisons.
Il glissa la datacarte dans son datapad. Il n’y avait rien hormis une seule ligne : « Rencontrez-moi à la sortie nord-est. Urgent. Aach. »
— Y aura-t-il une réponse, Sénateur ? demanda Graskt.
— Non, ce sera tout, répondit Bel Iblis, dont la longue expérience dans le milieu politique lui permit de ne pas montrer de tension dans sa voix ou sur son visage.
Aach était le nom de code d’un messager spécial de Bail Organa, un messager que le Vice-Roi d’Alderaan utilisait uniquement pour les missions top-secrètes de l’Alliance Rebelle.
— Souhaitez-vous parler à cet homme ? insista Graskt. Je lui ai demandé d’attendre à l’entrée principale.
— Ce ne sera pas nécessaire, fit Bel Iblis. (La dernière chose qu’il pouvait se permettre était que tous deux soient vus en public ensemble. De plus, Aach s’était sûrement déjà éclipsé pour se rendre sur le lieu du rendez-vous.) J’aurai suffisamment de temps pour le voir après mon discours.
— Alors le message ne mentionne pas une crise à venir ? demanda Graskt.
Bel Iblis sentit les coins de ses yeux se plisser alors qu’il les rétrécissait. Pour quelqu’un dont le sens de la politesse Anchoroni l’avait stupéfié, Graskt devenait soudain bizarrement curieux.
À moins qu’Aach n’ait exagéré pour être sûre que la datacarte soit délivrée. Mais cela semblait peu probable. Se pouvait-il que Graskt soit un espion à la solde de Palpatine, présent ici pour garder un œil sur lui ?
Une vague d’ennui le traversa. Non, c’était absurde. L’homme essayait sûrement d’aider.
— Pour les membres d’équipe de niveau moyen, tous les nouveaux messages signifient qu’une crise éclate quelque part, improvisa-t-il en souriant à Graskt. C’est un message important, mais pas une crise. Qui ne vaut pas la peine de retarder mon discours. (Il observa son chrono.) Ce qui me rappelle que je dois être sur scène dans quinze minutes, et que je dois encore me changer.
— Je vous laisse vous préparer alors, dit Graskt. Bonne soirée, monsieur.
Il s’inclina respectueusement et recula hors de la pièce.
Bel Iblis lui laissa cinquante secondes puis sortit. La sortie nord-est de Treitamma était proche d’un groupe de loges qui menaient à la salle principale, à peu près aussi loin que possible de l’entrée grouillante de monde. Bel Iblis descendit silencieusement l’escalier, veillant aux différents majordomes qui se dépêchaient d’achever les derniers préparatifs pour la session de discours du soir, et sortit.
Un landspeeder, gris et masqué par la lumière du soir, était garé dans l’allée de service derrière le Treitamma. Aach était debout de l’autre côté du véhicule, dissimulé dans l’ombre, et essayait d’observer toutes les directions à la fois.
Bel Iblis traversa l’allée dans sa direction, essayant de masquer une grimace, sans y arriver complètement. Cette manie clandestine allait finir par les faire tuer.
— Nous ne sommes pas trop visibles, n’est-ce pas ? demanda-t-il aigrement alors qu’il finissait de faire le tour du landspeeder et se retrouvait face à l’autre.
— Votre salle de préparation semble être un peu trop publique pour une rencontre, contra Aach, sa voix aussi calme que son visage. Auriez-vous préféré que je me montre à votre chambre d’hôtel après votre discours ? Cela se serait avéré plutôt bizarre.
Bel Iblis se mordit la lèvre. Bizarre, malheureusement, n’était pas le bon terme à employer. Sa femme Arrianya, issues des anciennes familles des Mondes du Noyau, avait une foi inébranlable et sans réserve envers Palpatine et son Empire, une foi qui l’avait d’abord étonné, puis dérouté, puis finalement frustré. Leurs disputes à propos de leurs différends politiques avait jeté une ombre sur leur mariage ces derniers mois, et avait jeté leurs deux enfants au milieu de ce qui était trop souvent une zone de guerre verbale.
Le discours qu’il allait prononcer ici sur l’estrade du Treitamma allait suffisamment énerver Arrianya. Il n’avait pas besoin qu’un messager secret de Bail se montre au milieu de l’inévitable dispute qui allait suivre.
— Quel est le message ? grogna-t-il.
Il vit Aach tressaillir dans la pénombre.
— Désolé, Sénateur, je ne voulais pas –
— Je le sais, l’interrompit Bel Iblis. Quel est le message ?
Aach observa de nouveau les alentours.
— Il y a eu une avancée, dit-il, baissant sa voix à un niveau pas plus fort qu’un murmure. Nous avons localisé le projet de Tarkin.
Bel Iblis sentit sa gorge s’assécher.
— Où est-ce ?
— Je ne sais pas, dit Aach. Tout ce que je sais, c’est qu’un coursier sera présent au tapcaf Vide Continuel dans la ville de Xakrea sur Darkknell dans trois jours, et qu’il aura des informations à ce propos. Bail veut que vous envoyiez votre assistant le plus digne de confiance à le rencontrer et lui prendre son datapack.
Un coursier. Bel Iblis observa autour de lui, de l’amertume dans la bouche. Il y avait des chances que ce soi-disant « coursier » soit en réalité le voleur qui avait dérobé le datapack en premier lieu. Une figure militaire mineure, probablement, soit un soldat ou éventuellement un clerc attaché au projet.
Et il était très probable que ses actions n’avaient pas été motivées par quelque chose d’aussi égoïste que l’amour pour la République.
— Et combien suis-je supposé le payer ?
Aach hésita imperceptiblement.
— Bail a dit de lui donner ce qu’il veut. Ecoutez, nous avons besoin de cette information, et –
— Oui oui, je comprends, le coupa Bel Iblis. Si le patriotisme ne fonctionne pas, nous devons penser à l’avarice.
— Cela changera, promit Aach d’une voix légèrement enflammée. Dès que les plans de Palpatine seront découverts, nous aurons toute la République à nos côtés.
— Je me contenterai des cinq meilleurs pourcents de l’Académie Impériale, dit aigrement Bel Iblis. (Ce n’était pas le moment de ruminer sur l’incroyable talent de Palpatine pour mettre des œillères à la population.) Très bien. J’enverrai quelqu’un dès que j’aurai fini mon –
Et dans un flash étincelant, le Centre Politique Treitamma explosa.
*****
Bel Iblis gisait sur le sol lorsqu’il reprit conscience, pressé contre le mur du bâtiment de l’autre côté de la rue sur un côté, et ce qui restait du landspeeder de l’autre. Au-delà du landspeeder, une section détruite d’un mur où s’était trouvé le Treitamma brûlait furieusement, baignant toute la zone d’une lumière jaune irréelle et déversant de la fumée noire dans le ciel.
— Sénateur ?
Bel Iblis cligna des yeux puis les leva. Aach était penché au-dessus de lui, une coupure sur le côté du visage saignant abondamment.
— Venez, Sénateur, nous devons vous sortir d’ici, dit-il urgemment en tendant le bras. Vous pouvez vous lever ?
— Je crois, dit Bel Iblis en rapprochant ses pieds.
Il observa de nouveau le bâtiment en feu pendant qu’Aach l’aidait à se remettre debout…
Et d’un coup, la brume qui occultait son esprit disparut.
— Arrianya ! haleta-t-il. Aach, ma femme et mes enfants –
— Ils ne sont plus, Sénateur, dit Aach d’une voix brutale. Et vous serez le prochain si nous ne vous sortons pas d’ici immédiatement.
— Laissez-moi tranquille ! cingla Bel Iblis, essayant de repousser la main d’Aach avant de tituber, ses jambes le lâchant presque. Je dois les rejoindre. Laissez-moi seul.
— Non, répondit Aach de la même façon, resserrant son emprise sur le bras de Bel Iblis. Ne vous rendez-vous pas compte ? Vous êtes le seul qu’ils ont essayé de tuer là-dedans.
Bel Iblis fixa l’immeuble en flammes, une vague de vide, de douleur et de colère le traversant de part en part. Non. Non, cela ne pouvait être possible. Détruire un bâtiment entièrement, tuer des dizaines, voire des centaines de personnes, juste pour l’atteindre ? C’était insensé.
— On dirait qu’ils ont utilisé un détonateur thermal, fit Aach en tirant vers l’avant Bel Iblis, l’éloignant de l’épave du landspeeder. Prévu pour démolir le Treitamma, sans faire de dégâts au voisinage. Probablement dissimulé quelque part près de votre salle de préparation.
Et Arrianya et les enfants étaient au centre privé de rafraichissement, discutant avec le directeur en chef. Seulement deux pièces plus loin.
Ils venaient d’atteindre le bout de l’allée. Près des coins du bâtiment démoli, Bel Iblis pouvait voir qu’une foule s’était déjà rassemblée, leurs expressions indéchiffrables en raison de la fumée et de la chaleur de l’air. Leurs cris et pleurs, à peine audible par-dessus le vacarme des flammes, étaient comme un coup de poignard en plein cœur.
— Par ici, dit Aach en le dirigeant vers un autre landspeeder garé de l’autre côté de la rue, l’avant endommagé par l’explosion.
— Vous pouvez emprunter mon vaisseau – je rentrerai sur Alderaan par un autre moyen.
Il ouvrit la porte et fit assoir Bel Iblis dans le siège passager.
Une autre vague de brume mentale disparut de l’esprit de Bel Iblis.
— Attendez une minute, protesta-t-il, à moitié à l’intérieur du véhicule. Arrianya et les enfants – je ne peux pas les laisser.
— Vous le devez, dit Aach, la voix triste mais ferme. Ne m’avez-vous pas entendu ? Vous étiez la cible, Sénateur. Vous l’êtes encore. Nous devons vous mettre en sécurité avant qu’ils ne réalisent qu’ils vous ont loupé et qu’ils essayent encore.
Il ferma la porte sur Bel Iblis et se précipita de l’autre côté.
— Et s’ils sont encore en vie ? demanda Bel Iblis, essayant de déverrouiller la porte pendant qu’Aach s’asseyait dans le siège conducteur. Je ne peux pas les laisser.
— Ils sont morts, Sénateur, fit calmement Aach, le visage dans l’ombre alors qu’il se penchait vers le tableau de commandes. Tous ceux qui étaient à l’intérieur ne sont plus, que ce soit à cause de l’explosion ou de l’effondrement du bâtiment. Qui que Palpatine ait envoyé faire le boulot, il a été minutieux.
Le landspeeder démarra dans un soubresaut.
— Oui, il l’était, murmura Bel Iblis, jetant un dernier regard à l’immeuble en flammes, Aach faisant tourner le véhicule dans une autre direction.
— Et il ne va pas abandonner, ajouta Aach.
Il vira brusquement de côté pour s’écarter du chemin de plusieurs camions-speeders anti-incendie qui se dirigeaient vers le lieu du sinistre. Un effort inutile, pensa tristement Bel Iblis en les regardant passer. Il n’y avait plus rien à faire désormais.
— Vous allez devoir faire profil bas le temps que Bail et Mon Mothma ne retrouvent et identifient qui est responsable.
— Je suppose que oui, dit Bel Iblis.
Son épaule gauche lui semblait gelée, et il baissa les yeux pour voir que le haut de son manteau avait été complètement déchiré par des débris volants, que l’épave du landspeeder d’Aach n’avait pas empêché de passer. Bizarre – il se demanda pourquoi il ne l’avait pas remarqué auparavant.
Il fut soudain conscient d’un silence pesant, et il se tourna pour voir qu’Aach le regardait avec inquiétude.
— Vous allez bien, Sénateur ? demanda-t-il. Avez-vous entendu ce que j’ai dit ? Vous devez partir et vous cacher.
— Oui, j’ai entendu, fit Bel Iblis, la douleur en lui commençant à laisser la place à une sourde colère noire.
En cet instant, figé pour toujours dans le temps, Palpatine lui avait pris tout ce qu’il chérissait. Sa femme, ses enfants, sa carrière. Sa vie. Tout, à l’exception d’une chose.
— Et tout ira bien, continua-t-il. Lorsque Palpatine sera mort, et ce qui a jadis été la République aura été restaurée.
— Je comprends, soupira Aach. Vous êtes l’un des nôtres désormais, Sénateur.
Bel Iblis fronça les sourcils.
— De quoi parlez-vous ? Je fais partie de l’Alliance Rebelle depuis sa formation.
— Mais vous étiez avec nous pour d’autres raisons, expliqua Aach. Des raisons politiques comme l’abus de pouvoir de Palpatine, ou des raisons idéologiques comme l’érosion des libertés ou l’arrivée de lois anti-aliens dans le système. (Les muscles de sa mâchoire tressaillirent légèrement.) Désormais, Palpatine vous a blessé. Pas quelqu’un d’autre, mais vous. Désormais, c’est personnel.
Bel Iblis prit une profonde inspiration.
— C’est peut-être le cas, concéda-t-il. Mais d’un autre côté, c’est peut-être exactement ce qu’il souhaite : nous piéger en nous faisant croire qu’on le combat uniquement pour des raisons personnelles.
— Qu’y a-t-il de mal à cela ?
— Ce qu’il y a de mal, c’est que ce genre de combat n’est dirigé que par l’émotion, expliqua Bel Iblis. A la fin, l’émotion disparait, et la raison de poursuivre le combat n’est plus. (Il joua avec les bords des trous de son manteau.) Mais nous n’allons pas tomber dans ce piège. Il peut me faire ce dont il a envie– me prendre tout ce qu’il veut. Je continuerai à le combattre parce que c’est la meilleure chose à faire. Point final.
Pendant quelques minutes, ils avancèrent en silence. A l’arrière, le bâtiment en flammes rétrécissait peu à peu derrière les autres immeubles de la ville – laissant seulement apparaître un pilier de fumée noir et orange qui indiquait le bûcher funéraire de sa famille. Cela lui semblait tellement mal de fuir comme cela, comme s’il mettait négligemment de côté leur vie et déshonorait leur mémoire.
Mais ce n’était pas le cas. Ils étaient morts, et le déshonneur reposait uniquement dans les mains de Palpatine. Tout ce qu’il lui restait, c’était de faire tout ce qu’il pouvait pour empêcher d’autres personnes de mourir de façon aussi violente et inutile.
Et si les rumeurs qu’il avait entendues concernant le projet Etoile Noire de Tarkin s’avéraient vraies…
— Vous avez dit que je pourrais emprunter votre vaisseau ? demanda-t-il à Aach.
— Oui, si vous vous sentez capable de le piloter vous-même, répondit l’autre. Je pensais rester dans les environs encore un jour ou deux de toute façon.
— Pourquoi ? Pour voir si vous pouvez trouver un lien direct remontant à Palpatine ? (Bel Iblis secoua la tête.) Je vous le dis franchement : vous allez perdre votre temps.
— C’est mon temps que je perdrai. Y a-t-il un endroit où vous pouvez vous cacher pendant quelques temps ?
— Il y a plusieurs possibilités, dit Bel Iblis. Mais tout d’abord, j’ai un rendez-vous auquel assister sur Darkknell.
— Darkknell ? (Aach lança à Bel Iblis un regard étonné.) Vous ?
— Pourquoi pas ? contra le Sénateur. Qui de mieux pour récupérer les données que quelqu’un qui est supposé être mort ? Mon agenda n’a plus d’importance, vous savez. Et je ne vais manquer à personne si je suis hors de vue durant quelques jours. Plus maintenant.
— Mais… (Aach hésita un instant.) Monsieur, cela pourrait être dangereux – tous les contacts avec des informateurs le sont potentiellement. Vous n’êtes pas entraîné pour ce genre de mission sur le terrain.
— J’ai passé un temps dans l’armée, lui rappela Bel Iblis. Je sais comment tenir un blaster. Et j’en connais également un peu sur le déguisement. On ne me reconnaîtra pas.
— Mais…
— De plus, le coupa gentiment Bel Iblis, j’ai besoin de faire quelque chose d’utile pour le moment. Quelque chose qui ne me rappellera pas… ce qui vient de se passer là-bas.
Aach soupira, résigné.
— Très bien, Monsieur. Cependant, avant que vous ne partiez je donnerai une lettre de présentation à quelqu’un que je connais à Xakrea et que vous pourrez contacter si vous êtes en danger. Il n’éprouve pas de sympathie pour la Rébellion, mais se moque également de l’Empire de Palpatine. Il a de nombreux contacts parmi les contrebandiers et la frange de Darkknell, ce qui pourrait s’avérer utile si vous deviez quitter précipitamment la planète.
— Cela se pourrait, acquiesça Bel Iblis.
Il nota avec amusement qu’Aach avait soigneusement omis de mentionner le statut de son ami au sein de la frange. Un contrebandier, ou peut-être un trafiquant de biens volés ? Ou bien quelque chose d’encore plus louche ?
Néanmoins, l’Alliance Rebelle avait certainement son lot de personnages louches. Quelques-uns avaient sûrement été attirés par l’espoir de rapides profits – bien que ceux-là aient été rapidement déçus sur ce point – mais d’autres faisaient partie des combattants les plus teigneux et efficaces.
— Est-ce que vous lui faites confiance ?
Aach haussa les épaules, l’air incertain.
— Je crois, à condition que vous ne le poussiez pas trop ou que vous ne lui en demandiez pas beaucoup. Ou dites-lui qui vous êtes et pour qui vous travaillez. Dans tous les cas, il me doit quelques faveurs.
— Je vois, murmura Bel Iblis. C’est toujours réconfortant d’avoir des alliés.
— Je pourrais venir avec vous, proposa Aach, une note de réticence dans la voix. J’étais supposé me rendre sur Alderaan. Etant donné les circonstances, je sais que Bail comprendra.
— Non, fit fermement Bel Iblis. Bail a sûrement besoin de vous ailleurs, et je peux y arriver seul. Aidez-moi juste à quitter Anchoron, puis vous partirez de votre côté.
Aach hésita, puis acquiesça.
— Très bien, Sénateur. Si vous insistez.
Bel Iblis se retourna vers la visière arrière, ses yeux immanquablement attirés par la tour de fumée noire derrière eux. Le choc commençait à se dissiper, et une myriade de petites blessures et de douleurs lancinantes apparaissent sur son corps.
Mais aucune d’elles n’était aussi dure que celle de son cœur. Arrianya et les enfants…
— Oui, dit-il doucement. J’insiste.
*****
L’homme assis seul à la table dans un coin du tapcafé était blond et plutôt petit, les yeux dardés et la bouche en mouvement caractéristiques de quelqu’un qui se trouvait dans un endroit qu’il ne voulait pas. Pas plus âgé qu’un enfant, ce qui pouvait expliquer son inconfort d’être dans une tanière infâme aussi malfaisante que l’était le Vide Continuel.
D’un autre côté, le dos bien droit faisait penser à un militaire Impérial, et s’il existait un pari peu risqué dans la galaxie, c’était que les militaires et les tapcafés étaient rarement compatibles.
Moranda Savich sirota sa boisson bleue pâle, grimaçant au goût peu familier, tout en continuant d’observer le gamin, luttant pour ne pas laisser ses pensées dériver. La seule raison pour laquelle elle se trouvait sur Darkknell en premier lieu, après tout, était qu’il ne s’agissait pas de Kreeling, Dorsis ou Mantarran. L’Inspecteur Hal Horn de la Sécurité Corellienne l’avait déjà traquée et chassée de toutes ces planètes, et il poursuivrait probablement sa suite gagnante en la traquant ici aussi. Plus tôt elle aurait trouvé un moyen discret de quitter ce rocher, meilleures seraient les chances de garder un coup d’avance sur lui, jusqu’à ce qu’il abandonne et rentre chez lui.
Elle renifla doucement. Il y avait peu de chance. Horn n’allait pas abandonner, au moins dans cette vie-là. L’homme faisait partie de cette classe extrêmement irritante d’agents de la loi qui combinait l’incorruptibilité avec la capacité ennuyeuse de ne pas savoir s’arrêter.
De l’autre côté du tapcafé, le gamin glissa une main sous la partie gauche de sa veste tout en observant les alentours. La deuxième fois qu’il faisait ce geste dans les dix dernières minutes, remarqua Moranda. Sûrement quelque chose de rassurant pour lui se trouvait là…
Arrête ! s’ordonna-t-elle. Elle était en fuite, et être en fuite n’était pas synonyme de chercher davantage d’ennuis. Créer de l’agitation chez les locaux serait complètement improductif, spécialement si elle les agitait assez pour qu’ils l’arrêtent en possession d’épice, de substance illégale, ou toute autre chose que le gamin possédait et qui le rendait nerveux.
