Je b‚ille.

î Notez que, le temps passant, lêinfection doit sêy mettre. Bien s˚r, il vous faudrait lêhôpital et un chirurgien.

Je passe ma dextre par-dessus lêaccoudoir nous séparant et palpe ses fringues pour mêassurer quêelle ne détient pas dêautres armes. Rassuré, je descends de bagnole et mêapproche du kiosque pour promeneurs bucoliques.

Drôlement équipés, ces Autrichiens. Kif les Suisses et les Allemands. Il y a le téléphone contre les chiottes aménagées près de cet abri à

piqueniqueurs.

Je sors de ma poche la carte que mêa remise la réception de lêhôtel Metternich et qui comporte le

ifAISSE LA PRESSION

numéro de ma chambre. Jêai de la mornifle et il mêest loisible dêappeler lêétablissement.

î

M. Jérémie Blanc, je vous prie! fais-je à la standardiste avec une telle autorité que, sêil nêétait paa encore arrivé, elle me le passerait quand même.

Mon guignolet bondit en entendant lêorgane dc Jérémie.

î

Dieu soit loué, Négus! exclamé-je, tu es à piec dêoeuvre.

î

Depuis exactement quinze minutes.

î

Et le Gros?

î

Il vide le mini-bar de la chambre. O˘ en es-tu î

Jusquêaux lèvres.

î

quoi?

î

Je veux parler de la merde. Je baigne jusquêau~ lèvres dedans, mon pote. Un écureuil y ferait tombe une noisette, ça y est, jêen avale!

Je lui fais un résumé des récents événements.

Il

mêécoute en silence. Temps à autre, je perçoi lêorgane de mêlécasse du Mammouth qui réclami dêêtre informé et prétend sêemparer du combiné M.

Blanc le rebuffe sèchement avec des ´ Fais pa chier, gros con ª qui en dit long sur la qualité de leur relations.

î

Blanchounet, poursuis-je, vous allez devoir vou manier la rondelle pour me sortir de cette foss dêaisance. Primo, louer une fourgonnette toute affaires cessantes. Secundo, quitter Vienne par la rout de Gratz. Lorsque vous aurez traversé une localit appelée Verredekirsch, vous ralentirez.

Environ quatr ou cinq kilomètres plus loin, vous prendrez un chemi forestier à droite. II est indiqué par un sapin stylis peint sur un panneau blanc. Je crois me souvenir quc peu avant ú chemin, il y a, en bordure de route, un hostellerie neuve flanquée dêune espèce de tour qi représente un moulin à vent. Têas bien pigé?

î

Au rasoir, mon drôle.

î

Parfait. Vous pénétrerez dans la forêt et cont nuerez jusquêà ce que vous aperceviez une clairièi

TU ME LES GONFLES!

123

équipée dêun kiosque en chaume. Une voiture est stationnée derrière ce kiosque et ton serviteur vous y attend déjà.

Je raccroche. Un sentiment rose et tiède, qui ressemble à un début de bonheur, mêenjolive lêinstant. Savoir mes deux potes à quelques kilomètres, prêts à voler àmon secours, me dope. Je commence à reprendre confiance.

En sifflotant, je vais reprendre ma place derrière le volant de la tire empruntée. Cêest pas pour mêapitoyer en vain, mais la fille ne me semble pas au mieux de sa forme. «a ronfle laidement quand elle respire. Son souffle est court. Doit avoir un pneu crevé, la mère, et son poumon droit roule sur la jante. Si on tarde à la soigner, elle va droit aux complications pulmonaires.

Manière de lui casser les nerfs, au lieu de la questionner bille en tête, je branche la radio. Ils donnent les cours de la Bourse, ce qui mêa toujours laissé froid comme un nez de chien vu que les seules actions que je pratique sont celles (bonnes ou mauvaises) que me propose la vie courante. Je tripoune les boutons pour sélectionner de la musique et je me fixe sur un énsemble ª en train de rocker LêOiseau de feu de Stravinski, ce qui est assez plaisant. Et ensuite, le même groupe interprète (cêest le mot puisquêil traduit) lêAve Maria de Schubert Roger.

La blessée, en quelques minutes, est à bout de tolérance. Dis, faut la comprendre : durement touchée, la respiration nasée, un poignard dans le dos, se farcir de la musique rock auprès dêun mec silencieux, cêest plutôt poignant comme martyre, non? rayais déjà lu ça dans Le Chasseur Français?

Ah bon! Ben, je vais t‚cher de têinventer autre chose de plus corsé. Tu sais, les grandes idées cêest comme les cons: elles passent leur temps à se rencontrer.

Après lêAve Maria, on a droit à un crooner germanohollandais qui y va à la mouillette dans la langue de Schiller, avec reprise du refrain en britiche paléolithi

124

BAISSE LA PRESSIO!

que. Alors là, elle nêy tient plus, Ninette. Elle fait tout coup, dans un élan désespéré:

î Ne me laissez pas mourir!

Je baisse le son de la radio.

î Hé, dites, princesse, faut pas chérer! Vous ma sacrez les gens sordidement et parce que vous avez un malheureuse écharde dans ta viande, vous vous mette à crier au secours? Faut assurer, dans la vie. quand o est une tueuse, on nêa pas peur de la mort, ou aloi fallait ouvrir une pizzeria.

Et je remonte le niveau sonore. Lui montrer quêil tout son temps, le bel Antonio! Manque de pot, voil une chignole qui se pointe avec deux crabes à

son borc Un couple. Du genre conquérants de la nature. Ch~ mise de laine à

carreaux, complet de velours, chapeau plume. Le Tyrol tel quêon le conçoit dans LêAlbergo ~ White Horse. Ces deux vieux pafs vont pas venir ni casser la baraque, bordel! La môme qui les a retapiss~ se fout à gueuler. Je lui stoppe la goualante dêun cou de coude dans lêestomê qui la plaque contre le dossi de la banquette, lui valant ainsi deux centimètres ~ lame supplémentaires entre les côtes.

Le couple est en train de se dévoiturer, inquiet. Cêe là que le génie se manifeste chez lêas des as de la Rous~ françouaise. Vivement, je me débraguette, extra Médor de sa niche et sors de la bagnole avec pafomètre au vent! Tu verrais la bouille des prom neurs viennois, Eloi! Ils nêen croivent pas leu~ ch‚sses!

î Salut, leur fais-je-t-il aimablement; vous veoe vous faire une petite bricole forestière, vous aussi Vous avez raison : une bonne troussée sous les arbre ça remet le moral au beau fixe!

Dedieu! Te réenfournent leur guinde, les pauvn biquets! Le mec est si pressé quêil cale deux fois avai la décarrade.

î Cochon! me lance-t-il par sa vitre baissée, e sêéloignant.

«a nêest, ni nêa jamais été un tendeur! Je me rajus ME LES GONFLES! 125

et reprends ma place. Cette fois, Madonna est en train de haleter. Jêai idée que sa perforation est plus importante que je ne lêimaginais. Faudrait pas quêelle me l‚che avant dêavoir jacté, Miss Cuir.

Si jêavais un peu dêAspirine, je vous en donnerais volontiers, lui assuré-je, mais vous savez ce que cêest, nous autres, Français, on sêen va les poches vides car on est imprévoyants.

î

Il... faut... un... docteur! bégaie-t-elle.

î

Là, je suis dêaccord, je vous lêai déjà dit. Et un bon! Telle que je vous vois, cêest le goutte-à-goutte, les antibiotiques, tout le chenil!

Vous êtes sans pitié! l‚che la femelle dêune voix ante.

Tandis que vous, vous rayonnez dêaltruisme lorsque vous flanquez trois kilos dêair comprimé dans le cul dêun flic, nêest-ce pas? Jusquêà ce que ses tripes éclatent!

Elle ferme les yeux.

O˘ est mon petit garçon? lui demandé-je à briMe-pourpoint. Et les deux vieux? Hein? quêen avez-vous fait?

Silence.

î

Bon, vous préférez crever sans soins plutôt que de parler? Bravo, cêest héroique; seulement ça ne mène pas loin. Me dire o˘ ils se trouvent ne constitue pas un secret dêEtat, bordel! Ils sont plus inoffensifs que trois chatons sur un coussin. Je me demande même ce quêon peut leur vouloir à ces trois innocents. Ils nêont rien àdire, rien à donner.

î

Si! chuinte la blessée.

î

Alors expliquez-moi!

î

Vous ne les retrouverez pas, balbutie-t-elle.

Elle perd connaissance. Un élan de pitié me taraude. que puis-je faire pour la soulager? Lêemmener devant un hosto et donner lêalarme avant de mêéclipser? Tu parles dêune amazone! Elle ne jactera pas, malgré sa trouille de trépasser. Elle a été formée pour, la cavalière Eisa. Cêest de la race des kamikazes. quêon se

126

BAISSE LA PRESSIOI

demande comment certaines gens sont à ce pou survoltés par un idéal au point de lui consacrer lei existenú. On dirait quêils sêen foutent de finir. Pou tant, la vie, y a pas de lot de consolation. Cêest pas Tacotac o˘ tu peux gratter avec lêongle, faire surgir di numéros magiques. Tout ce que je me gratte avi lêongle, mézigue, cêest la peau des couilles. Lêépop~

nêest jolie que dans les histoires. Faut voir après. B Hur converti en cocher de fiacre! Toujours comma~ Tu peux rien.

Elle est out, la mère, pour de bon. Son teint déjà p pimpant prend une couleur plus que blanche comme tu lêaurais lavée avec 0mo Souplesse. Mais, Seigneu la vêlà qui passe! Comme lêHirondelle du Faubour~ Est-ce possible que je lêai touchée à mort! Y a qu sous lêomoplate, docteur Mabuse? Le poumon, vo croyez? Et on clamse dêune perforation du poumor Merde! Jêai pas voulu cela!

Jêen prends un grand coup dans le portrait. Y

maldonne, messire Destin! Je touche son front: il Ä

couvert dêune sueur glacée. Ses narines se pincent. S~

souffle bat de lêaile et décroît. Morte!

Dêune main féroce jêarrache le rétroviseur et le pla devant la bouche de la fille. Respiration : néant!

On fait quoi dans ces cas extrêmes? quand on Santantonio, policier de choc et homme de coeur? U

larmiche? A quoi bon. Un bout de prière? A rigueur. Pari de Pascal. On verra bien si on ne v~

rien!

Accablé, je déboule de la tire. Et voilà quêu fourgonnette blanche surgit.

Klaxon sur lêair arci glandu de On a gagné. Sortie du Parc, après la victoi au rugby! Ce sont mes supporters, les très fame duettistes Bérurier-Blanc.

Je me pointe vers leur vél cule. Le char du soleil levant! Je les embrasse.

Le Or pue le dégueulis triple zéro. Jérémie sent la savane.

î Je suis dans la pire scoum, les gars! balbutié-j Lêarchinoire, la super-merdique.

ME LES GONFLES! 127

Pour me consoler, Alexandre-Benoît entonne Les tMatelassiers, dès lors M.

Blanc hennit:

Jêen ai class de ton sac à merde, Sana! Ce porc déguisé en goret est complètement bourré. Ne te fatigue pas à lui raconter ton histoire, il ne se rappelle même plus son nom!

Bibendum veut protester, mais il a vraiment trop m~cté la meule!

Jêai envie de lêendormir dêune infusion de marrons, non? interroge le Noirpiot.

Jêouvre le hayon de la fourgonnette.

î A la niche, Médor! enjoins-je au Mastar.

Il tente de me regarder, mais ses yeux sont comme deux yo-yo à bout dêélan, quêarrivent plus à remonter la ficelle. Dêune bourrade je le fais basculer à lêintérieur du véhicule dont je reclaque la lourde.

Tu parles dêune caravane de secours! fais-je nèrement.

î Tu mêas dit de lêamener! proteste M. Blanc.

Il sêapproche de la voiture o˘ gît la môme Tout-Cuir. Je le vois enfiler des gants de pécari et se pencher sur le cadavre. Son examen se prolonge et moi je commence àme faire vieux dans cette funeste clairière. Près dêune plombe que jêy moisis parmi les cadavres et lêagonisante. Têaurais le moral fourchu pour moins cher.

î

Tu prends un moulage, ou quoi? lancé-je au ironzé, Il se redresse enfin et vient me rejoindre en ôtant ses gants dêune manière quasiment doctorale.

î La lame du couteau est enduite dêune substance que je suppose nocive, mêannonce Douglas Fer-Blanc. ras pas eu la curiosité de la sentir?

î Tu sais, je nêai ouvert cette saccagne que pour la Ton maître chanteur lêa frottée avec un produit veneneux, Antoine. Cêest pour cela que la fille est Iamsée.

quel hymne sêélève soudain dans ma conscience 128

dévastée! Irremplaçable Jérémie. Il me redonne la pai de lê‚me, cette gr‚ce infinie.

Nous montons dans la fourgonnette. Jêai fugacemeii lêimpression que le moteur est déjà en marche, ~ réalité ce sont les ronflements de lêalcoolo qui fofl vibrer la voiture. Je démarre avec fougue, tellement jêa h‚te de mêéloigner de cette nécropole.

î

Tu sais o˘ tu vas? demande mon pote.

î

Un peu. Devine?

î

Tu retournes chez le garagiste?

îGagné!

î

Pas grand mérite. Il nêy a que par lui que tu peu espérer trouver la piste des amazones.

Je stoppe devant les colonnes dêessence. Toujours sêassurer que la voie est libre. Bien mêen prend car jêavise le bonhomme en grande converse avec deux poulagas, lesquels prennent des notes. Probable que ses complices, quand ils mêont balancé aux motards, ont signalé le numéro minéralogique de lêambulance, puis ont alerté ensuite le garageo pour quêil déclare le vol de la tire. Messieurs les archers autrichiens viennent recueillir sa déposition.

La femme au bébé sêapproche de notre fourgonnette. Cêest une personne jeune et grassouillette, au ventre encore déformé par sa maternité récente, aux chairs blanches et molles, avec des tifs si gras que tu pourrais têen servir pour faire de la soupe aux choux. Elle porte un manteau de vilain drap dêun vilain gris sur son vilain lard et sêest chaussée de vieilles groles éculées.

î

Le plein! jeté-je.

Elle va dévisser le bouchon dêessence et décrocher le tuyau verseur. Sur ces entrechoses, les deux poulardins quittent le garagiste, grimpent dans leur tire et sêesbignent. Ouf! Grand merci, nobles messieurs, de nous laisser le champ libre!

La jeune mère vachasse remonte notre véhicule et grommelle:.

î

Il est plein, votre réservoir. Jêen ai mis quatre litres et ça déborde!

130

BAISSE LA PRESSION,

î

Ah! ben alors, cêest que ma jauge est détraquée, je lui fais-je.

Faut que je demande au monsieur qui est~ là de la vérifier.

Je lui règle ses quatre litrons de benzine et elle achemine sa graisse rançante vers le pavillon o˘ son moujingue bieurle tout ce quêil ne sait pas encore en allemand vagissant.

Le mari vient de rentrer dans lêatelier. Je fais signe àJérémie de me suivre et nous rejoignons le bonhomme. 11 nous frime dêun oeil revéche.

Pour le moment il patouille dans des béchamels tourmentantes et il a pas envie de voir des chues.

î

Vous désirez? il demande.

Il

a pas le temps de piger. Je lui confectionne un crochet au bouc qui va faire le bonheur de son dentiste. «a retentit comme lêéviction dêun bouchon de champagne récalcitrant et le champion de la vis platinée sêeffondre avec les yeux tournés vers les gines de sa conscience.

î

Et ensuite? imperturbe M. Blanc.

î

On le déculotte et on lêinstalle sur son établi.

î Pourquoi le déculotter? sêinquiète Mister dêEbène, têas viré de moeurs, grand? Si oui, tu pourrais trouver mieux à aimer que cet individu.

î Je veux lui rendre la monnaie de sa pièce. Attache-le avec ce que tu trouveras.

Dans un garage, tu déniches de tout, y compris des c‚bles de freins.

Jérémie en utilise deux pour ligoter celui que la fille Tout-Cuir appelait Johan. Nêaprès quoi, je mets le gonfleur en place et enquille son embout dans le dargif du mec.

î res répugnant! marmonne M. Blanc. Dêautant quêil pue!

î Les oignons les mieux lavés fouettent toujours, soupiré-je, cêest une des dures lois de la nature. La marque honteuse de notre faiblesse humaine.

Jêactionne la poignée dêadmission. Un gros plouf se produit entre les miches du garagiste. «a le tire des limbes. Il bat des ramasse-miettes, façon jeune pianiste

TU ME LES GONFLES!

131

ingénue qui regarde son professeur déboutonner sa braguette pendant quêelle sêemberhife avec La lettre ‚Elise.

î

Cêest pas un bloc de factures, que jêaperçois là-bas sur ce bout de bureau? dis-je.

Blanc va chercher le dit, empare idem une pointe Bic qui passait par là et revient.

î

Têes prêt, Johan? je demande au garagiste.

Il coule comme un vieux brie oublié au moment dêun départ en vacances.

î

Mais quêest-ce? Mais qui? Mais que? Mais quoi? bafouille le zigus.

î

Ta gueule, moribond! le coupé-je. Trois hommes ont été abattus de sang-froid ici, tout à lêheure. Trois policiers! Rien nêest plus co˚teux que la viande de flic! Le caviar, en comparaison, cêest moins cher que des topinambours.

Je lui balance un jet dêair comprimé. Il hurle. Une vilaine odeur retentit, comme lêe˚t écrit le cher et valeureux Ponton du Sérail. «a lui fait lavement, àcézig gusman. Faut dire quêil a un fion grand comme lêentrée du tunnel sous Fourvière si tant connu des tomobilistes vacanceurs. Mêest avis quêil a d˚ être àvoile et à vapeur autrefois, lêartiste! Peut-être lêest-il toujours? Têas des tas de gentils papas qui prennent du rond comme des folles à leurs moments perdus.

î

Faites pas ça! il égosille.

î

Ta gueule! intimé-je. Tu ne parles que pour répondre à mes questions. Et situ nêy réponds pas, ou situ y réponds mal, je te file tellement dêair dans le dargeot que tes concitoyens croiront quêune montgolfière survole leur patelin. Je têai vu à lêoeuvre, tout àlêheure. Tu prenais un panard monstre à gonfler le pauvre poulet, mon salaud. Alors, pas de pitié! Tes un peu tantouzette sur les bords, toi, avec tes pognes pleines de cambouis. Si je raconte ça à ta petite femme, elle va tomber de haut! Bon, tu es prêt?

Un l‚cher de gaz ponctue ma question et ajoute à ses déb‚cles morales et intestinales.

132

BAiSSE LA PRESSJOI~

î

Parle-moi de la tueuse habillée de cuir qui froidement abattu lêun des flics et fait éclater lêintesti de lêautre?

î

Elle se nomme Eisa Labowicz, répond-il docile ment.

î

Nationalité?

î

Bulgare.

î

Profession?

î

Elle travaille à lêambassade de Bulgarie à Vienne î

Tu la connais dêo˘?

î

Je suis moi-mime dêorigine bulgare. Jêai travail avec elle.

î

quelle branche?

Là, quelques fortes giclettes sont nécessaires, pour I mettre au diapason.

î

Espionnage.

î

Tu es toujours dans le coup?

î

Occasionnellement, on fait appel à moi.

î

Elle fonctionne avec des copines, cette gara nêest-ce pas?

î

Exact.

î

Leurs noms?

Ses rétiúnces sont une nouvelle fois balayées par I bourrasque du gonfleur.

î

Je ne connais que le nom de celle qui dirige I section: Katarina Swoboda.

î

Description?

î

Très grande, blonde, les yeux dêun bleu étrangt Une cicatrice à la lèvre supérieure.

î

Et o˘ trouve-t-on ces jolies dames? Je suppos que pour leurs activités marginales, elles disposent dêu local indépendant de lêambassade?

î

Elles ont une boutique de couture dans KArntne~ strasse.

î

O.K. : parle-moi de cette boutique.

î

quêest-ce que vous voulez savoir?

î

Son fonctionnement, sa topographie.

î

Eh bien...

Pour le sport, je lui flanque une gonflette. A pein U ME LES GONFLES!

133

riq cents grammes, quêil se sente ballonné. Tu parles èun récital quand il se dégagera la tuyauterie! Le largo de Haendel, il va interpréter à sa bergère,

ible!

î

Arrêtez!

î

On nêa pas terminé, tu sais, Johan, tant sêen faut!

î

Vous nêallez pas me faire mourir!

II

a pris go˚t à lêexistence, pépère, entre son mioche et sa gerce cradoche!

î

«a dépendra de ta bonne volonté.

Alors, bon, il raconte les lieux dans K‚rntnerstrasse: la boutique, lêarrière-boutique, atelier de retouches, la cour intérieure pavée, le garage dans le fond avec une porte contiguê donnant sur une salle de gymnastique. Attenant à la dite salle, se trouve un appartement modeste.

La salle de gym est fermée au public. Cêest là que les donzelles cultivent leur forme et sêentraînent au pistolet. Là également quêelles procèdent à

des interrogatoires, Le cas échéant. Je lêembrasserais, le Johan!

î

Eh bien, voilà qui est parfait, mon cher ami, lui dis-je en arrachant lêembout de sa tirelire intime. Elle se prénomme comment, ton épouse?

î

Marie-Thérèse, pourquoi?

î

Très joli prénom. Classique, historique, même. Détache-lui les mains, Jérémie.

Mon noir copain obtempère. Je dépose le bloc de factures vierges et le stylo bille sur lêétabli.

î

A présent tu vas mêécrire une petite déclaration résumant ce que tu viens de me raconter.

î

Cêest impossible! regimbe-t-il.

î

Tu ne vas pas me dire que tu préfères une balle dans le cigare?

Têas vu cette arquebuse, Toto? Je te flanque une bastos dans le portrait et y a plus rien sur tes épaules. Cela dit, cette confession ne sera utilisée que si les choses tournaient mal pour moi, alors, coopère mon grand, faut être convivial. Tu es prêt?

