VII
Tsiao Tai rencontre une déesse ; son maître est attaqué par un héron.
Dès qu’il eut ouvert les yeux et constaté que le soleil était levé, Ti frappa à la cloison pour avertir les ronfleurs d’à côté qu’il ne dormait plus. Alors qu’il s’attendait à l’entrée d’un valet chargé du plateau de sa collation matinale, comme c’était le cas chez lui, il eut la déplaisante surprise de voir surgir le balafré du censorat, muni de son inévitable recueil de proverbes moisis. Par bonheur, la fréquentation assidue de Confucius engageait les mandarins à une patience presque céleste. Il subit la litanie d’une oreille distraite, en tâchant de deviner de quoi pouvait bien se composer le déjeuner servi dans cette auberge.
— « Autant l’enquêteur suivra à la lettre les recommandations de ses supérieurs, autant il se gardera de se fier aveuglément aux dires de ses subordonnés : la hiérarchie sociale reflète celle de l’univers, elle doit être respectée en toute occasion. Jamais on n’a vu le moucheron se conduire plus sagement que l’araignée qui le dévore. Lapin et renard peuvent avoir la même fourrure, c’est toujours le même qui l’emporte sur l’autre. »
Au terme de cette illustration poétique de la vie judiciaire, Ti congédia son lecteur, que les lieutenants furent étonnés de voir une fois encore quitter vivant les parages de leur patron.
Ti les envoya glaner des renseignements sur le fuyard ou, à défaut, sur les émissaires du censorat mystérieusement évanouis. Il se demandait si l’ancien directeur de la police n’avait pas mis la main sur une fortune assez considérable pour lui permettre de stipendier ses poursuivants. Dans ce cas, Ti devait s’attendre à recevoir ce même genre de proposition. Ce serait l’occasion de mettre la main sur leur proie. Combien fallait-il pour circonvenir un soldat de la garde ? Les magistrats n’avaient pas tous la chance de disposer comme lui de serviteurs incorruptibles.
Le serviteur incorruptible répondant au nom de Tsiao Tai parcourut les rues de Liquan jusqu’aux limites de la ville. Il acheta en chemin des galettes fourrées et des crêpes salées à différents vendeurs ambulants, et en profita pour les interroger. Nul ne savait rien. Ce n’était pas une ville d’honnêtes gens, mais une réunion de sourds-muets. C’était à croire que les renseignements du censorat étaient erronés et que ses envoyés avaient pris une autre route.
Il trouva en revanche, en fin de parcours, quelque chose de beaucoup plus intéressant qu’un gros directeur corrompu ou qu’un soldat puant la sueur.
La dernière maison avant les champs était une petite ferme proprette, bâtie autour d’une cour pleine de volatiles. L’œil exercé du policier y vit la marque évidente d’une femme : des fleurs poussaient le long du mur, de jolis lampions encadraient la porte, et les fenêtres avaient été pourvues de croisillons ouvragés. On apercevait, en outre, de l’autre côté de la barrière, un délicat jardin de sable garni de rochers gris dédié à la méditation. Cet univers paradisiaque fut bientôt le cadre d’une apparition divine. Une personne d’environ quarante ans, aux formes opulentes, sortit de la grange avec une bêche. Elle s’employa à creuser un trou avec une grâce qui n’excluait pas la fermeté. Elle n’était pas de la toute première jeunesse, mais Tsiao Tai, qui avait lui-même passé depuis longtemps l’adolescence, n’avait pas de goût pour les jeunettes évaporées.
La belle personne entreprit de déplacer des pots qui semblaient peser fort lourd. N’écoutant que sa bonne éducation, Tsiao Tai se hâta d’offrir son aide.
— Je vous remercie infiniment, honorable étranger, dit la fermière. Parfois, j’aurais bien besoin d’un homme pour ce genre de tâche !
On pouvait en douter. Elle déposa l’un des pots comme s’il ne pesait plus rien.
— Vous vous débrouillez à merveille, répondit le lieutenant, qui avait un faible pour les femmes à poigne.
