Corran Horn esquissa un large sourire tandis qu’un pépiement aigu de droïde R2 se faisait entendre depuis le fond du hangar temporaire dans lequel ils étaient installés.
— Oui, Whistler, tu as fait du bon boulot en camouflant le hangar.
Durant son absence, le droïde s’était trouvé une occupation en regroupant toutes sortes de débris à l’intérieur de l’abri à véhicule abandonné. Entre ça et le mur de plantes grimpantes djorra que Whistler avait dressé sur le devant de l’abri, personne ne saurait jamais que la structure abritait le seul chasseur X-Wing présent sur Garqi.
Corran se glissa sous le nez du vaisseau et rejoignit le petit droïde blanc et vert. Les choses avaient changé depuis sa dernière visite et il se doutait que l’agencement actuel de leur refuge n’était que le dernier aménagement d’une longue série de schémas décoratifs.
— Désolé de ne pas t’avoir rendu visite plus tôt. Toute la ville devient folle depuis qu’on a fait état d’activités rebelles dans le secteur. Les gens sont si méfiants.
On dirait qu’ils ne savent plus faire la différence entre un meurtrier et un hacker qui diffuse des slogans pro-Nouvelle République sur des terminaux d’informations publiques.
Le droïde astroméc déploya un jack I/O et le connecta à un petit datapad qui reposait sur un jerrican suintant une substance huileuse de couleur grise. L’écran s’illumina et afficha le schéma à plat d’un extracteur centrifuge de débris typique d’un X-Wing. La tête circulaire du droïde se détourna de l’image pour s’orienter vers Corran dans un crescendo de pépiements.
Le pilote rougit, puis secoua la tête.
— Non, je ne sais toujours pas comment on va faire pour subtiliser la pièce à ces Gardes Impériaux. La sécurité a été renforcée à cause de l’activité rebelle locale. Ce stock de pièces détachées et de torpilles à protons que les Impériaux ont récupérées sur la Joie des Étoiles aura été la plus belle prise qu’ils feront jamais dans ce trou à rat, et maintenant le préfet Barris veut éradiquer tous les rebelles présents dans le secteur. J’ignore qui il croit impressionner. L’Empereur est mort et il y a tellement de conflits internes sur Coruscant que la nouvelle a mis du temps à arriver jusqu’ici.
Whistler émit un sifflement de réprimande tandis que l’image de l’extracteur de débris laissait place aux armoiries de la Nouvelle République.
— Non, la question n’est pas de savoir si l’on doit rejoindre la République. Et je te rappelle qu’on a déjà évoqué le sujet. Il n’y a pas d’activité rebelle dans ce secteur. Les prétendus rebelles qu’ils pensent avoir capturés ne sont que des gamins – des étudiants de l’Université de Garqi Ag. On aurait beau leur faire suivre des mois de formation, ils seraient incapables de m’aider à voler les pièces détachées aux impériaux. D’ailleurs, ils mourraient probablement en essayant. (Inflexible, Corran secoua la tête.) Écoute, c’est mon problème. Le capitaine Nootka a apporté ces torpilles parce qu’il pensait pouvoir me les vendre ou les confier à ses contacts rebelles postés ailleurs. Il s’est fait coincer, son équipage a été arrêté, et son vaisseau a été saisi par la fourrière. Je dois l’aider à se faire la belle, mais tant que ce vaisseau ne sera pas en état de voler, je ne peux rien faire.
Tout en parlant, Corran leva une main pour effleurer le flanc du X-Wing. Comme le petit droïde astroméc, la coque du chasseur était peinte en vert et blanc – bien que pour les deux machines, il n’aurait pas été du luxe de remettre quelques coups de peinture par-ci par-là. Corran pilotait ce chasseur depuis qu’il avait travaillé pour les Forces de Sécurité Corelliennes, et Whistler avait été son co-pilote et partenaire lors de nombreuses missions destinées à empêcher des contrebandiers et divers fauteurs de trouble de porter atteinte à la sécurité du système corellien.
Whistler éteignit l’écran du datapad en produisant une tonalité mélancolique.
— Je sais, Whistler. Ces vols nocturnes me manquent à moi aussi.
Lorsqu’un imbroglio impérial l’empêcha de reprendre sa place au sein de la CorSec, il s’en alla à bord de son X-Wing en emportant Whistler avec lui. En venant sur Garqi, il avait cherché à se faire oublier et à éviter d’attirer l’attention des impériaux. En dépit du fait que piloter un X-Wing à découvert mettait sa vie en danger, il ne pouvait plus réfréner son envie de voler, pas plus qu’il ne pouvait s’empêcher de respirer – même s’il effectuait tous ses vols la nuit pour éviter d’être facilement repéré.
Et échapper aux soldats locaux était une chose des plus simples. Si cette saleté d’oiseau-rdava ne s’était pas fait aspirer par mon réacteur tribord lors du dernier vol, je serais toujours capable de voler et personne ne soupçonnerait Garqi d’être le foyer d’activités rebelles.
Il poussa un soupir.
— Maintenant, je suis coincé ici parce que des gosses de riches ont décidé de jouer aux rebelles pour agacer leurs parents. Tout ça, ce n’est qu’un jeu pour eux.
Le droïde le gronda de nouveau avec un sifflement aigu.
— Tu as raison. Dynba Tesc ne voit probablement pas ça comme un jeu, mais c’est de sa faute si elle s’est fait attraper la nuit dernière. Les impériaux du coin ne sont pas ce qu’on pourrait appeler des soldats d’élite, mais elle a laissé derrière elle une piste que même le plus vieil officier de liaison impérial de la CorSec aurait pu suivre.
Il tendit le bras et tapota gentiment la tête du droïde.
— Elle va faire un séjour dans la prison locale et ils la laisseront partir. Certes, ils vont l’interroger, mais ils vont vite se rendre compte qu’elle ne sait rien et ils vont passer à autre chose. Je n’ai aucun doute là-dessus.
Whistler produisit un autre son inquisiteur.
— Oui, si elle courait le moindre risque, je ferais tout ce que je peux pour la tirer de là – mais pas parce que c’est une rebelle. Je n’ai rien à voir avec la Nouvelle République, et le fait que l’Empire nous déteste tous les deux ne veut pas dire qu’on est dans le même camp.
Corran se renfrogna.
— Les rebelles ont beau avoir tué l’Empereur et prétendre qu’ils bénéficient de l’aide du dernier Jedi encore vivant, ils sont encore loin de pouvoir mettre l’Empire sur la touche. Ma priorité, c’est de faire profil bas pendant qu’ils attirent l’attention sur eux. Mais il s’avère que la Rébellion s’est installée sur Garqi, ce qui veut dire qu’on doit partir.
Il leva une main.
— Non, trêve de gémissements. D’ailleurs, je ne veux plus entendre parler de la Rébellion, c’est compris ? J’ai besoin de maintenir ma couverture et de garder un œil sur cet extracteur. Lorsque j’aurai trouvé un moyen de l’obtenir, on pourra enfin partir.
Corran voulut se tourner mais le droïde le saisit par la manche à l’aide de sa pince.
— Qu’est-ce qu’il y a, Whistler ?
Le droïde lui adressa un sifflement de dérision.
— Ouais, à l’époque de la CorSec, je n’aurais probablement pas été aussi indifférent au problème de Dynba Tesc, mais aujourd’hui nous devons fuir la loi, pas l’appliquer.
Il libéra son bras, fixa le droïde du regard, et pencha la tête.
— D’accord. Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne te promets rien. Je dois d’abord assurer notre sécurité.
La tête de Whistler pivota sur son axe tandis qu’il exultait triomphalement.
— C’est sûr, le sauvetage de Dynba et de ses amis embellirait ma fiche de données.
Corran sortit du hangar en faisant un signe de tête au droïde.
À moins que ce soit l’Empire qui s’occupe de la notation, mais il faudrait d’abord qu’ils m’attrapent. Avec cet extracteur, je peux les éviter, et c’est cette notation-là que je veux voir dans ma fiche de données.
Le préfet Mosh Barris était affalé sur un siège moelleux qu’il jugea aussi profond et aussi sombre que la dépression dans laquelle il se trouvait. Il se sentait vieux et fatigué, comme s’il se trouvait à un endroit de l’univers où toutes les directions possibles étaient uniquement ascendantes. Si les rebelles avaient choisi Garqi pour établir leur nouvel avant-poste, c’était pour la simple et bonne raison que la planète était pratiquement délaissée de l’Empire, et même ce voile d’isolation protectrice s’était épuisé durant sa tenure du poste de préfet militaire sous l’actuel – et toujours absent – gouverneur impérial.
— Tu vois, Eamon, dit-il. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle nous facilite la tâche, mais cette femme, cette Tesc, possède une résistance incroyable au procédé de narco-interrogation. Elle maintient qu’elle ne sait rien de la Rébellion, qu’elle n’a aucun lien avec Lai Nootka ou la Joie des Étoiles. En revanche, elle semble avoir une compréhension quasi-encyclopédique des plans de vol du X-Wing fantôme – elle prétend avoir étudié le sujet en guise de passe-temps – et une connaissance exacte de son crime. Nous n’avons aucun dossier concernant le chef de son groupe de hackers, celui qu’elle appelle Xéno, et la possibilité selon laquelle ce Xéno serait un membre d’équipage de la Joie des Étoiles qui aurait échappé à sa capture est un mauvais point supplémentaire pour nous.