Il porta sa tasse aux lèvres, se tourna à moitié pour jeter un coup d’œil à la porte du tapcafé, sa neuvième vérification du genre depuis que Moranda l’observait. Dans le mouvement, sa veste se tendit un instant contre l’objet dans sa poche, lui permettant de distinguer brièvement sa forme. C’était carré, un peu plus large qu’une datacarte, mais bien plus épais.
Un datapack ? Cela se pourrait. Avec environ six à dix datacartes, d’après l’épaisseur, entassées ensemble dans un étui protecteur.
Miranda remua pensivement la liqueur bleue dans son verre. Un datapack donnait une perspective différente aux événements. Chaque agent de police ou de sécurité reconnaissait de l’épice ou d’autres produits de contrebande rien qu’en les observant, les sentant ou en les goûtant ; mais un simple datapack à l’air innocent était complètement autre chose. C’était un objet que n’importe qui pouvait transporter, quelque chose que même l’idiot le plus suspect aurait toutes les peines du monde à prouver qu’il n’était pas le sien.
De plus, c’était quelque chose qui valait de l’argent. Et c’est d’argent dont elle avait besoin pour partir d’ici, loin de l’Inspecteur Horn et sa poignée de mandats Corelliens.
Ce qui laissait en suspens une seule question : comment dérober le datapack à son mystérieux propriétaire sans se faire prendre ?
L’indicateur lumineux indiquant les sanitaires se trouvait contre le mur, à l’opposé de la table du gamin. Remplissant son verre avec la carafe, elle se leva et prit cette direction, ajoutant une légère touche d’ivresse à ses mouvements. Sa veste était coupée dans le style Preter, nota-t-elle d’un regard innocent alors qu’elle passait près de lui, le type de veste disposant de profondes poches intérieures sous les manches de chaque côté. Probablement fixées par en haut, mais sûrement pas fermées avec soin. Néanmoins, étant donné la façon dont le jeune était affalé sur la table, le seul moyen de prendre le datapack allait être de lui enlever partiellement la veste.
Mais cela irait. Elle aimait les défis.
Les sanitaires étaient comme le reste du Vide Continuel : vieilles et plus que décrépies. S’enfermant dans l’une des cabines, elle posa sa boisson sur le bord d’une étagère et se mit au travail.
Les petits carreaux qui décoraient la pièce étaient sa première cible.
Sortant son couteau, elle en délogea deux du mur, puis les découpa avec précaution jusqu’aux dimensions d’une datacarte. Entre deux carreaux se trouvait une couche de matériau qui faisait office de filtre à air dans des lieux de seconde zone comme celui-ci ; une double couche de ce matériau intercalée entre ses deux carreaux donna au tout l’épaisseur requise. Une bande noire enroulée légèrement autour du pack pour le maintenir serré, et ce fut terminé. L’objet ne ressemblait en rien à un datapack, mais il avait la même taille, la même forme et le même poids. Avec une bonne distraction et des mouvements adaptés, et peut-être également un peu de chance, cela marcherait.
Après avoir fouillé dans son sac et trouvé un cigare qu’elle gardait pour de telles occasions, elle l’alluma et le tint entre deux doigts de sa main droite, reprenant son verre de liqueur du bout des doigts de la même main. Puis, le faux datapack dissimulé du mieux qu’elle pouvait dans sa main gauche, elle ouvrit la porte et se dirigea vers la pièce principale du tapcafé.
Le gamin n’avait pas bougé durant ses quelques minutes d’absence, et le contact qu’il attendait ne s’était pas montré non plus. Tenant discrètement le faux datapack, et accentuant son chancèlement, elle fendit la foule vers sa table, se dirigeant cette fois-ci vers l’étroit passage derrière le gamin. Elle esquiva un Barrckli ivre, jeta un regard d’avertissement à un éleveur de nerf barbu qui commençait à se faire des idées à son propos, et se retrouva derrière le garçon. Puis, faisant une soudaine embardée comme si elle avait trébuché, elle tomba lourdement contre le dossier de sa chaise, jetant le contenu de son verre sur l’extrémité de son cigare et l’arrière de la veste du gamin.
La liqueur s’embrasa en une petite mais satisfaisante boule de feu.
— Attention ! cria Moranda.
Elle jeta son verre et le cigare au sol, et passa son bras par-dessus l’épaule droite du garçon et tira la nappe. Les verres et couverts tombèrent dans toutes les directions alors qu’elle faisait venir la nappe vers les flammes qui menaçaient le bas de sa veste. Dans le même temps, elle attrapa sa boutonnière gauche avec le bout des doigts de sa main gauche. Il tira le bras gauche en arrière par réflexe, lui laissant l’amplitude nécessaire pour retirer le vêtement de son cou.
Et alors qu’elle tapait vigoureusement les flammes presque mortes avec la nappe, sa main gauche se glissa dans la poche intérieure de sa veste, sortant le datapack et laissant le faux à sa place.
— Je suis tellement désolée, répéta-t-elle encore et encore de sa meilleure voix pleine d’embarras, tenant toujours la nappe même si le feu était presque éteint, sa prise dissimulée à sa hanche derrière son datapad. Vraiment désolée. Ma cheville s’est tordue et – est-ce que vous allez bien ?
— Je vais bien, je vais bien, grommela le gamin en faisant demi-tour et attrapant la nappe. Il est éteint, n’est-ce pas ?
— Oui, dit-elle en donnant un dernier coup avant de le laisser reprendre le tissu désormais abimé. Je suis vraiment désolée. Puis-je vous payer un verre ?
— Non, oubliez ça, dit-il en la repoussant et en essayant de se tourner davantage. (Essayait-il d’avoir une meilleure vision d’elle ?) Partez, et laissez-moi seul.
— Oui, bien sûr, dit Moranda en se déplaçant de nouveau, prétextant remettre la veste sur ses épaules, restant hors de son champ de vision. (Du coin de l’œil, elle vit sa main fouiller la poche de sa veste. Il parcourut des doigts le contour du faux datapack et les ressortit, visiblement rassuré.) Je suis désolée.
— Partez, répéta-t-il, commençant à paraître énervé.
Il n’était clairement pas satisfait de toute cette attention rivée sur lui.
— Oui, bien sûr.
Moranda partit par la gauche, et alors qu’il tournait la tête dans sa direction, essayant encore de mieux distinguer son visage, elle lui tourna le dos et se dirigea vers sa table.
Elle l’atteignit mais ne s’assit pas. La personne qu’attendait le gamin pouvait arriver à n’importe quel moment, et elle n’avait pas l’intention de se trouver dans les parages lorsqu’il sortirait triomphalement le sien de sa poche. Laissant la monnaie de sa boisson sur la table, elle se fraya un chemin vers la porte puis sortit dans l’air piquant de Darkknell. Il était temps de trouver un lieu tranquille pour se poser quelques temps, et découvrir ce qu’elle venait de récupérer.
*****
Bel Iblis fixait la table du tapcafé où se trouvait le jeune homme, une vague d’irréalité traversant son cerveau au rythme des battements de son cœur.
— Que voulez-vous dire, vous l’avez perdu ? demanda-t-il à voix basse. Comment avez-vus perdu un datapack ? Particulièrement depuis la poche intérieure de votre propre veste ?
— N’employez pas ce ton avec moi, mon ami, gronda l’autre en retour, ses yeux balayant nerveusement la pièce à moitié vide. Et si vous croyez que je suis en train de le garder, vous devriez y réfléchir à deux fois. J’ai pris de gros risques pour récupérer cet objet et le ramener ici. De gros risques. Je ne suis pas plus satisfait que vous de sa disparition.
Bel Iblis inspira lentement, essayant de ravaler sa colère montante. Il n’était peut-être pas un agent Rebelle de terrain comme Aach, mais il savait juger les gens, et le visage et la voix du jeune homme indiquaient qu’il ne mentait pas.
Ce qui signifiait qu’ils étaient désormais au beau milieu d’une situation incroyablement dangereuse. Au moment où la voleuse réaliserait ce qu’elle avait trouvé…
— Est-ce qu’il y a une possibilité qu’ils puissent remonter jusqu’à vous ? demanda-t-il doucement.
Le jeune homme renifla.
— Bien sûr, s’ils veulent s’en donner les moyens. Connaissant la réputation de Tarkin, ce sera sûrement le cas.
— Alors nous devons simplement le récupérer.
Le gamin renifla de nouveau.
— Vous pouvez aller regarder sous des rochers si vous le voulez. Moi, je vais aller me cacher pendant que je le peux.
— Vous fuyez, et ils auront la certitude que vous êtes celui qui a volé les données, prévint Bel Iblis.
— Comme si cela importait, contra durement l’autre, achevant sa tasse et la reposant bruyamment sur la table. Elle ne va pas le garder longtemps, vous savez. Et au moment où elle s’en débarrassera, le spatioport sera fermé pendant que les hommes de Tarkin fouilleront la planète. Vous vouez attendre que cela arrive, je vous en prie. (Il se leva.) Maintenant, amusez-vous bien, et oubliez que vous m’avez vu.
Il traversa la pièce et s’évanouit par la porte.
— J’essaierai, murmura Bel Iblis après son départ.
Prenant une gorgée de son verre, il essaya de réfléchir.
Parce que son ancien compagnon avait tort. La voleuse ne rendrait pas sa trouvaille aux autorités si facilement. Une personne suffisamment déterminée pour voler un datapack au milieu d’un tapcafé bondé l’était également froide pour tirer profit de son acquisition. Et cela signifiait vendre le datapack.
Ce qui laissait uniquement la question suivante en suspens : comment la persuader de le vendre à l’Alliance Rebelle au lieu de l’Empire Galactique ?
Fouillant dans sa poche pour quelques crédits, il les laissa sur la table à côté de son verre et se dirigea vers la porte. Une chose dont il était certain, c’est qu’il n’était pas capable de retrouver seul sa trace dans une ville de la taille de Xakrea. Ce qui signifiait qu’il devait rencontrer quelqu’un avec des contacts au sein de la frange, et donc trouver le contact local d’Aach.
Il espérait que l’homme devait de nombreuses faveurs à Aach.
*****
La pièce était petite, sombre et clairsemée, un contraste saisissant avec les lumières brillantes, les sculptures et les décorations onéreuses qui étaient la norme dans le reste du Palais Impérial. C’était un choc pour tous les nouveaux visiteurs des lieux, et même ceux qui savaient à quoi s’attendre passaient les premières minutes à ajuster leurs yeux au contraste.
Ce qui était précisément la raison pour laquelle Armand Isard l’appréciait. Des personnes perturbées étaient vulnérables, et la vulnérabilité était l’une de ses qualités favorites chez ses amis comme chez ses ennemis. Car après tout, des alliés étaient des gens qui n’avaient pas encore fait leur temps auprès de l’Empire, de l’Empereur, et d’Isard lui-même.
Au final, invariablement, tous le faisaient.
Son comlink bipa.
— Directeur Isard ? fit la voix de son aide par le haut-parleur. L’Opératrice de Terrain Isard est arrivée.
— Faites-la venir, ordonna Armand, s’autorisant un petit sourire.
Il savait que peu d’hommes pouvaient se vanter d’avoir vu leur fille embrasser pleinement et le métier de leur père comme l’avait fait son Ysanne. Devenue déjà un remarquable agent des Renseignements, elle avait souvent démontré un tel courage et une telle cruauté dans la poursuite des ennemis de l’Empire que plusieurs Moffs en avaient eu honte.
Une attitude, heureusement, qui était soutenue par des compétences, de l’intelligence et de l’efficacité. Rien, dans l’esprit d’Armand, n’était plus méprisable qu’un agent des Renseignements auprès duquel les contrebandiers et les Rebelles pouvaient s’en donner à cœur joie.
Son sourire s’évanouit. De l’intelligence et de l’efficacité, c’était sûr. Mais elle allait avoir besoin de toutes ses aptitudes pour réussir le prochain travail.
La porte s’ouvrit en glissant.
— Vous m’avez convoquée ? demanda gravement Ysanne depuis l’entrée.
— Asseyez-vous, dit Armand sur le même ton. (Il sentit une autre vague de fierté lorsqu’il lui indiqua un siège. Aucune indication qu’il s’agissait de sa fille, aucune suggestion sous-jacente d’un traitement préférentiel que la situation aurait pu impliquer. Dans cette pièce, dans ce bâtiment, elle était un agent et il était son directeur, et leur relation se limitait à cela.) J’ai un travail important pour vous.
— De quelle importance ? demanda-t-elle en se glissant avec grâce dans le siège.
— Cela pourrait faire grandement avancer votre carrière, dit-il. Et pourrait aussi interrompre celle de beaucoup d’autres.
Ses yeux scintillèrent, presque imperceptiblement. Elle avait l’ambition de la famille Isard, la même ambition qui avait porté Armand au sommet.
— Dites-m’en plus.
Armand prit une datacarte parmi la pile de son bureau.
— Un datapack de huit cartes a été amené sur Darkknell, expliqua-t-il en glissant la datacarte vers elle. Ce datapack doit à tout prix être retrouvé.
— Point d’origine ?
— Le système Despayre, dit Armand en scrutant avec attention son visage.
Une fois de plus, le bref scintillement de ses yeux lui prouva que ce qu’il supposait depuis longtemps était vrai. Malgré les procédures de sécurité les plus drastiques, Ysanne avait d’une certaine façon réussi à découvrir le projet Etoile Noire, au point de savoir où la superarme était construite.
— Vous comprenez donc le sérieux de la situation, reprit-il. Etant donné les circonstances, je peux difficilement déclarer un état d’urgence Impérial et bloquer le système Darkknell avec une flotte de Star Destroyers.
— Certainement pas pour un projet qui n’existe pas officiellement, acquiesça Ysanne avec une certaine désinvolture. Je présume que vous n’allez pas envoyer toute une équipe de Renseignements avec moi. (Ses sourcils se relevèrent légèrement.) Ou y a-t-il plus que ça ? Ce vol est-il personnel d’une quelconque manière ?
Armand grimaça.
— Suffisamment personnel, concéda-t-il. C’est l’un de mes proches associés, quelqu’un de bien placé au sein du département, qui a donné au voleur suspecté des codes de sécurité, et il sera sérieusement en danger si nous ne retrouvons pas le datapack avant que l’Alliance Rebelle ne mette la main dessus. Ou avant que quelqu’un d’autre parmi les Renseignements le fasse.
Ysanne prit la datacarte.
— Le dossier du traitre est à l’intérieur ?
— Celui que l’on suspecte, oui, dit Armand. Ainsi que plusieurs possibilités sur l’identité de la personne que les Rebelles vont envoyer pour le récupérer.
Ysanne acquiesça.
— Donc vous voulez que je retrouve le datapack, que je confirme l’identité du traitre, et que je capture l’agent Rebelle. C’est cela ?
Armand réprima un sourire. La célèbre confiance de la famille Isard…
— Autant que vous le pourrez durant le temps dont vous disposerez, dit-il. J’ai ordonné l’interdiction des spatioports de Darkknell, mais je doute que les autorités locales puissent les conserver fermés pendant longtemps. Rappelez-vous simplement que la partie la plus importante du travail consiste en retrouver le datapack.
— Alors je ferais mieux de commencer, dit-elle en glissant la datacarte dans l’une des poches de sa tunique. Je présume que je peux prendre l’un de mes hommes de main avec moi.
— Si vous le devez, fit Armand. Soyez sûre que ce soit quelqu’un de confiance, et ne l’informez pas de la nature de ce que vous recherchez.
— Bien sûr que non, dit-elle en se levant. Vous m’avez réservé un transport ?
— Il vous attend en ce moment, répondit Armand. Au revoir, et bonne chance.
Elle lui fit un léger sourire.
— Les Isard provoquent leur chance, lui rappela-t-elle. Je reste en contact.
Partie 2
Hal Horn lâcha un profond soupir lorsque l’officier de l’Agence de Défense de Darkknell vérifia sa carte d’identification, ses permis de voyage, et les mandats qu’il avait apportés avec lui. Hal avait l’impression que tous les membres de la bureaucratie de Xakrea avaient étudié ces documents avec une intensité laissant croire qu’ils téléchargeaient ces données directement dans leur cerveau. Il était venu sur Darkknell, et plus précisément dans la ville de Xakrea, car l’attention légendaire pour les détails et la haine du désordre des officiers locaux en faisaient des alliés naturels dans sa recherche de Moranda Savich.
Maintenant, je n’en suis plus aussi sûr, pensa-t-il. Il baissa les yeux vers le petit homme mince.
— Vous voyez bien, Colonel Nyroska, que tous mes papiers sont en règle. Ce que je veux, c’est que vous lanciez une alerte pour que vos hommes repèrent ma cible si elle tente de quitter la planète.
Les yeux sombres de Nyroska se rétrécirent.
— Inspecteur Horn, vous réalisez sûrement que vous êtes en dehors de votre juridiction.
— Je le sais, mais…
— Et bien que nous soyons prêts à coopérer avec d’autres officiers, les jours où les justiciers Jedi voyageaient ici et là, chassant des mécréants et rendant des sombres verdicts sont révolus. Le temps de la justice du sabre laser n’est plus.
— Je comprends, Colonel. (Hal se tourna de côté, pour avoir l’air moins menaçant envers le Xakrean.) Conformément à vos lois, j’ai donné mon blaster lors de mon arrivée, et je n’ai pas d’arme sur moi.
— C’est louable, Inspecteur. Et il serait bon que vous restiez en habits civils afin que l’on ne se méprenne pas sur votre présence. (Nyroska pressa un bouton sur son datapad, éjectant la datacarte qui contenait les documents d’Hal. Il s’amusa avec un instant, puis la tendit au Corellien.) Votre proie, cette Savich, est-elle une criminelle violente ? Rien dans nos enregistrements ne l’indique.
— Non, monsieur. Elle est juste douée pour débarrasser les imprudents d’objets de valeur.
— Une voleuse, donc ?
— L’une des meilleures.
Nyroska se leva brusquement, son siège surdimensionné partant en arrière. La chaise et le bureau massif avaient aidé à rétrécir Nyroska, mais n’avaient eu que peu à faire pour cela. Il était encore plus petit que Corran ! Hal enregistra ce fait pour la prochaine fois que son fils se plaindrait de sa petite taille. Le Colonel agita la main vers la porte du bureau.
Hal cligna des yeux.
— C’est tout ?
— Nous n’avons rien de plus à nous dire.
— Et mettre les agents des spatioports en état d’alerte ?
Nyroska se fendit d’un sourire mielleux alors qu’il faisait le tour de son bureau et posait une main sur le dos d’Hal.
— Mon cher Inspecteur Horn, nos agents des spatioports sont déjà en état d’alerte. Nous avons reçu une requête des autorités Impériales pour repérer tous les opérateurs Rebelles qui pourraient venir sur les lieux. Vous avez été témoin de notre rigueur, et vous correspondez au profil que l’on nous a donné. Comme vous pouvez l’imaginer, ces affaires Impériales nous prennent beaucoup de temps. J’ajouterai le nom de cette Savich à la liste des personnes à arrêter, mais à moins que vous ne puissiez la lier aux Rebelles, elle ne sera pas notre priorité.
Hal ferma les yeux un instant et expira lentement. La galaxie était devenue sens dessus-dessous ces dernières années, si bien qu’il ne la reconnaissait presque plus. Les autorités Impériales étaient devenues obsédées par la Rébellion et, alors que des sympathisants Rebelles pouvaient être trouvés à peu près partout, très peu d’entre eux avaient été découverts sur Corellia. Il avait entendu des rumeurs disant que Garm Bel Iblis avait été lié à la Rébellion, mais il ne considérait ces rumeurs que comme des retombées politiques. Maintenant que Bel Iblis était mort, il n’avait plus aucun moyen de se défendre contre de tels mensonges.
Néanmoins, ces mensonges avaient stigmatisé Hal et tous les autres Corelliens comme des potentiels agents Rebelles. Pendant que les autorités qu’il était venu trouver pour rechercher Moranda Savich vérifiaient son identité, elle empruntait sûrement bon nombre de vaisseaux, se dirigeant vers des lieurs inconnus. Il fut un temps où attraper quelqu’un ayant sa réputation aurait fait sauter de joie un homme comme Nyroska, mais comme l’Empereur concentrait son énergie sur la Rébellion, les priorités changeaient.
— Il serait aisé pour moi de vous mentir, Colonel Nyroska, et de vous dire qu’elle est l’agent Rebelle que vous recherchez. (Hal secoua lentement la tête.) Ce n’est pas le cas – en tout cas, je ne suis au courant d’aucune connexion entre elle et les Rebelles.
