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Laids ou beaux ?
Mais comment sont donc nos ancêtres ? À quoi ressemblent-ils ? Sont-ils grands ou petits ? Gros ou maigres ? Chétifs ou ventripotents ? Élégants ou en haillons ? Sales ou parfumés ? Gais ou tristes ? Autant de questions capitales, mais dont la réponse sera parfois difficile à trouver.
Si le visage de nos rois et de nos cardinaux, comme ceux de nombre de grands seigneurs, nous sont connus, c’est qu’ils avaient eu les moyens de faire peindre leur portrait, ce qui était évidemment un luxe hors de portée des humbles, même si, un peu partout, de petits artistes sans grand talent pouvaient en réaliser pour les petits châtelains et les bourgeois. Il faudra attendre les portraits « tirés » par les photographes pour que chacun puisse avoir son image, après que Nicéphore Niepce, en 1822, eut réussi, après de très longues heures de pose, à fixer la première.
Mais le portrait photographique lui-même sera très long à se démocratiser. Les professionnels et les matériels qu’ils utilisent maintiennent les prix à des tarifs longtemps élevés. Vers 1850, le daguerréotype, ancêtre de notre « photo », coûte 50 francs, soit environ vingt jours du travail d’un ouvrier mineur. La géniale invention qui permettra alors à Disdéri, à partir d’une émulsion coulée sur une plaque de verre, de proposer une douzaine de clichés restera longtemps réservée à l’élite, puisque obligeant encore notre mineur à dépenser 20 francs, soit le salaire d’une semaine. Les photographes, évidemment, ne peuvent travailler que dans leur studio, équipé d’appareils et de décors sophistiqués, destinés notamment à dissimuler sous d’amples drapés les curieux instruments. Des instruments assez proches du carcan, que l’on a longtemps dû utiliser pour immobiliser les corps et les visages de nos arrière-grands-parents pendant les temps de pose, qui durent encore plusieurs minutes, et qui leur donnent ces allures figées et hiératiques, les suggérant généralement plus sinistres qu’ils ne l’étaient sans doute. Ce ne sera qu’avec l’apparition de la photographie au format « carte de visite », vers 1860, que la technique se répandra, bien que longtemps réservée, de fait, aux citadins, jusqu’à ce que le perfectionnement et la réduction des appareils avec des temps de pose réduits permettent aux professionnels de sillonner les campagnes. Dès le début du XXe siècle ils iront y proposer les traditionnelles photographies de mariage, montrant les invités superposés sur des chaises et des bancs, devant portes de grange ou devantures d’auberge… L’âge d’or de la photographie a commencé, et l’on voit bientôt se répandre chez les employés et les ouvriers ces beaux albums de cuir à fermoirs de cuivre ou d’argent, dans lesquels on rassemble aussi bien les portraits des membres de la famille, portraits devenus objets d’échanges, que souvent ceux des « stars » de l’époque : le duc de Morny ou le général Boulanger, Sarah Bernhardt ou Mgr Dupanloup. Si l’une de ces personnes figure dans votre album de famille, n’allez donc pas en conclure qu’elle est de votre parenté ; c’est seulement que votre arrière-grand-mère comptait parmi ses fans.
Mais le plus important n’est-il pas en fait de savoir comment était cette arrière-grand-mère elle-même ?
En réalité, pour elle comme pour tous nos ancêtres les plus récents, cela ne pose guère de problème. Leurs photographies nous les montrent, gros ou maigres, grands ou petits, évidemment très disparates, mais somme toute, au vêtement près, assez proches de nous.
Les difficultés commencent lorsqu’on veut passer à leurs propres arrière-grands-parents, ces ancêtres majoritairement ruraux, « petits et sans grades », qui n’ont évidemment laissé d’eux aucun portrait ni aucune image. Qui n’ont d’ailleurs sans doute jamais vu la leur propre. Les miroirs, dans leur monde, sont, comme on l’a noté, un luxe rarissime. Il y a bien le reflet dans l’eau des sources et des lavoirs, qui ne donne de leur visage qu’une image imprécise. Et sans doute, d’ailleurs, en est-il mieux ainsi.
Grands ou petits ? Des variations régionales et sociales
Rares sont les documents qui nous renseignent sur le physique de nos ancêtres, du moins avant que ne soit instauré le service militaire, dont les archives ne concerneront évidemment que les hommes…
Le conseil de révision les fait en effet régulièrement passer sous la toise, une formalité des plus importantes puisqu’une taille minimum a été fixée pour les garçons destinés à porter les armes. En 1701, une ordonnance de Louis XIV l’avait arrêtée à cinq pieds et deux pouces (soit 1,67 m) pour un fantassin et cinq pieds et quatre pouces (1,73 m) pour un cavalier. Mais la taille du fantassin avait été abaissée à 1,59 m en 1799, pour les besoins de la défense nationale, époque où le futur capitaine Coignet, sur les conseils du général Davout, n’avait pas hésité à glisser un jeu de cartes dans ses bas afin de mieux tromper. La Restauration la portera à 1,57 m en 1818 et même à 1,54 m en 1830. C’est l’époque où les recrues, qui doivent désormais se présenter en tenue d’Adam, pour mieux éviter les tricheries à la Coignet, sont souvent mesurées couchées à terre, posture que le ministre de la Guerre déclare « inconvenante et non propice à la rigueur de la mesure ». On imposera alors la toise debout, et la taille minima ne cessera de remonter.