Il était évident que ces formes harmonieuses étaient composées de muscles. Un homme qui n’aurait pas été sous son charme aurait pu croire qu’elle avait feint d’avoir du mal pour se donner un prétexte de faire entrer cet inconnu.
Une fine pluie d’automne commençait à tomber. Elle l’invita à s’abriter sous l’auvent en attendant la fin de l’averse. Ils avaient sous les yeux le beau jardin minéral, qu’un gamin était en train de ratisser avec soin. On avait installé, sur le côté, un petit autel consacré aux âmes des défunts. La fermière, qui se nommait Bu Jiao[19], expliqua qu’il s’agissait d’un des trois enfants que ses maris successifs lui avaient laissés avant de rejoindre les mânes de leurs ancêtres. Une fillette de douze ans leur apporta le thé. Tsiao Tai s’assit sur un banc, à côté de son hôtesse, un bon endroit pour admirer ses charmes. En plus de ses mains potelées, son vêtement dévoilait un bras adorablement rondouillard, promesse de formes généreuses. Il avait l’impression d’approcher la déesse de la maturité en personne.
La déesse soupira. Elle regrettait de ne pouvoir s’appuyer sur un bon et vigoureux mari. Les enfants étaient encore petits. Elle avait eu un valet, dont elle précisa par souci de pudeur qu’il dormait dans l’annexe. Encore avait-elle dû le chasser, car il buvait !
— Mais je vous ennuie, avec mes histoires, ajouta-t-elle. Je sais que vous travaillez pour un riche marchand. Ma vie doit vous sembler bien terne !
Tsiao Tai se dit que les nouvelles allaient vite, à Liquan. Il craignit que la position d’escorte pour commerçant ne le mît guère en valeur. Si elle voulait de l’excitant, il allait lui en donner.
— Pouvez-vous garder un secret ? demanda-t-il.
Il lui confia qu’il était en réalité le bras droit d’un très puissant fonctionnaire de Chang-an, venu arrêter un dangereux criminel. La belle Jiao était captivée. Comme ils terminaient leur thé, elle poussa un petit cri. Une espèce de clochard les guettait depuis la rue, appuyé à la barrière.
— C’est lui, ce fou de Ren, mon ancien valet !
Dépité, ivre la plupart du temps, il errait constamment aux alentours. À deux reprises, il avait franchi la limite de sa propriété, armé d’elle ne savait quelles intentions néfastes. La déesse avait de la peine.
Tsiao Tai s’indigna qu’un malotru se permît de pénétrer chez une femme seule, bien que celle-ci n’eût guère l’apparence d’une victime. De fait, Jiao l’avait poursuivi jusque chez le juge et n’avait pas hésité à dénoncer le harcèlement dont elle était l’objet. Malheureusement, leur magistrat, une bonne pâte, s’était contenté de lui infliger une amende qui n’avait servi à rien.
— C’est un dangereux dément à enfermer au plus vite ! assura-t-elle en pressant de ses doigts gracieux le bras musclé du lieutenant.
Il fallait faire quelque chose pour cette faible femme. Tsiao Tai décida d’aller raisonner sur-le-champ le mauvais serviteur. Cette conduite inexcusable ne pouvait avoir qu’une seule explication : Ren-le-fou était amoureux de son ancienne patronne, au mépris des préventions de classes qui fondaient la société chinoise. Il en conçut lui-même une certaine jalousie qui l’aiguillonna.
Quand Ren vit ce robuste gaillard se diriger vers lui d’un pas décidé, il commença par reculer, puis prit carrément la fuite, ce qui démontra qu’il n’était pas si soûl qu’on le prétendait. Tsiao Tai avait l’habitude de courser les bandits. Il le rejoignit en quelques enjambées et lui tomba sur le poil, à moitié pour l’impressionner, à moitié par colère. Ils roulèrent tous deux dans la boue laissée par la pluie.
— Larve infecte ! rugit-il en empoignant sa proie par le col.
