“Les Jedi qui sombrent sont les plus
dangereux de tous”
Paroles d’une chanson pour enfants
Dray regardait l’étoile brillant d’un rouge aveuglant disparaître dans les ténèbres de la ligne d’horizon. Ses pensées étaient une masse informe, et alors que le soleil disparaissait, l’espoir de contrôler ces sentiments chaotiques en faisait autant… C’était toujours pire la nuit, quand il n’avait rien à faire hormis scruter l’étendue sans fin du ciel noir et penser à sa situation confuse.
Il était venu sur ce monde, à la bordure de la Frontière Galactique, pour essayer d’apaiser son esprit. L’Équipe de Surveillance et d’Exploration de la République n’avait pas encore visité cette planète, c’est pourquoi elle n’avait pas de nom. Depuis qu’il en avait fait la découverte, Dray avait décidé qu’il devait donner un nom à sa nouvelle demeure. Il l’appela Vigil.
Au début, les forêts verdoyantes de la planète semblaient être un endroit parfait pour se ressourcer et faire son introspection. Pourtant, cette beauté rustique ne provoqua qu’une souffrance supplémentaire lorsqu’il eut cette terrible révélation. La sérénité idyllique de l’environnement lui rappelait quotidiennement qu’une telle tranquillité ne lui serait plus jamais accessible. Dans le temps, Dray avait été maître de ses émotions, mais cette paix n’était plus qu’un souvenir lointain.
Il avait quitté l’espace civilisé afin d’échapper à ces troubles. Mais il n’y avait aucune échappatoire, quelque soit l’endroit où il allait. Même sur Vigil.
Dray envisageait souvent de partir, mais pour aller où ? Il serait tout simplement pourchassé comme il le fut auparavant, et Dray était lassé de fuir. Il resta donc sur cette planète – à la fois son paradis et son purgatoire.
Il tendit une main engourdie, comme un enfant à la recherche de sa mère. Il ressentit presque immédiatement la sensation vibrante d’une Force enveloppant le bout de ses doigts. Un petit frisson parcourut la base de sa colonne vertébrale telle la douce caresse d’un ancien amour.
Dray soupira et s’installa dans une petite clairière sous les larges feuilles des arbres arcosiens. La douce et délicate odeur du feuillage glissa sous ses narines dont il savoura l’arôme.
Assis, les jambes croisées, les mains posées derrière sa taille, Dray ferma les yeux. Le parfum arcosien glissa dans ses poumons. Il s’apaisa jusqu’à n’entendre plus que le son de sa propre respiration.
Dray fusionna avec l’harmonie de la nature. Les appels aigus des ailes-prismes prenant leur envol invoquèrent l’image époustouflante des oiseaux aux couleurs bariolées créant un arc-en-ciel dans les airs. Il se concentra pour différencier les doux hululements des autres êtres volants, les cris retentissants de centaines d’espèces prédatrices, et les faibles grésillements des nuées d’insectes.
Sa respiration se fit plus lente, plus précise, diminuant presque assez pour être totalement apaisée. Dray essaya de se souvenir des exercices de méditation enseignés par son maître, Ven-Mah Tyrrahl. Il n’avait pas été capable de les pratiquer depuis un long moment.
Depuis…
Une douleur aigüe faillit briser sa concentration, tournant comme une vibrolame dans ses tripes.
Il n’oublierait jamais ce jour.
Sa méditation prit fin brusquement quand Yeres Threem apparut dans le jardin botanique. Le Jedi vultain était à la recherche de réponses et Dray n’en avait aucune à donner à son ami.
Le visage de Dray se contracta lorsqu’il revécut ce douloureux moment.
Threem était hors de lui, prêt à tuer Dray, mais cela n’avait pas d’importance. Threem savait la vérité et pour cette raison, il devait mourir.
Pourquoi ? demanda une voix familière à sa conscience. Dray ne parvint pas à l’identifier immédiatement, ce pourquoi il décida de l’ignorer pour le moment.
Dray pouvait encore entendre le choc de leurs sabres laser, éprouver chaque vibration dans le manche de son arme, sentir l’horrible odeur de chair cautérisée.
Puis il se trouva devant le corps sans vie de l’un de ses plus proches amis. Dray pouvait encore voir ce terrifiant visage, cette expression sans vie sur le visage du vultain. Ces yeux sombres comme du transparacier mat accusant Dray de trahison, longtemps encore après que Threem ait cessé de respirer.
Ce fut le premier Jedi que Dray tua. Ce ne serait pas le dernier…
D’autres souvenirs commencèrent à envahir son esprit, menaçant de troubler sa contemplation. Dray prit une inspiration revigorante, relâcha sa concentration, nettoyant ses pensées.
Il essaya de nouveau et entendit soudainement les mots de son maître résonner dans sa tête.
Essaie et tu échoueras toujours. Le succès n’est pas un but. C’est une décision consciente.
Dray augmenta sa concentration.
Les sons caractéristiques de sa planète d’adoption s’estompèrent alors qu’il se focalisait sur quelque chose d’autre. La sueur perla sur son front, faisant des nattes dans ses cheveux, s’écoulant vers le bas du dos tels des courants glacés. Il libéra sa conscience de cette prison corporelle à la recherche de quelque chose de plus grand.
Durant un instant, Dray craignit avoir perdu cette capacité… Non… Attend.
Ici.
Il l’entendit, tout au plus un chuchotement au départ, mais devenant de plus en plus fort. Le battement de cœur de sa nouvelle maison. Les pulsations géothermiques résonnaient en échauffant les roches glacées.
Dray accorda doucement ses propres battements de cœur à ceux de Vigil, et ils ne firent plus qu’un. Ce corps, fait de matière brute, ne pouvait plus contenir son esprit désormais. Dray n’abandonna pas complètement sa forme physique, mais la fusionna à la totalité de son être et au-delà. Dans la nature. Il était les rochers, les arbres, les animaux, les lacs, les marécages. Le monde.
Ce n’était pas assez.
Il chercha les étoiles tout autour, dans cette galaxie qui l’entourait.
Dans le cœur de la Force.
Il sentit sa conscience toute entière être déplacée vers un endroit qu’aucun mot ne pouvait décrire. Son corps était entouré de flammes puis enfoncé dans un vaste océan de glace. Il continua de s’élever, et tandis qu’il le faisait, son esprit commença à s’ouvrir. Il ne put comprendre complètement ce qu’il éprouvait, mais il savait être sur le point d’atteindre un cap important. La plus belle femme de la galaxie l’enveloppa dans ses bras et le souleva encore et encore plus haut.
Puis quelque chose stoppa brutalement son ascension.
Il entendit d’abord le grondement, une foudre terrible provenant des grands nuages sombres au bout de l’horizon. Puis vinrent les éclairs, étonnamment violets et abominablement précis. Le vent hurla de fureur, rien ne pouvait lui faire face.
La grande tempête assaillit la zone sans pitié, frappant le propre cœur de Dray. Le ciel, qui jusque-là l’avait porté, lâcha brusquement sa prise. Dray se sentit tomber…
Tomber.
Un froid comme il n’en avait jamais éprouvé l’entoura, gelant sa respiration, et ce malgré le climat habituellement tempéré des forêts de Vigil.
La tempête venait pour lui ; nourrie par la peur, la rage, la colère. Dray tint bon, mais il savait qu’il n’avait aucune chance de survivre à un tel choc.
Puis vint la foudre comme jamais auparavant, et Dray sut qu’il s’agissait de la première frappe d’une tempête du Côté Obscur. L’attaque annoncée n’arriva jamais et Dray réalisa que ce grondement n’était finalement pas une manifestation de la Force.
C’était réel…
Ses yeux s’entrouvrirent et les effets de la transe disparurent. La terrible tempête était partie aussi vite qu’elle était arrivée.
Dray vit immédiatement l’arc de lumière striant le ciel ; comme une étoile filante vue de près. Quel que soit l’objet que c’était, cela venait de pénétrer dans l’atmosphère, brûlant comme un soleil.
