1.
«a ne s' invente pas.
2.
Passez-moi la Joconde.
3.
Sérénade pour une souris défunte
4.
Rue des Macchabées.
5.
Du sirop pour les guêpes.
6.
J'ai essayé on peut!
7.
En long, en large et en travers.
8.
La vérité en salade.
9.
Tout le plaisir est pour moi.
10.
Fleur de nave vinaigrette.
11.
Ménage tes méninges.
12.
Le loup habillé en grand-mère.
13.
San-Antonio chez les " gones ".
14.
En peignant la girafe.
15.
Du brut pour les brutes.
16.
J'suis comme ça.
17.
Un os dans la noce.
18.
San-Antonio chez les Mac.
19.
San-Antonio polka.
20.
Les prédictions de Nostrabérus.
21.
Le coup du père François.
22.
Votez Bérurier.
23.
Vas-y,Béru!
24.
Tango chineto que.
25.
Salut, mon pope!
26.
Mets ton doigt o"j'ai mon doigt
27.
Mange et tais-toi.
28.
Faut être logique.
29.
Y a de l'action!
30.
Si, signore.
31.
Béru contre San-Antonio.
32.
L'archipel des Malotrus.
33.
Maman, les petits bateaux.
34.
Zéro pour la question.
35.
Bravo, docteur Béru.
36.
La vie privée de Walter Klozett.
37.
Viva Bertaga.
38.
Un éléphant, ça trompe.
39.
Faut-il vous l'envelopper?
40.
Tu vas trinquer, San-Antonio.
41.
Le gala des emplumés.
42.
Dis bonjour à la dame.
43.
Laissez tomber la fille.
44.
Les souris ont la peau tendre.
45.
Mes hommages à la donzelle.
46.
Certaines l'aiment chauve.
47.
Du plomb dans les tripes.
48.
Des dragées sans baptême.
49.
Des clientes pour la morgue.
50.
Descendez-le à la prochaine.
51.
Bas les pattes!
52.
Concerto pour porte-jarretelles.
53.
Deuil express.
54.
J'ai bien l'honneur de vous buter
55.
C'est mort et ça ne sait pas!
56.
Messieurs les hommes.
57.
Du mouron à se faire.
58.
Le fil à couper le beurre.
59.
Fais gaffe à tes os.
60.
Sucette boulevard.
61.Atue...et‚toi.
62.
«a tourne au vinaigre.
63.
Les doigts dans le nez.
64.
Remets ton slip, gondolier.
65.
Au suivant de ces messieurs.
66.
Des gueules d'enterrement.
67.
Les anges se font plumer.
68.
La tombola des voyous.
69.
Chérie, passe-moi tes microbes.
70.
J'ai peur des mouches.
71.
Le secret de Polichinelle.
72.
Du poulet au menu.
73.
Prenez-en de la graine.
74.
On t'enverra du monde.
75.
Une banane dans l'oreille.
76.
San-Antonio met le paquet.
77.
Entre la vie et la morgue.
78.
San-Antonio renvoie la balle.
79.
Hue, dada!
80.
Berceuse pour Bérurier.
81.
Ne mangez pas la consigne.
82.
Vol au-dessus d'un lit de cocu.
83.
La fin des haricots.
84.
Y a bon, San-Antonio.
85.
Si ma tante en avait.
86.
De"A "jusqu'à"Z".
87.
Bérurier au sérail.
88.
La rate au court-bouillon.
89.
En avant la moujik.
90.
Ma langue au Chah.
91.
Fais-moi des choses.
92.
«a mange pas de pain.
93.
N'en jetez plus!
94.
Moi, vous me connaissez?
95.
Viens avec ton cierge.
96.
Emballage cadeau.
9'?. Appelez-moi chérie.
98.
Mon culte sur la commode.
99.
T'es beau, tu sais!
100.
Tire-m'en deux, c'est pour offrir.
101. A prendre ou à lécher.
102. Baise-baîl à La Baule.
103. Meurs pas, on a du monde.
104. Tarte à la crème story.
105. On liquide eton s'en va.
106.
Champagne pour tout le monde!
107. Réglez-lui son compte!
108. La pute enchantée.
109.
Bouge ton pied que je voie la mer.
110. L'année de la moule.
111. Du bois dont on fait les pipes.
112.
Va donc m'attendre chez Plumeau.
113. Morpions Circus.
114. Remouille-moi la compresse.
115. Si ,naman me voyait!
116.
Des gonzesses comme s' il en pleuvait.
117. Les deux oreilles et la queue.
118. Pleins feux sur le tutu.
119. Laissez pousser les asperges.
120.
Poison d'avril ou la vie sexuelle de Lili Pute.
121.
Bacchanale chez la mère Tatzi.
122. Dégustez, gourmandes!
123. Plein les moustaches.
124.
Après vous s'il en reste. Monsieur le Président.
125. Chauds, les lapins!
126. Alice au pays des merguez.
127. Fais pas dans le porno...
128. La fête des paires.
129. Le casse de l'oncle Tom.
130. Bons baisers oa tu sais.
131. Le trouillomètre à zéro.
132. Circulez, y a rien à voir.
133.
Galantine de volaille pour dames frivoles.
134. Les morues se dessalent.
135. «a baigne dans le béton.
136.
Baisse la pression. tu me les gonfles!
137. Renifle, c'est de la vraie.
138. Le cri du morpion.
139. Papa, achète-moi une pute.
140. Ma cavale au Canada.
141. Valsez, pouffiasses.
142. Tarte aux poils sur commande.
143. Cocottes-minute.
144. Princesse Patte-en-l'air.
145. Au bal des rombières.
146. Buffalo Bide.
147. Bosphore et fais reluire.
148. Les cochons sont l‚chés.
149. Le hareng perd ses plumes.
150. Têtes et sacs de noeuds.
151. Le silence des homards.
152. Y en avait dans les p‚tes.
153. AI Capote.
154. Faites chauffer la colle.
155. La matrone des sleepinges.
156. Foiridon à Morbac City.
157. Allez donc faire ça plus loin.
158. Aux frais de la princesse.
159. Sauce tomate sur canapé.
160. Mesdames, vous aimez ça ".
161.
Maman, la dame fait rien qu'à me faire des choses.
162. Les huîtres me font b‚iller.
163. Turlute gratos les jours fériés.
164.
Les eunuques ne sont jamais chauves.
165. Le pétomane ne répond plus.
166.
T'assieds pas sur le compte-gouttes.
167. De l'antigel dans le caîbute.
168. La queue en trompette.
169. Grimpe-la en danseuse.
170.
Ne soldez pas grand-mère, elle brosse encore.
171. Du sable dans la vaseline.
172. Ceci est bien une pipe.
173. Trempe ton pain dans la soupe.
174. L‚che-le, il tiendra tout seul.
SAN-ANTONIO
Hors série:
Histoire de France.
Le standinge.
Béru et ces dames.
Les vacances de Bérurier.
Béru-Béru.
La sexualité.
Les Con.
Les mots en épingle de Françoise Dard.
queue-d'‚ne.
Les confessions de l'Ange noir.
Y a-t-il un Français dans la salle?
Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants.
Les aventures galantes de Bérurier. Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ?
La vieille qui marchait dans la mer.
San-Antoniaiseries.
Le mari de Léon.
Les soupers du prince.
Dictionnaire San-Antonio.
Ces dames du Palais Rizzi.
La nurse anglaise.
Le dragon de Cracovie.
oeuvoes complètes
Vingt-huit tomes parus.
Morceaux choisis:
1.
Réflexions énamourées sur les femmes
2.
Réflexions pointées sur le sexe
3.
Réflexions poivrées sur la jactance
4.
Réflexions appuyées sur la connerie
5.
Réflexions sur les gens de chez nous et d'ailleurs 6.
Réflexions passionnées sur l'amour
7.
Réflexions branlantes sur la philosophie
8.
Réflexions croustillantes sur nos semblables
9.
Réflexions définitives sur l'au-delà
10.
Réflexions jubilatoires sur l'existence
FLEUVE NOIR
AVERTISSEMENT
Pas d'erreur, les mecs
Le baratin qui suit ne concerne
pas des petits futés existant
ou ayant existé.
Ceux qui voudraient
jouer les gros bras tomberaient
sur un os.
PREMIERE PARTIE
LES MECS DE CHICAGO
PARLENT FRAN«AIS
CHAPITRE PREMIEr
APR»S VOUS S'IL EN RESTLe lac Michigan, c' est comme la mer, en aussi bleu, en aussi tourmenté lorsque le vent souffle, et il soufflait vachement ce jour-là. Chicago, patrie des gangsters, s'étale en éventail au bord de la flotte. C'est une ville bien géométrique, avec des rues qui se coupent toujours à angle droit. Vu du ciel, on dirait un gigantesque quadrillage.
J'en avais le torticolis, à force de matouzer du haut de l'avion. J'en prenais plein mes ch‚sses; forcément, c 'était la première fois que j
'annonçais ma viande dans cette contrée. «a m'aurait fait pleurer les fesses de caner avant d'avoir reniflé l'odeur particulière qui flotte sur ce patelin.
Voyant l'intérêt que je portais à la contrée, un gros lard d'Amerlock, ayant dans le bec un cigare gros comme l'obélisque de la Concorde, s'est mis à me raconter la banlieue que nous survolions- Forest River! énonçait-il en m‚chouillant son Puis il l'a bouclée, en même temps que sa cein≠ture, et l'avion s'est mis à descendre doucement, doucement, comme le bouchon rouge d'un pêcheur lorsqu'une tanche s'en ressent pour le ver de vaEnsuite, le car du Municipal Airport..il fonçait dans une voie rectiligne appelée Archer Avenue. Les autres voyageurs faisaient comme mégnace: ils la fermaient. On la ferme toujours un bout de temps, lorsqu'on vient de se cogner plusieurs plombes d'avionJe regardais par les vitres du car confortable avec la même avidité que je regardais par les hublots de l'avion. Et le gros zig au cigare, qui devait être un roi de la roubignole en branche, continuait par instant d'éructer une explication; cette fois, ça n'étaient pas des noms de banlieues, mais des noms de rues que pondait sa grosse bouille lippue.
noms enchanteurs, quoi, pour un mec qui venait de traverser la mare aux harengJe uis descendu à l'angle de Michigan
Boulevard et de Grand Avenue, parce que c'était la station qu'on m'avait donnée.
L'adresse o˘ je devais me rendre était 228 ter, Grand Avenue... Cette voie large piquait droit sur le lac qu'on apercevait tout au bout comme un rec≠tangle de ciel. Elle était bordée de gratte-ciel impressionnants, exactement comme on voit dans les films. Et la circulation était maison, moi, je vous l'annonce! Les grands boulevards de Paname, à quatre heures de l'après-midi, ressem≠blent au désert de Gobi en comparaison.
Pour tout vous dire, bien que je sois du genre mec-au-culot, je me sentais aussi déprimé qu'un cachet d'aspirine dans un verre d'eau chaude. La veille
- ou l'avant-veille - je ne savais plus, avec ce changement de longitude, j'avais quitté le Bourget, peinard, dans le zinc d'Air France, et voilà que je débarquais dans ce grondement épou≠vantable de Chicago. Un peu comme si je rêvais. Vous pigez le topo?
Enfm, j'ai dégauchi mon 228 ter... C'était une masure de cinquante étages au moins qui commen≠çait par un bref perron de deux marches et ne s'ar≠rêtait que chez saint Pierre.
J'ai pénétré dans un hall immense comme la salle des Pas Perdus de Saint-Lago. Y avait des flopées de grooms qui se baguenaudaient à proxi≠mité.
cétages. Je me suis dit qu'à cette allure-là, on serait dans la lune avant la nuit. Nature, j' ai cru qu'il y avait maldonne et que le groom m'avait fait entrer dans la dernière fusée interplanétaire.
fl a rouvert la grille. J'ai biglé le numéro de l'étage on était au trente-quatrième!
Il m'a désigné un couloir large et neuf dans lequel un flic en uniforme faisait des effets de cia-queues en agitant son b‚ton. Si vous croyez qu'il s'est foutu au garde-à-vous en m'apercevant, vous vous collez le doigt dans l'orbite jusqu'au fignedé ! Au contraire, il m'a examiné d'un air à la fois rigolard et provocant qui m'a fait mal.
- Hello!
il a grogné quelque chose de vague qui ressem≠blait plus à du lion qu'à de l'amerlock.
- Mr. Grane, please?
Alors, là, il m'a étalé une phrase en accordéon qui n'en finissait plus et je lui ai fait signe de la boucler parce que, primo, je n'entravais rien à
ses salades et, deuxio, il commençait à me casser les précieuses.
Ma hargne revenait, je récupérais.
- I arn French I j'ai murmuré. I veux speaker with Mr. Grane and you allez you manier the ron≠delle. Compris?
«a l'a siphonné. fl m'a conduit à une porte
vitrée sur laquelle était écrit en noir un mot que je n'ai pas pu lire. Il l'a ouverte sans frapper et m'a remis à une souris blonde comme un demi de bière. Cette fille, j'ai cru l'avoir vue dans un maga≠zme. Grande, mince, des jambes longues et faites au moule, des yeux bleus pailletés d'or, un nez menu, une bouche de vamp, des cheveux courts avec une frange soignée.
Je l'ai renouchée de haut en bas, puis de bas en haut, en m'attardant les deux fois sur son popotin qu'elle avait en forme de pomme et qui sollicitait la main de l'homme.
- J amfrench policier, J veux voir Mr. Grane.
Mors, toute sa gravité a foutu le camp.
-
Vous êtes très pittoresque ! a-t-elle déclare.
-
Dieu soit loué ! Vous parlez français!
-
Un petit peu...
Vous avez probablement entendu Petula Clark... C'est pareil.
-
Un instant. Vous êtes monsieur San≠Antonjo?
-
Pour vous servir, miss... Et vraiment, j'aime≠rais vous servir à
quelque chose.
Un sourire... «a se passait bien.
-
J'ai vécu deux ans en France, dit-elle. Je fai≠sais les Beaux-Ails, à Paris.
-
Sans blague!
J'en aurais pleuré.
-
Vous connaissez Paname?
-
La rue de ....... J'avais un petit hôtel pour étudiants très charmant, très pittoresque.
Elle m'a décoché un nouveau sourire avant de frapper à la porte de droite.
Elle a disparu un ins≠tant. Puis, sa mince silhouette s'est encadrée à
nou≠veau dans le chambranle.
-
Voulez-vous venir?
Dans la pièce voisine se trouvait un grand bureau métallique et un immense fichier. Entre les deux était assis un homme assez bizarre, qui res≠semblait à un plombier zingueur. il était petit, lent, gris, avec un visage de clown démaquillé et des yeux épais comme de la confiture.
Lorsque je suis entré, il s'est levé à demi, a esquissé une courbette comme les pompistes de chez ShelI après qu'ils ont fini de donner un coup de peau de chamois à votre pare-brise, et il a dit en me désignant une chaise:
-
Très heureux de vous connaître, monsieur San-Antonlo. Soyez le bienvenu. C'est la première fois que vous venez à Chicago?
il
a débité tout cela sans respirer en tirant d'un de ses tiroirs un flacon carré sur lequel je me suis mis à loucher.