Eamon Yzalli hocha la tête tandis qu’il faisait glisser le plateau argenté sur lequel se trouvait un verre de Cassandrin Choholl.
— Une chose regrettable, monsieur. Dans l’ensemble, n’importe qui pourrait être amené à croire qu’elle ne sait rien de plus que ce qu’elle nous a déjà révélé.
Barris prit le verre et le réchauffa entre ses paumes pendant un moment.
— Les apparences sont parfois trompeuses, Eamon. Quand je regarde cette femme, je vois davantage un enfant qu’un adulte – mais cette caractéristique est commune à tout le monde ici. Cette saleté de planète est si fertile que tout ce dont les agriculteurs ont besoin, ce sont des droïdes pour entretenir les récoltes et des comptables pour entretenir les profits. Les habitants de Garqi sont dorlotés et baignés d’illusions – du fourrage à bantha pour la Rébellion.
Il sirota une petite gorgée de Cassandrin pour satisfaire ses papilles et conserva la gorgée dans sa bouche suffisamment longtemps pour que le parfum fruité de la liqueur atteigne ses sinus.
— Bien sûr, c’est ce qu’elle veut nous faire croire.
— Quoi donc, monsieur ?
— Qu’elle est trop innocente pour faire partie de la Rébellion.
Barris leva les yeux vers son assistant à peau verte.
— Je ne la laisserai pas me duper. Il y a longtemps, j’ai choisi de ne rien faire dans une situation qui exigeait de l’action. J’ai été berné et j’en ai payé le prix. C’était il y a longtemps… mais je t’ai déjà raconté cette histoire, pas vrai ?
L’homme aux cheveux blonds retourna à son buffet et reposa le plateau avant de se tourner pour faire un signe de tête à son maître.
— Je me souviens en effet avoir entendu plusieurs fois l’histoire de l’incident alien monsieur.
— Oui, l’incident alien.
Barris fixa son regard dans les profondeurs de sa liqueur. Un alien – à la fois humanoïde et doué d’intelligence – l’avait fait tourner en rond, lui et ses hommes, sur une planète qui était – si c’était possible – encore plus reculée que Garqi. Cet alien avait tué ses hommes, abattu un chasseur TIE, et même massacré deux soldats impériaux en se servant d’une technologie impériale qu’il avait volé – ainsi que de la faune et flore locales.
J’ai recommandé un bombardement planétaire pour nous débarrasser de cette menace, mais le capitaine Parck a préféré inviter ce meurtrier à rejoindre les rangs de l’Empire. Et l’Empereur a choisi ce moment exact pour mettre sa xénophobie de côté. Il a offert à Parck une promotion ; à Thrawn, une carrière ; et il a ouvert la longue route de mon humiliation en me baladant d’un poste à un autre.
Barris avait espéré que l’Empereur emporterait la haine qu’il avait pour lui dans la tombe, mais la mémoire institutionnelle impériale semblait chérir l’idée de le rabaisser plus bas que terre. L’homme qui avait forcé Barris à démissionner de son dernier poste avait été puni pour avoir permis au dernier Chevalier Jedi de fuir Tatooine et d’assassiner l’Empereur. La punition de cet homme avait été la cause de « l’exil » de Barris sur le monde taché de rouge et de violet qu’était Garqi.
— J’ai juré, Eamon, j’ai juré que je ne laisserais plus jamais filer une occasion d’agir avec fermeté et vigueur sans m’acquitter de ma dette. Débusquer et écraser les rebelles présents sur Garqi serait un excellent moyen d’y arriver.
— Si vous me permettez, monsieur le préfet, vous disposez de suffisamment de temps pour soutirer à Dynba Tesc les informations dont vous avez besoin pour parvenir à votre objectif. Vous ne l’avez eue que pendant deux jours. Elle finira par craquer.
Barris descendit le reste de son Choholl et serra les dents sous la sensation brûlante que le liquide provoqua le long de sa gorge.
— J’aimerais que ce soit vrai. Je viens juste de recevoir un message prioritaire par droïde-courrier. Coruscant nous envoie un agent des renseignements, du nom de Kirtan Loor, pour mener une enquête. Loor est déjà en route. À son arrivée, il m’expliquera le but de sa mission, mais nous savons tous les deux que c’est moi l’objet de son enquête. D’une manière ou d’une autre il décèlera chez moi une faiblesse, et je serai expédié sur un monde encore plus miteux que celui-là.
— Je comprends votre inquiétude, monsieur le préfet.
— Je vous crois, Eamon. Parce que nous deux nous sommes pareils, n’est-ce pas ?
— Que voulez-vous dire, monsieur ?
— Nous sommes tous les deux en exil. Je suis traîné de poste en poste, je ne suis chez moi nulle part. Vous êtes originaire d’Alderaan, et loin de votre foyer.
Eamon se raidit un moment, puis hocha la tête.
— Comme vous le dites, monsieur, ni vous ni moi n’avons de foyer.
Barris écarquilla les yeux pendant un moment.
— J’aimerais vous poser une question, et je ne cherche pas à vous manquer de respect. J’y ai souvent pensé, mais je n’ai jamais rien dit car vous m’avez été d’une très grande aide. Si mes prédécesseurs ne vous avaient pas laissés ici, et si vous ne m’aviez pas aussi bien accueilli à mon arrivée, je n’aurais jamais pu faire autant de progrès. Et puisque je vais probablement devoir faire mes cartons d’ici peu, je pense que je ne risque pas grand-chose en vous posant la question.
— Allez-y, monsieur le préfet.
— Votre monde a été détruit par l’Empire. Comment en êtes-vous venu à travailler pour des gens qui représentent cette même autorité destructrice ?
Eamon leva la tête et croisa ses mains dans le bas de son dos.
— Monsieur, Alderaan était un monde paisible. Mon peuple était pacifique – nous étions désarmés. Nos représentants ont choisi de se rebeller. Comme beaucoup de gens, je respectais l’ordre autant que la paix, et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de m’en aller. La Rébellion a privé mon peuple de sa tranquillité, tout comme il l’a privé de sa vie. Malgré ça, je me sens en paix et respecte toujours l’ordre. Vous, mon seigneur, représentez l’ordre sur cette planète, et ainsi je suis heureux et honoré d’être à votre service.
— De belles paroles, Eamon. Je comprends totalement ce que vous ressentez.
Barris se pencha en avant et reposa ses mains sur le rebord de son bureau vernis de couleur noire.
— Le temps est venu pour moi de passer à l’action. Pour l’Empire, l’inaptitude à réaliser ne serait-ce qu’une chose est signe d’une inaptitude totale. Je ne peux pas me permettre un tel échec, surtout maintenant que Loor est en route. Bien que je n’aie pas oublié ce que l’Etoile de la Mort a fait à votre monde, je me vois forcé de faire un exemple de Dynba Tesc et de l’exécuter sur la place publique. Lorsque ce sera fait, ses compagnons prendront peur et se disperseront. Ils en déduiront qu’elle aura craqué et trahi leurs couvertures. Nous les débusquerons pendant leur fuite.
Le préfet militaire esquissa un sourire glacial.
— Qu’ils viennent me dire ensuite que je suis incapable de prendre des mesures fermes !
— En effet, monsieur, c’est une décision des plus fermes. Cependant…
Eamon, qui se tenait près du comptoir, semblait quelque peu perplexe.
Barris réfréna son sourire. Le regard qu’Eamon Yzalli portait sur Garqi s’était souvent révélé utile et, à plusieurs reprises, avait évité à Barris de faire des faux pas qui lui auraient rendu la vie encore plus difficile.
— Vous avez une idée en tête ? demanda le préfet.
— En effet, monsieur, mais c’est votre question qui me l’a inspirée. Il me semble que si les rebelles du coin possèdent un moyen efficace de contrer les effets des narco-interrogatoires – comme l’indique le manque de résultats de la part de mademoiselle Tesc – ils pourraient très bien se montrer suffisamment malins pour attendre que vous soyez muté sur une autre planète. Plus important encore, plutôt que de disperser ses complices – ce qui arrivera sûrement si vous faites de Dynba Tesc une martyre – je pense qu’il serait préférable de les rassembler.
— Oui, je suis d’accord, mais comment, Eamon ?
— Rendez la nouvelle de son exécution publique, mon seigneur. Et attendez une semaine. La nouvelle provoquera l’agitation au sein de la cellule rebelle. Je lui rendrai visite secrètement et je lui dirai que je ne peux pas supporter de la voir mourir. J’organiserai son évasion.
Barris prit un air renfrogné.
— Mais vous travaillez pour moi. Elle ne vous croira jamais.