— Ne me tue pas ! supplia l’ancien valet. Elle te tuera, toi aussi !
Cette assertion dépourvue de sens confirma au lieutenant que le valet avait perdu l’esprit. Comment osait-il tenir de tels propos sur la fleur délicate qu’il venait de quitter ? Il relâcha son étreinte. Pour avoir longtemps fréquenté le tribunal du juge Ti, il savait que la folie était la seule circonstance atténuante admise par le code des Tang. Aussi devait-il s’abstenir de l’assommer, mais se contenter d’une sévère réprimande.
— Elle n’aurait pas dû me congédier, reprit Ren-le-fou en frottant ses membres endoloris par le contact avec la masse de chair qui leur était tombée dessus. Je sais trop de choses. Et si je parle…
Tsiao Tai se mit à le secouer comme un sac de noix.
— Eh bien, parle ! Ou cesse tes médisances ! C’est un crime contre la loi !
Il s’avançait un peu, d’autant que son patron n’était pas en charge de cette ville. Dès qu’il l’eut lâché, Ren-le-fou s’enfuit. Le lieutenant renonça à le poursuivre. Il espérait que sa semonce avait porté, et surtout que ce dément aurait la bonne idée de s’en plaindre à la belle Mme Bu. Si elle apprenait comme il prenait à cœur ses intérêts, peut-être aurait-elle la bonté de lui montrer l’étendue de sa reconnaissance ?
Tsiao Tai n’était pas le seul lieutenant du juge Ti dont une femme occupait les pensées. Ma Jong en avait une à l’esprit, lui aussi. Alors qu’il sollicitait une chambre plus éloignée de celle de son compère, dont le ronflement évoquait parfaitement l’ours endormi de l’enseigne, on lui avait répondu que le premier étage avait été loué en entier par une dame de haute noblesse qui ne souhaitait pas être dérangée. C’était, disait-on, la veuve d’un puissant fonctionnaire de la capitale, qui voyageait incognito en compagnie d’une domesticité réduite. L’aubergiste était néanmoins parvenu à apprendre de sa suivante qu’elle avait été la Principale du duc de Belle-Vallée, grand personnage récemment décédé au service de Leurs Majestés. Elle avait obtenu l’autorisation de quitter la cour de l’impératrice, qu’elle fréquentait quotidiennement, pour se rendre au chevet d’une parente malade, de l’autre côté de la montagne.
— Le duc de Belle-Vallée ? dit le mandarin quand Ma Jong lui eut répété ce discours. Jamais entendu parler. Un nom inventé, certainement !
L’apparition de cette aventurière était terriblement louche. Malgré tous leurs efforts, il leur fut impossible d’approcher de la suite où la voyageuse s’était installée. Le moment était propice à l’élaboration d’un de ces plans habiles qui étaient la spécialité du magistrat. Ils contournèrent l’établissement. Dans la ruelle adjacente gisaient de vieilles potiches en terre cuite de production locale, du genre que l’on voyait partout en ville. Ils les entassèrent les unes sur les autres jusqu’à former une sorte d’échelle branlante. Tandis que le mandarin soutenait de son mieux l’assemblage, Ma Jong se hissa à hauteur d’une fenêtre de l’étage pour tâcher d’apercevoir la suspecte.
Il la vit en effet, assise sur son kang. Elle lisait, vêtue d’une belle robe de brocart épais. Ses cheveux étaient noués en un agencement compliqué, à la mode des femmes fortunées.
— Oh ! C’est une honte ! s’écria l’homme de main.
— Quoi donc ? demanda Ti, qui avait du mal à tenir les potiches ensemble, étant donné le poids considérable d’un lieutenant qu’il regrettait d’avoir si bien nourri.
— Elle a obtenu le meilleur lit de l’auberge ! Avec des draps propres et des couvertures ! On m’avait dit qu’il n’en restait plus ! L’argent compte davantage que le mérite, de nos jours !