Ces formalités obligatoires pour tout homme de vingt ans ont fourni aux historiens un matériau de choix pour étudier aussi bien le degré d’instruction que le physique de nos grands-pères, leur permettant ainsi de formuler différents constats.
La même ligne Saint-Malo/Genève, que l’on a vu séparer les deux France plus ou moins alphabétisées de l’Ancien Régime, se retrouve à peu près, au XIXe, pour séparer celle des grands, au Nord-Est, de celle des plus petits (1,57 m à 1,62 m), dans l’Ouest, notamment en Bretagne, Vendée, dans les Charentes et dans les Landes, ainsi que dans le Centre et le Midi. Les plus petites tailles se rencontrant en plein cœur du massif Armoricain, mais aussi en Sologne, en Forez, en Vivarais, dans le Larzac et le Queyras. La moyenne nationale oscille autour de 1,60 m et les gars atteignant 1,70 m passent pour très grands. Une enquête réalisée, dans l’Oise, sur les hommes ayant fait, au milieu du XIXe siècle, l’objet de demandes de « recherches dans l’intérêt des familles » auprès des services de la préfecture (individus qui étaient donc le plus souvent partis sans laisser d’adresses) fait apparaître la même moyenne, avec une majorité supérieure ou égale à 1,60 m pour plus de 30 % ne dépassant pas ce seuil, ne dépassant même pas, pour certains d’entre eux, 1,53 m.
Sous l’Ancien Régime, les dépouillements des séries d’archives du contrôle des troupes, conservées aux archives de l’armée de terre, confirmeront une différence de près de deux centimètres entre les recrues alsaciennes, lorraines, flamandes et picardes et celles des provinces du Sud. En 1757, une enquête ponctuelle montre que tous n’atteignaient pas les cinq pieds requis, soit, rappelons-le, 1,62 m.
Avant cette date, les chiffres sont rares. Pour imaginer la taille de nos ancêtres des XVIIe, XVIe ou XVe siècles, on ne peut que se reporter à l’archéologie. La longueur des lits et des pierres tombales, la hauteur des armures et des chambranles de portes des anciens châteaux : tout nous confirme cependant cette impression générale de petite taille. L’ancêtre de M. Legrand, ainsi surnommé au Moyen Âge parce qu’il était le plus grand de son village, n’atteignait pas forcément 1,70 m !
Mais si les travaux cités précédemment ont pu montrer que la taille moyenne du conscrit était passée de 1,65 m en 1880 à 1,76 m en 1992, on ne saurait en conclure que l’homme a pu ainsi régulièrement grandir de dix centimètres par siècle. Cette irrésistible ascension fut à coup sûr accélérée et augmentée par les progrès de la médecine et de l’hygiène…
Il semble en effet que cette croissance soit un phénomène récent. Les hommes et les femmes du mésolithique, qui ont vécu voilà environ 10 000 ans, et ont été découverts à Trévoiec, en Bretagne, faisaient respectivement 1,59 m et 1,51 m. Il aurait donc fallu plus de huit mille ans pour que leurs descendants – ces Gaulois que Jules César décrivait comme grands – aient gagné quelques centimètres, avec des tailles moyennes pourtant estimées à 1,64 m et 1,53 m. Selon une autre statistique, les Parisiens du Moyen Âge auraient en moyenne mesuré 1,65 m chez les hommes et 1,55 m chez les femmes. Des siècles durant, la taille serait donc restée stable…
Mais pourquoi ces différences régionales, avec ces Picards et ces Lorrains plus grands que les Bretons et les Foréziens, ou que les Landais, même une fois descendus de leurs échasses ? On a évoqué l’héritage des guerriers francs, réputés de très haute stature, et qui, s’étant davantage fixés dans les provinces de l’Est, auraient influencé les patrimoines génétiques de leurs habitants… En fait, il semble que cette taille ait été essentiellement liée à la nature des sols et à la variété des aliments qu’ils offraient. Les sols pauvres des régions de montagnes, le manque de lait et de protéines animales suffiraient à expliquer les petites tailles rencontrées dans ces régions. Ajoutons à cela que des facteurs génétiques ou climatiques, tout comme certaines habitudes alimentaires, provoquaient souvent des infirmités particulières. Sous l’Ancien Régime, les recrues originaires de Picardie et d’Ile-de-France, régions dont les eaux sont plus pauvres en fluor, étaient celles ayant perdu le plus de dents, suivies par les Normands, peut-être à cause de leur consommation excessive de cidre. Les zones montagneuses, pauvres en iode, comme le Massif Central et ses pourtours, les Vosges, les Pyrénées, fournissaient les plus grandes proportions de goitreux, avec une fréquente hypertrophie de la glande thyroïde, affectant sans doute indifféremment tous les sexes et tous les âges.