— Elle me croira, monsieur, car je suis un alderaanien, et même le plus cynique des rebelles serait prêt à croire qu’un alderaanien a changé d’avis et souhaite faire amende honorable pour ne pas avoir agi plus tôt contre l’Empire. De plus, comme dit le proverbe, les actes sont plus éloquents que les mots. J’arrangerai son évasion et je préparerai le terrain pour elle ainsi que ses confédérés afin qu’ils puissent libérer l’équipage de la Joie des Étoiles. Nous leur rendrons même leur cargaison de pièces détachées et de munitions pour X-Wing. Les rebelles embarqueront tous à bord de leur vaisseau et se prépareront à décoller. Vos quatre chasseurs TIE se lanceront alors à leur poursuite et mettront fin à la menace rebelle de Garqi avec un feu d’artifice en prime.
Le préfet militaire souleva son petit verre et avala la dernière goûte de Choholl pour faciliter sa réflexion.
— Êtes-vous sûr que mes pilotes sont à la hauteur de la tâche ?
— Ils le seront si nous nous assurons que le générateur de boucliers déflecteurs de la Joie des Étoiles est inopérant.
L’ombre d’un sourire se dessina sur le visage d’Eamon tandis qu’il servait un autre verre au préfet.
— Nous mettrons également leurs canons blaster hors-service.
— Non, monsieur.
— Non ?
— Il nous faut conserver un minimum de vraisemblance, monsieur.
Eamon inséra le bouchon en cristal dans le goulot de la carafe.
— Si l’un de vos chasseurs devait être abattu, la perte d’un de nos pilotes serait la preuve du danger que les fugitifs rebelles représentaient sur Garqi. Bien sûr, le fait que les rebelles tentaient de fuir et qu’ils furent abattus dans les airs constituera une leçon pour tous ceux qui chercheraient à les imiter.
— Je vois.
Barris admira la façon dont le liquide contenu dans son verre rayonnait à la lumière.
— Dans ce cas, ne serait-il pas plus judicieux de conserver les munitions du X-Wing afin de prouver que la Joie des Étoiles transportait bel et bien des articles de contrebande ?
— Les premiers scanners suffiront amplement, monsieur. De plus, ce Loor sera trop occupé à répertorier les débris du cargo détruit.
Eamon esquissa mollement un sourire.
— Enfin, monsieur, je me servirai de la livraison de la contrebande pour monter à bord du vaisseau. De cette manière, je serai en mesure de communiquer à nos chasseurs l’heure de départ afin qu’ils se tiennent prêt à les pulvériser dans le ciel.
— Mais vous ne serez plus à bord à ce moment-là ?
— Non, monsieur. Vous placerez un faux rapport dans notre système informatique à l’attention d’un de leurs hackers. Le rapport indiquera que vous m’avez fait exécuter pour crime contre l’Empire – un crime d’une nature secrète, bien sûr, mais le tour suffira à les convaincre que ma trahison a été découverte. Ils partiront aussitôt que le contenu du message sera piraté, ce qui nous dira à quel moment ils décolleront.
— Et c’est là que j’alerterai nos chasseurs.
— Exactement, monsieur.
Eamon prit un air sombre pendant un moment.
— La seule difficulté dans tout ça sera de ne laisser aucune trace de l’opération dans nos registres informatiques.
— Certainement.
Barris hocha la tête d’un air solennel et sirota son verre.
— Étant donné que leurs hackers sont capables d’entrer des informations dans nos bases de données, nous savons également qu’ils peuvent en extraire. S’ils venaient à découvrir la moindre trace de notre opération, tout serait perdu.
— Précisément, monsieur. Si vous n’y voyez pas d’objection, je vais de ce pas m’occuper des préparatifs.
— Des objections ? Non. Mais je veux que vous me teniez au courant de la situation.
— Bien sûr, mon seigneur.
Eamon esquissa un bref sourire.
— Cela restera entre nous, jusqu’au jour où il sera temps de révéler ce que vous avez accompli pour l’Empire.
Il faisait froid et Dynba Tesc avait mal physiquement, ou du moins c’était ce qu’elle croyait. Recroquevillée sur la couchette en acier, le dos collé au mur de pierres, elle savait qu’elle ne pouvait ressentir que le déconfort. Son corps était en train de lui envoyer tous les signaux possibles pour lui dire qu’elle allait très mal.
Le problème, c’est qu’avec toutes les substances qu’ils m’ont injectées pour me faire parler, je ne suis plus certaine de ce que je sais et de ce que je ne sais pas, de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas.
Elle enroula une mèche de cheveux blonds autour de l’index de sa main droite, puis se mit à mâchouiller l’extrémité. Une sensation de sécurité la submergea brièvement, puis elle recracha la mèche de cheveux.
Je ne suis pas une enfant. Je ne peux pas me réfugier dans mes souvenirs d’enfance pour trouver du réconfort.
Mais se réfugier, c’était tout ce qu’elle voulait faire en ce moment, car elle n’avait jamais eu autant peur de toute sa vie. Cela ne faisait aucun doute dans son esprit – drogues ou pas. Elle craignait tellement d’être arrêtée et jetée dans une prison impériale qu’elle avait fini par dire aux autorités tout ce qu’elle savait.
Le problème était… qu’elle ne savait rien.
À ses yeux, la Rébellion était un conflit lointain, une lutte pleine de romance et d’héroïsme. Le dernier véritable Jedi affrontant le monstre qui était responsable de la disparition de l’Ordre Jedi et un contrebandier renégat gagnant le cœur d’une princesse dont la planète avait été détruite sous ses yeux ; c’était là tout ce qu’elle savait sur la Nouvelle République. Ils avaient détruit les deux Étoiles de la Mort ainsi que l’Empereur, mais à part l’élection d’un nouveau préfet militaire, ces évènements n’avaient eu aucun effet sur elle ou sur ses amis de l’université.
Puis la Joie des Étoiles était venue sur Garqi et avait été arrêtée pour avoir réalisé un ravitaillement illégal auprès d’une cellule rebelle. Dynba ainsi que d’autres personnes qu’elle avait rencontrées sur les comnets informatiques – dans des zones temporaires qu’ils avaient piratées et refermées une fois leurs conversations terminées – avaient fait part de leurs soupçons quant à la présence d’agents de la Nouvelle République sur Garqi. Dynba avait trouvé cette perspective excitante et pas même effrayante. Les gens se posaient beaucoup de questions concernant la Joie des Étoiles, et un lien logique avait été établi entre le fameux vaisseau cargo et le X-Wing fantôme qui avait été aperçu la nuit dans le ciel de Garqi.
Ensuite, elle rencontra Xéno. Ce dernier accéda à l’une de leurs conversations secrètes, faisant de lui un meilleur expert en informatique que quiconque dans le Département de Sécurité Impériale de Garqi. Bien qu’il ne l’eût jamais dit, Dynba en vint à la conclusion qu’il faisait partie de l’équipage de la Joie des Étoiles et qu’il avait jusque-là réussi à passer entre les mailles du filet impérial.
Xéno les mit au parfum, elle et ses amis accros de l’informatique, en prenant soin de conserver leur anonymat. Elle ne savait jamais ce qu’elle trouverait sur son datapad une fois qu’elle piratait le réseau planétaire, mais c’était ça l’aventure pour elle. Xéno lui montra, à elle et à ses amis, comment implanter des slogans et des représentations graphiques dans le réseau planétaire de manière à ce que les écrans de datapad partout sur le comnet reçoivent des messages de la Nouvelle République à intervalles irréguliers.
Le choc et l’indignation exprimés par ses parents et leurs amis étaient exceptionnels. Dynba avait lutté de nombreuses fois pour maintenir un visage impassible lorsque son père, furieux, lui faisait part d’une atrocité récemment commise – car elle savait pertinemment que c’était elle-même qui avait composé le slogan et qui l’avait envoyé à son ordinateur. Ce genre d’action marquait le point culminant de sa rébellion personnelle contre l’autorité de son père, et la conception de nouvelles attaques codées était pour elle un moyen d’exorciser ses démons.
Dynba avait longtemps cru que Xéno était en train de la préparer, elle ainsi que les autres, pour quelque chose de plus important – peut-être même la libération de la Joie des Étoiles – mais elle voulait faire plus que ça. Abandonnant le royaume virtuel des ordinateurs, elle sortit de chez elle pour acheter une boîte de peinture et alla écrire en grosses lettres rouges, sur le mur du Tribunal Impérial situé en plein cœur de Pesktda, la capitale :
« La mort d’un Tyran marque le Triomphe de la Justice ! »
Ce n’est que plus tard – à peu près au moment où les forces de l’ordre la menottaient – qu’elle réalisa ses deux erreurs : la première, elle avait acheté une teinte de rouge spécialement conçue par la boutique ; la seconde, l’achat avait été facturé sur son compte personnel. La police semblait penser que son audace était le signe annonciateur d’un danger. Aussi, l’interrogatoire auquel elle avait été soumise avait été impitoyable. Son incapacité à fournir des réponses satisfaisantes avait provoqué la colère de ses geôliers, et elle savait que sa situation n’allait pas en s’arrangeant.
La porte de sa cellule s’ouvrit en produisant un chuintement, et l’éclairage s’alluma doucement. Un petit homme barbu aux cheveux blonds entra à l’intérieur et descendit les marches métalliques jusqu’au niveau du sol. Il se tourna et fit un signe à l’attention d’un garde qui se trouvait hors de portée de vue. La porte se referma, et elle se retrouva seule avec l’homme, qui était vêtu d’un uniforme d’assistant du préfet. Pendant un moment, elle crut le reconnaître, mais elle ne parvenait pas à poser un nom sur son visage.