II

finit par dire que oui, après avoir regardé le fond de lêoeil de mon parabellum. Il rédige sous ma dictée oes 134

BAISSE LA PRESSION,

choses que tu viens dêapprendre en même temps que moi. Lorsquêil a terminé

sa compo, je la relis à cause des fautes dêorthographe, la plie en quatre et la glisse dans ma poche.

î

Monsieur Blanc, fais-je, voulez-vous aller cherS cher lêépouse de monsieur et la faire monter à lêarrière de notre fourgonnette?

î

quêallez-vous faire? glapit le garagiste.

î

Prendre nos précautions : on embarque madame, mais on te laisse le baby. Tu sais le langer, jêespère? quand on aura fini avec notre petite affaire, on te rendra ta pétasse. ras intérêt à ce que ça baigne, mec! Dans lêhuile plutôt que dans le sang!

Je vais ramasser son grimpant et y prélève le revolver chromé que jêavais décelé en le lui ôtant. Deux seringues valent mieux quêune lorsquêon prépare un coup de main.

î

Tu sauras détacher tes pinceaux tout seul, bonhomme?

11 est trop abattu pour répondre. Faut dire quêil lui en arrive des sévères, ce matin!

î

Si tes potes de tout à lêheure te recontactaient, motus, hein? Dis-toi quêen ce moment têas un pied dans la merde et lêautre sur une plaque de verglas. Au moindre éternuement il têarrivera des turbins funestes qui te transformeront en engrais azoté. quand on a une famille, Johan, faut plus jouer au cow-boy! Tchao!

Moi, franchement, je la trouve du genre plutôt passive, Marie-Thérèse. Elle entrave pas lerche à ce qui 1w arrive, mais elle sêécrase, ayant subodoré

que cêétait la seule conduite à adopter.

î

Elle nêa pas fait de rébeúa pour te suivre? demandé-je à M. Blanc.

î

Non; je lui ai simplement dit que jêallais manger son môme si elle faisait de lêobstruction, alors elle est devenue coopérante à fond. Je suppose quêon va se lancer dans la couture?

î

Tu voudrais plutôt aller au ciné, toi?

Comme y a pas la radio sur ce véhicule utilitaire, je me mets à chanter.

Jêinterprète le grand air de Paillasse parce quêil me fait marrer, ensuite je passe Aux millions dêArlequin, because cêétait la chanson de papa. Il la poussait au dessert quand on avait une fête de famille, jadis. Je reviens à

notre époque en chantant Morgane de toi, de mon cher Renaud que tiens, salaud, y a lurette que tu ne mêas pas donné de tes nouvelles à vous trois; et pour finir je brame Etoile des neiges en hommage à mes affinités savoyardes.

Je la boucle lorsque la voix goudronnée du Mastar retentit: î

quêest-ce cêest-il quêcette pétasse dont je viens dêtrouver en mêrévéliant, les gars? Mes hommages, chère mahéme, cêtêà vous, ces beaux flotteurs quêje palpe?

î

Laisse cette personne en paix, Gros! fulminé-je. Elle nêest pas destinée à ta consommation personnelle.

Il

entend faire éclairer sa lanterne et je lui brosse charitablement un bref résumé de nos récentes opérations.

î

En somme, madame est une otagesse? résume lêInf‚me.

î

Pratiquement.

î

Jêy bricolerais bien quéques agaceries pour rendê sa rétention plus joyce! Jêai jamais supporté les trépidances, explique-t-il, é mêportent illico à la grosse veine bleue; quêy puis-je-t-il? Je voye, en chêmin de fer, cêtêencore plus probant. Au bout dêvingt bornes jêai la godanche monstrueuse: faut quêje calce co˚te que co˚te. Cêest si vrai quêune fois, jêmêai embourbé unê vieillasse dêlêArmée du Salut dont on voiliageait dans lêmême compartiment, moi et elle. Ah! ça nêa pas été dêla sucrette! Une nana quêavait pas bouillavé dêpuis lêArmistice, avêc un trésor sec comme dêla poudre àcartouches! Vous mêimaginez moi et mon Pollux pour babasses espiosées! Reusêment quêjêavais lêlard de mon casse-dalle pour mêlubrifier lêpilon! Malgré tout, elle a

136

BAISSE LA PRESSJCF,

d˚ finir lêvoiliage debout, la chérie. Pour quêé sêassoive y e˚t fallu lu pratiquer une euthanasie locale. Et quan jêdis dêbout, cêtait avêc les cannes écartées. Com

mêdisait lêcontrô!eur quêavait assisté à lêopération Ún outil commê

lêvôtê, faudrait des mois dêéquitation dêsus pour pouvoir sêlêrespirer sans danger. ª

Il rit gras.

î Jêai idée, reprend-il que ça carburerait ave lêotagesse quêvoici. Jêlu dêvine une moulasse

bégueule la moindre. Lê temps dê lu voter deux papouilles signées Béni et elle a la motte fondante. Or y sent, aux individuses, ces choses. Un vrai fourneau son prose, à la médéme. Je vous pariererais tout cêque je voudrais quêelle peut absorber des membrane~

encore plus conséquentes, genre celle de Félix. Une porte de grange! «a sêlit suê sa frime! Jêvoye ça à la bouche. Les hommes, on les juge dêaprès le pif et le pouces; les gerces, cêest la bouche. La frangine quêesl fendue dêune oreille à lêautê avec des lèvres aussi épaisses, tu sais quêle reste est à lavement.

Je roule sans vraiment lêécouter. ~es divagation érotico-gauloises, ça fait des lustres quêil mêen récite, k Sandre!

Nôus pénétrons dans Vienne. Cette capitale s~ compose de villages agglutinés à un centre romantique dêaprès les guides, et comme ils ont raison!

Mes entrailles gargouillent comme celles du gara giste, naguère. Mais moi, cêest à cause de la faim qui me tenaille. Je nêai rien absorbé depuis le repas hongrois pris avec Heidi, lêétrange marchande de cartes postales. Je coule une úillée à ma Pasha. H est bientôt 18 heures de relevé. Avec toutes mes dépenses dêénergie, jêapproche de la digue-digue, ce qui est f‚cheux quand on sêapprête à donner lêassaut à la ligne Sigfried. Je stoppe en double file devant une boulangerie.

î Va mêacheter une petite clape, Jérémie je la pile et mes genoux commencent à faire bravo.

Brave coeur, il obéit. Derrière, ça sêagite. Mister Goret ne parvient plus à refréner ses bas instincts. H ne

TU ME LES GONFLES!

137

peut résister à la promiscuité et la fourgonnette tressaute comme si je convoyais une meute de chiens féroces.

î Hé, calmos, Gros! tonné-je, tu vas rameuter la foule, avec tes enfourchements.

Mais il a franchi le point de non-retour. La digue du flon sêest emparée de lêhomme. Il entreprend MarieThérèse à tout va, le bougre! Déballe sa haute technicité de pointe! En découvrant lêobjet de son effervescence, elle se soumet, la dame. Elle a cet élan de charité qui humanise lêêtre. Elle le voit bien quêun braque de ce calibre nêest pas contraignable. Cêest du chibre de toute exception que tu ne peux domestiquer. Dans son Autriche incertaine, elle pouvait pas imaginer quêil exist‚t des chopines dêune telle ampleur. Alors, faisant contre machin lala, lalère, elle en prend son parti et celles de mon pote.

Il soupire, le Mammouth, depuis lêarrière de sa tire: î Tu vois, grand, cêest la première fois que jêsus pompé par une pompiste!

Je devrais rire.

Mêen abstiens. Parce que, pile devant moi, également stoppée en double file, se tient une seconde fourgonnette, plus vaste que la nôtre. La b‚che rudimentaire qui la clôt pendant ses déplacements, a été soulevée et, dans lêombre, jêaperçois les deux infirmiers de ce matin, agenouillés sur le plateau du véhicule, avec, lêun et lêautre un pistolet-mitrailleur en pogne. Les deux canons sont braqués sur ma précieuse personne. Voilà quêils me font le coup de Mesrine, ces veaux!

Une seconde, je me dis quêils vont défourailler et me déguiser en fl˚te de Pan, instrument fort usité dans cette région dêEurope. Et puis non! Ils attendent. Une fille blonde, très grande, affligée dêune cicatrice à la lèvre supérieure, sort de la cabine de la camionnette adverse. Dêun pas délibéré, elle vient prendre à mon côté la place quêoccupait M. Blanc.

138

BAiSSE LA PRESSION,

î Ne bronchez pas, fait-elle, sinon vous serez déchiqueté à votre volant.

Elle avance sa main vers la manette de lêavertisseur et lêactionne brièvement. La camionnette de devant sêébranle.

î Suivez! enjoint la fille.

Elle tient une seringue hypodermique de sa main gauche et mêenfonce lêaiguille dans la miche droite.

î Cyanure! me dit-elle. Si vous bronchez jêappuie.

î

Prenez garde aux cahots, soupiré-je.

Le plus marrant, cêest que mon pote Béni ne sêest gaffé de rien. Il vit sa vie, le gueux! II gazouille àlêoreille de sa conquête î Jêsavais quêtêavais un vrai centê dêaccueil entê les cuisses, ma gosse!

On direrait quêjête pratique dêpuis des temps mémoriaux et quêon fête nos noces dêor! raurais-t-il pas été dépucelée avêc une batte dêbaisebol, des fois? Moi, une chatte quêjêy rentê comme en pays coquin, jêmêen méfille!

Avoue quêtêes tombée sur un salingue qui têas déberlinguée avêc un magnum dê Dom Pérignon?

Mais elle ne comprend pas le français et éprouve un plaisir indicible, ce qui lui fait deux raisons de ne pas répondre et de boire Contrex.

En plaçant ma tête contre ma vitre, je parviens à voir le rétroviseur extérieur de la camionnette et tu sais qui je distingue dans le petit rectangle de miroir? Mister Johan en personne. Dis, il nêa pas hésité

longtemps le garageo de merde! Un coup de turlu à ces dames pour les rancarder sur mon retour. Ensuite il saute dans une camionnette et nous course. II a le bigophone à bord de sa tire, pour les dépannages, cêest utile. Tout en roulant, ils conviennent de la marche à suivre. ´ Les autres ª se lancent à notre rencontre. Y a eu jonction en cours de route. Et maintenant me voilà pris au piège.

Lêaiguille frémit dans ma chair. Pas agréable de penser que cette garce peut me foudroyer en pesant un

TU ME LES GONFLES!

139

tout petit peu sur le piston de sa seringue! Je les ai moites, crois-moi.

Mes pensées abondent. Des tas dêidées disparates. Faut trier. Tu penses, toi, que je vais me laisser fliquer abominablement par cette panthère? Dis, elle mêa pas regardé, Katarina Swoboda. Je me dis: Ávant toute chose, il faut que Bérurier se dégorge le bigorneau afin de redevenir opérationnel. ª

Cette fois, je suis tout ouÔe, à lêécoute de son coÔt. Il lime comme un perdu et la frêle fourgonnette a des embardées brusques.

î

quêest-ce qui se passe, à lêarrière? demande la cheftaine de section.

î

Un ami à moi fait lêamour à votre camarade garagiste, camarade. «êa été un coup de foutre réciproque. Les mystères de la passion!

Devant, la camionnette file son bonhomme de chemin par de larges artères.

Les ínfirmiers ª se sont reculés jusquêau fond du véhicule afin de soustraire leurs armes à la vue des passants.

î

Ah! cré nomê dêgu quêcêest bon! Youyouille, jêpars à dame, ma gosse! Rate pas 1ê coche, toi non plus! Cêserait dommage! Ah! jêen peux plus, môme! Je vas larguer lêdernier étage dêma fusée. Oh! la la! Yop!

Brrrrrr! Ah! mouiiiii! Chope, cêtêun cadeau!

Il

se tait. Pète, comme toujours dans ces cas-là.

î

Cêétait bon, Gros? lui demandé-je paisiblos.

î

Du tonnerre! La mère est anéantie! Plein les galoches! Les yeux vuinérés! Jêsuis pas si têas réalisé la troussée giante que ça a été?

î

Un séisme, mec. Le Stromboli en éruption! Cela dit, il faudrait que je te mette au courant de lêévolution de notre situation. Pendant que jêétais stoppé, une camionnette nous a doublés: si tu lèves ta formidable tête de con, tu pourras lêapercevoir, là, devant nous. A lêarrière, il y a les deux mecs qui sêoccupaient de lêambulance, ce morninge. Ils ont chacun un pistolet-mitrailleur et me tiennent en joue. Tu vois?

140

BAISSE LA PRESSION,

î

Yes, mec. Mais qui est la jolie personne que je mate à côté dêtoi?

î

Celle qui dirige le réseau bulgare dêespionnage implanté à Vienne.

Elle tient une seringue contenant, paraît-il, du cyanure et a déjà planté

lêaiguille dans mon prose. Il se peut quêelle appuie et que je défunte.

Auquel cas je compte sur toi pour lui faire une clé et lui craquer la nuque sur le dossier.

î

Ben voilions! cêsêrait la moindê des choses.

î

Jêespère que vous parlez le français? demandé-je à la donzelle.

Katarina Swoboda opine. Elle avance son bras droit jusquêau tableau de bord pour me montrer un adorable pistolet bleuté.

î

Je suis capable dêabattre votre forniqueur avant quêil ne me touche, jêespère que vous nêen doutez pas?

LêAntonio sêabstient de répondre. Trop tendu par lêéminence de ce quêil mijote, le bougre. Avec le coude gauche, je frotte la poignée de la portière. Jêagis de manière imperceptible, sinon ce serait r‚pé. Il ne me faut pas lurette pour atteindre mon but. A présent ne me reste plus quêà

guetter lêoccase que jêappelle de tout mon être.

quand tu désires intensément quelque chose, tu lêobtiens. Les circonstances finissent toujours par se plier à ta volonté, cêest une règle absolue.

Ainsi, mon désir ardent est que la camionnette-pilote oblique àgauche ou à

droite à un moment donné. La chose doit fatalement sêopérer! Et elle se produit au plus fort de ma concentration. Le garagiste met son feu de signalisation à gauche et enquille la présélection. Docile, je fais comme lui.

î

Gravos! chantonné-je, gaffe à te manier la rondelle, biscotte cêest laguche que les Athéniens sêatteignirent!

La friponne comprend le français, mais pas lêarguche, ça mêétonnerait.

Bon, le feu passe au vert pour les présélectionnés que nous sommes et Johan oblique à gauche. Banco pour

TU ME LES GONFLES!

141

Bibi. Dans le cinoche ricain, au moment de tourner, au lieu de crier ´

Partez! ª comme on le fait en France, le metteur en scène dit Áction ª.

Et là, je trouve que ça convient parfaitement à lêinstant qui va suivre. La preuve?

Je te décompose, en magicien du verbe que je suis, ce qui devrait me valoir une élection de maréchal des logis à lêune de nos académies. quêensuite ils auront lêair fin, lorsque le Santantonio sera zingué, à pleurnicher de ce rendez-vous manqué avec lêHistoire. Comment veux-tu quêils soient vraiment écrivains: ils ont des couilles de serins! Ils savent encore pas que la vraie littérature, de nos jours, cêest plus dans les salons, mais dans les pissotières en crue. Ils continuent dans la gaufrette et les loukoums, à

faire des romans avec leur vie o˘ il ne se passe rien dêautre que des manigances. Ils foutent une capote anglaise à leur stylo, pas risquer de choper la délirade écrivière quêils redoutent comme sêil sêagissait dêune sorte de Sida des lettres! Ils admettront jamais quêil y a davantage de poésie dans les graffiti de banlieue que dans leurs bouquinances trop léchées. Ils sêécoutent penser et se donnent à réfléchir aux autres. Lisez et faites-vous chier, car ceci est mon génie, tout dégoulinant dêencre et de fatuité profonde! Ils mettent une alèse sur leurs feuilles dêécriture, des fois quêil leur viendrait une hémorragie! Misère!

Je te décompose mon áction ª, répété-je. Jêamorce un virage à gauche pour filer la camionnette. Mais soudain, parvenu au centre du virage, jêenfonú

le champignon plus loin que le plancher et vire sur ma droite toute. Cette secousse a un double effet. Elle fait basculer ma passagère et arrache sa putain de seringue de ma fesse. Moi, dêune formidable manchette pleine poire, jêassaisonne la Katarina. quand je te parle dêune manchette, cêest presque un coup de machette! Elle a morflé sur la glotte, Charlotte, et ça a craqué, je te dis pas à quel point!

Le Gravos, remis de sa déportance, sêest jeté àgenoux contre la banquette (laquelle devient ainsi une

banquette de dévôt) et noue ses battoirs musculeux sous le menton de la fille.

î

Bien joué, lêartiss! jubile-t-il.

Je pédale comme un fou, ayant br˚lé le feu rouge destiné aux tomobilistes désireux de continuer en ligne droite. quelque part, un poulardin siffle à

sêen faire éclater les testicules, mais salut, Dubois, bons baisers de Paris!

Mon rétro extérieur mêindique que cette puissante feinte a également payé

vis-à-vis des gonziers de la camionnette. Déjà engagés sur la voie de gauche et, bloqués par le flot se déversant dans cette même rue, il leur est impossible de revenir en arrière. Donc, je dispose dêun paquet de secondes pour mêarracher. Je fond-de-trainte jusquêaux feux suivants, oblique dans une petite rue discrète sur ma droite. Je pense à plus rien.

Je fuis! Simplement je fuis! quand tu fuis, têes plus disponible pour autre chose. Tout ton individu se trouve mobilisé par ce souci dêajouter de la distance, et encore de la distance. Têes pas rassasiable. Tu veux mettre de lêespace entre le danger et toi.

Eux, là-bas, ils doivent enquiller une voie de droite, et puis encore une autre pour atteindre lêavenue que je viens de quitter. Une fois là, ils essaieront de sêenquérir de la direction que nous avons prise. Ce sont des instants précieux pour nous.

Je vire à droite, puis à gauche, et encore à droite. que cherches-tu, mon San-A.? Ceci, là-bas, me rétro-que mon subconscient en me désignant le Danube. Un Bri~cke lêenjambe, je fonce vers ce pont. Malédiction il est à

sens unique. Alors je prends le chemin qui mène à la rive.

Ils sont en train de le recharger! Mais comme il est passé dix-huit plombes, les ouvriers des Ponts et Chaussées sont rentrés baiser Ninette.

Sous le pont, un camion chargé de gravier est stationné. Ne pouvant aller plus loin, je me range derrière le lourd charroi. A quoi bon louvoyer davantage? Nous risquerions de

tomber sur nos poursuiteurs, tu connais la perfidie du hasard, Bernard?

Je coupe le moteur et croise mes bras sur le volant en plaçant mon front en sueur contre mes mains jointes. Sonné, le mec! La pompe en folie! Jêen crèverai, un de ces sales morninges, de cette vie à la con!

î Dis donc, grand, murmure Béru.

Jêattends la suite. Il murmure:

î La grande sauterelle, là, tu sais que tu lêas refroidie avec la chiquenaude que têy as filée au gosier? Tu lêas broilié le sphinx, mec.

Vêlà un moment que je me dis quêelle est nazée, la gosse! Touche sa gargante:

cêest mou comme la zézette à Bourguiba.

Egaré, je redresse la tête. Je ne touche pas, suivant lêinvite de mon pote, mais je regarde. Evidemment, quêelle est morte, Katarina Swoboda. Dis donc, je les cartonne vilain, ces dames!

La fille est dêun blanc farineux; sa tête de traviole ressemble à une branche dêiris brisée. Elle tient toujours sa seringue à la main, une goutte de mon sang perle au bout de lêaiguille. Rageur, je la lui arrache des doigts et lêécrase dêun coup de talon sur le plancher de la fourgonnette. Bibendum, quant à lui, sêoctroie le feu de la dame.

î Maintênant, faut quêon va descendre de carrosse, Monseigneur! assure le Mastar. Et quêon va faire disparaître la tire.

î La faire disparaître comment? En la flanquant dans le Danube? Ce serait le meilleur moyen dêalerter les badauds du pont.

î Laisse-moi usiner, grand. Sors seulement de lêauto!

Jêobéis. Lui-même va ouvrir la lourde arrière à sa dernière conquête.

î Kome, mein trésor! lui fait-il.

Et la fille dégage à son tour.

î Ecartez-vous, toi zêet elle! recommande Superman.

Je le vois gagner le camion et prendre place dans la 144

cabine. Alors je pige son idée géniale. Sa Majesté met lêengin en route et actionne la benne basculante. Lentement, très lentement, Jêarrière du camion se dresse et son contenu commence à glisser sur la voiture. Bientôt cêest lêénorme avalanche. Notre fourgonnette est ensevelie entièrement sous la masse de gravier; avec le cadavre à lêintérieur.

î

Jêespère quê têas pas oublié ta boîte dêpréservatifs dans la tire, ricane lêEnflure, que sinon ça mêparaît un peu tardif pour la récupérer!

Je sais bien quêavec une cervelle comme la tienne, personne nêaurait pu inventer la roue, le fromage de gruyère, le préservatif, voire le sablier électronique; pourtant je suis certain que tu têen sers tout de même pour formuler une importante question qui se sera imposée à toi au cours de ce palpitant récit lequel sêinscrit pile entre Notre Drame de P‚ris et Guerre et pets. Moi, qui suis habitué aux phrases brèves, je manque dêair quand il mêarrive dêen licebroquer une comme ci-dessus. Dêailleurs Proust ne pouvait écrire quêen mangeant des spaghetti!

La question qui te harcèle, Maroel, est la suivante:

´ Mais quêest donc devenu M. Blanc? ª Voilà un Noir de bonne volupté que jêenvoie mêacheter quelques menues nourritures. En son absence un rapide et sombre rodéo sêopère dans les rues de Vienne. Mais quêa-t-il bricolé au sortir de la boulangerie, le brave Jérémie? Sêest-il aperçu du coup de main, depuis le magasin? Probablement nie: car sa nature véhémente et courageuse lêaurait induit à intervenir. Alors, donc, ce cher ami africain est ressorti, tenant dans du papier de soie Le brouillon de repas que je souhaitais et auquel mon individu aspire de plus en plus. Et ensuite? quêat-il pensé en ne nous voyant plus? Et, lêayant pensé, comment aura-t-il réagi?

