XIV
 

– Oui, je serai député, se disait Me Roberjot, il le faut, je le veux, car c’est le seul moyen qui s’offre à moi d’atteindre peut-être Combelaine…

Et en effet, durant les jours qui suivirent, c’est avec une fiévreuse activité qu’il s’occupa de sa candidature.

Plus d’une fois, cependant, la prédiction de M. Verdale se réalisait, et il se présentait des couleuvres… Il les avalait bravement en songeant à Mme Delorge.

– Car, pensait-il, plus ma victoire aura été pénible, plus elle m’aura de reconnaissance si je réussis à lui faire rendre justice et à venger son mari…

Et cependant, ce n’est qu’à la fin de la semaine, et lorsque le succès de son élection pouvait être considéré comme certain, qu’il osa profiter de la permission qui lui avait été donnée de se présenter à Passy.

Lorsqu’il arriva rue Sainte-Claire, la grille de la villa était ouverte, et sur la vaste pelouse, devant la maison, deux jeunes garçons d’une douzaine d’années prenaient une leçon d’équitation sous la direction d’un vieil homme à longue moustache grise.

Depuis un moment déjà, l’avocat regardait, et il se disposait à sonner, lorsqu’un des jeunes écuyers l’apercevant sauta à bas de son cheval et accourut vers lui en s’écriant :

– Ah ! monsieur Roberjot.

C’était Raymond.

– Vous ne m’avez donc pas oublié, mon petit ami ? dit l’avocat en lui serrant la main.

L’enfant secoua la tête.

– Je n’oublierai jamais les amis de mon père, monsieur, prononça-t-il.

Puis, faisant signe à son jeune camarade :

– Léon, cria-t-il, Léon, viens donc saluer monsieur.

Léon mit lestement pied à terre et approcha.

Il était un peu moins grand que le jeune Delorge, mais plus large d’épaules et beaucoup plus robuste. Il semblait un peu gêné dans ses habits neufs, mais son embarras n’avait rien de disgracieux ni de gauche.

– C’est Léon Cornevin, monsieur Roberjot, dit Raymond, le fils aîné de Laurent Cornevin, dont maman vous a parlé.

L’enfant s’inclina.

– Voilà huit jours qu’il est de la maison et que nous travaillons ensemble, continua le jeune Delorge. Dame, il n’est pas aussi fort que moi sur certaines choses, on ne lui enseignait pas le latin, chez les frères… Mais maman lui a donné un répétiteur, et il travaille si fort et il comprend si bien, qu’il m’aura vite rattrapé.

– Je l’ai promis à ma mère, répondit le jeune garçon, et c’est bien le moins que je doive à Mme Delorge pour toutes ses bontés.

– Et comme cela nous ne nous quitterons jamais, déclara Raymond, nous serons comme deux frères, et nous entrerons à l’École polytechnique ensemble.

– Et quand nous serons hommes, ajouta Léon Cornevin, avec un accent de haine véritablement incroyable chez un enfant si jeune, quand nous serons hommes, nous saurons punir les lâches qui ont assassiné le général Delorge et mon père…

Véritablement l’avocat ne savait trop que répondre, lorsqu’il fut tiré d’embarras par un vieux monsieur, d’une mise fort soignée, qui venait d’entrer, qui s’avançait vers lui le chapeau à la main avec force salutations, et lui dit de l’air le plus gracieux :

– Monsieur Roberjot, n’est-ce pas ?

– Oui, monsieur.

– Je l’aurais parié, reprit gaiement le bonhomme. Oui, je vous avais reconnu sur le portrait qu’on m’a fait de vous. Moi, je suis un vieil et bien dévoué ami de ce pauvre général, M. Ducoudray.

– Je vous connais de nom, monsieur…

– Ah ! Mme Delorge vous a parlé de moi… elle sait mon affection. Mais vous, monsieur, vous avez bien tardé à nous rendre visite… Nous étions presque inquiets… Mais veuillez donc me suivre, Mme Delorge va être ravie de vous voir. Justement elle est en grande conférence avec Mme Cornevin. Elles viennent de m’envoyer chercher, c’est qu’il doit y avoir du nouveau…

Et, faisant signe aux deux jeunes garçons de reprendre leur leçon, il entraîna l’avocat, tout étourdi de cet accueil et de ce flux de paroles.

Mais, sur le perron, il s’arrêta tout à coup, et montrant à Me Roberjot le fils de Cornevin :

– Que pensez-vous, lui demanda-t-il, de ce gaillard-là ?

– Je pense, répondit l’avocat, que cet enfant sera un homme.

M. Ducoudray frappa gaiement dans ses mains.

– Juste ! s’écria-t-il, voilà l’expression juste que je n’avais pas trouvée. Oui, cet enfant sera un homme d’une trempe supérieure. Avec une intelligence bien au-dessus de son âge, il a compris l’immensité du malheur qui l’a frappé et la grandeur du bienfait de Mme Delorge. Déjà le but de sa vie est fixé, et rien ne l’en fera dévier, car il a une volonté de fer.