Dynba tenta de se faire encore plus petite afin de s’enfoncer davantage dans un coin de la cellule.
— Je ne sais plus.
L’homme hocha la tête.
— Je sais, mon enfant.
Il se mit en position accroupie afin de la regarder droit dans les yeux.
— Il est de mon devoir de t’informer que le préfet Barris a décidé de te faire exécuter pour tes crimes.
— Quoi ? Mais… c’est impossible.
— Et pourtant, c’est vrai.
L’homme détourna le regard vers le sol, laissant à Dynba un moment pour se ressaisir, puis leva de nouveau les yeux vers elle.
— Cependant, c’est une décision que je ne peux supporter.
— Qu’est-ce que vous voulez dire ?
Dynba décelait de la sincérité dans la voix de l’homme, ainsi que dans son regard, mais les vêtements qu’il portait et le fait que l’un des gardes de la prison avait suivi ses ordres à la lettre allaient à l’encontre de l’idée selon laquelle il pouvait avoir la moindre compassion pour elle. Le simple fait qu’il fût là, en train de lui parler, lui disait qu’il y avait anguille sous roche.
— Vous travaillez pour lui. Vous ne m’aiderez pas.
L’homme détourna le regard, révélant la rougeur de ses joues.
— Je t’en prie, c’est déjà assez difficile pour moi.
— Vous travaillez pour un monstre. Dans d’autres circonstances, j’aurais été plus délicate, qui sait ?
— Je sais.
L’homme serra les poings.
— Je suis son assistant personnel.
— Vous… vous êtes Eamon Yzalli !
— C’est exact.
— Alors vous êtes là pour me piéger.
Dynba laissa sa colère transparaître dans sa voix.
— Vous devriez avoir honte de vous.
Eamon poussa un lourd soupir.
— Si seulement vous saviez.
— Quoi ?
— J’ai honte, dit-il en déglutissant. Je réalise que je me suis voilé la face… l’Empire corrompt les gens. J’ai refusé d’y croire, et mon refus est un crime qui me rend complice de la destruction de mon monde, Alderaan. Je suis venu ici dans l’espoir de tout oublier. Ensuite, lorsque le préfet Barris a été nommé, je me suis fait médiateur entre ses caprices et le peuple de Garqi. Aujourd’hui encore, j’ai tenté de modérer son jugement dans sa prise de décision, mais en vain. Je ne peux pas avoir ta mort sur la conscience. C’est pourquoi j’ai décidé de t’aider.
Dynba secoua la tête pour tenter de se débarrasser de la lueur d’espoir qui venait de naître dans son esprit.
— Qu’est-ce que vous pouvez faire ?
Eamon esquissa un large sourire et à ce moment, Dynba le trouva un peu plus séduisant.
Comme un héros de la République.
— Ce que je peux et ce que je vais faire : je vais t’aider à t’échapper. Tu auras approximativement deux jours pour libérer l’équipage de la Joie des Étoiles. Ensuite, vous reprendrez votre vaisseau et vous partirez. Garqi est devenue trop dangereuse pour vous.
L’homme plissa les yeux.
— Le capitaine Nootka aura besoin d’une monnaie d’échange s’il veut pouvoir ravitailler le vaisseau et retourner sur le territoire de la Nouvelle République. Je récupérerai la contrebande qu’il a fait passer ici et je la ferai charger à bord de la Joie des Étoiles. Je n’aurai qu’à dire aux ouvriers qu’on a besoin de remettre les preuves en place afin de montrer à l’agent des renseignements impériaux comment la saisie s’est déroulée. Ça nous évitera d’avoir à les déplacer nous-mêmes.
Dynba écarquilla les yeux.
— Parce que vous venez avec nous ?
Eamon hocha la tête d’un air solennel.
— Je peux couvrir votre évasion, mais une fois que la Joie des Étoiles aura quitté la surface de la planète, il me sera impossible de masquer ma trahison. Lorsque vous serez prêts à partir, demande à l’un de tes hackers de s’introduire dans le comnet impérial et d’y laisser l’heure ainsi que les coordonnées de notre rendez-vous.
— Je m’en occuperai moi-même.
Dynba fit basculer ses jambes par-dessus le rebord de la couchette, sentant le froid s’insinuer en elle à travers ses doigts de pieds.
— Le peuple d’Alderaan serait fier de vous.
Eamon ferma les yeux et hocha la tête.
— J’espère que vous avez raison.
Il prit Dynba par la main, lui offrant un peu de chaleur.
— Tiens encore quelques heures, et tu seras libre.
Elle saisit fermement la main de son nouvel allié.
— Et ensuite, c’est nous tous qui serons libres !
Barris leva son verre presque vide en direction d’Eamon et dit :
— Eamon, je vous félicite. Il semble que tout se passe exactement comme prévu.
— En effet, monsieur le préfet. En ce moment-même, Dynba Tesc est en train de rassembler ses complices pour libérer la Joie des Étoiles ainsi que son équipage. Elle a également modifié son apparence afin de se faire passer pour Kirtan Loor, agent des renseignements impériaux, et de convaincre les soldats de garde de lui laisser l’accès au vaisseau. Plusieurs landspeeders ont été affrétés à leur attention.
— Et le vaisseau est prêt ?
Le petit homme acquiesça d’un air solennel.
— Convaincre les pilotes TIE de se faire passer pour des ouvriers n’a pas été une mince affaire, mais après leur avoir expliqué que le succès de l’opération reposait sur le secret des informations, ils m’ont affirmé qu’ils étaient les meilleurs candidats pour cette mission. Les munitions de X-Wing sont à bord de la Joie, mais il semble que les pièces de rechange ont été dérobées. Étant donné que n’importe quel technicien qualifié pourrait très bien les adapter à un airspeeder Incom T-47, je dirais que l’un des employés des entrepôts s’est offert un bonus. J’ai déjà quelques pistes en tête.
— Nous nous occuperons de ça plus tard.
Barris poussa un léger grognement et vida son verre.
— Les boucliers du vaisseau sont hors-service ?
— Oui, monsieur le préfet. Nous avons remplacé l’un des circuits duplex par son équivalent triplex.
— Mais un simple code-patch suffirait à rétablir le générateur de boucliers.
— Exact, monsieur le préfet, mais le premier diagnostic qu’ils effectueront sur le vaisseau indiquera que tous les systèmes sont opérationnels. Tant qu’ils n’auront pas découvert la panne, ils n’auront pas l’idée de chercher le triplex. C’est à ce moment-là que nos hommes s’introduiront dans leur navordinateur pour en ôter la séquence de décollage, ce qui prendra en tout une heure.
Le préfet tapota d’un doigt le rebord de son verre et dit :
— Une heure qu’ils n’auront pas.
— Précisément, monsieur.
Eamon servit de nouveau du choholl au préfet.
— Sachez, Eamon, que j’ai moi aussi fait ma part du travail, dit Barris en adressant un clin d’œil à son assistant. J’ai rédigé le rapport de votre exécution.
— Pas sur le système, monsieur ?
Barris esquissa un sourire en décelant l’urgence dans la voix d’Eamon.
— Non, bien sûr que non.
Il se tapota la tempe à l’aide de son index.
— Tout est là-dedans. Vous avez été supprimé pour activité anti-impériale.
— Parfait, monsieur le préfet.
— Il se pourrait que je le modifie. Il n’est pas encore parfait.
— Je suis certain qu’il sera tout à fait approprié, monsieur.
— J’envisage de noter le rapport dans le système demain, au coucher du soleil. Tout devrait être prêt d’ici là, n’est-ce pas ?
— Absolument, monsieur. L’agent Loor devrait arriver à temps pour assister à la course-poursuite et à la destruction des rebelles.
— Excellent.
Barris leva de nouveau son verre à l’attention d’Eamon.
— La destruction de la Joie des Étoiles sera des plus divertissantes. Je pense faire venir des amis.
Eamon hocha la tête.
— Très bien, monsieur. J’ai déjà demandé aux employés de cuisine de préparer des rafraîchissements pour dix personnes. Cela suffira-t-il, monsieur le préfet ?
— Ça suffira, Eamon.
Barris descendit son verre et esquissa un large sourire.
— Vous anticipez mes désirs aussi bien que mes besoins. Que ferais-je sans vous ?
— Bonne question, monsieur.
Eamon devint soudain tranquille.
— Espérons qu’on n’ait jamais à y répondre.
Ses cheveux bruns formant un chignon au dos de sa tête, Dynba s’éloigna du premier landspeeder et tira sur l’ourlet de son uniforme. Elle marcha d’un pas vif jusqu’à la porte du centre de détention local et sortit un cylindre en apparence ordinaire de sa poche de poitrine. Elle l’apposa contre le panneau d’ouverture de la porte.
D’une manière ou d’une autre, Dynba parvint à entendre le déclic du système d’ouverture par-dessus les battements tonitruants de son cœur, et la porte se souleva. À l’autre bout du couloir, elle vit un garde qui se tenait derrière une baie vitrée en transparacier. Le garde l’observa, puis jeta un œil à son datapad, et leva de nouveau les yeux vers elle. L’homme était blême.
