Le bassin rectangulaire occupait un espace
d’environ trois cents mètres de longueur pour une largeur de cent.
Quant à sa profondeur, on n’avait pas trouvé de jauge adéquate pour
en toucher le fond. Il contenait en tout cas des milliers de mètres
cubes d’eau, qui, si elle était potable, représentaient une
véritable manne. Tous étaient descendus des camions et des voitures
pour s’accouder à la margelle. Les adultes avaient perché les
enfants sur le faîte de l’ouvrage de pierre sèche qui avait résisté
à l’usure du temps. La fascination exercée par l’eau sur les
Aquariotes les figeait dans un silence respectueux, presque
religieux. Les véhicules s’étaient répartis, parfois à quatre ou
cinq de front, entre les stalagmites dont les énormes bases et les
couches de concrétion trahissaient l’extraordinaire vieillesse. Des
gouttes s’écoulaient des stalactites suspendues au-dessus du bassin
comme des racines inutiles et dessinaient des cercles concentriques
sur la surface agitée d’imperceptibles tremblements. La température
de la grotte restait agréable, confortable, en comparaison du froid
polaire qui soufflait sur le Massif central.
Solman, lui, n’avait eu qu’une
préoccupation en descendant de la cabine. Sitôt que Moram avait
arrêté son camion, il s’était engouffré dans la voiture de Kadija
sans même laisser le temps à ses passagers de sortir.
Il n’y avait pas trouvé la jeune
femme.
« Vous savez où elle
est ? » avait-il demandé à Ismahil.
Le vieil homme l’avait dévisagé avec
étonnement.
« Je… je la croyais avec toi.
– Je l’ai vue passer devant la
voiture la dernière fois que le convoi s’est arrêté », était
intervenu Wolf, en bras de chemise mais le visage toujours enfoui
sous son passe-montagne.
L’ancien Scorpiote s’était saisi du fusil
d’assaut posé sur son manteau de cuir étalé sur la table. Les deux
cartouchières qui lui enserraient la poitrine plaquaient sa chemise
sur son torse et faisaient ressortir sa maigreur.
« Cette arme ne vous servira à rien,
avait dit Ismahil. Kadija a parfois des réactions bizarres, ou qui
nous paraissent bizarres. Elle n’est probablement pas loin.
– Vous m’avez l’air bien sûr de vous.
Pourtant, lorsqu’elle s’est enfuie de chez vous, vous avez mis deux
jours à la retrouver avec votre glisseur… »
Les paroles de Solman avaient provoqué un
raidissement de stupeur chez le vieil homme.
« Ah, elle te l’a
raconté ?
– Pas au sens où vous l’entendez. Pas
avec les mots en tout cas. Elle se sert de mon don pour
communiquer.
– Qu’est-ce qu’elle t’a raconté
d’autre ?
– Qu’elle est à la recherche de
quelqu’un, d’une… sœur qui a été expédiée sur terre soixante-dix
ans plus tôt. Mais ça, vous le saviez déjà, n’est-ce
pas ? »
Ismahil avait acquiescé d’un hochement de
tête.
« J’avais été prévenu…
– Par qui ? »
D’un geste péremptoire de la main, le
vieil homme avait invité les autres passagers, hormis Wolf, à
descendre et avait attendu pour répondre qu’ils aient tous déserté
la voiture.
« Je ne sais pas au juste. Je fais
partie d’un groupe de… savants de l’ancien temps qui avaient prévu
la Troisième Guerre mondiale et s’étaient réfugiés dans un abri
souterrain à l’épreuve des bombes à fusion et de toute arme
chimique ou génétique. Nous avions conçu le projet de sauvegarder
une partie du patrimoine scientifique humain. »
Il s’était assis sur une couchette
inférieure, comme écrasé par le fardeau de son passé. Wolf avait
refermé la porte et s’était posé sur un coin de
la table, le fusil d’assaut entre les mains. Solman était resté
debout dans l’allée malgré la douleur qui lui vrillait la jambe
gauche.