Le digne bourgeois soupira.

– Hélas, ajouta-t-il, pourquoi son frère ne lui ressemble-t-il pas ?

– Quel frère ?…

– Le second fils de ce malheureux Cornevin, Jean, celui que j’ai en quelque sorte adopté…

Me Roberjot s’inclina, félicitant le bonhomme de sa généreuse conduite, mais contre son ordinaire il n’accepta pas les compliments.

– C’est à Mme Delorge, dit-il, que revient tout l’honneur de la chose. Quand elle vous regarde d’une certaine façon, elle vous inspire des idées que certainement on n’aurait jamais eues… C’est elle qui m’a prouvé que la veuve Cornevin aurait bien assez à suffire aux trois filles qui lui restent, car elle avait cinq enfants, la malheureuse ! Donc, je me suis chargé de l’autre garçon, Jean : seulement, comme je suis célibataire, je ne pouvais le garder près de moi. Je l’ai donc mis au collège. Eh bien ! monsieur, depuis une semaine qu’il y est, j’ai déjà reçu deux fois des plaintes de ses professeurs. Impossible d’en jouir. Ce n’est pas qu’il manque d’intelligence ; bien au contraire, il est pétri d’esprit et de malice, mais il est paresseux comme une couleuvre et turbulent comme un démon. Non seulement il ne fait rien, mais il empêche les autres élèves de travailler. Les frères lui ayant donné quelques leçons de dessin, il en a si bien profité, qu’il passe tout son temps à dessiner la caricature de ses professeurs. Dimanche, ici, en quatre coups de crayon, il a fait la charge de tous les gens du 2 décembre : c’était frappant. Il soutient que bien avant que son frère tue Combelaine, il l’aura, lui, fait mourir à coups d’épingles. Ah ! ce gamin-là me donnera, je le crains, bien du désagrément !…

Mais les doléances du bonhomme ne touchaient guère Me Roberjot.

Ce qui le frappait, et bien vivement, c’était l’association étrange de ces trois enfants, d’aptitudes et de tempérament si divers, réunis en une commune pensée.

Une femme seule était capable de préparer ainsi une génération à une revanche et il reconnaissait bien, à ce trait, le génie de Mme Delorge.

Mais déjà l’excellent M. Ducoudray avait reprit le bras de l’avocat, et tout en le guidant à travers la villa :

– Du reste, poursuivait-il, quoi que puisse me faire Jean Cornevin, le mauvais garnement, jamais je ne me séparerai de lui. C’est une gageure. Le gouvernement, sachez-le, ne m’a pas vu sans dépit recueillir ce pauvre orphelin, et il n’est sorte de chose qu’il ne soit prêt à faire pour me contraindre à l’abandonner. Mais je ne céderai pas. Les abus de pouvoir me révoltent.

– Peut-être, hasarda Me Roberjot légèrement surpris, peut-être, cher monsieur, poussez-vous un peu les choses au noir…

Il hocha la tête, et d’une voix sourde :

– Je sais ce que je dis, répondit-il, et j’ai des preuves. On m’a fait passer secrètement des lettres qui ne laissent pas l’ombre d’un doute. Je suis noté comme un homme dangereux, et dont on doit chercher l’occasion de se débarrasser. On me surveille, je vis entouré de mouchards.

– Oh !…

– Oui, monsieur, insista le digne bourgeois, oui, c’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Est-il donc si difficile d’impliquer un homme dans un complot de police ? Aussi me tiens-je sur mes gardes. Toutes mes dispositions sont prises pour passer à l’étranger au premier signal. Mes paquets sont prêts, j’ai fait disposer à ma maison une issue dérobée et, nuit et jour, j’ai toujours autour des reins une ceinture pleine d’or…

Me Roberjot ne riait pas.

Certainement, les terreurs de M. Ducoudray étaient bien ridicules. Assurément, cette prétention qu’il avait d’empêcher le gouvernement de dormir, était grotesque…

Sa conduite n’en était que plus digne d’éloges. Ce n’est pas au péril qu’on brave qu’on mesure le courage, mais au péril qu’on croit braver. Étant données ses idées et ses craintes, M. Ducoudray se conduisait en héros.

– Du reste, continuait-il, non sans une nuance de fatuité, je suis récompensé bien par delà mes mérites, par la confiance et l’amitié que veut bien me témoigner la veuve de mon cher et vaillant ami, le général Delorge.

Ils arrivaient au premier étage de la villa.