Il lui sembla que la descente ne finirait jamais. L’objet enflammé disparut momentanément derrière la ligne des arbres et Dray sentit le froid d’une construction métallique abritant trois formes de vie. Il pouvait sentir les pulsations vitales de chacune, et durant un insupportable instant, leurs émotions furent également les siennes : peur, désespoir, abandon. Une vibration familière glissa à travers le corps de Dray lorsque le Côté Obscur commença à se nourrir…
Soudain, il y eut une explosion si forte que Dray la sentit à plus d’un kilomètre. Le sol trembla comme s’il était martelé par une horde incontrôlable de banthas en colère. Dray perdit son équilibre et resta couché le temps que l’onde de choc se dissipe.
Tout fut de nouveau silencieux.
Dray était déjà debout, en train de courir.
Il trébucha sur les derniers mètres de broussailles emmêlées, atterrissant presque la tête la première dans la tranchée causée par l’impact s’étirant à travers la vallée.
Dray suivit la tranchée, courant parallèlement à elle, estimant la taille du vaisseau ayant causé un aussi grand sillon. Son cœur martelait son buste alors qu’il s’approchait de l’étrange cratère s’étalant comme une plaie ouverte.
Il fit une halte au bord de l’abysse fumante et observa la scène. Le vaisseau était une sorte de navette éclaireur ; trop petit pour être un cargo et pas assez de blindage ou d’armement pour être un chasseur. Il était séparé en deux grandes sections, toutes deux plongées en enfer.
Dray descendit doucement la pente crasseuse et s’avança vers les restes ardents, gardant un bras tendu devant lui pour se protéger le visage. Il se fraya un passage sur le champ miné de débris enflammés de ce qu’il supposa être les restes du cockpit. Il put voir deux corps profondément enfouis. Pour leur bien, Dray espéra qu’ils soient morts lors de l’impact.
Alors que la sueur coulait sur lui comme de la pluie, il commença à avancer avec précaution dans l’enfer ardent.
Il ne fut pas sûr de ce qui l’arrêta… Si ce fut un léger sursaut dans la Force ou un faible cri plaintif. Peut-être ni l’un ni l’autre ; seulement son imagination troublée par sa tentative de transe de médiation.
Quel qu’en soit la cause, quelque chose le dirigea vers l’arrière de la carcasse. Il s’avança lentement vers l’autre section du vaisseau en miettes et scruta à travers les flammes. C’est alors qu’il la vit, une jeune fille, pas plus de sept ans. Ses cheveux blonds étaient imprégnés de crasse, ses yeux exprimant clairement la peur. La bouche de la fille s’ouvrait encore et encore, pourtant Dray ne comprit pas ce qu’elle disait.
Il ne put s’approcher que de quelques mètres à cause du mur de feu. La jeune fille ne pouvait pas venir à lui, sa jambe droite était coincée sous un large coupleur d’énergie cylindrique.
— Tu m’entends ? lui cria Dray.
La fille ne lui répondit pas. Toute son attention était focalisée sur le cockpit.
— Maman ! Papa ! (Les larmes coulaient sur ses joues alors qu’elle criait encore) Aidez moi !
— J’essaye, dit Dray à bout de souffle. (Il agita ses bras en l’air, espérant que les yeux de la fillette pourraient au moins remarquer le mouvement.) Regarde-moi, princesse !
Enfin elle le fit. La fille luttait pour libérer sa jambe, mais ne parvint qu’à la coincer davantage.
— Écoute, n’essaye pas de bouger, ok ?
Le temps s’écoulait rapidement, au rythme des grondements de la superstructure du vaisseau qui essayait de tenir en un seul morceau. C’était une bataille futile contre un ennemi implacable.
Dray devait prendre une décision rapidement.
— Je suis là pour t’aider. Tiens bon…
Il vida son esprit et se concentra sur la barrière ardente qui se tenait entre la fille et lui. Tendant ses bras devant lui, Dray regarda droit devant lui comme un somnambule. Sentant une nouvelle victime, les flammes léchèrent ses mains, son visage, ses vêtements. Mais Dray ne sentit pas les flammes qui l’enveloppaient. Son corps tout entier brilla lorsqu’il absorba la chaleur intense et marcha à travers la barrière de flammes comme s’il ne s’agissait que d’une chute d’eau.
Dray émergea indemne de l’autre côté, dans la section en ruine du vaisseau. La fille le fixait de ses pupilles brillantes. La peur avait disparu, remplacée par de la confusion.
Il se prépara à manipuler la Force de nouveau, cette fois pour déplacer le lourd cylindre de la jambe de la fillette. Dray n’était pas sûr de savoir pourquoi au lieu de cela, il se retrouva campé devant elle, agrippant la lourde machinerie. Il arqua ses jambes et poussa de toutes ses forces. Le cylindre grinça sous la poussée, peu disposé à libérer sa proie, mais dans un effort final, Dray parvint à libérer la fille de sa lourde prison.
Tandis que Dray essuyait rapidement la sueur sur sa tête, il reconsidéra ses actes. La première méthode aurait été plus facile, mais ça restait tout de même une utilisation abusive de la Force pour faire quelque chose de facile avec peu d’effort. Il vit soudain l’image des Seigneurs Sith assis sur leurs trônes, utilisant la Force pour accomplir tout besoin insignifiant.
Certains étaient si gras, suite à des années d’inactivité, que leurs membres étaient atrophiés.
Un gémissement aigu au dessus de leurs têtes fit disparaître cette image troublante de l’esprit de Dray. Le toit du vaisseau était sur le point de céder pour atterrir sur leurs têtes.
Dray prit la fille avec précaution dans ses bras, surpris de voir à quel point elle était légère. Il pressa son petit visage contre sa tunique, crasseuse de sueur et de poussière. Tournant le dos à la fournaise prenant de l’ampleur, Dray invoqua la Force pour les protéger de la chaleur étouffante.
Accélérant sa vitesse, Dray s’éloigna de ce conglomérat de flammes et de débris… À l’instant où le métal chauffé à blanc s’effondra sur lui-même. Ses cuisses lui faisaient mal alors qu’il tentait de garder son équilibre en gravissant la falaise du cratère, sans pouvoir s’aider de ses bras.
Dray continua à courir afin d’échapper aux nuages de fumée acres provenant du cratère. Ses jambes cédèrent peu après et il atterri sur ses genoux. Il plaça la fille sur l’herbe fraîche et sentit ses poumons se contracter. Dray avait inhalé plus que sa part de vapeurs fétides et son corps heurta le sol, attend d’une crise violente de toux et de spasmes.
Après ce qui lui sembla être une éternité. Dray prit enfin une inspiration revigorante. Il en prit précipitamment encore une, puis une autre, jusqu’à ce que sa respiration soit de nouveau un processus sans douleur.
Dray jeta un œil sur la petite fille et à sa surprise, il la vit l’observant. Il frissonna inconsciemment… Non, c’était comme si elle regardait à travers lui.
Ces yeux bleu-vert, témoin de sa sagesse malgré son jeune âge, le traversèrent comme un cutter au plasma.
— Je pense que vous êtes maléfique, dit-elle du tac au tac.
— D’habitude je ne sais pas, mais pas avec vous… (Elle fit une pause un instant, puis ajouta.) Vous m’avez sauvé. Comment ?
Dray ouvrit la bouche puis la referma alors qu’un million de pensées s’affrontaient dans sa tête.
Brusquement la fille lui tourna le dos, regardant le cratère en flammes.
— Je continue à le faire. Ma maman me dit que parfois je pose trop de questions et que je blesse l’esprit des gens.
Pour la première fois elle ressembla à un enfant terrifié.
— Elle est morte maintenant. Comme mon papa.
La fille le regarda de nouveau, des larmes se formèrent au bord des yeux. Avant qu’il ne le réalise elle l’agrippa de ses petites mains et sa tunique fut humidifiée par ses pleurs. Dray sentit son petit corps trembler contre lui et soudain il eut du mal à avaler sa salive, a la fois ému et plein de compassion. Il prit une longue respiration par le nez, apaisant ses émotions.