« Nous pensions restituer nos
connaissances à l’humanité lorsqu’elle en aurait terminé avec ce
conflit. J’étais… je suis encore un astrophysicien, je m’intéresse
aux phénomènes célestes, j’essaie de percer le mystère de la
formation et du statut de l’univers. Une illusion, bien entendu,
mais de tout temps l’homme a poursuivi des chimères. Plus on
s’approche du cœur de la matière, et plus elle se voile, un
mécanisme implacable. J’avais regroupé autour de moi des
physiciens, des biologistes, des chimistes, des informaticiens, des
mathématiciens, un noyau de spécialistes des sciences dites dures.
Peut-être pas les esprits les plus brillants de notre époque, mais
sans aucun doute les plus honnêtes, ou les plus libres, les moins
compromis en tout cas avec les grandes compagnies, avec ces groupes
tentaculaires qui ne s’intéressaient qu’aux applications militaires
et commerciales de la science. »
Ismahil avait marqué une pause et
contemplé pendant quelques secondes les traces de terre qui
maculaient le plancher de la voiture. Les cris enthousiastes des
Aquariotes avaient transpercé les cloisons métalliques avant de se
disperser dans le silence du gouffre.
« Nous avons appliqué certaines de
nos expériences sur nous-mêmes. On m’a ainsi injecté plusieurs
gènes qui ralentissent considérablement le vieillissement des
cellules et me gardent des maladies liées à l’âge. Tous mes
compagnons n’ont pas eu ma chance. Certains, même, ont très mal
supporté la prévention génétique, sont devenus fous ou sont morts
dans l’année qui a suivi…
– La transgénose ? avait demandé
Solman.
– Quelque chose comme ça, sauf que la
transgénose est plus progressive. Moi-même j’ai parfois des
absences, des étourderies.
– Quel rapport avec la sœur de
Kadija ?
– J’y viens, mais il me paraît
important de vous décrire sommairement le contexte. Nous avons
obtenu quelques résultats encourageants dans le domaine de
l’informatique moléculaire, c’est-à-dire en nous servant des
fantastiques capacités de l’ADN de synthèse pour mémoriser, stocker
et transmettre les informations. Les cellules vivantes sont
incomparablement plus performantes que le silicium ou tout autre support issu du monde minéral, et,
surtout, elles sont compatibles avec le corps humain. Les
recherches, déjà bien avancées, avaient reçu un coup d’arrêt brutal
avant la guerre, comme si les groupes industriels avaient
subitement cessé de miser sur l’informatique moléculaire. La vague
religieuse qui a déferlé à ce moment-là sur les cinq continents
n’est sans doute pas étrangère à ce désintérêt. Nous avons repris
le flambeau et nous sommes parvenus à développer le concept de
micropuces en ADN de synthèse. Avec nos pauvres moyens et avec la
nécessité quotidienne d’entretenir notre abri, ces travaux nous ont
coûté près d’un demi-siècle. Puis la guerre a pris fin, faute de
combattants. Nous nous sommes alors rendu compte qu’il ne
subsistait pratiquement plus rien de l’humanité, que la terre en
avait pour des siècles avant de redevenir habitable. Nous nous
étions institués gardiens du temple de la connaissance, il ne nous
restait plus un fidèle avec qui la partager. »
Les traits d’Ismahil s’étaient creusés,
comme s’il ressentait la même déception un siècle après.
« Vous ne connaissiez pas l’existence
des peuples nomades ? » s’était étonné Solman.
Le vieil homme avait eu un geste
fataliste.
« Lorsque nous avons découvert les
peuples nomades, les survivants du conflit, il était trop tard, le
rêve était brisé. La plupart de mes compagnons s’étaient suicidés,
les autres avaient perdu le goût de la recherche. Comment leur en
vouloir ? De tout temps les hommes se sont emparés des
découvertes à des fins dominatrices, destructrices. Le feu,
l’atome, le gène, aucun n’a échappé à la règle. La science, notre
chère science, avait fini par se retourner contre nous. Et nous,
les scientifiques, nous portions une très lourde responsabilité
dans cet échec, puisque nous n’avions pas su empêcher les chefs
d’État, les dictateurs, les généraux ou les conseils
d’administration d’exploiter nos travaux. Le savoir, hélas, ne
protège pas de l’appât du gain, de la vanité, de la stupidité.