146

BAiSSE LA PRESSION,

î

Vêsêattendez quoi têest-ce pour prendê place, méames zêet messieurs? sêimpatiente le gus.

î

Prendre place dans quoi? mêhéberlué-je.

î

Bédame! Dans cêcamion. Avec quelle voiture voudrais-tu-t-il quêon sêdéplaçasse?

Dans le fond, il a raison. Je fais signe à la gonzesse de grimper.

Lorsquêelle a rejoint Béru, je monte à mon tour, car on peut parfaitement tenir à trois. Le Mastar décarre et cêest une lourde et cahotique balade le long du beau Danube marronnasse si trop joliment décrit par ce brave daltonien de Strauss.

On tangue sur la voie en réfection. A son extrémité, une barrière métallique sêinterpose, flanquée dêun écriteau dêinterdiction de circuler.

Sa Majesté se fait un plaisir de la culbuter et après moult périphéries, comme dit lêHénorme, nous revoilà en ville. Il fait presque nuit et les lumières brillent à Giono.

î

Tu mêguides, mec?

î

O˘ comptes-tu te rendre?

î

Bé, là quêon sêétait promis dêaller, non?

Cher brave homme! Comme nous sommes admirablement à lêunisson, mes compères et moi! Jêinterroge la pompiste pompeuse sur lêitinéraire à suivre et cette chérie nous guide avec beaucoup de parfaitement, en femme soumise à toutes les autorités et à tous les m‚les capables de lui en assurer une vingtaine de centimètres. Chemin roulant, je lui fais décrire avec minutie les lieux.

Elle ne sêy est rendue quêune seule fois, mais en a gardé un souvenir précis.

î

Le magasin de couture est-il encore ouvert?

Elle retrousse ma manche pour étudier le cadran de ma montre, bien que ma Cartier dise lêheure en français, elle comprend néanmoins quêon sêachemine sur 19 heures 40 et secoue la tête.

î

Non, fermé.

î

Si bien que les employées sont parties?

î

Oui.

î

Ceux qui restent se tiennent dans le gymnase?

î

Cêest probable...

TU ME LES GONFLES!

147

Je me dis que Le moment dêun coup de main est idéal car je suppose que les acolytes de la défunte Katarina Swoboda doivent effervescer à notre recherche, ce qui diminue les effectifs de Fort Alamo.

Nous atteignons K‚rntnerstrasse et la grognasse du garagiste nous désigne le magasin de modes. La vitrine en est largement illuminée, mais lêintérieur est obscur, ce qui confirme les prévisions de la môme.

î

Fais le tour du p‚té de maisons, gros, on va aller regarder derrière comment lêenfant se présente! enjoins-je au Dodu.

Docile, il enquille la première rue à droite, et puis encore la première à

droite, ce qui te montre quêon a du bol car les sens uniques auraient pu nous être défavorables.

Le gymnase en question est un b‚timent de briques grises dans une rue sans grande importance collective. Elle est peu éclairée, mais comme il semble ne rien sêy passer, cêest bien suffisant commak.

î

Bon, on stoppe, Gros.

î

Je va barrer toute la strasse! objecte lêEmérite (agricole pusquêil est de la parpagne).

î

Grimpe sur le trottoir dêen face, autant que tu le peux.

î

Et nêensute?

Au lieu de répondre, je mate le mélancolique paysage. Ces murs gris... Une verrière en vitres dépolies coupe le mur sur quatre ou cinq mètres, à

environ trois mètres du trottoir. Elle court le long du toit plat. Seule ouverture réelle donnant sur la rue: une double porte de fer sur laquelle est peinte une interdiction de stationner. Une faible lumière filtre par la verrière. Jêen conclus quêune très maigre zone de la salle de gymnastique se trouve éclairée. Mon cigogneur pilonne dur quand je pense que mon petit Toinet se trouve peutêtre dans ce local.

î

Alors, révérend Père Plexe, ricane lêEnflure, quêest-ce on décide-

t-il?

148

BAISSE LA PRESSION,

î

La gonzesse va nous gêner dans nos manoeuvres, soupiré-je.

î

Tu veux que jêva la ligoter et la foute dans la benne?

î

Pour que les gens des immeubles puissent lêadmirer à leur aise sêils se mettent à la fenêtre?

î

Ou alors, jêy mets un taquet à la mangeoire? «a peut lui organiser un beau dodo, tu sais!

î

Je préfère, mais je trouve que quand nous vadrouillons au pays du romantisme on se conduit un peu durement avec les dames.

Il

sêinsurge

î

Si jêpourrais pas mêpermettê dêla chahuter un brin après la belle biroute nickelée quêelle sêest dégusté têtêà lêheure!

î

Alors soit!

î

Tout dêsute?

î

Remets ta formule en marche, Sandre. Lêintervention que je te propose va néússiter efficacité, rapidité et précision.

î

Cêest dans mes cordes, comme disait un boxeur qui jouait du violon.

î

Tu vas refaire le tour du p‚té de maisons. quand tu déboucheras dans la rue, vire le plus large possible de façon à empl‚trer la porte de fer que voilà. «a mêétonnerait quêelle résiste au coup de boutoir de ton quinze tonnes.

î

Mêsurprendrerait aussi. Ce mur de briques, avêc sa mine de papier m

‚ché, jête lêfoutrais par terre àcoups de pied!

î

Je vais descendre pour être à disposition près de la brèche que tu vas pratiquer; excuse-moi de ne pas rester avec toi dans le bahut, mais je ne peux pas risquer de me laisser estourbir par le choc.

î

Jêtêen pnlle, grand. Dêalieurs, têas toujours aimé tes aises!

î

Comprends quêil va falloir agir à toute vibure car le voisinage donnera aussitôt lêalerte et nous nêaurons plus de véhicule à disposition pour nous carapater.

TU ME LES GONFLES!

149

Surtout, cramponne-toi ferme à ton volant au moment du carambolage.

î

Dis, Iêartiss, tu connais Bérurier? Jêsus b‚ti àchaude-pisse et aux Sables-dêOlonne, moi!

î

O.K. Endors ta Mmc Bouffe-Bite, ici présente et agis! Je vais prier en têattendant.

î

Tu têes toujours réservé lêplus délicat du boulot! répond le recordman du kilomètre-paf arrêté.

Il

me regarde descendre. Le camion au point mort vibre comme un vieux frigo sur le point de rendre lê‚me. Béni tapote la joue de sa compagne.

Puis lui désigne un point du ciel à travers son pare-brise.

î

Hé, Frau Darlinge, têas vu la lune, cêsoir? On dirait une photo couleur de Maho Sait Tout!

La dame lève son visage, proposant ainsi un ravissant menton au soporifique béruréen. Il laisse partir son gauche, lêHomme-au-Gros-Moignon. Sec et précis! La pompiste se disperse sur le plancher du camion.

î

Prépare des frites, jêrêviens! sêécrie Béni dans le ronflement de sa Ferrari.

II

disparaît, happé par la rue suivante. Ét sêil ne revenait pas? ª

me dis-je. Suppose que, dans sa précipitation, il embugne une tire dans la Karntnerstrasse, ou renverse un passant? Suppose que cette grosse vacherie de camion tombe en rideau? Suppose quêil ait mal assaisonné la garagiste et quêelle se mette àhurler au secours? Suppose... Suppose... Et merde! Dis, je vais pas tourner .à la petite rosière effarouchable!

Mentalement, je suis lêitinéraire:.. Il a déjà rejoint K‚rntnerstrasse. Il longe oette voie importante pour rallier la nie suivante, il...

Mais, dis! Je rêve! Le voilà déjà de retour! Je fonce en deça de la double aorte de fer pour assister au numéro. Tu le verrais, Grosbide, ce sang-froid! Cette espèce de majesté dans lêactionS! Ennobli par sa concentration. Les lèvres verrouillées sur son dentier. Le 150

BAISSE LA PRESSiON,

regard profond comme celui dêun chimpanzé. Il a rabattu son bitos au ras de ses sourcils pour se protéger des éclats. H nêa même pas un coup de frein, messire Béru. A croire que cêest Julienne qui lêa formé, cézigo! Il braque tout, après avoir tenu sa gauche. Dans un phénoménal ralenti, je vois sêaccomplir lêimpact. Le capot cogne la porte qui se courbe et cède. Les briques sêécroulent autour du cadre de la lourde. La cabine du monstre sêengage par la brèche. Il chie des éclats de toutes natures: vitre, brique, pl‚tre, bois.

Alors je fonce.

Malheur! Ah! funeste sort. Tu sais quoi? Le camion, en sêengageant dans la trouée, lêa obstruée entièrement. Il mêest impossible dêentrer dans le gymnase. Jêattrape le rebord du plateau, mêy hisse. La paroi de la cabine est un obstacle tout aussi infranchissable. Par la lucarne dont le verre sêest brisé, je distingue un nuage de vapeur, à cause du radiateur éclaté.

Béru nêa pas de mal. Il sêévertue comme un régiment de Cosaques dans lêantichambre dêun bordel pour tenter dêouvrir sa portière, mais elle est bloquée par le mur. Il est là, lêEnfoiré, fiché dans le gymnase comme un robinet dans la bonde dêun tonneau.

î

Recule! hurlé-je. Mais recule donc, Sac à Merde!

î

Et mon cul! glapit lêAuroch, à demi asphyxié par la vapeur et la poussière. Tu croives quêy marche encore, cê moulin, après une pétée pareille!

Soudain, le calme me revient!

î

Calmos, Gros! Derrière les sièges, jêaperçois des outils! Essaie de me filer une pioche par la lucarne.

î

Et comment veux-tu quêé passe, fleur de mes couilles!

Mais mon renseignement nêest pas tombé dans lêoreille de Beethoven! Il empare lêoutil désigné pour, tant mal que bien, démanteler le cadre du pare-brise. Moi, toujours, guette-au-trou, jêessaie de mater lêintérieur du gymnase. quêapercois-je? Une vaste pièce comportant des portiques, des chevaux dêarçon, des barres parallèles, des anneaux, des trapèzes et autres TU ME LES GONFLES!

151

instruments propres à la musculation dêun individu décidé à se constituer un capital biceps. Dans le fond du gymnase se trouvent deux portes.

Lêendroit nêest éclairé que par la clarté tombant de la verrière et qui provient du maigre éclairage de la rue. Lêune des portes du fond vient de sêouvrir et deux personnages accourent vers le lieu de ´ lêaccident ª: un homme blond et grand, vêtu dêun training rouge et une fille superbe, dans les roux vénitiens, portant un jean noir et un sweater vert.

î Démerde-toi pour sortir du camion, Gros! lancé-je rapidement. Dès que tu seras dans le local, neutralise ce couple et va voir dans les pièces adjacentes.

quant à moi, je dois affronter la badauderie accourue aux renseignements.

Comme je suis juché sur le plateau, ces bonnes gens mêinterrogent.

î Aucun accident corporel! les déçois-je. Inutile de prévenir la police, les gens de lêintérieur sont en train de sêen occuper.

Ayant calmé le danger, de ce côté-ci, jêobserve les agissements du Gravos.

Il est en train de se scalper en franchissant le cadre du pare-brise, biscotte les tessons de verre. Le grand mec blond lêagonise comme un perdu.

Il les a à la caille de voir débouler un camion dans leur antre. Cêétait pas prévu sur son cahier des charges, lêartiste!

Comme Béru ne comprend pas lêallemand, il se contente de clopiner bas en direction du gazier en se massant les hanches. Il geint à fendre du bois et àperdre haleine, mon Gros. Tout juste sêil ne chiale pas.

Le gars continue de vociférer. Alors Big Apple y va de son mémorable coup de boule. Cêest chaque fois une sorte de chef-dêoeuvre. Un mouvement animal : mibouc, mi-taureau (Béru, quoi !). Une amorce de charge avec, le ponctuant, un formide mouvement de tronche. quand têas dégusté ce boutoir dans le portrait, plus la peine dêaller te faire photomatonner : les clichés qui en résulteraient ne seraient pas utilisables pour un document officiel. Fectivement, le grand blond cesse immé

152

BAISSE LA PRESSION,

diatement de se ressembler. 11 a la bouche en forme de steack tartare au oentre duquel on ménage un trou pour le jaune dêoeuf; et puis son nez naguère rectiligne ressemble maintenant au pouce dêun gant de boxe. 11

titube, cherche, tel Atlas, un point dêappui pour soulever le monde et, nêen trouvant pas, sêécroule.

Mon Gros, ça ne lui a pris que deux secondes un tel exploit. Déjà il śêoccupe ª de la gonzesse. Pour elle, cêest le coup du timbalier quêil lui a réservé. Une double claque simultanée, avec les deux mains à la fois. En serre-livres! «a doit lui rétrécir la frimousse de cinq centimètres! Elle aussi va à dame. Pépère se retourne vers moi et, le pouce brandi, me confirme son triomphe.

î

Contrôle-les avant de sortir! lui crié-je.

Vu que têas des natures retorses qui récupèrent en un clin dêoeil. Mais il sait la vie aussi bien que moi, mon berger fidèle. Alors: un shoot délicat à la nuque du type : un second plus nuancé, à celle de la fille. Content de soi, il redresse son chapeau cabossé par lêimpact, le recoiffe et se dirige vers la porte restée ouverte.

Mais avant quêil ne lêait atteinte, deux événements surviennent. Lêun positif, lêautre négatif. Le positif cêest lêapparition de Toinet. Le môme paraît un peu chiffonné.

î

Tonton Béni! sêécrie-t-il.

Et il se précipite dans les bras du Gravos, très ému. Ce faisant, il bloque les mouvements de notre illustrissime compagnon à un moment o˘ celui-ci en aurait grand besoin! Car lêévénement négatif se produit : àsavoir le retour des deux ínfirmiers ª et du garagiste qui nous coursaient. Bredouilles, ils viennent de rallier leur base et, crois-moi, ce retour est extrêmement inopportun. Une brève période dêindécision suit leur entrée.

Ahuris, ils contemplent cet avant de camion dans le gymnase, puis ce gros mec avec lêenfant dans les bras. Cette dernière image leur révèle illico que ´ lêaccident ª est, en réalité, un coup de main. Alors le plus TU ME LES GONFLES!

153

gros des infirmiers dégaine son pistolet-mitrailleur, celui qui, naguère, mêa regardé au fond des yeux. Il hurle au Mastar de lever les mains. Béni qui nêa pas eu lêopportunité dêapprendre le boche depuis son entrée fracassante en ces lieux, met du temps à réaliser. Seulement, quand un vilain têaboie après en brandissant un calibre pour travailleur de force, une certaine interprétation sêopère, f˚t-ce dans des cerveaux réalisés par M. Bouygues. Voilà pépère qui repose le lardon sur le tapis-brosse et qui cherche à saisir les nuages.

Et moi, dans tout ça?

Moi? Viens, tu vas voir!

Tu sais, dans les dessins animés, la scène clé? Le chat qui poursuit la souris, ou le chien qui course le rat?

A une allure supersonique, je saute du camion. Le temps de crier aux badauds:

î Dispersez-vous, je crois que le réservoir dêessence va exploser, afin de les dissuader de prendre ma place.

Je vais à lêangle de la rue. Vire une première fois àgauche! Puis une seconde. Et une troisième en fin de compte de manière à parvenir dans la cour précédant le gymnase. La camionnette de mes ex-poursuivants sêy trouve. Je fonce à la lourde. Elle est fermée, mais je ne me sépare jamais de mon sésame. Cric! crac! Merci, Jehanne dêArc!

Un palier avec des portes à bloundi donnant sur le local. Elles sont munies de deux hublots, comme celles qui permettent lêaccès à une salle de cinoche. Je regarde et mêaperçois que mister Dodu trempe dans un bain de gadoue assez pas mal! Lêun des infirmiers lêa ceinturé et lui maintient les bras dans le dos, tandis que les deux autres lêestourbissent avec leurs crosses! Courageux comme un lion, le Toinet flanque des coups de pied dans les jambes des deux tagonistes, quêà La fin il a droit à une beigne qui lêétend, mon loupiot!

Il est temps dêinterviendre, Sana! Sinon, ce quêil subsistera de ton brave Béni pourra être rapatrié en

154

BAISSE LA PRESSION,

France dans une cantine militaire! En loucedé jêécarte les portes. Flingue en pogne, je vise le jarret du plus méchant. La vacca! «a lui fait exploser la rotule! La douleur est si violente quêil sêévanouit, le pleutre!

î L‚chez vos armes, vous êtes cernés! gueulé-je dêune voix de stentor vénitien.

LêAntonio, toujours émérite, a pris soin de se coucher derrière les deux portes. Et bien lui en biche car le deuxième ínfirmier ª a volté pour un arrosage express. Y a plein de petits trous dans les panneaux de bois.

î Et après? lancé-je dêun ton si glacé quêil me flanque la chair de poule!

Courageux, le gonzier sêavance. Prêts à se faire buter à lêoeil, ces mecs enchapitrés! Il a ramassé le feu de son pote. Un dans chaque pogne, il a des espérances de vie! Faut que je me le plombe. Seulement, avec ces foutues portes à va-et-vient, cêest pas du g‚teau aux amandes! Si je pousse un vantail pour pouvoir défourailler, il balancera le potage en grand!

Le salut, tu sais de qui il mêarrive?

De la pompiste, mon vieux! Textuel! Figure-toi quêelle a récupéré, la garde, et la voilà qui bieurle ´ Johan ª en apercevant son vieux.

De saisissement, lêhomme aux sulfateuses se retourne. Et cêest sa perte!

Moi:

Poum! Poum!

Une bastos dans chaque épaule. que tu dirais un épouvantail dont le manche à balai transversal serait tombé!

Béni profite de la conjoncture pour faire une clé au garageo avec son coude et lui beurrer le pif et les mirettes de gnons percutants. La femme vole au secours de son julot en brandissant la pioche.

Gaffe-toi, Gros! hurlé-je.

Il fait un saut de baleine, arrache lêoutil des mains de la Marie-Thérèse et le lui plante carrémènt dans les pensées! Nêa jamais eu la reconnaissance du bas-TU ME LES GONFLES!

155

ventre, Béni! Elle sêécroule morte, avec cette barrette de dix kilos dans les cheveux! Toinet mêaccourt contre.

î Tonio! fait mon loustic en mêarrivant dessus.

î Salut, petit mec; o˘ sont les deux ancêtres?

La vieille est morte : ils lêont découpée en rondelles pour essayer de faire parler Félix!

î EtFélix?

H me désigne la seconde porte.

î Il était là, ce matin encore, mais on lêa emmené.

Je me précipite vers la pièce quêil mêindique. Jêy découvre un lit de fer flanqué dêune table dêémail, comme celle quêon utilise dans les hôpitaux pour y déposer des fioles et du matériel chirurgical. Les draps du lit sont souillés de sang, mais, effectivement le père Félix ne sêy trouve plus.

Des sirènes de police retentissent dans la rue de derrière.

î Acré! me lance le Gros, vêlà les pandores! Cassons-nous, sinon on va chier des oursins!

Le conseil est excellent. Je chope Dudule par la main et on se taille côté

cour. Mon intention est dêutiliser la fourgonnette des lascars qui sêy trouve stationnée, hélas, les gars ont prélevé la clé de contact et il nêest plus temps dêaller leur faire les vagues.

La scoum, bordel! Elle nous l‚che pas, décidément. Je me sens comme un oiseau micropodiforme, genre albatros ou engoulevent: mes pattes trop courtes et mes ailes trop longues mêempêchent de prendre mon envol depuis le sol!

î Filons à pinces! dis-je.

On marche posément jusquêà K‚rntnerstrasse et je choisis de nous développer en sens unique manière de ne pas être rejoints tout de suite.

A cet instant net et précis, un coup de sifflet de trident, comme dit Béni, part de la circulation. Caractéristique. Cêest aigu comme un accent du même nom et ça continue par une trille rouleuse. Je reconnais le cri du cormoran quêimite si parfaitement Jérémie Blanc. En matant bien, jêaperçois mon Noirpiot dans une

156

BAI~il~ LA PRESSION,

calèche attelée dêun bourrin blanc et pilotée par un vieux calécheur coiffé

dêun chapeau melon. Lêest tout engoncé dans une houppelande, le cocher. Il a lêair dêun gros oiseau malade dont les paupières sont lourdes. Jérémie est en train de parlementer avec le dabe écroulé sur sa banquette pour le prier de stopper. Mais pépère répond quêil ne peut pas paralyser le flot de la circulance. Alors, bon, on crapahute comme des sauvages pour le prendre en marche. quand cêest au tour de Bérurier de hisser sa viande, le bourrin qui porte un bonnet rouge, pour avoir lêair plus con que son maître, tourne la tête dans notre direction et lance un barrissement désespéré. quel est le con dêentre vous qui vient de ricaner quêun cheval ne barrit pas! Pauvre cloche, va! A Vienne, les canassons barrissent, jêaimerais que tu le susses! Et celui-ci dêautant mieux quêil ressemble àRaymond Barre, alors tu vois!

Naturlich, le cocher rouscaille quêil va falloir douiller une sérieuse rallonge! Sa rossinante est vannée; elle roule sur la jante en fin de journée. Nous lui promettons la lune. Juste des perdreaux déboulent coudes au corps de lêangle de la èrue pour se précipiter dans la cour. Moins une!

î Je nêai pas pu venir plus vite, nous dit M. Blanc, impossible de trouver un taxi à cette heure! Alors jêai affrété cette calèche qui regagnait ses écuries.

î Dans un sens, cêest mieux fais-je, qui donc penserait que nous sommes en train de fuir avec cette archaÔque carriole? Tu es vraiment tombé àpique, fils.

Mon soulagement dêavoir récupéré Toinet commence à se corrompre à lêidée que Félix, lui, a disparu.

