D'Un Château L'Autre
Louis-Ferdinand Céline
Gallimard (1973)

Note: ★★★★☆
Etiquettes: Littérature Française

4ÈME DE COUVERTURE

 

« En 1932, avec le Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline s'imposait d'emblée comme un des grands novateurs de notre temps. Le Voyage était traduit dans le monde entier et de nombreux écrivains ont reconnu ce qu'ils devaient à Céline, de Henry Miller à Marcel Aymé, de Sartre à Jacques Perret, de Simenon à Félicien Marceau. 

D'un château l'autre pourrait s'intituler «le bout de la nuit». Les châteaux dont parle Céline sont en effet douloureux, agités de spectres qui se nomment la Guerre, la Haine, la Misère. Céline s'y montre trois fois châtelain : à Sigmaringen en compagnie du maréchal Pétain et de ses ministres ; au Danemark où il demeure dix-huit mois dans un cachot, puis quelques années dans une ferme délabrée ; enfin à Meudon où sa clientèle de médecin se réduit à quelques pauvres, aussi miséreux que lui. 

Il s'agit pourtant d'un roman autant que d'une confession, car Céline n'est pas fait pour l'objectivité. 

Avec un comique somptueux, il décrit les Allemands affolés, l'Europe entière leur retombant sur la tête, les ministres de Vichy sans ministère, et le Maréchal à la veille de la Haute Cour. 

D'un château l'autre doit être considéré au même titre que le Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit comme un des grands livres de Céline auqel il donna du reste une suite avec Nord (1960) et Rigodon (1969). »

 

 CRITIQUE À LA MANIÈRE D’EUX

 

Ça qu’il raconte, le Ferdinand, dans son roman ! Ça ! Son séjour à Sigmaringen avec toute sa clique de capitulards ! Ah, sacré spectacle !... Imaginez un peu : onze cents réfugiés, condamnés à mort par contumace, qui se rongent les sangs dans un patelin perdu du Saint-Empire !... Et le Céline aux premières loges !... Avec la palette et le pinceau !... Un peu qu’y a matière à roman !... Ah, la belle bande de troufions ! Faut voir ça, comment qu’il les dézingue, notre plumitif en chef !... hop !... tous à la casserole ! Et le Pétain ! Et le Bichelonne ! Et le Laval ! Tous !... Raillés !... Charriés !...Traînés sur la claie !... Flagellés au knout !... Ensevelis vifs sous tombereaux d’ordures !

…Tous !... Qu’elle lui serve enfin à quelque chose, sa verve de pamphlétaire, au Père Destouches !… Au vitriol, le portrait de famille ! Là ! bien noirci le daguerréotype !... Photo souvenir : Céline derrière l’objectif…attention, le p’tit oiseau…. et vlan, v’là pour ta poire !...Vrai ! toute une tapée de peigne-culs saisie sur le vif ! D’un Otto Abetz (ancien ambassadeur d’Allemagne à Paris) complètement hystérique à un DeBrinon (secrétaire d’Etat du gouvernement Laval) raide dépressif en passant par un Pétain gâteux et ramollo… ça envoie sec ! … caricature à pleins tubes ! … Louis-Ferdinand Céline : Honoré Daumier des Lettres !

 

 Vous salivez ?... Minute ! …Y a mieux ! Car plus encore que le mordant des portraits, que le piquant de la caricature, ce qui esbroufe, ce qui bluffe, ce qui coupe le sifflard, c’est le grotesque de la situation !...Saint-Elme ! Allez pas croire une seule seconde que tous ces prestigieux pensionnaires, exilés volontaires, glorieux expatriés, se fassent le moindre souci pour leur sort !... Que non, m’sieur ! Même vaincus, archivaincus, encerclés de toutes parts et dos au mur, ils continuent de batifoler et s’entêtent à croire en une hypothétique victoire de l’Allemagne ! Les zigs mettent un point d’honneur à jouer la farce jusqu’au bout : au bord du précipice, ils poussent encore la chansonnette !... Maréchal, nous voilà !... Pas banal !... Et ça chante, et ça danse, et ça folâtre, et ça fait bamboche, et ça soupe tous les soirs dans de l’argenterie de Saxe (même si, rationnement oblige, ça bâfre du rutabaga six jours sur sept !)… pendant que les bombes de la R.A.F pleuvent dans le jardin du château de Sigmaringen et que l’armée du Général Leclerc s’approche à toute biture !

 

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