— Merci pour votre honnêteté, Inspecteur.
Hal s’arrêta à l’entrée et arqua un sourcil dans sa direction.
— Vous n’attendez pas d’honnêteté de la part d’un Corellien ?
— Tout ce que j’attends de vous, c’est que vous respectez nos règles, Inspecteur. (Nyroska haussa les épaules, mal à l’aise.) Ces jours-ci, je n’attends jamais d’honnêteté, de la part de personne.
Le Corellien réfléchit un instant, puis acquiesça.
— Il faut alors espérer un retour des jours anciens, lorsque ceux que nous chassions étaient réellement des criminels. Merci pour votre aide. Je vous dirai lorsque je l’aurai retrouvée.
*****
Ysanne Isard leva les yeux vers Trabler, son aide qui venait enfin de passer le point d’entrée d’Immigration.
— Qu’est-ce qui vous a retardé ?
Il haussa ses épaules massives.
— Vérification de profil, je suppose.
Elle faillit rétorquer qu’il ne devrait rien supposer du tout, mais elle se retint. Elle avait choisi Trabler pour l’accompagner à cause de son indéfectible loyauté envers l’Empire, et parce qu’elle le revoyait arracher la tête d’un prisonnier Ithorien à mains nues. Il est là pour ses muscles, rien de plus. Il fera ce que je lui dirai de faire lorsque je le lui demanderai. Les cheveux blonds et le passé Corellien de son identité secrète ne perturberont probablement pas le système de profilage Xakréen. Leur tendance à être trop minutieux va seulement nous ralentir, ce qui fait que je ne veux pas de contact officiel avec eux.
— Peu importe. Ils nous ont amené un landspeeder. Vous êtes sûr de pouvoir nous conduire ?
Trabler acquiesça.
— J’ai étudié les cartes locales et j’ai toujours mon datapad pour nous aider.
— Bien.
Elle les mena jusqu’à la sortie du spatioport et trouva un homme près d’une station de location de landspeeders.
Il portait une enseigne indiquant « Glasc », son supposé surnom. Elle et Trabler se dirigèrent vers lui, s’identifièrent, et prirent possession du véhicule. Alors que Trabler se glissait dans le siège du conducteur, elle prit place à l’arrière.
Isard alluma son datapad.
— J’ai les dossiers sur la population de la frange de Xakrea, et je reçois des mises à jour au fur et à mesure que les locaux les modifient. Puisque le Rebelle trouvera sûrement refuge auprès de la racaille là-bas, nous chasserons. Notre proie voudra changer son identité, et il n’y a que peu de lieux qui offrent ce type de service. Nous commencerons par les vérifier.
— Comme vous voulez, Agent Spécial Isard.
— Il y a une adresse sur la rue Ryloth Est et une autre sur la promenade Palpatine. Laquelle est la plus proche ?
— La rue Ryloth. (Trabler jeta un œil dans le rétroviseur.) C’est votre préférence, donc ?
— En effet. (Elle sourit froidement aux reflets de ses yeux.) Quiconque lui a vendu une nouvelle identité le fera pour nous aussi. Allons-y, nous avons beaucoup de shopping à faire aujourd’hui.
*****
Hal remercia le conducteur de l’hovercab et lui tendit la somme qu’il lui devait.
— C’est bien ça : 24335 rue Ryloth Est, exactement l’endroit où je souhaite être.
Le Dévaronien observa le voisinage miteux et revint vers Hal.
— Ryloth Ouest vous correspond davantage, mon ami.
Hal secoua la tête et montra du pouce le magasin de bibelots.
— Arky est un vieil ami. (Il fit un clin d’œil discret au conducteur.) Vous ne m’avez jamais vu, d’accord ?
— Très bien, mon ami. Je ne vous ai jamais vu.
Le Corellien sortit du véhicule et referma la portière. Il l’observa s’éloigner, puis enjamba un tas d’ordures et se dirigea vers la porte en transpacier du magasin. Les lettres peintes proclamaient l’enseigne comme étant la Boutique des Trésors Perdus d’Arky. Hal s’imagina que la plupart étaient perdus car ils avaient dus être déterrés de sous plusieurs couches de poussière. Tous les objets présents en vitrine étaient pâles et craquelés, invitant difficilement le passant occasionnel à entrer.
Non qu’il y ait beaucoup de passants occasionnels par ici, pensa Hal. Il ouvrit la porte et observa rapidement la pièce. Le seul autre client regarda brièvement dans sa direction lorsque la porte sonna en s’ouvrant, puis se retourna, semblant très déterminé à ne pas laisser Hal voir son visage. Ce comportement aurait pu paraître suspect à Hal, mais l’autre se baisait sûrement sur le fait qu’Arky avait pâli lorsqu’il avait reconnu Hal.
— Seb Arkos, quelle surprise. (L’officier des Forces de Sécurité Corelliennes garda la voix mesurée.) La dernière fois que je t’ai vu, tu avais gagné un voyage tous frais payés vers Kessel.
Seb Arkos renifla. Il était aussi grand qu’Hal, mais son corps squelettique allait parfaitement avec le grondement sourd qui accompagnait ses paroles.
— Oui, bon, mineur d’épices n’est pas mon genre de travail. Tu es un peu hors de ta juridiction, n’est-ce pas, CorSec ?
— Je suis blessé, Arky. Je fais tout ce chemin pour te voir, et tout ce que j’ai en retour c’est de l’hostilité. (Hal traversa le magasin, ne voyant qu’une collection de débris. Il faillit faire une réflexion à ce propos, mais se rappela que sa femme adorait se trouver dans de tels endroits et en récupérer des trésors.) Vendre des antiquités est ton genre de travail maintenant, ou est-ce que ces mains délicates continuent de fabriquer les meilleurs documents d’identités et de transport dans la galaxie ?
Le sourire d’Arky le trahit une seconde, puis il fronça les sourcils.
— Je garde mes mains propres.
Hal tendit ses paumes en avant.
— Hey, les fouineurs du coin ne sont pas mes amis.
— Mais tu recherches un ami ?
— Quelqu’un pour qui je ressens la même chose que pour toi, Arky. (Hal sortit un hologramme de Moranda Savich de sa poche et le montra au faussaire.) Moranda Savich. Tu l’as vue ?
— Moranda Savich ?
L’homme mince se tint le menton avec un doigt osseux.
Hal montra l’autre client du magasin.
— Tu veux que je commence à interroger ta clientèle ?
Arky écarquilla les yeux, un éclair de crainte les traversant.
— Non, pas besoin. Je l’ai vue, tu sais, dans certains endroits.
— Elle avait besoin de tes services ?
Le faussaire secoua la tête.
— Non, elle ne m’a pas demandé de fabriquer quelque chose pour elle.
Hal distingua une lueur de mensonge chez le gérant.
— Essayons de ne pas trop modifier la vérité. Elle t’a dit qu’elle voulait quitter ce rocher, n’est-ce pas ? Et tu as pensé que tu pourrais lui filer quelques faux documents dans le même temps ?
Les yeux de l’homme cadavérique se rétrécirent, et une mèche de cheveux blancs tomba sur sa nuque.
— D’accord, d’accord. Nous avons parlé. Elle veut partir, et tu en es la raison. Elle es très insistante.
— Et tu vas me dire quand tu la rencontreras de nouveau ?
Arky releva la tête.
— Ecoute, Horn, tu sais que je ne fonctionne pas comme ça. Tu m’as piégé pour que je rejoigne Booster et les autres sur Kessel, mais je n’ai pas agi comme Vador avec eux, d’accord ? Je suis resté loyal.
Hal haussa les épaules et croisa les bras sur sa poitrine.
— Très bien, je peux attendre ici tout le temps que je veux. Nous serons partenaires en affaire, toi et moi. Je serai ton partenaire silencieux, vérifiant tout le monde, au moins jusqu’à ce que tu décides de ne plus te taire.
Arky le fixa, puis agita une main.
— D’accord, peut-être qu’elle va se trouver dans les alentours. Bientôt, peut-être.
L’Inspecteur de la Corsec acquiesça.
— Bien. Je peux attendre.
— Dehors, n’est-ce pas ?
Hal passa d’Arky à l’autre homme présent dans le magasin, puis vit une femme s’approcher de la porte.
— Bien sûr. On dirait qu’il va bientôt y avoir du monde. Je vais attendre dehors. Elle ne me verra pas et ne saura pas que l’information venait de toi.
*****
De l’autre côté de la rue, dissimulée dans les ombres d’une allée, Moranda Savich tapa de la paume contre un mur. Seb Arkos avait été le seul faussaire prêt à parler avec elle. L’interdiction Impériale avait effrayé tous les autres. Bien sûr, pas besoin d’être un génie pour savoir qu’un expatrié Corellien ne serait pas suffisamment intelligent pour avoir peur des Impériaux. Les autorités locales étaient si mal dirigées qu’elles devaient remplir des kilooctets de données avant de pouvoir sortir un blaster. A peine les rumeurs Impériales furent sorties qu’elles avaient un bonus de salaire pour éviter à tout le monde le coût d’un procès.
Elle voulait quitter Xakrea le plus rapidement possible, et rencontrer Seb Arkos le soir précédent semblait avoir été un bon coup de chance. Alors qu’elle se dirigeait vers son échoppe pour finaliser les arrangements, voilà qu’Hal Horn était sorti d’un véhicule, toujours aussi grand que la vie et beaucoup trop proche d’elle pour son confort.
Mais il ne s’était pas approché davantage. Une minute de plus, et il l’aurait repérée dans le magasin. Elle s’autorisa un demi sourire. Tout compte fait, elle avait encore un peu de chance.
Cela n’avait pas pris longtemps à Moranda d’assembler les pièces du puzzle tandis que les événements s’enchaînaient sur Xakrea. Elle avait utilisé son datapad pour regarder quelques cartes qu’elle possédait, mais elles étaient encryptées. Bien qu’elle ne soit pas une pirate, elle connaissait quelques trucs et fut capable de déterminer que les dossiers avaient étés protégés par des solides routines d’encryptage Impériales. Au vu des huit cartes en sa possession, elle devina que ce devait être des dossiers militaires, la seule chose qui expliquait le comportement du coursier. Les seules personnes souhaitant s’emparer de dossiers militaires Impériaux seraient leurs ennemis, à savoir la Rébellion. Le blocus Impérial au spatioport était lié à une recherche de Rebelles, ce qui confirma ses soupçons.
Ce qui lui créait un tout nouveau problème, et un qui faisait d’Hal Horn un souci secondaire. Moranda avait entendu des rumeurs concernant la Rébellion, en oubliant certaines, s’émerveillant sur d’autres, mais en général elle faisait tout pour ne pas s’impliquer. Dans son travail, la silhouette sur les crédits n’importait pas, seul comptait le fait que les crédits existaient et pouvaient être gagnés. N’importe quel gouvernement verrait d’un mauvais œil sa façon de faire, que ce soit l’Empire, les locaux, ou quoi que ces Rebelles mettent en place. Ces gens se souciaient des lois, alors qu’elle se souciait uniquement de les éviter.
Posséder un datapack rempli de secrets militaires Impériaux pouvait facilement être interprété comme un signe d’appartenance à la Rébellion par les autorités locales ou Impériales. Elle n’avait aucune idée de la véracité des rumeurs sur ce que les Impériaux faisaient aux Rebelles qu’ils capturaient, mais elle préférait un séjour prolongé sur Kessel plutôt que le vérifier. Garder le datapack n’était pas une bonne idée, et elle le savait. Et elle ne cessait de se répéter qu’elle allait s’en débarrasser à la première opportunité.
Et voilà qu’elle sentait son poids, dans la poche de sa veste, l’objet cognant sa hanche tandis qu’elle s’accroupissait. Quelqu’un, elle savait, serait prêt à payer beaucoup d’argent pour ces cartes, et cet argent l’amènerait dans des endroits où Hal Horn ne penserait même pas à la trouver. Elle ne se voyait pas s’accrocher aux datacartes comme à un trophée. En ce moment, le risque n’était pas trop élevé, mais lorsque les choses s’accélèreraient, elle s’en débarrasserait.
Très bien, c’est ce que je vais faire.
Son sourire semi-moqueur mourut lorsqu’une femme sortit d’un landspeeder vers le nord du bloc. La plaque d’enregistrement à l’avant semblait beaucoup trop neuve pour venir de cette zone de Xakrea, à moins que le véhicule ne soit conduit par quelqu’un souhaitant en faire des pièces détachées. La femme parla au conducteur, puis descendit la rue, en direction du magasin d’Arky.
Bien que la femme portât des vêtements civils, Moranda savait qu’elle était Impériale, sortie tout droit du Centre Impérial, ce qui signifiait qu’elle faisait probablement partie des Renseignements. La coupe de ses vêtements indiquait son origine, et la façon hautaine qu’elle avait de relever le menton en passant prêt d’un dealer d’épices adossait à un bâtiment la marquait comme Impériale. Et elle va directement chez Arky, ce qui veut dire Renseignements, ce qui veut dire que je suis en grand danger.
*****
Ysanne Isard plissa le nez en sentant l’odeur émanant du magasin. Elle fit courir un doigt sur une statue féline gravée en bois Ithorien, puis frotta doucement ses mains l’une contre l’autre pour faire partir la poussière. Ce faisant, elle jeta un coup d’œil aux trois hommes dans l’échoppe. Elle reconnut Seb Arkos d’un dossier de son datapad. Les deux autres hommes semblaient anonymes jusqu’à ce que le plus grand d’entre eux se tourne vers elle.
Horn, de Corellia, Corsec, si le dossier qui s’affichait était correct. Elle trouva bizarre qu’un nouveau venu sur Xakrea se rende directement à un lieu de contact Rebelle connu. A moins que, comme Bel Iblis, il soit aussi un Rebelle. Elle fronça les sourcils. Rien dans le dossier d’Horn indiquait des affinités Rebelles, et Isard se rappela vaguement de son père, un membre haut placé de la Corsec, qui avait été reconnu pour son assiduité à chasser des Jedi.
Elle se tourna pour examiner un Weequay crasseux essayant vainement de jouer de la harpe, puis leva son comlink à sa bouche. Dans un murmure, elle ordonna à Trabler d’amener le landspeeder près de la porte du magasin. Par la fenêtre, elle capta un mouvement en même temps que l’acquiescement de son ordre. Elle rangea donc son comlink et se dirigea tranquillement vers Hal Horn.
— Inspecteur Horn ? Je suis Katya Glasc, de la Sécurité Spéciale de Darkknell.
Un sourire naquit sur le visage d’Arkos.
— Un souci, Inspecteur ?
Han secoua la tête.
— Je ne pense pas. N’est-ce pas, Agent Glasc ?
Bien que légèrement plus petit que Trabler, Horn était solidement bâti et avait bien plus d’intelligence dans ses yeux noisette que Trabler n’en aurait jamais. Ses cheveux bruns étaient coupés courts, ce qui révélaient quelques traces de gris naissant à ses tempes. Elle supposa qu’il avait environ six ans de plus qu’elle, et que c’était quelqu’un qui se considérait comme un homme bon. Ce qui signifiait qu’il pouvait être utile ou bien très dangereux.
— Cela dépend. Votre identification, s’il vous plait.
Horn sortit lentement une datacarte de sa poche, qu’Isard glissa dans son datapad. Elle parcourut les informations, puis acquiesça et lui rendit la carte.
— Je voulais être certaine. S’il vous plait, pardonnez l’excès de prudence. Votre enquête, il se peut que nous ayons une piste… (Elle leva la tête, puis fronça les sourcils.) Ce n’est peut-être pas le lieu pour discuter de ce genre de chose. Si cela ne vous dérange pas, j’ai un speeder qui attend à l’extérieur…
Horn la regarda d’un air suspect.
— Vous avez trouvé Savich ?
— Nous avons découvert des preuves de sa présence. Je me sentirais plus à l’aise en vous l’expliquant à l’extérieur.
Elle agita doucement sa main gauche, suffisamment pour que ce soit considéré comme une invitation, et non comme un ordre.
Le Corellien acquiesça lentement.
— Votre monde, vos règles. (Il se tourna et pointa un doigt vers le vendeur.) Ne me laisse pas tomber, Arky.
— Ne t’en fais pas, Horn, fit l’autre. Je la ferai attendre ici-même. Tu verras.
*****
Garm Bel Iblis réprima un frisson en voyant Isard mener Hal Horn hors du magasin. Bel Iblis avait été tellement prudent pour arriver jusqu’à l’enseigne d’Arkos que lorsqu’Horn était entré à l’intérieur, il avait été certain d’être piégé. Arkos avait immédiatement reconnu l’inspecteur, lâchant un « Par les os noirs de l’Empereur, la CorSec, ici » dans sa barbe. Bel Iblis s’était retenu de ne pas sauter lorsqu’Horn l’avait effleuré, mais l’homme avait juste poursuivi son chemin sans un regard.
Alors qu’Horn commençait à parler à Arkos, Bel Iblis s’était détendu. Il n’avait encore aucune preuve que quelqu’un le cherchait, ou que quelqu’un pensât qu’il était en vie. Le caractère anonyme de sa mort lui avait donné une chance d’agir sans surveillance, mais il n’avait aucune idée du temps que ça durerait. Il espérait qu’Arkos lui fournirait de bons documents pour l’autoriser à poursuivre ses recherches du voleur sur Darkknell et, si possible, agir comme un pirate pour un quelconque échange.
Bel Iblis fut soudain frappé par l’idée qu’Horn pouvait être l’agent Rebelle envoyé sur Darkknell par Bail Organa et Mon Mothma pour récupérer le datapack, puisqu’aucun d’eux ne savait qu’il était vivant et présent lui-même pour le récupérer. Il ne savait pas si Horn était un Rebelle : Bel Iblis admirait le système efficace de cellules qui avait été mis en place pour refuser tout le monde à l’exception de ceux qui devaient connaître ce genre d’information. Il hésita, presque prêt à se faire connaître à Horn, mais la direction prise par l’interrogatoire de l’agent de la Corsec à Arkos le fit se retenir.
Le Sénateur sourit secrètement en entendant Horn travailler sur Arkos. La chose la plus irritante quand on était sénateur de Corellia était de gérer la réputation que son système avait sur les contrebandiers. Bel Iblis et la majorité des autres Corelliens étaient des hommes bons, mais ils étaient jugés selon leurs associations avec d’autres. Bien que Bel Iblis ne connaisse pas Hal Horn, il avait rencontré plein d’autres types comme lui, qui travaillaient dur pour faire de Corellia un lieu meilleur. Son admiration pour l’assiduité d’Horn à son travail fit apparaître son sourire.
L’arrivée d’Ysanne Isard tua ce sourire. Bel Iblis ne l’avait rencontrée qu’une seule fois, lors d’une réception Impériale. Elle se tenait alors au bras de son père. Bel Iblis détestait Armand Isard. Un petit homme aux yeux de fer et d’une grande vivacité qui rendait Bel Iblis empoté. Armand Isard avait repéré et détruit sans aucune pitié des cellules Rebelles, certaines réelles et d’autres imaginaires. Sa fille, aux yeux dépareillés de glace et de feu, avait hérité de la détermination et de la persévérance de son père et, pire encore, avait développé une dévotion personnelle envers l’Empereur. Qu’elle soit sur Darkknell signifiait que le voleur avait été découvert et qu’Armand Isard ne lésinait sur aucun effort pour que le datapack revienne dans des mains Impériales.
Un frisson parcourut l’échine du Sénateur lorsqu’il réalisa qu’Armand Isard avait sans doute donné l’ordre ayant abouti à la mort de sa famille, et presque à la sienne. Ses poings se serrèrent, mais il ne disjoncta pas ; il ne frappa pas Ysanne Isard au visage de toute sa puissance, bien qu’il en eut envie. Non, la tuer ne blesserait pas son père, et même le blesser lui n’était pas la solution. Le datapack qu’elle chassait, voilà qui aiderait à abattre l’Empire. S’il faisait cela, il n’y aurait plus de lieu où un Armand Isard ou un Empereur pourraient blesser des gens.
Reprenant le contrôle de sa colère, Bel Iblis se tourna pour voir la porte se fermer derrière Isard et Horn.
— Bon, Arkos, le temps que nous avons pour compléter notre affaire s’amenuise. Je crois que nous devrions conclure avant que l’Empereur lui-même ne vienne dans les parages, n’est-ce pas ?