– Plus un mot de tout ceci, dit très vite et très bas M. Ducoudray, ménageons la sensibilité de Mme Delorge, qui n’a déjà que trop de tourments… Nous allons la trouver dans l’ancien cabinet de son mari avec Mme Cornevin ; voici la porte, et si vous voulez prendre la peine de passer…

Ils entrèrent, et, en effet, trouvèrent ensemble ces deux infortunées que rapprochait un malheur commun, la veuve de l’officier général et la femme du pauvre palefrenier. Elles étaient assises l’une près de l’autre, comme deux amies, pareillement vêtues de noir, et s’occupaient à trier et à classer des lettres et des papiers.

À la vue de Me Roberjot, Mme Delorge se leva vivement, et lui tendant la main :

– Enfin, monsieur, dit-elle, je puis donc vous remercier de vos bontés pour une pauvre femme veuve, sans autres titres à votre sympathie que son malheur…

S’il est pour un homme de cœur et d’esprit un supplice, c’est de s’entendre décerner des éloges qui ne lui sont pas dus.

– Hélas ! madame, balbutia l’avocat, subissant plus que jamais le charme des beaux yeux de Mme Delorge, hélas ! je n’ai rien fait encore pour mériter votre reconnaissance…

Et il s’empressa de détourner la conversation, servi en cela par M. Ducoudray qui n’entendait pas sans une secrète jalousie les remerciements adressés à un autre qu’à lui.

– Revenons donc à nos espérances, reprit Mme Delorge, et à l’événement qui m’avait fait envoyer chercher M. Ducoudray. Il nous arrive du nouveau…

– Ah !

– Nous avons, nous pensons avoir des nouvelles de Laurent Cornevin. Nous avons presque la certitude que sa vie a été respectée.

C’était du nouveau, en effet, et le renseignement le plus précieux qu’eût recueilli Mme Delorge depuis la mort de son mari. Cependant Me Roberjot ne s’en étonnait pas.

– Et comment avez-vous eu ces renseignements, madame ? interrogea-t-il.

– Par Mme Cornevin, répondit Mme Delorge.

Et se retournant vers la pauvre femme :

– Julie, ajouta-t-elle, dites à ces messieurs comment les choses se sont passées ; il est indispensable qu’ils le sachent pour nous donner un conseil.

Pour la première fois, Me Roberjot examina la femme du pauvre palefrenier, et il demeura stupéfait de l’expression dont la douleur avait rehaussé sa physionomie. Son esprit, au contact quotidien de Mme Delorge, s’était épuré et élevé, et jamais on n’eût deviné une femme de sa condition, à la voir calme et digne, avec ses grands yeux noirs et ses épais cheveux relevés en masses brunes très haut sur la nuque.

Une rougeur épaisse couvrit ses joues, sa confusion fut visible ; pourtant Mme Delorge ayant parlé, elle n’hésita pas, et d’une voix émue :

– Mes parents, commença-t-elle, étaient très pauvres, et ils avaient eu jeunes une grosse famille. Le chagrin et le découragement s’en mêlant, ils ne se conduisirent pas toujours comme ils auraient dû le faire. Mon père s’était mis à boire, et ma mère… que le bon Dieu lui pardonne ! C’est une terrible épreuve pour une femme que de n’avoir pas de pain à donner aux siens. Ce que j’en dis, ce n’est pas pour accuser mes parents… c’est pour excuser un peu les enfants. De quatre filles que nous étions, je suis la seule à avoir eu la chance de trouver un bon mari. Les autres, voyant qu’il y avait plus de coups que de miches à la maison, s’en étaient allées, l’une après l’autre, à la grâce de Dieu… Pauvres sœurs ! Elles ne firent que changer un sort bien misérable contre un sort pire. Elles restèrent dans la misère, avec la honte de plus. Sauf une, cependant, qui s’appelait Adèle.

« C’était la plus jeune de nous quatre, et aussi de beaucoup la plus jolie… Je peux même dire que c’était la plus jolie fille que j’aie vue de ma vie, avec ses grands yeux d’un bleu clair, sa petite bouche toute rose et toute mignonne, et ses cheveux blonds si longs et si épais, que les voisines les lui faisaient dénouer par curiosité.

« Celle-là était partie un soir avec le fils d’un locataire de la maison, un mauvais sujet fini, ivrogne et batailleur, et qui avait fait un an de prison pour vol.

« Je croyais bien que je ne la reverrai jamais, et il y avait quatre ans que je n’avais plus entendu parler d’elle, quand, un soir que Laurent m’avait menée au théâtre pour voir une féerie, voilà que tout à coup il me pousse le coude.

« – Regarde donc, me dit-il, cette danseuse qui est dans le coin de la scène…

« Je regarde et je jette un cri.

« – C’est Adèle, lui dis-je.

« Justement cette danseuse jouait un rôle. Laurent achète un programme, et nous lisons :

« La Fée des Eaux, – Flora Misri. »

Un peu surpris d’abord du récit de Mme Cornevin, M. Ducoudray et Me Roberjot se l’expliquaient désormais.