On est là comme quatre connards dans cette calèche branlante, à regarder la ville sans la voir, au pas faussement trottineur de lêharidelle (qui fait notre printemps!). On a tellement de choses à se raconter. De questions à

se poser. Mais on ne parle pas. Dêun

TU ME LES GONFLES!

157

commun accord, on fait trempette dans un bain de mutisme, parce quêon a besoin de se bricoler un moral, une santé.

Tu comprends?

DESSINE-MOI BUFFALO BILL

Comme toujours, cêest Bérurier qui renoue avec les dures réalités de lêinstant

î

On va o˘ est-ce? il demande sans entrouvrir ses grosses lèvres répugnantes.

M.

Blanc répond:

î

Jêavais donné la K~irntnerstrasse comme adresse, me doutant bien que cêest ici que je risquais de vous retrouver, libres ou prisonniers.

Puis, il y a un instant, avant que vous ne montiez, jêai demandé au cocher de nous conduire à la gare.

î

Donc, on va à la gare! fait Béru qui aime sêappuyer sur des résumés tangibles. Et afteur?

La calèche va, dans un ruissellement de lumières. Le bourrin qui sêest accoutumé aux engins motorisés nêa pas peur des voitures qui le frôlent sans cesse. Sous son bonnet... dê‚ne, il va. Le cocher sêest remis à

somnoler. Moi, je tiens fort la menotte du gamin dans la mienne. Je lêai récupéré, cêest lêessentiel. Après tout, tant pis pour le vieux cul fripé

de Félix. Il aura ´ fait son temps ª, comme disait ma grand-mère. Mille questions me viennent, que je voudrais poser au lardon, mais je préfère attendre que nous soyons dans un coinceteau peinard.

î

Après tous ces avatars, fait Béru, ça doit sêénerver dur chez les archers du patelin. On risque dêêtre alpagués en moins de jouge; toi surtout, Antoine.

159

î

Je sais.

î

Les hôtels ne sont plus fiables, déclare M. Blanc.

Sale impression dêêtre traqué dans une ville, sans gîte.

Et soudain, il me point une idée. Elle mêest inspirée par le quartier que nous traversons. Un quartier o˘ je suis venu la veille. Jêinterpelle le pilote dêessai, affalé sur son siège.

î

Arrêtez-nous ici, je vous prie.

î

Nous nous trouvons encore loin de la gare! objecte-t-il.

î

Comme nous sommes pressés, nous irons à pied! réponds-je.

Je lui virgule de la fraîche et nous descendons de la charrette fantôme.

î

quêest-ce y tê prend, lêgrand? questionne Béni.

î

Suivez-moi!

Cêest Conrad en personne (et en bras de chemise) qui vient délourder. Il a la bouche pleine, ce qui indiquerait que lêaimable couple faisait la dînette lorsque jêai sonné. En me reconnaissant, il cesse net de mastiquer.

Un gros chicot de bouffe lui gonfle la joue droite, ce qui le fait ressembler à un hamster sur le qui-vive.

î

Salut! lui fais-je en souriant large comme la lune à son dernier quartier.

Et, sans lui laisser le temps de réagir, je lui balance un coup de saton dans les roubignolles. Cêétait du hareng de la Baltique à la crème quêil bectait. Comme il vient de le restituer sur la moquette, on ne peut pas se tromper.

î

Occupez-vous de lui, les enfants, fais-je à mes peones. Je le veux complètement neutralisé, vu?

Et là-dessus, je gagne le coin kitchenette o˘ la ravissante Heidi, nue sous un peignoir rose, surveille le réchauffement dêun restant de rago˚t. Dêun geste délibéré jêéteins la plaque de la cuisinière. Ce rago˚t 1W

BAISSE LA PRESSION,

sent bon et me fait chialer lêestomac, tellement il crie famine, le pauvret! Je chope la casserole par la queue et, me servant de la cuiller en bois, me mets à briffer sans cesser de fixer Heidi. Là, faudrait quêelle sêadresse dêurgence au G.A.N. car son assuranú vient de la quitter. La peur lui cerne les yeux et écarquille son iris comme le ferait une ligne de came.

î Ma mère me répète toujours que la faim est le meilleur cuisinier, dis-je, la bouche pleine. Vingt-quatre heures sans claper, tu te rends compte?

Toinet mêa rejoint. Sa petite frime de gavroche est un peu p‚lie et ses taches de son criblent fortement sa peau. 11 est très intéressé par lêouverture du peignoir rose qui découvre un nichon de la môme et laisse lêespoir dêapercevoir son fnfri au prochain mouvement quêelle fera.

Et moi, je bouffe comme un régiment dêogres. Cêest bon, la voracité quand elle est réellement motivée. Jêai dêexcellents souvenirs des instants de ma vie o˘ je me suis montré bestial.

Animaux, nous sommes. Lêhomme affamé est lêégal du rat ou du chien.

Jêai lêimpression quêil nêy aura jamais suffisamment de rago˚t dans cette casserole pour me rassasier.

î Après vous, sêil en reste, baron! grogne Sa Majesté survenante.

î il nêen restera pas, le préviens-je.

Bidendum soupire et sêasseoit à table pour terminer les harengs.

La gonzesse nêa toujours pas moufté. Jérémie sêencadre dans lêouverture de la porte à glissière. Lêarrivée de ce grand balèze de négro sidère la fille dêun degré supplémentaire.

Béru se verse un verre de vin blanc allemand. II clape de la menteuse et fait la grimaú.

î Cêest pas cête bibine qui mêfera oublier un bon pêtit M‚connais ou un Hermitage de chez Chapoutier, assure lêimmense. (Regard à Heidi.)

´ Joli lot, mec. Jêferais bien rebelote avêc elle! ª

TU ME LES (ONtLES!

Il

avance le bras pour tirer sur le pan du peignoir, úqui fait le bonheur (relatif) de Toinet.

î

Têas visionné ce joufflu, Blanche-Neige? fait-il àJérémie.

Cêtêautêchose quêlêbaigneur dêvos négresses, merde! Elles ont toutes le prose à impérialiste, comme des autobus anglais, quêon croirait quêelles portent un coussin par-dessus leurs meules!

´ Tandis quêlà, pardon : cêest dêlêestatue grecque! La Vénus de Milou!

quand tu crougnougnoutes une paire de miches pareilles, têas lêimpression dêmordê dans un melon dêCavaillon. ª

î

Tu parles devant un enfant! réprimande Jérémie.

î

Un enfant, Toinet? A onze ans! Non, mais têas remarqué la manière quêy sêallume, le môme, en regardant la carrosserie dêmadame? Moi, à son

‚ge, je sautais déjà la fille Marchandise et aussi la grande Marie, flotê

servante. que chaque fois quêé lêétait enceinte, on nêsavait jamais si cêétait de pépé, dêmon dabe ou dêmoi-même. Même elle nêpouvait pas préciser!

Heidi paraît sortir progressivement de sa léthargie, comme une viande mise à décongeler dans un four àmicro-ondes sort de sa raideur.

Elle tend la main vers une étagère et saisit une boîte de fer sur laquelle y a écrit ´ Farine ª en lettres gothiques. Elle lêouvre et la renverse sur la paillasse de lêévier. Du monticule blanc, elle dégage deux demi-liasses de banknotes. Je reconnais les dollars du père Félix. La môme les défarine en les agitant au-dessus de lêévier, puis me les tend, sans un mot... Au lieu de les prendre, je lui allonge une beigne qui la fait tituber. Après quoi, jêachève le rago˚t rago˚tant. Heidi dépose les talbins déchirés sur la table. Intéressé, Toinet les griffe. Il me demande: î

Je peux?

î

Cêest ça : fais le trésorier.

î

Si cette gonzesse aurait du scotch, je pourrais les recoller.

IJA1~iSI~ LA PRl~S~ION,

î

Non, laisse trop délicat! Faut pas se gourer, les numéros doivent correspondre.

î

Tu me prends pour un branque, grand?

Voilà, cêest renoué, la jactance. Je retrouve mon envie de parler. Ici, nous sommes peinards. Jêai eu lêidée du siècle en venant y chercher refuge.

Si je conserve la situation bien en pognes, ces deux aigrefins nous sauveront peut-être la mise.

î

Ligotez cette pétasse! enjoins-je à mes sbires. Vous êtes certains que son mec est vraiment inoffensif?

Jérémie hoche la tête.

î

Nous lêavons saucissonné serré et avec le coup de talon que ce gros sac lui a filé ensuite dans les gencives, ça mêétonnerait quêil reprenne ses esprits avant une heure ou deux.

M.

Blanc farfouille dans les tiroirs de la kitchenette et découvre une paire de pinces~ coupantes. Il les emploie pour sectionner les fils du cadre dêétendage.

î

Vos poignets! enjoint-il à la mousmé.

Elle les tend passivement. Mon ami se met alors à la lier fortement.

î

Avant quêtêy attaches les compas, jêmê la payerais estrêment volontiers, informe le Mastar.

Mais Jérémie ne lêécoute pas. H fait asseoir notre hôtesse et lui ligote les chevilles.

î

Maintenant, raconte, dis-je à Toinet. Tu te trouvais aux manèges avec mémère lorsque des jeunes femmes vous ont abordés. que vous ont-elles raconté?

î

Elles ont commencé par chambrer la vieille pendant que jême payais la Grande Roue. Lorsque jêai descendu, elles avaient lêair potesses. Elles mêont payé des p‚tisseries, et puis elles nous ont proposé de nous ramener à la maison, vu quêy sêfaisait tard et quêla vioque voulait rentrer à la taule. En cours de route, la mère Mueiner sêest endormie dêun seul coup. Je me demande si lêune des gonzesses nêy aurait pas fait une piquouze?

î

Et alors?

î

Elles nous ont conduits là que têes venu me lU MI~ LLS CiUNtLt~!

chercher. Elles ont foutu la mère Carabosse sur un lit pour quêelle continue de pioncer, moi, elles mêont interrogé.

î

A quel propos?

î

A propos de qui jêétais et de ce quêon venait foutre à Vienne.

Elles voulaient des renseignements sur Mêsieur Félisque et sur toi.

î

Comment réagissais-tu?

î

Je leur disais quêelles avaient tort de sêy prendre commak avec nous, à cause que têes le plus grand flic dêEurope, et peut-être même du monde, et que tu tolérerais pas quêon me kidnappe, et que çêa allait être leur fête, ces connasses, un type comme toi sur le cul!

Je ne peux mêempêcher de déposer un baiser dans sa chevelure qui sent le petit garçon, la paille fraîchement engrangée et le cahier dêécolier.

Gentil Toinet, si s˚r de śon grand frère-père ª. LêambiguÔté de nos liens freine mes élans de tendresse la plupart du temps et son côté garnement ne facilite pas les effusions; mais cêest un chic môme, plein de cran, déluré

et tendre.

î

Tu sais que je têaime, lêarsouille? murmuré-je en essayant dêaffermir ma voix un chouÔa défaillante.

î

Cette connerie! Evidemment quêon sêaime, Tonio! A quoi ça rimerait quêon se soit adoptés?

î

Allez, petit monstre, continue!

Il traîne un peu en se rendant compte que le peignoir a glissé de lêépaule gauche dêHeidi et que son sein se propose, dans toute sa gloire. Un beau sein rose, àcrête ocrée qui reste ferme sur ses positions.

î

Elles ont continué de me faire jacter. Elles sêy prenaient en douceur. Y en a même une qui me caressait la zézette en mêappelant ´ petit homme ª. Ce qui les intéressait surtout cêétait ton ami Félisque. Elles mêont fait boire du vin sucré, un plein bol. Jêavais la tronche comme une toupie. Elles me demandaient ce que ton vieux pote têavait dit. Et moi quêen savais rien, je pouvais pas répondre, alors jêai inventé.

Là, ma moelle se met à dégouliner à lêintérieur de mes os et mon palpitant affiche le rouge.

164

BAISSE LA PRESSION,

î

Et tu leur as inventé quoi, cavillon?

î

Nêimporte...

î

Mais encore?

î

Des vannes, comme quoi Félisque est un grand savant et quêon venait dêy secouer sa dernière invente-rie; alors cêest pourquoi il ńous ª a demandé de radiner ici dare-dare.

Putain, ce g‚chis! H y va mal, Toinet, quand il se met à faire de la broderie pour dames! Mais je ne songe pas à le lui reprocher. quand un chiare est confronté à ce genre dêéquipée, il lêassume comme il le peut!

î

Et pourquoi as-tu inventé cela, loupiot?

î

Pour tout te dire, je croyais quêil sêagissait plus ou moins dêune affaire de ce genre. Ton Prof, il fait vachetement inventeur qui vit à côté

de ses pompes et même de son slip! ras pas lêair joyce, grand, jêai eu tort?

î

Mais non, poursuis...

î

Peu de temps après, une gerce toute loquée de cuir sêest rabattue avec Félisque! Le vieux crabe, figure-toi, était déguisé en femme. On lêa bouclarès dans une pièce voisine et ces dames sêsont mises àlêentreprendre sérieusement. Jêsais pas ce quêé zêy ont fait, mais il gueulait aux petits pois, pépère! «a a duré des heures. Tard dans la nuit, on mêa apporté du pain, du chocolat et un Coca. Et puis je mêai endormi.

Ćêest des cris encore qui mêont réveillé, beaucoup plus tard. La vieille ne se trouvait plus dans la même pièce que moi et je suis persuadé que cêétait elle qui hurlait comme une putoise. Jêai su ensuite quêils lêavaient pratiquement dépecée devant Félisque pour le contraindre à

causer. ª

î

qui têa dit cela?

î

Lêune des gonzesses. Elle mêa expliqué comme quoi la vieille était cannée sans quêil parle et que ça serait mon tour, ensuite pour sêil serait plus sensible àun enfant! Et puis il a d˚ se produire du nouveau car elles se sont séparées et tout le monde est parti, sauf la fille et le type que tu as vus dans la salle de gym. Toute

TU ME LES CiUNtLES!

la journée, y a eu des coups de fil, des allées et venues. Dans lêaprès-midi des hommes ont rappliqué pour chercher Félisque. Au début, il était question quêon mêemmène avec lui. Cêtêà ce moment-là que je lêai vu, ce pauvre vieux. Pas joli, tu sais, Antoine! La tronche en compote, les yeux comme dans un film dêépouvante! Les fringues pleines de sang. Tout juste sêil mêa reconnu. Jêai voulu lui parler, mais il nêa rien répondu. Les gens rassemblés sêengueulaient, je croive pouvoir dire que cêétait à mon sujet; ils répétaient ´ Kind, Kind ª en me dévisageant. Au bout de leur empoignade, y a un mec qui a donné un coup de téléphone. Il devait demander à un chef quéconque sêil fallait mêapporter en même temps que ton pote. «a d˚ être non parce quêils ont emballé Félisque seul et mêont renfermé dans ma piaule.

Ćette fois, je me suis mis à bricoler la serrure. Jêai passé un temps immémoriaux dessus. Avec une épingle à cheveux de la pauvre M~7lc Muelner que jêavais trouvée sur le lit. Eh ben! mon vieux, jêsus arrivé à mes fins, la preuve : jêai pu sortir pile quand vous vous êtes pointés! ª

Il

rayonne de fierté. Je presse sa bouille de Poulbot contre moi.

î

Bravo, brin dêhomme, tu es plus fortiche que Buffalo BiIl! le félicité-je. Cela dit, tu nêas pas la moindre idée sur lêendroit o˘ ils emmenaient Félix?

î

Comment veux-tu: ils causaient quêallemand. Et lêallemand, tu mêescuses, mais cêest déjà beau quêils peuvent se comprendre entre eux, un baragouin pareil!

DESSINE-MOI UNE PROUESSE

Jêai mis Toinet au dodo dans le grand plumard de la mère Heidi. Il était k.-o. debout, le chiare. Tellement dêémotions! Vivre cette épopée à onze ans, faut du nerf! Il en a! Gavroche, te dis-je! sur les barricades! De la faute à Voltaire! ou à San-Antonio!

Je souffle la calebombe et, dans le clair-obscur, regarde sêendormir ú

gentil garnement qui en sait déjà trop sur la vie. Par nos temps atroces, y a plus de jeunes parce quêils nêont plus le temps de se payer une jeunesse!

A peine au monde, ils découvrent les hideurs, toutes les furonculoses dans lesquelles on fait la brasse coulée pour tenter de sêen sortir!

De nos jours, on baise avant de marcher, on se came avant dêêtre sevré, on regarde mourir avant de savoir quêon est mortel! Illico, tu sais que têes niqué dêoffice, dêavance. Je regrette lêépoque o˘ les adolescents avaient des boutons sur la gueule! Lêacné juvénile a disparu avec lêenfilage en youp lala! Cêest la mort des dépuratifs! Les pharmagos se reconvertissent dans la capote! De mon temps, on ćommençait ª son sensoriel avec une amie de sa maman qui vous branlait délicatement, par les beaux jeudis dêautomne.

Un peu plus tard, elle vous pompait la membrane des heures durant, vous retenant au bord du l‚cher de ballons àlêextrême instant, pour vous réentreprendre de nouveau. quand on se mettait à empl‚trer ses petites 167

condisciples, on savait par quel bout sêenflamment les allumettes.

On leur a tout foutu par terre, ces pauvrets! On les a spoliés de leur enfance. On a foutu le feu aux idéals (ou idéaux, comme tu veux) possibles!

Alors ils sêassoient sur le trottoir avec un joint au bec. Tu voudrais quêils fassent quoi dêautre? Ils nêont même plus envie quêon crève pour leur laisser notre place. Elle les tente pas. ils préfèrent le trottoir.

Nous tuer ne les amuse plus. La mort des petits phoques, ils sêen tartinent! Lêabbé Pierre ou Pinochet, pour eux, cêest du pareil au même. Le gibbon du zoo dans sa cage a une vie mieux organisée que la leur. Le gibbon, lui, au moins, il cherche des poux sur la tête de sa femelle, ou bien se gratte le cul ou se taille une plume devant les vieilles filles en fleurs. Mais le faux jeune dêaujourdhui, lêami? Néantissimo! Rien!

Immobile, muet, aveugle. Son joint! Une crampe expresse! Lêimmobilité du temps quand il ne têintéresse plus!

Moi, je voudrais bien bricoler un bout de jeunesse àToinet. «a va être duraille car il est précoce. Nêimporte, il faut lui éviter les blasures! Je veux quêil ait envie dêun couteau suisse, ou de regarder la chatte de Maria. Pour le moment il tricote des rêves. Je quitte la pièce. Marrant, dêêtre venu sêinstaller chez lêennemi!

Bérurier a déniché des provises, quelques boutanches dêalcool et il se fait une joie de vivre. II chantonne en mastéguant. Parfois, il sêapproche de la chaise o˘ est ligotée Heidi, extrait son pote Dupaf de son hallier et le promène sur le visage de la voyouse. Ecúuré par cette pratique, M. Blanc est allé sêinstaller au salon. Il a branché la télé et tente de capter les infos. Mais le créneau horaire actuel ne sêy prête pas.

Le copain Conrad gémit sur le tapis. Ses burnes ont dérouillé vilain. Doit avoir des balloches dêétalon, dans les bleus outremer. «a lui lancine tout le bas-ventre. quand il sera apte à tirer son prochain coup, il aura droit à sa carte orange, le frelot!

Je me laisse tomber dans un fauteuil, face à Jérémie.

168

BAISSE LA PRESSION,

On se regarde sans passion, avec cet air rogue qui discrédite un instant les plus fortes amitiés. Au bout dêun moment de rancoeur ruminée, il l‚che î

Tu aimes te foutre dans des ratatouilles comme celle-ci, hein?

î

«a donne du piquant à lêexistence, réponds-je.

Il

soupire

î

Têes chié!

Tiens, y avait longtemps!

î

Ton idéal, lui dis-je, cêest de balayer des crottes de chien et des...

î

... Tampax usagés le long dêun caniveau! complète M. Blanc. Aimable allusion à ma fonction initiale de balayeur municipal. Tu devrais te renouveler un peu. Un homme de ta verve!

Il

se penche pour couper la téloche qui est beaucoup plus conne que la nôtre, et en allemand!

î

On passe la nuit ici? demande-t-il.

î

On pourrait.

î

Avec ce porc fangeux qui va nous attraper une cuite à grand spectacle?

î

Il a ses bons côtés.

î

Je vais me mettre à les chercher sérieusement parce que ça va faire deux ans que nous faisons équipe et je ne les ai pas encore distingués.

Un temps. Il reprend

î

Ton vieux bonhomme, tu renonces à le retrouver?

î

Félix?

î

Je pige dêailleurs plutôt mal comment tu pourrais le chercher en têétant mis hors la loi dans ce pays! Ces gens lêont embarqué probablement à lêEst, et tu peux commencer à parler de lui au passé!

Je pars en gamberge, ma pomme! Vite et bien.

î

Pourquoi ont-ils hésité à emmener Toinet avec lui?

î

Le gosse nous lêa expliqué. Ils comptaient se servir de lêenfant pour contraindre le vieux à parler!

î

Pour dire quoi? Il ne sait rien.

TU ME LE~ iuNtL1~S!

î

Mais comme les autres sêimaginent le contraire, ça ne résout pas son problème! Il vaudrait même mieux quêil ait des choses à dire, ton Félix; car son silence risque de lui valoir de vilains moments.

î

H a été con dêaller raconter à la police dêAtlanta ce quêils venaient de découvrir, le petit docteur et lui. Ce faisant, ils ont déclenché la foudre.

Une voix avinée se met à bramer une chanson du tertiaire, en faisant rouler les ´ r ª comme les boules dêun billard japonais Pourrrrquoi mêas-tu trrrrrahi, Lison? Tu vois, je suis venu quand maêêmeu!

î

Voilà la biture annoncée, grommela Jérémie. Elle est en avance sur lêhoraire. Faut dire quêil se shoote au schnaps.

Mister Alexandre-Benoît se pointe dêun pas à la Groucho Marx, tenant un flacon par le cou.