L’agitation évidente du garde donna à Dynba l’occasion de dompter sa propre peur. Eamon lui avait assuré que le cylindre l’identifierait comme Kirtan Loor, un agent des renseignements impériaux envoyé sur Garqi depuis Coruscant. Ce qui voulait dire qu’elle n’avait aucun compte à rendre à qui que ce soit sur toute la planète. Un seul mot de sa bouche et n’importe qui pouvait être envoyé dans les mines d’épices de Kessel en attendant un interrogatoire en bonne et due forme. « Ils te craindront autant que toi tu les crains. Sers-t-en et tu les domineras, » lui avait dit Eamon.
Ah ça, je vais bien m’en servir.
Gardant un pas vif et savourant le claquement du cuir contre la pierre, Dynba s’approcha du garde.
— Les prisonniers sont-ils prêts à être transférés ?
Elle avait adopté l’accent des habitants des Mondes du Noyau et laissait transparaître dans ses mots une indignation impatiente.
La lèvre inférieure du garde se mit à trembler.
— Transférés ? On ne m’a pas.
— Bien sûr qu’on ne vous a rien dit.
Elle ôta ses gants en cuir noir, un doigt après l’autre, puis se tapota la paume gauche.
— Je ne devrais pas être surprise de l’incompétence des officiers des Mondes de la Bordure Médiane.
— Eh bien, je.
— Vous n’auriez pas en tête de me faire part de votre opinion, j’espère ? Quel est votre nom ?
L’homme esquissa un sourire gêné.
— De quels prisonniers s’agit-il, madame ?
— Des membres d’équipage de la Joie des Étoiles.
Dynba plissa les yeux et adopta un air sévère.
— Je dois les ramener sur la scène du crime. Vous connaissez ce genre de technique d’investigation, n’est-ce pas ?
L’homme enfonça une série de touches sur son datapad.
— Euh.
— Évidemment que non. Cette technique s’est répandue un an après la mort de l’Empereur, ce qui explique pourquoi elle n’a pas encore été adoptée dans ces environs. Si ça se trouve, vous ne savez même pas que l’Empereur est mort.
— Non, madame. Je veux dire oui.
Dynba eut un éclat de rire.
— Vous n’avez pas l’air de savoir grand-chose. Je me demande bien pourquoi les rebelles séviraient dans ce trou à rats.
— Non, madame.
La porte sur sa droite émit un bref bourdonnement et se souleva. Trois silhouettes débraillées – une Sullustéenne de petite taille, un gigantesque Duros à la mine basse, et un Dévaronien avec quelques dents en moins et une corne brisée – s’engouffrèrent dans le couloir. Tous les trois étaient menottés et reliés ensemble par les chevilles, et tous les trois détournèrent le regard pour éviter la lumière du soleil couchant qui pénétrait dans le couloir depuis l’extérieur.
Dynba leva les yeux vers le Duros.
— Capitaine Lai Nootka, vous et votre équipage êtes coupables de trahison. Je suis un représentant des renseignements impériaux et c’est moi qui déciderai de la conclusion de cette enquête. Suivez-moi.
Elle emmena les prisonniers à l’extérieur et signala aux landspeeders de s’avancer. Chaque prisonnier fut installé dans son propre landspeeder, puis le convoi partit en direction du hangar où la Joie des Étoiles avait été parquée à la suite de la saisie.
Les véhicules se suivirent les uns les autres jusqu’au spatioport. Dynba regrettait de ne pas pouvoir dire à l’équipage qu’en réalité ils étaient en sécurité, mais elle ne voulait surtout pas mettre sa mission en péril. Si l’équipage devait abandonner le voile de la peur et de la défaite pour revêtir celui de la joie, quelqu’un remarquerait leur changement d’humeur et attirerait l’attention sur eux. Eamon avait souligné le fait que les gens de Pesktda n’accordaient généralement aucune attention aux êtes condamnés car cela risquait d’attirer les regards. Mais Dynba n’avait pas besoin des conseils d’Eamon pour savoir ça.
Faisant tout pour ne pas casser le personnage de Loor, Dynba croisait les regards de tous les curieux et les soutenait jusqu’à ce qu’ils détournent les yeux.
Je n’aime pas effrayer les gens, mais c’est la seule solution si je veux sauver l’équipage de la Joie et Eamon. Et moi ainsi que mes amis.
Elle conserva un regard ferme et terrifiant jusqu’à ce que les speeders disparussent dans l’ombre du hangar.
À la seconde où son landspeeder s’arrêta, Dynba détacha sa chevelure et la secoua.
— Détachez-les, dit-elle en pointant Nootka du doigt. Votre vaisseau est prêt à partir. Le chargement de munitions pour X-Wing a été chargé à l’intérieur. Vous pouvez lancer la procédure de décollage. Il est fort probable que quatre chasseurs TIE se lancent à notre poursuite. Est-ce que ça va poser problème ?
Le Duros se frotta les poignets tandis que son chauffeur était en train de déverrouiller les liens qu’il avait aux chevilles.
— Nous n’aurons qu’à les semer. Nous avons une hyperdrive, eux non. Nous avons un canon blaster, ils n’ont que des canons laser. Nous avons des boucliers déflecteurs, ils n’en ont pas. Mes chers amis, la liberté nous attend.
— Dynba, tu as réussi !
Une femme twi’lek descendit le long de la rampe d’un cargo CorelliSpace Gymsnor-3. L’excitation se lisant sur ses tentacules, elle brandit un datapad.
— Aucune alarme, aucune trace. La voie est libre.
— Parfait.
Dynba regarda par-dessus l’épaule d’Arali Dil’s puis se renfrogna.
— Eamon et Xéno sont-ils là ?
Arali secoua la tête.
— Il n’y a personne ici mis à part Sihha et moi.
Dynba fronça de nouveau les sourcils. Juste avant d’être emmenée en prison, Dynba avait laissé un message à Eamon pour lui indiquer l’heure du départ. Elle avait également transmis un message à Xéno pour l’inviter à réunir son équipe en vue de leur évasion. Elle s’était attendue à les voir tous les deux à son retour au hangar ; tout particulièrement Eamon car elle aurait voulu voir l’expression sur le visage d’Eamon lorsque celui-ci aurait réalisé que son plan avait fonctionné à la perfection.
— Arali, connecte-toi au comnet et essaie d’avoir des nouvelles de Xéno et d’Eamon.
— Ça marche.
Il s’avérait que la twi’lek ainsi qu’un bothan étaient les seuls membres non-humains du petit cercle d’amis de Xéno. Le groupe comptait sept membres – sans compter Xéno – et tous trouvaient cela amusant qu’un si petit groupe de gens fût capable de causer suffisamment de problèmes à l’Empire pour que celui-ci décide d’envoyer un agent des renseignements afin de régler la situation.
Dynba avait briefé tout le monde sur les rôles qu’ils auraient à jouer dans la Grande Évacuation. À cause des tendances xénophobes de l’Empire, ni Arali, ni Sihha n’enfileraient la tenue d’officier impérial. C’était donc pour cette raison qu’ils étaient restés à bord du vaisseau pendant que leurs cinq compères humains se servaient des speeders pour transporter les prisonniers. Maintenant que tout le monde était là, il était temps de préparer le décollage.
— Intéressant.
Dynba détourna le regard de la porte du hangar pour se tourner vers Arali.
— Quoi donc ?
— Un message de Xéno pour nous tous. Il dit que son travail ici n’est pas terminé. Il nous rejoindra plus tard et on fêtera ça autour d’une bonne bouteille.
— Je préférerais autant qu’il vienne avec nous. J’espère qu’on peut faire voler ce vaisseau sans lui.
— Sihha peut le remplacer. Il a étudié l’astronavigation à l’université.
— Très bien.
Dynba sentit un malaise naître dans son estomac pour ensuite se répandre dans ses membres et lui compresser le cœur.
— Toujours aucune nouvelle d’Eamon.
— Nom d’un Sith !
Dynba reconnut la voix d’Arali et se retourna.
— Quoi ?
La twi’lek tendit son datapad et Dynba l’ôta de ses mains tremblantes.
— Le préfet Mosh Barris, à la conclusion et en réponse à son enquête personnelle sur les actions d’Eamon Yzalli, a ordonné et procédé à l’exécution d’un ennemi de l’état.
La voix de Dynba devint un murmure.
— Il est mort.
Le datapad lui glissa des mains, mais la twi’lek le rattrapa et commença à tirer sur la manche de Dynba.
— Allez, il faut y aller.
Dynba se retourna vers la porte du hangar.
— C’est peut-être l’Empire qui nous joue un tour.
— L’Empire ne joue jamais de tour, Dynba. Eamon est mort.
Arali entraîna son amie jusqu’à la passerelle d’embarquement.
— Allons-nous-en. Nous pleurerons Eamon plus tard, lorsque nous aurons rejoint le territoire de la Nouvelle République. Nous nous vengerons, je te le promets.
Barris sentit son comlink vibrer à sa ceinture, comme les écailles d’alerte d’une vipère gorgarienne. Il écarta les bras à l’attention de la foule rassemblée dans sa salle de réception et leur indiqua le balcon situé à l’Est.