C 'était le meilleur whisky que j 'aie jamais bu.
Pendant qu'on s'en cognait un verre, la secré≠taire blonde s'est fait la valise.
-Vous savez pourquoi vous êtes ici? m'a demandé Grane.
-
Vaguement... Il paraît qu'il y a de la casse dans le secteur et que l'affaire revêt un petit côté français qui vous a fait réclamer le concours offi≠cieux de notre police?
-
Tout à fait officieux.
Il
n'avait presque pas d'accent; il aurait pu se faire passer pour Suisse à la Terrasse du Flore!
-
Peut-être pourriez-vous me mettre au courant dans le détail?
-
J'allais vous le proposer.
Il me verse un nouveau glass de raide.
-
Savez-vous ce que c'est qu'une taxi-giri?
-
Chez nous, on appelle ça une entraîneuse. Non?
-
Non, ça n'est pas exactement une entraî≠neuse. Une taxi-girl est une fille qui appartient à un établissement de danse. Le type qui est seul va danser dans ces boîtes, il prend des jetons à la caisse et il choisit la taxi-girl de son rêve. Il lui remet un ticket pour une danse.
-
Marrant, ai-je dit. On n'a pas l'air très senti≠mental dans votre bled.
Ces considérations n'ont pas eu l'heur de lui plaire. il a remisé sa bouteille d'un geste nerveux.
-
En général, poursuivit-il, ces filles ne sont pas des coucheuses.
Oh! évidemment, on lie
davantage connaissance en dansant qu'en faisant la plonge dans un drugstore, mais, en principe, elles sont ce que vous appelez honnêtes. Ce sont des espèces de fonctionnaires de la danse. Vous sai≠sissez?
-
Parfaitement.
-
Or, depuis un mois, une épidémie de meurtres sévit dans leurs rangs. Il ne se passe pas de semaine sans qu'on trouve le cadavre d'une ou deux de ces filles, soit dans la rue, soit dans leur chambre.
-
Voyez-vous!
-
Elles sont assassinées par des moyens diffé≠rents, mais toutes ont dans la main le même mor≠ceau de papier portant, calligraphiés, ces deux mots : Le Français.
Il
a ouvert un second tiroir et en a sorti une enveloppe de carton glacé.
-
Voici...
J'ai examiné son contenu : sept feuillets de bloc-sténo sur lesquels la même main a écrit les deux mots fatidiques : Le Français.
Ces deux mots avaient été rédigés au moyen d'un stylo à encre. Et l'encre en était noire.
Grane a respecté mon examen, puis il a murmuré:
-
D'après nos experts en graphologie, il est probable que ces mots ont été écrits par un
Français. Cette écriture penchée, aux pleins et aux déliés accusés, est française.
" Depuis un mois, la police urbaine est sur les dents, mais l'enquête piétine. Pas le moindre indice. On trouve un cadavre ou deux de plus chaque semaine, et c'est tout. Le criminel parait sortir de l'ombre et s'y replonger dès que son acte est accompli.
" Jusqu'ici, sept filles sont mortes. Leur assassi≠nat s'est toujours déroulé discrètement, sans témoin, sans bruit!
" Nous avons effectué des rafles, exercé des sur≠veillances étroites dans tous les établissements de danse de la ville. Nous avons jeté un coup d'oeil sur l'activité de tous les Français habitant la région, bref, remué
ciel et terre, sans le plus petit résultat.
" Le Français continue de tuer... La presse est très excitée, l'opinion publique aussi, par contre≠coup direct. Mors, l'idée m'est venue de faire appel à un as de la police française. "
J'ai esquissé une courbette.
L'as de la police française ne se sentait pas trop reluisant, je vous jure!
Cette histoire du Français qui démolissait les greluses, vue d'ici, me parais≠sait gênante pour le prestige national.
-
Vous comprenez, a poursuivi Grane, il ne faut rien négliger. Vous, étant de même nationalité que le tueur, vous pouvez lutter avec lui sur un terrain qui nous échappe, à nous autres: le terrain psychologique.
-
Je vois...
-
Je vais vous remettre le dossier des sept meurtres. Vous avez carte blanche. Au cas o˘ vous vous heurteriez à une difficulté quelconque, télé≠phonez ou faites téléphoner à Nord 54-54. Vous vous souviendrez ? 54, deux fois...
-
Je me souviendrai.
-
Pour tout renseignement concernant la ville, miss Cecilia, secrétaire, qui parle le français, vous viendra en aide.
-O.K.!
J'ai balancé un O.K. ! sonore qui m'a ravi. «a venait, je m'installais dans l'américanomuche!
-
Elle est à votre disposition, a conclu Grane en me tendant un dossier vert, tout pareil à un dos≠sier français. Je vous ai fait traduire les pièces du dossier, les voici... Si vous avez du nouveau, pre≠venez-moi.
En cas de coup dur, toujours Nord 54, deux fois. Vous pigez?
il
a risqué son " vous pigez " avec circonspec≠tion.
-
Je pige...
Alors on a éclaté de rire, lui et moi, et je suis sorti de sa casbah d'un pas plus légerla belle blonde était toujours là, plus couverture de L~fe que jamais. Elle avait eu le temps de recharger son fond de teint et elle m'attendait avec sur les lèvres son sourire des grands jours.
-
Vous êtes miss Cecilia? ai-je questionné en m'approchant de son fauteuil tournant.
-
Juste...
-
C'est un nom qui ne me dépayse pas trop. Je parie que vous connaissez un petit restaurant fran≠çais o˘ on mange du poulet à la crème, et je parie aussi que vous allez accepter mon invitation àdîner. Dans tous les romans traduits de l'américain que j'ai lus, le flic maison invitait les jolies secré≠taires avant de leur dire bonjour. C'est comme ça qu'on agit dans votre patelin?
-
Plus ou moins, admit-elle.
-
J'ai pas trop l'air godiche?
-
L'airquoi?
-
Gourde, emprunté, si vous préférez...
Elle ne pigeait pas.
- Va falloir que je complète votre français. Les cours du soir sont gratis chez moi. Vous avez un hôtel à me recommander?
-
Il y a le Connor, tout près.
j y arque. vous passez me prendre dans une paire d'heures?
- Entendu...
Je lui ai dédicacé mon regard le plus doux, format carte postale pour soldat amoureux.
Puis je les ai mis.
Jamais je n'avais commencé une enquête dans des conditions pareilles Les Ricains qui appelaient à la rescousse un spé≠cialiste du latin parce qu'ils y perdaient le leur!
Drôle d'affaire !...
Je venais m'atteler dans les brancards après eux...
Le flic de l'entrée continuait ses effets de cla≠quettes. il me bouchait l'accès de l'ascenseur.
- Après vous, s'il en reste, ai-je murmuré en le bousculant d'un coup d'épaule.
Mais ça n'était pas à lui que je m'adressais. C'était à Grane et à son équipe.
Oui, c'est comme ça que tout a démarré!
CHAPITRE il
ILN'YAPAS qUE LES SH…RIFS
qUI ONT UNE …TOILLe portier du Connor bigle ma valoche de fibrane comme si c'était l'étal d'un marchand de lacets. Lui aussi me renouche illico et se met à me parler dans un français qu'il a d˚ apprendre dans un lexique javanais.
il
est sentencieux, sévère.
-
Une chambre ! dis-je.
il
me conduit à la réception et je m'explique. Deux minutes plus tard, je prends possession d'une crèche qui est un véritable bijou: cosy, bar àliqueurs, salle de bains, etc.
Je déballe mes fringues, puis je me dessape et je prends une douche glacée.
Ensuite, j'inventorie la cave à liqueurs, mais tous les flacons sont factices. Comme je n'aime pas ces plaisanteries, je sonne le garçon d'étage et, lui collant dans les pognes une
bouteille de whisky bidon, je lui dis de m'amener dare-dare le modèle vivant!
il s'exécute.
Je n'arrive pas à retrouver mon équilibre; pour≠tant, j'aurais pu venir dans ce pays à l'époque de la prohibition, ç'aurait été moins marrant!
Vautré sur le plume, en peignoir de bain, un verre de rye à portée de la patte, je me mets à com≠pulser le dossier des taxi-girls bousillées.
Comme vient de me le dire Grane, elles ont toutes les sept été tuées de la façon la plus discrète qui soit. Comme disait un pote à moi: " Si c'était pas de leur cadavre, on s'en serait même pas aperçu. "
Deux sont mortes dans la rue, d'un coup de cou≠teau ajusté en plein coeur, trois ont fmi leurs jours dans leur piaule avec une praline dans la caibombe, une est clamsée dans un taxiphone, étranglée, et une a été
trouvée la gueule dans sa baignoire. Toutes les sept avaient dans une main le fameux morceau de papier.
J'examine les photos; elles sont très variées. Les adresses n'offrent aucune similitude non plus.
Perplexe, je me gratte l'occiput. il en a de bonnes, le boss, de me déléguer dans ce bouzin alors que je ne parle ni n'entrave le ricain. Je vais avoir bonne mine, moi! Pas moyen de poser des questions. Et un guide à la paluche pour me diriger ! Ah ! il est mimi, l'enquêteur.
Sur ces réflexions pessimistes, le bignou gré≠sille. Je décroche. Un zig me susurre que miss Cecilia est laga.
- Faites monter ! Corne on I je meugle.
Je n'ai que le temps de passer mon bénard, la souris est devant moi, gentiment coiffée d'une toque en peau de léopard et portant une veste de lainage vert agrémentée d'un col en léopard aussi. Resplendissante! Vous la verriez dans une vitrine, vous entreriez pour demander le prix! Et vous seriez capable de payer avec un chèque sans provi≠sion afin de pouvoir l'emporter tout de suite!
-
Hello I lance-t-elle joyeusement.
J'ai le torse nu, mais ça n'a pas l'air de la cho≠quer le moins du monde!
Je réponds:
- Hello!
Ici, c'est une bonne habitude à prendre.
Elle lance un regard en biais au dossier étalé sur le cosy.
-
Déjà dans l'affaire ?...
- Jusqu'à la ceinture! fais-je. A franchement parler, ça m'a l'air duraille.
- Vous n'avez pas confiance en vous? demande-t-elle.
Je ris de cette innocente provocation.
- Mettez-vous à ma place, si vous vous en res≠sentez, miss. Je ne connais pas votre langue, encore moins votre ville et pas du tout vos moeurs. A part ça, on me demande de trouver un criminel que vos flics à vous -
réputés comme étant for≠tiches, cependant - n'ont pu dégauchir. «a res≠semble plus à un numéro de cirque qu'à une enquête. Vous ne trouvez pas?
Elle devient grave.
-
Oui, fait-elle, a priori, ça paraît très difficult.
cile ! Difficile
-
Oh I thanks!
Elle sort une cigarette de sa poche. Je m'em≠presse pour lui donner du feu et elle me souffle une bouffée bleutée au nez.
-
Pourtant, Grane a raison: vous, vous connaissez les réactions d'un criminel français.
Je hausse les épaules.
-
Sur cette planète, mon petit, il y a les crimi≠nels et les honnêtes gens.., plus les flics qui font la liaison. Je ne crois pas aux criminels français ou américains.
-
Cependant, au point de vue psychologique...
-
Oui... Eh bien ! nous verrons.
Je passe une chemise, je noue une cravate.
- On y va, dis-je en cueillant ma veste sur un dossier de chaise.
-
Si je me reporte au compte rendu que m'a donné Grane, les filles assassinées appartenaient toutes à des maisons différentes?
-
Oui. Et alors?
-
Comment, et alors? Vous n'entravez pas? Sur les sept, il n'y en avait pas deux qui tra≠vaillaient dans la même boîte! «a signifie que le Français change de crèche chaque fois. Si, jusqu'à présent, il n'est jamais retourné une seule fois sur le terrain de ses exploits, ça veut dire qu'il va continuer à... à " prospecter " les autres boites. Voyons, il y a beaucoup de maisons de danse, dans cette ville?
-
Une bonne cinquantaine.
Le chiffre me fait faire la grimace.
-
Sept ôté de cinquante, reste quarante-trois, fais-je. Hum! il a du pain sur la planche, le cama≠rade.
Nous restons un moment sans piper mot, enve≠îoppés par la fumée bleue de nos sèches.
-
Vous commenciez à faire une proposition? dit-elle.
-
Oui, j'aimerais que nous allions danser dans une boite. Une boîte vierge de victime, de préfé≠rence. J'imagine mal ces sortes d'endroits.
-
Facile, murmure-t-elle.
Elle demande la note à la barmaid.
-
Sans blague! fais-je. Les femmes casquent, dans votre pays?
-
Tout se passe en camarades!
Je lui rafle l'addition.
-
Faisons ça à la française, ma petite amie... C'est l'homme qui douille, mais les relations sont tendres.
Elle rosit, ce qui lui va bien.
Nous sortons.
fl fait nuit, mais, à Chicago, l'obscurité est inconnue.
Si vous voyiez, ça, les mecs ! Un flamboiement! Cent mille enseignes gigantesques et multico≠lores embrasent le ciel. Une vraie féerie. Un volcan de lumière éblouissante ! Un volcan en éruption.
Nous grimpons dans un taxi et Cecilia jette l'adresse au chauffeur.
Dix minutes plus tard, nous franchissons le seuil d'une boîte o˘ se dépense un orchestre noir. Une foule épaisse se trémousse en cadence au rythme d'une batterie du tonnerre.
La salle est immense. Au fond, se tient un bar o˘ des barmen en veste rouge débitent du coca comme s'il en pleuvait. A l'autre extrémité, la scène de l'orchestre. Des lumières aux éclairages variables, des bancs le long des murs. Et cette populace morne qui se secoue les tripes sans paraître y prendre le moindre plaisir3-Vous dansez ? demande Cecilia.
-
Oui, mais mal.
-
Voulez-vous que nous essayions?
-
Vous allez me prendre pour un gros sac.
-
Mais non! J'adore qu'on me marche sur les pieds.
-
Mors, avec ma pomme, vous serez servie. Justement, l'orchestre y va d'un slow. Le slow, c'est comme qui dirait la question de repêchage des médiocres de la danse dont je fais partie.
-
Vous ne vous défendez pas trop mal, assure Cecilia sans se marrer.
- Merci.
Tout en la serrant contre moi, j'examine les alen≠tours. Il y a des filles assises sur les banquettes, d'autres qui dansent, d'autres qui lichetrognent au bar.
On sent les professionnelles. Ce sont des souris toutes pareilles qui, un beau soir... ou, plutôt, un vilain pour elles...
Et peut-être la prochaine victime du... Français est-elle là, ne se doutant de rien.
A quoi pensent-elles, ces greluses?
A rien, sans doute.
-
Le dernier meurtre remonte à quand? je demande.