Elle, cependant, les yeux baissés et se faisant violence évidemment, poursuivait :

– Ce nom de Flora Misri, sur le premier moment nous dérouta.

« – Nous nous sommes trompés, me dit mon mari, ce n’est pas ta sœur…

« Je n’osai pas le contredire, parce que le changement m’étonnait.

« Adèle, la dernière fois que je l’avais vue, avait sur le dos une méchante robe d’indienne à neuf sous le mètre et au pied des savates, tandis que cette Fée des Eaux portait un costume éblouissant, tout de satin, de gaze et d’or, avec un maillot de soie, des bottines dorées qui lui montaient au-dessus de la cheville et des pierreries plein les cheveux.

« Et cependant, plus je la regardais, pendant qu’elle dansait et qu’elle faisait son personnage, plus il me semblait reconnaître ses yeux, un certain mouvement d’épaules pour lequel ma mère la grondait toujours, et jusqu’à un signe qu’elle a au bas de la joue droite.

« De telle sorte qu’à la fin Laurent s’impatienta.

« – Que ferais-tu donc si c’était Adèle ? me demanda-t-il.

« – Je tâcherais de lui parler.

« Il ne me répondit pas, mais un petit moment après :

« – Eh bien ! me dit-il, puisque c’est ainsi, nous sortirons au prochain entracte, et nous irons demander des renseignements au concierge du théâtre.

« Ce qui fut dit fut fait.

« La toile n’était pas baissée que déjà nous étions dehors, courant à toutes jambes vers la porte des artistes qu’un contrôleur nous avait indiquée.

« Là, dans une soupente affreusement malpropre, à l’entrée d’un corridor plus malpropre et plus puant encore, nous trouvâmes une grosse vieille femme qui buvait de l’eau-de-vie brûlée en compagnie de cinq ou six figurantes en costume. Nous aurions été les derniers des derniers, que cette portière ne nous eût pas toisés d’un air plus méprisant, en nous disant :

« – Qu’est-ce que vous venez chercher par ici ?…

« Mon mari lui expliqua poliment qu’il désirait savoir si Mlle Flora Misri ne s’appelait pas de son vrai nom Adèle Cochard, mais elle ne le laissa seulement pas achever.

« – Est-ce que je sais ! interrompit-elle. Eh bien ! j’aurais de l’ouvrage, s’il me fallait m’informer du vrai nom de toutes ces dames !

« Et là-dessus, elle se mit à rire aux éclats, et toutes les autres aussi, comme si elle eût dit la chose la plus comique du monde.

« – Puisque c’est ainsi, repris-je, indiquez-nous par où l’on passe pour arriver jusqu’à Mlle Misri.

« Mais elle se mit à rire plus fort encore, nous demandant d’où nous venions pour nous imaginer qu’on entrait ainsi dans un théâtre comme dans un moulin, ajoutant que, si nous avions quelque chose à faire savoir à Mlle Flora, nous n’avions qu’à guetter sa sortie ou à lui écrire un mot qui lui serait remis à l’instant.

« Mon mari ayant adopté ce dernier parti, la concierge lui prêta un crayon, et il écrivit à la Fée des Eaux un billet, où il lui disait que, si elle était Adèle Cochard, elle eût la bonté de regarder tout en haut, à l’amphithéâtre des troisièmes, qu’elle y verrait sa sœur Julie.

« Et là-dessus, nous regagnâmes nos places, Laurent très en colère de l’insolence de la portière, moi bien peinée.

« Bientôt la Fée des Eaux parut, et il me sembla que son premier regard avait été jeté de notre côté… Je ne m’étais pas trompée : nos yeux se rencontrèrent, et, à travers toute cette salle, s’envoyèrent un baiser.

« – C’est, ma foi, elle ! me dit Laurent. Tiens, voici qu’elle nous fait un signe.

« Effectivement, tout en dansant elle nous adressait des saluts de la main.

« J’étais toute bouleversée. Après quatre ans, deux sœurs se retrouver ainsi, tout à coup, au théâtre, l’une dans la salle, l’autre, brillante, parée, applaudie, se donnant en spectacle !

« Ce qui n’empêche que je ne cessais de me demander comment nous nous verrions, lorsqu’à un nouvel entracte une ouvreuse se glissa jusqu’à nous et demanda à mon mari s’il était bien M. Laurent Cornevin.

« Mon mari ayant répondu : – Oui.

« – Alors, dit l’ouvreuse, c’est bien pour vous cette lettre dont je suis chargée par une de nos dames artistes.

« Laurent voulait lui donner une pièce de dix sous, mais elle la refusa, disant :

« – Excusez, je vous remercie, je suis payée.

« Et moi, quoique ce ne fût pas grand chose, je fus touchée de cette attention de ma sœur.