— Mes amis, je viens juste d’être informé que les rebelles sont tombés dans le piège que j’ai tendu pour eux. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre à l’extérieur, je pense que vous trouverez leur exécution des plus spectaculaires.
Détachant le comlink de sa ceinture, il ouvrit une fréquence et dit :
— Aigles de Garqi, je vous autorise à intercepter et à détruire la cible.
Arali installa Dynba sur l’un des strapontins de l’habitacle de pilotage et attacha sa ceinture.
— Capitaine, notre dernier passager ne viendra pas. Nous ferions mieux de partir maintenant.
Le Duros adressa un hochement de tête à son pilote aux oreilles de souris. La Sullustéenne procéda aux contrôles de pré-décollage. Le vrombissement des moteurs à répulsion retentit à travers tout le vaisseau, puis un léger tremblement le parcourut de long en large tandis que les moteurs subluminiques le propulsaient en avant, loin du hangar. Le nez du vaisseau se tourna vers l’Est, plaçant le vaisseau dos au soleil, sur une trajectoire qui les emmènerait de plus en plus loin de l’astre lumineux. Ce chemin leur permettrait d’atteindre l’hyperespace plus vite que prévu, et tout le monde sur le vaisseau savait pertinemment que lors d’une évasion, la vitesse était une vertu incommensurable.
À travers la verrière de poupe, Dynba put admirer les lumières de Pesktda. Elle trouvait à la ville de son enfance un certain charme, une certaine beauté, alors que les lumières clignotaient sous la voûte des arbres feuillus qui recouvrait tout à l’horizon. Une part d’elle était triste de quitter l’endroit où elle était née, mais ce regret n’était rien comparé à la souffrance que lui causait la mort d’Eamon.
La Joie des Étoiles prit de la vitesse et sortit du périmètre du spatioport. La pilote Sullustéenne maintenait le vaisseau sur un angle d’ascension stable. Tandis qu’ils s’élevaient au-dessus de l’ombre de la ville, la lumière du soleil se mit à illuminer le ciel, puis disparut, obstruée par l’opacité grandissante de l’atmosphère, elle-même éclipsée par le voile noir de l’espace incrusté d’étoiles.
Le capitaine Nootka se pencha au-dessus de l’un de ses écrans.
— Nous avons quatre chasseurs sur les talons. Boucliers de poupe à pleine puissance.
La pilote Sullustéenne enfonça une touche sur une console, mais la touche ne s’alluma pas. Elle l’enfonça de nouveau puis hurla de colère.
Nootka tendit le bras pour tenter à son tour de faire fonctionner la commande.
— Saricia, nous n’avons pas de boucliers.
— Fais demi-tour et laisse-moi m’en occuper.
La voix de basse du Dévaronien provenait de l’échelle d’accès qui conduisait aux cabines situées au-dessus de l’habitacle de commande. Dynba se tourna et vit un sas ouvert qui permettait de se rendre au-dessus de la coursive.
Arali resserra ses sangles de sécurité.
— La tourelle à canon blaster est située sur le dos du vaisseau. Nous allons devoir nous retourner pour lui permettre d’abattre nos ennemis. Autrement, les nacelles de chargement l’empêcheront d’avoir une fenêtre de tir.
— Petit défaut de conception ?
Nootka se tourna et adressa un regard sévère à Dynba.
— Vous êtes sur un vaisseau cargo, pas un bâtiment de guerre. Saricia est coriace.
— À quel point ? Suffisamment pour arrêter quatre chasseurs TIE ?
— Oui.
— Vous êtes sûr ?
Le Duros secoua la tête.
— Si je me trompe, je ne vivrai pas assez longtemps pour le regretter.
Il enfonça de nouvelles touches sur le panneau de commandes.
— Vous disiez que le vaisseau était pleinement opérationnel.
— C’est ce qu’on m’a dit. Eamon m’a affirmé.
Stupéfaite, Dynba ne termina pas sa phrase.
— Il n’est pas là.
Les tentacules de la twi’lek frémirent en sursaut.
— C’est un piège, Dynba. Eamon Yzalli nous a piégés.
Elle montra les dents.
— J’espère que Xéno s’occupera de lui.
Nootka jeta un œil à ses écrans tactiques puis secoua la tête.
— J’aurais espéré que la situation ne s’aggrave pas. Je détecte un cinquième chasseur TIE en approche rapide.
La Joie des Étoiles se mit à trembler violemment. Des étincelles jaillirent dans l’échelle d’accès au niveau supérieur tandis que les tirs de riposte de Saricia retentissaient dans l’habitacle de pilotage.
— Le blindage est costaud mais il ne tiendra pas éternellement.
— Est-ce que nous pouvons passer en hyperespace ?
— Avec le peu de temps qui nous reste ? demanda Nootka. Ce serait impossible même si les coordonnées de vol étaient déjà dans le navordinateur. Il semble que c’est la mort qui nous attend.
Corran Horn poussa doucement la commande des gaz de son X-Wing et le vaisseau quitta l’atmosphère de Garqi en prenant de la vitesse.
— Tout ce que je dis, c’est que tu aurais dû m’en parler plus tôt, Whistler. Maintenant, ça n’a plus d’importance. Nous en reparlerons plus tard. Pour le moment, il faut arrêter ces chasseurs.
Le droïde astroméc répondit par un petit sifflement que Corran trouva presque aussi déprimant que la perspective d’affronter quatre chasseurs TIE en même temps.
Ce n’est pas comme ça que j’envisageais de faire les choses, mais je n’ai pas le choix.
Corran enfonça la commande de tir sur son manche à balai. Le système de visée du lance-torpilles à protons s’afficha à l’écran et dessina une grande case jaune autour de l’appareil ennemi le plus lent.
— Voilà la cible numéro une. Verrouille la cible la plus proche et désigne-la comme cible numéro deux.
Whistler s’exécuta sur le champ, puis émit une question.
— Oui, s’ils sont à portée, tu m’ouvres une fréquence comlink.
Corran entendit des parasites sur sa fréquence comlink, puis un canal sembla s’ouvrir correctement.
— Joie des Étoiles, le code-clé qui sert à débloquer vos boucliers est 349XER34, je répète 349XER34.
— À qui ai-je l’honneur ?
— À l’homme qui vient vous sauver la mise. Eamon Yzalli vous a trahi. Il est mort. Toutes les informations qu’il détenait, je les ai.
Dans le fond, Corran entendit une voix :
— C’est Xéno ! s’écria la voix sur un ton excité.
Une autre voix – une voix que Corran décida être celle de Lai Nootka – couvrit la première voix :
— Le code est 349XER34.
— C’est ça, dit Corran en souriant. Dites à votre artilleur qu’il n’a pas intérêt à abattre mon X-Wing s’il veut que je lui facilite la vie.
Whistler émit un sifflement de triomphe.
— Pas encore, l’ami, pas encore. Verrouille-toi sur la cible numéro une et réduit l’effet du compensateur inertiel. Je veux sentir le vaisseau bouger.
Manipulant le manche d’avant en arrière, il verrouilla la fenêtre de tir sur la cible numéro une. Le droïde émit des bips par intermittence tandis qu’il tentait de verrouiller la cible. La fenêtre de tir passa du jaune au rouge au moment même où Corran enfonçait la touche de commande de tirs.
Une torpille à protons jaillit d’un des tubes à missiles du X-Wing et décrivit une légère courbe sur la gauche avant de heurter de plein fouet l’habitacle de pilotage du chasseur TIE. L’explosion qui en résulta fit voler en éclats les panneaux solaires hexagonaux du chasseur. Des débris jaillirent du cockpit qui ressemblait davantage à une boule de plasma rouge dorée.
— On passe à la cible numéro deux.
Whistler émit différentes sortes de pépiements tandis que Corran enfonçait la pédale d’accélérateur et braquait son manche à balai à bâbord. Il enfonça de nouveau la détente et vit une torpille à protons foncer droit sur le deuxième chasseur TIE. La torpille traversa d’abord le panneau solaire bâbord pour ensuite heurter l’un des réacteurs ioniques et enfin percer le panneau solaire tribord. Le chasseur TIE partit sur une trajectoire bancale et finit par exploser à cause de la pression d’échappement issue des réacteurs.
— Deux en moins.
Corran pianota sur son panneau d’armement pour passer du lance-torpille aux canons laser.
— Whistler, égalise les boucliers.
Le droïde fit ce qu’on lui dit tandis que Corran exécutait un tonneau. Tirant fermement sur le manche à balai, Corran leva le nez de son appareil et se positionna dans le sillage de l’un des deux chasseurs TIE restants. L’un d’eux avait viré à bâbord, l’autre à tribord – une stratégie souvent déconseillée qui confirmait l’opinion que Corran avait des forces impériales de Garqi.
Soudain, Whistler se mit à pépier avec urgence, encourageant Corran à lever les yeux vers son moniteur de poupe.
J’en ai un sur les talons. Pas aussi nuls que je croyais.
— Je le vois, Whistler. Maintenant, tu comprends pourquoi je ne voulais pas les affronter en premier lieu.
