Gabriel Naudé (1600-1653)
Médecin, historien et bibliographe français (Paris, 1600 – Abbeville, 1653).
Libertin érudit, il fut bibliothécaire de Mazarin. Il aborde en pionnier le problème de l'organisation des bibliothèques.
La BNF met à la disposition un dossier relatif à Gabriel Naudé.
Voici les renseignements biographiques fournis dans ce dossier :
« Après avoir étudié la littérature et la philosophie, Gabriel Naudé décide d'entreprendre des études de médecine. Son goût pour les livres et les connaissances qu'il acquiert dans ce domaine déterminent le président de Mesme à lui confier la direction de sa bibliothèque. Il préfère continuer ses études médicales, mais il rédige à l'intention du président, en 1627, un célèbre Advis pour dresser une bibliothèque, où il prône l'ouverture aux hommes de lettres d'une bibliothèque universelle rassemblant tous les ouvrages utiles à la communauté savante ; ces ouvrages seraient classés selon un ordre “naturel”, qui en ferait un instrument d'invention.
« Avec quelques amis, il forme la Tétrade, grand foyer de “libertinage érudit” où l'on débat de divers sujets philosophiques. Dans ses principes, Naudé reste fidèle à l'aristotélisme dans lequel il trouve une méthode positive de pensée et l'incitation à un rationalisme rigoureux. En matière de politique, il est un disciple de Machiavel : “il faut, dit-il, abolir toute idée de droits autres que ceux du chef et rendre la politique autonome par rapport à la morale, souveraine par rapport à la religion.”
« Sa grande passion reste cependant les livres : toute sa vie, il recherchera les éditions rares et les livres audacieux, cataloguera et classera une énorme masse d'ouvrages. En 1628, le cardinal de Bagni (en Italie) le choisit comme bibliothécaire et l'emmène à Rome. En 1633, il est nommé Médecin ordinaire de Louis XIII et part recevoir le titre de docteur à Padoue. Après la mort du cardinal de Bagni, il devient bibliothécaire au service du cardinal Barberini. Rappelé en 1642 par Richelieu peu avant la mort de celui-ci, il sera finalement attaché au service de Mazarin. En dix ans, il réunit quarante mille volumes et beaucoup de manuscrits précieux qui seront le noyau de l'actuelle bibliothèque Mazarine. Une grande partie de ces ouvrages sera malheureusement dispersée durant la Fronde.
« En 1652, la reine Christine lui propose la direction de sa bibliothèque à Stockholm, mais la santé délicate de Naudé ne résiste pas aux rigueurs du climat suédois et il meurt sur le chemin du retour à l'âge de cinquante-trois ans.
« Héritier de l'humanisme, Gabriel Naudé, par son souci de classer, de rassembler avec rigueur toutes les données du savoir et par la liberté de son esprit, est un précurseur de Bayle et de Fontenelle. »
http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-naude.htm
Pour en savoir plus sur Gabriel Naudé, le rôle qu'il joue dans le débat idéologique de son temps, consultez :
– Pierre Cavaillé
Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l'Europe de la première modernité (XVIe-XVIIe siècles)
http://www.ehess.fr/centres/grihl/DebatCritique/LibrePensee/Libertinage19.htm
– Bulletin des bibliothèques de France, numéro 96-2.
La bibliothèque du bibliothécaire
http://www.enssib.fr/bbf/fiches_lecture/b962damien.html
« Gabriel Naudé désire transformer la bibliothèque en une machine culturelle où l'État, dégagé de l'omnipotence de la Bible comme seule source de l'action, pourrait trouver les bases scientifiques d'une lecture non exempte d'une volonté de transformation de la réalité. Défenseur de la raison d'Etat contre les raisons d'Église, Naudé voit dans cette accumulation des savoirs l'instrument d'une connaissance critique et l'origine d'un conseil politique assurant la permanence du pouvoir (y compris par le coup d'État). A cet égard, la bibliothèque doit, selon Naudé, regrouper les connaissances du passé de la façon la plus ouverte et exhaustive possible.
« Universelle par la composition de son fonds, la bibliothèque naudéenne se doit également d'être utile, et donc accessible à tous : “Elle sera ouverte pour tout le monde sans excepter âme vivante.” Cette instrumentalisation sociopolitique l'oppose donc tant à la bibliothèque jésuitique sélective qu'à la bibliothèque privée dédiée à l'utilisation et à la délectation solitaires. »
– Robert Damien
Bibliothèque et Etat : naissance d'une raison politique dans la France du XVIIe siècle.
Paris, PUF, 1995. – 316 p.