î

Vêsereriez gentils de dégager ce canapé o˘ quê vous traînez votê

cul dênègre, mêsieur Moricaud, dit-il àJérémie; dêabord parce quêil est blanc et que si vous déteindriez, cêserait dommage; ensute parce que jêsus déterminé à venir y calcer la nénette dêla custance. Cêtê une môme quêest avide du sensoriel et mon chibroque la met en émoisance. Dêpuis une plombe quêjêla chauffe au bain-marie, elle est prête à jêter sa gourmette!

Jêignore si cêest la vue de lêHirsute qui me stimule. Probable. Par association dêidées! Je repense à lui, quand, sur la berge du Danube, il a renversé le chargement de gravier sur notre fourgonnette, ensevelissant du même coup le véhicule et la femme morte qui sêy trouvait. Je saute sur le téléphone et, après consultation du cadran, compose le numéro des renseignements. Je baratine à mort la préposée pour quêelle me dégauchisse le bigophone dêun gymnase situé dans Kàrntnerstrasse, au 38.

En un peu plus de pas très longtemps, elle a mon tuyau. Je note le numéro et la remercie chaleureusement.

170

BAiSSE LA PRESSION,

î Tu vas appeler les gens de là-bas? questionne M. Blanc, interdit.

î On peut toujours essayer.

î Mais la police a d˚ les embastiller, après votre coup de force?

î Pas s˚r. On aura évacué les blessés. Ils auront raconté une belle histoire brodée de fils dêor et ils risquent dêétre toujours en liberté, en tout cas la fille qui gardait Toinet.

Sans cesser de parler, je compose le numéro.

î Fais taire le Gros sêil déconne pendant que je parlerai. Tu as carte blanche.

La sonnerie dêappel retentit, avec une stridence acide. Un espoir insensé

afflue à mon cerveau. Il faut que quelquêun décroche! Il le faut absolument! Je le veux! Jêexige cela du sort!

Béru est reparti, en titubant, vers la cuisine. M. Blanc me flashe dêun oeil soucieux.

Cêest la sixième ou la septième sonnerie? Zobinche! Espoir fallacieux. Il a raison, le Négus : les archers ont d˚ trouver suspect ce rodéo en pleine ville. Ils auront embarqué tout le trèpe pour lêauditionner.

Dix, onze... Je ne me résous pas à raccrocher! Jêai décidé quêon allait me répondre et on va me répondre! Treize, quatorze...

Jêentends glapir Béni dans la kitchenette. Le taureau est déjà à pied de basses oeuvres!

î

la?

Putain, ça me traverse le tympan, toute la tête... «a ressort de lêautre côté!

î

la!

Comme ça, sans que jêaie perçu le bruit du combiné décroché. Un coup de lancette! ´ la. ª

Le Noirpot sêest penché en avant, loin de son derrière qui continue de tutoyer le canapé blanc.

î Salut, dis-je. Ici le Français.

Mon accent doit me servir de caution.

î Je viens vous donner des nouvelles de Fraulein TU ME LE~N (iUNtLI~!

Swoboda, poursuis-je. «a vous intéresse ou bien on va se faire cuire chacun un oeuf?

Le silence est aussi poignant quêune ´ vibrante ªMarseillaise chantée par des patriotes conduits au poteau.

On me raccroche au pif ou non? Jêattends.

Puis comme rien ne vient, jêajoute

î Bon, nêen parlons plus!

î Attendez!

Ouf! Cêest une voix de femme. Avec le ´ fa ª tout seul, jêen étais pas certain. Jêattends donc. Mais on ne se décide toujours pas. Est-ce pour une question dêécoute téléphonique? Seraient-ils en clieville avec les services compétents?

î Je vais rappeler, dis-je.

Et je raccroche.

Je ne suis pas resté une minute en ligne. Or, il en faut au moins trois pour quêon puisse repérer lêorigine dêun appel. Il sêagit de tenir une conversation par fractions de cent secondes au plus si on veut être peinard.

î «a marche? demande Jérémie.

î Pas encore, mais ça marchera. Nous nêavons que quelques heures à peine, comprends-tu?

î Et même je me le demande, fait M. Blanc. La police a déjà d˚ déterminer que votre camion bulldozer a été volé à une entreprise de travaux publics.

Si elle se rend à lêendroit o˘ il se trouvait, elle sêapercevra vite quêil y a une voiture sous le gravier.

Il mémorise bien tout, M. Blanc, lorsque tu lui rapportes des faits. Cêest un poulet-né.

Je fais la moue.

î Il faut le temps que lêenquête se mette en route. ils nêiront pas sur la rive avant le jour.

Déjà, je recompose le numéro du gymnase et cette fois je nêattends pas.

Tout à lêheure, la gonzesse devait séjourner dans un appartement voisin o˘

la sonnerie dêappel de la salle dêexercice nêest relayée quêaprès une douzaine de sonneries. Toujours cette marotte de vouloir tout piger, ton Antoine, mec. Il veut absolu-BAISSE LA PRESSION,

ment comprendre le pourquoi du comment des moindres colles et cêest ce qui fait son look!

î la?

Il

doit sêagir de la dernière fille du trio. Celle que Béru a ´

bousculée ª au gymnase.

î

Je reprends, dis-je, sans perdre ma trotteuse de vue; je suis présentement en sécurité avec Katarina Swoboda. Vous me rendez le vieux et je vous la rends. Ce genre dêéchange sêopère fréquemment, dans notre milieu, nêest-ce pas?

Tu sais la réponse?

î

Et o˘ se trouve EIsa Labowicz? quêelle questionne, cette connasse.

Sur lêinstant, je cherche de qui il sêagit. Et puis ça me revient: la fille en cuir! Celle que jêai plantée avec le cure-dents empoisonné de Conrad. Se peut-il quêon nêait pas encore retrouvé son corps dans la forêt? Faut croire. Les gens ne sont pas curieux. Les promeneurs qui ont aperçu la bagnole avec une femme à bord ont pensé à une halte dêamoureux. Ils se sont dit que médéme se laissait croustiller le nénuphar et comme ils étaient pas viceloques, ils se sont écartés du terrain de manoeuvre! Je pressens la formide aubaine!

î

Elle, elle est morte, dis-je. «a vous intéresserait de récupérer son corps?

Je lui indique le lieu o˘ se trouve feue la surgonfleuse de flic. Comprends bien ma manoeuvre : en lui faisant une telle révélation, je renforce ma crédibilité auprès dêelle et de ses aminches. Dès lors, ils ne peuvent mettre en doute que Katarina Swoboda soit vivante et en mon pouvoir, comme on dit dans les romans. Ils pigent que je suis un client sérieux avec lequel il est préférable de composer.

î

Jêajoute:

î

Envoyez quelquêun sur les lieux. Sitôt que vous aurez confirmation de mes dires, nous traiterons; je rappelle dans une heure.

Je raúroche. M. Blanc continue de mêobserver avec lêair dêen avoir deux (et il les a!). Lui, il doute de ma

lU Mt Lt~ (iUNtL1~!

113

manoeuvre, je sens bien. Il trouve que je perds trop de temps à finasser; pense que je devrais gauler le noyer tout de suite. Peut-être a-t-il raison? Tu sais, je me sens très humble, sachant depuis lurette que je ne suis pas digne de moi.

î

Le beurre, bordel! O˘ quêest le beurre? brame Béni en malmenant la kitchenette.

Tu te crois dans du Céline, quand lêouvrier orfèvre sodomise la femme de son patron absent, tandis que le Louis-Ferdinand mate par lêimposte de la chambre. On le voit passer devant lêouverture de la porte, dêune allure trottineuse, le futal aux chevilles, la r‚pe féroce et dodelinante.

î

Sans beurre, y a pas mèche! soliloque-t-il. Pour que mamêselle Fraulein va prendre du fion, faut graisser la turbine, sinon cêest son pot dêéchappement qui déclare forfait!

Il

malmène des casseroles, de la vaisselle, farfouille dans les placards et dans le frigo.

Jérémie hausse les épaules.

î

Trop, cêest trop, me dit-il. Ton Bérurier, je ne mêy ferai jamais.

Cêest la déchéanú de lêespèú!

î

Ah! vêlà unê bouteille dêhuile! triomphe le Mas-tard! Je préfère encore au beurre. Dêabord cêest plus économique, et nêensute plus lubrificateur. Bouge pas, fillette, unê pêtite lotion à mister Popaul, qui pusse performer. Et puis tiens : un chouia dans tes pourtours, manière que tu me réceptives dix sur dix. Vêlà quêon est parés pour la manúuvê, ma poule. Jêva têopérer en souplesse, nêaye crainte! Tout dans 1ê velours! «a tê chicanera pêtêêtê au départ, mais cêest comme les godasses : faut quêé

se prêtent. Unê fois quê têas un peu marché avêc, têes comme dans un nuage.

Pendant que le Monstrueux copule en grandes pompes, nous devisons, M. Blanc et moi-même. On cherche à cerner lêaffaire, depuis son origine. Cette foutue épidémie de variole aux U.S.A. Le motel, avec les deux gonzesses que le F.B.I. est venu arrêter et qui

174

BAL~M~ LA PR!~SMON,

se sont débarrassées comme des folles du container abritant des ampoules de virus. Le père Ferguson qui les découvre et en claque. Un peu plus tard, deux connards, le petit docteur ricain et le professeur Félix, rétablissent les faits et vont déposer chez les roussins dêAtlanta. Aussitôt, des vilains se mettent à leurs trousses pour les liquider. Félix sêen sort de justesse et débarque en Autriche, o˘ il est repéré par lêéquipe des trois gonzesses.

Cêest là que se situe la charnière, déclare le Noirpiot. Aux U.S.A., ce sont vraisemblablement des agents ricains qui ont voulu les neutraliser.

Ton ami revient en Europe, et cêest alors un groupe de lêEst qui sêempare de sa personne!

Lêappartement retentit de gémissements, comme lêécrit avec sa vigueur coutumière Jean-François Revel. Près de nous, Conrad gémit de souffrance et dans la kitchenette, sa gagneuse accuse les rudes assauts du Gros.

Je me lève pour aller me pencher sur le voyou. H rive sur moi un regard plein de souffrance et de haine.

î Tu vois o˘ ça vous mène, lêarnaque? lui fais-je en mêasseyant en tailleur sur la moquette. Je vais têénoncer une grande règle, Conrad : on ne peut vraiment pigeonner que des pigeons. Toi, tu têattaques aux aigles, soit dit sans me vanter! Alors ça foire, fatal!

Je ris. Pas lui.

î Raconte qui tu es allé voir pour me brancher sur les gonzesses que je recherchais.

Tu penses quêil va s˚rement battre à niort, biaiser, louvoyer, si je le laisse faire. Cêest pourquoi, avant quêil ne lêouvre, je plaque ma main sur son sale museau et lui dis:

î Attends, te presse pas. Ce quêil me faut, cêest la vérité tout de suite.

Y aura pas de session de repêchage comme au bac. Réfléchis bien avant de répondre. Un zéro pointé et tu es mort!

A côté, ça fait plus que de reluire : ça étincelle. Lêhuile salvatrice a accompli sa mission et la Fraulein

TU ME LE~ (iUJVtLI_S!

175

Heidi carbure à deux cents à lêheure. La Testa Rossa dêAlexandre-Benoît lêemmène fourvoyer dans les zéniths. Jêai eu lêoccasion de la voir à

lêouvrage et dêentendre sa complainte de la motte, Heidi. Elle est partie pour le grand circuit dans les étoiles. Mon camarade lêencourage de ses vociférations que je nêaurai pas lêaudace de reproduire ici, nêayant pas le go˚t de lêoutrance. Toujours est-il que, dans la cuisine, cêest lêhallali, le tumulte, la charge sauvage, le déferlement, le séisme. Tout bouge, tout bruit, tout se fendille. On perçoit des craquements dans les hardes. On entend pleuvoir des vis, éclater des joints, gicler des rivets. La table rabattante, support de la troussée, choit.

î

Prends appuille suê lêévier, salope! ordonne le commandant de baise. Comment ça, y branle? Y va tiendre jusquêau bout, panique pas!

Jêôte ma main de la bouche du malfrat.

î

Tu entends ça? rigolé-je. Ta bonne femme, faudra la faire asseoir sur des coussins pendant quelque temps. Alors, le nom du ou des mecs que tu as contacté(s)?

Chez lui, la rage lêemporte sur la peur

î

Va te faire enfler, fils de pute!

Voilà ú quêil me rétorque, ce gland! A moi! Fils de pute! Jêévoque à toute pompe ma Félicie qui dort dans son lit dêhôtel à Abano.

î

Je crois que tu as eu tort, grincé-je.

´ Fraoum! ª gueule lêévier de la kitchenette en se descellant.

î

Oh! putain dêelle, cêest pas vrai! égosille Béni, mais rien nê

tient dê bout dans cête carrée de merde! Le matériau, y sont encore plus tocassons quê chez nous! Tiens-toi à cette manette, la mère! On va bientôt sortir flotê train dêatterrissage, ma grande. quoi, cêest la poignée du vide-ordures? Et quêest-ce tu veux-t-il que ça me foute? «a sê rabat. Eh ben! rabats, ma gosse! Rabats! têen auras le cul que plus haut! Cête fois tu tê cramponnes au cadre de fer; sêil casse, cêest quê ta baraque est nase!

176

BAISSE LA PRESSiON,

Je biche Conrad par ses liens et le traîne jusquêà la cuisinette.

î

Tu vois que ça nêest pas du chiqué, lui dis-je. quand mon pote lêabandonnera, le fion de ta souris, ce sera lêestuaire du Danube!

La fille est au paroxysme; à ce point chavirée quêelle crie à Bérurier quêelle lêadore, quêil est beau, unique, formidable, inoubliable. Y a pas eu dêhomme avant lui, y en aura plus jamais dêautres après! Elle est à lui pour toujours. Faut quêil lêemporte, quêil la garde auprès de soi. Elle tapinera pour lui. Elle fera des ménages. Lui reprisera ses chaussettes (la malheureuse!). Du coup, le bull-dog hurle à la lune! Et cêest la gigantesque apothéose. Lêintense éclatement. Une planète vient dêexploser dans la Galaxie! Vaincue par lêintensité de son plaisir, Heidi tombe à

genoux sur le carreau, la joue contre le sol, les bras allongés dans une attitude de fanatisme éperdu.

î

Cêest trop, cêest trop, balbutie-t-elle.

Jêattends le vent béruréen qui marque toujours la conclusion de ses amours, mais rien ne vient et il remonte son tas de pantalon et de caleçon.

î

quê jê me refasse une beauté, soupire-t-il.

Il

rajuste sa ceinture.

î

Celle-là, je mê lêai repérée dêentrée dê jeu, me dit-il en posant sa grolle sur le fessier de Heidi. Cêtêune vraie dê vraie, comprends-tu-t-il? Le cul en alerte vingtquatê plombes suê vingt-quatê. «a se sent illico presto, ces choses, comme si elles émettreraient des ondes, tu piges? Des fluves, comme on dit. La mollusque toujours en surchauffe! quand elle mêa repéré le Pollux, cêétait souscrit dêavance. Alors jêai voulu frapper un grand coup! quê le souvênir devinsse un père hissable. Jê mêai dit: Śandre, tu lui prends 1ê petit, dêautorê. Sans baragouiner! Le choc des photos, le poil des mots! ª

Il

saisit le flacon de schnaps, sêen téléphone une lampée et, désignant Conrad.

î

Tas du suif avêc le cocu?

TU ME LES GONbL&~!

î

Je lui pose des questions auxquelles il répond par des insultes.

î

P‚ce que tu lui poses mal, Antoine. Têes trop timoré, jê va te montrer.

Il

se penche pour attraper le camarade cornard, lêentraîne au vide-ordures dont lêentrée est béante et lêy enfourne à demi.

î

Redemande-z-y ce que tu voudrais quêil te dira. A demi introduit dans le conduit noir, Conrad supplie quêon lêen arrache et promet dêêtre coopératif.

î

Laisse-le mijoter un peu, rigole lêEnflure, il est en train dêacquérer lê‚ge de raison. Et même, on va lui faire déguster le vide dêun peu plus!

Il

pousse le corps ligoté dans le dévaloir, ne le retenant plus que par les jambes. Les cris du gars plairaient à lêayatollah car ils se font persans.

î

Bon, voyons o˘ il en est! décidé-je.

Mais il se produit un incident imprévu (comme la plupart des incidents).

Heidi vient de se remettre debout. Dêun bond elle bouscule Bérurier afin de lui faire l‚cher prise. Son intervention est si prompte, si efficace, que le Mammouth, effectivement, abandonne les quilles de Conrad. On entend sa descente interminable par le conduit qui vibre et résonne. Les hurlements décroissent dans les profondeurs du puits métallique. Immobiles, tendus, nous écoutons. Cêest long, ça nêen finit pas. Si, pourtant! Un choc lointain et sourd. Plus de cris. Conrad est arrivé à destination.

î

On est au combien têest-ce dêétage, déjà? sêinforme le Mastard.

Heidi éclate dêun grand rire et se met à danser une gigue de joie.

Elle a le deuil fantasque, la Veuvasse!

DESSINE-MOI UN TRAIT DE G…NIE

Elles sont imprévisibles, les gonzesses.

Nêétablis jamais de projets à long terme avec lêune dêelles, tu risquerais dêêtre fait marron. Ainsi, la marchande de cartes postales... Tu la croyais maquée àoutrance avec son méchant. Docile! A sa botte! Elle était sa gagneuse, sa chose, son instrument de travail. Et puis, tu vois? Au déboulé, elle a le geste libératoire. Aux ordures, le gros vilain! Bye-bye!

Et là, la feinte est belle ; car somme toute, cêest pas elle qui lêa balancé par le toboggan à saloperies. Il y était déjà engagé jusquêaux cuisses. Une simple bousculade quêelle peut prétendre faux mouvement, la garce! Et poum mister Conrad est allé becter du trognon de chou dans les profondeurs.

î

On devrait aller voir o˘ il en est, fais-je, peut-être que, sa chute étant freinée par lêétroitesse du conduit, il en aura réchappé.

Le Mastar enquille sa grosse tronche par lêorifice après mêavoir intimé de la boucler. Il sonde les échos caverneux, puis réapparaît, congestionné et hoche sa hure.

î

Sêil vivrait encore on entendrait ses geigneries, assure-t-il, car ça fait caisse de résonance.

î

Il lêa tué! me déclare Heidi en souriant.

î

«a nêa pas lêair de trop te contrarier? noté-je.

179

î

On ne pouvait pas me rendre un plus grand service : ce salaud me terrorisait depuis des années.

î

Il fallait le quitter!

î

Vous croyez que les sales types comme lui acceptent quêon les bisse!

Elle se coule dans les bras du Gros. Lui roule une galoche farceuse, ce qui dénote une nature courageuse. Les amoureux doivent être seuls au monde. Je repasse au living. Jérémie, debout, mains aux poches, le blanc des yeux jaune, le reste féroce, déclare

î

«a merde de plus en plus ton histoire, Sana. res chié quand tu têy mets. Combien de cadavres jusquêà présent?

î

On fera le bilan en fin dêannée, dis-je; jêai pas pris ma machine à

calculer.

Il

est lêheure de rappeler le gymnase. Dêun index déterminé, je recompose le numéro. Contre toute attente, comme on dit puis dans les ouvrages, personne ne répond.

Là, je lêai saum‚tre. «a signifie quoi donc, selon toi, ce silence? que les mecs de la K‚rntnerstrasse ont mis les voiles? quêils renoncent à négocier avec ma pomme? Ou bien quêils sont à mes trousses?

Le tendre couple Heidi-Béni nous rejoint, enlacé. Faut-il quêelle soit sensible à la membrane, la môme, pour chiquer les Juliette avec ce sac à

merde de Roméo! «a boxonne dur dans cet apparte, mon fils! Je suis certain quêelle envisage maintenant de sêempl‚trer le gars Jérémie.~ Une black chopine compléterait bien son tableau de chasse, à Ninette. Elle porte juste la main droite de Bérurier en guise de slip. Une dextre àlaquelle manque provisoirement le médius!

î

que vouliez-vous savoir de Conrad? elle me demande. Je pourrais peut-être vous renseigner?

Chère enfant! Délicieuse chérubine soucieuse de coopérer franchement. Elle a carrément changé de camp et entend payer son écot.

Je lui explique que jêeusse aimé savoir chez quel arnaqueur de première grandeur Conrad sêest rendu

1~U

liAI~I~ LA PKL~IUN,

pour lui parler de moi. Et comment il sêest fait que le mystérieux personnage e˚t été si bien en cheville avec le trio dêespionnes bulgares (de Lyon).

Heidi me sourit.

î

Il y a, à Vienne, un homme très protégé, qui peut à peu près tout.

Il gravite dans les sphères politiques et journalistiques. Le Milieu est à

sa dévotion. Les chefs dêentreprises lui versent des prébendes. Les artistes se pressent à sa table. Cêest lui que Conrad a contacté après votre départ. Il lui a raconté ses mésaventures avec vous et le marché que vous aviez conclu tous les deux. Lêhomme dont je vous parle lui a demandé

dêattendre ses instructions. Dans lêintervalle, Conrad mêa suggéré dêaller à votre hôtel pour vous séduire et essayer de vous prendre la seconde partie de la liasse.

î

Mission dont vous vous êtes parfaitement acquittée, ma jolie.

Elle rougit et hausse les épaules.

î

Donne-moi les coordonnées de ce potentat de la pègre, Heidi.

î

Il se nomme Karl Paulus, il est avocat et habite Weihburggasse.

î

Tu as son téléphone?

î

Il est dans lêannuaire.

M.

Blanc sort de sa semi-léthargie pour mêapostropher: î

Alors on joue la carte Paulus?

î

quêen penses-tu?

î

Nous sommes bien obligés de faire quelque chose; dêautant quêavec le cadavre dans le vide-ordures, on ne peut pas sêéterniser chez cette pute... Oh! merde, têes chié avec ta manie de débaucher les braves balayeurs noirs pour en faire des poulets! Si je ne têavais pas rencontré, je serais en train de dormir au côté de ma chère Ramadé.