Dray voulait désespérément lui dire que tout allait bien se passer, mais il ne pouvait pas. Ce serait un terrible mensonge.
— Je suis désolé, murmura-t-il, mais ces mots de réconfort sonnaient faux à ses oreilles. (Cela ne serait pas suffisant pour soulager une si terrible peine.) Je suis désolé, dit-il encore en la serrant doucement jusqu’à ce qu’elle cesse de pleurer.
Dray n’était pas sûr de savoir à quel moment elle s’était finalement endormie, mais il était proche de l’épuisement lorsqu’il la porta jusqu’à son campement. Il s’assit à quelques pas d’elle, observant sa silhouette dans le lit, dormant profondément malgré le cauchemar dont elle venait d’échapper. Avant qu’il ne le réalise, l’aube apparut au-dessus de ses épaules.
Le rôle de sentinelle n’était pas vraiment nécessaire : aucun des prédateurs de Vigil ne pouvait être une menace potentielle pour lui, mais il le fit tout de même.
Alors qu’il gardait un œil sur la fille, Dray réalisa pourquoi celle-ci l’intriguait autant… Un grand trouble dans la Force entourait ce petit corps, pour l’instant indompté et tellement instable qu’il ne l’avait pas senti aux premiers abords. Mais maintenant… Il ne pouvait pas s’empêcher de le ressentir, l’attirant comme une balise de repérage.
Une idée le frappa et il agit avant-même d’avoir médité sur son bien fondé. Il se concentra sur la forme dormante face à lui, invoquant ses pouvoirs prodigieux. Aussi doucement qu’il le put, Dray effleura son esprit, essayant d’atteindre ses pensées. À tâtons, il commença à sonder l’esprit de la fille, le processus normalement très lent était cette fois interminable en raison de sa méthode circonspecte.
Se concentrant, Dray se prépara à entrer dans son subconscient le plus profond. C’était là qu’un être sensible à la Force maintenait inconsciemment une barrière protectrice contre les attaques mentales d’un autre utilisateur de la Force. Ce puissant “bouclier” était capable de repousser violemment un tel intrus… Plus la poussée était forte, plus l’être était puissant dans la Force. C’était une technique souvent utilisée par les maîtres Jedi pour tester le potentiel de leurs élèves.
Dray focalisa son esprit et franchit la barrière virtuelle.
Ce fut comme si quelqu’un l’avait frappé avec un lance-torpille à protons, droit dans le cœur d’une supernova.
Dray laissa échapper un cri perçant si aigu que ses propres oreilles pouvaient à peine l’entendre lorsqu’il fut projeté à travers la forêt verdoyante de Vigil. Il traversa en un éclair les broussailles, son corps heurtant les branches d’arbres, les brisant sur son passage. Son estomac se souleva tandis que son vol sembla durer à l’infini avant de finir brusquement dans un petit lac. Dray atterrit lourdement dans l’eau glaciale… Presque à un demi-kilomètre de son camp. Il flotta dans l’eau, considérant son expérience. Il n’était pas sûr de savoir combien de temps s’était passé avant qu’il ne remarque la fille se tenant au bord du lac. Ses cheveux étaient en pagaille, elle laissa échapper un bâillement puis le regarda avec étonnement.
— Vous allez bien ?
Sa tête martelait durement, le rythme était si fort qu’un seul mot lui parvint à l’esprit, se le répétant encore et encore.
— Incroyable.
— Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il durant le déjeuner.
Ce n’était pas le repas le plus nutritif qui soit, mais il lui restait très peu de rations alimentaires pré-cuisinées en réserve. Il fit de son mieux pour lui offrir une ration de baies, de la viande, ainsi qu’un assortiment de denrées lyophilisées. Ces petits sacs argentés, estampillés du symbole de la République, étaient la malédiction de tout bon soldat, mais ils faisaient toujours l’affaire.
— Nova, répondit-elle finalement. Je m’appelle Nova.
— C’est très joli.
Il lui sourit, mais elle garda une expression neutre.
— Merci. (Elle mâcha pensivement une baie de tranglo) J’aime cet endroit. Ça me rappelle le jardin de ma tante. En plus grand.
Ses yeux parcoururent la pièce un moment avant de se focaliser sur lui.
— Pourquoi êtes-vous ici ?
— Tu sais, tu peux m’appeler Lian si tu veux.
Elle hocha la tête et dit :
— Vous êtes venu ici à cause de votre cœur ?
Dray fronça les sourcils, étudiant la fille.
— Mon cœur ?
— Je peux le sentir. Je pense qu’il pèse plus lourd que le vaisseau de mon papa.
Une ombre passa devant ses yeux un moment et Dray crut qu’elle était sur le point de pleurer encore une fois. Curieusement, elle ne le fit pas.
— C’est pour ça que je pensais que vous étiez maléfique au début. À cause des choses que vous avez faites.
L’ombre sur son visage était de retour, mais c’était comme une tempête nuageuse maintenant, née de sa concentration intense.
— Mauvaises choses.
— Je…
Les mots moururent avant d’atteindre ses lèvres. Comment pouvait-elle savoir ?
— Je le sais parce que vous me l’avez dit, Lian. Seulement, je ne pense pas que vous le vouliez. Mais j’étais là…
Elle pointa son petit index vers son ventre, droit sur l’emplacement physique occupé par son cœur, mais il sut que ce n’était pas exactement ce à quoi elle faisait référence.
Dray s’agenouilla à côté d’elle.
— Je pense que tu as un don très spécial, Nova. Est-ce que quelqu’un te l’a déjà dit ?
Elle hocha doucement la tête, mais son attention n’était plus focalisée sur lui. Ses yeux s’élargirent et il sentit un sursaut de peur la traverser. Un instant après il sut pourquoi lorsqu’un tressaillement intense vibra à travers la Force.
Nova l’avait senti juste avant lui et elle n’avait même pas reçu d’entraînement sommaire. Incroyable, pensa-t-il en se retournant d’un cercle gracieux. À peine un quart de tour entamé que son sabre laser prenait déjà vie, émettant une douce vibration. La lame dorée surgit tel un mirage dans l’après-midi, la lueur ondulante envoyant de la chaleur dans tout son corps.
Deux êtres surgirent des buissons, tous deux vêtus d’une combinaison intégrale bleu marine. Ils avancèrent d’une démarche sinueuse, tels de vrais prédateurs. Leurs mouvements étaient synchronisés avec perfection et Dray remarqua une ressemblance indubitable. Les intrus étaient frère et sœur, probablement des jumeaux. La seule différence notable était la longueur de leurs cheveux, ceux de l’homme étaient courts, fraîchement coupés, tandis que la coiffure de la femme était comme une jungle débordante de bois d’ébène.
Tous deux émettaient les ondes glaciales du Côté Obscur. Dray pouvait le sentir tel le piquant d’un vin de roche ayant pris de l’âge. L’homme était le plus faible des deux, mais ni l’un ni l’autre ne pouvait avoir le dessus face à lui. Cependant en travaillant de concert… C’était une autre histoire.
Pourtant pour le moment, leur attention était focalisée sur Nova.
— Ils sont maléfiques, dit Nova à Dray, d’un ton fort et assuré.
Les jumeaux continuaient de fixer la fille, presque par appétit. Dray était totalement ignoré. Se considérant être le protecteur autoproclamé de ce monde, ils étaient tous deux en infraction de son autorité, ce que Dray considéra être un affront.
— Excusez-moi ! dit-il en agitant son sabre laser.
Il réprima un sourire en voyant leur regard confus.
Leurs yeux se focalisèrent sur lui et il put sentir le léger murmure de leurs pensées effleurant les siennes, cherchant des informations. Il les laissa le sonder assez longtemps pour sentir son formidable pouvoir puis les expulsa de son esprit en un instant.
Le mâle, un dénommé Xash, parla le premier :
— Tu es un Jedi.
— Mais tu n’es pas un Jedi non plus, ajouta sa sœur, Sindra.
Elle hocha la tête doucement, comme si elle n’était pas certaine de la façon de procéder.