Cecilia fronce le sourcil.
-
Attendez. A samedi dernier. Cela fait...
Je compte plus vite qu'elle.
-
Cela fait cinq jours. Dites, il ne va pas tarder à réitérer, le gnace, ou alors il va perdre sa cadence. Non ?...
-
En effet.
-
On tient un recensement des taxi-girls, ici?
-
Pensez-vous! Toutes ne sont pas déclarées. Il doit y en avoir plus d'un millier.
-
Charmant !...
Je répète:
-
Sept ôté de .......
-
Oui, il en reste pas mal à tuer.
Je me frotte un instant encore contre le ventre admirablement plat de Cecilia. Si ça continue, elle va me filer des idées, cette môme! Or, je ne suis pas ici pour jouer à la bête à deux dos.
-
Je vais vous raccompagner à votre domicile, fais-je. M'est avis qu'il vaut mieux que je sois seul cette nuit. J'ai mon petit plan.
- Déjà?
- Oui...
-
Dommage que vous n'ayez pas un rôle pour moi dans le scénario...
Mais elle est de bonne composition.
-
Je suppose que vous aimeriez la liste des boîtes comme celle-ci ?
Je vous l'ai préparée.
Elle la sort de son sac.
-
Vous pensez à tou-
Hé! une seconde! fais-je en lui tendant un
second ticket.
Elle se dit qu'elle a trouvé le bon pigeon. Elle préfere bavarder en sirotant un verre plutôt que de remuer le prose contre des gars qu'elle ne connaît pas.
Au bout de six tickets, on est presque copains. Je l'ai fait marrer, ce qui est la première chose à faire lorsqu'on veut conquérir une femme, quelle que soit sa nationalité.
-
On se voit, tout à l'heure?
Bien s˚r, elle ne pige pas illico. Je me souviens alors que j'ai un petit dictionnaire franco-anglais dans ma poche. Gr‚ce à lui, je lui pose un rambour.
Elle l'accepte de bonne gr‚ce. Elle finit son tapin à deux plombes du mat', c'est-à-dire dans trois heures.
Moi, ça me laisse du temps.
-
A deux heures, je serai devant la boîte, pro≠mets-je.
Etje sors.
J'ai le bocal gros comme une citrouille. Cette atmosphère irrespirable me chavire.
Un petit vent aigre balaye la strasse. Je respire profondément, histoire de purger mes poumons. Tout de même, ça ne vaut pas l'air de Paname!
Un taxi rôdaille par là. Je lui fais signe. Je sors ma liste et je lui donne l'adresse qui figure en hautLe mec se met à rouscailler comme une vache. Je comprends pourquoi immédiatement; l'adresse que je lui donne est à deux cents mètres à peine. Pour lui obstruer le bec, je lui allonge un dollar et j 'entre dans la nouvelle turne.
Celle-ci s'appelle : Cyro's.
C'est du kif. Même ambiance, mêmes gens.
Je prends un seul ticket et j 'inspecte le local. Entre nous et la place des Ternes, je ne vois guère ce qu'il peut y avoir à repérer ici. Des gens qui dansent, mornes et vides comme des sifflets ! Vrai, c'est d'un lugubre !...
Je vais au bar et je demande au barman s'il a du champagne. Il me répond oui. Et il s'annonce avec une bouteille dont l'étiquette est écrite en anglais, ce qui ne manque pas d'humour.
C'est de la pisse d'‚ne de dernière qualité. Il devait avoir du diabète, le bourricot. C'est fade, sucré, triste et p‚teux.
Je repousse mon verre. Je paie.
A ce moment-là, il y a un grand diable à la m‚choire proéminente comme un tiroir de caisse enregistreuse qui me frappe sur l'épaule.
-
Vous êtes français ? me demande-t-il.
- Oui. Pas vous? dis-je, car il a un accent àcouper au sécateur.
- Suivez-moi ! ordonne-t-il.
Et il ajoute-
Police.
D'un geste qui ne manque pas d'élégance, il
glisse sa main par l'ouverture de ma veste et palpe ma seringue.
- Hé! doucement! fais-je, comprenant la méprise. Moi aussi, je fais partie de la police. Je lui
montre mes papiers.
- Téléphonez à Nord 54-54, les services de Grane vous confirmeront mes dires.
Son visage en forme de coupe-papier s'élargit un instant pour sourire.
- J' m sorry, murmure-t-il. Navré, commissaire, mais je suis de faction ici pour l'histoire. On a déjà
tué des filles de la maison.
Je fais claquer mes doigts.
Cecilia a marqué toutes les boîtes sur sa liste, y compris celles o˘ le meurtrier s'est manifesté. Jc me souviens en effet avoir lu le mot Cyro's sur le~ rapports.
- Comment est morte la fille d'ici?
-
Dans la cabine téléphonique du hall.
-
Très curieux... Etranglée, n'est-ce pas?
-
Oui.
-
J'aimerais jeter un coup d'oeil.
-
Facile. Arrivez!
Je l'accompagne jusqu'à l'entrée. Là,
sac. Au fond de ce cul-de-sac se trouvent deu, cabines téléphoniques. Entre l'entrée et le~ cabines, le vestiaire, puis les toilettes.
En somme, le gars était peinard pour étrangler k gonzesse, car les cabines sont en partie masquéeE par le vestiaire.
- Personne n'a vu la fille se diriger vers le télé~ phone?
- La préposée du vestiaire. Mais elle ne sais pas si les gens qui passent devant elle se rendent ai.~ téléphone ou aux toilettes.
- Evidemment!
Je vois un écriteau sur la porte des toilettes: ladies.
- Les toilettes réservées aux hommes ne sont pas ici?
- Non, dans l'autre partie du hall.
- Et la fille du vestiaire n'a pas remarqué d'homme de ce côté ? Cela doit pourtant attirer son
Peu de m‚les doivent croiser dans le sec≠teur réservé aux femmes.
- Elle n'a pas vu d'homme.
- Vous ne trouvez pas cela étrange?
- Tout est étrange, dans cette histoire. Je le regarde.
- En somme, en quoi consiste votre job, ici?
- Les chefs ont décidé de poster un inspecteur forme comme une équerre.
Il y a une seconde partie se terminant en cul-de-
~t le
français dans toutes les boîtes4
Bonne précaution, ricané-je. Je
vais jusqu'aux cabines.
-
Dans laquelle?
- Droite...
La plus en retrait, bien entendu.
Comment fonctionne le téléphone, ici? On introduit des nickels dans la fente.
standardiste vous donne votre communication.
-
La fille avait demandé un numéro?
- Non. On a retrouvé son nickel par terre. n'a pas eu le temps. Le type lui a sauté dessus.
- C'était risqué, dites...
- Très.
Je murmure pour moi tout seul:
il
fallait que le gars soit drôlement
pour prendre un risque pareil. On l'a retrouvée quelle heure, la souris?
-
Le lendemain matin. C'est le Noir qui fait nettoiement.
- La mort remontait à quelle heure?
-
Une heure du matin.
- Et, entre une heure du matin et la personne n'a téléphoné?
Il me regarde, perplexe.
Certainement pas, fait-il.
Certainement pas, ou non? il y a un guo entre les deux- Si quelqu'un avait téléphoné, il aurait décou≠vert le cadavre et donné l'alerte.
- La standardiste doit tenir une comptabilité des appels; c'est du moins ainsi que cela se passe en France.
- Aux Etats-Unis également.
- O.K. ! Il ne reste qu'à lui demander la liste et l'heure des demandes émanant de cette cabine le... Au fait, quand a été butée la poule ....
- La quoi?
- La petite.
- Samedi dernier.
- C'est donc la dernière de la liste?
- Oui.
- Tiens! Vous m'accompagnez jusqu'au stan≠dard?
Il hésite.
- Oui.
Il rafle son chapeau au vestiaire o˘ on lui a réservé un petit coin spécial.
- Suivez-moi ! ordonne-t-il.
Mais je ne bouge pas. Je suis contre l'espèce de comptoir de velours du vestiaire et je regarde en direction des cabines. On voit très bien celles-ci. il faut être plus que téméraire pour attaquer quel≠qu'un dans de pareilles circonstances.
A vrai dire, la chose me semble pratiquement irréalisable. Une femme ne se laisse pas étranglesans ruer ou crier, et il est difficile de saisir conve≠nablement ledit quelqu'un dans un endroit aussi exigu.
- A quoi pensez-vous? me demande mon compagnon.
- Au meurtre, bien s˚r ! monsieur heu...
- Stumm!
- Monsieur Stumm. Un drôle de meurtre ! ...
Nous sortons. On tourne le coin de la rue et, deux blocks plus loin, nous tombons sur un b‚ti≠ment o˘ il y a écrit en gros : Central Post Office.
Stumm se repère là en habitué. Des couloirs, des ascenseurs... Nous débouchons dans une salle immense o˘ une tinée de gonzesses jactent devani les tableaux lumineux hérissés de fiches.
il va droit à l'une d'elles.
Puis il me fait signe.
Je l'écoute bafouiller, ne saisissant pas le cen≠tième de ce qu'il bonnit.
Ensuite, il file à un bureau marqué " Private ",~ juste comme dans le filin policier made in Hollywood qu'on projette dans votre quartier. Là.i un vieux crabe boit le contenu d'une bouteille theri mos en faisant de petits effets de langue.
Les deux zigs parlent un bout de temps, puis le, vieux crabe commence à
farfouiller dans un immense classeur.
il en extrait des piles de feuillets couvertes dpapier gommé sur lesquelles sont inscrites des abréviations à la machine.
Et je te discute le bout de gras. Et je te pousse des exclamations.
A la fm, Stumm se tourne vers mégnace:
- il y a eu quatorze appels entre une heure et deux heures, depuis le Cyro's.
il paraît tout contrit.
Moi, je mouille, vous pensez...
-
Tiens, fais-je, je croyais que vous étiez des phénix, dans la police américaine. En France, le FB .1. et le reste, on en consomme autant que la pénicilline!
Il est penaud pour toute la police des U.S.A., Stumm. Il en bave des ronds de galure.
Nous sortons.
- il faudrait donc conclure que ces quatorze appels sont partis de la même cabine? Hum! ce serait assez bizarre.
Il ne me répond pas.
Nous marchons en silence. La nuit devient plus fraîche, plus venteuse.
- Il y a peut-être eu erreur quant à l'heure du décès, fait-il enfin. Peut-
être la fille n'est-elle morte que juste avant la fermeture?
- Pendant la ruée du populo sur le vestiaire?
Evidemment, ça parait invraisemblable.
Il hausse les épaules- Ce~˛c ô~2kT, 1~~i.~-jt', ~ .W .'~V.~t79 w~ de ea~
uatre. Ix>uLII~ c1~ ~ ~ 9~ à ~'~s
i~ux,je me charte ~ie J 'affaire.
Il a un signe de tête affirmatif.
Je bigle ma montre que j 'ai réglée sur l'heure de hicago, because les fuseaux horaires. Vous avez ~ entraver ça à l'école. Non? C'est vrai que vous 'êtes qu'un beau ramassis de cancres!
heure moins des...
J'ai le temps d'aller rr,e jeter qiielqUe~ centilitres whisky dans un troquet convenable,
~ de mofl
Croyez~moi ou ne me croyet '~, ~ reprends espoir. Je me dis que, vue d'ici, la voie ~ ç~t,. 1k~ m~"~ à peu de chose près et que mon étoile continue d'y briller.
En tout cas, la matière grise fonctionne toujours au petit poil.
~
Non?
iuit.
La cabine a servi entre l'heure présumée de la de l~établîssement.
Je sors mon tarin du verre de rye e~ j' ~X XXX\~ bonne raison à cela : le glass est vide.
Stunini a peut-être raison, le toubib de la police a pu se foutre le doigt dans l'oeil. Un toubib qui joue au con, ça se voit souvent, beaucoup trop sou≠vent!
Oui, il y a cette solution. Mais il y en a une seconde, et j' ai la faiblesse de m'y attarder k môme a pu être étranglée autre part et amenée ic par la suite!
En ce cas, cela changerait la face du problOc.
-
How rnuch ? je demandeLe garçon me dit un chiffre que je ne pige pas. D'un geste informé, j'aligne un billet de cinq dollars.
Puis j 'empoche ma mornifle et je me mets à la recherche de ma première boîte de danse, celle devant laquelle j 'ai rambiné une taxi-girl. J'ai h
‚te d'avoir un petit aperçu du comportement privé de ce genre de donzelle.
Puisque je suis ici pour la chose de la psycholo≠gie, comme dit Grane, autant y aller carrément!
Il est deux plombes plus trois lorsqu'elle radine. Vaporeuse, ma Dorothy Lamour pour noces et ban≠quets ! Faut voir! Moi, je suis un peu emprunté, je ne sais pas par quel bout on les chope, les gis≠quettes, ici!
- Un glass?
qu'est-ce qu'on risque?
Elle dit:
- Yes...
On va se tortiller quelques verres de whisky. Puis je lui exprime ma sympathie d'une façon toute manuelle, ce qui est la seule méthode interna≠tionale que je connaisse.
- On go to bed ? fais-je, après que les premiers attouchements se soient avérés concluants.
Elle n'est pas contre, mais elle a un regard à
mon lai-feuille qui en dit long comme une rame de métro sur son désintéressement.
Je cligne de l'oeil en tapotant mon crapaud. «a la met en confiance, cette mignonne
Elle piaule, à quelques rues de là, un petit appar≠tement assez minable.
Elle met son doigt sur ses lèvres lorsque nous grimpons l'escalier. «a me rappelle la bonne pro≠vince française, quand j 'allais sauter la bonniche des voisins.
Le meilleur moment de l'amour, c'est lorsqu'on grimpe l'escalier. Je suis la souris en regardant onduler son postère fort aimablement.
Elle a le dargeot sympa, c'est énorme. «a aide aux relations culturelles.
Je la suivrais comme ça jusqu'à la planète Mars. Mais elle va moins haut, le troisième étage lui suffit.
Elle engage une clé plate dans une serrure confi≠dentielle.
Je vous l'ai dit, c'est locdu, comme crèche. Locdu et vaguement craspect, avec les serviettes de toilette sales par terre, un divan dont les couver≠tures balayent un parquet qui en a plutôt besoin. Des mégots poisseux de rouge dans les cendriers, des pantoufles ravagées, des culottes sur les dos≠siers de chaise. Enfin, ça n'a pas d'importancL'amour, ça se fait n'importe o˘, n'importe com≠ment. L'essentiel est qu'on soit deux Je pose mon bada et ma veste. A ce moment, elle découvre ma seringue accrochée sous mon bras. Elle devient toute chose. Vous parlez d'un petit étourdi que je fais
Elle devient p‚le comme une crème fouettée et ses yeux s'agrandissent.
Je rigole.
- I arn the French I dis-je.
Du coup, elle ouvre grand sa gueule et se met àhurler, sans souci des voisins dont pourtant elle semblait vouloir respecter le sommeil.
Mors, je l'empoigne par le bras.