Bref, nous avons décidé de rester terrés, de ne pas intervenir dans
la vie des peuples nomades. D’ailleurs, ils se débrouillaient très
bien sans nous, ils s’adaptaient à leur nouvel environnement à une
vitesse sidérante. Vos ancêtres ont balayé nos doutes sur leurs
capacités à survivre en milieu hostile. Les eaux polluées, les pluies acides, les solbots, les hordes
d’animaux sauvages, les insectesGM, les plantes
toxiques, rien de tout cela n’a empêché la vie de se perpétuer sur
le continent européen…
– Quel rapport avec la sœur de
Kadija ? » avait insisté Solman.
Un sourire las avait éclairé les rides
d’Ismahil.
« Nous avons décidé de conserver un
terminal informatique en état de marche au cas où des groupes
analogues au nôtre chercheraient à nous contacter. Après tout, il
était possible que certains satellites émettent encore, même si
leur durée de vie n’excède pas en général les vingt ou trente ans.
Du groupe initial de trois cents personnes, hommes, femmes et
enfants, nous étions désormais réduits à une dizaine. Les autres
étaient morts ou avaient décidé de quitter l’abri. Ceux-là ne sont
jamais revenus. »
Il avait calmé d’un froncement de sourcils
l’impatience grandissante de Solman.
« Nous avions suffisamment d’eau et
de vivres pour tenir encore trois siècles. La vie s’est peu à peu
écoulée, parfois morne, parfois amère, jamais douce en tout cas. Je
vieillissais avec une lenteur désespérante. Je me demande encore
comment j’ai résisté à l’envie, parfois insoutenable, de me tirer
une balle dans le crâne. J’attendais quelque chose sans doute, un
événement qui justifiât mon existence, mon
acharnement… »
Wolf ne bougeait pas, ses yeux clairs
rivés sur le visage d’Ismahil. Solman entrevoyait la peau blême et
les clavicules saillantes du Scorpiote par l’échancrure de sa
chemise.
« Nous avons reçu un message des
années et des années plus tard, presque un siècle, une éternité. Il
émanait d’un certain Benjamin. Il nous disait qu’il avait délégué
une sœur auprès des derniers hommes pour les préparer à surmonter
leur ultime épreuve. Et qu’il allait bientôt en envoyer une
deuxième. Il nous avait choisis parce qu’il n’avait trouvé aucun
autre support sur terre pour réceptionner son message. De fait, sa
communication nous est parvenue de manière spéciale :
d’habitude, l’émission est décodée puis transcrite en lettres sur
l’écran, mais là, les puces moléculaires nous l’ont… suggérée
mentalement, directement imprimée dans le cerveau si vous préférez.
Nous avons d’abord cru que nous étions devenus fous. Nous avons alors recouvré nos vieux réflexes scientifiques
et nous avons rédigé le message chacun de notre côté avant de nous
concerter. Chacun de nous avait écrit exactement le même texte, à
la lettre près. Nous sommes donc tombés d’accord pour dire que ce
n’était pas une hallucination, ou alors une hallucination
collective, et nous nous sommes interrogés sur la provenance de
cette communication. Notre IM, intelligence moléculaire, s’est
avérée incapable de déterminer le lieu d’émission et d’analyser les
ressources technologiques de notre correspondant. L’ADN n’avait
gardé aucune mémoire de son passage, comme si Benjamin avait
programmé l’effacement de toute trace de sa communication après
réception. »
Ismahil s’était levé, étiré, approché de
la fenêtre et avait observé les Aquariotes rassemblés autour du
bassin.