Dray étudia les adeptes un instant, décidant du meilleur ordre d’action.
— Vous êtes très observateurs, dit-il finalement, mais pas assez intelligents.
Il ondula sa main comme s’il souhaitait leur faire oublier sa présence.
— Prenez ce que vous voulez dans les débris du vaisseau puis quittez mon monde.
Les jumeaux échangèrent un regard perplexe, entre le sourire et le rictus, puis Sindra se mit à rire. C’était un son détestable, plein de cruauté.
— Notre maître souhaite autre chose. La fille vient avec nous.
Son visage reprit une expression sérieuse, sa froideur mettant sa beauté en valeur.
— Laisse-nous passer ou meurs.
— De grands mots pour de si petits adeptes. Vous êtes tous les deux trop faibles.
Dray offrit aux jumeaux un large sourire et une dangereuse provocation.
— Je sens votre peur.
Sindra fit un pas vers Dray mais son frère voulut apparemment avoir cet honneur.
— Laisse-le-moi.
Sans ajouter un mot, la lame orange du sabre laser de Xash prit vie et il se lança dans une attaque furieuse. Son premier coup, quoi que puissant, était un peu trop lent.
Dray l’évita facilement et lui rendit, à l’aide de sa main libre, une puissante claque sur l’arrière de sa tête.
Xash roula sous l’impact et se remit rapidement sur ses pieds. L’adepte était furieux et avait clairement l’intention de se venger d’une telle humiliation. Il leva de nouveau son sabre laser et avança.
Dray laissa échapper le sourire patient du professeur dont l’élève vient lui-même de se ridiculiser. Il fit un clin d’œil à Xash et alluma son sabre laser doré en tournant nonchalamment la poignée autour de sa main. La lame prit enfin vie, accompagnée du doux bourdonnement énergétique.
Mis en rogne par une telle démonstration provocatrice, Xash plongea en avant, frappant aveuglément. Dray esquiva avec une facilité déconcertante, évitant chaque attaque, les contrant par des coups précis.
Les sabres laser s’entrechoquaient, des étincelles volaient dans les airs. Xash se recula un instant pour plonger de nouveau, dirigeant sa lame d’un geste rapide vers la gorge de Dray.
Celui-ci fit tournoyer sa propre lame, attrapant Xash à mi-chemin, et contra. Le sabre de Xash croisa un moment le sien. Le mouvement désarma l’homme et projeta l’arme hors de portée du jumeau. Malheureusement pour Xash, sa main droite tenait encore la poignée du sabre.
L’appendice sectionné, fermement agrippé à la poignée, tomba à terre.
Alors que Xash fixait sans voix le bout de son bras, Dray planta un violent coup de pied dans son ventre. Le coup, additionné à la surprise de l’adepte, le projeta au sol, sonné.
Dray leva encore une fois son sabre, mais avant qu’il ne puisse finir le travail, quelque chose attira son attention… Le son significatif l’avertissant que Sindra venait d’activer son arme.
En faisant demi-tour, Dray sentir le bout de la lame effleurer son dos. Il ignora la douleur lancinante de sa chair calcinée et poursuivit rapidement sa parade avant que Sindra ne puisse lui faire de dommages supplémentaires.
La puissante parade la repoussa, laissant le temps à Dray de reprendre son souffle.
Elle avança doucement, tenant fermement sa puissante lame écarlate à deux mains.
Les deux combattants formèrent un cercle.
Dray fit une brusque feinte vers sa tête pour tester ses défenses, qu’elle esquiva facilement. Sindra était rapide, agile et souple. Sa crinière sauvage de cheveux traînait derrière elle telle une entité vivante.
Sindra leva son sabre laser au-dessus de sa tête : une position classique d’attaque. La fille s’était visiblement bien entraînée.
Dray adopta la posture latérale : la réponse classique. Il n’était pas tout à fait un amateur lui non plus.
Comme il s’y attendait, sa lame fit un arc pour une frappe basse. Il para d’un geste rapide vers le haut. Sindra absorba le choc et avança pour une contre-parade qui faillit le désarmer.
Or et rouge écarlate brillaient dans la nuit.
Ils reculèrent et tournèrent encore.
Dray prit l’avantage dans cette danse mortelle, libérant une frappe haute qui devint soudain une feinte pour couper à ras du sol. Sindra inversa son sabre et bloqua l’attaque, utilisant l’impact pour rediriger sa lame vers le coup de Dray. Il para, dirigeant le bout de sa lame vers le bas ; elle était préparée à ce coup et leurs lames s’entrechoquèrent à nouveau.
Les deux combattants firent une pause assez longue pour leur permettre de s’adresser réciproquement un hochement de tête presque imperceptible, un signe de respect mutuel.
Une fois encore ils tournèrent.
Sindra se lança soudain dans une série d’attaques rapides improvisées. Dray eut du mal à bloquer cette furie, mais y parvint. De justesse. Leur dernier échange violent poussa ses poumons à réclamer de l’air, il recula momentanément pour reprendre son souffle. Ce fut une erreur.
Au lieu de saisir cette opportunité pour faire de même, Sindra s’avança vers lui telle une bête folle furieuse. Dray fut forcé de tenter une riposte incertaine qui devint inutile quand l’attaque basse se transforma soudain en une feinte rapide vers le haut qui lui ouvrit l’épaule droite. Il contint sa douleur et se projeta en arrière.
Ses yeux exprimaient sa haine, le carburant du Côté Obscur. Dray put sentir la puissance qu’elle dégageait.
Il sentit une onde familière surgir de son corps en réponse. Le doux murmure qui avait contrôlé sa vie durant ces dernières années devint une douce chanson, mais elle n’avait aucun effet. Il n’était pas encore en colère et, de plus, sa douce maîtresse ne pouvait pas l’aider…
Sindra explosa en une nouvelle série de frappes fluides qui l’envoyèrent rouler en arrière. Il mesura avec précaution son attaque et parvint à coincer sa lame avec le bout son arme. Cette parade imprévue la força à lever sa lame. Exactement où il voulait.
Dray parvint à glisser sa jambe gauche derrière la sienne, un geste qui habituellement donnait l’avantage, mais le temps de réaction de Sindra fut meilleur qu’il n’escomptait. Elle libéra une main de son sabre, l’utilisant pour bloquer sa jambe tendue. L’instant d’après, elle leva son autre main vers l’arrière et la baissa d’un coup sec, utilisant le manche de son arme pour frapper Dray au visage.
Le coup ouvrit sa lèvre et le mit à terre. L’instinct et des années d’entraînement lui permirent de garder prise sur son sabre, qu’il leva devant lui afin de prévenir toute attaque supplémentaire.
Mais l’attaque suivante ne vint pas. Elle se tenait toujours devant son opposant à terre, sans rien dire… Puis elle commença à rire.
Dray passa doucement sa main sur sa lèvre, bien qu’il sache déjà qu’elle saignait à cause du goût si particulier qui se répandait dans sa bouche. Il regarda la tache rouge qui maculait le bout de ses doigts et ses yeux se plissèrent.
Son ricanement insupportable continuait, lui envoyant des vagues de chaleur à travers le corps. Les entrailles de Dray bouillonnaient alors que la température de son corps avait soudainement augmenté pour atteindre une température brûlante.
Dray entendit le murmure familier de nouveau. La voix fantomatique devint plus forte, hurlant à ses oreilles et faisant écho dans son cerveau tandis que son corps était envahi d’émotions violentes.
Colère.
Son cœur accéléra lorsque ce carburant sauvage se convertit soudain en énergie. Un ancien cri de guerre corellien lui échappa et Dray sauta sur ses pieds, tout en donnant un puissant coup de sabre en tenant fermement le manche de ses deux mains, un coup assez puissant pour trancher Sindra en deux.
Réalisant le danger, Sindra leva rapidement son sabre et dévia le coup mortel juste à temps. Elle trébucha sous la puissance de cette attaque brutale et fut forcée de reculer.