Le chasseur ennemi de tête commença lentement à virer à tribord en décrivant une boucle. La manœuvre était tellement lente que Corran fut tenté de suivre et de mitrailler l’arrière du chasseur par la même occasion, mais il savait très bien qu’une telle décision aurait un prix.
Le chasseur de queue va probablement couper la boucle et m’arroser avec ses canons. Très peu pour moi.
Corran tira violemment son manche en arrière, forçant son X-Wing à réaliser un looping, puis poussa le manche en avant pour enfin virer à bâbord. La manœuvre le positionna sur un vecteur d’attaque en direction du TIE poursuivant. Enfonçant énergiquement la gâchette, il décocha des rafales de tirs qui passèrent au travers des panneaux solaires du TIE pour percer le cockpit et ressortir de l’autre côté.
Le TIE n’explosa pas. Il dévia lentement sur bâbord en tournant sur lui-même, crachotant des faisceaux d’énergie bleue dans toutes les directions. Le X-Wing dépassa le vaisseau en perdition. Corran décida de plonger en décrivant une boucle afin de garder un œil sur lui. Le TIE ne réagissait pas et continuait simplement de tomber en spirales, fonçant droit sur l’atmosphère de Garqi.
Le pilote doit être dans les vapes. Le chasseur est en pleine chute libre.
Corran frémit en imaginant ce que ça pouvait être que de vivre ses derniers instants dans la souffrance, piégé dans un cockpit endommagé à l’intérieur duquel était en train de s’engouffrer l’air glacial de l’atmosphère.
C’est une façon horrible de mourir.
Le miaulement d’indignation de Whistler ainsi que le bruit des rayons laser frappant ses boucliers de poupe alertèrent Corran. Il enfonça aussitôt la pédale des gaz située à sa droite, s’extirpant de la ligne de tir du chasseur TIE qui le pourchassait. Tirant fermement son manche à balai sur la gauche, il plongea à bâbord, puis se retira et effectua de nouveau une boucle. Tandis qu’il en était à la moitié de sa manœuvre, il vira à tribord et plongea, mais ses capteurs montraient que le TIE était toujours à sa poursuite.
Pourquoi les meilleurs se montrent toujours en dernier ? songea Corran en esquissant un sourire.
— Parce que les mauvais pilotes meurent en premier. Comme toi, ils avaient peut-être tous la tête dans les nuages.
Il vira de nouveau à tribord, toujours suivi du TIE.
— Whistler, passe-moi la Joie des Étoiles.
— X-Wing, ici Nootka.
— Capitaine, je suis poursuivi par un chasseur, et c’est un bon. Coupez vos boucliers et dites à votre artilleur de viser haut.
— Les boucliers viennent juste de s’activer.
— Je sais. Coupez-les.
— Je ne comprends pas.
— Faites-moi confiance.
Corran vira à bâbord, puis maintint sa trajectoire d’une main légère. Donnant de petits coups secs sur son manche à balai, il força son X-Wing à s’agiter de droite à gauche et de haut en bas de manière presque imprévisible. De temps à autre, lorsque son chasseur dérivait sur la gauche, il poussait son manche en avant, puis de nouveau en arrière et sur la droite. Ensuite, il stabilisait son engin et volait en ligne droite pendant deux secondes, avant de finalement reprendre sa danse aérienne endiablée.
Réalisant que le pilote du chasseur TIE commençait à anticiper ses mouvements, Corran effectua de nouveau une boucle et plongea droit sur une trajectoire d’interception avec la Joie des Étoiles.
— Whistler, boucliers de poupe au maximum.
Corran manœuvra son chasseur dans une descente folle. Des tirs de canon jaillirent de la Joie, passant à seulement quelques décimètres du X-Wing.
Le chasseur TIE resta sur les talons du X-Wing tandis que celui-ci parcourait la longueur de la Joie des Étoiles. Le TIE se rapprocha de sa cible et plongea en-dessous du niveau des tirs.
Il est assez bas pour tirer ! Cet Impérial est vraiment bon, sourit Corran. Je n’ai plus qu’à espérer être meilleur.
Tandis que Corran achevait sa boucle, le X-Wing dériva lentement le long de la coque de la Joie des Étoiles. Le TIE se laissa tomber derrière lui et se prépara à tirer. Les premiers tirs de blaster heurtèrent les boucliers arrière du X-Wing et firent tanguer Corran dans le cockpit. Maintenant ou jamais !
Corran coupa l’accélération et éteignit ses répulseurs à pleine vitesse. Le contrecoup le fit tanguer dans le cockpit tandis que le X-Wing bondissait en avant en s’éloignant de la masse du croiseur. Le chasseur TIE dépassa le X-Wing, remontant brusquement pour éviter de percuter la coque du vaisseau.
Corran plongea à la suite du TIE en accélérant de nouveau. Son réticule de visée devint vert. Il appuya sur la détente et arrosa le dernier TIE de tir de laser.
Les tirs d’énergie écarlates traversèrent le vaisseau, trouant son cockpit et se frayant un chemin à travers les moteurs à ions. Le TIE explosa. La sphère de plasma étincela telle une étoile se transformant en nova, puis implosa, laissant la place au vide.
— X-Wing, ici la Joie des Étoiles. Pouvons-nous réenclencher nos boucliers ?
— Affirmatif, Joie des Étoiles, répondit Corran en souriant. Capitaine Nootka, avez-vous un trajet planifié ?
— Tout à fait, X-Wing.
— Si cela ne vous dérange pas, je vais aligner ma course avec la vôtre. Après tout, je vous dois encore quelque chose après l’extracteur de débris.
— Considérez la dette payée, X-Wing, mais venez. (Corran entendit la gratitude dans la voix du capitaine Duros). Cette aventure fera une sacrée histoire, et je voudrais que vous soyez là pour la raconter.
Le Préfet Mosh Barris s’inclina gracieusement au milieu des applaudissements de ses invités. La série de brillantes explosions et le formidable spectacle de débris lumineux dans l’atmosphère supérieure avait été bien plus impressionnant que ce qu’il espérait. Si vous avez fait exprès d’arranger cela, Eamon, je vous dois bien plus de récompenses que celles que j’ai déjà prévues.
Il leva une main.
— Merci, merci à tous. Je suis heureux de constater que vous appréciez le fait d’avoir éliminé la menace rebelle de Garqi. (Barris sourit fièrement.) J’ai été l’architecte de cet évènement, mais un autre m’a aidé à le bâtir. Mon assistant, Eamon Yzalli. Eamon, où êtes-vous ?
— En effet, où est-il ?
Barris leva la tête tandis qu’une voix tranchante posait la question depuis la porte du balcon.
— Qui êtes-vous ?
Un long visage émacié apparut lentement à travers la porte, puis fixa Barris d’un regard dur.
— Je suis Kirtan Loor, Renseignements Impériaux. Vous m’attendiez ?
— Bien sûr. (Barris fit un geste vers le ciel, envoyant gicler un peu de choholl de son verre.) Vous arrivez trop tard pour voir ce qu’il est advenu des rebelles.
— Oh, je crois que je sais déjà ce qui leur est arrivé. (Les lèvres de l’officier impérial se tordirent en une grimace.) À mon arrivée dans le système, j’ai reçu un rapport de cet Eamon Yzalli. Il indique que vous aviez organisé l’évasion de l’organisation rebelle locale à bord de la Joie des Étoiles. Le rapport mentionne aussi qu’il s’agit de votre coup préliminaire dans le but d’usurper le Gouverneur Tadrin et de donner Garqi à l’Alliance Rebelle.
L’estomac de Barris se noua brusquement. Kirtan Loor lui rappelait un jeune Grand Moff Tarkin, et la ressemblance ne fit rien pour atténuer la peur qui s’immisçait dans son esprit.
— C’est faux. Cela ne se peut. Eamon doit avoir planifié tout ça. Demandez-lui, ces accusations sont fausses.
— Je lui poserais bien la question, mais je n’arrive pas à le trouver. (Les yeux bleus de Loor se rétrécirent.) Un appendice à son rapport dit qu’il craignait également pour sa vie en restant à votre service. Lorsque je suis arrivé, j’ai lu que vous aviez ordonné et vous étiez chargé de son élimination. Ce message venait directement de vous, j’ai vérifié.
— Oui, mais cela faisait entièrement partie du plan, vous comprenez ?
Kirtan Loor secoua solennellement la tête.
— Je ne saisis pas ce que vous voulez me faire croire. Ce que je vois, c’est un collaborateur rebelle qui a beaucoup de choses à me dire sur l’ennemi.
— Mais je ne sais rien à leur propos.
— J’en doute franchement, Barris. (La froideur du sourire de Loor affaiblit les jambes de Barriss et lui fit renverser son verre sur le sol.) Lorsque votre interrogatoire démarrera, vous souhaiterez en savoir encore plus, pour que vous puissiez tout me dire. Vous serez surpris de voir la quantité d’informations cachées derrière votre rien – et vous apprendrez à craindre votre punition lorsque vous feindrez l’ignorance en guise de bouclier.
Corran s’était attendu à l’air surpris sur le visage de Dynba Tesc lorsqu’elle le vit pour la première fois.
— Félicitations, Dynba. Je suis heureux que vous ayez réussi. Je m’excuse pour les problèmes qu’a pu rencontrer la Joie des Étoiles.
