Chapitre 6

 

Don arriva chez ma mère, son équipe au grand complet, moins d’un quart d’heure après mon appel. Ils avaient dû enfreindre toutes les règles du code de la route, mais comme ils ne risquaient pas de récolter une amende pour excès de vitesse, ils pouvaient bien se le permettre.

Bones et Annette emprisonnèrent Max dans la capsule. Don en avait la charge… pour l’instant. Bones avait annoncé d’un ton sec qu’il enverrait quelqu’un récupérer Max, et compte tenu du ton de sa voix, je fus soulagée que mon oncle ne le contredise pas. Bien entendu, je ne pensais pas que Don veuille s’embarrasser très longtemps de Max. Le regard que les deux frères avaient échangé pendant que mon père était enfermé dans la capsule était si lourd de sous-entendus que Don détourna les yeux avant même que Max commence à l’insulter.

Je dus recevoir plusieurs litres de sang pour remplacer celui que j’avais perdu. Celui de Bones avait guéri mes multiples blessures, mais mon pouls était toujours dangereusement faible.

— C’est passé près, dis-je à Bones au terme de ma dernière transfusion, un sourire vacillant aux lèvres.

J’étais assise dans sa voiture. À l’aide d’une serviette, il avait essuyé du mieux possible le sang dont j’étais recouverte. Nous étions sur le point de partir. Bones ne voulait pas rester plus longtemps que nécessaire, car nous ne savions pas à qui Max et Calibos avaient pu faire part de leur embuscade.

Bones plongea son regard insondable dans le mien.

— Je t’aurais ramenée à la vie d’une manière ou d’une autre, Chaton. Soit comme vampire, soit comme goule, même si tu avais dû me détester de l’avoir fait.

— Max comptait t’en empêcher, marmonnai-je. Il voulait me couper en morceaux.

Bones laissa échapper un sifflement qui me fit dresser les cheveux sur la nuque. Puis il sembla se reprendre.

— Je ne l’oublierai pas, dit-il en articulant chaque syllabe.

J’étais submergée d’émotions. Soulagement, panique à retardement, colère, excitation, et le désir impérieux d’attraper Bones et de lui dire en bafouillant à quel point j’étais heureuse de seulement le revoir. Mais ce n’était pas le moment de s’effondrer, aussi étouffai-je ces sentiments. Reprends-toi, Cat. Tu ne peux pas te permettre de te laisser aller, il y a trop de choses à faire.

Ma mère était sur la banquette arrière. Elle avait refusé de se rendre au QG, même si elle n’y serait pas restée très longtemps. Don faisait déménager tout le monde. Max avait découvert l’adresse de ma mère, et il était donc plus que probable qu’il savait également où était le QG. Don ne voulait courir aucun risque, au cas où Max en aurait indiqué l’emplacement à d’autres vampires. L’organisation de Don en avait tué suffisamment pour que certains d’entre eux décident d’y faire une petite visite.

 

Ma mère partait donc avec Bones et moi en attendant que Don lui trouve un autre endroit pour vivre. Il s’en occuperait dès qu’il aurait terminé de déplacer tous les membres de notre équipe.

— Je suis désolée, Catherine, marmonna-t-elle en évitant mon regard. Je ne voulais pas t’appeler. Je me suis entendue prononcer ces mots, mais je n’arrivais pas à m’arrêter.

Je soupirai.

— Ce n’est pas ta faute. Max s’est servi du contrôle mental. Tu ne pouvais rien faire pour empêcher les mots de sortir.

— Pouvoir démoniaque, murmura-t-elle.

— Non, dit Bones d’une voix ferme. C’est Max qui vous a affirmé que tous les vampires étaient des démons, n’est-ce pas ? Vous le croyez capable de dire la vérité, après ce qu’il vient de vous faire subir ?

— À l’époque, Max aurait pu te forcer à croire tout ce qu’il te disait, ajoutai-je, comme il t’a obligée à me téléphoner tout à l’heure. Les vampires forment une espèce différente, maman, mais ce ne sont pas des démons. Si c’était le cas, crois-tu que tu serais encore en vie ? Tu as essayé par deux fois de faire tuer Bones, mais aujourd’hui il t’a sauvée au lieu de te laisser pendre au bout de ta corde.

Son visage était ravagé par l’émotion. Devoir admettre que ce à quoi elle avait cru avec ferveur pendant vingt-huit ans était peut-être un tissu de mensonges était difficile à digérer. Ça l’aurait été pour n’importe qui.