- Silence
Je lui montre mes papiers. Le mot police est aussi éloquent en français qu'en anglais. Elle se calme.
Petit à petit, je l'apprivoise. Je lui explique ma mission et ça la réconforte.
On fmit par mettre au point un petit langage ànous qui nous suffit à
exprimer des idées cohé≠rentes sinon philosophiques.
Je lui demande si elle connaissait les souris qui ont été butées et elle me répond que non. Elle n'a pas la moindre idée de ce que peut être le soi-disant Français assassin.
Tout en discutant le bout de gras, je lui flatte les hanches et la conversation finit par laisser place aux gestes. Elle a un beau coup de reins, la gamine! On s'en offre une drôle de tranche, je vous le promets. Jamais les rapports franco-améri≠cains n'ont été aussi serrés quand on a terminé la partie de zizi-panpan, on recommence à jacter. C'est une grande loi humaine: un sens intervient toujours après un autre.
Elle me dit que son turbin est épuisant. La danse fatigue. Les veilles aussi. Bref, elle rêve d'être manda à un mec convenable qui lui achèterait un gentil cottage dans la banlieue et lui ferait une paire de lardons.
C'est le rêve de toutes les gerces qui ne mènent pas une vie très réglo.
Je m'informe de ses gains. Elle touche une ris≠tourne sur les tickets empochés et une autre sur les consommations. Dans les bonnes soirées, elle se fait un peu de fric, mais il faut en suer! Probable qu'elles arrondissent leur budget en faisant une petite passe, de temps à autre!
Elles ne peuvent jamais refuser la clientèle; c'est interdit par la direction.
- A qui appartiennent ces maisons, fillette?
- A un consortium. Chacune a un gérant qui dépend de la société principale.
-
Et qui dirige la société?
-
Maresco..-
qu'est-ce que c'est que ce type-là? Elle ne répond pas.
Je n'insiste pas. Je sens en elle comme une méfiance. Tant qu'il n'était question que du travail, ça boumait, mais, maintenant qu'on aborde un sujet plus épineux, elle joue à la carpe et ne com≠prend plus mon langage.
J'hésite, puis je sors un billet de ma poche et je le dépose sur le lit.
Elle reste assise, immobile. C'est à peine si elle me dit au revoir d'un bref mouvement de tête.
Peut-être n'ai-je pas donné assez?
Pourtant, je lui ai l‚ché vingt dollars. C'est pas sale pour subir mes hommages, hein?
Un coup de tringle à la française, ça devrait au contraire se payer!
Décidément, les grognaces de Chicago sont bien déroutantes, avec leurs façons de se faire tuer comme des mouches ou de ne pas dire merci lors≠qu'on leur crache de l'osier.
Je hèle un taxi:
-
Le Connor, rapidos!
Il est temps que je me file dans les toiles, car je ne tiens plus sur mes cannes
«a fait un bout de temps que je ne me suis pas couché dans un bon lit tout blanc.
BAS LES PAUESIl n'est pas loin de midi lorsque je me réveille. Je commence par le commencement, c'est-à-dire par prendre une douche froide, ensuite de quoi je téléphone à Cecilia, histoire de lui donner un petit bonjour. Mais ça ne répond pas à son domicile. Je demande alors Nord 54, deux fois, et c'est sa voix harmonieuse qui l‚che dans l'ébonite le tradition≠nel "
Hello ! ".
-
Passé une bonne nuit ? demande-t-elle.
Il y a quelque chose de moqueur dans son ton.
-
Pas mauvaise. Pourquoi?
-
C'est votre genre, le brun? C'est vrai que la Française est surtout brune.
Je deviens prudent comme un gars chargé de déminer une région.
-
Tout ça pour en arriver à quoi?
-
A la petite taxi-girl que vous avez enlevée cette nuit.
Je prends l'apostrophe dans les gencives.
-
On est en Russie ou en Amérique ? je r‚le! On me fait suivre ! Si c'est ça, je refais ma valise et le premier avion pour la Francecaille, y a moi dedans!
Elle éclate de rire.
-
" On " ne vous fait pas suivre, affinne-telleMais " on " fait suivre tous les hommes qui atten≠dent une taxi-girl à la sortie de son travail. C'est la plus élémentaire précaution, vous ne pensez pasJe ne réponds rien.
Evidemment, j 'aurais d˚ me douter de la chose. En tout cas, ils font fort bien leur service, les anges gardiens, je ne me suis aperçu de rien. Très élé≠gamment fait!
Je pense à Stumm, lequel m'a sauté sur le poil illico. Mazette, ils ont mis en place le dispositif numéro un.
-
Vous n'êtes resté chez elle qu'une heure, fait-elle. Je croyais que les Français restaient beaucoup plus longtemps chez les jeunes femmes.
Je me fous en rogne.
-
Vous verrez, lorsque j'irai chez vous! Elle ne l'a pas volé. Du reste, ça la déconcerte un peu.
-
Dites-moi, Cecilia, soyons sérieux. J'ai sim≠plement voulu me rendre compte de la façon dont vivait une taxi-girl.
-
Et c 'est concluant?
-
qui sait ?... Autre chose: cette surveillance étroite dont les maisons de danse font l'objet, y a-t-il longtemps que vous l'exercez?
-
Dès le deuxième meurtre... et elle n'a fait que se renforcer.
-
Je ne vois pas comment, en ce cas, mon
' ~ " a pu commettre les cinq autres for-
-
Nous non plus ne le voyons pas.
-
il paraît que toutes les boîtes appartiennent àiu
-
C'est exact.
-
Et il paraît également que le consortium a àin v~raii N'y 9
-
Dites-moi, vous en avez appris des choses!
-
Une heure bien employée, en compagnie Et encore, je ne parle pas la langue
vi ~ii~ marquer un point.
-
qui est ce Maresco?
-
Vous avez entendu parler d'Ai Capone?
-
Je connais mal l'histoire des Etats-Unis, mais qu'après La Fayette, c'est le gars qui a le p ~rdeluiici.
Maresco a été comme qui dirait un de ses
-
Bravo. Et, vis-à-vis de la police, quel rôle
~
t il n in Aucun. Il se tient...
... Peinard? C'est ça.
i
veut dire quoi? qu'il bande les yeux des billets ?
«a veut dire ce que je vous dis: il se tienpeinard. L'origine de sa fortune est plus que dou≠teuse, mais la façon dont il la gère est régulière.
-
Bon, bon... O˘ habite-t-il, cet I homme?
Pourquoi?
J'aimerais lui dire un petit bonjour. Elle semble abasourdie.
-
quoi ! Vous voulez voir Maresco?
-
C'est pas le bon Dieu, non?
-
Ici, c'est beaucoup plus! Pour le voir, on une recommandation du gouverneur au moins et demande audience deux mois à l'avance.
Bon. Il habite o˘?
Kedzie Avenue, près de Garfield Park. Sa maison ne porte pas un numéro?
-
Peut-être, mais elle n'en a pas besoin, tout le monde la connaît.
Elle ajoute:
-
Vraiment, vous allez essayer de le voir?
-
Je vais le voir, Cecilia.
-
quelle idée!
-
N 'est-il pas le grand patron de toutes filles mortes ?
-
Si, dans un sens.
-
Eh bien, c'est dans ce sens-là que je parler. Il a eu des réactions, Maresco, en qu'on démolissait ses gambilleuses?
- Il a offert une prime à qui découvrirait - ou permettrait de découvrir -
l'assassin.
- Grosse?
-
Dix mille dollars.
-
Hum! c'est d'un bon patron, un pareil geste
Je réfléchis afm de voir si je n'oublie rien. Mais non, je lui ai posé
toutes les questions qui me titillaient la langue.
- «a va, je vous laisse travailler, mon ange. Faites mes amitiés à Grane.
Elle prend un ton très nonchalant pour demander:
- Je vous vois, aujourd'hui?
- Evidemment, dis-je. il est bien entendu que vous m'invitez ce soir, à
neuf heures, à prendre un drink chez vous. J'ai votre adresse!
Je raccroche sans lui laisser le temps de retrou≠ver ses esprits CHAPITRE IV
MARESCO (bis)
Kedzie Avenue est en plein coeur de la J'avise un mec occupé à ramasser des débris papier ou des épluchures de fruits qu'il jette une sorte de tonneau à roulettes.
- Hello! je lui lance, the Maresco please?
Vous vous rendez compte combien mon se perfectionne? Du reste, il n'hésite pas un de seconde et me désigne une bicoque qui drait parfaitement à M.
Ford pour monter une ~ cursale.
Un immense dais bleu, clouté d'étoiles I orne l'entrée. De part et d'autre de la lourde, il y deux portiers galonnés. M'est avis que si Maresco ne se prend pas pour le président Etats-Unis, il ne se prend pas non plus pour 1'
crément qui décore la bordure du trottoir.
Je grimpe les marches du perron.
Les deux portiers, sans se consulter, se rappro≠chent, ce qui bloque net la lourde.
Je bigle les deux immenses épaules jointes. C'est ce qu'un prof de géographie appellerait une " frontière naturelle "
L'un d'eux me pose une question. Sans doute me demande-t-il ce que je viens maquiller.
- I veux voir Mr. Maresco!
ils me dévisagent.
Alors, je gueule:
- Police! en leur soufflant dans le nez à la façon de King-Kong.
Là, je les émeus un tantinet.
Le plus massif (tout en ronce de noyer !) me fait signe de le suivre. Nous pénétrons dans un hall au fond duquel un huissier en smoking, qui ressemble à un croupier, dit des trucs inaudibles dans un télé≠phone intérieur.
Lorsqu'il a raccroché, il nous dévisage sévère≠ment. Le portier baratine.
Je laisse flotter les rubans.
- I flot speak english, dis-je modestement, après qu'il a jacté. I arn afrench policeman. I will, I want. M..., je veux voir Maresco, et au trot, remuez-vous ou je fais un malheur!
L'huissier ne bronche pas-
Ask Nord 54-54, lieutenant Grane! fais-je
sèchement.
J'écris le numéro de téléphone.
A la fin, l'huissier décroche son appareil inté≠rieur et demande conseil à
un mec.
Il me fait signe de m'asseoir sur une banquette couverte de satin bleu.
Je refuse et je me mets à faire les cent pas dans le hall. Cinq interminables minutes s'écoulent L'huissier ne me perd pas des yeux.
De temps à autre, je me plante devant lui et je le renouche.
Comme j'ai l'oeil américain, je ne mets pas long≠temps à repérer la grosse bosse que forme son veston de smoking, du côté de l'aisselle gauche.
Ils ont de drôles de stylographes, les huissiers de Maresco, vous pouvez me croire. Des stylos de calibre 45, pour un mec qui est rangé des voitures, c'est assez cocasse; il est vrai que nous sommes en Amérique, un bled o˘ il ne faut s'étonner de rien.
Enfin, le bignou grésille. Il décroche et grogne:
- Hello!
Il
écoute religieusement, secoue la tête, et rac∑ croche.
-
This way, please I me jette-t-il.
Il me fait entrer dans un ascenseur qui ressembl4 à un salon. L'intérieur est tendu de peau de suèdebeige et une banquette bleue attend les postères fatigués.
Mais ça ne vaut pas le coup de s'asseoir, car ces vaches d'ascenseurs vont à des allures impression≠nantes. Vous n'avez pas retiré votre doigt du bouton que déjà vous êtes arrivé.
Nous marchons sur un tapis moelleux comme une tranche de pudding et un zig costaud, vêtu d'un complet marron et cravaté de jaune, s'inter≠pose.
L'huissier me confie à lui. Le nouveau gnace mesure dans les deux mètres et, lui aussi, a le cos≠tard gonflé à gauche. Peut-être, après tout, qu'ils ont le coeur dilaté, dans la baraque.
Il garde son chapeau sur la tête et m‚che de la " gum ". Voir encore une fois au cinéma de votre quartier!
Nous passons deux portes. Puis c'est un bureau comme je n'en ai encore jamais vu, même au ciné.
Si une bombe tombait sur le Palais des Sports, BénaÔm pourrait organiser ici ses réunions de boxe.
Cette pièce tient toute la superficie de l'im≠meuble. D'immenses fenêtres l'éclairent large≠ment. A l'extrémité, c'est arrangé en bar luxueux. Au milieu se trouve un meuble couvert de peau de suède - Maresco a d˚ faire un voeu ! - et cerné de fauteuils qui ressemblent à un troupeau d'élé≠phants.
quelques costauds du format de celui qum'escorte sont enfouis jusqu'au cou dans lesdits fauteuils. Derrière le bureau se tient un vieux bon≠homme aux cheveux drus, grisonnants. On voit qu'il est vieux à son visage ridé, mais, comme prestance, il se pose là! Il a d'épais sourcils, l'oeil noir et enfoncé, la bouche mmce.
Pour les fringues, c'est un Brummeil! Complet bleu croisé, chemise blanche, cravate noire ornée d'un filet bleu. Aux doigts, une quincaillerie valant des milliers de dollars.
Il me regarde venir comme un roi, du haut de son trône, regarde venir le mendigot de la semaine.
Lorsque je suis devant lui, il m'examine silen≠cieusement, implacablement.
Son regard est d'une cruelle éloquence: il m'apprend que ma cravate rouge ne va pas du tout avec mon costard gris àrayures, parce qu'elle est ellemême à rayures. que mes chaussettes bleues sont une hérésie et mes pompes de daim une preuve de mauvais go˚t.
J'essaie de briser sa contemplation en lui adres≠sant un salut que je m'efforce de rendre cordial, mais il est hypnotisé.
-
Si je vous plais tellement, je peux vous avoir ma photo en pied, je murmure.
-
A quoi bon ? rétorque-t-il.
Son français est excellent. Sa voix est douce, chaude, comme celle d'un speaker qui donne aux futures mamans des conseils de puériculture.J'avoue que je suis surpris.
- Vous parlez français ? balbutié-je.
- Devinez ? fait-il sans rire.
Drôle de gabarit! Des types comme lui, on n'en rencontre pas des tonnes
- Vous êtes de la police française?
- Oui.
- Grane vient de me donner des explications, inutile donc de résumer. Vous attendez quelque chose de moi?
Je me convoque d'extrême urgence pour une conférence intime.
" San-Antonio, je me dis, l'honneur national est en jeu. Si tu continues à
te laisser mettre en boîte par ce zigoto, tu vas tellement avoir l'air d'une crêpe que tu n'oseras plus jamais te rencontrer dans une glace. "
Je me racle le corgnolon.
- Oui, fais-je, j'attends plusieurs choses de vous: un siège, pour commencer, car j'ai horreur de parler debout, et ensuite quelques minutes d'at≠tention.
Son sourcil gauche remonte d'un centimètre.
il est vachement surpris et, par conséquent, inté≠ressé.
D'un coup de pouce, il me montre un fauteuil.
Je m'y laisse choir, puis j 'examine les quatre 66
BAS LES PAlTES!
bmtes dispersées dans l'immense pièce comme des naufragés sur des atolls!