Partout, les maladies de poitrine sont courantes, comme le sont en Champagne, en Bourbonnais et en Forez, les écrouelles, que les rois de France avaient le miraculeux pouvoir de guérir le jour de leur sacre. Partout, lépreux et galeux, sourds-muets, myopes et boiteux sont légion, comme partout dominent les organismes faibles, souffrant presque toujours de déséquilibres et d’insuffisances alimentaires, notamment en viandes et en laitages.
Dès lors, la nutrition et le physique varient aussi en fonction du milieu, et André Corvisier, qui a minutieusement étudié ces archives, montre que les recrues issues des classes supérieures mesurent en moyenne près de trois centimètres de plus que les paysans et trois centimètres et demi que les artisans…
Maigres ou gros ? Les « abdos
Kronenbourg »
de la princesse palatine
Sans aller jusqu’à évoquer les pauvres êtres décharnés que l’on a vu brouter de l’herbe au printemps de 1709, disons qu’une bonne nutrition est évidemment exceptionnelle. C’est elle qui, en plus d’une taille supérieure, donne aux catégories aisées, moins actives et plus sédentaires, une rondeur qui va s’accentuant au fil des âges de la vie. « Gras comme un moine » ou « comme un chanoine », « gros comme un muid » (ancienne mesure de capacité, le muid de vin faisant plus de 250 litres), « gros souffleur de boudin », « avoir la maladie de saint Bondon et les joues plates comme des boules », sont autant d’expressions synonymes de nos actuels « abdos Kronenbourg », mais qui sont presque toujours réservées aux nantis et aux privilégiés, à ceux auxquels les jours de jeûne ne pèsent pas trop. « Mangez un bœuf et soyez chrétien », tel est le slogan que mettent alors en pratique religieux et bourgeois, chez lesquels brioche et bedaine symbolisent à la fois l’opulence, la richesse et la réussite.
N’oublions pas que les grandes fêtes donnent toutes lieu à de véritables débauches alimentaires. Que ce soit à Carnaval ou les jours de mariage, le plaisir passe d’abord par la table, dont l’abondance dépend de la taille de la bourse. Le Giton de La Bruyère a « le teint frais, le visage plein et les joues pendantes (…), les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et assurée. (…) Il est riche ».
Nombre de grands affichent donc un embonpoint et des rondeurs d’obèses, les femmes plus encore que les hommes : « La grosseur, je m’en moque, je préfère la bonne table à la rigueur », disait à qui voulait l’entendre la gourmande Catherine de Médicis, à qui l’on servait coup sur coup paons, faisans, cygnes, grues, chevreaux et poulets, et qui se goinfrait sans retenue de « culs d’artichauds et de crêtes de coq ». Henriette d’Entragues, la maîtresse d’Henri IV, « n’étoit fine que d’esprit qu’elle avoit fort futé, et non poinct du corps qu’elle avoit énorme ». La princesse palatine, belle-sœur de Louis XIV, écrivant à sa tante, lui avouait : « Ma graisse s’est mal placée, j’ai un derrière effroyable, des hanches et des épaules énormes. (…) Ma taille est monstrueuse d’épaisseur, je suis carrée comme un dé à jouer (…), mais j’ai le bonheur de ne pas m’en soucier. »
Cela dit, les hommes les imitent volontiers : Haendel, Mirabeau (que l’on surnommera Mirabeau-Tonneau), Barras, Rossini, Balzac, Théophile Gautier, Courbet, M. Thiers, Alexandre Dumas, Gambetta… le « club des gros » a toujours compté des recrues de choix…
Pif, pouf, la pouffiasse !
Les expressions populaires destinées à dépeindre la maigreur ont depuis longtemps pris pour référence ce que l’on trouvait de plus fin. On était maigre comme un fil ou comme un clou. On parlait même de personnes maigres comme un cent de clou, le centième du clou.
Mais si ce « cent de clou » est clair, d’où viennent tout ces mots plus ou moins imagés et liés au physique, comme patapouf ou pif ?