— Je t’ai menti à propos de ton père, dit-elle enfin, si bas que je l’entendais à peine. Cette nuit-là, il ne m’a pas… mais je ne voulais pas croire que j’avais pu le laisser faire, pas après avoir vu qu’il n’était pas humain…

Je fermai les yeux un moment après son aveu. J’avais soupçonné que ma naissance n’était pas le fruit d’un viol, et j’en avais enfin la confirmation. Je croisai alors son regard.

— Tu avais dix-huit ans. Max t’a dit que tu allais donner naissance à une version moderne du rejeton de Mia Farrow dans Rosemary’s Baby[1] pour le seul plaisir de te faire croire que tous les vampires étaient des démons. Il n’en reste pas moins une ordure. Et à ce sujet…

Je retirai l’intraveineuse de mon bras, puis enfilai le blouson que Cooper m’avait obligeamment prêté, mon chemisier étant déchiré et imbibé de sang. Une fois décente, je sortis rapidement de la voiture. Je ne ressentais plus le moindre étourdissement. Un peu de sang de vampire et trois poches de plasma avaient suffi à me remettre d’aplomb. Mon corps ne portait plus la moindre trace de mutilation, alors que j’aurais dû repartir de chez ma mère les pieds devant.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Bones en me soutenant légèrement par le bras.

— Je vais dire au revoir à mon père, répondis-je en me dirigeant vers la capsule, posée dans l’allée.

On aurait dit un œuf argenté géant.

— Ouvre-la, dis-je à Cooper qui en assurait la garde en attendant qu’elle soit chargée dans notre van spécial.

Cooper défit les verrous extérieurs. Il ne détourna pas les yeux lorsque le couvercle de la capsule s’ouvrit et que Max apparut ; c’était la preuve qu’il avait bu un peu de sang de vampire avant de venir, seul remède qui pouvait immuniser un humain contre le contrôle mental des Nosferatus, même si ce n’était pas sans effets secondaires.

Mon père avait des pieux en argent plantés à divers endroits du corps. S’il avait tenté de se dégager, l’extrémité recourbée des pieux lui aurait mis le cœur et d’autres organes en lambeaux. Une fois le couvercle fermé, il ne pouvait même pas remuer, car l’agencement de l’intérieur de la capsule empêchait tout mouvement tandis que les pieux continuaient à le vider de son sang et de sa force. Je savais tout cela, car c’était moi qui l’avais conçue.

Bones posa un regard implacable sur Max.

— Vas-y, mon pote, dis un mot et vois un peu où ça te mène, lui susurra-t-il d’une voix aussi douce que de la soie… et aussi effrayante qu’une tombe.

— Tu vois, mon petit papa adoré, je pourrais te dire « je te l’avais bien dit », mais ça ne m’effleurerait même pas l’esprit, fis-je à Max avec dureté. Je me contenterai donc de te répéter ce que tu m’as dit tout à l’heure : tu aurais dû me tuer quand tu en avais l’occasion. (Je me tournai ensuite vers Bones.) Pourquoi est-ce qu’on se fatigue à l’emmener ? Si cela ne tenait qu’à moi, je le tuerais tout de suite pour ne plus avoir à m’en soucier.

— Tu n’as plus à t’en faire à son sujet, dit Bones sur le même ton glacial et terrifiant. Ni maintenant ni plus tard. Mais il ne va pas s’en sortir si facilement.

Bones tendit la main vers Max et lui toucha le visage. Ce n’était qu’une caresse, mais Max tressaillit comme si Bones lui avait ouvert la joue avec un couteau.

— On se reverra bientôt, mon pote. J’ai hâte d’y être.

Annette s’approcha. Elle regarda Max de ses yeux couleur champagne, son visage légèrement marqué par les années. Annette était âgée de trente-six ans lorsque Bones l’avait transformée en vampire. La vie était plus dure au XVIIe siècle, aussi en paraissait-elle environ quarante-cinq, mais elle le tournait à son avantage. Son allure était loin d’être aussi impeccable que d’habitude. Ses cheveux blond vénitien étaient à moitié sortis de son chignon, et son tailleur marine sur mesure avait beaucoup souffert.

— Eh bien, la journée a été riche en événements.