î

Penses-tu, soupiré-je, vous ne pioncez jamais, ta tribu et toi, dans votre appartement-gourbi. A trois heures du matin, tes chiares se font cuire du mouton àmême le sol de la cuisine!

TU ME LES GONFLES!

II

a la nostalgie qui lêempare, M. Blanc. A fleur de coeur.

î

Cêest vrai, rêvasse-t-il, il y a les gosses, si joyeux qui grouillent autour de nous; que vont-ils devenir si je me fais abîmer dans ta saleté dêaffaire?

î

Des orphelins de père, réponds-je. Cêen est plein, tu sais. Moi, je le suis bien...

Il

ne répond pas et feuillette lêannuaire du bigophone qui se trouvait sur une tablette, près de lêappareil.

î

Tiens, me fait-il, le numéro de votre ami Paulus. Son gros doigt café au lait souligne le nom de lêavocat.

î

Tu têimagines que je vais lui demander rendezvous de but en blanc?

objecté-je.

î

Pas toi : la pétasse!

Voilà, ça se présente comme ça.

Deux poings, ouvrez les cuisses.

Une maison ancienne, peinte de couleur vert Nu, avec lêentourage des portes et des fenêtres en blanc. Délicate demeure qui dénote, de son propriétaire, lêamour dêun certain art de vivre. Elle est coincée entre deux autres maisons moins belles, dont lêune est en réfection, si jêen crois les échafaudages qui la ceignent. Elle comporte un étage, plus un second mansardé dans le noble toit. Une plaque de cuivre gravée de caractères gothiques flanque le délicat perron dêune sizaine de marches. Une grosse lanterne de fer forgé pend à une potence ouvragée. On mate tout ce topo depuis la charrette dêHeidi, stationnée à quelques encablures.

Le rez-de-chaussée de la demeure est obscur, mais de la lumière brille à

deux fenêtres du premier ainsi quêà lêune du second étage.

Dêaprès ce quêen sait la môme Heidi, maître Karl Paulus vit avec sa femme, une matrone de deux cents kilos et sa maîtresse, une vamp platinée comme dans les films américains dêavant-guerre. En toutes circonstances, il présente cette dernière comme étant sa

152

BAISSE LA PRESSION,

collaboratrice, bien quêil fasse chambre commune avec elle. Sa bobonne, elle, roupille au rez-de-chaussée car elle est à demi impotente. Ils ont deux domestiques : un couple, pas de la première fraîcheur. La femme est cuisinière, lêhomme valet-maître dêhôtel. De plus, un type quêil déclare être son chauffeur (et qui lêest dêailleurs) lui tient lieu de garde du corps. Cet individu dort également à la maison.

î

Bon, ronchonne M. Blanc, tu vois ça comment? ´ «a ª, cêest-à-dire le coup monstrueusement culotté que jêai concocté. Au lieu de répondre directement, je demande:

î

Selon toi, frisé, y a quelle distance du toit de la maison en réparation à celui de Paulus?

î

Les quatre mètres prévus par les exigences de lêurbanisme, je suppose?

î

Et cêest combien, ton record de saut aux jeux scolaires du Sénégal?

Là, il réagit:

î

Tu as la prétention de me faire passer dêun toit àlêautre?

î

Pas de te faire passer, mais de te regarder sauter, grand nègre de la jungle. Il y a une terrasse à lêarrière de la crèche à Paulus. Un tétraplégique réussirait ce bond en se marrant!

Jérémie se tourne vers Béni, à défaut de témoin plus valable.

î

Il est chié, ce mec! Il me prend pour un léopard!

î

Plutôt pour un chien pansé, retourne lêEnflure.

Je passe outre les protestations de Jérémie: î

Une fois sur la terrasse, tu débondes la porte-fenêtre qui donne dessus avec lêobjet que voici et auquel je tiens. «a te prouve la confiance que jêai en tes performances physiques. Tu te coules dans la baraque et tu attends que je têappelle. Voici un feu avec encore quatre prunes en magasin, sois économe. Tu devrais ôter tes pompes pour exécuter ú rodéo afin de ne pas faire de bruit.

Il

est dominé par mon autorité tranquille, Jérémie.

TU ME LES GONFLES!

183

î

Et le gros lard, pendant ce temps? demande-t-il.

î

Lui, il restera en réserve dans la rue. quand on nous ouvrira, je mêarrangerai pour enquiller cette boulette de chewing-gum dans la g‚che de la serrure afin quêil puisse lêouvrir sans clé.

î

Et comment saurai-je-t-il que ma présence est souhaitée? demande le Mahousse, avec emphase.

î

Je mêarrangerai pour te le faire savoir. Pigé? Allez, les gars, haut les coeurs, un pour tous et tous pour moi! File, Jérémie. Nous allons attendre que tu sois en place pour déclencher le bal.

Il est parfait, lêartiste. Posément, il quitte son veston, le dépose sur la plage arrière de la tire. Dessous, il porte un pull marron, que je qualifierais de ´ tête-de-nègre ª sêil se trouvait sur un autre torse.

Ensuite, il se défait de ses mocassins, puis de ses chaussettes beiges, trop claires dans la nuit.

î

Cêest marrant, ces Noirauds, comme y reniflent la ménagerie, remarque Béru.

î

Chaque race a ses effluves, déclare Jérémie. Les Noirs sentent la ménagerie, les Jaunes le musc et les Blancs le cadavre. Toi, en supplément, tu pues la merde, et pas la merde de bonne qualité.

Ayant dit, il glisse le pistolet que je viens de lui remettre à lêarrière de son futal, se fond dans lêombre et gagne la maison en réfection.

Cinq minutes plus tard, je distingue sa silhouette élancée au bord du toit.

Un brusque traczir me biche. Sêil rate son coup, lêancien balayeur, il risque de se briser la nuque ou la colonne vertébrale!

Je le vois, ramassé sur lui-même, son buste faisant un mouvement de piston.

Et puis cêest la détente soudaine. II avait raison, le Gros : un singe!

Sauf quêil se rattrape pas par la queue, M. Blanc. Le voici à quatre pattes sur la terrasse de Karl Paulus. Il y demeure un moment immobile, se redresse méticuleusement et sêapproche de la porte-fenêtre. Je lui ai appris, naguère, à se servir de mon sésame. Cric, crac, fric, frac, il ouvre et entre.

Je tapote lêépaule de Fraulein Heidi.

184

BAISSE LA PRESSiON,

î On y va, chérie. Mais une dernière fois, je têavertis : si tu cherches à

me blouser, je te tire une balle dans le coccyx et tu ne pourras plus baiser que par correspondance.

Cêest lêavocat en personne qui vient répondre à notre coup de sonnette. Il a une tronche léonine, le gus. La face lombaire avec dêépais cheveux presque blancs rejetés en arrière et maintenus par une paire de lunettes à

monture dêécaille quêil porte à la Jean Dutourd car, comme lêillustre académicien, il a davantage besoin dêun serre-tête que de verres de vue.

Son regard clair est ombragé (on écrit toujours comme ça dans les livres quêont de la tenue

ómbragé ª) par dêépais sourcils qui, eux, curieusement, sont très bruns.

Le maître doit en mesurer deux, comme lêécrit Mgr le comte de Paris et banlieue dans son fameux traité sur la pêche au thon dans la Haute-Marne.

Il se trimbale une brioche grosse comme une bétonnière et porte une veste dêintérieur de couleur champagne, avec des revers de soie noirs, des brandebourgs et des épaulettes de Cosaque.

Passe un moment de silence au cours duquel il nous scrute, Heidi et moi.

Puis il sêeffaú pour nous laisser entrer. Demeure bourgeoisement tudesque: de la pierre, des boiseries, des tapis, des meubles sinistros et des tableaux tellement sombres et folichons que les peintres qui les ont brossés ont d˚ ensuite entrer dans des monastères pour retrouver le go˚t de vivre.

Toujours sans un mot, il nous conduit au premier, là que se trouve son vaste bureau-bibliothèque avec des échelles dêacajou pour pouvoir attraper les livres dont le nom de lêauteur commence par Á ª. Sa table de travail est sobre comme le tombeau de Charlemagne et son fauteuil à peine plus grand que le trône du défunt shah dêiran. Paulus va y prendre place et nous désigne

TU ME LES GONFLES!

185

les deux sièges, relativement modestes, disposés en face de lui.

Ayant perçu comme un glissement derrière moi, je me retourne et avise un horrible gazier qui a eu la tronche éclatée à un moment délicat de sa vie et qui a été réparé par Picasso déguisé en chirurgien esthétique. Je suppute quêil doit sêagir du porte-flingue de lêavocat.

Lêarrivant sêassied près de la porte.

La tension grimpe. Le silence se fait angoissant.

A la fin, maître Paulus croise ses mains manucurées devant soi et se met à

fixer Heidi dêun air interrogateur qui la glace.

î Je vous remercie dêavoir bien voulu nous recevoir à une heure aussi avancée pour son ‚ge, maître, attaqué-je.

Il me dit

î Vous pouvez parler français.

En français. Preuve que mon accent germanique péclote. Mais lui, pas un poil dêaccent! Il serait dêArcachon ou de Pithiviers il causerait pas mieux ma chère langue fourrée.

î Merci, maître. Je suis lêhomme dont vous a entretenu Conrad Wilfrid, ce matin, ou plus exactement hier matin, puisquêil est passé minuit. Je réclamais de lêaide et jêai obtenu un guet-apens, ce qui indiquerait que vous préférez les agents de lêEst aux agents français. A cause de votre intervention, jêai vécu une journée difficile qui a occasionné le décès prématuré dêun certain nombre de personnes, des femmes principalement.

Je mêattends à ce quêil proteste, dénègue, me joue un petit air de musique de chambre, mais il continue de mêécouter avec détachement, ses grosses pattounes toujours nouées sur le sous-main.

î Jêestime, mon cher maître, que vous me devez réparation pour le grave préjudice que jêai subi. Vous connaissant de réputation, je sais quêil va vous être facile de mêaider. Ce que jêattends de vous cêest de retrouver un vieil homme innocent que les Bulgares ont

186

BAISSE LA PRESSION,

entre leurs mains. Il me le faut dans les délais les plus brefs, cêest-à-dire avant la fin de la nuit. Jêajoute que si vous me refusiez votre assistance, il sêensuivrait pour vous de très grosses tracasseries.

Je pousse Heidi du genou. Elle murmure

î

Ils ont tué Conrad, Herr Paulus.

î Ainsi quêElsa Labowicz et Katarina Swoboda, si leurs noms vous disent quelque chose, ajouté-je.

Mais le gros type ne sêen laisse pas conter. Je le vois passer la main sous son bureau. Et moi je sais ce quêil est en train de faire. Tel un présentateur de T.V. en cours de journal, il cherche le bouton destiné à

avertir en régie quêon envoie le document chargé dêillustrer son commentaire.

Je lui souris.

î

Ne vous donnez pas oette peine, mon cher maître. Je lui montre une minuscule paire de pinces logée

dans le creux de ma main.

î Je viens de sectionner le fil de votre alarme.

Là, je marque un point, car il perd de son impassibilité.

î Jêaime pouvoir discuter sans arrière-pensée avec un interlocuteur comme vous, maître Paulus.

Y a des gens, tu vois naître et croître la fureur sur leur visage comme tu vois arriver un orage tropical au-dessus de la mer. «a sêassombrit, un souffle puissant agite leurs poils de nez et leurs yeux lancent des éclairs.

Dis, il va pas éclater? Son énorme bedaine paraît contenir des quintuplés arrivés à terme et qui se bousculent devant la chicane.

î Kurt! il glapit, tout en me désignant.

Le porte-coton bondit. Un vrai molosse dressé. les crocs crochetés. Sêil te mord, faut que la viande soit arrachée, sinon il peut plus déplanter ses ratiches.

La vélocité du zig, Mwnma mia!I1 est déjà sur moi. que juste jêai eu le temps de virguler mes pinces coupantes dans le carreau de la fenêtre, histoire dêalerter Bérurier.

Déjà, le gorille mêa saisi les bras par-dessus le dossier TU ME LES GONFLES!

187

de ma chaise et me les ramène en arrière au point de les faire craquer.

î

Blanc! crié-je.

Lêhomme de main est un grand pro. Cêest «iva, ce type! Il a six bras! Déjà

il mêa rousti mon feu, sans me l‚cher dêun iota. Jêai lêimpression dêêtre cimenté sur mon siège.

Le gros Paulus se lève.

î

Ne le l‚che pas! dit-il.

Il

va à sa bibliothèque et fait pivoter un panneau de livres trop dorés pour être lus, dévoilant un réduit de deux mètres sur deux.

î

Amène-le ici! enjoint-il.

Lêhomme à la frime implosée mêoblige à me lever par une double torsion de mes omoplates. Merde, quêest-ce quêils branlent, mes potes! Ce serait le moment de jouer Ruy Blas pourtant! En avançant vers le réduit, je constate quêil est capitonné, insonorisé et pourvu dêune banquette fixée au mur.

Charmante oubliette. Elle doit servir à calmer les partenaires récalcitrants lorsque la discussion capote.

Il

décroche son téléphone, pianote, attend peu et dit: î

Paulus! Venez prendre livraison dêun colis qui vous intéresse.

Puis il raccroche. Peu bavard pour un avocat! Nous sommes devant lêentrée du réduit. A ce moment précis, une voix qui a tendance à escamoter les ´ r ª lance:

î

L‚chez-le, sinon je fais une bêtise.

quand je te dis quêil escamote les ´ r ª : on ne peut pas sêen apercevoir dans la phrase ci-dessus, mais ça donne en tout cas cette impression.

Jérémie vient dêentrer, tenant devant lui une jolie dame blonde par la taille. Il lui braque le canon de son feu sous le menton. Stupeur des deux Autrichiens.

î

Je vous ai dit de le l‚cher! réitère mon black pote.

î

Laisse! fait Paulus à Kurt.

Ouf! jêai les ailerons complètement paralysés.

Et puis voilà encore du nouveau! Un type en pyjama 188

L~ç~L LA PKŒ~SMUN,

et robe de chambre surgit avec une pétoire qui a lêair dêêtre une réplique de cette fameuse grosse Bertha qui tirait sur Paris pendant la quatorze. Il en pose le canon sur la nuque de Jérémie. Et il dit, en autrichien, mais mon pote comprend:

î Laisse tomber ton pistolet immédiatement, sinon y aura une flaque de sang sur le tapis de monsieur.

Et M. Blanc, amer, jette son flingue par terre. Cêest le moment que met Béni à profit pour entrer à son tour dans la pièce qui se met à ressembler à une pièce de Feydeau. Lui, il pense pas, il cause pas, mais il cogne. Sa fameuse manchette de gladiateur de la Villette au cou du larbin pyjamé.

Boum! au tas!

Mister Mastard sêempare des deux feux souillant le sol.

î Jê croive quê cê sera tout, annonce-t-il. Y a plus personne derrerière moi.

Pour lors, je biche le flingue de mon gorille î

Tu permets, Gras-Double?

Et je prie maître Paulus et son garde du corps dêentrer dans le réduit.

Ensuite je fais pivoter le panneau. Un claquement sec se produit, qui marque la fermeture dêune serrure de haute technicité. Voilà mes deux ex-antagonistes à la niche.

Béni exulte. Parade devant le gars Jérémie.

î qui est-ce qui lêaurait eu dans les miches sans lêintervenance du gars Bérurier, Niacouais? Le mec quê jê viens dêallonger, y tê filochait Iê

train depuis lêescadrin, et toi, bonne pomme, trop oúupé à serrer la gonzesse, tu ne têapercevais de rien, Dégourdi sans maÔs!

Je tends lêoreille pour mêassurer que les deux prisonniers ne font pas de ramdam. Mais le réduit est si parfaitement insonorisé quêils pourraient y tirer un feu dêartifice et y organiser un défilé de majorettes sans quêon en perçoive le moindre écho depuis le burlingue.

Une qui est dépassée par les événements, cêest la brave Heidi. Elle se croit dans un film ricain, la mère!

î Selon toi, murmuré-je, à qui a-t-il téléphoné?

TU ME LES (IUNtLES!

189

Elle hausse les épaules.

î

A lêéquipe des Bulgares? insisté-je.

î

11 me semble, en effet, ne disconvient-elle pas.

î

Donc, ils vont sêamener ici. Ce qui fait que, comme je souhaitais les rencontrer, je vais être comblé. En tout cas, je te remercie pour ton comportement : tu as été réglo.

î

Je trouve quêavec vous autres, la vie est plus marrante, répond simplement la douce enfant.

Je flatte sa croupe et mêapproche de la dame blonde que ceinturait M.

Blanc. Beau ch‚ssis, pouliche de race. Une dénoyauteuse de burnes patentée!

Comment quêelle doit lui faire gicler la cervelle, au cher maître!

î

Elle écoutait depuis la porte de sa chambre, mêexplique Jérémie. Je lêai ceinturée par surprise.

î

Il va falloir la neutraliser, ainsi que le téméraire endormi par le Gros. Et puis veiller à ce que les autres occupantes de cette crèche se tiennent peinardes. Allons, les mecs, grouillons, jêattends du monde!

î

Les voilà! annonce M. Blanc, embusqué derrière une fenêtre éteinte.

Noir dans le noir, il fliquerait lêHomme invisible pour peu que celui-ci e˚t gardé son préservatif.

î

Tu es s˚r?

î

Complètement: la bagnole vient de sêarrêter devant la maison.

î

Combien sont-ils?

î

Trois: une fille et deux types.

î

Ils se présentent ici à trois?

î

Non : un des gars reste au volant.

î

Parfait! Mettons-nous en place.

Et cêest le branle-moi le con bas, comme dit Béni!

Tout se joue sur la confiance que je place en Heidi. Faut être gonflé pour lui laisser la bride sur le coup après ses arnaques préalables; mais il semblerait que nos séances amoureuses, au Gravos et à moi, lêaient complètement gagnée à notre valeureuse cause. Jêai 190

BAISSE LA PRESSION,

idée que si on parvient à sêarracher à cette gadoue, il faudra que nous lêemmenions avec nous, car elle risquerait de ne jamais devenir centenaire dans son bled!

Elle descend répondre au discret coup de sonnette. Avec Jérémie, on sêaccroupit chacun derrière les deux canapés du salon, tenant notre feu par le canon pour nêutiliser que sa chère crosse contondante.

Si Heidi nous bite, on lêaura dans lêoigne, ainsi planqués. Sinon, tout devrait se passer comme dans un conte de Nous Deux.

quant à Béru, une fois encore il est ´ dêextérieur ªcar jêai prévu la probabilité que lêun des arrivants reste dans la bagnole.

La porte sêouvre. Jêentends Heidi saluer les arrivants brièvement.

î Monsieur, madame...

Puis elle ajoute:

î Si vous voulez bien me suivre.

Nul chuchotement, tout sêenchaîne rapidos. Des pas qui se rapprochent. La porte du salon sêouvre, Heidi actionne un commutateurs î Si vous voulez vous asseoir, maître Paulus vient tout de suite!

Je lis les ombres sur la moquette. Lêhomme se laisse choir pile devant Jérémie. La gonzesse, surexcitée sans doute, est restée debout et se déplace dans la pièce, cette conne! Elle examine les tableautins Dix-septième accrochés aux murs. La voilà qui va contourner le canapé et mêapercevoir. Jérémie a-t-il réalisé? Oui, jêespère. Faut quêil se paie le mec dare-dare! Il est fabule, ce Noir, car il lit mes pensées, je te jure!

Je perçois un coup sec, qui sonne le creux. Alors je bondis, revolver au poing (je lêai repris par le bon bout).

î Lève tes pattes, connasse! hurlé-je à la fille.

Là, elle est bichée au dépourvu. Si elle trimbale une arme, elle a d˚ la carrer dans sa culotte, car elle conserve les mains libres. Je bondis par-dessus mon

TU ME LES GONFLES!

191

canapé et fonce sur elle. Elle veut battre en retraite, mais cêest lêinstant que choisit Heidi pour rouvrir la porte et, kif dans un sketch comique, la blonde se pète la frime contre le montant. «a raisine!

Lêaveugle. Moi, no pitié : taquet au menton pour lêendormissement. Cêest devenu rituel dans nos rangs. Le somnifère de poing. Tchloc! Une patate justement appliquée et ´ bonsoir les petits ª. Elle commence à en avoir lêhabitude depuis notre coup de force au gymnase.

Jérémie va sêemparer dêun rouleau de corde que nous avions préparé sous un pouf. Il entreprend de saucissonner la coterie pendant que je vais mater les événements extérieurs.

De ce côté-ci, faut pas se plaindre : ça baigne! Et de la manière la plus simple qui soit. Figure-toi que le Dodu qui guignait depuis la charrette dêHeidi est descendu et quêil sêapproche de lêautre bagnole. Il tient sa brème à la main. Y a écrit ´ Police ª dessus et ce mot est quasiment international. Excepté le japonais, le chinois, le sanscrit, le zanzibarien et le sourd-muet, il sêécrit presque partout de la même façon.

Avec autorité, il toque à la vitre du conducteur et plaque sa carte dessus.

Puis il fait signe à lêautre de déhotter, ce que fait le gars sans défiance. Coup de tronche béruréen. Ecroulement. Sa Majesté vient pousser la porte infermée tout en coltinant sa victime par le colback. Bientôt, nous opérons notre jonction au salon. Il a le chauffeur sur les épaules.

Sêen déleste dêun mouvement de meunier.

î Tu me feras un paquet de çu-là aussi, cêest pour offrir, dit-il à M.

Blanc, lequel en terminait avec son propre client.

DESSINE-MOI UN PROJET DE FIN

POUR CE LIVRE

A LA MORDS-MOI LE NOEUD

Dans la vie, cêest toujours lêinattendu qui se produit. Et cêest à cause de cela quêelle parvient à nous être supportable.