Avant d’être le siège bas et rembourré que nous connaissons, le pouf avait désigné un bonnet de femme fait de plumes et de rubans et comme « pouffé », c’est-à-dire « soufflé ». Le nom avait ensuite été donné à un coussin de crin que les femmes employaient pour faire bouffer l’arrière de leurs jupes, et derrière lequel pointe évidemment l’origine de notre pouffiasse. En fait, pouffé signifiait donc tout simplement « soufflé », « enflé », « plein de vent », d’où, par croisement avec le « gros pataud », notre gros patapouf, qui semble faire son entrée dans notre langue au début de la Restauration, lorsque les bourgeois commencent justement à se distinguer par leur bedaine. L’origine des gros bouffis est quasiment la même, avec l’ancien verbe bouffer désignant le fait de gonfler les joues pour souffler, au point que c’était le terme employé pour désigner le gros soufflet de forge. Qui mangeait gloutonnement, gonflant les joues, fut donc bientôt celui qui bouffait.
Du pouf au pif, il n’y a qu’un pas. Il passe par le vieux verbe piffrer, ancêtre de « s’empiffrer », d’où le mot piffard désignant l’homme ventru. L’expression « manger comme un piffre », c’est-à-dire le nez dans son assiette, fera sans doute finalement du nez notre pif De là est venu « ne pas pouvoir piffrer quelqu’un », qui n’est que l’adaption du « ne pas pouvoir blairer », déjà tiré quant à lui de la référence au museau allongé du blaireau. Les références aux animaux sont d’ailleurs fréquentes, même si rabougri ne doit rien au rat en ce qu’il provient d’un ancien adjectif bougre, signifiant « chétif », qui n’avait rien à voir non plus avec le boulgre, venu de notre Bulgare, de si abominable réputation (cf p. 315).
Au contraire, l’homme modeste, constamment occupé par un travail physique éprouvant et mal ou parcimonieusement nourri, est maigre. Maigre et courbé, par la force de l’habitude, penché qu’il est sur son établi, la charrue ou la terre. C’est ici que le personnage de Giton offre un contraste saisissant avec les paysans qu’a décrits le même La Bruyère, « noirs, livides et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent ». Et les progrès de la médecine et de l’hygiène ne sauront guère les relever de façon réelle avant le XXe siècle. Jusqu’à une époque récente, la silhouette et l’allure générale de nos ancêtres ne sont donc guère enviables.
Solognots ou Biafrais ? Quand le kwashiorkor
africain semblait sévir en France
Rares sont les témoins qui ont pris la peine de décrire le peuple. De décrire d’ailleurs qui que ce soit. Dans ses Mémoires, Louis Simon ne décrit personne. Nicolas Rétif, lorsqu’il raconte, en 1779, la vie de son père, ne décrit pas davantage ce père, le personnage principal de son livre, qu’il ne décrit ses grands-parents, sa mère ou ses frères et sœurs. L’idée ne semble pas même lui en venir… Pourquoi ? Parce que l’homme est à l’image de Dieu, et que le décrire est tabou ? Non, sans doute, mais lorsqu’il vante les mérite du vieux maître d’école de son village et s’apprête à en faire le portrait, Rétif choisit de ne « peindre le vénérable maître que par ses actions ». N’est-ce pas par elles que l’homme se rapproche de Dieu ? La seule description physique de son récit concernera un personnage secondaire, le premier garçon de charrue de la ferme paternelle, Germain, dont il nous dit qu’« il avait l’air véritablement tudesque : c’était un gros homme, dont la face, sans être grasse, était haute et large d’un demi-pied ; il avait une force incroyable, et malgré cela on voyait répandue sur sa physionomie une certaine bonté qui rassurait ».
Voilà certes un homme de basse condition, mais qui – manque de chance – semble faire exception à la règle… Germain est loin, en tous les cas, de ressembler aux habitants de Sennely-en-Sologne que le prieur du lieu, Christophe Sauvageon, décrit ainsi au début du XVIIe siècle : « Un chétif peuple (…). De basse stature, tout courbés, ventrus, jaunes et safranés, infirmes et de petite complexion, ne vieillissant point (…), sujets aux ulcères aux jambes, n’ayant ni poitrine ni poumon (…). Ils n’ont pas plutôt atteint l’âge de dix ou douze ans qu’ils deviennent bruns et plombés, ont tous de grandes et larges dents claires et mal rangées, qui leur font souvent mal et leur tombent, tant aux hommes qu’aux femmes, avant la vieillesse. Leur taille est courte et courbée, leur voix frêle et mal propre au chant. » Un physique pitoyable, qui va se maintenir, puisque confirmé par deux témoignages postérieurs : un premier, en 1776, à l’époque même où Rétif rédige ses écrits, insiste sur « une figure pâle et jaunâtre, une voix faible, des yeux languissants, un gros ventre, une taille au-dessous de cinq pieds, une démarche lente ». Un second, en 1822, reprend cette description en insistant sur les membres grêles et les corps prématurément voûtés, et sur les enfants, remarquables « par la grosseur de leur ventre, parfois accompagnée de la bouffissure de la face et presque toujours d’un état de langueur ».