Il suivit chacun de ses mouvements, diminuant rapidement l’écart entre eux. Dray savait qu’elle avait cessé de se moquer, mais il ne pouvait pas faire disparaître ce son de sa tête. Tout ce qu’il voulait, c’était la tuer.
Qu’y avait-il de mal à cela ? se demanda-t-il.
Les jointures de ses doigts étaient blanchies par la force de sa prise sur son sabre laser.
Rien, lui répondit la voix fantomatique, devenant plus forte encore et plus agréable sur le moment. Rien du tout.
Dray sourit, savourant le sang provenant de la plaie sanglante sur sa lèvre. Il en voulait plus.
Sindra le vit dans ses yeux et cela la terrifia. L’issue du combat avait brusquement changé et elle savait qu’elle se trouvait du mauvais côté.
— Je t’avais battu, dit-elle d’une voix plaintive.
— Ne jamais se focaliser sur le passé, ricana Dray d’un air méprisant. Si j’étais toi, je m’inquièterais plus de ton futur. Ou du peu qu’il te reste.
— Non… Sindra se sauva aussi vite que possible sans lui tourner le dos.
— Lian !
Le cri de Nova le tira brusquement de sa sombre rêverie. Il fut légèrement désorienté, comme quelqu’un sorti d’un sommeil léger.
Dray regarda derrière son épaule, juste à temps pour voir Xash le charger. La plaie cautérisée, au milieu de l’avant-bras, était calée sous son autre coude. Xash gronda lorsque sa main valide tendit le sabre laser dans la direction de sa tête.
N’ayant pas le temps de se retourner, Dray leva sa lame au-dessus du coude puis vers le bas, parvenant à parer l’attaque de Xash. Malheureusement, cela laissait également son côté gauche et son avant sans protection. Une ouverture que Sindra tenta immédiatement de saisir…
Elle ne s’avança pas à portée de sabre, ayant une variété d’autres coups sadiques à disposition. Levant une main devant elle, elle l’utilisa comme point de focale pour son pouvoir.
Dray suffoqua quand son cœur commença à se comprimer. Il tomba à genoux, la douleur devenant rapidement insupportable. Des griffes invisibles tailladaient son ventre sans merci.
Le visage de Sindra prit une expression maléfique lorsqu’elle siffla tel un serpent. Sa main tendue trembla comme si elle tenait réellement le cœur de Dray, refermant lentement ses doigts pour écraser sa vie jusqu’à la dernière goutte.
Xash recula, attendant respectueusement avant de délivrer le coup mortel.
Le sabre laser glissa des doigts de Dray et se désactiva. Il ne pouvait plus reprendre son souffle. Son cœur se contracta, puis hésita, et enfin s’arrêta.
Sa colère devint plus forte.
Il invoqua la sombre tempête, suppliant son aide. Sa douce maîtresse au doux murmure lui répondit. Il pouvait sentir son souffle soyeux lui chatouiller les oreilles.
Dray s’ouvrit à cette rage aveugle, qui lui semblait aller comme une seconde peau sur sa chair. Sa haine se transforma pour rejoindre ce formidable maelstrom de rage.
Et la rage le rendit puissant.
Ses doigts se tendirent et sa fureur surgit en émettant de puissants crépitements. Les éclairs de Force traversèrent Sindra, l’enveloppant dans une couverture d’énergie.
Elle cria de tout son être et tomba à terre alors que les lances d’énergie s’acharnaient sans fin autour d’elle.
Le cœur de Dray reprit vie, la sensation de froid devint flammes, il était libre.
Xash, choqué de voir sa sœur se débattre sur le sol, fut trop lent à délivrer le coup qui un instant plus tôt aurait décapité Dray.
Ce fut sa dernière erreur.
Dray se jeta sur le dos pour éviter le coup de Xash. Alors que l’arc de lumière passait sans risque au-dessus de lui, Dray détourna le regard et tendit une main vers son attaquant.
Xash vola sur presque cent mètres avant d’heurter le tronc d’un énorme arbre arcosien, laissant entendre un son d’écrasement violent. Le corps tomba à terre, et s’il y avait eu le moindre doute au moment de l’impact, le cri de Sindra confirma à Dray tout ce qu’il voulait savoir. Le lien invisible que les jumeaux semblaient partager avait été brisé. Xash était mort.
La nouvelle force parcourut le corps de Dray, un pouvoir prenant vie par sa colère encore brûlante. Il eut seulement besoin de tendre la paume pour que le sabre doré la rejoigne, s’allumant avec un joyeux bourdonnement.
Quatre pas rapides l’amenèrent à portée de Sindra, qu’il regarda d’un air passif, son corps encore pris de convulsions. De petites charges électriques craquaient autour de ses yeux fermés, autour de la caverne formée par sa bouche ouverte, et dansaient autour du reste de son corps.
Dray leva son sabre pour en finir.
Une voix, calme mais forte, demanda à être entendue.
Tyrrahl… Un Jedi ne tue pas un ennemi désarmé.
Le murmure de velours répondit et Dray fit écho de ces mots :
— C’est vrai.
Il baissa vivement son sabre et les rires de Sindra cessèrent dans sa tête.
— Mais je ne suis plus un Jedi.
Le murmure s’évanouit et il n’y eut plus que le silence.
Dray tourna le dos au carnage et vit le visage de Nova, une expression d’horreur absolue. Il eut une résurgence de douleur dans son cœur, mais elle disparut aussi vite qu’elle était arrivée.
La rage était aussi partie, dispersée comme la poussière dans une tempête. Il était juste Dray, respirant lourdement et couvert de sueur. Il était fatigué, blessé, et souffrait de partout.
Mais il y avait quelque chose d’autre aussi. Quelque chose qu’il n’avait pas ressenti depuis un long moment.
La honte.
Il ouvrit la bouche pour s’expliquer, pour dire quelque chose, mais Nova se sauvait déjà à travers la forêt. Il commença à lui courir après, mais il réalisa qu’il était trop faible. L’épuisement avait considérablement réduit sa vitesse.
Vidé physiquement et émotionnellement, Dray se laissa tomber sur les genoux. Il regarda les corps, le carnage qu’il avait fait. Les jumeaux n’auraient pas dû venir ici, rationnalisa-t-il, et la fille n’est pas sous ma responsabilité.
Ce murmure lancinant devint sa propre voix. Bien sûr que non. Pourquoi vouloir aller la chercher ?
— Pourquoi ? demanda-t-il encore, cette fois à voix haute.
Il ne reçut aucune réponse.
Dray sortit de son cauchemar en hurlant. Son corps était couvert d’une fine couche de sueur et d’humidité due à la fraîcheur de l’air nocturne.
Ce cauchemar était trop familier. Son échec au test de Tyrrahl… La Citadelle des Ténèbres.
Non.
Dray refusait de se remémorer l’incident. Il avait besoin de penser à quelque chose d’autre. Il ferma doucement ses yeux.
Il se vit regardant ce visage.
Cayli.
C’était le jour où elle avait appris sa trahison. Elle n’y crut pas au début, refusant encore, même après avoir vu le corps de Threem. Cela devait être une erreur, avait-elle dit. Dray n’aurait jamais pu quitter la lumière. Pas Dray. Il était le plus fort de tous. Tyrrahl avait prédit de grandes choses pour tous les étudiants qu’il avait entraînés, mais Dray… Dray était spécial.
Ce ne fut que lorsqu’elle se tint devant la porte de ses quartiers qu’elle accepta la vérité. Pour ceux entraînés à la Force, la trace du Côté Obscur est quelque chose qui ne peut être lavé ou caché par des habits. Dray transpirait pratiquement cette terrible odeur par tous les pores de sa peau.
Cayli resta silencieuse. Les larmes dans ses yeux le blessèrent plus qu’aucun mot n’aurait pu le faire. Cela ouvrit une plaie dans l’âme de Dray, et il n’y avait pas de cautérisation possible comme pour une blessure délivrée par un sabre laser.
Elle était partie avant… Avant quoi ? se demanda-t-il. Avant qu’il ne puisse s’expliquer ?