Ti voulut lui ordonner de se concentrer sur le sujet de leurs efforts. Joignant le geste à la parole, il lâcha son tas de vieux pots, qui connut immédiatement une inclinaison fatale à l’usage qu’ils en faisaient. Ma Jong s’effondra avec eux, au risque de se cogner durement sur le sol si son patron n’avait amorti le choc. Ti n’avait pas compté parmi les risques de son métier celui de recevoir un énorme postérieur tombé du ciel.
— Ma conviction est faite, seigneur ! affirma Ma Jong dès qu’il fut sur ses pieds. Il s’agit d’un homme déguisé ! Il est bien trop gauche et hommasse pour passer pour une vraie femme !
L’hypothèse était intéressante. Il pouvait s’agir d’un allié du malfaiteur qu’ils pourchassaient, ou même du directeur en personne, caché sous un habile déguisement. Dans ce cas, leur enquête avait des chances de s’achever très vite. Il fallait en avoir le cœur net avant qu’il ne leur file entre les doigts.
Ils retournèrent à l’intérieur, montèrent l’escalier et, puisqu’on leur avait refusé l’accès à l’étage, ils en ouvrirent la porte sans s’annoncer. L’heure n’était plus aux finasseries, leur enquête justifiait toutes les audaces, et les membres endoloris du mandarin ne le mettaient pas d’humeur très conciliante.
La première pièce était vide, hormis les coffres à vêtements déposés sur le dallage. Ti s’était attendu à ce que leur raffut attirât du monde. Nul ne vint. Le seul indice d’une présence fut un frôlement dans la chambre attenante. Ti mit un doigt sur sa bouche et poussa doucement la porte.
À peine eurent-ils pénétré dans cette salle que les coups se mirent à pleuvoir sur leur tête. Embusquée derrière la porte, une domestique leur jetait à la figure tous les meubles et objets qui lui tombaient sous la main. Avant qu’ils n’aient pu reprendre leurs esprits, ils furent assaillis par un autre genre de typhon. Des pieds et des poings s’abattirent sur eux à un rythme si soutenu qu’ils ne purent d’abord définir si leurs agresseurs étaient au nombre de dix ou de vingt. Il leur fallut quelques instants pour voir qu’il s’agissait d’une femme toute seule.
— Que vous disais-je, noble juge ? couina Ma Jong. C’est un homme !
Leur assaillant s’interrompit soudain.
— Ti Jen-tsie ?
Le commissaire-inspecteur abaissa le bras dont il se protégeait le visage. Force lui fut de constater, malgré un maquillage et une toilette plus élaborés que de coutume, que sa Première se tenait devant lui, dans la position dite du « héron », sur une jambe, genou levé, pointe du pied tendue, une attitude qui autorisait des frappes rapides à répétition. Pour sa main droite, elle avait adopté la technique dite du « couguar », qui en faisait une arme redoutable. Son mari se souvint qu’elle avait pris des leçons auprès de nonnes, lors d’un séjour dans une communauté bouddhiste[20], mais il avait pensé, jusque-là, qu’il ne s’agissait que d’innocentes parades défensives.
Tandis que la suivante l’aidait à remettre de l’ordre dans sa toilette, tout en se confondant en excuses plus humiliantes encore que les coups de tabouret qu’il avait reçus, il pria sa Première de lui expliquer par quel miracle elle se trouvait sur les lieux de son enquête.
— Cela me paraît évident, seigneur : je suis venue vous aider.
Il lui demanda depuis quand les magistrats de l’empire avaient besoin de l’assistance de leurs épouses.
— Depuis qu’ils mettent en péril l’avenir de leur famille par des missions dont ils ont peu de chances de sortir victorieux, répondit-elle placidement.
Elle avait eu le temps de se préparer à l’entretien. Elle se déclara heureuse de le trouver encore en vie. De fait, il commençait probablement à dépasser la moyenne de survie de ceux qui l’avaient précédé.
— Le plus dur est derrière moi, dit-il avec ironie. Maintenant que vous êtes là, mon succès est assuré !