" Faites chauffer l'atoll! " comme diraient gars de Bikini Je leur souris aimablement, mais autant sourire àquatre tas de terre. Leurs cerveaux sont gros comme des noisettes et se perdent dans la masse. Alors, pour la question des réactions, vous repasse≠rez la semaine prochaine !
Tout ce qu'ils sont capables de faire, ces tordus, c'est de sortir un pétard de leur poche à la vitesse o˘ vous crachez un noyau de cerise et de vous téléphoner une pra≠line dans le bocal!
Je reviens à Maresco, lequel, décidément, offre un intérêt humain.
-
ils ne sont pas marrants, vos boy-scouts ! je lui fais. Chez nous, les tueurs sont plus rigolos, car ils sont latins il ne bronche pas.
Mais sa bouche s'entrouvre d'un quart de poil.
-
Aux Etats-Unis, dit-il, le temps est une valeur. Je n'ai que quelques minutes à vous accor≠der, monsieur le commissaire français.
-
Le Bon Dieu vous le rendra, fais-je genti≠ment.
-
que voulez-vous?
-
Vous poser une question.
BAS LES PAflES
67
- Vous n'avez aucune qualité pour poser des questions à un citoyen américain.
Il
doit être bon sur un court de tennis, Maresco. il a le don de la riposte!
-
J'agis à titre officieux, d'accord, mais sur la demande de votre police.
Maresco se tourne légèrement en biais afm de pouvoir croiser ses jambes.
-
Ecoutez, dit-il, je suis d'origine italienne. Je connais beaucoup l'Europe, la France en particu≠lier. Dans nos pays, tout est officieux, mais, ici, tout est officiel. L'officieux, c'est fait pour les gens qui ont du temps à perdre.
" Moi, je n'ai pas le temps de répondre à vos questions. Vous venez me parler des filles assassi≠nées, vous avez appris que les boîtes auxquelles elles appartenaient sont sous mon contrôle et vous jouez les enquêteurs. Je ne sais rien. J'ai promis dix mille dollars à qui trouvera le meurtrier.
Trouvez-le et passez à la caisse. "
il
se dresse à demi.
- Bonsoir.
Comme mise à la lourde, c'est du gratiné, vous ne trouvez pas?
Je ne veux pas lui donner la satisfaction de me voir en crosse.
- Comme vous voudrez, Maresco, dis-je en me levant. Pourtant, si vous ne voulez pas me parler,
68
BAS LES PATTES
laissez-moi vous dire quelque chose. Je ne crois pas beaucoup à l'histoire du meurtrier sadique. Un meurtrier sadique se serait fait crever depuis le temps. Et puis...
Et je le bigle puissamment:
- La petite du taxiphone n'aurait pas été portée dans la cabine " après sa mort et après la fermeture du Cyro's! "
Je me taille sans me retourner.
M'est avis qu'il doit regretter ses manières d'empereur romain, le vieux Rital!
Le tueur à gages qui m'a escorté pour venir me raccompagne.
qUne fois dans l'avenue, je respire puissamment. Curieuse prise de contact, à la vérité! Je viens de faire connaissance vraiment avec les Etats-Unis.
C'est une sorte de baptême du gangstérisme.
Je tourne le coin de l'avenue et je pénètre dans un établissement tout ce qu'il y a de sélect.
- Double whisky! dis-je en m'accoudant au bar.
CHAPITRE V
UNE VIEILLE CONNAISSANCE
Le Cyro's est fermé. Une grille à croisillons en interdit l'accès.
Pourtant, j 'entends chanter à l'inté≠rieur. Un zig brame à plein chapeau.
Et ce zig, je vous parie la main de ma soeur contre le masseur de Marlène que c'est un Noir. Il n'y a qu'un Noir pour chanter les blues de cette manière-là.
Je passe mon poing au travers de la grille et je cogne dans la porte.
«a ne produit tout d'abord aucun effet, mais la persévérance est toujours récompensée. A force de tabasser, la chanson s'arrête et la lourde s'en≠trouvre. Je vois apparaître le visage rigolo d'un négrillon. Il est en veste blanche boutonnée sur l'épaule, il porte un pantalon bleu et il est coiffé d'une casquette à petite visière.
- Excuse me, lui dis-je. Open, police!
étinceler comme un collier de perles. .Je sais que cette comparaison est d'une pauvreté navrante, mais les plus grands auteurs se laissent aller à
la facilité.
- Open!
Je le gueule tellement fort que des passants se -
retournent.
Et je rajoute:
-
Police! Parce que c'est le mot qui a le plus de chance d'impressionner un honnête homme. Le négus a fmi par réaliser. Il ouvre la grille et je -
pénètre dans l'estanco.
Le coin est vaste, désert comme une cathédrale après les vêpres et en grand nettoyage. C'est le négus qui se tape la séance d'aspirateur avant de remettre les sièges en place.
C'est certainement lui qui a découvert le cadavre de la souris dans la cabine. Mais, comme il ne jacte pas une broque de français, je renonce aux ques≠tions.
Je sors mon dico de ma fouille et je construis des phrases comme on joue au puzzle.
En quelques minutes de cet exercice qu'il suit avec attention, je parviens à lui faire comprendre que j 'ai besoin de voir le gérant de la taule, et de le voir rapidement!
Il sourit aimablement alors et m'entraîne solen≠nellement vers le fond de la salleNous pénétrons dans un couloir bas de plafond. Au bout, il y a l'éternelle porte Private. Ce sont ces portes-là qu'un flic aime le mieux franchir.
Le Noir frappe. Un grognement lui répond. Ce grognement doit vouloir dire "
entrez ", car, sans hésiter, il ouvre.
J'aperçois un grand type brun et maigre derrièr~ un bureau. Tout le monde vit derrière un burlingue, dans cette contrée.
Comme sale gueule, il faut aller loin pour trou≠ver pire ! il est bistre, il a le regard fuyant, les pommettes saillantes et un air faux-cul vaporisé
sur toute la physionomie!
il bondit et repousse un tiroir.
Hello I fais-je. Je parie le dentier de votre vieille aÔeule contre une douzaine de roses rouges que vous parlez français.
il me toise d'un air inquiet.
- Oui, admet-il. Perqué?
- Parce que vous êtes italien aussi et que vous avez vécu à Pigalle avant de venir aux U.S.A.
Je continue:
-- Vous vous appelez Seruti. J'ai bien connu M. votre frère ! J'étais là
lorsque les flics l'ont serin≠gué à la Villette, dans la cahute o˘ il s'était plan≠qué avec Mario-Grosse-Tête!
Il en est baba, le frère -
Yé m'appelle Seruti, admet-il, drôlement
soufflé.
-
J'ai une mémoire visuelle extraordinaire, affirmé-je avec modestie.
J'ai vu ta gueule aux dossiers, à Paris. Alors, comme ça, tu t'es rangé?
- Oui, dit-il, jé faite ma situationne à Chicago.
Je m'assieds en face de lui.
- Le monde est petit, dis-je.
il est mal à l'aise. il me regarde en se demandant qui je suis.
- Police ? questionne-t-il prudemment.
Je lui présente ma carte.
- Commissaire San-Antomo.
Il se dresse.
- Non, chez nous, t'es à jour. A moins que tu aies une ardoise secrète?
Il fait un grand signe de dénégation.
- Bon, te fais pas péter une articulation, il n'est pas question de boulot.
il me dédie alors son plus chaleureux sourire.
- Bene, j'aimé mieux ça. On prend oun drink?
- D'accord.
Il me regarde en riant et répète ma phrase initiale:
- Lé monde est pétite!
Puis, réalisant que ça n'était pas seulement pour pouvoir parler de Pantruche que je suis venu:
- Vous avez bésoin dé moi- qui sait, fais-je en trempant mon pique-bise dans le verre de rye qu'il vient de me verser.
Du coup, son bel optimisme s'évapore instanta≠nément.
-
C'est dans ta taule, icigo, qu'une môme a été scrafée?
- Oui, mais...
- Il y en a d'autres, je sais. Une épidémie...
- Oui.
- Seulement, la tienne, elle est cannée d'une façon poilante. Dans une cabine... Etranglée, la pauvre chérie. A proximité d'un tas de gens qui n'ont rien vu, rien entendu.
- Yé n'y souis pour rien.
- Ben, voyons! Simplement, tu pourrais me dire à quel endroit elle est morte, la pauvrette.
- Mais...
-
Ah! non. Te mets pas à bêler, ça fait couenne!
- Yé vous assoure, commissaire, yé né connais dé l'affaire qué cé qué les journaux en ont dit...
- Passe la main! Tu es le boss de cette boîte, oui ou non?
- Oui, mais...
Je lui allonge un parpin qui lui arrive illico à la pointe du menton. Il a un geste rapide vers sa seringue, mais j 'ai sorti la mienne avant.
- Laisse l'artillerie à ta gauche, chéri... Et pardonne un mouvement d'humeur. L'humeur, c'est mon défaut mignon.
Il met ses pognes à plat sur la table.
- Bon, bien sage... Je sais que la fille n'a pas été étranglée dans la cabine. Elle l'a été ailleurs, mais, par la suite, on a transporté sa carcasse dans le taxiphone. Ne proteste pas, je te dis que je sais cela.
J'en déduis que la fille a été tuée dans ce coquet établissement, mais dans un autre endroit o˘ tu n'aurais pas aimé qu'on la trouve. Mors, après la fermeture, toi et tes pieds nickelés, vous l'avez mise là-bas. Une cabine, c'est une chouette idée; c'est le petit coin d'ombre accessible pour tout le monde.
il se lève.
-
Commissaire, dit-il, jé né sais pas dé quoi vous parlez. J'ai déjà
répondou à la police, jé n'ai plou rien à dire. Rien!
Cette fois, il est s˚r de lui. il a fait son petit numéro mental, il a réalisé qu'ici je suis un double zéro, un résidu de lavasse.
La police de Chicago n'a pas l'air de bien impressionner les truands en place.
- Bon! dis-je. Nous parlerons de ça un de ces quatre. Mais crois bien que j'en sais long, plus long encore que tu ne le supposes. Cette nuit, j 'ai passé une heure charmante en compagnie d'une
souris de la taule voisine. Elle a eu une conversa≠tion très édifiante.
Je me lève.
- Bye-bye, Seruti.
Et je m'en vais en refilant un dollar au Noir qui manie l'aspirateur.
Je viens de foutre un paveton dans la mare. M'est avis, les gars, que l'eau ne va pas tarder à se troubler.
Vous trouvez peut-être que j'agis d'une façon un peu incohérente; seulement, ma seule arme, ici, c'est le pifomètre.
Faut bien que je m'en serve. NonUne fois dans la rue, je perçois un bruit pareil au grondement du métro. Je comprends que c'est mon estomac vide qui fait ce raffut.
Alors, j'entre dans un bar et je commande un sandwich-club.
Une fois colmatée la brèche de mon estomac, je décide d'aller serrer la cuillère à Grane.
Vu que c'est lui qui m'a relancé jusqu'à Paname, il est plus que normal que je le tienne au courant de mes investigations, comme ils disent ici Je m'annonce donc dans le building maison - ou plutôt " grande maison " -
et j'adresse un petit
salut déjà protecteur au flic qui monte le pet devant la lourde. Seulement, cet enfoiré ne me remet pas, car il est nouveau. C'est fou comme les gens qui ne vous ont jamais vu vous remettent péniblement!
La tendre Cecilia fait fumer une machine àécrire à force de lui cogner dessus.
En m'apercevant, une légère coloration inonde son beau visage.
Elle s'arrête de malmener son clavier et se lève.
-
Oh ! vous, murmure-t-elle.
- Yes, me I fais-je.
Elle reste immobile. Je m'approche d'elle et je lui roule un léger patin.
- C'est de la folie, balbutie-t-elle, après me l'avoir rendu.
Elle a les ch‚sses qui jouent à l'appareil à sous. Vite, elle se recharge les baveuses. Puis elle renouche à droite et à gauche, mais il n'y a per≠sonne.
- N'oubliez pas que vous m'offrez le café ce soir, dis-je gentiment.
- Vous pourriez venir dîner, murmure-telle en baissant chastement les mirettes.
- Pourquoi pas?
- Vous aimez le soja?
Je réprime la grimace qui s 'apprêtait à me contacter la physionomie.
- Pourquoi pas, fais-je, lorsqu'il est servi par vous?
Je coupe court à ce flirt un peu poussé. Les jeunes filles en flirt ne boulonnent plus et celle-ci est sur le tas en ce moment.
- Grane est laga?
- Il est quoi?
- Laguche?
Elle rit.
- Je suppose que c'est de l'argot ? fait-elle.
- C'en est, je suis doué pour les langues. Vous verrez ce soir.
Là-dessus, comme elle estime également que nous venons de débloquer suffisamment, elle va m'annoncer.
Grane me reçoit presto. il ressemble plus qu'hier et bien moins que demain à un clown démaquillé. «a vient de sa peau lisse et ros‚tre. M'est avis qu'il s'est attardé dans un incendie, ce citoyen.
- Hello! murmure-t-il en souriant. Du nouveau?
- Peut-être...
Sa patate prend un air ahuri.
- Vous parlez sérieusement?
- Mon Dieu, Grane, ne m'avez-vous pas fait radiner de France pour que je m'occupe de votre affaire?
- Si, mais une telle rapidité- Attention! je n'ai pas mis la main sur l'as≠sassin et je ne la mettrai peut-être jamais. Simplement, j 'ai découvert certains petits éléments qui ne figurent pas dans le rapport.
- Oh! dit-il. Vous avez rendu visite àMaresco?
- Oui.
- On a téléphoné de chez lui à deux reprises. Une première fois avant votre entrevue, pour demander des explications sur votre compte, et une seconde après votre départ, pour redemander des explications. La seconde fois, c'est Maresco lui-même qui était à l'appareil.
- Mince d'honneur, je ricane.
il fait semblant de ne pas avoir entendu.
- Puis-je vous demander la raison de cette visite?
- Mon Dieu, n'est-il pas le grand manitou des boites o˘ travaillaient les victimes?
- Si, mais...
- Mais c'est tout ! Je ne néglige rien.
il n'insiste pas.
Je poursuis
- Autre chose : le gérant du Cyro's est un repris de justice; à Paris, il a un dossier comme ma cuisse, aux sommiers. quatre ans de taule pour attaque à main armée, puis huit ans pour abus de confiance. Un gentil cocoGrane hausse les épaules.
- Si vous voulez des anges, il ne faut pas venir à Chicago.
- Je m'en doute. Mais là n'est pas la question. Je suis en mesure de vous apprendre que la fille butée au Cyro's ne l'a pas été dans la cabine télé≠phonique, mais ailleurs et on a porté son çorps là-bas " après " la fermeture de la taule.
" Cela dit, je connais suffisamment les hommes pour pouvoir affirmer que Seruti, le taulier, est au courant de ce transport de cadavre. Je ne dis pas qu'il soit mêlé au meurtre - ce qui, en tout cas, n'aurait rien de surprenant - mais qu'il sait o˘ la fille a été tuée. "
Grane se frotte le menton.