Aucune explication n’aurait pu la satisfaire. Il avait choisi sa propre voie.
Tout comme pour Nova, il avait commencé à courir après Cayli mais les murmures l’avaient retenu tel un fardeau à porter.
Encore maintenant cela mettait son estomac sens dessus-dessous. Des vagues de nausée le prirent et ne le laissèrent en paix que lorsque son estomac fut enfin vide.
Les murmures vinrent encore, comme ils le faisaient à chaque fois qu’il repensait à cette nuit. D’habitude la douce voix de satin lui conseillait de retourner se coucher, mais maintenant…
Il n’avait pas poursuivi Cayli.
C’était une terrible erreur.
Il avait perdu le seul amour qu’il n’avait jamais eu, ou voulu. Le seul amour qui avait compté.
Pourquoi ? Il voulait savoir.
La voix féminine des murmures lui répondit, l’enveloppant d’une douce caresse. Ta destinée.
Dray gémit et toussa dans son sommeil. Il se souvint de l’un de ses premiers jours d’entraînement.
Ven-Mah Tyrrahl s’assit sur le tronc d’arbre, ressentant chacune de ses soixante-dix années. Le vieil homme soupira en regardant le manche du sabre laser tournoyer encore et encore dans les airs. Le Maître Jedi leva une main, utilisant la Force pour stopper la progression de l’arme.
— Tu dois apprendre la patience, dit Tyrrahl.
Dray secoua la tête, dégoûté, utilisant le bas de sa tunique pour éponger la sueur de son front.
— Quand vous avez accepté de m’entraîner, vous ne m’avez pas dit que cela prendrait une éternité pour maîtriser la plus simple des compétences.
— Ce sont les fondations de base. Sans une fondation solide, une maison s’écroulerait à la première tempête.
— Je demande des conseils et vous me donnez des proverbes pour enfants.
— Tu ne peux pas devenir un expert du jour au lendemain, Lian. Des années d’études et de dévotion sont requises avant.
— Pourquoi ?, je veux apprendre. Les autres…
Il regarda le groupe d’étudiants assemblés à quelques pas de là.
— Pourquoi nous garder tous ensembles si certains ne peuvent pas aller plus loin ? Laissez-moi avancer à un rythme plus élevé.
— Une machine est aussi forte que sa pièce la plus faible.
— Encore des platitudes !
Tyrrahl secoua la tête et essaya une technique différente.
— Dis-moi, en te retirant d’un combat, abandonnerais-tu les plus faibles du groupe, les blessés ? Les laisserais-tu pour mort ?
Les yeux de Dray devinrent froids.
— Je ne fuis pas un combat.
— Répond à la question !
— Bien sûr que non.
— Tout ce que tu apprends a des applications qui ne sont pas toujours apparentées immédiatement. Tu dois apprendre à faire confiance. Il y a encore tellement de choses que tu ne comprends pas encore.
— Alors apprenez-moi…
— Si c’était aussi simple.
— Ça l’est si vous faites en sorte que ça le soit.
Tyrrahl secoua la tête. L’impétuosité de la jeunesse n’avait jamais cessé de le surprendre. Il y avait tellement de choses que le garçon ignorait qu’il pensait pourtant savoir.
— Fais attention, avertit le maître, le Côté Obscur offre une voie rapide et facile, mais la destination n’est pas celle qu’elle semble être. Ton impatience dans ces matières pourrait être la cause de ta chute.
Même sans son intuition Jedi, Tyrrahl savait que l’attention de Dray était portée ailleurs. Tyrrahl cessa son demi-sermon et regarda aux alentours, jusqu’à ce que le maître et l’élève fixent la même chose.
Elle se tenait telle une sombre sentinelle sur les falaises abruptes de la péninsule nord de Monfreen, dominant un ancien tourbillon d’eau dont la gueule aurait pu tout avaler excepté les plus grands vaisseaux. La place était restée vide aussi longtemps que Tyrrahl se souvenait, de même que la population locale, habituellement très gourmande de connaissances pour un lieu aussi intriguant, était étonnamment peu informée. La bien-nommée Citadelle des Ténèbres ne contenait pas d’histoire ou de grandes aventures.
Tyrrahl n’avait visité les lieux qu’une fois, passant sous les portes monolithiques avec l’œil craintif d’un jeune enfant au lieu de la maîtrise habituelle d’un maître Jedi. La place était liée au Côté Obscur. C’était peut-être cette forte concentration de Force, quoique mauvaise, qui l’avait attiré sur Monfreen la première fois…
Le maître Jedi éloigna ses souvenirs. Son inquiétude à l’instant n’était pas au sujet de sa propre expérience dans la Citadelle.
Dray eut une expression qui à la fois terrifia et stimula Tyrrahl. Il avait vu ça auparavant… sur son propre visage, juste avant qu’il n’entre dans le château.
— Sans le calme approprié, tu pourrais te retrouver facilement dans un endroit maléfique ou tu ne voudrais pas être, sans échappatoire.
Dray regarda enfin son Maître.
— La Citadelle.
— Tu as senti son appel, n’est-ce pas ? dit Tyrrahl en observant le sol.
Les yeux de Dray furent attirés une fois encore sur la silhouette s’étirant au loin.
— Je ressens le froid provenant de cet endroit, un froid tel que je n’ai jamais ressenti. Le Côté Obscur est lié à cet endroit.
Tyrrahl lutta pour garder un ton neutre dans sa voix.
— Tu veux aller là-bas ?
— Je ne suis pas sûr.
— Seuls les adeptes préparés à passer à la phase suivante de leur entraînement osent mettre les pieds dans cet endroit. C’est un test dangereux, possiblement mortel si la Force n’est pas ton alliée. Penses-tu être prêt à porter un tel fardeau ?
— Je n’ai peur de rien.
Tyrrahl baissa la tête. Il se demanda silencieusement combien de telles conversations avaient eu lieu entre Maîtres et apprentis.
— Alors je ne t’empêcherai pas d’y aller.
Dray raffermit la prise sur le manche argenté de son sabre laser et avança.
— Crois en toi et tu n’échoueras pas.
Après un dernier coup d’œil derrière son épaule, Dray hocha la tête solennellement et partit rencontrer sa destinée.
Dray dormait encore, ses pupilles bougeant à un rythme endiablé derrière ses paupières. Son esprit refusait de se souvenir de l’incident de la Citadelle, même dans un rêve.
D’autres images commencèrent à prendre forme, elles lui semblaient familières mais en même temps, quelque chose était différent.
Il faisait nuit et il était seul ; dans sa vie, dans le monde, dans la galaxie.
Son visage surgit hors de l’ombre. Son sabre laser pulsait comme balise dans les ténèbres.
Il savait qu’il devrait le désactiver mais il ne pouvait bouger son propre sabre. Il avait toujours été le meilleur duelliste, le meilleur que Tyrrahl ait entraîné. Cela aurait été facile de la battre, la désarmer… La tuer.
Mais il ne pouvait pas bouger.
Il la regarda lorsqu’elle dirigea sa lame incandescente vers son cou.
La bouche de Dray était ouverte, mais aucun son n’en sortit.
Il regarda à peine le visage de son futur assassin. Au début il pensa qu’il s’agissait de Cayli, comme cela avait toujours été le cas.
Mais cette fois, c’était différent ; ce n’était pas Cayli…
La fille était plus vieille, mais les signes étaient incontestables. C’était Nova.
Nova était en danger.
Dray en était aussi sûr qu’il connaissait son propre nom. Sa tête était envahie d’un tel tourbillon d’émotions qu’il ne pouvait les compter. Il avait trop vécu d’évènements ces dernières heures pour pouvoir clarifier ses pensées.
Et il lui restait peu de temps pour l’aider.
Mais le voulait-il ?
Dray prit une profonde inspiration d’air frais nocturne et commença à réciter les mots ancrés dans sa tête par Tyrrahl.
— Il n’y a pas d’émotions, il n’y a que la paix.
La voix des murmures lui répondit : un vrai guerrier connaît la paix, mais comme une pause entre deux combats. La lame la plus pointue est ta propre fureur.