La Sologne était-elle un cas extrême ? Il faut reconnaître que sa population conservera longtemps sa réputation de « race chétive », peut-être en raison du côté insalubre et malsain du pays, son mauvais climat, ses cultures et ses productions médiocres exposant ses habitants à une sous-alimentation chronique. Il n’empêche que lorsque Louis-Sébastien Mercier décrit les portefaix parisiens de 1790, prêts à porter les plus lourds fardeaux pour les commerçants et à effectuer les déménagements des habitants de la capitale, il en fait une description assez voisine : « Vous croiriez que ces hommes ont une taille au-dessus de la commune, des couleurs vermeilles, des jambes fortes et de l’embonpoint ; non, ils sont pâles, trapus, plutôt maigres que gras ; ils boivent beaucoup plus qu’ils ne mangent », ajoutant plus loin que, de façon générale, « le peuple est mou, pâle, petit, rabougri ». À la même époque, les paysans du Bugey sont dépeints avec « un teint pâle et livide, un œil terne, des épaules et le thorax étroits, une démarche traînante », notre observateur soulignant que les rides sont nombreuses sur le visage des jeunes, qu’ils sont vieux à trente ans et décrépits à quarante. Les populations des massifs alpins, décrites par Balzac sous la Restauration comme « faibles, pâles et maladives », offrent presque trait pour trait ceux de nos Solognots, et les paysans qu’il met en scène dans son œuvre présentent tous les traits caractéristiques que nous leur connaissons.
Une chose frappe à la lecture de ces portraits : l’aspect à la fois maigre et ventru – un contraste de plus – qui ne va pas sans rappeler le petit Biafrais des années 70, et nous conduit à diagnostiquer le kwashiorkor, maladie fréquente dans certains pays sous-développés d’Afrique, due à une grave malnutrition protéino-calorique.
Nos ancêtres avaient-ils la frite, avec ou sans remède de bonne « fame » ?
Nos ancêtres avaient-ils la frite ? Certainement pas ! Cette expression est récente, née dans le langage des sportifs et se situe dans le sillage d’avoir la pêche, à la différence que si cette pêche est un coup « violent et lourd », la frite est, elle, un coup « rapide et soudain ». Faire une frite à un copain, c’est lui cingler prestement la fesse de haut en bas. À tout prendre, nos ancêtres, ignorant les frites en tout genre, préféraient se dire « solides comme le pont-Neuf ».
Au contraire, qui n’était pas en forme se disait volontiers mal à cheval ou mal dans son assiette, l’assiette ne désignant pas ici la pièce de vaisselle, mais l’« assise », selon le sens qu’elle a conservé en matière d’impôt, venu du verbe seoir, faisant dire qu’une ferme était « sise » sur le territoire de telle commune. Était donc mal dans son assiette qui n’avait pas bonne assise, autrement dit pas bon équilibre, celui-là même qui risquait, éventuellement, de tomber dans les pommes, sans que l’on ait d’ailleurs, avec cette nouvelle expression, davantage de pommes que tout à l’heure de frites. À l’origine, on tombait en fait dans les pâmes, ou encore en pâmoison, se pâmant sous l’effet d’un spasme convulsif, sans le moindre sac de pommes pour amortir la chute…
Il ne restait dès lors qu’à reprendre du poil de la bête, en référence au fait que pour guérir les morsures d’animaux, on avait l’habitude de prendre des poils de la bête ayant mordu pour les appliquer sur la plaie. C’était là, disait-on, un remède souverain, un de ces remèdes de bonnes femmes qui n’étaient à l’origine que de bonne fame, d’après un vieux mot forgé sur le latin fama, désignant la réputation. Un remède littéralement fameux, même s’il avait parfois un goût « infâme »… Car fameux, à l’origine, n’avait nullement le sens de « savoureux », mais uniquement celui de « célèbre, réputé », d’où nos lieux mal famés et notre diffamation. Ce qui était bon à manger, comme ce qui était agréable à toucher, à sentir ou à regarder était autrefois dit savoureux, terme que l’on employait aussi bien pour un plat que pour un tissu ou un charmant minois.
Revue de détail :
quand le Roi-Soleil ouvrait la bouche…
Ce qui a le plus frappé nos témoins, tous issus des classes dominantes, semble cependant avoir d’abord été le teint : un teint plombé et « livide », ce mot étant ici pris dans son sens originel. Tous le remarquent : lorsque Rétif rend visite, à Paris, aux anciens amis qu’il y fréquentait lorsqu’il avait une vingtaine d’années, ceux-ci ne peuvent le reconnaître sous ses traits de paysan : « Edmond, jeune et frais douze années auparavant, avait le visage et les mains brûlées par le soleil. » Un siècle plus tard, la fermière du Médecin de campagne est « parcheminée comme une Esquimaude, du fait d’un genre de vie harassant qui sénilise avant l’âge ».