- Je ne vois pas ce qu'on peut faire, dit-il. Seruti, c'est Maresco. Dans l'état actuel des choses, on ne peut pas s'en prendre à Maresco sur des présomptions.
Il a les jetons, Grane ! Ici, plus qu'ailleurs, c'est la république des pontes!
- Laissez glaner, dis-je. Je vais m'occuper de cela tout seulabre. Je suis ici à titre tout ce qu'il y a d'officieux; c'est un handicap et un avantage. Je n'ai pas d'appui, mais aussi pas de comptes àrendre!
il a senti que je suis en rogne et il tire un flacon de raide de son fameux tiroir-bar- Undrink?
-
D'accord... Sur ce terrain-là, nous nous entendrons toujours.
Je liche mon godet.
-
Dites-moi, Grane, puisque vous faites sur≠veiller sur une grande échelle les maisons de danse, voulez-vous attacher un zigoto à la per≠sonne d'une jeune taxi-girl de mes relations?
-
quel nom?
-
J'ignore le prénom. Je n'ai lu que son nom sur sa plaque : Momsson.
Et elle habite...
Je tire un brin de camet de ma poche.
- Canal St... 518... C'est une fille brune... bien foutue...
-
Vous avez des raisons de croire qu'elle est en danger?
-
Toutes les taxi-girls le sont, mais peut-être l'est-elle particulièrement.
Grane décroche son téléphone et demande quel≠que chose à la standardiste.
On lui passe le service réclamé. Je l'entends refiler le blaze et l'adresse de la pépée.
-
Le nécessaire va être fait, assure-t-il. J'ai demandé qu'on place devant sa porte un spécia≠liste.
-
Parfait ! Il ne me reste plus qu'à vous deman≠der de me soumettre encore une fois les fameux papiers signés : le Français.
- Volontiers...
Il récupère son dossier et sort de l'enveloppe en carton les sept billets.
-
Vous avez une loupe?
- Facile.
Il
sonne Cecilia et lui demande d'apporter l'ob≠jet réclamé.
Tandis que j 'examine les sept billets, il me regarde attentivement, sourcils froncés.
-
Dites-moi, Grane, les experts qui ont exa≠miné ces bouts de papier ne vous ont rien dit?
Il
hausse les épaules.
-
ils m'ont dit beaucoup de choses, notamment que c'était le même individu qui avait écrit cela, qu'il s'agissait d'un homme, d'un homme assez nerveux.
- Oui, ils n'ont pas précisé s'il aimait les épi≠nards et s'il se prénommait Gaston!
Je secoue la tête.
- Les experts sont les mêmes sous tous les cieux. Au fond, ces gens qui devraient être des scientifiques sont surtout des imaginatifs. Ils vous disent que le type est nerveux et ils oublient de vous dire l'essentiel. Et s'ils oublient de vous le dire, c'est que, justement, cet essentiel-là leur a échappé!
Grane est intéressé, je vous le jure! il ne donne≠rait pas sa place contre une sucette en sucrd'orge! Et même pas pour une fantaisie de la plus belle star d'Hollywood.
- quoi ? croasse-t-il.
Je prends mon temps. Pour une fois qu'un Français peut mystifier des Ricains, les prendre en flagrant délit d'incompétence!
- Il y a que ces billets ont été écrits le même jour ! fais-je.
Grane se lève, contourne son bureau et se penche par-dessus mon épaule.
- Sur quoi vous basez-vous pour affirmer une telle chose?
-
Prenez la loupe. «a se voit à l'oeil nu, mais prenez-la tout de même!
il prend la loupe.
-
Le type a écrit avec un stylo à encre. Il y avait une saleté après la pointe du stylo. Un petit bout de poil ou une grosse poussière. On le voit très bien à certains emp‚tements qui reviennent dans les déliés, c'est-à-dire dans les remontées de la plume. Or il ne s'agit pas d'un défaut fixe de la plume, car cet emp‚tement est inégal. Et, de plus, il se déplace. Voyez cette boucle de " L " ici: l'emp‚tement est à gauche et, là, il est à droite. Conclusion: il y avait une légère saleté au bec de la plume. Croyez-vous qu'on garde une saleté
des semaines à la pointe de son stylo?
il se masse le menton.
-
Non, évidemment.
-
En plusieurs semaines - elles nous sont don≠nées par l'étalement des meurtres -' le criminel aurait été obligé de remplir son stylo, car, même s'il ne s~ en servait pas beaucoup, l'encre se serait évaporée. Et, en remplissant le stylo, la petite saleté aurait fichu le camp. Vous pigez?
- Très bien.
il retourne s'asseoir.
-
Tous les billets écrits le même jour?
- A la file, oui!
- Et pourquoi ? demande-t-il.
Je souris.
-
Peut-être parce que l'assassin avait, ce jour-là, sous la main, un type sachant écrire le français et qu'il en a profité pour stocker les petits billets.
Comme un automate, Grane verse à boire. il vide son verre et me regarde.
- «a voudrait donc dire..., commence-t-il. Je me lève et ramasse mon chapeau.
- «a voudrait simplement dire que le meurtrier des taxi-girls est n'importe quoi, sauf Français! déclaré-je avec un petit sourire heureux.
Je porte deux doigts à ma tempe droite.
- Salut, Grane, je continue. Et je vous tiendrai au courant, comme de bien entend
CHAPITRE VI
LE POULET-COCOlTEJe pars du building poulet d'une démarche de gladiateur, mais je suis un tantinet moins fiérot lorsque je me retrouve sur le macadam.
En un temps record, j'ai défriché un peu le ter≠rain; seulement je suis un peu moins fracassant, car je ne sais plus du tout que faire.
Faut comprendre! En réalité, je suis seul dans cette ville tentaculaire.
Tout seul comme un toutou perdu. Maintenant, je sais que je ne puis compter d'une façon vraiment effective sur la police, because la police d'ici a ses chouchous et elle fait gaffe o˘ elle pose ses grands pieds. J'ai contre moi le clan Maresco qui ne doit pas savourer outre mesure mon entrée de cirque dans son buriingue. Lorsqu'il saura que je suis allé briser les nougats àSeruti, il montrera les chailles, c'est officiel. Et je vous parie le bouton de jarretelle de Greta Garbo,
la Divine, contre un préservatif d'occasion que, dès demain matin, Grane, le brave Grane, me convo≠quera gentiment dans son cirque et me demandera non moins gentiment de mettre l'océan Atlantique entre Chicago et moi!
Probable qu'il doit regretter amèrement sa brillante initiative. Il donnerait son amygdale gauche pour ne pas m'avoir fait venir.
Plus je gamberge à ce blot, plus je me dis que la police d'ici a demandé
mon concours afm de faire plaisir au public et, surtout, pour renforcer l'idée qu'il s'agit d'un sadique de nationalité française.
Tout en réfléchissant, je gagne mon hôtel.
Au moment o˘ j 'y pénètre, quatorze gnaces assis dans le hall se dressent et m'entourent. Ils ont des appareils photographiques et m‚chent du chewing≠gum, ce qui indique clairement que j 'ai affaire àdes journaleux.
Le pire, c'est qu'ils croient parler français. Ils m'accablent de questions, le magnésium crépite... Je suis aveuglé, assourdi, bousculé...
Celui qui jacte le françouze le plus potable me dit qu'ils veulent une interview de moi. Est-ce que j'ai une idée sur l'affaire? Est-ce qu'il y a beau≠coup de sadiques en France? Est-ce la spécialitc delamaison?... etc.
Je lui réponds que je n'ai rien à dire et je ldemande qui a rencardé la presse sur ma n ici.
il me dit qu'ils ont été avertis par un coup tube anonyme. Je serre les poings! Probable c'est un coup à Maresco ou à Seruti, ce qui t v au même.
Ces sagouins se sont dit qu'en me fi cette meute enragée dans les guibolles, ils m reraient en paralysant mes gestes.
J'essaie d'abord de leur échapper àd'épaules, mais je comprends vite qu'il ne faut y compter. Un paquet de journaleux, à (I i c'est une hydre. On lui coupe une tête, il repousse instantanément une autre!
Le mieux, c'est de leur refiler la matière papelard. Pourquoi, après tout, ne leur pas ce que je sais? Cela donnerait à réfléchir l'assassin.
Je déballe donc la totalité du paquet. Tout passe: les sept billets rédigés simultanément, fille butée ailleurs que dans le taxiphone, tout!
Je vais jusqu'à parler de Seruti, vieille sance de la police parisienne.
Ils en ont pour salive, les vaches!
Leur culot aidant, ils vont me tartiner chose de soigné!
Enfm, je finis par leur glisser des pattes. Et me fais propulser dans ma chambrette pourune nouvelle douche, car toutes ces allées n m'ont fait transpirer et je tiens à me pré-nickel chez Cecilia. J'ai bien droit à une soirée de délassement. Non?
Depuis que je arrivé, j 'ai pas arrêté de cavaler de gauche n i heures lorsque je redescends, parfuméJe cramponne un taxi en lui colloquant l'adresse m~i blonde secrétaire. En cours de route, je me arrêter devant un fleuriste et je fais l'emplette L botte de roses crème absolument sensation-Je les tiens
à la main au moment de sonner, ce n ~ ~ me donner l'air spirituel.
~ habite au douzième, Cecilia... dans un bel
Elle
vient m ouvrir en pantalon gris perle et che≠saumon. Elle a un foulard jaune paille la glotte et sur le ventre, un tablier blanc n i. : I Entrez vite ! me dit-elle.
t i boîte volumineuse.
-
qu'est-ce que c'est? demande-t-elle avec cet faussement surpris qu'ont les sauterelles
n
~ i
VI fl
Voici des fleurs, des feuilles et des branches. voici mon coeur qui ne bat que pour vousElle pousse une exclamation ravie.
- Comment avez-vous su que j'adorais roses?
- L'amour rend futé!
Elle secoue la tête.
- L'amour ! Hé là ! comme vous y allez!
- Cecilia! m'exclamé-je sur un ton reproche, vous qui n'avez peur de peur d'un mot?
- qui sait?
- Un tout petit mot...
Je lui chope le menton.
- On l'utilise beaucoup chez vous, n' pas ? demande-t-elle.
- Oui, mais à bon escient!
- Allons, dit-elle en se dégageant, j'ai un dîner sur ma cuisinière.
L'appartement est gentil.
Un living-room dans le style nucléaire, avec meubles qui ressemblent à des figures triques en couleurs. Une chambre, une salle d'eau entièrement carrelée en bleu p‚le. C' net comme un magasin d'exposition, avec de personnalité qu'une cabine téléphonique.
- Installez-vous ! me crie-t-elle.
il s'échappe de bonnes odeurs de la cuisine. C'est réconfortant.
Décidément, l'Amérique a bon.
J'accroche mon bada à un portemanteau repré≠tête de cygne stylisée. Puis je me coule
précaution dans une sorte d'énorme tulipe, ~ stylisée, qui a la prétention d'être un
du tout.
-
Servez-nous deux Martini ! dit Cecilia.
portée de paluche, il y a un bar roulant aussi
~
le reste de l'appartement.
Vous aimez le style moderne ? je questionne.
-
Devinez ! fait-elle.
arrive pour vider le verre que je lui ai pré-un doigt de Martini dans un poing de gin.
-
Vous n'aimez pas?
C'est-à-dire qu'à côté de mon vieux
moi.
-
J'ai un peu l'impression d'avoir mis le pied lune.
«a la fait marrer.
Ce que vous êtes amusant!
- N'est-ce pas...
Vous avez faim?
J'ai toujours faim, et toujours soif. Chez moi, je vous ai cuisiné?
Du soja?
Non ! Du poulet à la crème!
- Sans blague? On sait cuisiner, chez vous Je croyais que tout était en boite!
- Mais il était en boîte!
Je ne me marre pas.
- Ah ! bon...
- Vous savez dresser un couvert?
- Je sais tout faire.
- Alors, les assiettes sont dans ce meuble!
Le poulet à la crème en boîte n'est pas il faut le reconnaître. Vous faites frire des dans du beurre et vous versez le contenu de boite dans la casserole pour le chauffer. ( - W expresse, résultats satisfaisants Et consommation au whisky, s'il vous plaît! Je siffle les deux tiers de la bouteille de que Cecilia m'a fait déboucher. Elle siffle le sième tiers.
Elle en sifflerait un quatrième s'il avait plus de trois tiers dans un flacon.
Telle qu'elle est, elle est bien partie, et aussi.
Je me dis que le moment est venu de lui un peu de certaines vieilles coutumes françaises.
Je pose mon verre vide et je la rejoins sur divan. Elle a posé son coquin petit tablier Elle a un peu de feu aux pommettes.
Je passe mon bras sur son épaule et je contre moi. Sa bouche a une consistance qui plaît. Pas trop ferme et pas molle, pourtant«a vaut tous les dentifrices à la chioro≠vous pouvez imaginer!
Sa langue est agile. Bref, tout ce qui est utile en Vous n'auriez pas achevé de lire votre horoscope votre hebdomadaire habituel que ce que les
tordues appellent " l'irréparable " est déjà
On est en
route pour le septième ciel, Cecilia et i façon dont nous nous émenons, nous
pas tarder à y parvenir!
vous le dis, on fait la pige aux ascenseurs Le terminus est un éblouissement
CHAPITRE VII
«A SENT LA POUDRCecilia n'est peut-être pas la championne du mimi mouillé, mais elle a pour l'amour des dispo≠sitions surnaturelles. Je lui fais mon grand jeu: la torpille nippone, le bouquet de violettes, le frisson papou.
Elle fait un cirque du tonnerre. Ses cris sont si perçants qu'à un moment donné je monte l'ampli≠ficateur du poste.
Lorsque je la laisse choir, elle est aussi flasque qu'une douzaine de limandes.
Vous parlez d'une séance ! ... Si jamais je signe pour une tournée à
travers l'Europe, ne manquez pas de retenir votre jeton huit jours à
l'avance, ça vaut le coup d'oeil!
Je lui dépose un gros bécot sur la bouche, un dernier, sans passion, un baiser d'adieu.
-
Bonne nuit, Cecilia... Fais de beaux rêves...
Elle a un soupir:
- Vous partez?
- Oui, je vais à mon hôtel.
- Restez ici...
- Non, j'ai besoin de prendre l'air; après l'amour, l'animal est triste Elle est tellement vannée qu'elle ne proteste pas. Je rectifie ma toilette et je quitte l'appartement sur la pointe des pattes.
Dans le couloir, j 'aperçois deux mecs à allure bizarre. Je n'y prête pas attention parce que, des mecs à allure bizarre, il y en a plein les rues.
