Cher Dieu,
J’ai soixante ans passés et je paie l’addition pour tous les abus que j’ai faits hier soir. Ça n’a pas été la grande forme aujourd’hui.
Ça m’a fait plaisir de revenir chez moi, à l’hôpital. On devient comme ça, quand on est vieux, on n’aime plus voyager. Sûr que je n’ai plus envie de partir.
Ce que je ne t’ai pas dit dans ma lettre d’hier, c’est que, chez Mamie-Rose, sur une étagère, dans l’escalier, il y avait une statue de Peggy Blue. Je te jure. Exactement la même, en plâtre, avec le même visage très doux, la même couleur bleue sur les vêtements et sur la peau. Mamie-Rose prétend que c’est la Vierge Marie, ta mère d’après ce que j’ai compris, une madone héréditaire chez elle depuis plusieurs générations. Elle a accepté de me la donner. Je l’ai mise sur ma table de chevet. De toute façon, ça reviendra un jour dans la famille de Mamie-Rose puisque je l’ai adoptée.
Peggy Blue va mieux. Elle est venue me rendre visite en fauteuil. Elle ne s’est pas reconnue dans la statue mais on a passé un joli moment ensemble. On a écouté Casse-Noisette en se tenant la main et ça nous a rappelé le bon temps.
Je te parle pas plus longtemps parce que je trouve le stylo un peu lourd. Tout le monde est malade ici, même le docteur Dùsseldorf, à cause des chocolats, des foies gras, des marrons glacés et du Champagne que les parents ont offerts en masse au personnel soignant. J’aimerais bien que tu me rendes visite.
Bisous, à demain,
Oscar.