— Il n’y a pas d’ignorance, il n’y a que la connaissance.
Ils te cachent le véritable pouvoir. Tu dois le leur prendre ou être un esclave de tes Maîtres pour toujours.
— Il n’y a pas de passion, il n’y a que la sérénité.
Seuls les droïdes n’ont pas de sentiments. Est-ce que tu ne vaux pas mieux qu’un automate du côté lumineux ?
— Il n’y a pas de chaos, il n’y a que l’harmonie.
L’ordre doit être imposé aux sauvages dans la galaxie. Alors seulement la véritable civilisation prospérera.
— Il n’y a pas de mort, il n’y a que la Force.
Ceux qui commandent vraiment la Force peuvent même échapper à la mort. Ils te font penser que tu es faible afin de pouvoir te contrôler.
Dray laissa échapper un cri rauque… de colère, de frustration, d’impuissance. Il fixa les étoiles brillantes du ciel d’un air accusateur.
— Je n’ai jamais demandé ça ! cria-t-il aux points de lumière impassibles.
Momentanément accablé, il prit sa tête entre ses mains. Dray parla doucement, à peine audible.
— Je n’ai pas choisi la voie de la Force.
Une douce voix lui répondit. Cette fois ce ne fut pas celle des murmures soyeux.
Non, Lian. La Force t’a choisi. Et maintenant tu dois choisir ta propre voie.
Il ne la reconnut pas immédiatement, mais réalisa que ce n’était pas une seule voix qui lui parlait mais plutôt un amalgame de plusieurs qu’il connaissait déjà : Cayli, Maître Tyrrahl, Nova… et une autre qui parla avec une telle force qu’il ne fut pas sûr de son origine. Puis il sut ; c’était sa propre voix.
Nova tremblait dans la petite cage, craignant de toucher les barreaux brillants d’énergie qui la maintenait prisonnière. Ses mains lui faisaient encore mal suite à la futile tentative d’évasion quelques minutes auparavant.
Elle regarda son geôlier vaquer à ses affaires, l’ignorant complètement. L’homme était mince, presque de façon maladive, avec sa toux grasse. Sa forme frêle était dissimulée sous une multitude de robes pourpres et de bijoux élaborés, avec une bague sur chacun de ses doigts, causant des cliquettements d’insectes à chaque fois que ses mains se rencontraient. Il était chauve avec un large visage scarifié et des yeux de mort. À chaque fois qu’il regardait Nova avec ces horribles yeux, elle tremblait inconsciemment.
L’homme était actuellement en train de fouiller obstinément une portion du moteur du vaisseau, la structure monolithique semblant presque trop lourde pour être utilisable dans l’espace.
Après quelques bricolages, des étincelles volèrent à travers l’air nocturne. L’homme grogna une série de vulgarités en retirant ses doigts brûlés du compartiment. Apparemment, il avait l’habitude d’être obéi.
L’homme se retourna soudainement, le regard sauvage en scrutant la forêt.
— Vous pensiez vraiment pouvoir vous cacher de moi ? demanda-t-il.
En réponse, Dray fit un pas hors des buissons et lui sourit. Ses doigts étaient calmement entrelacés, le sabre laser reposant à sa hanche.
— Si j’avais voulu vous approcher avec discrétion, mon sabre se trouverait sous votre gorge à cet instant.
Dray jeta un coup d’œil à Nova, contenue dans la cage d’énergie. Il reconnut la prison : une fabrication Sith reconnue pour fonctionner comme un vortex d’énergie. Toute personne contenue à l’intérieur était temporairement coupée de la Force.
Dray reposa son attention sur l’homme.
— Vous avez pris quelque chose qui ne vous appartient pas. Je suggère que vous le rendiez.
L’homme ricana, clairement amusé.
— Je suis Thannor Keth, Sorcier Sith. Je ne rends de comptes à personne, et encore moins à un quelconque petit Jedi.
— Vous voulez dire le même petit Jedi qui vient juste de vous priver de vos adeptes ?
Le sourire de Keth disparut.
— Il semble bien. Du gâchis, vraiment. Xash était très porté sur la mécanique et mon vaisseau a besoin de réparations mineures.
Keth tendit la main.
— Peut-être que si vous réparez les dégâts, je pardonnerai votre transgression et vous laisserai vivre.
Dray fit un geste vers le moteur ouvert du vaisseau, tendant deux doigts.
— Vous voulez dire cette partie là ?
Alors qu’il désignait le moteur, le système électrique se transforma en une fontaine d’étincelles aveuglantes.
Keth cria de fureur et se précipita dans le compartiment en flammes.
Profitant de l’occasion, Dray courut vers Nova, allumant son sabre à mi-chemin. D’un geste rapide il trancha les barres d’énergie en deux et libéra Nova. Il empoigna la fille aux pieds et aux épaules, éteignant son sabre laser pour ne pas révéler leur position. Et tandis que Keth luttait contre les flammes, Dray et Nova couraient dans la nuit.
Nova était encore accrochée au cou de Dray, ses yeux brillant de mille feux.
— Vous allez me ramener chez moi maintenant ?
Dray grogna en courant, trop essoufflé pour le moment pour répondre.
— Je ferai de mon mieux.
— Ok, dit-elle en mordillant sa lèvre inférieure. Mais vous devez me promettre de ne plus faire de mauvaises choses.
Dray la regarda un instant.
— Le Côté Obscur…
Nova hocha la tête solennellement.
— Je ferai de mon mieux, répéta-t-il.
— Promis ?
— Promis.
Satisfaite, Nova raffermit sa prise. Dray jeta un œil derrière son épaule, espérant que la distraction lui donnerait assez de temps pour atteindre son propre vaisseau.
Un rayon violet, torturé tel un éclair, vola à travers les bois, le frappant au dos. Il lâcha sa prise sur Nova et tous les deux finirent par terre. De la fumée échappant de sa blessure, il resta au sol, immobilisé.
— Idiots !
D’autres éclairs continuèrent de s’agiter autour des mains de Keth, dansant entre ses doigts avec la beauté complexe d’une toile d’araignée.
— Vous ne connaissez pas le pouvoir du Côté Obscur !
Avec un grognement prononcé, Dray se remit lentement sur ses pieds, le regard soudain froid lorsqu’il croisa celui de Keth.
— Je suis assez familier avec ce pouvoir.
Cela surprit un moment le sorcier.
— Alors tu dois avoir conscience de la futilité de tes actions.
L’électricité se calma un moment lorsque Keth baissa sa main.
— Vous allez me donner la fille et je vous laisserai tranquille. Alors tout redeviendra comme avant pour vous.
Dray regarda le petit visage de Nova et sourit doucement.
— Si seulement c’était vrai, dit-il doucement.
Keth eut un rictus.
— Il n’y a rien de plus pathétique qu’un Jedi en disgrâce essayant de maintenir sa dernière part de moralité…
Le sorcier Sith fit un son aigu, désagréable, qui devait être sa façon de rire.
— Ce sera encore plus facile que je ne l’avais imaginé.
Les yeux de Keth pulsèrent, accompagnés par des éclairs qui entourèrent son corps. Finalement, il leva ses doigts.
— Vous allez maintenant apprendre de vos erreurs.
La seule réponse qu’il obtint fut le sifflement du sabre laser de Dray prenant vie. La lame brillant d’une douce couleur dorée pulsa lorsqu’il tendit son arme gracieuse à deux mains devant lui. Dray réprima un sourire en déclarant :
— Peut-être que j’ai déjà appris.
Keth siffla en lançant une série d’éclairs du bout des doigts.
Dray leva son sabre, bloquant les éclairs d’énergie de Keth. Tandis que les éclairs étaient absorbés par la lame, Dray leva son sabre et frappa l’arbre arcosien le plus proche. L’arbre était aussi épais que Dray était grand mais le sabre laser, chargé par les éclairs de Force, fendirent l’épaisse écorce en deux. L’excès d’énergie se déchargea sans danger dans les airs.
Dray le provoqua.