J’étouffai un grognement. Il n’y avait qu’Annette pour qualifier de la sorte, d’un air détaché, un après-midi de torture.

— Referme la capsule, dis-je à Cooper, car je ne voulais plus voir mon père.

Plus jamais.

Cooper obéit et la porte de la capsule se remit en place, les verrous se refermant les uns après les autres. C’est alors que me vint une pensée effrayante.

— Qu’est-ce qui est arrivé à Calibos ? Il y avait un autre vampire avec Max.

— Sa tête est par là, dit Bones en me désignant le bouquet d’arbres du menton, mais le reste de son corps est plus loin.

Sa réponse me procura une satisfaction dénuée d’émotion.

— Comment as-tu deviné que j’avais besoin de toi ?

— La compagnie aérienne a égaré les bagages d’Annette, dit Bones d’une voix presque amusée. Je t’ai appelée deux fois pour te prévenir que nous serions en retard car nous devions nous arrêter pour lui trouver de nouvelles fringues. Tu n’as pas décroché. Tu réponds toujours d’habitude, alors je suis venu directement. À environ un kilomètre de la maison, je t’ai entendue crier. Je me suis garé et Annette et moi avons parcouru le reste du chemin jusqu’à la maison à pied. On a trouvé le guetteur. Comme on ne savait pas combien il y en avait à l’intérieur, on s’est précipités en même temps à travers la fenêtre.

Je laissai échapper un éclat de rire. Si ma mère et moi étions encore en vie, c’était uniquement parce qu’Annette avait perdu ses bagages ? C’était la meilleure.

— Je parie que tu aurais préféré continuer ta route, ne pus-je m’empêcher de dire à Annette.

L’ombre d’un sourire passa sur ses lèvres.

— Pas vraiment, ma chère. Je viens d’appeler Ian, poursuivit-elle en s’adressant désormais plus à Bones qu’à moi. Il était furieux d’apprendre ce que Max avait fait. Il le bannit officiellement de sa lignée.

C’était le pire des châtiments qu’un vampire pouvait infliger à un subalterne. Cela signifiait que plus aucun vampire ne contesterait ce qui pouvait désormais arriver à Max. L’avenir de mon père s’annonçait très sombre.

— Max a dit que Ian n’était pas au courant, ajoutai-je, même si je ne portais pas Ian dans mon cœur. Il a aussi déclaré qu’il avait de nouveaux amis qui souhaitaient autant que lui me voir morte.

Bones hocha brièvement la tête.

— On rentre, ma belle. On va trouver qui a aidé Max à orchestrer tout ça, et on les tuera jusqu’au dernier.

Notre maison, un grand chalet posé au sommet d’une colline, offrait une vue somptueuse sur la chaîne montagneuse de Blue Ridge, à travers des vitres à l’épreuve des balles. Elle était si isolée que nous n’avions encore jamais rencontré nos voisins. De ce fait, nous n’avions pas eu à justifier la piste d’hélicoptère et le hangar attenants à notre maison.

Annette partit pour le QG en compagnie de Don pour s’occuper de Tate, comme c’était prévu au départ, mais Bones refusa de l’accompagner. Il annonça à mon oncle que ses priorités avaient changé, et Don en devina aisément les raisons. Avec deux morts-vivants à ses côtés, Tate serait très bien entouré. Ma sécurité, en revanche, semblait plus précaire que celle de Tate, à en croire ce qu’avait dit Max.

Lorsque j’entrai chez moi, mon chat se précipita pour s’enrouler autour de mes jambes. Comme nous n’avions pas prévu de revenir avant une semaine, j’avais réglé son distributeur automatique de nourriture et sa litière autonettoyante. Mon chaton allait maintenant avoir droit aux restes de mes repas en complément de ses croquettes. Rien d’étonnant à ce qu’il soit content de me voir.

Ma mère n’était jamais venue chez nous, mais j’étais trop pressée de me débarrasser du sang dont j’étais souillée pour lui faire faire le tour du propriétaire.

— Voici la chambre d’amis, dis-je en la menant jusqu’à la pièce du rez-de-chaussée réservée à cet effet. Il y a des vêtements de rechange dans l’armoire, sers-toi. Je vais prendre une douche.

Bones me suivit à l’étage. J’ôtai le blouson que m’avait donné Cooper, ainsi que mon soutien-gorge et mon pantalon, tous deux couverts de sang. Je ne voulais plus jamais revoir ces vêtements. Bones enleva également sa chemise et son pantalon maculés de rouge, les poussa du pied dans un coin de la pièce et me rejoignit sous la douche.