*****
Moranda Savich vit le landspeeder descendre et s’arrêter devant le magasin, et sentit comme si une main serrait son cœur. Elle avait passé énormément de temps à faire de son mieux pour éviter la surveillance Impériale, mais cela ne signifiait pas qu’elle ignorait tout de ses ennemis. Les agents de Renseignements Impériaux tissaient une grande toile lorsqu’ils avaient une cible. Le fait qu’elle puisse voir l’araignée au centre de cette toile voulait dire que d’autres forces se rapprochaient.
Et cela voulait dire qu’elle allait être prise en possession d’un objet de valeur. De nouveau, la volonté de jeter le datapack au loin l’envahit. Elle mit la main dans sa poche pour le prendre, puis remarqua la fenêtre côté conducteur du landspeeder s’ouvrir. Le colosse qui conduisait observa les environs, puis se regarda dans le rétroviseur intérieur. Sa vanité fit diminuer la paniquer de Moranda, qui élabora un plan.
Elle sortit le datapack de sa poche, l’ouvrit et en sortit les huit datacartes. Elle les empila l’une sur l’autre, puis les cala près de son datapad. Elle se releva, remit sa veste en place, puis avança d’un pas audacieux vers le landspeeder. Elle consulta la carte sur son datapad plusieurs fois, observa les lieux, puis laissa une expression intriguée se peindre sur son visage.
Elle s’était rapprochée à moins de trois mètres lorsque le conducteur la remarqua. Elle tendit alors son datapad.
— S’il vous plait, excusez-moi. Je crois que je suis perdue. Pouvez-vous m’aider ?
L’expression de l’homme s’adoucit.
— Oui, je pense que je peux.
Moranda se pencha et lui sourit. Elle fit passer le datapad de sa main gauche à sa main droite et le fit passer dans le véhicule, tout en montrant le datapad qu’il avait posé sur le tableau de bord.
— Nos cartes ont l’air différentes.
Le conducteur étudia la carte de Moranda, puis la sienne, prenant son datapad pour cela. Moranda croisa alors les bras et laissa les cartes glisser une par une de sa main gauche dans l’encadrement de la fenêtre du landspeeder. Elle toussa légèrement pour couvrir le bruit qu’elles faisaient en descendant, et fut quasiment certaine que le conducteur croirait que les sons qu’il entendrait provenaient du datapad.
Le conducteur lui rendit son appareil.
— Regardez, ici c’est la rue Ryloth Est. Votre carte indiquait la rue Ryloth Ouest. C’est à cinq kilomètres, voilà pourquoi vous ne pouviez pas vous repérer.
— Oh, merci beaucoup. (Moranda étudia le datapad, puis secoua la tête et sourit.) Je ne peux pas vous dire à quel point vous m’avez aidé.
Elle s’éloigna du véhicule et repartit dans la direction d’où elle était arrivée, résistant vaillamment à l’envie d’éclater de rire. Ce qu’il était venu chercher était à moins de dix centimètres de lui et il n’en avait aucune idée.
Incapable de s’en empêcher, Moranda fit demi-tour au milieu de la rue, pour remercier de nouveau l’homme. Ce faisant, elle leva les yeux et son regard croisa celui d’Hal Horn.
*****
Voir Moranda Savich là, au milieu de la rue, gambadant en cercles comme un enfant, électrifia Hal Horn. Il commença à se diriger vers elle, mais la main de l’Agent de Sécurité de Darkknell s’était resserrée sur son bras. Moranda s’était déjà retournée et s’était mise à fuir lorsqu’Hal regarda son escorte.
— Elle s’enfuit.
— Trabler, s’écria la femme, attrapez-la.
La portière côté conducteur du landpseeder garé devant le magasin s’ouvrit et un homme massif en sortit. Hal savait qu’il était imposant non seulement parce qu’il sauta par-dessus le toit du landspeeder, mais aussi à la vue de son énorme paume qui se saisit du blaster à l’intérieur de sa veste. Hal reconnut l’arme comme étant un Pénétrateur Luxan, aimé par beaucoup en raison de son camouflage et de la puissance qu’il possédait. La plupart des modèles n’avaient même pas de mode paralysant et ceci, combiné à une froide envie de tuer émanant de l’homme, poussa Hal à agir.
Il prit une seconde pour se concentrer, puis utilisa une astuce que son père lui avait apprise longtemps auparavant, avant la Guerre des Clones, avant l’arrivée des chasseurs de Jedi. Il pénétra la conscience de Trabler. Il vit par ses yeux, observant le Pénétrateur se relever et s’aligner avec le dos de Moranda Savich. Il vit Trabler la viser l’espace d’une seconde et sut qu’elle n’atteindrait jamais la sécurité de l’allée à temps.
Appelant la Force à lui, il projeta une image floue de Moranda dans l’esprit de Trabler.
Les doigts de Trabler se resserrèrent sur la gâchette. Un rayon rouge jaillit et toucha Moranda à l’épaule au moment où elle atteignait l’allée. Hal l’entendit crier et la vit tomber sur une pile de débris. Il commença à se diriger vers elle, mais Isard le retint de nouveau fermement.
Hal éloigna son bras.
— Que faites-vous ? Elle est à terre, soit morte ou sérieusement blessée. Je dois aller vérifier.
Les yeux de la femme se rétrécirent et bien que leurs couleurs soient différentes, le venin à l’intérieur était bien présent.
— Nous laisserons les autorités locales la retrouver et l’amener à la morgue. Nous avons un travail plus important.
Hal fronça les sourcils, souhaitant pouvoir mieux cerner la femme. Son usage de la Force l’avait épuisé – cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fait quelque chose d’aussi difficile, et il manquait d’entraînement. Il n’avait même pas perçu la menace émanant de Trabler, qui pointait désormais son blaster sur lui.
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ?
Le visage de Glasc se durcit.
— Je ne pouvais pas vous le dire à l’intérieur, mais nous avons un opérateur Rebelle en fuite et j’ai besoin de votre aide pour le traquer.
— Ecoutez, vous m’avez accosté là-dedans en disant que vous m’aideriez dans mon affaire, et maintenant votre homme a tué ma suspecte. Je ne suis pas là pour chasser des Rebelles.
Elle releva le menton.
— Mais vous êtes loyal à l’Empire, n’est-ce pas ?
— Je suis dans la CorSec pour maintenir l’ordre donc oui, je suis loyal à l’Empire.
Elle laissa son expression s’adoucir et sa voix baissa jusqu’à un ton conspirateur.
— Il y a des membres de la Sécurité Spéciale de Darkknell qui ne le sont pas, ce qui rend ma recherche difficile. Je dois me fier à quelqu’un hors de mon propre service – vous – pour effectuer des avancées. Je sais que ce n’est pas très orthodoxe, mais vous avez sûrement dû user de méthodes peu conventionnelles pour faire progresser des affaires auparavant.
— Quelques-unes, mais je ne vois pas en quoi tout ceci me concerne, vraiment. (Hal secoua la tête.) La raison de ma présence ici git dans une allée par là-bas.
— Il semblerait, mais le Rebelle que nous pourchassons a été impliqué dans l’assassinat du Sénateur Garm Bel Iblis et de sa famille. (La voix de la femme devint solennelle.) Durant le discours qu’il allait donner cette nuit-là, il allait dénoncer la Rébellion. Ils l’ont tué pour que ça n’arrive pas. Je pensais que vous, un Corellien, voudrait nous aider à trouver son meurtrier.
Hal trembla et eut la chair de poule. Autant il ne comprenait pas la façon dont Trabler avait tiré sur Moranda – rien dans son dossier n’indiquait la mort comme punition – autant l’idée d’un poseur de bombes tuant des centaines de personnes juste pour en atteindre une le révoltait. Si l’assassin de Bel Iblis est ici, il doit être retrouvé et amené devant la justice. Bel Iblis venait de Corellia. Je dois aider à trouver son meurtrier.
L’inspecteur de la CorSec acquiesça.
— Très bien, j’en suis. (Il leva un doigt vers Trabler.) On ne tire pas en premier, d’accord ? Si votre suspect a tué Bel Iblis, nous voulons qu’il parle et qu’il nous mène aux autres Rebelles, vu ?
Glasc acquiesça, puis ouvrit la portière arrière du landspeeder.
— Après vous, Inspecteur Horn. Avec votre aide, notre proie ne pourra pas s’enfuir.
*****
Alors que le landspeeder décollait, Bel Iblis sortit du magasin et traversa la rue. Il avait vu la femme donner l’ordre de tuer, et bien qu’il n’aurait jamais remis en cause la parole de quelqu’un rapportant qu’Ysanne Isard avait demandé ce genre de chose, le voir se dérouler devant ses yeux était une toute autre chose. Atteignant l’entrée de l’allée, il vit du sang et, l’espace d’un instant, voulut suivre la piste en espérant trouver sa femme au bout.
Non, elle n’est plus. Pauvre Arrianya, tu es morte pour une cause en laquelle tu ne croyais même pas. Bel Iblis ravala la boule qui se formait dans sa gorge, puis regarda plus en profondeur dans l’allée sombre et vit la femme écroulée contre un mur. Son bras droit pendait mollement de côté, la manche de son manteau imbibée de sang. Un cigare se trouvait au coin de sa bouche, et elle essayait en vain d’allumer un briquet avec sa main gauche poisseuse de sang.
La femme le regarda et sourit.
— Tu as du feu, mon ami ?
Puis ses yeux tournèrent et elle s’évanouit.
Le sénateur courut vers elle et s’agenouilla à ses côté. Le seul avantage d’être touché par un Pénétrateur, c’est que le petit rayon faisait un trou net. Bel Iblis vit l’entrée de la blessure et un trou de sortie plus petit devant son épaule. Il déchira son propre manteau et l’entoura autour des blessures, puis la prit dans ses bras et reprit le chemin du magasin d’Arkos.
Il se rappela que la seule femme qu’il avait portait dans ses bras comme cela avait été sa femme, lors d’un voyage anniversaire plusieurs années auparavant. C’était une époque merveilleuse, une escapade loin des pressions du bureau et de ses devoirs, et ils s’étaient promis de le refaire bientôt. Très bientôt.
L’expression de Bel Iblis se durcit. L’Empire me l’a volé, il ne va me prendre personne d’autre. Il savait que cette résolution ne tiendrait pas, au vu de ce qu’allait sûrement devenir la Rébellion. Mais au moins, je ne vais pas perdre cette femme. Cela ne sauvera pas la galaxie, mais ça en sauvera une partie, et ça suffira pour le moment.
Il leva la tête et vit Arkos tenir la porte du magasin ouverte.
— Nous devons l’aider immédiatement. Cette femme était Ysanne Isard du Centre Impérial, employée par les Renseignements.
— Si elle est là… fit Arkos d’une voix où pointait un certain effroi.
Le sénateur instilla de l’acier dans sa voix.
— Tiens bon, Arkos. Elle n’est pas invincible – elle est passée juste à côté de moi, rappelle-toi, et elle s’est accroché avec quelqu’un qui n’a rien à voir avec nos affaires. Garde la tête froide et nous nous en sortirons.
Arkos réfléchit un instant, puis acquiesça rapidement.
— Tu as raison. Merci.
— Pas de problème. Continuons de travailler. (Bel Iblis sourit.) Viendra un moment où Isard réalisera qu’elle aura besoin de revenir ici pour finir de traiter avec toi. D’ici là, je veux que tout ce que l’on a à faire le soit, et que la seule chose qu’il reste à effectuer soit de rire lorsqu’elle se trompera.
Partie 3
L’après-midi d’Hal passée en compagnie de l’Agent Glasc et de son aide Trabler lui permit de se rendre compte d’une évidence. Ces deux-là, aussi efficaces qu’ils puissent être comme enquêteurs, ne faisaient pas partie de la Sécurité Spéciale de Darkknell, pas même de ce qu’ils pourraient appeler leur bureau interne. Ils avaient toute l’arrogance qu’Hal attendait de la division Isk-Isk, mais elle était réservée à des policiers de bas étage, pas des civils.
Glasc avait déplacé Hal de lieu en lieu, suspectant chacun d’entre eux d’être un site de contact Rebelle. La plupart étaient des trous miteux comme le magasin d’Arky, mais quelques-uns d’eux situés dans l’ouest de Xakrea s’étaient avérés plus développés. Le caf gourmand où Hal et Trabler attendirent dehors de chaque côté de la porte étaient l’un des lieux les plus prospères. Hal avait apprécié le riche arôme du petit magasin, et avait accepté à regret d’attendre dehors pendant que le propriétaire amenait Glasc dans son bureau privé pour discuter affaires.
Hal leva un sourcil vers Trabler.
— Difficile de croire que le propriétaire ne nous voyait pas correspondre à la clientèle.
L’homme costaud fronça ses sourcils blonds, les faisant se rencontrer au-dessus de ses yeux.
— Vous pensez qu’on ressemble à des Rebelles ?
De l’hostilité perçait dans la voix de Trabler et Hal fut content que son affinité avec la Force soit diminuée, cela lui permettant de ne pas sentir toute la colère qui sourdait de l’homme.
— Doucement, mon ami. Je ne voulais absolument pas suggérer une chose pareille. Vous savez aussi bien que moi que l’information disant que ce lieu était potentiellement lié aux Rebelles a été balancée par d’autres magasins des environs. Les clients ici semblent trop prospères pour être des Rebelles.
— Vous pensez cela, vraiment ? répliqua froidement Trabler. Vous seriez surpris de savoir que plusieurs Rebelles sont haut placés. Ou peut-être ne le seriez-vous pas ?
— Et ceci est supposé vouloir dire quoi ?
— Ceci veut dire qu’on ne peut pas être sûr des intentions de chacun. (Trabler eut un demi-sourire.) Les Mondes du Noyau ont certainement leur lot de Rebelles, mais les Borduriens en ont plus.
— Voilà un point intéressant.
Hal laissa deux femmes sortir du magasin entre lui et Trabler. La dernière fois qu’il avait entendu le terme « Bordurien », il avait stoppé une bagarre dans un tapcaf Corellien où un local avait sévèrement battu quelqu’un du Centre Impérial pour l’avoir désigné en utilisant une telle insulte. Peu d’habitants de la Bordure employaient ce terme pour parleur d’eux.
La porte s’ouvrit de nouveau et l’Agent Glasc apparut. Elle frottait un mouchoir blanc contre une tâche noire sur sa blouse grise.
— Elle était inutile. Elle a déblatéré sur une évasion fiscale, mais elle ne connaît rien de la Rébellion. Ou du complot contre Bel Iblis.
Trabler observa son datapad, puis indiqua le bas de la rue.
— Le Vide Continuel est le prochain sur la liste. C’est par là.
Hal prit la tête et vit Glasc le rejoindre rapidement.
— La propriétaire n’a réagi à aucun des hologrammes que vous lui avez montrés ?
Glasc secoua la tête.
— Ignorante, totalement ignorante, tout comme ses employés. Des lieux comme celui-ci prétendent servir le dernier cri de la culture Impériale sur Darkknell, mais c’est uniquement ce qu’ils imaginent qu’il y a au cœur de l’Empire. Je veux dire, Corellia est un Monde du Noyau – mais croyez-vous que le blend car Corellien soit le genre de chose que l’on boit chez soi ?
— Eh bien, non, mais c’est parce qu’à la CorSec on le fabrique suffisamment fort pour qu’il soit utilisé à des fins médicales. (Hal haussa les épaules.) Lorsque je suis un rimstint, j’essaie de ne pas laisser les indics remonter jusqu’à moi, vous savez.
— Vous êtes très charitable, Inspecteur Horn.
Hal sourit.
— J’essaie de l’être.
Le fait que Glasc ne réagisse pas lorsqu’il avait désigné les citoyens de Darkknell comme « indics » ou son passé sur la planète comme rimstint lui apprit clairement qu’elle n’était pas l’autochtone qu’elle prétendait être. Un local n’aurait pas pu s’empêcher de réagir, autant que Moranda pouvait abandonner ses cigares. Quelque chose ne va pas, et je n’ai pas hâte de découvrir jusqu’à quel point ce n’est pas bon.
Trabler s’avança et ouvrit la porte du tapcaf bondé. Hal descendit les trois marches menant à la salle principale, puis se fraya un chemin en passant près d’une table de bruyants Dévaroniens. Il voulait atteindre le bar avant Glasc. Il réussit à la ralentir en tapant l’un des Dévaroniens sur l’épaule. Alors que l’alien se tournait pour voir ce qui l’avait touché, une corne accrocha l’uniforme de Glasc, freinant son avancée.
Hal repéré un petit homme portant un insigne le présentant comme le gérant des lieux, et il l’intercepta avant qu’il ne puisse franchir une porte menant à un bureau privé.
— Je suis l’Inspecteur Horn, et voici les agents Glasc et Trabler. Nous avons quelques questions pour vous. Voulez-vous y répondre maintenant, ou après que nous ayons fermé cet endroit pour rechercher de la contrebande ?
Le petit homme déglutit bruyamment et toussa.
— Je ne veux pas d’ennuis.
Hal se tourna vers Glasc. Son regard avait à peine changé en voyant la façon dont il avait abordé l’homme.
— L’Agent Glasc ici présente a quelques hologrammes à vous montrer. (Hal tendit sa main et elle les lui donna, puis il les étala devant le gérant.) Vous reconnaissez quelqu’un ?
L’homme les regarda rapidement.
— Non, je ne crois pas.
Hal mit sa main gauche sur l’épaule droite de l’homme.
— Ecoutez, mon ami, j’essaie juste de vous donner une chance de vous en sortir. L’équipe de surveillance que nous avons sur les lieux nous a indiqué lequel de ces gars s’était trouvé là. Maintenant, soit vous confirmez cette information et répondez à d’autres questions, ou nous vous exilons ailleurs pour obstruction à la justice. Nous pouvons l’envoyez sur Kessel pour cela, n’est-ce pas Agent Glasc ?
Glasc acquiesça, son expression se durcissant encore.
— Pendant très longtemps.
Le petit homme trembla.
— Kessel ? Je ne sais même pas ce que c’est.
— Et je vous assure que vous ne voulez pas le savoir. Regardez de nouveau les holos, de plus près.
L’homme le fit, passant un doigt à la surface de chacun. Le manager ne laissa pas une éventuelle reconnaissance se trahir dans ses yeux. Même ainsi, la main sur son épaule, Hal pouvait sentir les légers soubresauts de ses muscles qui marquaient une pause à chaque image. Trois des cinq gars étaient déjà venus, mais la pause la plus longue avait été effectuée lors de l’image du milieu, celle du petit gars blond à la coupe militaire.
Le manager cligna des yeux.
— Je ne suis pas sûr.
— Laissez-moi vous aider.
Hal prit le holo du blond et le plaqua sur le front de l’homme. Il y mit plus de force qu’il n’aurait voulu, mais le fait que la tête du manager heurte le mur diminua l’air renfrogné de Glasc et, après tout, Han faisait tout ça plus pour l’apaiser qu’autre chose.
— Ce gars était là et vous vous en rappelez. Quand ?
— Euh, euh, peut-être hier, non, attendez, ce matin. Très tôt. Seuls les habitués sont là si tôt, vous savez. (Le manager imita le sourire grandissant d’Hal.) Il attendait quelqu’un, mais l’instant d’après il a perdu ses moyens.
Glasc intervint à cette remarque.
— Il a perdu ses moyens ?
Le manager grimaça au ton cinglant de la question.
— Eh bien, il était assis là, puis cette femme avec son verre et son cigare a trébuché et a renversé sa boisson sur lui. Le cigare a pris feu, je présume. Elle l’a aidé et il allait bien.
Hal secoua l’épaule de l’homme.
— D’accord. De quoi d’autre vous rappelez-vous ?
— Eh bien, lorsque le gars qu’il attendait s’est montré, ils ont parlé et le blond, il s’est agité. Il disait qu’on l’avait volé, puis il a déguerpi comme s’il avait volé la cape de Vador, vous savez ?
Glasc rétrécit ses yeux et se tourna vers Hal.
— Ce qu’il avait a donc été volé. La femme qui l’a enflammé doit l’avoir. A quoi elle ressemblait ?
Le manager s’humecta légèrement les lèvres.
— Eh bien, elle n’était pas très grande, les cheveux bruns…
Hal secoua la tête.
— C’est ridicule. J’ai un autre holographe à vous montrer. (Il fouilla dans sa poche intérieure et en sortit un holo. Il décolla le holo du front de l’homme et le rendit à Glasc, puis lui montra la nouvelle image.) C’était elle ?
Le manager secoua la tête.
— Jamais vue de ma vie.
J’espère bien. Ma femme ne se serait jamais retrouvée dans un endroit comme celui-là. Hal haussa les épaules et remit l’holographe dans sa poche.