« Mais déjà Laurent avait ouvert la lettre.

« Adèle nous y disait qu’elle voulait absolument nous voir et nous embrasser. Elle ne le pouvait pas ce soir même, parce qu’elle avait une répétition après la représentation, mais elle nous attendait avec nos enfants, le lendemain, qui était un dimanche, chez elle, rue de Douai, à onze heures, pour déjeuner.

« Laurent semblait avoir pris son parti de la rencontre. Il ne m’en souffla pas mot de la soirée. Il se leva gai comme un pinson le lendemain, et c’est en riant qu’il me dit qu’il allait se mettre sur son trente et un et soigner sa barbe pour faire honneur à la Fée des Eaux…

Déjà, depuis un moment, Me Roberjot ne cessait de jeter à Mme Delorge des regards étonnés.

Quelle différence entre le récit lumineux et vivant de cette pauvre femme et les extraits du sommier judiciaire qu’avait eus entre les mains M. Barban d’Avranchel ! Elle cependant poursuivait :

Onze heures sonnaient, lorsque nous arrivâmes rue de Douai avec nos trois enfants, – nous n’en avions que trois encore à cette époque.

« Ma sœur demeurait au second étage d’une belle maison neuve.

« Une bonne, au sourire à la fois insolent et doucereux, nous ouvrit, nous reçut familièrement, comme des hôtes attendus, et nous fit entrer dans un appartement qui me parut tout ce qu’on peut imaginer de plus riche et de plus magnifique.

« Ce n’était pas l’avis de Laurent.

« Lui qui a servi dans de très grandes maisons, chez le comte de Commarin et chez le marquis d’Arlange, il me disait à l’oreille que tout ce qui reluit n’est pas d’or et que tout ce que je voyais n’était que du clinquant.

« Au bout de cinq minutes à peu près, ma sœur parut, vêtue d’un superbe peignoir de dentelles…

« Mais elle était ravie de nous voir, c’est de tout cœur qu’elle se jeta dans mes bras et quelle embrassa ensuite mon mari et mes enfants.

« Mes enfants surtout l’étonnaient.

« – Comment ! vous en avez trois, répétait-elle, et moi qui n’en savais rien !…

« Nous n’étions pas chez ma sœur depuis cinq minutes, que déjà je regrettais notre rencontre. N’ayant conservé de notre jeunesse que d’amers ou d’odieux souvenirs, elle s’était mis à se plaindre avec une violence extraordinaire de toute notre famille, de nos frères, de nos sœurs, de notre père, qu’elle n’appelait jamais que le vieil ivrogne, de notre mère surtout, qu’elle haïssait terriblement.

« Toutes ces récriminations arrivaient bien mal, mon mari n’aimant guère les miens.

« Je commençais donc à être bien embarrassée, lorsqu’une bonne vint annoncer que le déjeuner était servi.

« – Ma foi ! tant mieux ! dit ma sœur. Comme cela nous ne parlerons plus de toutes ces vilaines gens…

« La salle à manger me parut encore plus riche que le salon.

« Tous les meubles étaient en chêne sculpté et, derrière les vitres de deux immenses buffets, on voyait reluire toutes sortes de verreries et de porcelaines.

« Adèle, c’est-à-dire Flora, s’était mise en frais, et soit par bon cœur pour nous faire honneur et plaisir, soit par vanité, pour nous éblouir, elle nous avait fait servir un repas de prince.

« La table ployait sous le poids des mets et des bouteilles, et pour manger et boire toutes ces bonnes choses, nous avions chacun, à notre couvert, quatre ou cinq verres et quantité d’ustensiles qui m’étaient inconnus.

« Bien loin d’être contente de ces cérémonies, j’en étais désolée.

« Je voyais le front de mon mari se rembrunir et se plisser comme il lui arrivait toutes les fois qu’il était irrité, et que cependant il se forçait à rester calme.

« Et, pour comble, ma sœur ne cessait de remplir ses verres de vins de toutes les couleurs, tout en répétant :

« – Buvez donc, beau-frère… Est-ce que vous ne trouvez pas mon vin bon ? Vous ne buvez pas…

« Malheureusement, il ne buvait que trop, et, quoique sachant qu’il portait très bien la boisson et qu’il n’avait pas le vin mauvais, je m’inquiétais de voir ses yeux devenir plus brillants et ses joues plus pâles.

« – Prends garde, lui disais-je, tu vas te faire mal.

« Je perdais mes peines.

« Nous étions à table depuis plus de deux heures, et mon plus jeune enfant avait fini par s’endormir, lorsqu’on apporta je ne sais plus quel mets sous une grosse cloche d’argent.

« – Comment ! encore ! s’écria-t-il mon mari.

« Puis examinant ma sœur :

« – Savez-vous, lui dit-il, qu’il faut que vous ayez une fameuse fortune, pour pouvoir vous permettre tant de dépense.