L’eau était glacée, car il fallait attendre quelques minutes pour qu’elle chauffe à cette période de l’année. Je tremblais au contact des gouttes gelées qui coulaient sur ma peau. Bones m’enveloppa dans ses bras et se déplaça pour faire bouclier entre le jet et moi. Mais même lorsque l’eau se réchauffa et que Bones nous fit pivoter pour me placer sous le jet, je continuai à trembler.

— J’ai cru que j’allais mourir.

J’avais parlé d’une voix grave. Bones resserra ses bras autour de moi.

— Tu n’as plus rien à craindre, Chaton. Plus jamais tu ne te retrouveras dans une situation pareille, je te le promets.

Je ne répondis pas, mais je songeais que c’était là une promesse que Bones ne pourrait peut-être pas tenir. Qui pouvait dire de quoi l’avenir serait fait ? Il ne s’agissait pas seulement de la vengeance que mon père avait voulu exercer sur moi… et sur ma mère. Max avait agi de la sorte car on lui avait promis soutien et récompense. Une question s’imposait : qui se cachait derrière ce « on » ?

Mais je gardai mes réflexions pour moi. Bones avait raison. Je n’avais plus rien à craindre pour l’instant. Il était là. C’était la seule chose à laquelle j’avais envie de penser.

Pour le moment, tout du moins.

Nous n’étions pas arrivés depuis une heure que le défilé de visiteurs commença. Juan et Cooper tout d’abord, que Don avait envoyés pour renforcer ma protection. Ils transportaient chacun assez de couteaux en argent et d’armes chargées de balles du même métal pour s’attaquer à une dizaine de vampires.

Arrivèrent ensuite les renforts choisis par Bones : trois vampires qui m’étaient totalement inconnus. Celui qui s’appelait Rattler me rappelait Samuel Elliott[2] en plus jeune, Zéro avait l’air d’un albinos avec ses longs cheveux blonds et ses yeux d’un bleu glacial, et Tick-Tock avait la peau, les cheveux et le regard noirs comme l’ébène. Je les surnommai intérieurement Cow-Boy, Sel et Poivre.

Ensuite débarqua Spade, ou Charles, comme l’appelait Bones. Spade préférait généralement que l’on s’adresse à lui en employant le nom de l’outil[3] qu’on lui avait mis entre les mains lorsqu’il avait débarqué dans une colonie pénitentiaire australienne. C’était une manière de ne pas oublier les misères qu’il avait subies. Bones avait choisi son surnom lorsqu’il s’était réveillé dans un cimetière aborigène après sa transformation. Les vampires avaient décidément le don de compliquer les choses en ce qui concernait leur nom.

Rodney la goule fut le suivant. Il gagna immédiatement la sympathie de Juan en se mettant aux fourneaux. Je ne mangeai pas et montai directement me coucher, mais, comme je m’y attendais, mon sommeil ne fut pas très reposant, mes songes me montrant ma mère pendant au bout d’une corde attachée à une rampe et mon père me tirant dessus, un affreux rictus aux lèvres.

Don arriva un peu après midi. J’étais assise à la table de la cuisine avec Juan, Cooper, ma mère et Bones. Nous avions soigneusement évité de parler de ma situation lorsque mon oncle entra. Son apparition me surprit. Je pensais qu’il serait trop occupé à organiser le transfert du QG.

— Votre patron sait que vous faites l’école buissonnière ? demandai-je.

Don m’adressa un sourire sans joie.

— Je ne peux pas rester longtemps, mais je voulais régler deux ou trois choses et… prendre de vos nouvelles.

Il aurait pu se contenter de passer un coup de fil pour discuter des questions relatives au travail ; sa présence était donc avant tout liée à la seconde partie de sa réponse.

— Je suis contente que vous soyez venu, dis-je, sincère.

Notre relation était peut-être partie du mauvais pied – bon, d’accord, elle avait même démarré de façon catastrophique – mais, à part ma mère, Don était ma seule famille.

— Déjeunez donc avec nous, lui proposai-je en lui indiquant les nombreux plats couverts près du fourneau. Rodney a cuisiné pour un régiment.

Don jeta un œil méfiant sur les plats, ce qui fit rire Rodney.