— Merci de votre aide. Vous pouvez partir.
L’homme se précipita à l’extérieur tandis que Glasc attrapait l’épaule de Hal et lui faisait faire demi-tour.
— Pourquoi l’avez-vous laissé partir ?
— Pardonnez-moi d’avoir pris les devants dans votre enquête, mais vous savez que cette piste est une voie sans-issue. Nous recherchons la personne qui a tué Bel Iblis, n’est-ce pas ? Eh bien, quel assassin s’assiérait dans un tapcaf miteux comme un voleur de bijoux qui attendrait d’être arrêté ? Je n’ai aucun doute que notre jeune homme qui se trouvait là est coupable de quelque chose, mais c’était un sacré amateur pour s’être fait volé comme il l’a été. Et un aussi bon voleur a sûrement déjà mis beaucoup d’hyperespace entre lui et ce rocher.
Trabler fronça les sourcils.
— L’assassin attendait d’être payé.
Hal roula des yeux.
— Alors qu’est-ce qui a été volé ? La preuve qu’il avait tué Bel Iblis ? J’aurais pensé que les funérailles d’état sur Corellia retransmises dans toute la galaxie suffisaient comme preuve. De plus, un assassin aussi doué aurait demandé un paiement partiel d’avance, ce qui lui aurait permis de ne jamais s’abaisser à venir dans ces profondeurs. Nous devrions le chercher sur une planète touristique luxueuse, pas ici.
Hal observa Glasc et vit ses yeux vaciller d’avant en arrière pendant un instant. Il s’attendait à ce qu’une certaine panique s’emparât d’elle, mais ce ne fut pas le cas. Ce qui signifie que mes réserves de Force sont complètement épuisées, ou alors elle se contrôle très bien. Son histoire, inventée de toute part lorsque Trabler avait tiré sur Moranda, tombait en pièces, et les efforts de Trabler pour colmater les défauts avait simplement montré à quel point elle était absurde dès le départ. Ce qu’ils recherchaient avait été apporté sur Darkknell par le blond et volé par Moranda. Le fait que ces deux-là puaient l’arrogance des Mondes du Noyau suggéra à Hal qu’ils étaient sûrement Impériaux.
Hal secoua la tête. Cela voulait dire que lui et Moranda – si elle était encore en vie – couraient un danger plus grand qu’il n’avait imaginé.
*****
Garm Bel Iblis observa l’appartement usé alors que Moranda enfilait avec précaution une nouvelle veste. Ses quartiers étaient à peine plus grands qu’une boîte disposant d’une fenêtre et d’une sanidouche située au fond, juste à côté d’un placard dans lequel elle rangeait ses vêtements. Il ne vit rien qui indiquait qu’elle vivait ici depuis longtemps – et avant de se féliciter de ses capacités d’investigation, il se rappela qu’un inspecteur de la CorSec la recherchait, signifiant qu’elle était en fuite.
La pièce, décida-t-il, était l’équivalent des refuges pour les criminels. Les gouvernements utilisaient les refuges comme des lieux où ils pouvaient cacher un témoin avant un procès ou interroger un espion lors d’un débriefing. Il y avait plusieurs objets en vrac ici et là – des lampes mal assorties, une demi-douzaine de datacartes, un mélange de draps et de couvertures qui recouvraient un pad hors de vue près de la fenêtre, qui avait probablement été laissé là par d’anciens criminels.
Maintenant que je suis pleinement dans la Rébellion, je suppose que c’est le genre d’endroit dans lequel je vais passer du temps.
— Cet endroit n’est pas grand-chose, je sais. Moi non plus. (Moranda réapparut, vêtue d’une tunique bleue recouverte d’un manteau marron foncé. Elle fit manœuvrer son épaule droite en cercles, supprimant presque la grimace qui découla du mouvement.) Voilà, comme neuve.
— Un bain de bacta vous l’aurait rendue comme neuve.
— C’est vrai, mais le tir a juste endommagé la chair, rien de cassé. De plus, ces droides MD ont la fâcheuse habitude de rapporter les blessures de blaster aux autorités. (Moranda la fixa intensément.) Et vu que vous semblez être un Rebelle, je ne crois pas que vous vouliez attirer l’attention.
Bel Iblis se tendit involontairement, puis plissa les yeux.
— Comment l’avez-vous deviné ?
— Pas besoin de le deviner. (Elle mit un doigt sur sa tempe.) D’abord, vous vous êtes soucié de revenir me chercher, et pas pour fouiller mon cadavre. La compassion est rare de nos jours, et les Rebelles semblent l’apprécier. Ensuite, vous êtes venu bien que vous soyez suffisamment intelligent pour savoir que ceux qui m’ont tiré dessus faisaient probablement partie des Renseignements Impériaux.
Bel Iblis acquiesça.
— La femme était Ysanne Isard, la fille d’Armand Isard.
Moranda écarquilla les yeux, puis trembla.
— Je savais que c’était une grosse affaire, mais pas à ce point…
— Quoi d’autre vous fait penser que je suis un Rebelle ?
— Arky a une certaine réputation. Vous êtes clairement Corellien, et les Corelliens détestent recevoir des ordres. Le bandage que vous m’avait fait suggère que vous avez passé du temps dans l’armée, ce qui vous a appris la loyauté de la façon dont elle était avant que Palpatine ne devienne orgueilleux. Enfin, si les Impériaux recherchent quelque chose, ceux qui s’opposent ont de grandes chances d’être des Rebelles.
— Vraiment ? (Bel Iblis laissa la question planer un instant.) Peut-être suis-je du Soleil Noir ?
— Ha ! Vous oubliez la compassion.
— Hum, vous marquez un point. (Il réfléchit un moment.) Qu’est-ce qui vous fait croire que les Impériaux recherchent quelque chose et non quelqu’un ?
— Hé bien, je l’ai deviné puisque Cœur de Glace est là. Pour une mission mineure, ils auraient juste envoyé quelques-uns de leurs chauffeurs. Elle a un cerveau, donc ils doivent vouloir poser des questions avant de tirer.
— Hormis dans votre cas.
Moranda regarda Bel Iblis de travers.
— Le fait est, j’ai volé quelque chose à un jeune homme nerveux, et c’était la propriété de l’Empire – très importante propriété – codée de partout. Vous avez été envoyé ici pour le récupérer, n’est-ce pas ?
Bel Iblis haussa les épaules aussi naturellement que possible.
— Pouvez-vous prouver que vous êtes la voleuse ?
Elle acquiesça et retira un foulard noir de la poche de sa veste.
— Le paquet que j’ai échangé avec celui que j’ai volé a la même chose que ça pour le tenir. Ça vous dit quelque chose ?
Il tendit le bras et passa son pouce sur le matériau.
— Où est le paquet maintenant ?
Elle rit.
— Pas si vite, Rebelle. Je vous suis reconnaissante du bandage sur mon bras, mais j’aimerais avoir les ressources pour quitter ce trou boueux et m’éloigner d’Hal Horn. Combien vaut-il pour vous ?
— Vingt-cinq mille crédits.
— Que diriez-vous de cinquante ?
— Vendu.
Moranda écarquilla de nouveau les yeux.
— Il vaut cher, hein ? Ne peut-on pas prévoir un petit bonus également ?
— Où est-il ?
Elle siffla et Bel Iblis sentit son cœur se serrer.
— Dans un endroit sûr.
— C’est-à-dire ?
— La raison pour laquelle je parle de bonus. (Elle secoua la tête.) J’ai glissé les datacartes dans la portière du speeder de location d’Isard. Cela vous surprend, mais ne vous inquiétez pas. Des défis comme cela font toujours ressortir le meilleur de moi-même.
*****
Hal était assis seul à l’arrière du speeder alors que Glasc les menait au centre des opérations. Elle avait écarté Trabler au Vide Continuel, lui donnant des ordres, l’envoyant agir seul. Elle lui avait dit que Trabler se rendait au spatioport pour voir comment les choses s’y déroulaient, mais il doutait que ce soit la vérité. N’importe quelle information que Trabler pouvait apprendre en personne pouvait tout aussi bien lui être donnée via comlink.
Hal n’accordait que peu d’attention au paysage défilant par les visières du speeder. Il se demandait ce qui l’avait poussé à montrer au dirigeant du tapcaf un holo de sa femme au lieu de celui de Moranda. J’ai reconnu Moranda d’après la description à la seconde où il a eu terminé – le cigare utilisé pour rôtir le blond était révélateur – mais pourquoi l’ai-je protégée ? Maintenant je sais qu’elle est impliquée, et cela élimine cette histoire d’assassin. Nous avions un simple vol, mais la présence d’Impériaux suggère que ce n’est pas aussi simple.
En ne montrant pas à l’homme le bon holo, Hal avait anéanti la seule piste solide qu’avait Glasc. Il se douta, du fait que ce soit une Impériale et parce qu’elle questionnait sa loyauté, que la proie qu’elle pourchassait était d’une certaine façon connectée à la Rébellion. Hal Horn n’avait aucun amour pour les Rebelles – ils se positionnaient du mauvais côté de la loi et c’était suffisant pour récolter son opposition – mais il n’était pas non plus fou des Impériaux. Il avait essayé de freiner les excès de zèle d’opérateurs Impériaux plus d’une fois, ce qui résultait en général à devoir nettoyer après eux.
Les actes de Trabler étaient l’exemple parfait du type d’excès qu’il voulait éviter. Il aurait pu facilement courir après Moranda et l’attraper. Au lieu de cela, sans avertissement, il avait simplement sorti son blaster et tiré. Hal espérait qu’avoir brouillé la cible de Trabler avait empêché Moranda de mourir, mais il supposait malheureusement qu’elle était soit décédée, soit sérieusement blessée.
La disposition de Trabler à tirer pour tuer quelqu’un qui, bien que coupable, n’était qu’un spectateur dans l’affaire, montrait à Hal que l’Empire ne cherchait pas à faire de prisonniers. Quoi que Moranda ait volé, ce devait être extrêmement important – des secrets d’état, sans aucun doute. Et si j’en sais autant, je suppose que je devrai renoncer à ma vie à un quelconque moment – quand je ne serai plus utile, ou que je deviendrai un fardeau.
Ce constat ne le paniqua pas. Oui, Hal s’inquiétait et détestait l’idée de ne plus jamais revoir sa femme ou son fils, mais un sentiment de calme l’envahit. Il se rappela lorsqu’il était très jeune, âgé de moins de six ans, qu’il avait fait un caprice sur un jouet et l’avait cassé. Son père l’avait amené dans la cour et lui avait dit qu’il ne pouvait pas laisser ses émotions le ravager ainsi, car cela perturbait son univers. Son père avait commencé à lui apprendre de simples exercices pour se relaxer, et avait insisté jusqu’à ce qu’ils deviennent comme une seconde nature pour Hal.
S’il était calme, il pouvait réfléchir, ce qu’il fit alors que Glasc arrêtait le speeder devant la porte d’entrée d’une petite maison. Des arbustes la dissimulaient des autres maisons à proximité. Une allée montait sur la gauche et semblait rejoindre un passage ou une autre allée à l’arrière de la propriété. Le lieu fit immédiatement penser Hal à une planque, et alors qu’il pouvait imaginer quelqu’un de la Sécurité Spéciale de Darkknell l’utiliser comme quartier général, l’isolement du bâtiment – bien que construit dans la ville – le mit mal à l’aise.
Glasc déverrouilla la porte et entra la première, puis ferma derrière eux et prit la direction d’un couloir étroit qui traversait la cuisine et menait à une annexe qui émergeait derrière la maison.
— Par ici, mon bureau est là-bas.
Hal la suivit de près. Elle se retourna pour lui dire quelque chose au moment où ils étaient dans la cuisine, mais ses efforts pour attirer son attention ne fonctionnèrent pas complètement. Une demi-seconde avant que Trabler n’émerge de derrière une porte et abaisse ses mains à l’arrière du cou d’Hal, il sentit sa présence et passa à l’action.
Hal tomba à genoux et se jeta en avant, forçant Trabler à se pencher pour maintenir sa prise. Alors que l’Impérial resserrait sa poigne, Hal se redressa et se mit sur un genou. Il jeta l’arrière de sa tête dans le visage de Trabler, produisant toutes sortes de sons craquants qui, il en était presque sûr, ne provenaient pas de son squelette. Trabler hurla et le relâcha, levant les mains pour couvrir son visage abimé. Hal se tourna vers la droite, lançant sa jambe droite en direction des chevilles de Trabler. L’homme imposant vacilla, renversa une table, et s’écroula au sol.
Hal glissa une main dans la veste de Trabler en sortit le Pénétrateur Luxan. Il retira la sécurité avec son pouce pour tira rapidement vers Glasc. Elle esquiva, son blaster à la main, son tir à elle détruisant une assiette sur une étagère près de la tête d’Hal. Hal plongea à droite et s’accroupit. Derrière lui, Trabler, dont le visage n’était qu’un masque de sang, avait sorti une vibrolame de sa botte et se relevait. Hal lui tira en plein cœur, puis se cacha derrière l’unité de stockage de nourriture.
Glasc fit feu, son tir traversant l’unité de stockage.
— Ceci ne vous protègera pas.
— Je ne le pensais même pas. (Hal sortit le holo de Moranda de sa poche et le jeta au sol. Il laissa à Glasc le temps de le voir, puis tira dessus, le transformant en une bulle noire brûlante.) Ceci le fera.
— De quoi est-ce que vous parlez ?
— Vous, les gens des Renseignements, vous pensez toujours être au-dessus du lot, mais j’ai passé ma vie à trier les vérités des mensonges, et j’en ai trié suffisamment ici pour savoir que vous recherchez quelque chose qu’un opérateur Rebelle a volé. C’était le blond, et un escroc a pris ce qu’il transportait. Elle l’a maintenant, et c’était son holo.
— Et vous croyez que parce que vous avez détruit cet holo, je dois vous laisser en vie afin de l’identifier ? (Le rire de Glasc emplit la cuisine.) Les mandats que vous avez apportés ici sur Darkknell pour son arrestation vont nous fournir un autre holo d’elle.
Elle acheva son commentaire par un autre tir qui fit tomber du métal brûlant sur la veste d’Hal.
— Moranda Savich est une as du déguisement, donc vous le la retrouverez pas. Mais plus important, votre Trabler l’a probablement tuée. Je suppose que vous lui avez demandé de vérifier auprès de la police locale ou des hôpitaux s’ils ne l’avaient pas trouvé, n’est-ce pas ? Ce n’est pas le cas, ce qui veut dire qu’elle est là, dehors, et qu’elle a probablement reçu de l’aide.
— Et en quoi cela va-t-il vous permettre de survivre ?
— Parce que je la connais. Je l’ai poursuivie sur une demi-douzaine de mondes. Je sais comment elle opère, je sais à quoi ressemblent nombre de ses déguisements. Sans moi, vous ne la retrouverez jamais – oui, si c’est le cas, pas à temps. (Il accentua les derniers mots pour mettre la pression sur l’agent, même si les mesures désespérées déjà utilisées lui disaient que le temps pressait pour retrouver ce que Moranda avait volé.) Laissez-lui la chance de reprendre son souffle, et elle vendra son trophée aux Rebelles.
— Je ne crois pas pouvoir vous faire confiance pour m’aider.
— Ah, excusez-moi, mais ici, je suis celui qui a des problèmes de confiance, vu que votre associé a tenté de me décapiter. (Hal secoua la tête.) Paranoïaques Impériaux… Cela ne semble jamais s’arrêter. Croyez-le ou non, je souhaite vraiment capturer Moranda. Vous êtes ma meilleure chance pour ça. Ma seule autre alternative, c’est de vous tuer et d’espérer échapper aux charges pour meurtre. Je vous aide, vous dites que l’arme de Trabler s’est déchargée par accident, et nous sommes tous en règle.
— Vous avez raison, bien sûr. Vous n’échapperez jamais à une charge pour meurtre. (Une touche de confiance naquit dans sa voix et fit frissonner Hal.) Je suis Ysanne Isard, la fille du directeur des Renseignements Impériaux. Vous seriez chassé toute votre vie et votre famille disparaîtrait.
— Ravi de faire votre connaissance.
Hal soupira aussi doucement qu’il le pouvait. Les choses ne pouvaient pas empirer davantage, n’est-ce pas ?
— Et vous avez raison. Je suis ici à la recherche d’un coursier Rebelles. Il a volé…
— Ne me le dites pas. Je ne veux rien savoir. Si vous me le dites, vous devrez me tuer. (Hal ferma les yeux un instant.) Je suis là pour attraper un voleur, et ce voleur a quelque chose que vous convoitez. Je l’attrape, vous le récupérez. Je n’ai pas besoin de savoir ce que c’est.
— Très bien, très intelligent de votre part. (Elle hésita un moment et Hal voulut s’agenouiller, sans savoir pourquoi.) J’ai presque envie de vous faire confiance, mais puisque je n’ai pas votre profil de sécurité complet, je ne demanderai qu’une condition à notre alliance.
— Quoi donc ?
Un objet noir et fin en forme de ruban roula au sol et se déplia en s’arrêtant à ses côtés. On aurait dit une fine ceinture avec un fermoir noir, et Hal le reconnut immédiatement comme étant un collier de choc. Une fois fermé autour de son cou, il pouvait être commandé à distance pour se resserrer, coupant l’afflux sanguin vers son cerveau afin de le rendre inconscient. Ils étaient souvent utilisés pour maîtriser des prisonniers lors de leurs travaux. Une commande générale de constriction émanait d’une unité centrale de contrôle, les colliers se resserrant lorsque les prisonniers se déplaçaient dans des zones non autorisées, annihilant ainsi toute tentative d’évasion.
Hal le ramassa et le laissa pendre dans sa main.
— Vous aurez l’unité de contrôle et ce sera un dispositif mortel ?
— Si j’en donne l’ordre, ou si mon cœur cesse de battre, le collier se resserrera. Sans une clé, ou sans avoir quelqu’un de confiance pour tirer dessus et l’enlever de votre cou, vous serez mort peu de temps après moi.
Hal ne voulait pas mettre le collier, mais la tuer et passer le reste de sa vie en fuite semblait être l’unique alternative.
— Un sabre laser pourrait être capable de le couper.
— Peut-être, mais les Jedi sont tous morts. C’est maintenant l’époque de la Justice Impériale, Hal Horn.
— J’en suis bien conscient.
Hal passa le collier autour de son cou, le referma, puis le passa sous sa chemise pour le dissimuler. Il jeta le Pénétrateur et se releva lentement.
— Me voilà, à votre service.
Isard se montra, lui fit apercevoir le dispositif de contrôle, et rangea son blaster dans son holster.
— Nous allons reprendre la recherche à l’endroit où je vous ai rencontré.
— Ne vous embêtez pas. Arky sera parti depuis longtemps. Il savait que vous étiez des Impériaux bien avant moi. (Hal sourit.) Retournons au Vide Continuel. C’est le seul endroit qui a de la liqueur Gralish en stock et Moranda l’adore. Après s’être fait tiré dessus, elle voudra un remontant. C’est le meilleur endroit pour commencer.
Partie 4
— De quoi parlez-vous ? demanda Isard, le ton déjà froid de sa voix se glaçant davantage alors qu’elle se penchait encore plus au-dessus du bar du Vide Continuel. Il était là il y a deux heures. Par le diable, où a-t-il pu aller ?
— Je ne sais pas, Agent Glasc, balbutia le Dévaronien à l’air nerveux qui se tenait de l’autre côté du bar, reculant d’autant de centimètres qu’Isard avait avancé. Que l’Empereur en soit témoin, je ne sais vraiment pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il a reçu un appel il y a une demi-heure, m’a dit de tenir le bar pour le reste de la journée, puis est parti comme si Vador lui-même était à ses trousses. C’est tout ce que je sais. Je le jure.
— C’est sûrement vrai, murmura Hal aux côtés d’Isard, tous ses sens concentrés sur le Dévaronien. (Les membres de cette espèce étaient faciles à lire si vous saviez quoi chercher. C’était le cas d’Hal.) Au premier abord, je dirais que notre proie s’est occupée de régler quelques détails.
— Il n’a aucune idée de la notion de détail, rétorqua Isard d’un ton acide, ses yeux fumants rivant toujours l’infortuné barman au mur.
Mais il y eut un changement subtil dans son ton, suffisamment pour Hal pour deviner que sa colère était maintenant tournée vers Moranda et non plus vers le Dévaronien. Vers Moranda – et vers son complice pour l’instant non identifié.
