Mes phénomènes de synchronicité
Mon expérience des phénomènes de synchronicité a été très intense et surprenante. Elle a caractérisé ma vie entre 25 et 37 ans. Avant ces expériences, j’avais eu l’occasion de me soumettre pendant un an à une psychanalyse avec une doctoresse de Bologne très douée, formée à l’école jungienne. Bien qu’étant plus que satisfait dans ma vie privée et intellectuelle, quelque chose d’important manquait à mon existence. Le mal-être commença tout de suite après la fin de mes études d’astronomie. Pour vaincre un sentiment de vide inexplicable, je me suis immédiatement remis à étudier ma matière, avec l’excuse de bien me préparer aux concours de chercheur. Je vivais une activité intellectuelle très intense, mais mon mal-être au niveau psychique demeurait. Dès les premières séances psychanalytiques, des rêves d’une limpidité incroyable commencèrent à émerger. La psychanalyse jungienne déclenche de véritables mécanismes télépathiques entre analyste et analysé : je les ai vécus de façon impétueuse. Je me suis bien vite aperçu que la personne que j’avais en face de moi était dotée d’une grande sagesse et avait une très bonne préparation. Elle savait quelles questions me poser et quel parcours me faire prendre dans mes récits. Tout ce qui venait à la lumière au cours des séances déclenchait la nuit même des « rêves clé », caractérisés par des constantes précises qui expliquaient bien les raisons de mon mal-être. Je découvrais que se nichaient en moi une profonde spiritualité et émotivité que je n’avais jamais soupçonnées. Les études de physique, de mathématiques et d’astronomie que j’avais entrepris étaient exclusivement rationnelles et je m’étais laissé prendre à ce sens d’omnipuissance qui caractérise les sciences exactes. J’avais cru m’identifier à elles, ce qui était et reste en partie vrai, mais ce faisant, j’opprimais sans même m’en rendre compte la meilleure partie de moi. Les rêves et leur interprétation sous la direction de cette personne m’aidèrent à mieux me comprendre, à réaliser que mon ego n’était qu’un masque et que le meilleur de moi-même était dans les archétypes que mon psychisme remuait sans cesse au cours de rêves qui possédaient un important contenu symbolique. Je me souviens par exemple du rêve d’un lion immense perché au sommet de montagnes comparables à celles de l’Himalaya. Je ne me souviens plus exactement du sens, mais je sais juste qu’avoir fait ce rêve, et tant d’autres semblables, avait comme ouvert des portes en moi. Sans aucun doute, la psychanalyse jungienne ne me donnait pas l’impression d’être une « thérapie », mais un voyage merveilleux dans l’univers intérieur. Plus je voyageais en moi-même et plus je m’apercevais que ce monde intérieur n’appartenait pas seulement à mon vécu ou à mes espoirs personnels, mais à l’univers tout entier, dont j’appris petit à petit à me sentir partie intégrante.
Je ne me souviens pas bien pourquoi, mais au bout d’un an, j’ai décidé de ne pas poursuivre l’analyse. Pendant plusieurs années, je me suis consacré entièrement à mes recherches d’astrophysique. Et pourtant, je n’étais plus la même personne que celle qui avait fait des études scientifiques avant la psychanalyse. En moi, s’était déclenchée une créativité scientifique jusqu’alors insoupçonnée. Je ne me limitais plus seulement à faire des calculs et des graphiques et à croire que je tenais ainsi le monde entre mes mains, mais je déclenchais en moi des processus conceptuels en posant les questions et en apportant les réponses comme dans une espèce d’« autodialectique »: ces processus concernaient évidemment les matières dont je m’occupais (et dont je m’occupe toujours). Je me souviens avoir eu des intuitions très lucides sur le principe de conservation de l’énergie appliqué aux explosions des supernovas, et de parvenir à voir dans chaque chose qui m’entourait une métaphore de l’univers stellaire que j’étudiais, comme si tout, de la chose la plus petite à la plus grande, était régi par les mêmes lois. Par exemple, les équations qui gouvernent la structure des étoiles sont elles-mêmes une métaphore de l’être humain et de son équilibre : derrière les techniques mathématiques pour intégrer ces équations, il y a beaucoup, beaucoup plus. Il y a un sens dans l’univers qui transcende nos connaissances mécanistes. Je n’ai pourtant jamais trouvé la foi en Dieu – je suis resté agnostique – mais j’ai sans aucun doute trouvé en moi-même la confirmation qu’au-delà de la matière il existe un monde spirituel incroyablement vaste et aux possibilités infinies. Peu après la fin de mon expérience psychanalytique, outre à introduire mes aptitudes créatives dans un domaine qui reste analytique et rationnel, j’ai senti le besoin d’expérimenter la musique. Je me suis entouré de claviers et de synthétiseurs électroniques, et j’ai commencé à faire des expériences en tout genre. Je me suis aperçu que la musique venait quasiment d’elle-même, sans que j’aie à la concevoir, et que ce qui comptait, c’était les atmosphères qu’elle créait, les émotions qu’elle suscitait et les rythmes électroniques qui me donnaient la sensation d’être partie intégrante d’une incessante danse cosmique. Dans ces moments-là, grâce aussi aux prodiges de la synthèse électronique, je me sentais uni de façon synchrone à l’univers et je pouvais ainsi expérimenter et expliciter des émotions internes que j’avais toujours opprimées.
