CHAPITRE XII.


LA FAUNE DES TÉNÈBRES

Fabre, dans ses ouvrages si souvent décriés et tant jamais bien compris, peint le cancrelat en ces termes : « – C’est un sale bestiau qui pond au printemps et se reproduit dans les égouts. » Il n’a pas tort. La preuve en est que les longs couloirs obscurs sont pleins de cancrelats. D’ailleurs, le couloir où rampaient actuellement Adelphin et son séide était très bien éclairé, ce qui les empêchait de se rendre compte de l’exactitude remarquable de l’observation de Fabre. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : Fabre ne se trompe jamais. Tous les biologistes s accordent à reconnaître la justesse de ses observations, sauf ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, et ils sont légion.

Le couloir aboutissait à un puits profond d’ou montaient avec une brume humide et tiède, des relents nauséeux. Des barreaux de fer gluants et rouillés, scellés dans la paroi, offraient un passage à l’audacieux qui, muni d’alcool de menthe Ricqlès, voulait vérifier la conformité de la carte de géologie de Shrader et Vivien de Saint-Martin à la nature du sol percé par ce puits.

Les deux hommes s’engagèrent hardiment vers le haut car ils commençaient à se dégonfler. Comme ils soulevaient la plaque de fonte limitant l’orifice extérieur du puits – de cet égout plutôt, car c’en était un – ils eurent conscience d’un vague remue-ménage autour d’eux. En effet, un autobus passait juste sur leurs têtes. S’accrochant au pont arrière, Adelphin disparut aux yeux de Sérafinio qui attendit l’autobus suivant. À la minute même où ses genoux cagneux enserraient les deux bras du pont arrière, une sourde détonation retentit et un courant d’air irrésistible chassa vers le ciel une trombe d’eau d’égout, entraînée sans doute par quelque révolin venturique. L’hôtel de la Pyssenlied venait de sauter. Mais l’autobus était passé.