LE PLUS-QUE-RENDEUR
Le plus-que-rendeur restitue plus qu’il n’a reçu. Il en sait et il en possède plus que tout le monde. À un cambrioleur, il en colle tant sur les bras qu’il croule sous le fardeau. Alors, il l’aide à le descendre. Puis il lui montre encore le chemin et l’avertit des dangers qui le guettent.
Le plus-que-rendeur mène des conversations délicates avec les spécialistes. Il leur prodigue à tous des conseils, que ne sait-il pas, il en sait plus qu’aucun d’entre eux. Personne ne comprend où il prend le temps de lire, et, de nos jours, un homme peut-il tout lire ? Lui peut, ou bien alors ça lui vient pendant le sommeil, il a une mémoire qui ne fuit pas. Il ne dit pas : « je sais », car il en sait bien plus, mais il dit sur-le-champ ce qu’il sait en plus, il le dit objectivement et de manière assimilable, il n’a rien de prétentieux, plutôt modeste, mais, toujours, il restitue plus qu’il n’a reçu, comme ferait un distributeur automatique au mécanisme énigmatique.
Le plus-que-rendeur fréquente tous les milieux, il ne fait pas de différence entre eux, il n’est pas snob pour un sou et ne se refuse à personne. Il ne cherche pas non plus à passer pour un bienfaiteur. Extérieurement, il ne paie pas de mine, on ne le remarque nulle part, il n’est pas constamment aux aguets, il marche, se tient debout ou assis, et se retourne comme tout le monde. Bien des gens le tiennent pour un oiseau coureur, même pas particulièrement gros. Il sourit quand il reçoit, mais il est sérieux comme un pape quand il donne. Ses oreilles sont effilées et un peu décollées. Il tient sa langue bien cachée, et, quoi qu’il dise, c’est en se servant d’une langue secrète.
Quand le plus-que-rendeur n’arrête plus de parler, on peut être sûr qu’il dort. Alors il n’entend plus, alors il restitue sans interruption, alors il ne reçoit rien, alors il est heureux.