Ces deux-là se dirigent vers l'ascenseur, tout comme moi. Je parviens à
leur hauteur et nous for≠mons un petit groupe devant la porte. L'un a appuyé sur le bouton d'appel. quelques secondes s'écoulent et il ouvre la porte. Je suis un peu sur≠pris, car il l'ouvre sur le vide. Mais je comprends rapidos. L'autre gnace qui, par une rapide manoeuvre, est passé
derrière moi, me flanque un coup d'épaule pareil à un coup de boutoir. J'ai l'impression d'essuyer la charge de la brigade sau≠vage! Ma pensée fonctionne à quinze cents tours-seconde! Je vois l'immense carré noir de la cage d'ascenseur qui vient à ma rencontre ; je tends les bras, mais sans parvenir à agripper quoi que ce soit. Puis, c'est le grand valdingue, en grenouille, dans les profondeurs. Mon subconscient me dit en vitesse que je suis fini. Venir à Chicago poul crever dans un trou, c'est un peu pénible sur les bords, vous ne pensez pas?
J'ai encore le temps de penser que nous sommes au quatorzième étage.
Lorsque j 'atterrirai, je serai disloqué comme une poupée de son lorsque douze chiots ont joué avec elle
Et, presque aussitôt, je sens un choc maison. Je repose sur une surface plane.
" Bon Dieu! me dis-je, je n'ai pas descendu quatorze étages. "
Je suis sur le toit de la cabine, indemne. Juste un nerf un tantinet froissé, autant dire le gros miracle.
Je ne bronche pas. J'attends en me disant que mes agresseurs se sont peut-
être bien aperçus que la cabine n'était pas au rez-de-chaussée. Mais ils ont fait la valise rapidos à l'autre bout du couloir o˘ se trouve le second ascenseur. Par mesure de sécurité, je laisse s'écouler quatre à cinq minutes que j 'emploie à frotter ma cuisse endolorie et àpenser à tout ça.
Puis je me souviens que les ascenseurs, ici, sont munis d'une trappe permettant de les évacuer en cas de panne. Reste à savoir comment fonctionne cette trappe ! Je la délimite et je sens une poignée. Je tire.
Elle s'ouvre comme la porte d'un meuble de cuisine, car elle est à va-et-vient. Je pénètre donc dans la cabine de la façon la plus aisée qui soit après la grande porte. Puis j'en sors enfm et je m'époussette. Je suis au treizième, c'est-à-dire que je n'ai dégringolé qu'un seul étage. Or, les étages sont courts, ici, et le toit de la cabine est moins dur que du bitume.
Mon ange gardien a traversé l'Atlantique en ma compagnie, c'est un gentil petit mec.
Comme je suis salement écoeuré par les ascen≠seurs, je me tape les treize étages à pince. Pour succéder à une séance d'amour à grand spectacle, c'est un peu beaucoup!
J'ai les fl˚tes en flanelle de coton en arrivant en bas. Heureusement, un bar me tend les bras.
Je l‚che mon mot de passe:
-
Double scotch.
Le garçon obéit avec empressement, car j 'ai parlé net. Je potasse mon petit lexique et je dis, après avoir vidé mon glass:
- A gain I
Le barman remet ça et je continue de jouer aux vases communicants. quatre whiskies dans la bedaine, c'est une bonne compagnie pour un homme dans mon cas.
Je me sens remis à neuf. Je cigle et je sors.
La nuit est bien belle, avec beaucoup d'étoiles au ciel et beaucoup de néons dans les rues.
Je biche un taxi et je lui ordonne de me conduire au Cyro's. Tandis que je cherche de la morniflette
pour le casquer, une fois arrivé, un crieur de jour naux passe, en hurlant.
Je ne pige rien à ses cris mais, en première page du canard qu'il brandit, j reconnais une photo de femme. Elle tient quatr colonnes à la une. Pas moyen de se gourei J'achète un journal. Ma faible connaissance de l~ langue anglaise et mon intuition me permettent d lire le titre et le sous-titre:
" Le Français a frappé une huitième fois! Un nouvelle taxi-girl est abattue à son domicile. "
Et, juste dessous, il y a le portrait de la soun que j'ai calcée la nuit d'avant. Elle a l'air vache ment vamp, là-dessus. Je me rappelle avoir v cette photo contre le mur de sa chambre. Elle a ét tirée par un photographe spécialisé dans le portra de pin-up. Ce gars-là, il sait travailler, parole C'est le superman du contre-jour. Vous lui refile une centenaire et il vous en extrait une photo sexy
Un champion, je vous dis!
Un super-champion!
Cette mort et mon plongeon dans l'ascenset sont du même tonneau. La pauvre môme a bien é'butée à cause du Français, mais, le Français e question, c'est bibi. Le boy-scout de Grane n'a p~ été à la hauteur.
Je jette le canard car, ici, ils sont telleme manousses, tes UdvvuA, i.ju~ v~u~ ~'. cloquer dans votre poche.
Puis j'entre au Cyro's.
Maintenant, les lieux me sont familiers. Je fends la foule des danseurs, contourne l'estrade de l'or≠chestre et pousse la porte du couloir.
Un escogriffe du type argentin, vert comme une
∑
olive, avec des rouflaquettes en pointe, s'interpose.
-
Seruti, please I fais-je sèchement.
«a ne lui suffit pas, il fait des magnes. Il me
∑
barre le couloir en mettant ses ailerons en croix C'est une f
‚cheuse idée pour sa gonfle. Un type dont les bras sont écartés appelle pour ainsi dire h crochet du droit à la m‚choire. Je lui mets tout 1< paquet. «a fait comme lorsqu'on l‚che un sac d< noix. Ses chailles jouent la danse macabre. quant lui, il se répand sur le tapis.
Je pousse une lourde, la première venue. Ell. donne sur un réduit dans lequel sont entreposés de instruments de musique.
Je traîne ma victime par le collet dans ce coince teau et je lui plonge la tirelire dans une gross caisse crevée.
Voilà une bonne chose de faite. Il y a longtem~ que je n'avais pas billé
dans le portrait d'un truan
Je reviens au couloir et me dirige vers la pori du bureau. J'entre sans frapper. A quoi bon prendes manières élégantes avec des gens qui sont aussi peu cordiaux?
Seruti est en train de téléphoner. Il est tourné de profil et ne se donne même pas la peine de regar≠der de mon côté. Sans doute croit-il qu'il s'agit de son escogriffe?
Je lui laisse achever sa petite conversation, après quoi je m'assieds sur le coin de son bureau.
il a un haut-le-corps et me regarde exactement comme si j 'étais la réincamation de Ravaillac.
- Non, Seruti, dis-je doucement, ça n'est pas mon fantôme.
- que... que voulez-vous?
- Discuter à coeur ouvert avec toi, mon chéri.
- Mais...
- Non, plus de mais entre nous, trésor.
Je cramponne sa cravate de la main gauche et je la tords, ce qui, illico, le fait devenir écarlate. De la droite, je me mets à lui administrer une kyrielle de beignes sur le museau. Des allers et retours... Je ne m'arrête que lorsque ma main est endolorie. A ce moment-là, il ressemble à un mec qui s'est engueulé avec une douzaine de kangourous. Son pif saigne, ses lèvres éclatées aussi. Il a une pau≠pière fermée et les joues violettes.
Ma main est maculée de sang. Je sors de sa poche le fm mouchoir de soie blanche parfumé et m'essuie après.
Avant de l‚cher sa cravate, je cueille son feu dans son hoîster. il faut toujours se méfier des réactions d'un l‚che. Parfois, il leur vient comme des accès de courage désespéré.
- Ceci, dis-je enfm, n'est qu'une légère mise en train, mon trognon. Je voulais simplement te montrer que je suis décidé à parler net.
" Nous allons donc bavarder en amis. Inutile de tricher, je sais que tes potes ont buté la môme dont je t'ai parlé tantôt. Cette souris a été mise en l'air àcause de moi, elle m a servi de test. Maintenant, j'ai la preuve que tu es étroitement mêlé à l'affaire des meurtres. Toi et ta bande, vous avez eu peur que la môme ne m'ait parlé. Alors, vous l'avez occise et vous avez voulu me liquider itou pour annuler le coup. Mais on ne bute pas San-Antonio facilement, je suis un dégourdi dans le genre de Raspoutine. Pour m'avoir, faut y mettre le prix! "
il est hagard. Son oeil unique est injecté de sang. Il me fixe avec terreur.
- J'ai fait exprès de te parler de cette fille, Seruti. C'était un piège, elle me servait d'app‚t. Je voulais voir si vous aviez quelque chose à
cacher. Mon plan était de la faire protéger par la police, mais les flics sont dégourdis comme des manches. C'est malheureux. Mais sa mort m'apprend que j'avais mis dans le mille. Et l'attentat dont j'ai été
BAS 35 PA rES
victime aussi. Maintenant, les brèmes sont abat≠tues, parle!
il balbutie:
-
Je... je ne sais rien...
-
Sans blague! Tu serais amnésique, Seruti? A ton ‚ge? T'as reçu un choc ou quoi? On m'a raconté qu'un nouveau choc rendait parfois la mémoire aux amnésiques, qu'est-ce qu'on risque d'essayer?
Je lui téléphone un parpin sur la tempe. il bas≠cule. Je le rebiche au moment o˘ il va s'écrouler.
-
qu'est-ce qui t'arrive? Tu tombes dans les pommes dès qu'on te parle un peu fort?
Notez qu'il est toujours assis dans son fauteuil pivotant et que je l'ai admirablement à ma poigne.
- Parle!
- Je ne...
il
n'a pas le temps de fmir. Mon crochet du gauche le foudroie nature!
Il
part à la renverse, le fauteuil s'incline. Je m'écarte de lui pour le laisser à son évanouisse≠ment et me dégourdir un tantinet les tiges.
Je fais quelques mouvements de culture phy≠sique élémentaire. Ensuite, je me mets à la recherche d'un flacon de raide. il est facile àdégauchir, Seruti est assez porté sur le biberon. J'en torche une vaste lampée et je fais couler un
peu de liquide corrosif entre les dents du Rital. il ne tarde pas à pousser un soupir.
Il rouvre son oeil valide.
-
Alors, fais-je, ce voyage au pays des songes?
il a la bouche p‚teuse et il claque de la langue difficilement.
Je lui tends la bouteille.
-
Tiens, remets-toi!
Il attrape le goulot, boit longuement. Sa glotte monte et descend dans son cou maigre comme un yo-yo.
Et, brusquement, il a une détente. Il lève la bou≠teille et cherche à me l'abattre sur le dôme. C'est raté, car je suis bien plus haut que lui. Si j'avais été à sa hauteur, j'y allais de mon aubergine!
Je lui arrache la bouteille et je lui file un coup de genou sous le menton.
-
Tu es turbulent, Seruti... «a te perdra.
Il
saute comme un chat hors de son fauteuil. Il a l'air bien décidé.
Sans que j'aie eu le temps d'in≠tervenir, une lame brille au bout de ses doigts. J'avais un peu oublié qu'il était Rital. Les Ritals naissent avec un ya à la main, la chose est connue
-
Pose ce cure-dents, fiston, ou alors ça va barder pour ta couenne!
Mais il joue son va-tout. Il y a maintenant le fau≠teuil entre lui et moi.
Et, au lieu de me foncer dessus, il recule. J'ai compris, c'est un lanceur.
vmgt pas, ils vous plantent une lame dans le coeur aussi facilement que vous sucez une feuille d'arti≠chaut.
Si je ne réagis pas dans la seconde qui vient, il me perce. Son oeil me vise soigneusement, sa main est ferme.
Alors, je sors mon feu. Il lève la main, je tire et me jette à plat ventre.
Un sifflement, un cn.
Je me relève; le couteau vibre dans le bois de la porte, Seruti est affalé
sur son bureau avec un gros trou dans la tête.
Ces calibres 45, ça ne pardonne pas.
- Pauvre cocu ! je murmure.
Et c'est de moi que je parle.
Laisser échapper une pareille occase de se mettre au parfum, avouez que c'est sauvagement tartouze. Non?
Seruti, c'était le témoin n0 1. En m'y prenant bien, j'étais certain de le faire jacter. Les gars comme lui se mettent toujours à table lorsqu'on les invite d'une certaine manière.
Mais, la manière, je ne l'ai pas eue. J'ai tout raté en lui tendant sa bouteille de rye. L'alcool l'a brus≠quement dopé. Il lui a causé une réaction violente.
J'examine le cadavre.
Seruti est mort comme il n'est pas permis de
l'être. J'ai idée que Maresco ne va pas aimer ça du tout, du tout!
J'entrouvre la porte. La musique fait rage. Personne n'a entendu mon coup de pétard, gr‚ce àl'orchestre et à ses mambos.
Je quitte le bureau et referme la lourde. Puis je longe le couloir. La salle est en pleine hystérie. C'est très bon, ça. J'enfonce mon bada sur mes yeux et je me mêle à la foule.
Il va y avoir un drôle de pet lorsque le meurtre sera découvert. Mieux vaut que je ne m'éternise pas ici davantage.
En loucedé, je quitte le Cyro's.
Comme je vais en franchir le seuil, une pogne s'abat sur mon épaule.
Je sursaute et me retourne. Stumm est là, sou≠riant.
- Alors, monsieur le commissaire, fait-il, cette enquête?
- Elle se poursuit, dis-je.
- Vous avez fait une petite tournée d'inspection dans la salle?
- Tout juste.
- Rien à signaler?
- Rien.
- Vous avez vu que le tueur s'est manifesté une fois de plus?
- J'ai vuLES PAflE
-
'... est moche.
-
Très moche.
Il
me regarde et renifle.
-
Vous ne trouvez pas que...
-
que quoi?
-
que ça sent la poudre? Non, dis-je.
il
approche son tarin de moi d'une façon un p cavalière. J'ai bien envie de le lui ramoner d't coup de patte, mais je me contiens, mieux val stopper le massacre pour l'instant. D'un moment l'autre, l'escogriffe du réduit va retrouver s esprits et crier à la garde. «a me contristerait d'ên embarqué dans cette affaire, surtout en ayant st moi l'arme du crime.
-
Oui, continue Stumm, vous sentez la poudre,
-
Peut-être parce que j 'étais dans une boîte oî l'on faisait partir des pétards?
-
Sans doute, dit Stumm, incrédule.
Je porte deux doigts à mon galure.
- Bye-bye!
Il
a une légère inclination de tête et il devien rêveur. Moi, je les mets!
CHAPITRE
GRANE SE D…GONLa première chose que je fais en arrivant à m~ hôtel, c'est de téléphoner à Nord 54 deux fois.
Au préposé qui me répond, je demande à pari à Grane; il bafouille deux doigts de français, qui lui permet de me répondre que le lieutena n'est pas là.
Je réunis alors toute ma persuasion pour lui di de mettre la pogne dessus dans le quart d'heure q vient et de lui dire de me rejoindre toutes affaii cessantes à l'hôtel Connor.
Le gars fait O.K. en nasillant et il raccroche. Moi, je cramponne mon soufflant et je l'enx loppe dans la blague à tabac imperméabilisée q Félicie, ma brave femme de mère, a jugé bon glisser dans mon bagage. Puis je fais glisser l'e gm à l'intérieur de la chasse d'eau des goguescette façon, si ça tourne mal, le décès de Seruti, je n'aurai au moins pas l'arme du crime sur moi.