« – J’ai de l’argent, en effet, répondit-elle négligemment.

« – On vous paye donc bien cher à votre théâtre ?

« Elle partit d’un éclat de rire, et dit :

« – Très cher !… On me donne trente-cinq francs par mois. Il est vrai que je fournis mes costumes. Vous voyez d’ici le bénéfice ?…

« Au geste terrible de mon mari, je crus qu’il allait se dresser brusquement en jetant bas la table.

« Il n’en fut rien, cependant ; il se contenta de m’écraser d’un regard furieux, tandis qu’il disait à ma sœur :

« – Décidément, mademoiselle Flora, je crois que vous êtes une fille adroite.

« J’aurais battu ma sœur.

« Je ne me contentais plus de lui adresser des signes, je la poussais du coude, je lui marchais sur les pieds avec une sorte de rage. Rien n’y faisait.

« – J’ai eu de la chance, reprit-elle, je l’avoue, mais non pas du premier jour… En me sauvant de chez ma mère, je croyais que les alouettes allaient me tomber toutes rôties… Belles alouettes, ma foi ! L’homme que j’avais suivi était le dernier des bandits, et nous n’étions pas ensemble depuis quinze jours qu’il me rouait de coups. Ah ! si les filles savaient ! Mais j’étais bête, et d’ailleurs ce triste gars me faisait une peur affreuse.

« Quand il avait dépensé tout son argent dans les cafés, c’était à moi de lui en procurer. Comment ? Ce n’était pas son affaire ; il lui en fallait, voilà tout. Sinon… des coups ! Dieu ! m’a-t-il battue, cet être-là ! Vous me direz que je pouvais le planter là… Bon ! mais pour où aller ? Je serais encore entre ses griffes, s’il ne lui était arrivé une affaire de coups de couteau qui le fit mettre en prison. Ce fut ma délivrance. Justement, à ce moment, un théâtre demandait de jolies filles pour figurer, je me présentai, je fus reçue, et depuis je n’ai pas à me plaindre…

« Je me sentais blêmir, en sentant peser sur moi les regards de mon mari.

« C’eût été ma vie, à moi, sa femme, qu’on lui eût contée ainsi, qu’il n’eût pas paru plus exaspéré.

« – Quant à être adroite, continuait Flora, qui ne s’apercevait de rien, je ne le suis pas… Je sais amener l’argent, mais je ne sais pas le garder. Avec un peu de fermeté, j’aurais des rentes, mais je suis trop bonne, on me dépouille, on me gruge, on m’exploite…

« Elle se plaignait ainsi, avec une amertume croissante, quand la porte de la salle à manger s’ouvrit brusquement, et un homme entra, très grand, maigre, avec des moustaches cirées, l’air casseur, le chapeau sur l’oreille et le cigare dans le coin de la bouche.

« Il ne dit quoi que ce soit à personne, ni salut, ni bonjour, ni rien, mais regardant ma sœur d’un air mécontent :

« – Comment ! pas encore habillée ! fit-il.

« – Non.

« – Qu’avez-vous donc fait depuis ce matin ?

« – Vous le voyez bien, Victor, j’ai déjeuné avec mes parents.

« Non, jamais je n’oublierai le regard dont cet individu nous toisa.

« – Très joli, dit-il, mais il faut s’habiller.

« – Plus tard.

« – Tout de suite. La voiture est en bas.

« – Eh bien ! renvoyez-la… Vous m’ennuyez, à la fin, Victor, avec votre tyrannie…

« Mais il ne la laissa pas finir.

« – Qu’est-ce que c’est que ça ! s’écria-t-il. Qu’est-ce que cette fantaisie !…

« Et saisissant brusquement ma sœur par le haut de sa robe, il la souleva de sa chaise, et malgré sa résistance et ses cris la poussa dans la pièce voisine.

« – Ah ! c’en est trop ! s’écria mon mari. Attends, brigand, je suis à toi !

« Et il allait s’élancer dehors, lorsque moi, fort heureusement, j’eus le temps de me précipiter à genoux, les bras étendus devant la porte…

« Ce mouvement nous sauva tous d’un grand malheur, car il arrêta Laurent.

« – Tu as raison, me dit-il, ce serait me salir.

« Je voulais parler, il m’interrompit :

« – Mais viens vite, ajouta-t-il violemment, relève-toi, partons, amène les enfants !…

« Certainement, ma conscience ne me reprochait rien, et on ne saurait être responsable des fautes des autres, mais du caractère dont je connaissais Laurent, je me demandais s’il n’allait pas me tourner le dos et s’éloigner de moi pour toujours.

« Cependant, lorsque nous fûmes dans la rue, rien ne vint justifier mes craintes.

« Mon mari, sans mot dire, passa mon bras sous le sien, et marchant à grands pas, m’entraîna.