Détaillons le visage : la bouche – même des jeunes –, est, quand elle a encore des dents, un conservatoire de chicots qui pourrissent et tombent vite. Le tartre qui s’y accumule donne une haleine souvent fétide. On sait que tout auguste qu’elle ait été, celle de Louis XIV était irrespirable à qui s’en approchait. Le dentiste n’existe pas. La brosse à dents non plus. Les dents cariées pourrissent inexorablement, jusqu’à ce que le barbier-chirurgien se charge d’extraire des chicots verdâtres, évidemment sans anesthésie ni désinfectant, avec une simple « clé de Garangeot ». Au début du XXe siècle, l’arracheur de dents passait encore dans les foires bressannes pour y opérer en public, accompagné du garde champêtre couvrant les cris du patient par des roulements de tambour… Le prieur solognot qualifie les voix sortant de ces bouches « d’articulées et impropres au chant », ce qui ne saurait être autrement chez ces pauvres êtres édentés et goitreux.
Les yeux sont petits et souvent très rentrés. Colporteurs et marchands ambulants proposent des lunettes qu’ils vont fourguer aux mal-voyants, sans que ceux-ci aient au préalable subi le moindre examen ophtalmologique. Dans un étonnant bric-à-brac, chacun choisit donc des montures et des verres, qu’il partagera parfois avec sa femme, son frère et son domestique.
Les cheveux : ceux des hommes sont plutôt longs. Ce n’est qu’en 1796 que Bonaparte fera couper les siens, pendant la campagne d’Italie, et deviendra de ce fait le « petit tondu ». À la campagne, cette mode ne sera guère suivie avant la guerre de 1870 et la fin du XIXe siècle. Longtemps, les anciennes générations continueront à porter barbe, favoris et cheveux longs. Côté femmes, les cheveux sont longs, sauf à les avoir fait couper pour les vendre, comme on l’a vu, aux perruquiers. La décence, enfin, veut que ces cheveux soient cachés, par une coiffe ou un chapeau, la seule expression de « femme en cheveux », contenant encore, au début du XXe siècle, le plus profond mépris pour celle ayant osé se montrer ainsi en public.
Quand les perruques enlevaient la farine de la bouche des pauvres !
Pourquoi diable n’y a-t-il « qu’un cheveu sur la tête à Mathieu » ? Sans doute parce que Mathieu est une déformation, par contraction, de Mathusalem, mort si vieux et donc si chenu (blanc à la fois de barbe, de poils et… de cheveux) qu’il ne devait pas lui en rester beaucoup.
Le peu de cheveux a toujours été ressenti comme un signe d’indigence générale, au propre comme au figuré : il n’est qu’à penser à l’expression « un pelé et trois tondus », où le pelé était le chauve, et les tondus les moines… Qui n’avait plus de cheveux en souffrait souvent, même s’il était autrefois « né coiffé ».
Les cheveux ont toujours beaucoup compté, comme en témoignent encore de nombreux patronymes, non seulement les Blond, Leblond, Blondin, Blondet et Blondeau, non seulement les Brun, Lebrun, Brunet ou Bruneau, les Roux ou Leroux, Lerouge, Rousseau ou Rousselet, mais encore les Blancs et les Leblanc, Blandin ou Bianco, leurs homologues Chenu, Canut ou Weiss (alsacien), comme les Chauvin, Chauvet, Calvet, Cauvet, Cauvin ou les Le Moal bretons…
Les cheveux comptèrent parmi les premiers soucis de nos ancêtres. Au XVIe siècle, hommes et femmes prirent d’abord l’habitude de les poudrer, selon la mode lancée par les mignons d’Henri III, alors même que le clergé tonnait contre ces gens arrivant à l’église « poudrés comme des meuniers ». Les plus riches usaient de poudre d’Argentine, les plus pauvres se contentant d’en fabriquer à partir de bois pourris. Les aristocrates passèrent bientôt à la farine, en consommant autant pour leurs cheveux que pour leur estomac, ce qui fera dire que la farine utilisée à cette fin sous Louis XVI aurait suffi à nourrir dix mille pauvres ! Les coiffeurs proposaient alors aux gens chic des accomodages, opérations au cours desquelles ils aspergeaient leur crâne de farine, lors de désagréables séances que l’on subissait protégé par un peignoir et la tête cachée dans un cône en carton. La mode des perruques se répandit dès 1660 dans tous les milieux aisés ; certaines pesaient parfois jusqu’à un kilo ! Une manne pour les jeunes filles qui, comme en Limousin, décidèrent de laisser pousser leurs cheveux afin de les vendre pour se constituer une dot. Une source de profit à peine tirée par les cheveux…
La barbe, dès le XVIIe siècle, est en principe rasée, plus ou moins régulièrement et plus ou moins complètement. La conserver est souvent un signe de deuil, et la moustache connaîtra surtout du succès chez les soldats de l’an II et dans les armées impériales. En ville, le rasage est assuré par les barbiers. À la campagne, on se débrouille comme on peut, sans savon et pratiquement sans eau… Le rasage de près est un élément de la tenue « du dimanche » et des jours de fête.