— C’est la version goule d’un repas végétarien, assura-t-il à Don. Tous les ingrédients sont disponibles en épicerie.

Don, qui semblait toujours aussi hésitant, se servit une part et s’assit. Je l’observai qui prenait une minuscule bouchée, l’avalait… pour finalement se jeter sur son assiette. Aucun doute, Rodney était un véritable cordon-bleu.

Le portable de Bones sonna. Il s’excusa et répondit à voix basse. Je ne compris que quelques mots, car Juan et Cooper se mirent à parler à Don du nouveau QG dans lequel nous allions emménager. Il n’allait pas être facile de tout rendre opérationnel tout de suite.

Bones revint dans la pièce et referma le clapet de son portable d’un geste vif. La position de ses épaules trahissait une tension nouvelle.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demandai-je.

— Je vais devoir m’absenter un moment, ce soir, mais rien d’inquiétant.

— C’était qui au téléphone ? Et qu’est-ce que tu comptes faire tout à l’heure ?

Bones sembla choisir ses mots.

— C’était mon grand-père, Mencheres. Il m’a confirmé sa présence lors de la présentation.

Je soupirai.

— Tu fais exprès de rester dans le vague, Bones. Quelle présentation ? De quoi est-ce que tu parles ?

Les autres vampires firent tous semblant d’être fascinés par le décor de la pièce. Le visage de Bones se ferma et son expression devint totalement indéchiffrable.

— Je rassemble des membres de ma lignée et de celle de Ian, ainsi que d’autres Maîtres vampires d’importance, pour assister à la torture de Max.

Je clignai des yeux.

— Tu organises un rassemblement pour le simple plaisir de mettre une raclée à mon père en public ?

— La ou les personnes qui ont aidé Max et Calibos ne semblaient guère inquiètes de la façon dont je réagirais en voyant qu’on t’avait torturée, mutilée, jusqu’à ce que mort s’ensuive. De toute évidence, certains pensent que cela ne m’aurait rien fait, ou que je me suis amolli. Mais bientôt, tout le monde saura quel est le sort que je réserve à ceux qui veulent te faire du mal.

— C’est un raisonnement qui se tient, dit Don. Rien de tel qu’un exemple pour calmer les ardeurs des autres. Mais le fait de tuer Max ce soir, Bones, même si vous lui faites subir l’enfer avant, ne fera que retarder la prochaine attaque. Vous devrez toujours trouver qui d’autre est impliqué pour éviter que Cat fasse l’objet d’une nouvelle tentative de meurtre.

— C’est tout à fait juste, vieille branche, reconnut Bones. Mais je ne vais pas tuer Max. Je vais le garder en vie pour montrer à tout le monde le sens que je donne au mot « torture ». Je ne le tuerai que lorsqu’il sera complètement brisé mentalement. J’imagine que cela prendra des années de souffrances quotidiennes. Pour ma part, j’espère que ça prendra plutôt des dizaines d’années.

Don semblait sous le choc après avoir entendu des propos aussi dénués de pitié. Rodney, Spade et les trois autres vampires ne manifestèrent pas la moindre surprise.

Ma mère regarda Bones avec insistance. Puis elle-sourit.

— Je ne veux pas rater ça.

— Mais tu es complètement…, commençai-je avant de m’interrompre en voyant Bones lever la main.

— Attends, Chaton, c’est entre ta mère et moi. Si vous venez, Justina, vous devez comprendre que vous serez la seule humaine présente. Vous devrez réserver vos insultes au vampire qui sera la vedette de la soirée. Vous vous en sentez capable ?

Ma mère secoua sa chevelure.

— Cela fait très longtemps que j’attends ce moment. Ça ira. Je saurai me tenir.

Bones lui prit la main. C’était la première fois depuis vingt-huit ans qu’elle se laissait toucher par un vampire. Elle parvint même à se retenir de s’essuyer sur ses vêtements ensuite.

— Dans ce cas, nous sommes d’accord. Juan, Cooper, j’aimerais également que l’un de vous deux soit présent. Ainsi, vous pourrez raconter ce que vous aurez vu à vos collègues, que ça leur serve d’avertissement au cas où l’un d’entre eux serait tenté de la trahir. Don, vous ne venez pas. Ce n’est pas la peine que vous voyiez ce qui va arriver à votre frère.

Ma mère se leva au moment même où je me disais : Aïe aïe aïe.