« Si le qualificatif de sœur nous
renvoie probablement à une organisation de type religieux, le
prénom Benjamin ne nous apprend rien, mis à part le fait qu’il est
d’origine biblique, avait-il repris en se retournant. Nous avons
donc attendu la deuxième envoyée en espérant que celle-ci nous en
révélerait davantage sur son organisation. Nous l’avons trouvée un
jour devant l’une des portes de l’abri, enfermée dans une sorte de
sarcophage fabriqué dans un alliage métallique que nous ne
connaissions pas. Comment était-il arrivé jusqu’ici ? Mystère…
Elle était à l’intérieur aussi nue qu’au jour de sa naissance. Je
ne vous parlerai pas de sa beauté, vous avez d’aussi bons yeux que
moi. Comme elle restait inanimée, nous l’avons transportée dans une
chambre où elle a repris connaissance deux jours plus tard. Nous
avons décidé de la baptiser Kadija, un prénom albain. La suite, tu
la connais, Solman : elle s’est enfuie au bout d’une semaine…
Non, pas enfuie, elle est partie à la recherche de sa sœur, comme
si un signal avait retenti en elle. Nous avons battu le marais
pendant quarante-huit heures avant de la repérer. Bien que nue,
elle ne semblait pas souffrir du froid, pourtant vif en cette
saison.
– Pourquoi avez-vous décidé de vous
faire passer pour des Albains ? avait demandé Solman.
– Une mesure de précaution. Nous ne
savions pas comment réagiraient les « hommes de
surface », comme nous avions pris l’habitude de vous appeler. Et le peuple albain est le seul dont
je connaisse à la fois la langue, les coutumes et les
vêtements.
– Vous avez pourtant dit que vous
n’étiez jamais allé à la rencontre des peuples
nomades. »
Ismahil avait hoché la tête.
« Exact. Mais un de mes compagnons
avait mis au point une sorte de ballon-sonde visuel, muni d’une
caméra numérique qui captait des images et des sons de la terre et
les expédiait sur l’écran de notre IM. Pour une raison inconnue, le
ballon s’est bloqué au-dessus de cette région qui s’appelait
autrefois l’Albanie. Mais ses puces ADN, increvables, ont continué
de fonctionner et, pendant plus de soixante ans, nous avons reçu
des images des montagnes albanaises et des peuples nomades qui y
ont élu domicile. Nous avions recréé la télévision à une seule
chaîne… Le cauchemar stalinien de l’information, le pire qu’on
puisse imaginer.
– Comment avez-vous appris leur
langue ?
– Rien qu’en les écoutant et en
reliant les mots aux expressions et aux gestes. J’avais tout mon
temps et c’était pratiquement la seule occupation encore capable de
me distraire. J’ai même fabriqué des vêtements identiques aux
leurs.
– Tout ça ne nous dit pas où est
passée Kadija. Il nous suffit d’explorer la grotte et de remonter
la galerie pour…
– Ce gouffre est gigantesque, bourré
de cachettes. Nous perdrions notre temps à la chercher. Elle
reviendra quand elle le jugera utile.
– Si elle est restée avec nous, c’est
que sa sœur fait partie du peuple de l’eau, non ? »
Ismahil avait enfilé et boutonné sa
veste.
« Peut-être, peut-être pas. À vous de
voir s’il existe une Aquariote qui pourrait correspondre à la
définition. Une femme d’origine inconnue, adoptée sans doute, qui
aurait plus de soixante-dix ans mais qui ne ferait pas
nécessairement son âge.
– Et si Kadija ne revient
pas ? »
Le vieil homme avait levé les bras au
ciel.
« Alors c’est qu’elle aurait
abandonné la piste aquariote pour en suivre une autre.
– Quelle autre piste ? D’après
les bakous, tous les peuples nomades ont été massacrés.
– Les peuples nomades, pas
obligatoirement sa sœur… »
Hora s’approcha du bassin, très pâle, la
baguette de coudrier en main, la robe remontée sur les cuisses.