À la même période, j’ai commencé à recevoir, peu avant de m’endormir, des images mentales, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Les psychologues les appellent des « images hypnagogiques », mais ils n’ont pas encore compris d’où elles viennent. Il s’agissait de visions lucides où apparaissaient en vrac des visages humains inconnus et des visages non humains, des paysages normaux et des paysages étranges avec des lumières colorées qui prenaient des formes géométriques, ou le ciel étoilé vu sous un nouvel angle. Les détails de ces images qui apparaissaient dans mon esprit étaient bouleversants. C’était comme se retrouver soudainement dans un autre monde. Toutes les images étaient toujours précédées d’un petit point lumineux que j’avais identifié comme « l’étoile ». Un petit point à la lumière très blanche. Dès qu’il commençait à bouger, les images arrivaient à jet continu. La sensation était indescriptible. Une émotion de béatitude totale mêlée d’une clarté hyper-rationnelle. Toutes mes angoisses disparaissaient et c’était comme si mon esprit pénétrait l’univers. Malheureusement, les images duraient très peu : de quelques secondes à une minute. Lorsque je tentais de « rationaliser », les images disparaissaient aussitôt. Il existe peut-être une espèce de « soupape » qui ferme l’esprit normal et ouvre le « super esprit », celui qui ne fait pas partie de l’ego, mais qui appartient sans aucun doute à l’imaginaire de l’inconscient collectif. Il fallait tout d’abord faire le vide, mais la tentative était toujours assez difficile. J’avais ainsi expérimenté la vision lucide à très haute définition. J’ai senti dès le début que ces images avaient quelque chose à voir avec une « nouvelle science ». Elles étaient simplement incroyables et merveilleuses, et j’eus la sensation qu’elles avaient quelque chose en commun avec une super intelligence sur laquelle je m’étais syntonisé par hasard.
C’est justement à cette période que commencèrent à se manifester soudainement, en crescendo, les phénomènes de synchronicité entre certains de mes états psychiques et des événements extérieurs. Tout commença quand j’étais en train de regarder la télévision. Il m’arrivait parfois de ne pas suivre la trame d’un film, d’un téléfilm, d’un documentaire ou d’une publicité, parce que j’étais plongé dans de profondes réflexions. Ces pensées avaient souvent quelque chose à voir avec des sujets scientifiques, notamment avec la recherche SETI (l’étude des intelligences extraterrestres avec les méthodes de l’astronomie, intérêt qui à cette époque commençait à croître en moi), avec le rapport que j’entretenais avec les gens ou avec la vie après la mort. À l’instant précis où ces pensées affluaient, je recevais une réponse synchrone par la voix de la télévision ! Par exemple, alors que je me demandais ce que pensait de moi l’un de mes collègues, une actrice répondit en disant à une amie dans un téléfilm « il te déteste ». Une autre fois, alors que je me demandais où étaient les êtres chers qui étaient décédés, la télévision répondit de façon synchrone avec un vieux dessin animé où le personnage principal disait « nous sommes tous là ». Ou bien – à cette époque, je devais passer un concours incessamment sous peu – alors que je ne me souvenais plus où il fallait mettre le paramètre « pression » dans l’équation de Saha (qui décrit les états de ionisation dans le plasma stellaire), un politicien, à la télé, disait de façon synchrone en utilisant une expression métaphorique « au dénominateur ». Et alors que je me demandais « à quoi ressemblera ma vie ? », un sculpteur interviewé à la télé par un critique d’art dit à cet instant précis « une marche sur des charbons ardents et puis l’extase ». Mais la réponse la plus impressionnante et probablement la plus philosophique m’arriva alors que je me demandais, tandis que je regardais distraitement la télévision, et j’étais pris dans un cercle