Les minutes passent. Je les tue en lichetrognant de petites gorgées de raide. Je les tue si bien que je fmis pas m'endormir sur mon divan.
Une vrille dans l'oreille me fait sursauter.
Je mets une double paire de secondes à piger qu'il s'agit de la sonnerie du téléphone.
Vivement, je décroche.
-
Allô?
-
M. Grane...
-
O.K. !qu'ilgrimpe!
Je cours me passer la gueule dans la flotte avant d'ouvrir à Grane. Un coup d'oeil à la glace du lavabo me prouve que mon physique n'est pas panoramique. J'ai la tronche boursouflée par le whisky et l'oeil jaun‚tre, comme un cheval malade.
J'ouvre à l'instant précis o˘ il replie son index pour frapper.
-
Entrez vite, dis-je.
il
entre. Je n'avais pas remarqué encore sa démarche sautillante. Il paraît triste et désenchanté.
-
Vous connaissez la nouvelle ?... je demande.
-
Bien s˚r, fait-il, on a tué la fille que vous m'aviez donnée à
surveiller.
-
Je ne peux pas lire vos putains de journaux. «a s'est passé
comment?
-
Comme d'habitude: en douce. Elle étaimorte lorsque mon gars s'est amené devant sa porte. C'est une amie à elle qui a découvert le drame.
-
Abattue?
-
Deux balles de 38 dans la poitrine. Personne n a nen entendu.
-
Elle tenait le morceau de papier?
-
Oui, mais, cette fois, il était rédigé à la machine à écrire.
-
Voyez-vous...
-
C'est une indication?
-
Oui.
Il ne me suit pas très bien ; je lui explique:
-
Cette fille a été liquidée par la bande àMaresco. il lui ont foutu le petit billet traditionnel pour laisser entendre qu'il s'agit du même meur≠trier. Cela me prouve donc que ça n'est pas eux qui ont tué les autres poules. Si c'était eux, Grane, le billet aurait été écrit à la main.
-
A moins que leur stock ne soit épuisé.
Puis, réalisant qu'il est question de Maresco:
-
Mais Maresco n'est pas l'auteur des précé≠dents meurtres. Et rien n'indique qu'il soit mêlé àcelui-ci.
-
Ah ! Vous croyez!
Je me mets alors en devoir de déballer tout le paquet. Je dis à Grane de quelle façon j'ai tendu un piège à Seruti en lui parlant de la pauvre môme een lui disant qu'elle m'avait fait des confidences. Je retrace l'attentat sur ma personne, sans préciser qu'il a eu lieu dans la maison de sa secrétaire. Enfm, j'en viens à la phase délicate entre toutes: mon explication orageuse avec Seruti. «a n'a pas l'air de l'amuser.
-
Vous l'avez tué ! s'étrangle-t-il.
-
C'était ou lui ou moi.
-
Evidemment, mais...
Un peu cloué, Grane ! Il regrette de plus en plus d'avoir appelé un condé
français.
Sans doute pense-t-il à Maresco, le grand mani≠tou du pays ! «a va chauffer pour son avancement.
-
Avez-vous l'arme du crime?
-
Je l'ai planquée.
-
O˘ ça?
Je le lui dis.
Cette fois, il hausse les épaules.
-
Prenez-vous les flics d'ici pour des enfants? murmure-t-il. Une chasse d'eau, c'est le premier endroit o˘ ils vont passer la mam.
Je suis assez dépité.
-
Donnez-moi votre revolver! ordonne-t-il.
-
C'est que...
-
C'est que quoi?
-
Je n'aime pas rester désarmé, surtout dans un patelin comme celui-là. J'ai l'impression d'être tout nuEn soupirant, il me tend son feu : un Colt magni fique.
-
Prenez celui-ci et donnez-moi l'autre.
Je retourne à la pêche. Je prends la blague, la pose sur le lavabo afin de la faire égoutter, et je lui tends l'arme.
Il la glisse dans sa poche en disant:
-
Les balles...
Je récupère mon arsenal et il le glisse dans son autre poche.
-
On vous a vu, au Cyro's?
-
Je comprends.
-
qui?
-
Votre inspecteur, Stumm.
Grane fait la grimace.
-
Je n'aime pas beaucoup ça. Il est malin.
-
C'est aussi mon avis. Du reste, il m'a fait remarquer que je sentais la poudre.
-
C'est bon, j'aurai une conversation privée avec lui. Je crois, San-Antonio, voyez-vous...
il se tait.
Je le regarde en plein dans les carreaux et il rougit un peu.
-
Vous disiez que vous croyiez, Grane?
-
Je crois que votre venue ici est un pas de clerc. J'entends, de ma part. Vous l'avez dit, le meurtrier n'est probablement pas français. Ici, nous avons des méthodes... à part. Nous devonsnir compte de certaines influences... occultes...
-
Bref, fais-je, vous n'avez que faire de ma bonne vieille psychologie. Vous voulez rester entre vous dans vos meurtres, n'est-ce pas ?... Vous me trouvez un peu turbulent, hein?
il ne répond pas.
-
Ecoutez, Grane, dis-je en lui prenant le bras, je suis certain que vous êtes un honnête homme et un brave type. Vous souffrez de cet état de choses et, en votre for intérieur, vous aimeriez que la lumière éclate. Eh bien ! écoutez-moi: elle se fera ou j 'y laisserai ma peau. Si vous me connaissiez, vous sauriez qu'on ne m'intimide pas facilement. Tout ce que je vous demande, c'est de me laisser aller de l'avant. Si vous craignez pour votre situa≠tion, rompons les ponts.
il hésite.
-
Vous êtes très courageux, fait-il, seulement, vous ne pouvez comprendre en quelques heures nos moeurs. Il y a des puissances...
-
Occultes, vous l'avez dit.
-
Des puissances d'argent influentes. C'est ainsi. Je ne critique pas notre régime, il en vaut beaucoup d'autres. il suffit seulement de com≠prendre le système et de savoir s'y intégrer.
-
Bref, de laisser faire, de la boucler lorsque des Maresco font les gros yeux.
-
En somme, oui.
-
Bien. Moi, je ne suis pas un gars d'ici. J'ai un passeport en règle et un permis de séjour en bonne et due forme. Je peux donc voir venir.
-
A condition de ne pas vous servir à tort et àtravers de ce joujou, objecte Grane en tapotant sa poche.
-
Je ferai attention. Vous me blanchissez pour cette fois ?
-
C'est la dernière, San-Antonio. Vous voilà prévenu.
Il se lève.
-
Ici, lorsqu'on s'obstine dans la voie que vous prenez, on se retrouve à la morgue avant d'avoir compris ce qui vous arrive!
Je le chope par le colback.
-
Grane, vous commencez à fienter dans mes bottes ! Moi, j 'étais à
Paris, peinard. Je faisais mon boulot gentiment et je me foutais de vos gangsters et de vos tueurs. qui a demandé le concours d'un collègue français... pour l'étude " psychologique "du cas? «a faisait joli, pour la presse. Non? Je parie que c'est vous qui avez alerté les repor≠ters ! ...
Cela détournait la rage du populo, il est docile, le populo, il regarde le lapin qu'on lui désigne. Avouez que c'est vous, Grane.
Il hausse les épaules.
-
Ce sont mes chefs, oui. En effet, le public esmécontent de notre "
incapacité ". Ici, il faut du nouveau. L'Amérique est le pays o˘
l'actualité a le plus besoin de se renouveler. Je n'y peux rien, et vous non plus!
-
Bravo!
Je rengaine ma fureur.
-
N'empêche que j'ai fait des milliers de kilo≠mètres pour venir jouer les divertissements. Eh bien non! Je me pique au jeu. Le policier français venu pourchasser le criminel français fera son boulot.
Il est p‚lot, le frangin.
-
Très bien, fait-il, mes voeux vous accompa≠gnent, San-Antonio.
il
hésite, puis me serre la main. A un de ces jours, dis-jeMaintenant, me voilà face à face avec bibi. C'est un tête-à-tête qui en vaut un autre, après tout!
Comme on dit dans notre doulce France, je dois prendre mes responsabilités.
En somme, c'est un gentlemen's agreement que nous venons de conclure, Grane et moi.
il
éponge le meurtre de Seruti, mais, en revanche, il se déculotte pour l'avenir. A partir de maintenant, je ne peux plus compter sur luiJe dénoue ma cravate et je vais à la fenêtre. La ville immense est étalée autour de moi. Je la sens qui grouille, hostile, avec ses assassins, ses filles, ses flics effrayés.
Dire que je me fendais le parapluie lorsque je voyais ça au ciné!
Je baisse le store et commence à me déloquer. Je revêts un bath pyjama de soie bleue qu'une gre≠luche de la Garenne-Bezons m'a offert.
il se boutonne sur l'épaule, à la russe.
Là-dedans, j'ai l'impression d'être un officier du tsar en exil ! L'exil !
C'est un drôle de machin!
Je consulte ma tocante. Elle annonce timidement deux heures du mat'.
Allons, la journée a encore été rude. Le sommeil va me rebecqueter. M'est avis que demain matin j 'y verrai plus clair et que je pourrai statuer sur mon cas d'une façon précise.
Je vide un dernier petit godet et je me fous au plumard.
La fatigue m'enveloppe comme un drap de crin. Et Paris tournique au fond de mon cerveau comme un bouchon dans un remous.
Oui, je suis groggy. L'amour, la bagarre, les chutes dans les cages d'ascenseur, au fond, ça délabre.
J'éteinsAvant de sombrer, je parodie un peu Turenne.
" Repose-toi, carcasse, murmuré-je. Et n'aie pas les chocottes, si tu savais o˘ je vais t'emmener promener tout à l'heure, tu les aurais à zéro. "
CHAPITRE I
JE RENDS MES BILLELe grésillement du téléphone. J'ouvre les yeux.
A travers les stores filtre un beau soleil des familles.
Je bigle ma montre avant de décrocher. Elle
annonce huit heures.
«a n'est pas une heure pour rendre visite à un honnête citoyen. A moins que les visiteurs ne soient des bourdilles. qui sait, peut-être Grane n'a-t-il pas tenu parole? Peut-être m'a-t-il laissé choir comme une vieille chaussette hors d'usage?
Ce serait farce si je me tapais dix berges de mitard pour l'assassinat de Seruti.
Je décroche. Le portier de jour qui parle un
solide français me dit:
-
M. Maresco voudrait vous voir.
Je me frotte les ch‚sses.
-qui-
M. Maresco.
Et il prononce ce nom avec ferveur, comme s'il s'agissait de la reine d'Angleterre.
-
A quelle heure propose-t-il un rendez-vous? demandé-je.
Le portier distille des points d'interrogation et de suspension alternés.
-
Mais, bredouille-t-il, IL EST L¿!
Du coup, j'en avale ma salive de traviole.
Maresco s'est dérangé en personne!
-
C'est bon, qu'il monte.
Je passe une robe de chambre en tissu-éponge àmotifs compliqués. Puis je sors mon soufflant de mon hoîster et je le glisse sous un coussin, à portée de la main.
Un petit heurt discret à la porte. Je vais ouvrir.
il
est là, en effet. Je l'avais imaginé encadré d'armoires à gueules de boxers; mais il est seul. Nippé comme un dandy. Costume gris perle, che≠mise blanche, cravate bleu foncé.
Il
a un parfum délicat, frais comme un bouquet de fiançailles.
il
me regarde d'un air neutre.
-
Bonjour, murmure-t-il.
-
Salut, Maresco, fais-je. Vous êtes rudement matinal, dites donc. Il est vrai que, dans ce putain
pour vous être
de pays, le temps c'est de l'argent, dit-on. Eh bien, entrez.
Il entre, inspecte brièvement ma chambre.
-
Asseyez-vous.
-
Inutile, merci.
-
Vous voulez boire un drink?
-
Je ne bois pas beaucoup.
-
En ce cas, que puis-je faire agréable?
-
Peu de chose, fait-il.
Je remarque alors qu'il tient un petit paquet à la main. il le déplie. Le pacson contient une impor≠tante liasse de bank-notes.
-
Joli.., fais-je sans m'émouvoir. Vous l'avez trouvé?
-
Non... mais c'est peut-être vous qui allez le trouver sur votre oreiller.
-
Sans blague?
-
Oui.
-
Et, pour ça, il faudrait faire quoi ?... Peindre la lune au minium?
-
Non, aller voir comment se porte Paris. Je le regarde dans les yeux. Ses ch‚sses sont petits, avec des éclats métalliques.
-
Hum ! je vois... Je vous gêne?
-
Justement, c'est le mot qui convient.
-
Et vous me demandez d'aller plus loin. Voum'offiez combien pour que je prenne le chemin du retour?
-
Dix mille dollars!
- La prime offerte pour la capture du criminel, en somme?
- En somme, oui.
-
C'est beaucoup.
-
N'est-ce pas?
-
Je dois être très gênant?
-
Très.
-
Je croyais que vous aviez envisagé une solu≠tion plus expéditive, cette nuit ? Un coup d'épaule! Si j'avais dégringolé les quatorze étages, je vous faisais réaliser une sérieuse économie. Non?
-
Cette solution n'est pas de moi. Elle était de Seruti. Il s'était donné peur en vous voyant mettre le nez dans ses affaires. Moi, je ne me résous à ces solutions-là qu'en dernier ressort. C'est ce qui a fait ma force jusqu'à présent. J'agis toujours en deux temps: premièrement, j
'estime qu'il est plus agréable de s'entendre avec du fric. Neuf fois et demie sur dix, ça marche. Si ça ne peut s'arranger de la sorte, alors, bien sur...
Il replie lentement le pognon.
-
Vous avez un très bon avion dans une heure. Vous avez le temps.
-
Il n'y a peut-être plus de place.
-
il y a toujours de la place dans un aviolorsque je téléphone à
l'aéroport. Dix mille dollars, en France, c'est une somme.
-
Cinq briques1!
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Vous allez vous acheter quoi, avec ça? J'éclate de rire.
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Maresco, vous me faites penser à un jeu radiophonique de chez nous.
On pose des ques≠tions à un type, s'il répond juste, il palpe de l'oseille.
Ensuite, on lui demande ce qu'il compte faire du grisbi!
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Acceptez-vous, oui ou non?
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Jusqu'ici, je ne me suis jamais vendu.
-
Aux Etats-Unis, tout est à vendre!
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Le cours du flic est élevé?
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Cela dépend.
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En somme, je n'ai pas à me plaindre ? fais-je en désignant le paquet.
-
C'est à vous de juger. Je secoue la tête.
-
Non, décidément, même dans ce pays, je désire rester incorruptible.
Lorsqu'une sale habi≠tude est prise, voyez-vous...
Il ne bronche pas.
-
Vous savez que, si vous êtes encore a Chicago dans une heure, vous terminerez s˚rement la journée à la morgu-C'est une menace?