Et ce dernier commençait à inquiéter légèrement Hal. Cela irait si c’était un camarade criminel, soit un vieil ami ou une nouvelle connaissance – ils étaient dangereux, mais les gens de la frange avaient un profil psychologique connu. Mais étant donné les circonstances, il pourrait tout aussi bien être un membre de la Rébellion.
Et c’était un tout autre problème à gérer. Comme feu Trabler l’avait remarqué, les Rebelles venaient de toutes parts, avec des profils allant de l’opportuniste au fanatique. Les criminels de la frange évitaient en général de tuer des membres des forces de l’ordre sauf en cas d’absolue nécessité, cela attirant beaucoup trop l’attention dans leur direction. Bien trop souvent, au contraire, les fanatiques vénéraient la violence et la notoriété.
Ce serait assez mauvais si un tir perdu d’un laser Rebelle l’atteignait dans le dos sans raison.
Mais ce serait encore pire si le Rebelle tirait sur Isard, et que son cadavre soit la dernière vision d’Hal avant que le collier de choc lui ôte la vie.
— Très bien, fit Isard, interrompant le fil déplaisant des pensées d’Hal. Si elle lui a raconté une histoire qu’il a crue facilement, elle a certainement un lien avec une connaissance ou un ami. Je veux leurs noms. Tous. Maintenant.
Le Dévaronien haleta.
— Je – bien sûr. Laissez-moi regarder la liste des profils.
Glissant près du bar, il se dirigea vers le bureau du manager.
— On perd notre temps, murmura Hal, se tournant dos au bar pour observer les autres clients. (Un mélange de simples travailleurs et de moins simples types de la frange, nota-t-il, assez coutumier de ce genre d’endroits.) Même si on le retrouve, et même s’il a pu bien observer Moranda, elle a eu plus de temps qu’il lui en fallait pour changer d’apparence.
— Le fait qu’elle et Arkos pensent que le manager était suffisamment important pour lui faire quitter la ville montre qu’ils sont raisonnablement concernés à son propos, remarqua Isard.
— C’est possible, fit Hal. Sauf que je ne crois pas que ce soit Arkos qui soit avec elle.
— Et pourquoi donc ? demanda Isard. Il était là lors de la scène. Il a même probablement vu Trabler lui tirer dessus.
— C’est exactement la raison pour laquelle ce n’est pas lui, dit Hal. Je connais Arkos, il n’est pas le genre de type à se mêler d’une fusillade. Tout du moins sans une sérieuse demande de quelqu’un d’autre.
Isard grommela.
— Bien, donc elle a choisi quelqu’un d’autre. Le fait est qu’en se lançant dans une telle fuite, ils ont dû s’écarter des sentiers battus. Si nous pouvons retrouver le manager et entendre l’histoire qu’ils lui ont racontée, nous serons peut-être capables de découvrir où ils sont partis.
— Je vois, souffla Hal, jetant un œil au visage d’Isard.
C’était une approche raisonnable, caractéristique de sa franchise.
Malheureusement, cela allait requérir une équipe travaillant sur ces données qui s’étendrait presque jusqu’à Coruscant. Si elle avait réellement tant de pouvoir ici…
— Ne vous inquiétez pas, nous n’allons pas tout faire tout seul, poursuivit Isard sans même le regarder. (Apparemment, elle n’était pas en reste pour lire les expressions des gens.) Il y a un centre des Renseignements au sein d’un meilleur quartier de la ville où je peux m’introduire dans les ordinateurs de la Sécurité de Darkknell. Quelques ordres bien placés, et les locaux auront la liste complète des connaissances du manager avant la tombée de la nuit.
— Hum, fit Hal en repensant à sa précédente altercation avec les officiels de Darkknell. Vous devriez espérer qu’ils ne découvrent pas ce que vous faites, la prévint-il. Le Colonel Nyroska m’a frappé comme étant très strict sur le protocole. Des ordres implantés n’en font pas exactement partie.
— Le Colonel Nyroska fera ce qu’on lui dit de faire, répliqua froidement Isard, évacuant Nyroska d’un battement de cil. Cela vaut également pour le reste de cette racaille.
Et pour moi aussi, je suppose ? demanda silencieusement Hal, étant parfaitement conscient de la douce pression du collier de choc sur sa gorge. Une question rhétorique, bien entendu. Il n’était qu’un pion de plus, après tout, comme la Sécurité de Darkknell et Trabler et probablement une douzaine d’autres dont les vies brisées gisaient dans son passage. Peut-être même des centaines, si l’on en croyait les histoires racontées sur Armand Isard et ambitieuse fille.
Il la regarda de nouveau. Oui, il était un objet. Mais après tout, un sabre laser aussi, et nombreux étaient les prétendants Jedi présomptueux qui s’étaient tranché un membre. Parfois, des objets mal maitrisés pouvaient être très dangereux.
Quelque chose à garder à l’esprit.
*****
Le petit homme que Moranda avait désigné mit son sac de voyage dans la zone de chargement du cargo, puis grimpa dans le compartiment passager, un signe évident d’inconfort émanant de lui au vu de ses mouvements nerveux.
— Il monte à bord, annonça Bel Iblis en baissant ses macrobinoculaires, un éclair de culpabilité le traversant. Mais que va-t-il penser lorsqu’il arrivera sur Raykel ?
— Continuez de regarder le transporteur, l’interrompit Moranda d’une voix distraite. Assurez-vous qu’il soit toujours à bord lorsqu’il partira. Et puis, quel est le problème ? Il sera soulagé de découvrir que son père n’est pas mort dans un accident.
— Je suppose que oui, fit Bel Iblis en lui jetant un coup d’œil. (Assise à la table de son appartement, fixant un datapad, elle était malheureusement insensible aux coups d’œil pour le moment.) D’un autre côté, ce trajet va lui revenir assez cher.
— La vie n’est jamais juste, dit-elle. Si vous vous en inquiétez, vos amis Rebelles n’ont qu’à le rembourser.
Bel Iblis grimaça.
— La Rébellion est difficilement un puits d’argent sans fond.
— Le transport, Garm, répéta-t-elle en pointant la fenêtre du doigt sans lever les yeux. Observez le transport.
Ravalant un juron, Bel Iblis se retourna vers la fenêtre et releva les macrobinoculaires. Ces derniers jours, il avait réussi à faire reculer l’agonie de la mort de sa famille à une douleur sourde, une peine qui colorait chaque minute mais qui le laissait capable d’agir relativement correctement.
Mais « relativement correctement » ne signifiait pas qu’il n’y avait pas un brin d’impatience et d’amertume dans son attitude, quelque chose que cette petite voleuse arrogante semblait ignorer. C’était une lutte de tous les instants pour ne pas lui cracher au visage le fait que dans des circonstances plus normales, il n’aurait eu que faire de ces conflits personnels mineurs.
Mais c’était un effort qu’il devait faire. Un effort qu’il se forçait à faire. Il avait besoin de son aide pour retrouver ce datapack, pour récupérer cette information vitale qui pourrait bien aider la Rébellion. Et de plus, elle n’était pas responsable de sa mauvaise humeur.
A trois blocs de là, le transporteur se mit en mouvement et se fraya un chemin vers le bas de la rue.
— Il s’en va, annonça-t-il à Moranda en se tournant de nouveau vers elle. Et il n’est pas sorti.
— Bien, dit-elle en repoussant son datapad, l’air satisfaite. (Elle tira sur son cigare puis prit son comlink.) Il n’aurait pas été très utile à votre amie Isard, mais cela lui donnera quelque chose à faire pendant que nous remuons un peu le cocotier.
— Ce qui signifie quoi ?
— Ce qui signifie qu’il est temps de faire appel à la loi, dit-elle. J’ai retiré un nom de la liste privée de types incorruptibles qu’Arkos nous a fournie. Espérons qu’il ait l’intelligence de prendre la direction que nous souhaitons.
Elle pianota sur le comlink et le leva. Il y eut une pause.
— Nyroska, fit une voix craquante dans l’appareil.
— Bonjour Colonel, dit Moranda. Vous ne me connaissez pas mais j’ai un petit problème et je pensais que vous pourriez aider.
Le soupir de Nyroska fut à peine audible.
— Si vous appelez votre bureau de Sécurité local…
— J’ai en ma possession un objet très cher et politiquement explosif, l’interrompit Moranda. Un objet que l’officier des Renseignements Impériaux qui vadrouille en ville veut absolument.
Il y eut une brève pause.
— Vous êtes mal informée, fit Nyroska. Il n’y a aucun agent des Renseignements Impériaux sur Darkknell.
— Arrêtons de jouer, Colonel, fit Moranda d’une voix où perçait la colère. Vous et moi savons qu’elle est là. Honnêtement, c’est dur de ne pas la repérer, avec ce type blond musclé et son Pénétrateur Luxan faisant le mauvais boulot pour elle. Elle est à Xakrea, remuant ciel et terre pour un datapack Impérial capricieux.
— Je vois, fit Nyroska. (Son ton restait professionnellement neutre, mais Bel Iblis put y déceler une note d’intérêt.) J’en déduis que le datapack est l’objet de valeur dont vous avez parlé ?
— En effet, confirma Moranda. Dans d’autres circonstances plus normales, j’aurais directement pris contact avec elle pour négocier un échange. Deux problèmes : je n’ai pas sa fréquence de comlink, et je n’aime pas l’idée de Blondie et son Luxan vadrouillant à l’arrière. Donc je préfère négocier l’échange avec vous.
— Je ne sais rien à propos d’agents Impériaux sur Darkknell, dit Nyroska en durcissant sa voix. Mais si vous êtes en possession de biens volés, la chose la plus intelligente que vous pouvez faire est de l’amener au quartier général de l’Agence de la Défense et les rendre.
— Cela me convient, dit Moranda. Le million sera prêt ?
— Le quoi ?
— Le million, répéta Moranda. En coupures Impériales, évidemment, pas en monnaie locale.
— Vous plaisantez, fit sèchement Nyroska.
— Est-ce que vous m’avez entendu rire ? contra Moranda. Croyez-moi, Colonel, un million ne couvre même pas sa valeur. Les Impériaux voudront vous l’acheter pour deux millions. La Rébellion, si vous les trouvez, en paiera trois. Mais ne prenez pas ma parole en compte, parlez à l’Impériale et voyez ce qu’elle vous dit. Bien sûr, si vous le lui donnez, elle gardera probablement les crédits mais après tout, la vertu est son propre confort, n’est-ce pas ?
— Et qu’est-ce qui vous fait dire qu’un agent Impérial ne me rira pas simplement au nez ? En supposant qu’elle ne soit pas juste le fruit de votre imagination.
— Oh, elle est là, lui assura Moranda. Et elle ne rira pas. Croyez-moi.
Une autre pause.
— Très bien, je vais faire quelques recherches et voir ce que je peux trouver. Comment est-ce que je reprends contact avec vous ?
— Je vous appellerai, lui dit Moranda. Rappelez-vous : un million. Mais transmettez ce message, et ce sera terminé pour vous.
Elle raccrocha.
— Et maintenant ? demanda Bel Iblis.
— Comme je l’ai dit, on espère qu’il est intelligent, dit-elle en se levant, repoussant son comlink et son datapad. Et en supposant qu’il le soit, on quitte les locaux. Immédiatement.
*****
Nyroska fixa un instant le comlink. Transmettez le message, et ce sera terminé pour vous. Les mots résonnaient à ses oreilles.
— Pas vraiment, murmura-t-il pour lui-même. Pas vraiment.
Il tourna les yeux vers l’autre bout de la pièce.
— Lieutenant ?
— Je l’ai, Colonel, rapporta le Lieutenant Barclo. Cela venait de l’un des appartements du bloc de la Niche de Karflian – un mélange de frange et de basse classe – au nord de la ville. J’ai une escouade d’airspeeders en route.
— Envoyez deux escouades supplémentaires en renfort, ordonna Nyroska. Puis vérifiez si nous avons des agents des Renseignements Impériaux sur Darkknell en ce moment.
— Je suis sûr que nous en aurions entendu parler sur c’était le cas, Colonel.
— Effectivement, ce devrait être le cas, acquiesça amèrement Nyroska. Comme je l’ai dit, vérifiez.
— Bien, monsieur.
Nyroska reposa son comlink et tourna sa chaise vers la grande holocarte de la ville derrière lui. S’il y avait un opérateur étranger agissant dans sa ville derrière son dos, il voulait le savoir.
Et si un tel agent était à la recherche de quelque chose valant un million de crédits ou plus en coupures Impériales, il voulait encore plus être au courant.
Accédant à la base de données du spatioport, il afficha les dernières arrivées et lança une recherche.
*****
La liste des profils du manager était courte. Extraordinairement courte. Etrangement courte.
— Triste, n’est-ce pas ? fit Isard dédaigneusement lorsqu’Hal eut fini de la parcourir. Et ils s’imaginent que nous n’y verrons que du feu.
— C’est le cas, en effet, acquiesça Hal en lui rendant le datapad. (La section « personnelle » du profil du manager contenait exactement douze noms : ses parents, un frère et neuf amis. Il existait des colonies fongiques Corelliennes qui avaient des listes d’associés plus longues que ça.) Néanmoins, le fait qu’il truque sa liste d’associés ne signifie pas qu’il est lié à Moranda.
— Il fait partie de la frange, fit placidement Isard. La liste le hurle. Et les types de la frange sont toujours ensemble lorsque le conflit débute. (Elle réfléchit.) Remarquez, pas lorsque nous resserrons l’étau d’en bas et qu’ils se mettent à courir pour leur vie. Mais jusqu’à ce moment, ils restent soudés.
— Peut-être, murmura Hal, son regard dérivant vers la voie de circulation nord de la cité. (L’airspeeder solitaire rouge et blanc qu’il avait repéré quelques instants auparavant venait d’être rejoint par deux autres, avançant comme si leurs queues étaient enflammées. Les marquages étaient impossibles à distinguer à cette distance, mais il avait vu des airspeeders de ces couleurs garés à l’extérieur du bureau du Colonel Nyroska.) Je présume que nous commençons par la famille ?
— Etant donné que ses proches amis – à supposer qu’il en ait – ne sont à l’évidence pas sur cette liste, je dirais que oui, fit Isard d’un ton acide. A moins qu’ils soient des imposteurs eux aussi. Vous pensez qu’ils vont faire quoi ?
— Qui ?
Isard fit un geste avec son datapad.
— Ces trois airspeeders de la Défense de Darkknell, dit-elle. N’essayez pas de me faire croire que vous ne les avez pas remarqués.
— Je les ai vus, confirma Hal calmement. Vous pensez qu’ils ont une piste sur votre Rebelle ?
— Je ne vois pas d’autres raisons pour lesquelles ils utiliseraient du personnel de Défense, murmura Isard, ses yeux dépareillés fixant avec attention les airspeeders désormais en phase de descente. Si c’est le cas, nous pouvons retirer l’information de leurs ordinateurs lorsqu’ils atterriront.
— Nous allons là-bas maintenant ?
— Bientôt, fit Isard en levant son datapad. J’ai vu un nom sur cette liste qui était aussi sur celle des clients fréquent d’Arkos. Alors voir si, contrairement aux autres, il n’a pas eu l’idée de s’évanouir.
*****
— Merci de revenir vers moi aussi rapidement, fit Nyroska dans son comlink.
Il observa l’appareil que Barclo lui donnait et lui fit un discret signe de tête. Barco acquiesça en retour et revint à l’écran de traçage.
— Pas de problème, fit la voix de la femme en retour. Êtes-vous prêt à me croire à propos de l’agent Impérial ?
— C’est possible, dit Nyroska. Nous n’avons pas votre agent, mais nous avons un homme blond costaud dans une cuve à la morgue. Les analystes me disent qu’il a été abattu à bout portant par un Pénétrateur Luxan.
Il y eut une brève pause à l’autre bout de l’appareil.
— Intéressant.
— Donc vous ne saviez pas qu’il était mort ? s’enquit Nyroska.
— Suggérez-vous que j’aie quelque chose à voir avec ça ? demanda-t-elle en retour ?
— Non, bien sûr que non, répondit Nyroska d’une voix apaisante.
Ce qui était, de fait, réellement le cas. Durant sa carrière, il avait lu de nombreux visages et analysé beaucoup de voix, et la brève pause était la preuve dont il avait besoin pour savoir qu’il l’avait réellement prise par surprise.
Ce qui signifiait que bien qu’elle soit sûrement une voleuse, elle n’était certainement pas une meurtrière. Un point pour elle.
— Je vous ai donné cette information pour que vous sachiez que cette partie de votre histoire tient la route.
— Vous m’en voyez heureuse, dit-elle avec une pointe de sarcasme. Mais à moins que vous n’arriviez à l’agent Impériale elle-même, nous ne sommes pas plus avancés qu’auparavant.
— Pas nécessairement, dit Nyroska. Maintenant que je sais que votre histoire contient une part de vérité, je peux espérer convaincre mes supérieurs de prendre l’affaire au sérieux.
— C’est-à-dire ?
— C’est-à-dire que j’aimerais vous rencontrer, dit-il. Aucune obligation ni promesse, sauf que je n’essaierai pas de vous arrêter ou de récupérer la marchandise. Pour l’instant, je souhaite simplement parler.
— Oui, bien évidemment, siffla la femme. De façon complètement claire et dans les règles.
— Exactement, dit Nyroska, mettant toute la confiance possible dans sa voix. Vous devez réaliser que vous êtes dans une position intenable, particulièrement avec un cadavre à la morgue que l’agent Impériale pensera être de votre fait. Je dois être le seul à pouvoir vous aider. Et vous pouvez vérifier auprès de vos amis de la frange que je tiens parole.
Il y eut une autre longue pause.
— Je vais y réfléchir, dit enfin la femme. Je vous rappelle plus tard.
La connexion s’interrompit.
— Barclo ?
— Elle s’est déplacée vers le sud, au bord de Petit Duros, rapporta le lieutenant. J’ai trois airspeeders en chemin.
Nyroska acquiesça.
— Une perte de temps, probablement.
— Elle semble très douée pour éviter les mailles du réseau de communication, concéda Barclo. Alors que fait-on ? On attend qu’elle rappelle ?
— Plus ou moins, dit Nyroska et observant l’écran de son ordinateur. (L’ID de l’homme mort était vérifiée, ainsi que celle de la femme qui était arrivée au spatioport avec lui, mais pour l’instant ces pistes n’aboutissaient pas. Probablement une autre perte de temps.) Quelque chose sur le landspeeder qu’ils ont loué ?
— Il n’a pas encore été repéré, dit Barclo. Bien sûr, un Impérial pourrait avoir modifié les enregistrements par principe.
— Un mot délicat à utiliser en présence d’agents Impériaux, grommela Nyroska face à son écran. Je crois qu’il est temps que nous reprenions un peu l’initiative. Je veux que vous vérifiiez avec le Général à quelle vitesse on peut rassembler le paquet de crédits.
La mâchoire de Barclo s’affaissa légèrement.
— Vous voulez la payer ?
— Pas sans savoir ce qu’elle a exactement, dit Nyroska. Mais si cela s’avère être aussi explosif qu’elle le prétend, ce serait bien d’avoir plusieurs options à disposition.
— Je suppose, fit Barclo en secouant la tête. J’espère simplement que vous n’irez pas trop au fond des choses, Colonel. Nous parlons des Renseignements Impériaux, vous savez.
— Il s’agit de mon monde, Barclo, fit froidement Nyroska. Notre monde. Pas celui de Palpatine. Il pourra peut-être un jour être capable de gouverner tout l’Empire depuis Coruscant, mais d’ici là, nous avons des droits gouvernementaux et juridiques ici sur Darkknell. Et j’ai bien l’intention d’exercer ces droits.
— Oui monsieur, dit Barclo, l’air soumis alors qu’il prenait son comlink. J’appelle le Général immédiatement.
*****
Moranda coupa son comlink.
— Venez, dit-elle.
Ils traversèrent la rue et pénétrèrent dans le magasin de confiseries qu’elle avait repéré avant d’appeler Nyroska. Traversant la masse de clients, majoritairement Duros, elle ouvrit la voie vers l’entrée des employés à l’arrière, descendit une volée de marches vers la rue. Avec une promptitude gratifiante, le speeder-camion de maintenance de rue qu’elle avait aperçu depuis son point de vue tout à l’heure arriva au moment où ils atteignaient la rue, et l’instant d’après, elle et Garm étaient sagement dissimulés dans le bac vide de stockage de débris à l’arrière.
— Vous ne pensez pas qu’ils fouilleront cet engin ? demanda Garm en observant avec attention par l’ouverture par laquelle ils étaient montés.