« Au boulevard extérieur, seulement, de l’autre côté de la barrière de Clichy, dans un endroit où il n’y avait personne, il s’arrêta.

« Il se recula de moi, se croisa les bras, et, me regardant bien en face, il me dit ces seuls mots :

« – Eh bien !…

« Pour toute réponse, je fondis en larmes.

« Il secoua tristement la tête, et d’un ton si doux qu’il eût tiré des larmes d’une pierre :

« – Va, pauvre Julie, me dit-il, je ne t’en veux pas et, si parfois je t’ai fait souffrir à cause des tiens, j’ai eu tort. Je n’ai jamais eu qu’à bénir Dieu de t’avoir prise pour femme.

« Je me jetai à son cou en sanglotant ; il m’embrassa. Puis, posément :

« – Seulement, me dit-il, jure-moi de ne jamais remettre les pieds chez ta sœur, de ne jamais chercher à la revoir.

« Je le lui jurai, et comme il était bon comme le bon pain, avec ses manières brusques, voyant que j’avais beaucoup de chagrin :

« – Et puis, qu’il ne soit plus question de rien, ajouta-t-il gaiement, et puisque nous voilà dehors, allons finir la journée à la campagne…

La voix de Mme Cornevin expirait à ces derniers mots ; il était clair qu’elle était presque à bout de forces.

Et cependant elle refusa de se reposer un moment, comme l’en priait Mme Delorge.

La partie la plus douloureuse de son récit étant passée, elle reprit d’un accent plus calme :

Certes, j’étais bien résolue à tenir la promesse que j’avais faite à Laurent. Je ne pouvais pas prévoir que ma sœur viendrait me visiter.

« Elle m’arriva le lendemain, en grande toilette, les poches pleines de bonbons pour les enfants, toute gaie et toute souriante.

« À peine assise, elle entreprit de m’expliquer la scène de la veille, essayant de la tourner en plaisanterie, disant que tous les amoureux ont des piques pareilles, que la colère fait dire des tas de choses qu’on ne pense pas, et qui d’ailleurs ne sont pas vraies…

« Mais elle vit bien à mon air que je ne prenais pas le change, et alors, renonçant à me cacher la vérité, elle se mit à pleurer, disant que j’avais bien raison, qu’elle était la plus misérable des créatures.

« – Eh bien ! il faut rompre, lui dis-je.

« Mais, à ma profonde stupeur, elle m’avoua qu’elle ne s’en sentait pas le courage.

« Elle haïssait cet homme, elle le méprisait, et cependant il lui était nécessaire. Il l’avait ensorcelée.

« Ainsi, pendant de longues heures, elle m’exposa toutes les plaies de sa vie si brillante en apparence, répétant toujours :

« – Avec tes enfants, ton labeur obstiné, la gêne toujours menaçante, c’est encore toi, de nous deux, qui as le bon lot.

« Cependant, il me fallait lui dire que mon mari exigeait que nous ne nous revissions pas, et je pensais qu’elle allait s’indigner, se révolter.

« Non… Elle baissa tristement la tête, à ces cruelles paroles, et d’un accent douloureux :

« – Je ne puis pas dire qu’il ait tort, murmura-t-elle… Je sens qu’à sa place j’agirais comme lui…

« Néanmoins elle revint. Je l’avouai à Laurent qui se contenta de me dire :

« – Je ne puis pas exiger que tu mettes ta sœur à la porte de chez toi… Mais prie-la de venir avec des toilettes moins éclatantes…

« C’est ce qu’elle fit d’elle-même par la suite, car nous gardâmes des relations. Quand elle avait eu quelque crise, je la voyais arriver, et elle passait l’après-midi avec moi, m’aidant à mon ouvrage…

« Elle me disait que notre honnêteté était la sienne, et de ce que mon mari refusait de la voir, elle ne l’en estimait et même ne l’en aimait que davantage.

« Assurément, Adèle, – je veux dire : Flora, – n’était pas, n’est pas une méchante fille. Elle a bon cœur, s’attendrit aisément, et son premier mouvement est toujours bon.

« Mais jamais on n’a vu d’esprit si faible ni si mobile que le sien. D’un instant à l’autre, pour tout ou pour rien, changent ses idées, ses projets et ses désirs. Le dernier qui lui parle a toujours raison.

« Je ne m’étonnai donc pas trop, il y a un an environ, de la voir changer tout à coup.

« Elle se donnait des airs d’importance et de mystère, parlant à mots couverts d’événements graves qu’elle attendait.

« – Je deviens une personne sérieuse, disait-elle, je m’occupe de politique.

« Au lieu de se répandre comme autrefois en récriminations contre cet homme odieux que nous avions vu chez elle, contre ce Victor, elle ne trouvait plus de termes assez forts pour se féliciter de le connaître.