— Si c’est le mieux que vous pouvez faire, alors je vous suggère de partir maintenant avant que vous ne vous ridiculisiez davantage.
Keth lui répondit par un ricanement guttural. Sa main droite prit la forme d’une griffe et quelque chose commença à se former dans sa paume. Une sphère irisée d’énergie prit forme, brillante comme si Keth avait attiré une étoile du ciel au-dessus de leurs têtes. Sans un mot, le sorcier Sith projeta la boule d’énergie vers Dray avec une précision mortelle.
Dray leva son sabre à la rencontre de l’orbe, mais à sa surprise le bout de sa lame passa à travers le globe de lumière qui le percuta. Un millier de voix crièrent soudainement de colère dans sa tête, menaçant de la fendre en deux.
Dray perdit toute notion de temps et d’espace tandis que la vague de haine envahissait son esprit, commençant à le pousser dans une mer de colère qui se révéla être sa propre colère. Il essaya de respirer, tombant à genoux. Il ne relâcha pas la prise de son sabre laser, mais continua de s’agiter sauvagement comme s’il luttait contre un ennemi invisible.
Regardant la scène, horrifiée, Nova s’approcha de Dray, mais les mouvements imprévisibles de son sabre la poussèrent à rester à distance.
Keth le regarda avec une expression amusée, ses lèvres s’étirèrent lentement.
— C’est terminé.
Le sorcier ricana doucement en réunissant ses pouvoirs pour le coup final.
Dray baissa son sabre, le regard fou, le visage couvert d’une épaisse couche de sueur. Il n’avait jamais vécu une telle agonie auparavant, physique ou mentale. Il devait faire quelque chose, et vite, car Keth était sur le point de l’achever.
Dray entendit la voix fantomatique qui était restée si longtemps silencieuse. Tu as agi comme un idiot. La seule façon de battre Keth est avec son propre jeu. Invoque-moi une fois encore Dray. Supplie-moi de t’aider et je répondrai à ton appel.
Pendant ce qui lui sembla être une éternité, Dray resta confus.
Oui, pensa Dray, c’est la seule façon… La colère glissa sous sa peau telle une entité physique.
Puis ses yeux, brûlant de colère, se fixèrent sur Nova. La fille était immobile, son visage trahissant ses émotions.
Non. Sa colère s’évanouit et pour la première fois depuis très longtemps, Dray se sentit vraiment en paix. Il avait fait une promesse. Et il allait la tenir, même si cela lui allait lui coûter la vie.
Les yeux de Keth brûlaient d’une expression victorieuse lorsque son formidable pouvoir prit forme. Des pointes brillantes du Côté Obscur formées pour mutiler Dray. Les grésillements d’énergie commencèrent à affaiblir sa connexion avec la Force.
Dray put sentir la Force être lentement aspirée hors de son corps. Il avait déjà accepté son destin. Ignorant les spasmes légers émis par son corps, Dray se tourna vers Nova. Avec ses dernières réserves d’énergie. Dray projeta ses pensées dans son esprit, lui ordonnant de courir avant qu’il ne soit trop tard.
Elle ne bougea pas, bien que Dray sache qu’il lui avait bien transmis ses pensées. Il n’avait pas le temps d’étudier la situation. Sa vision devenait trouble et des petits points gris commençaient à danser devant ses yeux.
Il se sentit comme une goûte d’eau bloquée sur un rocher au milieu de l’océan. Il était sur le point de commencer sa descente finale dans la mer sans fin, ou son esprit pourrait devenir quelque chose de plus grand, pour le moment, il resta immobile…
La chute sans fin attendue depuis si longtemps n’eut jamais lieux.
À la place il entendit la voix de Nova l’appeler, faisant écho dans sa tête. Une résurgence de pouvoir se manifesta et il vit son image fantomatique lui tendre une main.
Dray tendit la sienne et lorsqu’il entra en contact avec elle, il y eut une douce explosion de lumière… Comme une illumination céleste du Côté Lumineux.
Sa vision revint lorsqu’un bouclier d’énergie prit forme autour de lui pour renvoyer l’attaque de Keth.
Dans un cri d’agonie, le sorcier fut frappé si fort qu’il fut projeté au loin comme s’il avait été frappé par une torpille à protons.
Le bouclier disparut aussi vite qu’il s’était formé et Dray s’évanouit. Il tourna faiblement sa tête pour s’assurer que Keth n’était plus une menace… La seule chose qui restait du sorcier Sith était une robe déchirée et calcinée.
Quand il retourna la tête, il vit le visage de Nova à côté du sien. Des larmes coulaient sur son visage lorsqu’elle s’accroupit à côté de lui.
Dray lui sourit puis ferma ses yeux pour ce qu’il crut être la dernière fois.
La dernière chose dont il se souvint fut ses mains, petites et froides, appuyées contre son front, puis il n’y eu plus que les ténèbres…
Dray se réveilla dans son lit, groggy et confus. La première chose qu’il vit fut le soleil écarlate de Vigil, brillant haut au-dessus de sa tête. Tout son corps lui faisait mal mais il était heureux d’être en vie. La seconde chose qu’il vit fut Nova, assise les jambes croisées à côté de lui, le regardant silencieusement.
Dray commença à parler, mais il sentit sa présence dans son esprit et sut qu’il n’avait rien à dire. Ils échangèrent un simple sourire et il se rendormit.
Dray vérifia la séquence de démarrage pour la troisième fois, tapotant le bord de son vaisseau amoureusement. Il n’avait jamais pensé avoir l’occasion d’utiliser la Dame de Lumière encore une fois. Dray espéra qu’elle ne lui en voudrait pas.
Il s’installa dans le siège du pilote, s’assurant que Nova était bien attachée derrière lui. Il déclencha les turbines des répulseurs de la Dame et regarda l’écran de contrôle avec un air à la fois fier et impatient lorsqu’ils firent leur ascension parmi les étoiles.
Dray s’autorisa un dernier regard en direction de sa planète d’adoption et fut certain qu’il retournerait un jour sur Vigil.
Le vide de l’espace autour de lui fut si soudain qu’il fut pris de nausée. Dray pouvait encore sentir le poison du Côté Obscur en lui. Il savait que tout ce qu’il souhaitait était de retourner vers la lumière, d’être purifié par sa douce caresse.
Ce ne serait pas un voyage facile, mais au moins il avait fait le premier pas.
Ossus. Le centre d’éducation des Jedi ; là où Nova devait aller, pour commencer le long processus qui lui permettrait de maîtriser ses incroyables capacités. C’était aussi là-bas que Dray devrait faire face à ceux qu’il avait trahis.
Il s’était menti à lui-même quand il avait pensé qu’il pourrait avancer dans le futur sans régler ses comptes avec le passé. Comme Maître Tyrrahl le disait toujours, les mensonges sont toujours plus beaux lorsque la vérité porte un horrible visage.
Ce serait un voyage périlleux, même sans ses vieux amis et ceux qu’il aimait essayant de le tuer. Il était un exilé, l’un des Déchus, et il serait pourchassé à chaque étape de son voyage.
Dray se demanda si Cayli était toujours sur Ossus, il n’était pas sûr de vouloir qu’elle y soit.
— Elle est très belle.
La voix le tira de sa rêverie. Dray regarda Nova d’un air interrogateur, puis il comprit…
— Oui elle l’est, dit-il avec un sourire rêveur.
— Vous l’aimez toujours ?, demanda Nova, bien que Dray soit certain qu’elle sache déjà la réponse.
Sa voix était douce, envahie de vieilles émotions qui cette fois lui donnèrent un regain de force.
— Jusqu’à ma mort.
— Peut-être que vous devriez lui dire.
Dray secoua la tête, souriant à la réponse enfantine de Nova. L’image de Cayli dans son esprit et sa beauté non assumée étaient assez fortes pour raviver son esprit de joie et d’espoir. Il regarda Nova et hocha la tête en remerciement pour ce conseil qui l’aida à retrouver quelque chose de perdu depuis si longtemps… L’espoir.
À cet instant, tout allait pour le mieux dans la galaxie.