Ainsi, tu vois, dans ce coup de trafalgar que nous opérons chez Me Karl Paulus, il existe un personnage que je nêai point encore vu et à côté

duquel je serais passé sans mêy attarder, nonobstant la môme Heidi. Il sêagit de la légitime du maître.

A ma demande, mes sbires lêont neutralisée dans sa chambre, mais elle émet des plaintes qui attirent lêattention de notre nouvelle alliée. La veuve toute fraîche de Conrad va aux nouvelles, assiste la grosse dame impotente et revient beaucoup plus tard, alors que nous sommes en pleine conversation avec la dernière fille du fameux trio bulgare.

Cette dernière, cêest coriace et bouche cousue. Parler? Fume! Tout ce quêelle mêapprend cêest quêon a retrouvé le cadavre de la Swoboda sous le monceau de gravier. Un clodo a alerté les flics. Elle ne me révèle la chose que pour me traiter dêassassin. Sinon, elle joue le grand air de La Muette, ce qui me chagrine car des lueurs incertaines commencent à marquer lêhorizon. Dans une plombe il fera jour. Nous devrons déguerpir et alors ce sera lêhallali! Puis la curée! Non seulement nous aurons les pandores sur les endosses mais, de surcroît, tout le Mitan viennois, mobilisé par Me Pau 193

lus. Cette nana, Béru a beau la houspiller selon ses méthodes éprouvées, elle reste claquemurée dans sa haine comme dans la plus inexpugnable des citadelles.

î Faut donc quêjêvais la découper en morcifs? sêenrogne Pépère.

Je ne réponds rien. Je pense à Félix qui me paraît perdu à jamais pour nous, à Toinet qui roupille chez la môme Heidi, tout seul‚bre, à la merci dêune intrusion de nos ennemis. Je pense à notre sécurité compromise. Je pense à mêman qui repose chastement dans son lit dêAbano en attendant lêheure de se faire tartiner de boue chaude. Et puis je pense à la vie dans son ensemble, grinçante et décevante mais, comme la démocratie, préférable à toute autre forme dêinexistence!

Lêentrée de Heidi me réagit.

Elle mêadresse un geste dêappel. Jêy réponds.

Au lieu de sêexpliquer, elle me guide au sous-sol. On traverse une cave à

vin, sublimement équipée et approvisionnée, avec un régulateur de température, des casiers de ciment étiquetés. Des noms français chantent de-ci, de-là. Noms de bordeaux, de bourgognes. Des rouges, des blancs.

LêAlsace, la Touraine! Le Jura et son Ch‚teau Chalon!

Elle traverse le vaste local. Vachement médiéval de tempérament, le maître raffole des portes secrètes, des parois pivotantes, des oubliettes en tout genre car, tout au bout, il y a un vieux pressoir de bois, très ancien.

quand tu tripatouilles au bon endroit, il sêécarte, laissant apparaître une ouverture. Par cette ouverture, on aperçoit une chambre des tortures telle quêen rêvent les bourreaux nostalgiques du Moyen Age.

î Comment as-tu découvert cela? mêinquiété-je.

î Mme Paulus. Elle hait son mari qui lui a fait subir les pires humiliations et mêa révélé lêexistence de cette pièce.

Jêentre pour un examen sommaire des lieux.

î Eh bien, voilà qui risque de faire avancer les choses, dis-je.

194

liA L~.SE LA PRESSION,

Nous voyez ci, accrochés, cinq, six... écrivait François Villon.

Note que ça ne ressemble pas au gibet de Monffaucon. Beaucoup plus moderne malgré ses archaÔsmes. Néanmoins, ils sont là, accrochés, cinq... Pas six.

II y a Me Paulus, son gorille, la fille bulgare et ses deux sbires. Drôle de tableau, mon gars! Imagine que chacun des personnages que je viens de citer est suspendu par un pied. Une boucle dêacier enserre sa cheville. Un filin coulissant sur une poulie a permis de les haler, lequel filin est tiré gr‚ce à un moteur électrique. Alors donc voici nos gens, la tête en bas, leurs cheveux touchant presque le sol.

Je prends la parole en chleuh:

î Le marché est simple! Je veux récupérer le vieil homme que vous avez kidnappé, puis embarqué pour une destination inconnue. Sêil ne mêest pas rendu dans lêheure qui suit, nous vidons les lieux et prévenons la police et la presse. Me Paulus aura à leur expliquer comment il se fait quêune salle de torture a été installée dans le sous-sol de sa maison et je crois, en outre, que sa digne épouse aura dêintéressantes révélations à faire.

Nous assisterons à la fin dêune belle carrière. En outre, il sera fortement question dêun certain Bulgare.

Le sang commence à leur débouler dans le cigare. Je vais mêasseoir près de la gonzesse, à même le sol.

î Ecoutez, ma poule, lui fais-je. Vous ne me croirez probablement pas et cependant cêest la vérité que je vais vous dire. Une flopée de gens sont déjà morts àcause dêun stupide malentendu. Le vieux type ne sait rien de ce que vous croyez, et le médecin décédé près dêAtlanta ne savait rien non plus. Et moi je ne sais rien. Tout ce que jêai compris, cêest quêil se passe un coup foireux aux U.S.A. concernant le virus de la variole. Des innocents ont mis le nez dedans et ça sêest terminé en caca-boudin.

TU ME LL~ (iUJVtLL~.S!

Et puis je me tais. Ne reste plus que dêattendre. Je prends mes troupes à

lêécart.

î Jérémie et Heidi, fais-je, soyez gentils : allez réveiller Toinet et ramenez-le ici, car nous allons devoir déguerpir au petit matin. Toi, Béru explore les lieux et vois si tu trouves une idée pour nous permettre de quitter Vienne sans attirer lêattention.

î Et ta pomme, tu vas faire quoi têest-ce? grogne le Mammouth.

î Lêessentiel, réponds-je. Comme toujours!

Cêest lêun des hommes de la fille qui sêaffale le premier. Faut dire que lêinstant est dramatique. Ces gens suspendus par un pinceau sont à bout de résistance. Ils poussent des plaintes déchirantes quêheureusement lêinsonorisation de la salle absorbe.

î Je ne peux plus! Par pitié! Par pitié! fait-il.

Moi, tu têimagines peut-être que je vais lui bondir dessus, un micro à la main?

que non pas.

Dédaigneux, lêAntoine. Je fais joujou avec les instruments de torture : la fraise du dentiste, la baignoire ne possédant quêun robinet dêeau bouillante, les gros rats velus prisonniers dêune cage munie dêun trappon permettant de passer la tronche dêun homme à lêintérieur, lêarmoire à

pharmacie contenant une panoplie complète dêampoules et de seringues pour de sinistres injections, les bons vieux brodequins dêautrefois...

î Je veux parler! Je veux parler! que hurle le défaillant.

La gonzesse a encore la force de le traiter de je ne sais quoi dans sa langue maternelle, mais ça ne doit pas être confortable à entendre.

Seulement, le gusman (celui qui était resté à bord de lêauto) il a passé le seuil des susceptibilités, de lêhonneur, du patriotisme et de tout ce que tu veux. Dêautant que Paulus et son portelame, vaincus eux aussi, lêexhortent:

î Parle! Parle!

«a pourrait presque être drôle!

î Le vieux doit être embarqué pour la Bulgarie ce matin, L‚che le mec.

î De quelle façon?

î En avion particulier. Le départ aura lieu à lêaéroclub de Kuhfliege, dès le lever du soleil! Détachez-moi! Je vous en conjure! Jêai parlé, non?

Et ma pomme, imperturbable:

î Un avion dêaéro-club possède une autorisation de vol pour Sofia?

î Cêest un Jet de vingt places qui appartient au corps diplomatique bulgare et qui jouit de...

Là, il sêévanouit.

Moi, tu me connais? Rude adversaire, mais pas mauvais bourrin. Le chevalier au grand coeur! Je redescends tout mon petit monde, mais sans toutefois ôter la boucle de leurs chevilles. Je les garde même avec une pattoune en lêair, tu piges? Ils reposent sur le dos, sans plus. Ainsi seront-ils neutralisés jusquêà ce quêon vienne les délivrer...

Malin, non? Tu ne trouves pas?

Moi, si!

*

**

Alors Là...

Alors là, franchement, ça vaudrait le coup de sêacheter un polaroÔd à trois schillings (et jêirais même jusquêà cinq tant tellement ça mériterait dêêtre immortalisé).

Ce cortège, ma bonne dame!

Dêabord la grosse Roils Phantom noire de Me Paulus, agrémentée dêune flèche crème sur la carrosserie, ce qui lui fait perdre un pouce de sa dignité

britannique (1). Sur son toit vénérable, on a placé î ô lèse-majesté! î un porte-skis avec plusieurs paires de

(1)

A propos de britannique, paraît que le duc dêEdimbourg neurasthéniquerait depuis quêil a termine ses albums à colorier et arrété

sa collection de bagues de cigares. La couine se fait du mouron et penserait à lui acheter une pute.

planches. Ensuite, il y a M. Blanc, impressionnant dans une Livrée de chauffeur de maître bleu marine. Pour suivre, il faut signaler Alexandre-Benoît, spacieux tout plein dans une tenue dêaprès-ski en daim beige, col de malheureux phoque que Bardot nêa pu sauver, bonnet dêégalement phoque, si cêest pas une pitié! Ces fringues sont celles de lêavocat et lui confèrent bonne allure. quant à ma pomme, pressé, ainsi que la mère Heidi, nous arborisons (dirait Bérurier) également des tenues dêaprès-ski. Y a que Toinet à rester en civil car nous nêavons pas trouvé de fringues à sa petite taille. Le môme est tout joyce de rouler en Roils. Il sêamuse àfaire coulisser la vitre de séparation destinée à isoler les passagers du conducteur.

î «a, cêest du carrosse! jubile-t-il. Je voudrais pas que tu me conduirais en classe avec, parce que les copains se ficheraient de ma gueule, mais franchement, on se croirait dans un salon.

Cêest beau lêinsouciance. II vient de vivre des heures terribles, mais déjà

elles se dissipent dans sa tronchette.

î A propos de salon, reprend-il, Jérémie a filé une troussée carabinée à

cette souns, dans çui de chez elle. Y croyait que je donnais, mais les cris de la môme mêa réveillé. Cêest marrant, quand elle se fait chopiner, cette fille, elle tient ses jambes toutes droites, dressées. «a doit être fatigant, non?

Ces révélations du mouflet me font rigoler. Décidément, elle se sera respiré notre trio au complet, la belle Heidi! Tu parles dêune vorace au tempérament de braise!

Le jour est à peu près levé. Il va faire beau, on aperçoit du doré au faîte des toits, et le ciel se purge des derniers nuages noirs qui le souillaient.

Lêaéro-club de Kuhfliege est situé au sud de la ville, dans une vaste plaine limitée par des forêts de sapins. En une demi-heure nous lêavons atteint. quelques lumières brillent encore vers le hangar et dans le clubhouse. Par les grandes lourdes ouvertes, je distingue un Jessica 47

vert et bleu, aux couleurs de la Bulgarie.

198

BAISSE LA PRESSION,

Donc, le petit délicat ne nous a pas berlurés. Gr‚ce àma ruse de la RoIls et des skis, nous avons pu arriver sans encombre. Sinon on se faisait tartiner la gaufrette car les faubourgs de Vienne, ainsi que les routes qui en partent, sont hachés de barrages policiers. A deux reprises, des flics ont stoppé notre tire, mais, apercevant nos tenues et les skis sur le toit, ils nous ont fait signe de passer sans seulement nous réclamer nos fafs.

Jêai idée que la RoHs de Karl Paulus, si repérable, doit étre connue des autorités et bénéficier dêun traitement de faveur. Il doit pas se ruiner en contredanses, le maître.

Ainsi donc, nous nous rangeons sur un petit parking, non loin du club-house et nous attendons.

Le Gros ronfle à fond perdu. Jérémie a fait coulisser la vitre pour rester au contact. Toinet me demande, désignant Heidi î

La gonzesse brune, Tonio, on lêemporte avec nous?

î

Je pense, oui, elle sêest trop mouillée pour nos pommes, si nous la laissions, elle risquerait de mourir jeune.

î

Tu crois quêelle voudra bien me laisser toucher son petit gazon?

î

Si tu le lui demandes poliment, Toinou, y a pas de raison quêelle te refuse cette faveur; elle sait vivre.

î

Ton môme a des instincts pervers, déclare M. Blanc qui a entendu.

î

Moins que ceux qui jouent les bons apôtres et sêempressent de caramboler les petites Autrichiennes bien roulées sitôt quêils sont seuls avec elle, réponds-je.

Poum! Jérémie ferme le son.

Dans le hangar proche, deux hommes sêaffairent autour du Jessica 47. Des types jeunes, bien balancés de leur personne.

î

On donne lêassaut quand ton copain arrive?

î

On attend dêabord quêon lêait fait grimper dans le zinc, pour éviter quêil dérouille.

Du temps sêécoule. Je comprends pourquoi ils ne TU ME LES GONFLES!

199

sortent pas le coucou du hangar. Ils veulent auparavant y installer le passager clandestin. Mais, clandestin, il ne devrait pas lêêtre tout à

fait, Félix. Je suis convaincu que si on lêa embarqué hier soir, cêest pour lui établir de faux papiers.

î

Mets la radio, fleur de goudron!

Il

branche. De la musique. Et encore de la musique. Vienne chante et valse! Les infos, ce sera pour plus tard.

î

Gaffe, Antoine, vêlà du peuple! lance tout à coup le moujingue.

Effectivement, une Audi commerciale grise apparaît à lêorée du terrain.

Elle passe près de nous et va se ranger devant le hangar. Jêai eu le temps de distinguer trois silhouettes à lêintérieur. Dêun coup de coude, je réveille le Plantigrade.

î

Il est lêheure, Gros.

Sa Majesté bondit.

î

Paré!

î

Tu vois ce qui se passe? demandé-je à M. Blanc.

î

Deux types sont descendus. Ils aident un vieux bonhomme à en faire autant, commente le Léon Zitrone du Sénégal.

î

Et ensuite, mon enfant?

î

Ils le font monter.

î

O.K., tu vas te tenir prêt à usiner, Blanche-Neige.

î

Je têen conjure, ne mêappelle plus Blanche-Neige, sinon je laisse tout tomber!

î

Selon toute logique, continué-je, lêun des deux arrivants va repartir, car il lui faut bien reconduire lêAudi. Donc, ils ne seront plus que trois. Chacun le sien, mes gars! Toinet, tu te coucheras dans la voiture ainsi que Heidi!

î

Et mon cul! proteste le gamin indomptable.

î

Tu as tort, ça te ferait une bath occase de palper celui de la Fr

‚ulein, comme tu le souhaites.

î

Tiens, jêavais pas vu la chose sous cet angle! reconnaît Toinet.

2W

LiAISSE LA PRESSION,

Comme je lêavais prévu, lêun des deux convoyeurs décroche du zinc, adresse un geste de la pogne aux deux navigants et remonte dans lêAudi. Exit, le mec.

î Bon, avance jusquêau hangar, Fleur des Savanes. Stoppe ton tas de tôles devant lêavion. Moi, je grimperai à lêintérieur tandis que vous neutraliserez les deux autres. Du vite et bien, vous mêavez compris?

M. Blanc a déjà mis notre caisse en marche. Les deux gaziers sont justement en train de grimper lêescadrin de lêavion. Nous voyant survenir, ils sêarrétent pour nous regarder.

Depuis son siège, Jérémie leur adresse un signe péremptoire pour leur enjoindre de redescendre. Dans la vie, cêest toujours celui qui exige, que lêon écoute, si têas remarqué. Tu te plantes au milieu dêun trottoir, tu lances un coup de sifflet et tu hèles nêimporte quel quidam, dare-dare il vient à toi, tout anxieux! Y a de la peur dans chaque individu. Une peur endémique qui le soumet à toutes les exigences.

Alors, bon, les deux chameliers redescendent. Béni et Jérémie sortent de la Royce.

î quêy a-t-il? demande lêun des deux gars.

II a jacté en boche, mais Béru nêa pas besoin de lire Goethe dans le texte pour piger. Il ferme sa dextre afin de composer un poing de trois livres, velu, onglu, crevassé. Ce poing, il le place à la hauteur de son épaule.

î Louque, babi! dit-il en le montrant de son index gauche.

Le mec reluque sans comprendre. Le poing part, accomplit une trajectoire de cinquante-deux centimètres et percute la m‚choire de lêintéressé.

Jérémie, lui, sêest simplement contenté dêappuyer le canon de sa pétoire sur le nombril de lêautre avioneur. Allons, cêest bien parti pour mes aminches. Rassuré, jêescalade Lêescadrin, la larme au poing.

Le cher Félix est assis sur un siège, derrière le pilote. Dans quel triste état! Couvert de bleus, dêeúhymoses. Il y a du sang séché dans sa barbe poussante. Un oeil au

ITU ML Li~ (JUNtLL~N!

201

beurre noir! Une lèvre enflée. A son côté, lêest un escogriffe angulaire à

mine patibule. La toute sale gueule que tu ne prendrais jamais en stop, quand bien même tu piloterais un car bondé de C.R.S. en armes. Vilain à ce point, jêy croyais pas. Plus sinistros que lui, tu meurs de peur en te regardant dans une glace!

En me voyant débouler, il perd pas de temps. quels réflexes, monseigneur!

Et pourtant son feu se trouve dans sa poche intérieure. Il lêa déjà en pogne, têimagines? Vzziiiit! Une bastos lacère le col de mon veston et se fiche dans le capiton de la porte. Cette trajectoire, cêest ensuite que je la détermine, vu que dans lêimmédiat, jêai pas le temps de fol‚trer. Ma praline a suivi la sienne dêun millième de seconde. Lui aussi la biche dans le col, mais dans la partie qui touche au revers. Sa clavicule explose et il lui manque au cou un morceau de bidoche, regarde: gros comme ça. Tu vois? Non, jêexagère : comme ça! Mais cêest déjà quelque chose, hein? Dêun bond je saute sur sa main armée et mêabats dans la travée. Crac! Son bras a porté sur lêaccoudoir du siège et le voilà cassé! Lêos (je me rappelle plus lequel, en tout cas cêest pas lêutérus) a traversé chair et vêtements. que tu pourrais têen faire un portemanteau! Le zigus, malgré son trou au cou, son omoplate zinguée et son bras droit brisé, il continue de regimber. Tu sais que je dois filer un coup de crosse sur la coupole pour le faire tenir sage. Ah! les Bulgares, tu mêen parleras, je saurai quoi te répondre.

î Cher San-Antonio, bêle Félix, je savais que vous me tireriez de ce mauvais pas. Comme je lêai écrit à la page 120 ou 121 de mon livre Les Chênes quêon débite:

lêespoir est le seul élixir de lêhomme.

î Jêignorais que vous eussiez publié un livre, professeur.

î Sans doute parce que je ne lêai jamais écrit, explique-t-il. Cêest un ouvrage que je me suis contenté de composer et dêapprendre par coeur un peu comme lêa

202

BAiSSE LA PRESSION,

fait Soljenitsyne au goulag o˘ il nêavait même pas de papier pour se torcher le cul!

î

En ce cas pourquoi parlez-vous dêune citation de la page 120 ou 121?

î

Parce que, me répond Félix, dêune voix amoindrie par les mauvais traitements quêil a subis, je me suis imaginé quêon le composait en caractères elzévir, corps 10, avec espacement de deux points et 45 lignes à

la page. «a me permet de mêy reférer plus aisément, comprenez-vous?

î

Et pourquoi ne le confi‚tes-vous point à un éditeur?

î

A quoi bon le publier, Antoine? Il y a belle lurette que la littérature a fait son plein. Tout ce qui sêécrit depuis cent ans nêest que redites, mon pauvre ami. Il nêy a plus de place que pour la recherche scientifique. La philosophie est saturée, pire superflue! Mon bouquin nêest quêun jeu de lêesprit réservé àmon seul usage. Si jêavais su broder ou faire de la vannerie, il est probable que je ne lêaurais pas composé.

Ainsi parlons-nous, le Félix retrouvé et moi-même, en présence dêun individu inanimé, dont lê‚me me semble incertaine.

Dêaucunes et dêaucuns trouveront lêinstant mal choisi pour une conversation de cet ordre, je sais. Mais quêimporte puisque jêemmerde ces gens-là? Celui qui nêassume pas sa fantaisie nêest bon quêà placer des papillons sous des pare-brises ou à sculpter le buste de Raymond Barre dans du saindoux.

î

Maintenant, venez, Félix, il est temps de filer.

Cêest alors quêune voix juvénile retentit. Celle de Toinet. Le gamin vient de grimper à bord du Jessica et examine la carlingue avec intérêt.

î

Dis voir, le grand, murmure-t-il. Pourquoi quêon se barrerait-il pas avec ce zinc? Les pilotes, y sont en bas et vu la manière que tonton Béni leur cause, y ne demandent quêà nous rendre service.

Il

sêapproche. Un sourire en coin, déjà équivoque, TU ML Lb~S UUNtLL~!

203

tord sa bouche de gavroche. H avance sa main jusquêà mon pif.

î

Juste te montrer que jêai réalisé mes projets, mec. Cêest bath!

DESSINE-MOI LA CONCLUSION

Tu sais quêil est un peu génial sur les bords, Toinet? quand je pense quêon aurait pu se faire écrémer le tempérament en passant des frontières en bagnole! quêavec ce zinc, tout bêtement on a volé dêun tire-dêailes jusquêen Suisse chérie. Le pilote, bien que bulgare, sêest laissé

convaincre facile quand il a vu la façon dont je venais dêarranger lêescogriffe et lorsque Béru a dégainé son vieil Opinel à la lame aff˚tée comme un rayon laser en annonçant quêil allait lui couper les pruneaux dêAgen lêun après lêautre. Déjà, il venait de le déculotter et dêy empoigner la bistougnette pour de louches vivisections (halte!). Bon, il a donc compris, le gentil pilote, compris que héros, bravo, merci, ça fait joli dans un cercueil avec un coussinet pour épingler sa médaille posthume, mais que vivant et découillé, ça ne ressemble plus à grand-chose. Surtout quand, comme lui, tu viens dêépouser une choucarde blondinette prénommée Frédérika.