« C’était aussi, ajoutait-elle, un grand bonheur pour moi qu’elle le connût, car elle lui parlerait de moi, et il ne manquerait pas de procurer à Laurent quelque place brillante et lucrative.

« Déjà, sur sa recommandation, une ancienne ouvreuse de son théâtre avait obtenu un bureau de tabac.

« – Juge, concluait-elle, juge de ce que je ferai pour ma sœur, quand le moment sera venu.

« Flora s’exprimait en personne si sûre de son fait, que je fus ébranlée et que je finis par parler à mon mari de nos conversations.

« Mais il s’emporta dès les premiers mots, jurant que j’étais aussi bête que ma sœur de croire à toutes ces sornettes, et que, si par impossible toutes ces vanteries étaient vraies, il avait le cœur trop haut pour accepter une telle protection.

« Flora, à qui j’eus l’imprudence de laisser deviner ce propos, en fut exaspérée.

« – Tout le monde n’est pas si fier que vous, me dit-elle, et j’en sais des plus riches et des plus huppés qui mendient la protection de Victor et qui cireraient ses bottes au besoin.

« Comme de raison, cette querelle jeta du froid entre ma sœur et moi.

« Peu à peu ses visites se firent rares.

« Et il y avait plus de trois mois que je ne l’avais vue, lorsqu’arrivèrent nos malheurs, que le général Delorge fut tué et que mon mari disparut.

« Certes, jamais la pensée ne me fût venue d’avoir recours à ma sœur sans Mme Delorge.

« Comment imaginer que Victor et M. de Combelaine pouvaient n’être qu’un seul et même personnage !…

« Cela est, cependant ; je suis allée me poster à la porte de M. de Combelaine, je l’ai guetté, je l’ai vu, et j’ai reconnu Victor…

« Y avait-il pour nous un parti à tirer de cette circonstance ?

« Mme Delorge le crut, et, m’étant bien pénétrée des conseils qu’elle me donna, je me présentai chez ma sœur.

« C’était samedi, sur les huit heures du soir… Mais ce n’est plus rue de Douai qu’elle demeure.

« Cet appartement, qui m’avait semblé si magnifique, lui ayant paru mesquin, et au-dessous de sa position, elle en a pris un autre beaucoup plus vaste, au boulevard des Capucines.

On me fit monter par l’escalier de service, et ce fut un domestique en grande livrée qui vint m’ouvrir.

« Dès que je lui eus dit que je désirais parler à Mme Flora Misri :

« – C’est impossible, me répondit-il, nous avons dix personnes à dîner…

« J’insistai, cependant, et le domestique que j’impatientais allait sans doute me pousser dehors, lorsque ma sœur traversa le corridor.

« M’apercevant, elle jeta un petit cri de surprise, et, sans se soucier de ses domestiques :

« Comment ! c’est toi !… me dit-elle. Qu’est-ce qui t’arrive ?…

« Vivement je lui exposai le malheur qui me frappait, me gardant bien, comme de juste, de souffler mot du général Delorge.

« Elle parut consternée.

« – C’est épouvantable, murmurait-elle. Laurent disparu !… Que vas-tu devenir, seule, avec tes cinq enfants ?…

« Puis, tout à coup :

« – Non, cela ne sera pas, je ne le souffrirai pas, je ne veux pas qu’on touche aux miens… Attends une minute ici…

« Elle disparut à ces mots, j’entendis des portes s’ouvrir et se fermer, puis dans une pièce voisine le chuchotement étouffé d’une discussion rapide.

« L’instant d’après, Flora reparaissait toute souriante :

« – C’est arrangé, me dit-elle, Victor va s’occuper de ton affaire… Une autre fois, empêche Laurent de se mêler de ce qui ne le regarde pas…

« J’avais le paradis dans le cœur en me retirant, et c’est avec une impatience extraordinaire que j’attendis le lendemain pour avoir des explications…

« Hélas ! ce lendemain me réservait une douleur pire que toutes les autres.

« Lorsque je fus admise près de ma sœur, elle n’était plus la même. Elle me parut irritée, embarrassée.

« – Ma pauvre Julie, me dit-elle brusquement, je t’ai trompée, hier soir, sans le vouloir, et parce qu’on m’avait trompée moi-même, pour ne pas te chagriner. On ne sait ce qu’est devenu ton mari. C’est en vain que la police a fait tout au monde pour le retrouver.

« Elle me tendait de l’argent en disant cela. Mais je le repoussai avec horreur… Il m’eût semblé recevoir le prix du sang ou de la liberté de mon mari…

« Et, ne pouvant plus rien obtenir de ma sœur, je sortis, sentant bien que toute espérance de ce côté était perdue, mais rassurée par une voix qui me disait au-dedans de moi-même que Cornevin n’est pas mort et que je le reverrai.