— Pas lorsqu’ils verront que le bac est déjà plein d’ordures, lui dit Moranda. (Elle déboutonna sa veste et l’enleva, la retournant de sorte que le côté marron soit à la vue. Elle l’arrangea sur ses pieds et ses genoux, afin que ce soit la seule chose visible par l’ouverture en cas d’examen peu approfondi.) Tout est question de perception.
— Je suppose. (Il hésita.) Donc, il a été tué par sa propre arme ?
— A moins que quelqu’un d’autre en ville ne soit équipé d’un Luxan, acquiesça sobrement Moranda. Qu’en pensez-vous ? Horn, ou Isard elle-même ?
— Difficile à croire que ce soit l’un d’entre eux, dit Garm en secouant la tête. Sauf si Isard a retrouvé les datacartes et soupçonné son assistant de vouloir la doubler.
— Possible, fit Moranda, étudiant le visage de Garm du coin de l’œil.
Ils avaient limité les présentations à leurs prénoms, mais même malgré le déguisement simpliste qu’il portait, il y avait quelque chose de vaguement familier à son propos.
Ses yeux particulièrement. Ils étaient puissants et plein de connaissances, riches de savoir, de sagesse, et une douleur profonde mais privée. Une douleur récente, également, pour peu qu’elle puisse juger ce genre de choses. Ou peut-être s’agissait-il de sa voix ? Etait-il quelqu’un qu’elle avait entendu s’exprimer sur les canaux d’informations ?
Elle tourna résolument la tête. La situation avait piqué sa curiosité, mais pour le moment, elle avait des choses plus urgentes à traiter qu’un autre homme en fuite.
— Un signe des airspeeders ?
— Oh, ils sont là, l’assura Garm, se penchant au-dessus des genoux de Moranda pour récupérer leurs camouflages de fortune. Qui que soit le Colonel Nyroska, il agit rapidement.
— En effet, confirma Moranda. Bon, un dernier appel devrait suffire.
— Suffire à quoi, nous faire prendre ? demanda ostensiblement Garm. Hormis à mettre en valeur votre côté joueur, je ne sais pas ce que ces appels sont supposés accomplir.
— Nous devons faire sortir Isard de sa cachette, lui expliqua patiemment Moranda. Ce qui veut dire l’amener dans un lieu connu. En supposant qu’elle soit suffisamment intelligente pour remarquer toute cette activité des airspeeders de la Défense, j’espère que cela l’intriguera suffisamment pour se rendre dans l’un des bureaux de la Sécurité pour découvrir ce qu’il se passe. Le seul problème, c’est de découvrir lequel elle choisira.
— Probablement aucun d’eux, dit Garm. Il y a plus de chances qu’elle se rende plutôt au dépôt des Renseignements.
Moranda cligna des yeux.
— Le dépôt des Renseignements ?
— Bien sûr, dit Garm. Il disposera d’ordinateurs avec des bonnes capacités d’accès, et peut-être d’autres objets personnels. Sûrement que non, cela dit – ce lieu doit être trop petit pour être continuellement approvisionné.
Moranda le fixa.
— Comment savez-vous tout cela ?
Il haussa les épaules.
— J’ai accès à certains dossiers.
— Terrifiant, gronda-t-elle. Et il ne vous est pas venu à l’idée de me le dire avant ?
Il tourna ces yeux perçants vers elle.
— Avant, je ne savais pas ce que vous prévoyiez de faire, lui rappela-t-il.
Elle serra les dents. Mais il avait raison.
— Un de ces jours, il faudra vraiment qu’on apprenne à agir ensemble, dit-elle. Très bien, où est ce dépôt ?
— C’est une petite boutique à l’air abandonné, dans le district ouest principal, lui dit-elle. Je ne me rappelle pas de son nom, mais je connais son adresse.
— Cela suffira, fit-elle. Dès que nous aurons échappé à Nyroska, nous trouverons un landspeeder et nous y rendrons. (Elle fronça les sourcils alors qu’une pensée la traversait.) Je suppose que cet endroit n’aura pas de cachette d’armes supplémentaires qu’Isard pourrait utiliser contre nous, si ?
— C’est probable.
Moranda acquiesça d’un air sinistre.
— Terrifiant.
*****
Ils étaient assis à l’arrière de la terrasse du tapcaf près de la Boutique ClearSkyes depuis près d’une heure lorsque Moranda se raidit et fit un signe de tête.
— Là voilà, dit-elle en penchant son mug vers la droite de Bel Iblis.
Innocemment, il prit une gorgée de sa boisson et regarda dans la direction indiquée. A une vingtaine de mètres à peine, un landspeeder familier se garait.
— Tiens, tiens, murmura Moranda. Horn est toujours avec elle.
— Je vous ai dit qu’Isard allait lui raconter des histoires lorsqu’ils étaient chez Arkos, rappela Bel Iblis.
— Bien sûr, mais je n’aurais pas cru qu’il la suivrait encore, fit Moranda. Il aurait dû percer son histoire à jour il y a longtemps.
— Ou alors elle aurait pu obtenir ce qu’elle voulait de sa part et le mettre de côté, compléta Bel Iblis.
Il fronça les sourcils lorsqu’il vit Horn se tourner lentement à l’écart du landspeeder, vérifiant automatiquement les environs. Ses yeux passèrent sur eux sans indiquer qu’il les reconnaissait, le vent ouvrant son col alors qu’il continuait son tour.
— Passez-moi vos macrobinoculaires. Vite.
— Que se passe-t-il ? demanda Moranda en les sortant de sous la table.
— Un danger potentiel, luit dit Bel Iblis.
En dissimulant les macrobinoculaires entre ses mains et sa tasse, il les leva vers ses yeux et se concentra sur le cou de Horn alors qu’il traversait la rue vers la boutique.
Un seul coup d’œil lui suffit.
— Voilà qui rend le danger bien réel, dit-il sinistrement en baissant les macros. Horn porte un collier de choc.
— Oh, adorable, dit Moranda. Votre Ysanne Isard est vraiment une femme plaisante.
Isard tourna la serrure et elle et Horn disparurent à l’intérieur de ClearSkyes.
— Voilà qui change beaucoup de choses, Moranda, fit doucement Bel Iblis en se préparant à l’inévitable dispute. Ce collier de choc doit être lié à un interrupteur mortel. Je ne vais pas risquer la mort de Horn si Isard l’échappe, ou est blessée ou tuée.
— Je suis d’accord, dit-elle. D’un autre côté, il n’y a pas moyen que je me risque à sortir ces datacartes du véhicule si vous ne me couvrez pas en leur tirant dessus…
— Attendez un instant, la coupa Bel Iblis en fronçant les sourcils. (L’inévitable se produisait.) Avez-vous entendu ce que j’ai dit ? Horn est un homme bon et utile, et je ne vais pas risquer sa vie.
— Oui, j’ai entendu, dit-elle. J’ai dit que j’étais d’accord.
— Mais… bafouilla Garm.
Elle leva un sourcil.
— Quoi ? Juste parce qu’Horn m’a poursuivi sur la moitié de l’Empire, vous pensez que j’ai envie et hâte qu’il soit vaporisé ?
— Quelque chose comme cela, oui.
Elle détourna son regard et le reporta vers la boutique.
— Aussi étrange que cela puisse paraître Garm, j’ai pris l’habitude d’avoir Horn sur mon dos ces dernières années. C’est un opposant plutôt doué, vous savez, qui vaut le coup d’être affronté. J’aime beaucoup ce type de challenge. (Elle eut un sourire ironique.) De plus, s’il est celui qui m’arrête, je sais que je serai traitée équitablement. Dans le nouveau grand Empire de Palpatine, il y a peu d’hommes de loi en qui j’aurais autant confiance.
— Je suis heureux que nous soyons d’accord, dit Bel Iblis, le poids sur la poitrine s’allégeant alors.
Arkos en savait peu sur cette femme hormis son nom, mais sa confiance aveugle, sa fourberie et ses talents de pick-pocket avait créé dans son esprit l’image typique d’un membre de la frange, quelqu’un prêt à faire ce qu’il fallait pour obtenir ce qu’elle voulait. Le fait que le meurtre prémédité, ou même collatéral, soit apparemment hors de ses frontières éthiques rendait le travail avec elle plus acceptable.
En fait, cela ne la rendait pas pire que certains avec qui il combattait au sein de la Rébellion. Peut-être même moins pire que la moyenne.
— Donc, que fait-on maintenant ? (Moranda se mordit la lèvre.) Avez-vous pu obtenir des informations sur le collier de choc ? Design, fabricant, quelque chose ?
Bel Iblis fouilla dans sa mémoire.
— Tout ce que j’ai pu voir, c’est qu’il était noir, dit-il. Oh, et qu’il possédait une sorte de petite serrure à gauche de la gorge.
— Intéressant, dit-elle pensivement. Probablement une conception Jostrienne – ils utilisent des verrous mécaniques pour empêcher quiconque de scanner les fréquences de fermetures et enlever les colliers.
— Donc nous ne pouvons rien faire ?
— Je n’ai pas dit ça, répondit-elle, en réfléchissant de nouveau. Montez la garde ici – je vais faire quelques achats dans le magasin d’électronique là-bas.
— Et après ?
Elle lui toucha la main.
— Faites-moi confiance.
*****
— J’avais raison, dit Isard en pianotant sur l’ordinateur du dépôt. Ces airspeeders de la Défense répondaient bien à votre amie Savich.
— Est-ce qu’elle est identifiée par son nom ? demanda Hal.
Isard lui jeta un regard méprisant.
— Bien sûr que oui. Et cela inclut sa liste de profils associés également. Si vous ne devez que poser des questions stupides, Horn, gardez la bouche fermée.
Hal se mordit la langue alors qu’Isard se retournait vers l’ordinateur en grognant. Elle était devenue de plus en plus énervée au fur et à mesure de l’avancée de la journée, et découvrir que leur dernier lien connu entre Arkos et le Vide Continuel s’était évaporé avait été la goutte d’eau faisant déborder le vase. La colère, la frustration et la soif de sang étaient latents et contenus par une grosse volonté de sa part.
Et Hal suspectait que si quelque chose ne se rompait pas bientôt, cette soif de sang pourrait s’épancher sur un inspecteur de la CorSec qu’elle considérait visiblement comme de moins en moins utile.
Il déglutit, le mouvement dans sa gorge resserrant alors le collier autour de son cou. Au nom de Vador, qu’y avait-il dans ce datapack ?
Soudain, son comlink bipa à sa ceinture.
Isard se retourna comme si on l’avait frappée.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
— Mon comlink, répondit Hal.
— Je sais que c’est votre comlink, cingla-t-elle en réponse en se levant de sa chaise et se précipitant vers lui. Qui sait que vous êtes ici ?
— Seulement le Colonel Nyroska, fit Han en attrapant l’appareil. Voulez-vous que je lui réponde ?
— Bien sûr, dit-elle en s’approchant davantage. Peut-être qu’il a une piste sur Savich.
Hal acquiesça et décrocha.
— Horn.
— Bonjour Inspecteur, répondit une voix féminine joyeuse. C’est Moranda Savich. Comment allez-vous ?
Hal sentit sa respiration s’arrêter.
— Comment avez-vous obtenu cette fréquence ?
— Oh, ne soyez pas idiot, le réprimanda-t-elle. Vous l’avez enregistrée lorsque vous êtes arrivé sur Darkknell, vous vous rappelez ? Malheureusement, votre amie l’Impériale n’en a pas fait autant, en tout cas pas sous un nom que j’ai pu découvrir. Est-ce que, par hasard, elle serait là avec vous ?
— Je suis là, intervint Isard d’une voix glaciale. Vous avez mon datapack ?
— Bien sûr, si vous avez mon argent, dit Moranda. Un million de crédits, en coupures Impériales.
Hal jeta un coup d’œil furtif à Isard, se demandant si elle s’apprêtait à bouillir de rage. Mais à sa surprise, les yeux qu’il croisa étaient aussi calmes et froids qu’habituellement. Avec une potentielle reprise en main de la situation, sa frustration et son irritation passées s’étaient évaporées au profit d’un complet professionnalisme.
— Vous avez une bien haute opinion de sa valeur, fit Isard. Je vous en offre cent mille.
Moranda soupira fortement.
— C’est un peu radin, même pour une Impériale. Si vous ne voulez pas jouer, je suis sûre que quelqu’un d’autre voudra.
— Comme le Colonel Nyroska, par exemple ?
— Exactement, approuva Moranda. C’est vrai – j’oublie parfois que vous autres Impériaux êtes adeptes du piratage de systèmes informatiques officiels. Vous ne sauriez pas s’il a déjà rassemblé le million de crédits, par hasard ?
— Il a commencé à se renseigner, confirma Isard calmement. Je peux cependant vous assurez qu’il vaudrait mieux faire affaire avec moi.
— Mon but est de traiter avec le plus gros enchérisseur, remarqua Moranda. Néanmoins, je suis sûre que les Renseignements Impériaux peuvent proposer davantage qu’un ravitaillement de fuel sur un monde comme Darkknell.
— Certainement, fit Isard d’une voix où perçait une certaine menace. En plus des cent mille crédits, je peux également vous garantir que vous pourrez quitter les lieux saine et sauve.
— Ne me faites pas rire, souffla Moranda. J’ai échappé à l’Inspecteur Horn pendant des années – vous ne me croyez pas capable de faire la même chose avec les Renseignements Impériaux ?
— Non, répondit platement Isard. Je ne crois pas que vous le pourrez.
— Ecoutez-moi trembler, dit Moranda. Voici le marché. Je vous donne une heure, à vous et à Nyroska, pour rassembler vos colis – que du liquide, bien sûr. Puis je vous rencontrerai tous les deux à l’Entrepôt Quatorze du Groupe Firtee au nord de la ville, et l’un de vous repartira avec le datapack. C’est clair ?
— Très, fit Isard très doucement.
— Et n’insultez pas mon intelligence en tentant quelque chose, prévint Moranda. Je suis plutôt douée pour ce genre de jeu. Une heure, et venez seule.
Le comlink se coupa.
— Bien sûr que nous allons venir seuls, acquiesça Isard, comme si elle se parlait à elle-même en se rasseyant près de l’ordinateur. Pourquoi s’embarrasser de la présence d’un témoin ?
— Que faisons-nous ? demanda-t-il alors qu’elle saisissait quelque chose sur le terminal.
— Je retire tous les potentiels dangers au sol, lui expliqua-t-elle. Plus précisément, j’envoie tout le contingent du Colonel Nyroska vers un petit exercice d’entraînement inopiné.
Han sentit sa mâchoire s’affaisser.
— Vous n’êtes pas sérieuse. Il n’y a aucun moyen qu’il tombe dans un piège aussi grossier.
— Nous verrons, répliqua Isard. Le temps que ses hommes s’en rendent compte, le datapack et moi serons loin.
Hal grimaça.
— Le laissant sans rien à faire d’autre que trouver quelqu’un sur qui rejeter la faute. Moi, par exemple ?
Isard lui jeta un regard froid et désintéressé avant de se retourner vers l’ordinateur.
— Voyez cela comme votre opportunité de rendre à l’Empire un unique service.
— Oui, murmura Hal. Bien sûr.
*****
— Je ne peux pas dire que le Général soit vraiment enthousiasmé par la situation, rapporta Barclo en éteignant son comlink. Mais elle l’intrigue. Il dit que si vous pouvez prouver que ce datapack vaut un million, il peut avoir l’argent prêt dans deux heures.
— Bien, fit Nyroska en pianotant sur le clavier de son ordinateur. Bon, bon, le traçage de notre blond costaud de la morgue n’a rien donné. Ce qui veut dire que son ID était complètement bidon.
— Grosse surprise, grommela Barclo. La moitié des ID de la zone sud de Xakrea est bidon.
— Oui, mais pas de cette qualité, reprit Nyroska. J’ai pu remonter jusqu’à Coruscant avant que la piste ne cesse. Ce qui veut dire – (Il s’interrompit alors que son comlink bipait.) Allons-y, dit-il en l’attrapant. Je parie votre prochaine promotion que c’est elle. (Il l’alluma.) Nyroska.
— Colonel ? répondit une voix masculine qui ne lui était pas familière. Je m’appelle – en fait, peu importe. Je suis l’associé – plutôt l’ancien associé – de la femme avec qui vous avez traité pour cette histoire de datapack.
— Je vois, fit Nyroska. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
— Me sortir de ce bourbier, voilà ce que vous pouvez faire, répondit l’autre nerveusement. L’affaire m’a complètement échappé. Saviez-vous qu’en ce moment, elle est en train d’appâter un agent des Renseignements Impériaux ? Cela devient beaucoup trop dangereux, et je suis prêt à arrêter les frais pour m’en sortir.
— J’applaudis votre sagesse, dit Nyroska. Obtenez-moi le datapack, et je veillerai à ce que vous vous en sortiez.
Il y eut une pause.
— Bien, fit finalement l’interlocuteur d’une voix incertaine. Le problème, c’est que je ne l’ai pas. Mais je peux la retarder pour vous, et elle sait où il est. Elle va bientôt revenir à un tapcaf près d’une boutique nommée ClearSkyes. Venez vite, d’accord ?
— Nous sommes en route, promit Nyroska. (Le comlink se coupa dès la phrase terminée.) Alors ? fit-il en direction de Barclo.
— Cela pourrait être une feinte, répondit l’autre en haussant les épaules. D’un autre côté, le système de traçage indique qu’il se trouve dans cette zone. Cela vaut la peine de vérifier.
— D’accord, fit Nyroska en cliquant sur son terminal. (Il s’arrêta, puis cliqua de nouveau.) Qu’est-ce que –
— Qu’y a-t-il ? demanda Barclo.
— Mes troupes, expliqua Nyroska en montrant l’écran. Elles ont toutes été envoyées au spatioport.
— Quoi ? Comment ?
— Je ne sais pas, grinça Nyroska. Ce sont des ordres bidons – c’est sûr. Le Général ne les aurait pas déployées sans m’avoir averti au préalable. Mais les ordres ont des codes d’autorisation valides, et ils sont verrouillés. (Il jura.) Et les troupes ne peuvent pas communiquer non plus. (Il se leva brusquement.) Dix contre un qu’il s’agit d’une tactique de retard mise en place par notre voleuse de datapack. Et je n’ai pas l’intention d’être retardé. Faites venir Thykele du bureau extérieur, et allons-y.
— Vous pensez que trois d’entre nous suffiront ? demanda Barclo qui se leva à son tour, sortant un blaster du tiroir de son bureau.
— Il faudra bien, fit amèrement Nyroska, qui vérifia son propre blaster avant de le ranger dans son holster. Cette fois, elle ne s’enfuira pas.
*****
Ils venaient de quitter la boutique et traversaient la rue lorsque le comlink de Hal bipa de nouveau.
— Est-ce que je réponds ? demanda-t-il.
— Cela serait mieux, grommela Isard en l’attrapant par le bras et le tirant vers leur landspeeder. Savich n’en a peut-être pas terminé avec ses petits jeux.
Hal sortit l’appareil, et en profita pour jeter un coup d’œil aux alentours. Il y avait eu une rotation parmi la clientèle du tapcaf depuis leur entrée dans la boutique, et à presque un bloc de là, un couple de Jubaz déchargeait un speeder camion, mais rien d’autre ne semblait avoir changé.
— Horn.
— Bonjour, Inspecteur, répondit la voix de Moranda. Je voulais juste savoir si vous et votre Impériale étiez toujours dans les temps.
— Nous y travaillons, oui, dit Hal.
— Bien, fit joyeusement Moranda. Je voulais également vous dire que j’ai parlé avec Nyroska, et il est prêt à m’offrir deux millions.
— Ha oui, vraiment ? intervint Isard, fixant le comlink dans les mains de Hal comme si Moranda pouvait voir à travers. (Au bas de la rue, l’un des Kubaz lâcha un container qui atterrit dans un bruit sourd.) Maintenant écoutez-moi bien, pauvre fille bientôt morte, dit-elle. Ecoutez-moi très attentivement.
Elle se mit alors à réciter une menace extrêmement détaillée, une litanie à laquelle Hal aurait normalement prêté attention par pur intérêt professionnel. Mais aujourd’hui, il n’écoutait même pas Isard dont l’attention tellement concentrée sur sa colère, ses menaces et sa fierté, avait visiblement complètement manqué le fait que la chute du container avait faiblement résonné par le comlink.
Ce qui voulait dire que Moranda se trouvait dans les environs.
