La plaine a gardé silence
plaine aux mains d'argile ouvertes
et blotti sur l'odeur des feuilles j'habite un cri
dans l'herbe rase
le jus sucré des pommes fermente au pressoir
sous l'arbre effeuillé la pulpe amère surit
quand il a fait bien froid dans la nuit
on met à dégeler la bouteille d'huile
sur le grand fourneau d'émail qui vient d'être allumé
du pain s'émiette sur des planches mal jointes
l'horizon vaste heurtait la porte
un vide inerte en moi sous le verrou des longues plaines
vivre avait une odeur de terre
et les bougies vacillaient
dorées sur l'ombre.
Brins de seigle sec
la neige des années s'enterre
lente au milieu des blés
le soleil en déclin fusille les moissons
les amis décousus perdent leur sang
un tas de pierre occupe un côté de ma nuit
l'autre moitié me reste pour vivre
le granite où je dors
se creuse au long des veines durcies dans l'aurore
mon sommeil se brise sur des roches noires
humides au soleil
au bout d'un sentier sombre
l'eau du silence a noyé ses yeux clairs
soleil semblable nous attend
peut-être un oiseau roseaux fanés sous les brumes
et depuis longtemps.