Alors, bon, il a pris son envol sans signaler de dérogation à son plan initial et son pote radio a joué le jeu. Un premier tronçon devait lêamener à survoler Zagreb. O.K. il opte pour cette direction, seulement, àlêaplomb de Gratz, salut les Yougos! Il vire à droite comme un malade et pique sur la Suisse aux monts indépendants. Il me demande o˘ je veux me poser. Je me rappelle alors un pote qui fait de lêaviontage près de 205

Neuch‚tel, et nous voici sur le plancher des vaches helvétiques, qui sont les plus célèbres du monde après MtlIC Thatcher. Drôlement performantes, je te le dis. Y en a, le gruyère leur sort directement des pis, et chez d!

autres quêont le diabète, cêest des caramels au lait!

Je dis au pilote que, sêil veut épargner des couilleries à tout le monde, il faut quêil prétende avoir été détourné par lêescogriffe, lequel fait si bien semblant dêagoniser quêil est peut-être vraiment mourant. Lêhomme a choisi la liberté et cêest à lêatterrissage quêils sont parvenus à le baiser en canard!

A la cabine publique de lêaéro-club nous appelions un taxi-minibus. Cêest une dame brune, piquante, qui le drive. Valaisane, je reconnais lêaccent.

Elle nous demande pour o˘ est-ce, et je lui rétroque quêon va àPontarlier.

Tu noteras que, dans cette vallée de larmes, quand le temps se remet au beau fixe, cêest exactement comme quand il commence à débloquer: tout baigne. Là, pas le plus petit encombre. Si je te disais quêil y a même pas de douaniers aux postes frontières suisse et franchouille. Et pourtant il pleut pas! Comment têespliques? Cêest vrai quêil y a en différé le match FranceSuisse à la télé!

î Je ne pensais pas retrouver lêamère patrie, murmure Félix.

Le taxoche embarde, because Béru qui sêest assis au côté de la conductrice et qui vient de découvrir quêelle porte des jarretelles.

Dans sa livrée de chauffeur, Jérémie ressemble à un acteur pour feuilleton amerloque. Il fait bande à part, le négro. Pas content de soi. Il doit songer à sa chère Ramadé et à la bathouse paire de cornes quêil lui a infligée. Genre gazelle, torsadées et pointues, les ccirnes en question.

Très seyantes pour une tignasse crépue. Il me hait dêavoir trompé sa femme.

quand tu commets le péché, têas besoin dêun bouc commissaire, comme dit Béni.

Toinet sêest endormi contre lêépaule de la courageuse 206

BAiSSE LA PRESSION,

Heidi. Il a glissé sa menotte entre les mains de lêardente Autrichienne et il sêabandonne, confiant. Sêil avait quelques années de plus, elle leï

déniaiserait très probablement; seulement, comme il lêadmet lui-même: onze ans, cêest un peu tôt pour la cabriole mutine!

Tu me croiras ou pas î jêen ai strictement rien àessorer î mais on sêest encore pratiquement pas parlé, le Prof et mégnace. Il a été tellement chahuté, le vieux, que je préfère lui laisser le temps de récupérer un peu avant dêaborder les choses sérieuses. Sa pauvre gueule malmenée semble avoir été passée au mixer. Il lui est venu un tic, Félix. II hoche la tête toutes les dix secondes en réprimant un petit cri dêeffarouchement.

Parfois, il dodeline, sa tempe se pose contre la vitre. Et puis il a un soubresaut de terreur. Il regarde autour de lui, effaré. Se calme, en nous constatant. Je crains quêà son ‚ge, une aussi terrible aventure ne lui laisse des séquelles irrémédiables. Son psychisme va donner de la bande, cêest certain. Moi, lêidée quêil se retrouvera seul‚tre, dans quelques heures, me navre. Je me le cadre dans un apparte vermoulu, plein de vaisselle sale, de hardes inlavées et dêodeurs suspectes. Il doit y avoir des piles de bouquins à même le plancher. Un grabat en guise de lit. Je suis allé lêarracher à sa mélasse pour le replonger dans son caca dêorigine. Cêest pas ça, lêaltruisme.

Seulement en faire quoi, du Félix? Lêamener chez nous? Je peux pas infliger ce débris à Félicie! Cêest alors quêil me vient une idée bassement géniale et même génitale. Je me penche en avant pour que mes lèvres puissent gagner lêoreille droite dêHeidi sans éveiller Toinet.

î

Tu comptes rester en France, môme?

î

Si je peux obtenir un permis de séjour, s˚rement.

î

No problème, ma poule; on a des relations bien placées, cêest un coup de téléphone à donner. Et jêai même un mari pour toi. Tu seras naturalisée dêoffice.

î

qui est-ce?

TU ME LES (ONFLES!

î

Le vieux qui est assis près de moi.

Elle regarde, par acquit de conscience, le dodelineur ecchymosé. Fait la grimace.

î

Drôle de cadeau! soupire la brune pétillante.

î

Tu ne crois pas si bien dire. Regarde!

Je passe mon bras par-dessus Le dossier de son siège. De mon autre main, je retrousse ma manche jusquêau coude.

î

que dirait une saute-au-paf de ton registre dêun braque de ce gabarit?

î

que cêest un mirage! H peut pas exister!

î

Il existe, môme! Et je peux te donner son adresse : le pantalon de mon ami Félix. Cêest lêune des plus fameuses anomalies de la nature. Ses déboires ont commencé aux U.S.A. o˘ un congrès de médecins lêavaient fait venir à prix dêor pour quêil montre sa chopine en faculté. Tu as eu droit au braque de mister Bérurier et je crois savoir que tu en as conçu un contentement véhément! Dis-toi que le membre du Gros est un cure-dents comparé à celui du Herr Professor: il mesure quarante-huit centimètres, mémé.

Elle a les yeux qui font trois fois le tour de leurs logements à cloche-pied.

Elle répète

î

quarante-huit centimètres!

î

Au moins!

î

Au moins?

î

De plus, Félix jouit dêune aisance confortable. H serait pour toi un mari idéal. Il têapprendrait le français et, qui sait, peut-être serait-il encore apte à te faire des enfants remboursés par la Sécurité sociale?

Én ce moment, tu le vois après quêil ait subi des sévices; mais dis-toi quêune fois cicatrisé, rasé et pomponné, il est plus présentable que ton Curt Valdingue de président au pedigree aléatoire. ª

Elle hoche la tête.

î

II faut voir, admet cette femme pratique, sachant sêadapter aux circonstances et aux zobs de bonne rencontre.

!3AISStJ LA PRfrSSION,

î

Sana! me hèle lêorgane du Mammouth, ça te dirait-il-t-il que flotê

chauffeuse nous drivasse jusque zêà Paris? EHê serait dêaccord moiliennant mille pions français; son vieux est en train de tirer sa période militaire et rien nê la h‚te de rentrer. Jê pourrerais la berger chez moi dont ma Berthe est absente à cause des vacances quêeUê prend au aube Mcd avêc Alfred. Pas vrai, trognon? ajoute-t-il à lêadresse de notre çonductrice helvète. Je vous offrirerais un gueulêton soigné chez Finfin, 1ê kinge de lêandouliette; nêensute jê vous ferais visiter Montmartre et pour finir un enfourche-ment quê je vous dis des nouvelles! On fêrait viendre Samso-Nyte, ma bonne esquimaude quê jêai gagnée au Gros et Lent. Je lêaye dressée pour Iê pucier et cliê est plein dêattentions délicates! Le pouce dans lêoeil dê

bronze, la menteuse sous les roustons, la pêtite fessée façon panpan-cucul, cêtê une providence cête fille quêon a juste à lu reprocher dê schlinguer lêhuile de foie dê morue quêé sê coiffe avec.

Ii

jacte, jacte... Fait des promesses érotiques quêil tiendra haut la bite.

Un coup de frein consécutif au pouce du Mastard versé en acompte à la conductrice tire Félix de sa somnolence. Sa bouille a porté contre la vitre et voilà quêil saigne de plus rechef, le pauvre bonhomme. Heidi sêempresse de lêétancher avec son mouchoir. Tout en sêactivant, elle contrôle, dêune main glissante et fureteuse le bien-fondé de ce que je lui ai dit tout à

lêheure. Lêayant constaté, elle mêadresse un délicieux sourire dans lequel je crois déceler comme de la reconnaissance.

î

Je pense accepter votre proposition, me dit-elle. Touché par la sollicitude dont il est lêobjet, e Prof caresse les hanches de son infirmière.

î

Cette personne est dêun grand agrément, murmure-t-il.

î

Il ne tient quêà vous dêen faire votre épouse légitime, Félix.

î

A mon ‚ge! proteste le brave ami.

TU ME LES GONFLES

î

quêest une date en comparaison de votre queue, mon cher? Cette fille est sous le charme. Elle entend refaire sa vie. Vous pouvez parfaitement, quant à vous, poursuivre la vôtre entre ses jambes, que je sache?

î

Cêest à voir, admet lêérudit. Pourquoi pas, après tout?

Il

sourit. Un sourire lumineux comme on en voit sur les vitraux des cathédrales. Sourire de bienheureux, empreint de béatitude; sourire de vieil anarchiste mélancolique. Sourire de misanthrope indulgent. Sourire dêhomme sceptique secrètement heureux de posséder le plus gros sexe du monde. Désintéressé jusquêaux os, mais détenteur entre ses vieilles jambes arquées, dêun fabuleux capital. O Félix, Félix! Profite de tes gr‚ces, de ton intelligence et de ta culture, de tes vieux jours et de ton paf surdimensionné. Profite, vieux bonze! Profite!

î

Vous savez, Antoine, que jêai eu le fin mot de cette histoire dêAtlanta?

«a se produit spontanément. Il accouche de lui-même, sans quêon ait à lui provoquer par piq˚res les contractions libératrices.

î

Vraiment? fais-je dêun ton détaché.

î

A travers leurs interrogatoires, jêai pu définir la vérité.

î

Cêest bien, Félix.

î

Comme vous le savez, la variole a été vaincue dans le monde. Même dans les régions les plus reculées on nêenregistre plus le moindre cas.

î

Je suis au courant.

î

A des fins militaires, les Russes et les Américains ont conservé le virus de cette maladie. Les premiers àMoscou, les seconds à Atlanta (1) pour le lancer sur des populations, en cas de conflit. Prises au dépourvu, celles-ci seraient décimées.

î

Charmant.

BAISSE LA PRESSION,

î

Bien entendu, chacune de ces deux grandes puissances sait que lêautre a fait comme elle.

î

11 faut bien que les services dêespionnage servent à quelque chose!

î

Seulement, les Ricains, plus vicieux, ont ajouté au virus quêil détienne un plus qui rend inefficaú le vaccin russe. Dès lors, ce must leur accorde la priorité absolue de cette arme.

î

Tu parles, Charles! comme disait Mme De Gaulle.

î

Informés de la chose, les services de Santé soviétiques ont voulu, co˚te que co˚te, avoir un échantillonnage du virus yankee.

î

Logique. Ils ont dépéché deux friponnes pour faire main basse sur cette saloperie?

î

Exact. Vous pensez bien, Antoine, que ce virus est conservé dans des coffres inexpugnables. Les Soviétiques ont choisi la bonne vieille méthode de la séduction pour y accéder. Le devoir nêexiste plus lorsque le désir est trop fort, comme il est dit à la page 67 ou 68 de mon livre. Ces salopes, avec leurs chattes roses et leurs sourires rouges, font damner les hommes de devoir les plus irréductibles! Les deux filles avaient àrendre fou lêun des quatre fonctionnaires détenteurs du système dêouverture des coffres de stockage. Elles ont déployé tous leurs charmes et usé des techniques amoureuses les plus perverses pour rendre maboul lêun des quatre geôliers du virus. Elles y sont parvenues. Ce type, ensuqué, drogué, r‚lant dêamour, leur a donné satisfaction. Il a prélevé dans le stock deux petits conteneurs et les as remis aux espionnes en question: des Polonaises.

î

Deux conteneurs! sursauté-je.

î

Oui, mon brave Antoine : deux!

î

Mais, un seul conteneur a été retrouvé!

î

Et cêest bien ce qui a causé nos misères au petit docteur et à moi!

Sachez auparavant que le service de protection du virus était si bien assuré que si lêon

TU ME LES GONFLES!

211

soustrayait un seul conteneur, un système dêalarme se déclenchait. Le fonctionnaire indélicat Le savait, aussi a-t-il placé dans le coffre un paquet de poids identique aux deux conteneurs volés car le système dêalarme était basé sur le poids. Seulement, pendant la minime fraction de temps o˘

il a soulevé les conteneurs pour déposer le paquet, le signal dêalarme a eu úne saute ª. «êa été trop bref pour quêil se déclenche de façon sonore, mais la chose était lisible dans le tracé de contrôle. Si bien que lêalerte a été donnée le jour même. Immédiatement un dispositif de la C.I.A. a joué.

Au bout dêune heure, ils avaient sélectionné le fautif parmi les quatre ´

possibles ª. Convenablement interrogé, lêhomme passait aux aveux et lêon arrêtait les deux souris à leur motel. Vous le savez, se voyant prises, elles ont balancé lêun des conteneurs dans le bungalow voisin, ce qui a eu les conséquences que vous connaissez. Mais Le second est resté introuvable.

Lorsque nous sommes allés faire notre foutue déclaration àla police dêAtlanta, les services spéciaux ont été aussitôt prévenus. Pour, lors, stupidement, on nous a suspectés et une opération a été lancée contre nous.

Elle sêest tragiquement terminée pour le petit docteur. Pour ma part, jêai pu disposer dêun répit qui mêa permis de filer. Fuite illusoire. Les Russes, toujours très vigilants, avaient déjà été alertés à notre propos et ils ont appris, avant même les Ricains, mon départ pour Vienne o˘ jêai été

accueilli dès lêaéroport.

Il

est essoufflé, le vieux Bicounet.

î

Reprenez-vous, Félix. Nous reparlerons de tout cela plus tard.

La voix de Béruner sêélève:

î

Mes chers camarades et néanmoins amis, si vous nêy verreriez pas dêinconvénience, on va sê payer une halte suê un parkinge. Du temps quê

vous yê dégourdirez les cannes, jê restêrai dans Iê bus avêc flotê aimabê

conductrice vu quêon est tabou dê nerfes dêpuis quê jêy 212

fais des agaceries. Y a des choses quêon peu plus remettê à plus tard, mes drôles, vous lêignorerez pas puisquê vous Iê savez. quand la viande commande, faut toujours laisser parler son corps!

DESSINE-MOI LA VRAIE FiN FINALE

î

Pourquoi tu fais cette frime, Toinet? «a te plaît pas, lêAmérique?

î

Si! répond-il mollement.

î

Tu devrais être en classe en ce moment, à te faire suer La bitoune sur une compo de math!

î

Jêsais bien!

î

Alors?

î

Jêpense à maman Félicie, mec. On est durs avec elle. Jamais on y fera la surprise dêaller la surprendre àAbano puisquêelle va rentrer La semaine prochaine et quênous sommes aux U.S.A.

Je lui tapote la joue.

î

Tu es gentil, gamin. Tu as raison de bien lêaimer, mêman, cêest une femme admirable.

î Alors, puisque cêest une femme admirable, pourquoi quêon vient glander dans ce motel dêAtlanta au lieu dêaller la retrouver?

î Parce quêil existe une chose qui doit primer toutes les autres, mon lapin, et elle se nomme la conscience professionnelle.

Je fais sauter la cLé du 14 dans ma paume. Cêest le fils Ferguson qui me lêa remise en main propre, après que je lui eusse raconté une fable pour justifier que je veuille le bungalow-tente dêindien 14 et pas un autre! ´

Jêy suis venu, voici douze ans avec la mère de mon enfant ici présent, laquelle est décédée depuis dans un accident de machine à coudre. ª

Lêobèse a hoché la tête. Lui, il bouffait des saucisses quêil trempait dans un petit carton Mc Donaldês plein de chili sauce. Mes pèlerinages amoureux, il en a strictement rien à masturber! 11 bouffe sa mort à pleine chaules, comme sêil souhaitait crever dêexplosion à lê‚ge o˘ les autres se font nommer président-directeur général de la firme o˘ ils grattent.

Du moment que le 14 était libre, il mêa donné le 14; avec un intense rot, en prime. Un rot dont lêexhalaison nêen finissait pas et qui passait en revue des denrées merdiques à nêen plus finir, ingérées depuis le matin.

Je me plante devant la construction de ciment. Elle a la forme dêune hutte dêindien et on lêa peinte en rouge, avec des trompe-lêoeil puérils. Mais les couleurs sont fanées et sêécaillent. Le gros sac de lêoffice nêa même pas le courage dêentretenir son motel.

î

Explique-moi! demande Toinet.

Je lui montre la construction de gauche.

î

Dans cette tente se trouvaient les deux espionnes avec leurs deux conteneurs volés. Le F.B.i. se pointe. Elles sont foutues! Elles tentent le tout pour le tout. Lêune balance lêun des conteneurs par la fenêtre, dans le bungalow de gauche. Alors moi, San-Antonio, flic dêélite et homme dêune intelligence au-dessus de celle de Canuet, je prends le pari que sa copine a virgulé le second conteneur par la fenêtre de droite, dans le bungalow de droite. Ne jamais mettre ses oeufs dans le même panier!

Le gamin murmure:

î

Si elle lêavait balancé, il aurait été retrouvé aussi. Ou bien alors, il a été retrouvé, et la personne qui lêa ramassé lêa emporté!

î

Emporter une boîte de bois capitonnée contenant des ampoules? Non, fiston, ce genre dêobjet nêéveille aucune cupidité!

î

Alors quoi?

î

Alors nous venons de parcourir six mille kilomètres pour essayer de comprendre.

Là-dessus, jêengage la clé dans la serrure.

Lêintérieur est sobre, plutôt sympa. Un lit bas, avec une tête de lit en peau de cheval. Un placard de bois peint. Une table, deux chaises, un poste de tévé et un appareil à air conditionné.

Et puis, au mur, une espèce de broderie indienne, fabriquée à Hong Kong ou à Formose, qui représente un cheval cabré. Le motel part doucettement en sucette. Jêai idée que le fils Ferguson sêenlise dans sa graisse et perd le contact avec les réalités non comestibles. Le 14 pue le renfermé, la poussière surchauffée, le cul.

Jêattire une chaise contre la porte, du bout du pied et prends place. Du calme, Antoine! Tu as tout ton temps, beau mec (1).

î

Ouvre la fenêtre de gauche, Toinet!

Il obtempère, serré, appliqué, respectueux, lui qui ne lêest jamais.

î

Saute par la fenêtre et va te placer contre celle du bungalow voisin. Tiens, prends mon petit guide Berlitz, quand je te le dirai, tu le lanceras ici de toutes tes forces.

Le gentil ouistiti obéit scrupuleusement.

î

Tu y es, brin dêhomme?

î

Moui!

î

Lance!

Lêouvrage arrive par la fenêtre, traverse la pièce, heurte le mur arrondi et choit près de lêappareil à air conditionné.

Jêattends le retour de mon zélé collaborateur.

î

«a têa appris quelque chose? demande-t-il.

î

Oui, mon petit pote. «a mêa appris que les 216

BAISSE LA PRESSION,

volumes coniques sont impropres à lêhabitat moderne. Ainsi, tu vois cet appareil à air conditionné?

î

Yes, mec.

î

Pour offrir une efficacité maximale, il devrait être posé

verticalement, mais là, le mouvement du mur a contraint lêinstallateur à le placer dêune manière inclinée. Dêautre part, comme le mur est arrondi et que lêappareil est rectiligne, il en résulte une espèce de niche, je me goure?

î

Textuel, grand.

î

Si je te pariais mes couilles que le deuxième conteneur est dans cette sorte de poche, tu me répondrais quoi, moujingue?

î

que Maria, notre bonne, pourrait bien se mettre la tringle, le soir! Mais cêest un risque à courir.

Il

sêavance vers lêappareil.

î

Non! hurlé-je.

î

Tu veux avoir lêimprimeur de la trouvaille? ricane Zébulon.

î

Non, mon bijou, je veux simplement têéviter dêattraper la variole.

Jêavance lentement ma main par lêorifice. Les doigts en pince. Mon guignol breloque à mort! Je ferme les yeux. La sono racoleuse du motel diffuse une musique qui te fait sanguinoler les trompes comme quand on veut découper une enclume en tranches avec une scie àbois. Elle me flanque la gerbe.

Six mille bornes à mes frais pour venir couler ma main dans cette niche!

Faut être moi et pas un autre, tu conviens?

«a bouge sous mes doigts. Je suis les contours dêun étui de bois.

Merveilleux San-Antonio! Ah! tu dois lêaimer ce brigand, va! Il peut se faire sucer la tête haute; il a bien mérité de go˚ter aux frustes plaisirs de ce bas monde en attendant les futures vraies félicités!

TU ME LES (UNtLES!

217

Je viens de déposer le contenèur sur la table. Il est couvert de poussière, de moutons. Comme il paraît

hostile, ce petit coffret plat! Comme on sent bien quêil est rempli de vilaine mort!

î

quêest-ce on va en faire? chuchote le gosse dêune voix peureuse.

î

Il y a un consulat russe à Atlanta, je vais aller remettre ça au consul.

Il

bée:

î

Mais têes louf, le grand! Après ce que les Popoffs ont fait à ton ami Félisque?

î

«a nêentre pas en ligne de compte, mon lapin. Si cette saloperie devait être utilisée un jour, il nêy a aucune raison pour que les populations soviétiques en meurent. Car, écoute ce que je vais te dire, Toinet:

tous les hommes sont des hommes. Tous les hommes!

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25 tomes vres Complètes an-Antonio de publication

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Baisse la pression, tu me les gonfles !
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