Appuyé sur la margelle aux côtés de Moram, Wolf et Glenn, Solman
percevait en elle une peur incommensurable, terreur ancestrale de
l’empoisonnement, mais aussi angoisse de ne pas être à la hauteur,
fardeau de l’énorme responsabilité qui lui ployait les
épaules.
Elle venait à peine d’atteindre ses
dix-huit ans. Jusqu’alors, comme tout apprenti, elle avait
participé aux rhabdes dirigées par des sourciers expérimentés. Il
lui revenait, en tant que dernière sourcière du peuple aquariote,
de vérifier la pureté de la retenue. Sa robe rêche et grise des
chasseresses d’eau laissait ses bras et une partie de son torse
nus. Sa baguette tendue vers l’avant, comme aimantée, tremblait
dans ses mains. Elle avait rassemblé ses cheveux en chignon dont
quelques mèches indomptables se coulaient comme des serpents ambrés
autour de son cou. Tout était rond chez elle, visage, épaules,
hanches, une plénitude sensuelle propre aux jeunes filles
robustes.
Il fallait maintenant qu’elle passe de
l’autre côté de la margelle, qu’elle se perche sur la corniche
étroite dressée une vingtaine de centimètres au-dessus de la
surface frémissante, qu’elle s’accroupisse et évalue la qualité de
l’eau à la tension de sa baguette. Elle devrait ensuite la goûter
au cas où elle l’estimerait potable. Si elle se trompait, elle
mourrait dans les trois ou quatre secondes suivantes. Les mauvais
sourciers préféraient déclarer l’eau empoisonnée plutôt que courir
le moindre risque, mais Solman décelait de l’honnêteté en
elle.
Elle refuserait de priver ses frères d’un
tel trésor par peur ou par négligence, elle prendrait sa décision
en son âme et conscience. Les autres, agglutinés autour du bassin,
la regardaient avec un mélange d’espoir et d’effroi.
Hora lança un regard furtif à Solman avant
d’enjamber la margelle. Le silence sépulcral de la grotte, la
présence de sept ou huit cents spectateurs et la lumière des phares
donnaient une solennité écrasante à chacun de ses gestes. Elle se
laissa glisser lentement de l’autre côté du
muret de pierre sèche jusqu’à ce que ses pieds se posent sur la
corniche. Là, elle reprit son souffle et rajusta sa robe qui
s’était retroussée sur son ventre. Elle peinait visiblement à tenir
sa baguette, qui la déséquilibrait vers l’avant. Le dos plaqué
contre la margelle, elle s’accroupit avec une lenteur
exaspérante.
Elle tourna une nouvelle fois la tête vers
Solman. Il lui adressa un sourire d’encouragement. Il avait du mal
à concentrer son attention sur elle, l’esprit toujours accaparé par
Kadija. Les interrogations se succédaient à un rythme effréné sous
son crâne. Pourquoi s’était-elle enfuie ? L’avait-il déçue
d’une manière ou d’une autre ? Reviendrait-elle ? Qui
était sa sœur ? Qui était Benjamin ? Quel rapport
avaient-ils avec l’intelligence destructrice ? La conversation
avec Ismahil avait davantage épaissi les ténèbres qu’elle n’avait
apporté de lumière. Il contenait tant bien que mal son envie de se
lancer à la recherche de la jeune femme. Le vieil homme avait
raison : il perdrait son temps à essayer de la retrouver dans
ce labyrinthe souterrain. Il ne lui restait plus qu’à ronger son
frein, espérer son retour et, si elle ne réapparaissait pas, vivre
le reste de ses jours en compagnie des regrets.
Hora tendit les bras au-dessus de l’eau,
arc-boutée sur les cuisses pour résister à la traction de sa
baguette. Elle demeura dans cette position pendant un bon quart
d’heure, puis, d’un geste hésitant, elle glissa la baguette dans la
poche ventrale de sa robe, se pencha vers l’avant et puisa un peu
d’eau au creux de sa main.
Une voix déchira le silence de la
grotte.
« Ne la bois pas ! »