La lutte entre l’horreur et la joie qu’elle ressentait s’avérait amusante, bien qu’au final, elle n’eut qu’un air abasourdi.
— Vous, vous êtes mort, c’est ce que vous m’avez dit. Vous êtes Eamon Yzalli, mais ça ne se peut pas.
Corran grimaça lorsqu’il entendit la douleur dans sa voix. Il gratta sa barbe une seconde, puis soupira.
— Désolé pour la déception. Je voulais que vous croyiez que Barris m’avait tué et que vous décolliez. Je savais que les TIE se dirigeraient après vous. Je voulais vous utiliser comme diversion une fois de plus, afin que je puisse partir pendant que les TIE seraient occupés avec vous.
Une Twi’lek s’avança derrière Dynba et passa un de ses lekkus autour de ses épaules.
— Vous aviez désactivé les boucliers, les TIE ont failli nous avoir. Vous avez essayé de nous faire tuer.
— Ce n’était absolument pas dans mes intentions, soupira Corran. Je voulais vous envoyer un message qui vous donnerait le code pour réactiver les boucliers. Je voulais que Barris soit considéré responsable du dérèglement des boucliers et vous protéger, mais ce vieux fou a désactivé ma messagerie lorsqu’il a rentré son rapport concernant Eamon.
Dynba toucha affectueusement la Twi’lek à mi-hauteur.
— Arali, s’il nous avait voulu morts, il ne serait pas venu après les TIE et ne nous aurait pas donné le code. Il aurait pu s’enfuir.
— Vrai, acquiesça Corran. Exactement.
— Donc qu’est-ce que vous vouliez dire par nous « utiliser comme diversion une fois de plus » ?
— Préparer la Joie des Étoiles à s’échapper m’a permis d’obtenir les pièces détachées dont j’avais besoin pour mon X-Wing. J’ai dit à Barris qu’elles avaient été volées, mais les deux gars qui m’ont aidé à les charger les ont mises à l’arrière de mon speeder. C’étaient les pilotes des TIE, et les seuls à savoir où les pièces manquantes sont parties.
Dynba sourit.
— Les pièces détachées, bien sûr. Les vols de X-Wing fantômes ont cessé environ un mois avant que la Joie des Étoiles ne se montre et soit capturée.
— J’avais besoin d’un extracteur de débris.
— Ainsi donc, vous êtes Xéno. Vous nous avez réunis pour qu’on vole ces pièces pour vous.
— Non, je suis Corran Horn, l’un des derniers membres des Forces de Sécurité Corellienne. (Il sourit lorsque Whistler arriva en roulant et tapota affectueusement le dôme du droïde.) Ce droïde était Xéno.
Les lekkus d’Arali remuèrent de surprise.
— Un droïde a organisé notre petit groupe ?
Whistler pépia avec enthousiasme et Corran acquiesça.
— Il travaillait pour moi à la CorSec. En plus de sa programmation d’astroméc, c’est un plutôt bon craqueur de codes et il possède une certaine capacité à monter des opérations difficiles. Il allait vous faire obtenir ces pièces détachées pour moi, mais il ne l’a pas dit car il sait que je ne veux pas vraiment avoir à traiter avec la Rébellion et la Nouvelle République.
— C’est un peu tard pour cela. (Le Capitaine Nootka arriva, encadré par deux officiers de la République.) Après nous avoir aidé à nous échapper, Barris va deviner qui vous êtes, et vous allez être catalogué comme un rebelle.
— Je ne pense pas. Barris va suffisamment avoir de problèmes lui-même. (Corran sourit.) J’ai jadis travaillé avec Kirtan Loor, l’agent des Renseignements Impériaux en route pour Garqi. Cette barbe et cette teinture ne l’auraient pas dupé, donc je devais partir. C’est la raison pour laquelle toute cette opération a été organisée et vous a impliqués, vous et vos amis, Dynba. Je vous aurais bien laissé en dehors, mais je ne pouvais pas.
Elle secoua la tête.
— Vous pouvez penser cela, Corran, et vous pouvez même y croire, mais je pense que vous ne nous auriez jamais laissé affronter la colère de Barris si vous pouviez l’empêcher.
Peut-être avez-vous raison, Dynba, mais il n’y a aucun moyen de le savoir. Il acquiesça lentement.
— Loor n’est pas le plus brillant des agents Impériaux, mais il peut résoudre une affaire lorsqu’elle lui est offerte sur un plateau. Et sur le plateau que j’ai laissé derrière se trouve la trahison de Mosh Barris et le meurtre d’Eamon Yzalli. Cela devrait être clair.
L’un des officiers de la Nouvelle République pointa du doigt le X-Wing.
— Ce chasseur a descendu quatre TIE ?
Nootka tapa l’épaule de Corran.
— Il les a descendus, Capitaine Dromath.
L’autre rebelle siffla.
— Ils n’ont jamais traversé vos boucliers, soupira Corran.
— Recharger des boucliers est plus facile que trouver de la peinture pour les dissimuler.
Le premier officier acquiesça.
— Écoutez Horn, j’ai bien compris que vous ne vouliez rien avoir à faire avec la Rébellion ou la Nouvelle République, mais nous avons besoin de pilotes comme vous.
— Je ne suis pas un affilié, Capitaine. (Il secoua la tête, puis fronça les sourcils lorsque Whistler bipa.) Tout ce que je veux, c’est qu’on me laisse tranquille. Votre combat n’est pas le mien.
Dromath soupira.
— Peut-être que non, mais vous êtes suffisamment intelligent pour savoir que l’Empire ne vous laissera pas tranquille. Vous allez les combattre, tout comme vous venez de le faire sur Garqi. Si vous devez les combattre, le faire avec des alliés est mieux que le faire seul.
— Il a raison, Corran. (Dynba s’étendit et prit la main gauche de Corran.) La Nouvelle République a besoin de vous.
— Je ne sais pas.
— Ce n’est pas une décision facile à prendre, je sais, fit Dromath. Pensez-y néanmoins – j’ai eu des infos disant que l’Escadron Rogue allait être reformé et remis en service. Tous les pilotes qui pensent être assez bons pour en faire partie sont encouragés à se manifester. De ce que Nootka a dit, vous êtes assez bon pour au moins tenter votre chance.
Whistler bipa d’un air moqueur.
Corran fit passer sa main sur le dôme du droïde.
— Je suis meilleur que ça, et vous le savez. Je pourrais être l’un de leurs meilleurs pilotes. Bien sûr, j’aurais besoin d’une nouvelle unité R2.
La réplique cinglante du droïde fit rire tout le monde. Corran réalisa soudain, alors qu’il entendait leurs voix se mêler les unes aux autres, qu’il n’avait jamais entendu de rires francs durant toute la durée de sa fuite et de son service sur Garqi. Parmi les citoyens et officiels Impériaux, il y avait toujours quelque chose qui le retenait, un frein, de peur de se trahir. Les gens ne pouvaient pas se laisser aller par crainte que quelqu’un les croit malades et le rapporte aux autorités.
Il réfléchit un instant. Il savait que son désir le plus cher était qu’on le laisse tranquille, mais Dromath avait raison – l’Empire n’allait jamais le lâcher. Même s’ils ne se trouvaient pas vraiment là, même si Loor n’était pas sur ses traces, l’ombre de l’Empire serait toujours sur lui, hormis dans des lieux où il ne pourrait pas survivre.
Parmi les Rebelles. Au sein de la Nouvelle République.
— Visiblement, rester tranquille n’est pas une option, je pense donc que je vais devoir choisir ceux avec qui je voudrai cohabiter. (Corran sourit et tendit une main au Capitaine Dromath.) Si je vous ai bien compris, je pense que Whistler et moi devrions tenter de rejoindre l’Escadron Rogue.
— Ce ne sera pas facile, Monsieur Horn.
— De ce que j’en sais, Capitaine, il ne s’appellerait pas l’Escadron Rogue si c’était facile. Mais je ne recherche pas la facilité. (Il fit un clin d’œil à Nootka et sourit à Dynba.) Rappelez-vous, j’ai à peine quitté un monde reculé où mon droïde a dirigé une cellule rebelle et j’ai aidé des ennemis de l’état à fuir, tout en complotant pour faire chuter le préfet militaire. Après ça, le seul endroit où je trouverai suffisamment d’excitation pour convenir à Whistler, c’est bien avec ces gens qui ont deux Étoiles Noires à leur actif. Si j’en voulais moins, je rejoindrais la Marine Impériale en pensant que c’est un bon choix de carrière.
Barris réalisa, au moment où les gardes le menaient vers la pièce d’interrogation, que ses oreilles avaient été aussi sourdes aux protestations de Dynba Tesc que celles de Loor allaient l’être aux siennes. L’ironie le frappa lorsqu’il se rendit compte que sa descente aux enfers avait commencé lorsqu’il n’avait rien fait sur un monde reculé, et qu’elle se terminerait parce qu’il ne savait rien sur une autre planète reculée. Il chercha à partager cette vision avec les hommes à ses côtés, mais il garda seulement dans la gorge un rire saccadé ponctué.
Et d’une certaine façon, il savait qu’ils comprenaient.