Satisfaite de le voir dans des dispositions moins revêches qu’elle ne l’avait craint, elle l’invita à prendre une collation. Ils s’installèrent de part et d’autre d’une petite table qui avait retrouvé sa place sur le sol et échangèrent des amabilités devant Ma Jong, qui remettait de l’ordre dans la pièce. La petite suivante engagée pour le voyage commanda quelques plats, que le personnel de l’auberge monta de la cuisine. La conversation se déroula à mi-voix, avec autant de raideur que s’ils se rencontraient pour la première fois. Il contempla le décor ; elle était beaucoup mieux logée que lui.
— Vous avez loué tout l’étage ! s’offusqua-t-il. Veuve d’un haut magistrat, hein ? Votre place est dans notre demeure de Chang-an, avec nos enfants !
— Ma place est partout où je puis m’assurer que nos enfants ne seront pas vendus comme esclaves à la suite d’une mission manquée.
Il s’aperçut qu’elle portait ses plus beaux bijoux, notamment ses bracelets de jade à incrustations d’or.
— Êtes-vous folle ! Voyager avec vos joyaux !
— Il fallait bien soutenir noblesse. Et puis, ils ne risquent rien, puisque c’est vous qui assurez désormais ma sécurité.
Elle était venue dans une voiture de louage, sorte de petite boîte à deux roues tirée par deux chevaux.
Un cocher les avait menés tandis qu’elle se tenait dans l’habitacle avec sa suivante. Une horrible appréhension s’empara du magistrat :
— Dites-moi, êtes-vous passée par la forêt qui s’étend au-delà de la porte monumentale ?
— Un endroit magnifique ! Nous ne nous sommes pas arrêtés, il faisait trop humide. J’ai ordonné au cocher de pousser ses animaux pour arriver ici avant la nuit.
Elle ne savait pas à quel point elle avait eu raison. Ti éprouva a posteriori une terrible peur qui se mua en colère contre l’inconsciente. Il tâta entre deux doigts la superbe étoffe dont elle était parée.
— Où vous êtes-vous procuré ces habits ?
D’après son ton, il semblait craindre qu’elle n’eût endetté la famille pour plusieurs générations.
— J’ai dû emprunter quelques tenues décentes à des amies. Je n’ai rien d’aussi correct dans mes coffres, vous le savez bien.
— Vos amies savaient-elles que vous comptiez promener leurs brocarts dans des régions dangereuses ?
Ma Jong lui apporta un message du sous-préfet.
« Nous fêterons aujourd’hui les Neuf Empereurs. Après la cérémonie officielle, Ning Yutang compte sur la présence du « marchand de grains » dans son yamen pour un banquet offert aux notabilités. »
Il était difficile de refuser une seconde fois sans être impoli. Ce serait l’occasion de rencontrer les personnalités locales.
Ti décida d’aller fureter en ville en attendant l’heure des agapes. Il hésita un instant à laisser Ma Jong devant la porte de son épouse, au cas où quelque danger surviendrait. S’il se fondait sur leurs retrouvailles, elle avait moins besoin de protection que lui. Aussi fit-il signe à son lieutenant de l’accompagner.
Comme ils traversaient le vestibule, l’aubergiste héla le « marchand de grains » du plus loin qu’il le vit. Sur un ton à peine poli, il rappela qu’il tenait un établissement correct : il ne s’agissait pas de séduire les voyageuses sans défense. Ses employés avaient dû lui rapporter le souper fin entre la duchesse et le commerçant. Ti fut tenté de rétorquer qu’il n’avait nulle envie de séduire cette personne, par ailleurs pourvue de tous les moyens de défense imaginables.
— Ne craignez rien, répondit-il. J’ai fait vœu auprès du Bouddha de ne pas me commettre avec des femmes de mauvaise vie. Celle-ci demande trop cher, de toute façon.
— Femmes de mauvaise vie ? Trop cher ? répéta l’aubergiste, tandis que son client franchissait la porte, un sourire satisfait sur les lèvres.
Avec un peu de chance, Ti apprendrait à son retour qu’on avait fichu dehors la prostituée.