Monfieur le Prince de Condé, ayant laifsé le fiege de Broüage pour venir fecourir ceux qui s’eftoient rendus maiftres du chafteau d’Angiers, paffa la riuiere de Loire en vn lieu nommé des Roziers, qui eft entre Saumur & le pont de Sé, & recueillit bien toft apres les gens que s’eftoient affemblez aupres de Clermont d’Amboyfe, lequel auoit conduict la prinfe dudict chafteau, & auoit appellé à fon fecours tous ceux de la religion nouuelle des prouinces de Normandie, Picardie, Ifle de Frãce & autres de deçà la riuiere, cuy dãs s’eftablir pour iamais audict Angiers, de force que ledict Prince pouuoit auoir de huict à neuf cens bons cheuaux, & de fetp à huict cens harquebufiers à cheual, auec lefquels il donna dedans l’vn des faulxbourgs de ladicte ville, cuydant enfoncer noz gens : & de faict il gaigna d’abordee certaines maifons qui eftoient à l’entree dudict faulxbourg, où fes gens fe logerent, mais ilz n’y demeurerent gueres, car ils en furent dés le lendemain chaffez par ceux qui gardoient ledict faulxbourg, où commandoit le fieur de Lauerdin. Au mefme temps ceux qui tenoient le chafteau le rendirent à Monfieur du Bouchage par compofition, vn nommé Rochemorte qui leur commandoit ayant efté tué quelques iours deuant par vn appoticaire de la ville qui le mira & tira au trauers d’vne canoniere où il s’eftoit endormy. Quoy voyant ledict fieur Prince, & fachant aufsi que Monfieur de Ioyeufe eftoit arriué à Saumur, il print party de fe retirer, & enuoyer les fieurs de Laual & la Boullaye deuant auec leurs trouppes, lefquelz repafferent ladicte riuiere de Loire au mefme lieu des Roziers qu’ilz auoyent conferué, ayant fortifié l’Eglife où ils auoient mis quelques foldats, & tenoient aufsi delà l’eaue vne Abbayé nommee fainct Maur, pour prendre leur paffage plus affeuré. Monfieur de Ioyeufe eftant aduerty que ledict Prince commençoit à faire repaffer ladicte riuiere à fes forces, & voyant que celles que le Roy luy enuoyoit n’eftoient encores arriuées, de forte qu’il n’eftoit affez fort pour combattre ledict Prince, feift diligemmnt armer trois ou quatre batteaux audict Saumur, où il eftoit, & les enuoya audict paffage foubz la charge du fieur de la Courbe, efcuyer d’efcuyrie du Roy, & d’vn cappitaine dudict lieu de Saumur, lefquelz feirent tel deuoir qu’ils contraignirent ledict Prince de quiter ledict paffage & fes batteaux & prendre autre routte, laquelle il choifit du cofté du Lude où il s’achemina à grandes traictes, & de là à Luce où eftoit monfieur le Prince de Conti fon frere, & vint iufques aupres de Vendofme, cuydant gaigner vn paffage fur ladicte riuiere de Loire, au deffoubz ou au deffus d’Orleans : Mais eftant là il fuft aduerti que Mefsieurs du Mayne, d’Efpernon, & de Biron eftoient fur fon chemin auec les Reiftres, & autres forces Françoifes, d’où luy & fes gens prindrent tel effroy qu’ilz fe refolurent de fe desbander, & commander à chacun de penfer à fe fauuer, ledict Prince fe feparant de la trouppe en bien petite compagnie, pour mieux fe defrobber, comme il a faict : de forte que lon ne fcait encores quel chemin il a prins. Mais lefdicts fieurs ont rencontré vng grand nombre de ces pauures gens efcartez & fuyans de toutes parts, auec telle terreur qu’ilz fe mettoient à la mifericorde de tous ceux qu’ils rencontroient, ayans bruflé leurs cornettes, & quittez leurs armes & cheuaux : & mefmes ont achepté des habits des paifans au pois de l’or, pour mieux fe defguyfer & fauuer. La nobleffe du pays s’eft trouué à cefte chaffe, laquelle monfieur de Ioyeufe pourfuiuoit aufsi en queuë, auec cinquante ou foixante cheuaux, feulemt de ceux qui l’auoyent peu fuyure, lequel a de fon cofté prins vn bon nombre de prifonniers. Brief ce a efté la plus grande routte & deffaicte fans combattre que lon veid iamais, & n’a efté tué vn feul homme de part ny d’autre : mais il a efté faict vn grand nombre de prifonniers, qui fe plaignent eftrangement dudict Prince, & font compafsion à tout le monde : vray eft qu’il y a peu de gentilz hommes prins, d’autant que la foreft de Marchenou en a fauué plufieurs, comme ont faict infinis gentilz-hõmes Huguenots, qui font en ce quartier là. Les vns difent que ledict Prince a pafsé la riuiere de Loire, & eft retourné en Poitou, les autres qu’il a prins le chemin de Normandie, pour trouuer moyen de paffer en Angleterre, ou en Allemagne. Quoy que ce foit il eft fort mal accompagné, & en quelque part qu’il arriue il ne portera nouuelle qui luy apporte beaucoup d’honneur & de reputation. Monfeigneur de Mayenne eft  pafsé outre, pour aller ioindre monfieur le Marechal de Matignon, lequel eftoit à fainct Sibardeau en Angoulmoys. Le vingtfeptiefme du mois pafsé font allez en Brouage pour faire leuer le fiege que ceux du pays y tenoyent encores auec les gens de pied, que ledict Prince auoit laiffez allant à Angiers.

Advis de la reprinse dv chasteav d'Angiers, et des routtes de monfieur le prince de Condé, venu au fecours d'iceluy
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