Les 212 lavements de Louis XIII
et autres remèdes curieux
Il n’est pas question d’écrire ici l’histoire de la médecine et de sa longue et lente évolution, qui a longtemps laissé nos ancêtres à la fois si démunis et dépendants, ne pouvant guère que s’en remettre soit aux doctes Diafoirus caricaturés par Molière, soit aux sorcières et rebouteux soit enfin à Monsieur le Curé et à ses saints. Les premiers les soignent en latin, les deuxièmes avec des tisanes de plantes cueillies la nuit de la Saint-Jean d’été en marchant à reculons pendant que la cloche de l’église égrène les douze coups de minuit ; les curés notent des recettes dans les pages de leurs registres baptismaux et les saints, enfin, se montrent évidemment toujours prêts (si Dieu veut bien les entendre) à intervenir pour le prix du cierge que le malade leur aura fait brûler…
Parler de la médecine, c’est évoquer une fois de plus la foi et la naïveté qui se conjuguent alors avec la méconnaissance totale des maladies et l’impossibilité d’émettre des diagnostics corrects et fiables. Nombre de nos ancêtres sont d’abord victimes d’accidents, à commencer par les coups de sabots de leur bétail. Beaucoup ont la coulique, et plus encore souffrent de « fièvres » volontiers qualifiées de « malignes » ou « intermittentes » et dites « tierces » ou « quartes », selon qu’elles connaissent une recrudescence tous les trois ou quatre jours. Ces fièvres sont le plus souvent de nature paludéenne, dues à l’humidité du climat ou des intérieurs ou aux lieux marécageux où l’on travaille (les chantiers de Versailles provoqueront des hécatombes, comme plus tard, en certaines régions, ceux ouverts pour la construction des chemins de fer). Appelée en Champagne l’éberluche, cette fièvre des marais s’attrape souvent en été, à la suite d’un banal chaud et froid.
Parler de la médecine, c’est aussi rappeler les maladies qui terrorisent nos ancêtres : la lèpre, qui fut pour les hommes du Moyen Âge l’équivalent de notre cancer ; la peste, qui a ravagé tant de villages, et dont on redoute la contagion. En 1598, « noble et spectable » Jacques Vincent, conseiller du duc de Genevois-Nemours, dicte son testament à son notaire « estant aux fenestres de sa mayson située en cette ville d’Annessy, en la rue du Pasquier Mossière, malade de son corps, soubsoné de maladie contagieuse » et lègue justement à la ville la belle somme de 240 florins, « pour fere un bastiment a loger les pestiférés ».
Parler de la médecine, c’est évoquer de nouveau les figures du chirurgien et de l’apothicaire. Si contre la coulique, la resette du curé de Vacqueyras, dans le Vaucluse, dit qu’il « faut avoir six grains d’olives de laurier et les piller avec lescorse d’orange, avec du girofle (…), muscade et canelle singimbre et le tout bouillir a demi avec du bon vin », on soigne les otites en mettant des orties dans ses souliers, on calme les brûlures avec des feuilles de noyer confites dans de l’huile, on combat les rages de dents en buvant des tisanes de pavot.
Dépendants de la nature et familiers des animaux, nos ancêtres y puisent par ailleurs souvent directement leurs remèdes, soignant la coqueluche avec du sirop d’escargot, ou cherchant, toujours selon leur bonne logique, à transmettre à l’enfant malingre un peu de la force du taureau en le plongeant dans un bon bain de sang de bœuf.
Les excréments d’origine animale ont également longtemps passé pour fournir des médecines efficaces. Comme l’antique Galien, pour diminuer tumeurs et furoncles, avait recommandé des cataplasmes de crottes de chèvre, mélangées à de la farine d’orge, la fiente de bœuf ou de vache, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de chou et chauffée dans la cendre, est réputée guérir certaines plaies, soulager des piqûres d’abeilles et de frelons et apaiser la sciatique. Celle des porcs guérit des crachements de sang et on la fait parfois ingurgiter au malade, fricassée avec autant de crachat et une noix de beurre frais. Contre la jaunisse, on ne connaît rien de mieux que cinq petites crottes de chèvre, bues chaque matin, huit jours durant, dans du vin blanc… Quant aux fientes des animaux sauvages, elles sont, elles aussi, pleines de vertus. Celle du corbeau est utilisée pour guérir les caries et est donnée aux enfants pour les délivrer de la toux. Celle du chameau, bien réduite en poudre et imprégnée d’huile, passe pour faire friser les cheveux. Jusqu’à celle de l’éléphant, que l’on applique sur le crâne pour soulager les migraines, alors que celle de l’hippopotame est réputée efficace contre certaines fièvres, comme l’est encore celle du crocodile pour les troubles des yeux.