— Max est votre frère ? demanda-t-elle à Don d’une voix cinglante.

Il ne recula pas devant sa fureur.

— Oui. C’est à cause de lui que j’ai fondé cette agence. Je voulais tuer mon frère et tous ceux de son espèce. Je me suis même servi de ma nièce pour parvenir à mes fins, sans jamais lui révéler mon identité. C’est Bones qui l’a fait lorsqu’il a tout découvert. Donc si vous devez en vouloir à quelqu’un, c’est à moi, pas à Cat.

C’était courageux de sa part d’avoir tenu ce discours dans une pièce remplie de morts-vivants. Spade lança un regard de dégoût à Don, Rodney se contenta de passer sa langue sur ses lèvres. Il devait certainement songer à la manière dont il assaisonnerait Don.

— Vous saviez que Catherine était votre nièce quand vous l’avez trouvée ? demanda ma mère, incrédule.

Don poussa un soupir.

— J’ai lu la plainte pour agression que vous avez déposée la nuit où vous avez rencontré Max. Vu la description que vous en faisiez, j’ai su que c’était lui, puis vous avez donné naissance à une enfant souffrant d’une anomalie génétique inhabituelle. Oui, je savais depuis le début que Cat était à demi-vampire… et qu’elle était ma nièce.

Ma mère laissa échapper un rire amer.

— En résumé, nous l’avons tous les deux utilisée pour servir nos desseins égoïstes. Son vampire de fiancé l’a mieux traitée que sa propre famille.

Bones leva les sourcils.

— Justina, je crois que c’est la chose la plus gentille que vous m’ayez jamais dite.

J’étais tout aussi déconcertée que lui, mais nous avions dévié du sujet d’origine.

— Je vous accompagne ce soir, dis-je après m’être rendu compte que Bones ne m’avait pas incluse dans sa liste.

Son visage se durcit.

— Non, Chaton. Tu ne viens pas.

Je n’en croyais pas mes oreilles.

— C’est moi qui ai reçu deux balles, qui ai été rouée de coups, poignardée, mutilée et brûlée avec un briquet, tu te rappelles ? Je viens, et plutôt deux fois qu’une.

— Non, répéta Bones d’une voix plus dure. Si tu veux rendre toi-même la monnaie de sa pièce à Max, pas de problème, mais ce sera pour une autre fois. Pas ce soir.

Je compris subitement la raison de son refus. Bones se disait que je ne supporterais pas d’assister aux tortures qu’il comptait infliger à Max. Je vivais dans le sang et la violence depuis que j’avais seize ans, et tout à coup je devais être protégée du côté obscur des morts-vivants ?

— Bones, je ne suis pas une petite fleur délicate. Je suis capable de supporter le spectacle.

— Je t’assure que non, rétorqua Bones. Si tu viens, tu seras véritablement horrifiée, parce que je vais faire tout mon possible pour que cela soit horrible, c’est là le but de l’opération. Non, Chaton. Ta compassion est l’une des qualités que j’aime le plus en toi, mais, dans ce cas précis, elle ne ferait que nous déchirer. Tu ne viens pas, le débat est clos.

Je restai bouche bée. J’étais partagée entre la douleur et la colère. Pour qui Bones se prenait-il pour décider ainsi de ce que je pouvais supporter ou pas ? Il était censé être mon amoureux, pas un dictateur.

— Tu veux savoir l’un des trucs que j’aimais le plus en toi jusqu’ici ? demandai-je en sentant monter en moi le sentiment d’avoir été trahie. C’est que tu n’as jamais utilisé ton âge pour me dominer. Tu as déjà vécu tout ce que je traverse, mais tu m’as toujours traitée en égale. Mais là, tu me traites comme la pitoyable petite fille que Max m’a accusée d’être. Tu veux aller à ton petit carnaval sanglant sans moi ? Très bien. Mais tout ce que j’aurais pu y voir ne nous aurait jamais autant déchirés que ce que tu viens de faire.

— Chaton…, dit Bones en tendant les bras vers moi.

Je passai devant lui sans le regarder et montai à l’étage. Une fois en haut, j’entendis Juan se racler la gorge. Rattler murmura quelques mots, suggérant qu’il fallait me laisser le temps de digérer la nouvelle. Don toussa et marmonna qu’il avait des coups de fil à passer. Bones ne dit rien et n’entreprit pas de me rejoindre.

Froid comme une Tombe
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