vicieux mental, si l’œuf était né avant la poule. À cet instant précis, passait un programme dans lequel une agricultrice romagnole disait « poule et œuf ensemble ». Après coup, je me suis rendu compte que cette dernière synchronicité avait pour but de me familiariser, il y a 20 ans déjà, au concept de non localité de la physique quantique, où le mécanisme de causalité est soudainement enfreint comme, par exemple, dans le cas des spin associés du célèbre effet EPR. Les phénomènes de synchronicité à cette époque n’avaient pas seulement à voir avec la télé, mais aussi avec les images du monde extérieur, en particulier naturel. Par exemple, un jour, tandis que j’étais en train de conduire ma voiture (un peu avant le coucher du soleil), je me posais la question du choix moral entre le bien et le mal. À cet instant précis, je vis un faucon blanc perché sur les fils du téléphone avec, à sa droite, la lune qui se levait et, à sa gauche, le soleil qui se couchait. Une image très belle qui me donna tout de suite la réponse : l’univers est une harmonie de contraires qui ne peuvent exister l’un sans l’autre, par conséquent faire un choix manichéen signifie seulement perdre l’occasion de connaître une loi spirituelle. Dans de très nombreux cas, j’ai expérimenté des phénomènes de synchronicité télépathiques avec mon chat préféré. Je le regardais – sans le toucher – pendant qu’il dormait sur une chaise et je pensais en même temps que je l’aimais vraiment beaucoup : à cet instant précis, il se mettait à ronronner. C’est arrivé des centaines de fois, même récemment. Je pourrais continuer à l’infini à raconter des phénomènes de synchronicité où ce furent très souvent (outre la télé) des animaux à donner la réponse à mes pensées, très souvent des renards, des blaireaux ou des faons qui apparaissaient soudain et de façon synchrone pour répondre à mes questions par la symbolique qu’ils véhiculaient. Petit à petit, je me suis aperçu qu’il m’était devenu facile de comprendre instantanément le sens des phénomènes de synchronicité. Ils n’ont pas rendu ma vie moins difficile, mais sûrement beaucoup plus intéressante, parce que j’ai compris que la vie que nous vivons et qui nous semble parfois dure ou absurde cache en réalité des significations profondes que nous ne pouvons comprendre que si nous apprenons à nous rapporter à la partie la plus profonde de nous-même, en acceptant d’être un amalgame harmonieux de matière et d’esprit, de rationalité et d’intuition, en acceptant en résumé de faire partie d’un dualisme qui stimule la vie dans l’univers.
La synchronicité qui conditionna le plus mes choix dans mon travail de chercheur eut sans aucun doute lieu quand j’avais 37 ans (deux ans après la fin de mon doctorat en physique stellaire), quand j’ai par hasard trouvé un livre sur un petit marché. J’ai ouvert distraitement ce livre et juste sur cette page, mon œil s’est posé sur la phrase « il est possible d’étudier les ovnis au moyen de la physique », puis il était écrit « à Hessdalen, n’œuvrent pas des ufologues mais des scientifiques ». C’est ainsi que, parallèlement à mes recherches en astronomie, j’étudie depuis 12 ans les « mystérieuses boules de lumière » qui apparaissent en Norvège, à Hessdalen (où je suis allé 4 fois en mission comme directeur scientifique et où nous avons effectué des mesures avec des instruments de différent type). Cette recherche se poursuit encore au travers d’enquêtes que j’effectue en d’autres endroits du monde. Je ne sais pas où tout cela me conduira, je devrai sans doute affiner ma sensibilité aux prochains phénomènes de synchronicité. Mais j’ai compris qu’en embrassant ces incroyables miracles qui éclairent soudain notre quotidien, nous nous apercevons que nous sommes sur un chemin qui nous conduit vers un but, un destin. Nous ne sommes plus alors de passives marionnettes, mais participons activement à notre vie et à l’univers dans son ensemble.