Outre les interventions des saints dont on n’hésite pas à gratter le socle de la statue pour en avaler quelques fragments réduits en poudre dans un gobelet d’eau, les médecines de nos ancêtres ne nous sont que trop connues. En un an, le médecin de Louis XIII lui a fait administrer 215 purgations et 212 lavements : c’est l’âge d’or du clystère, et le roi ne saurait aller contre cette thérapie moderne, « bien persuadé que le moyen le plus assuré de défendre le cerveau est celui de vider le plus souvent le bas-ventre ». En 1764, les Grassois s’évertuent à purger et saigner les malades, tout en leur donnant aussi des rafraîchissements, lorsque la petite vérole – qui n’est autre que la variole – ravage leurs familles et leur ville.
On n’hésite pas, pour les cas les plus délicats, à recourir au renfort de la religion. En 1685, lorsque Louis XIV dut se faire opérer d’une fistule très mal placée, le pays tout entier pria. La Cour, dans la chapelle royale de Versailles, chantait en chœur un petit refrain mis en musique pour l’occasion par Lully : Dieu sauve le roi. Refrain qui, exporté outre-Manche, est devenu… l’hymne britannique.
Aux grands maux les saints remèdes
Plus forts que tous les remèdes, les guérisseurs considérés comme les plus efficaces restaient évidemment les saints. Tout malade les invoquait et les priait, plus particulièrement ceux que leur nom, leur vie, leur légende ou leur martyre désignait tout naturellement comme spécialistes de telle ou telle maladie. Dès lors, la maladie même, dans sa dénomination, leur était couramment associée, d’où toute une liste d’appellations aujourd’hui oubliées.
En référence au supplice qu’elle avait subi, le mal sainte Apolline était ainsi celui du mal de dents, et le mal sainte Claire désignait la rougeur des yeux. La lèpre était le mal saint Ladre Lazare (qui en était mort), et comme la peste le mal saint Antoine, saint Sébastien ou saint Roch, que l’on représentait souvent avec un bubon sur la cuisse. L’érysipèle, souvent confondue avec la peste, était dit mal des Ardents, mal d’Amiens mais aussi mal sainte Geneviève, mal Notre-Dame, mal saint Main ou mal saint Messent. Voici donc un petit catalogue des différentes associations de saints à une maladie :
– mal saint Julien : l’abcès,
– mal saint Martin : le mal de gorge et d’amygdales,
– mal saint Éloi : la fistule et la gangrène,
– mal saint Jean, mal saint Leu ou mal saint Valentin : l’épilepsie, appelée aussi haut mal ou mal caduc,
– mal saint Eutrope : l’hydropisie,
– mal saint Mathelin et mal saint Victor : la folie,
– mal saint Vitus : érotomanie (délire érotique), à cause du vit, désignant le membre viril,
– mal saint Mammert : le cancer du sein (à cause du mot mamelle),
– mal saint Josse : mal dû à morsure de serpent,
– mal saint Fiacre : la dyarrhée (à cause de son voisinage avec le mot fiente) et les hémorroïdes (comparées aux bourgeons que soigne ce patron des jardiniers),
– mal saint Guy : la maladie nerveuse dite aussi « danse de saint Guy ».
Notons encore que le feu saint Antoine avait désigné une maladie due à l’ergot de seigle et provoquant une affreuse gangrène, que la rougeole était dite mal des Roses Notre-Dame, que la syphilis, ramenée des guerres d’Italie, était le mal de Naples (et en Italie… le mal français), que les écrouelles des scrofuleux que le roi avait le pouvoir miraculeux de guérir le jour de son sacre s’étaient bien sûr appelées le mal le roy. Jusqu’à la pauvreté qui avait son patron, en la personne de saint François d’Assise, et que l’on nommait donc le mal saint François…
Les tardifs progrès de la médecine et de l’hygiène seront lents à porter leurs fruits. Une des grandes victoires fut obtenue par la vaccination contre la variole, responsable de ce que l’on appelait la « mort rouge » et qui faisait chaque année plusieurs dizaines de milliers de morts dans la France du XVIIIe siècle, et dont Louis XV fut la victime la plus célèbre. Introduite par Jenner dès 1798, ses bienfaits se feront sentir dès le début du XIXe siècle, bien que les progrès de l’alimentation aient été certainement, sur ce plan, plus décisifs encore.