Lentement, avec précaution, Hal parcourut la zone des yeux, étudiant tous les visages visibles, recherchant des fenêtres et des portes derrière lesquels d’autres pourraient se trouver. Son regard tomba sur une femme à environ quinze mètres de là, assise à l’une des tables du tapcaf, son visage de profil fixant d’un air méditatif les montagnes distantes, une tasse à ses lèvres. Elle avait la bonne carrure, mais il pouvait distinguer clairement ses deux mains, suffisamment pour affirmer qu’elle ne tenait pas de comlink. A moins que l’appareil ne soit attaché à un collier ou autre chose.
— J’ai compris l’idée, coupa Moranda, interrompant la menace d’Isard. Voici le trajet que je veux que vous suiviez jusqu’à l’entrepôt. Ecoutez, et ne m’interrompez pas.
Elle se lança dans une liste détaillée de rue, de coins, de virages et de demi-tours. Dans le même temps, la femme à la table du tapcaf posa sa tasse et se leva, sortant un crédit de sa poche avant de le poser. Elle se tourna vers Hal et Isard et marcha dans leur direction, observant toutes les enseignes lumineuses qui bordaient la rue.
Il n’y avait effectivement aucun comlink attaché à son cou, ni aucun mouvement sous sa veste, où il aurait pu être dissimulé. Ecoutant d’une oreille les instructions de Moranda émanant de son comlink, Hal reporta son attention sur les portes des environs. Elle devait être quelque part.
— Hal ? appela une voix féminine enjouée. Hal Horn ?
Il détourna ses yeux vers la femme qui s’approchait d’eux. Elle le regardait avec des yeux écarquillés, sa bouche grande ouverte dans un sourire de reconnaissance.
— C’est bien toi, dit-elle en courant presque pour éliminer la distance entre eux. Hé bien, quelle surprise ! Allyse Conroy, tu te souviens ? Comment vas-tu ?
— Heu, fit Hal en observant Isard d’un air confus, fouillant en vain dans sa mémoire une Allyse Conroy. Je suis…
Isard lui arracha le comlink des mains.
— Nous avons un problème, fit-elle en interrompant le monologue de Moranda. Rappelez-nous dans dix minutes.
Sans attendre de réponse, elle raccrocha.
— Si je m’étais imaginée te rencontrer ici-même, sur Darkknell, fit la femme qui s’approchait, d’un sourire encore plus grand qu’auparavant. Comment vont Nyche et Corran ? Il a combien, seize ans maintenant ?
— Dix-huit, dit-il en reculant alors qu’elle tendait les bras pour l’embrasser.
Mais son exubérance était difficile à réfréner même en reculant, et il se retrouva avec ses bras autour de lui, son corps fermement collé au sien.
— Ah, Allyse –
— C’est si bon de te revoir, dit-elle d’une voix bizarrement étouffée. (Elle parlait contre son épaule, le visage collé au côté gauche du sien, son souffle étrangement chaud sur son cou.) Comment ont été ces dernières années ?
Hal tourna la tête. Isard s’était positionné derrière elle et regardait Hal de la même façon qu’elle avait regardé le comlink auparavant.
— En fait Allyse, je suis plutôt occupé en ce moment, lui dit-il en essayant de la repousser avec diplomatie. (Une perte de temps, ses bras étant fermement serrés autour de lui.) Je suis au beau milieu de quelque chose de très important. Je dois y aller.
— Te rencontrer ici-même, répéta-t-elle. Est-ce le destin, ou bien ?
Les yeux d’Isard commencer à jeter des éclairs. Prenant sur lui, Hal prit une inspiration et s’accrocha aux côtes d’Allyse.
Et s’arrêta immédiatement. Il repéra deux odeurs à peine détectables au milieu de sa respiration : celle, piquante, de la fumée de cigare et celle, plus subtile, de la liqueur Gralish.
Moranda Savich ?
Il ouvrit la bouche pour parler, mais avant qu’il ne puisse trouver les mots, les bras qui l’enlaçaient s’ouvrirent et elle recula. Il aperçut brièvement le petit verrou entre ses lèvres avant qu’il ne disparaisse dans sa bouche, et remarqua ensuite que la pression du collier de choc sur son coup avait disparu…
Et toujours le sourire aux lèvres, Allyse recula en plein dans Isard.
— Je suis vraiment désolée, haleta-t-elle. (Elle se retourna à la vitesse de l’éclair en attrapant la veste d’Isard juste à temps pour l’empêcher de tomber.) Quelle maladroite je fais, ajouta-t-elle en époussetant la veste d’Isard là où elle s’était accrochée. Est-ce que vous allez bien ?
— Reculez, ordonna Isard, repoussant Allyse d’une main sur la poitrine.
Le coup la fit reculer et s’affaler contre le côté du landspeeder, ses mains luttant pour retrouver un équilibre avant de finalement s’accrocher à la porte.
— Oui, très bien, fit Allyse d’un ton soumis.
— Vous n’avez pas besoin d’être aussi rude, sermonna doucement Hal, ses yeux examinant le visage d’Allyse.
D’habitude, il était capable de reconnaître les traits de Moranda sous n’importe lequel de ses nombreux déguisements variés, mais à ce moment-là, il n’arrivait pas à la retrouver sous cet air indigné. Après tout, peut-être que ce n’était pas elle.
— Au contraire, elle devrait me remercier de ne pas avoir été rude, contra Isard. Maintenant éloignez-vous ne notre landspeeder. Nous avons du travail.
— Je ne crois pas, fit une voix à droite d’Hal.
Il se tourna. Le Colonel Nyroska, flanque de deux officiers de la Défense en uniforme, accouraient vers eux. Tous trois avaient leurs blasters prêts à l’emploi.
— Colonel Nyroska, fit Hal. Qu’est-ce qui vous amène ici ?
— Votre amie ici présente, Inspecteur Horn, répondit Nyroska, son regard allant au-delà de l’épaule de Hal. Elle et moi devons avoir un long entretien.
— Mon amie ? fit Hal les sourcils froncés en se tournant vers Allyse.
Contrairement à ce qu’il pensait, elle n’avait pas l’attitude défaitiste d’une criminelle ou d’une fugitive qui venait finalement de se faire attraper. Au lieu de cela, elle se tenait fièrement debout, une expression hautaine sur son visage.
— Je vous félicite pour votre excellent timing, Colonel, dit-elle d’une voix correspondante à son attitude alors qu’elle montrait Isard. Voilà votre voleuse, et mon agent Rebelle. Arrêtez-la.
L’effronterie dont elle fit preuve prit Isard complètement au dépourvu.
— Qu’est-ce que… cracha-t-elle. Espèce de petite – reculez ! craqua-t-elle lorsqu’un des hommes de Nyroska prit son bras. Reculez, tous.
Sa main plongea dans sa veste, puis s’immobilisa lorsque trois blasters furent pointés sur son visage.
— Vous faites une grosse erreur, Colonel, dit-elle calmement. Une très grosse erreur. Je suis l’Opérateur de Terrain des Renseignements Impériaux Ysanne Isard.
— Evidemment, fit Nyroska. Et vous avez votre ID, bien sûr ?
— Oui, dit-elle en enfouissant plus profondément sa main dans sa veste. (Sa main s’arrêta, son visage changea, et elle se tourna vers Allyse.) Rendez-la-moi, cria-t-elle. Mon ID, rendez-la-moi.
— Bien essayé, dit Allyse en levant les bras. Vous pouvez vérifier Colonel, je n’ai rien qui lui appartienne. Néanmoins, si vous nous escortez à votre quartier général, je serai heureuse que mon équipe vous présente les preuves qu’elle a mentionnées.
Isard était bouche bée.
— Vous ferez quoi ?
— Prouver mon identité, répéta Allyse en jetant un regard noir à Isard. Voyez-vous, Colonel, je suis l’Opérateur de Terrain Ysanne Isard.
— Cela va trop loin, grinça Isard. Horn, dites au Colonel qui je suis réellement.
— Inspecteur Horn ? le pressa Nyroska.
Hal hésita.
— Elle m’a en effet affirmé qu’elle était l’Opérateur de Terrain Isard, concéda-t-il. Mais la seule ID qu’elle m’ait montré était au nom de l’agent Spécial de la Sécurité de Darkknell Katya Glasc.
— Vraiment ? dit Nyroska d’une voix soudain froide alors qu’il fixait Isard avec un intérêt accru. Se faire passer pour un agent de la force publique est un délit de classe un sur Darkknell. Et, à tout hasard, est-ce elle qui vous a posé cet objet extrêmement illégal autour du cou ?
Hal retira le collier de choc et le tendit au colonel.
— Oui, dit-il.
Les yeux d’Isard auraient pu le fusiller.
— Vous êtes mort, Horn. Mort.
— Je ne peux affirmer que ce que je sais, dit Hal. Toute autre preuve est de votre ressort.
— En effet, souffla-t-elle. Très bien, Colonel. Vous avez gagné. Allons à votre quartier général et tirons cela au clair. (Elle regarda Allyse.) Allons-y tous ensemble.
— Bien sûr, dit doucement Nyroska. Je ne demandais pas autre chose.
*****
Bel Iblis attendit cinq minutes après le départ de Moranda et des autres avant de s’approcher lentement du landspeeder abandonné et d’y prendre place. Personne ne cria en le voyant apparaître ; en fait, personne ne le remarqua. Deux minutes plus tard, après avoir difficilement travaillé dans l’espace exigu, il avait ôté le panneau avant.
Les datacartes étaient là, empilées au fond de l’espace étroit. Au milieu se trouvait une datacarte supplémentaire, celle-ci portant les logos Impériaux officiels. L’ID manquante d’Isard, sans aucun doute.
L’espace d’un instant, Bel Iblis réfléchit à la prendre avec lui, mais décida que le risque encouru n’en valait pas la peine, et la laissa où elle se trouvait. De plus, si Moranda pouvait réellement sortir de détention – bien qu’il ne puisse pas imaginer comment – elle voudrait sûrement retrouver le véhicule et emprunter l’ID elle-même.
Il remit rapidement le panneau en place, sentant une pointe de culpabilité le traverser en agissant. Oui, c’était l’idée de Moranda au départ, un défi qu’elle avait été prête à relever, mais c’était sa mission à lui et à la Rébellion, et pourtant c’était Moranda qui s’était retrouvé à faire la plupart du boulot et à prendre tous les risques.
Et pas pour le million de crédits Impériaux qu’elle avait demandé à Isard, mais pour la maigre pitance que lui et Arkos avaient pu rassembler. Un jour, s’ils survivaient tous à tout cela, il devrait trouver un moyen de la payer.
Et la première étape de ce processus de survie, c’était de rejoindre Arkos, pour quitter Darkknell avec les datacartes et les amener à la Rébellion. Puis découvrir en quoi consistait exactement le projet d’Etoile de la Mort de Tarkin.
— Bonne chance, Moranda, murmura-t-il en sortant du landspeeder avant de fermer la portière derrière lui. Que la Force soit avec vous. Qu’elle soit avec nous tous.
*****
Hal n’aurait pas parié que les yeux d’Isard puissent être plus glacials qu’ils ne l’avaient été hors de la Boutique ClearSkyes. Il se trompait.
— Qu’entendez-vous par « elle est partie » ? tonna-t-elle en se penchant au-dessus du bureau de Nyroska telle une tempête prête à le ravager. Comment peut-elle être partie ? Par Palpatine, vous l’avez enfermé dans une cellule !
— Je suis désolé, Opérateur de Terrain Isard, fit Nyroska en s’excusant, essayant de reculer autant que possible dans son siège. Mes hommes m’ont assuré qu’elle était correctement enfermée. Visiblement, ils avaient tort.
— Visiblement, ils sont idiots, répliqua Isard. Et que faites-vous pour la recapturer ?
— Nous avons émis une alerte sur toute la planète, lui répondit Nyroska. Si elle est encore sur Darkknell, nous l’aurons.
Le grognement d’Isard dit tout ce qu’elle pensait de cela.
— Et vous, poursuivit-elle vers Hal, si je découvre que vous saviez que c’était Saviche, et que vous n’avez rien dit, votre tête servira à des entraînements de shockball. Compris ?
— Compris, répondit Hal. Et je me répète : je ne vois pas comment elle pouvait être en train de m’enlacer tout en vous parlant en même temps via comlink pour vous donner la direction de l’entrepôt. A mon avis, elle avait un allié avec elle.
— Dans ce cas, vous devriez espérer que Nyroska l’attrape, dit Isard. Car si elle ou quelqu’un d’autre quitte la planète avec ce datapack, j’aurais votre tête à tous les deux. (Elle revint vers Nyroska.) Je serai à mon vaisseau. Vous avez ma fréquence de comlink. Faites-moi savoir dès que vous avez du nouveau. Quoi que ce soit. Compris ?
— Parfaitement, Opérateur de Terrain Isard, fit humblement Nyroska.
Elle fit demi-tour et quitta furieusement la pièce.
Niroska expira lourdement.
— Nous sommes dans le pétrin, Inspecteur, dit-il doucement.
— C’est l’Empire qui sera dans le pétrin si ce datapack quitte la planète, contra Hal. Tout du moins si l’on se fie à sa réaction à propos de cette situation. Mais pour être honnête, je ne crois pas que vous et moi encaissions le plus gros des dégâts, en tout cas pas de sa part. Isard est fière de posséder environ trois escadrons de TIE, abattre sa colère sur nous ne lui donneront pas une bonne image.
— Aussi mauvaise que l’image que cela donnerait de nous ?
— Probablement pas, concéda Hal. Mais les gens comme elle risquent de perdre la face uniquement si la récompense vaut le coup. Franchement, ce n’est pas notre cas. (Il secoua la tête.) Non, quels que soient les conséquences, elles toucheront quelqu’un d’autre.
— Peut-être des membres de l’Alliance Rebelle ?
Hal soupira.
— Ou ceux qui en font partie d’après Isard. Que ce soit le cas ou non.
Nyroska tapota le bord de son bureau du bout des doigts.
— Un vrai bazar, en effet, dit-il. Je ne voudrais pas être à sa place lorsqu’elle ira faire son rapport à son père.
Hal acquiesça sobrement.
— Je lèverai mon verre à cela.
*****
— Qu’est-ce que c’est ? demanda le barman en fronçant les sourcils aux deux objets qui reposaient dans sa main.
— Ils étaient dans la tasse sur la table là-bas, répondit le jeune employé d’un air excité. Celle où se trouvait la femme aux cheveux sombres.
— Laquelle ? Celle occupée avec l’Agence de la Défense au bas de la rue ?
— Oui, elle. (L’employé montra le comlink dans la main du barman.) Regardez, le comlink est encore allumé. J’ai essayé de parler, mais personne n’a répondu.
— Celui à l’autre bout est sûrement éteint.
— C’est ce que j’ai pensé, acquiesça l’employé. Mais l’enregistreur est étrange. Allez-y, mettez-le en route.
Le barman jeta un coup d’œil interrogateur au gamin sous ses sourcils épais, puis prit le petit enregistreur et appuya sur le bouton lecture.
— Ensuite, traversez la rue et prenez un transport vers le nord, fit une voix féminine depuis l’appareil. S’il n’y en a pas, attendez, il va arriver. Allez jusqu’au coin de Pontrin et Jedilore, puis descendez et entrez dans le magasin de vêtements que vous trouverez –
— Vous entendez ça ? fit l’employé. C’est comme une chasse au trésor, n’est-ce pas ?
Le barman renifla.
— C’est une blague, dit-il en coupant l’enregistrement, rendant les deux objets au jeune homme. Là, tu peux les garder.
Le gamin les prit en hésitant.
— Mais, et si ce n’est pas une blague ?
— Ça l’est, l’assura le barman. Crois-moi, petit. Il n’y a pas de trésor sur Darkknell. Il n’y en a jamais eu ; il n’y en aura jamais.
Epilogue
Armand Isard leva les yeux de son bureau, légèrement plus agacé par le fait que sa fille n’avait pas refermé la porte derrière elle que par le fait qu’elle soit entrée sans demander la permission. Elle venait vers lui trop rapidement, ses yeux enflammés. Il leva une main, puis indiqua un siège.
— S’il vous plait, asseyez-vous.
Elle fixa le siège, puis le regarda.
— Puis-je être sûr qu’elle n’est pas piégée ?
— Si la conséquence de cette opération était votre mort, vous le seriez déjà, Agent Isard. (Armand essaya de garder sa voix aussi froide que lorsqu’il s’adressait à n’importe quel agent coupable d’insubordination, mais une pointe de colère menaçait.) S’il vous plait.
Elle s’installa sur le cousin en synthécuir, mais son corps resta aussi raidi que s’il lui avait demandé de s’asseoir sur un siège couvert de fragments de transpacier.
Il indiqua le datapad posé sur son bureau.
— J’ai lu le rapport que vous avez envoyé concernant vos actes sur Darkknell, et j’ai parlé à l’Empereur en votre faveur. Vous ne serez pas tuée malgré votre échec.
Sa posture se relâcha légèrement, mais pas autant qu’il ne l’aurait voulu. Elle s’avança, moins sèche, plus souple, tel un prédateur sur le point de bondir.
— Je n’ai pas peur de mettre ma vie dans les mains de l’Empereur. Père.
— Non ?
— Non. Il a lu le rapport sur Darkknell. Le rapport complet.
Ses mots figèrent son cœur dans sa poitrine, et l’apparition de deux Gardes Royaux se glissant par la porte ouverte le fit battre de nouveau, rapidement.
— Que voulez-vous dire ? Quel rapport complet ?
Ysard renifla.
— Vous pensiez que je ne verrai pas ce qui se passait, Père ? Vous m’avez envoyé sur une mission d’une incroyable difficulté – une que vous n’auriez donné qu’à quelqu’un en qui vous aviez entièrement confiance. Mais c’était également une mission qui aboutirait à la mort de l’opérateur en cas d’échec, et c’était votre but depuis le départ.
— C’est de la folie !
— Pas du tout. (Ysanne laisse un sourire parcourir son visage.) Voyez-vous, Père, votre plan a réussi. L’information dont vous souhaitiez le vol a été communiquée aux Rebelles, et nous savons que vous y avez participé. J’ai découvert des empreintes et d’autres preuves qui ont identifié l’agent Rebelle envoyé pour récupérer les plans. C’était Garm Bel Iblis.
L’estomac d’Armand Isard s’effondra.
— Bel Iblis ? Impossible. Il a été tué. La bombe a tué toute sa famille.
— Oh, bien joué, Père, très bien joué, mais nous savons tous deux que ce n’est pas vrai, n’est-ce pas ? (Elle rit doucement.) Vous avez transmis l’information à Bel Iblis et l’avait fait évacuer de la zone de portée de la bombe. Vous ne le vouliez pas pour lui ; mais vous vouliez la mort de sa femme, Arrianya. Elle était le dernier lien qu’il avait avec l’Empire. Elle était dévouée à l’Empereur, donc vous l’avez faite tuer, forçant Bel Iblis à s’allier pleinement à la Rébellion.
— C’est absurde. Complètement faux et absurde. (Armand se força à respirer normalement.) Vous n’avez aucune preuve de tout cela.
— Vous avez approuvé l’opération qui était supposée tuer Bel Iblis, donc vous saviez clairement comment la déjouer. Et vous m’avez envoyé sur une mission à laquelle vous saviez que j’échouerai et serai éliminée. Vous auriez utilisé ma mort auprès de l’Empereur comme une excuse pour aller attaquer la Rébellion. Là, vous auriez révélé des secrets de l’Empire – les datacartes de l’Etoile de la Mort était la preuve que vous l’auriez fait – et ils vous auraient accueilli à bras ouverts. Vous auriez renversé l’Empire, puis trahi vous compagnons Rebelles et pris le trône pour vous. C’était un plan brillant, Père. Simple et très efficace.
Armand se leva et fit un geste aux Gardes Royaux.
— Arrêtez-la. A l’évidence, elle s’est tournée vers la Rébellion et a concocté cette histoire pour me faire chuter, ruinant mes efforts pour découvrir et détruire les Rebelles.
Aucun des deux Gardes à l’armure écarlate ne bougea.
Ysanne Isard se leva à son tour et défroissa sa tunique.
— Père, ils sont là pour vous conduire à l’Empereur. Je crois qu’il veut discuter avec vous du restant de votre vie. Cela va être une conversation très courte.
Armand Isard était bouche bée face à sa fille. Il la referma, puis soupira.
— Je m’étais préparé à ce que cela arrive un jour, tu sais, Ysanne.
— Bien sûr, je suis ta fille. (Elle fit le tour du bureau et lui donna un baiser sur la joue.) C’est terminé pour toi maintenant, Papa. Mais ne crains rien. (Elle s’assit sur le siège.) L’héritage des Isard est entre de très bonnes mains.