Mon nom est Aviel.
Qui suis je ? ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est ce
à quoi j'ai assisté…
Ce que j'ai compris au fil du temps de ma banale existence et que
j'aimerai oublier.
Tout a débuté pour moi il y a bien longtemps mais dans la nature
cela est bien plus ancien.
Je veux parler de l'observation, celle du monde autour de soi.
Cette faculté nécessaire dès les premiers instants de la vie et qui
lui permet d'évoluer, d'influer sur sa propre existence.
D'aussi loin que mes souvenirs remontent j'ai toujours été fasciné
par la vie.
Jeune, je restais des heures a observé toutes sortes d'êtres, de
l'insecte agissant sans logique apparente a la plante caressée par
l'air en mouvement.
J'étais émerveillé par ce spectacle et je consacrais une grande
part de mon temps libre à l'observation de ce ballet permanent.
Au fil du temps mon intérêt se précisa et au gré de mes découvertes
ma passion ne cessa de croître.
C'est cette même passion qui déterminait la suite de mon existence
puisqu'au cours de mon apprentissage je me dirigeai vers l'étude de
la vie (D'autant qu'à cette époque une multitude d'expéditions
nécessitaient ce savoir).
Je m'embarquais bientôt sur un des bâtiments et malgré les mises en
gardes de mes congénères j'étais bien décidé a découvrir le vaste
monde.
Le voyage pouvait être traumatisant m'avait-on expliqué mais mon
enthousiasme et cet espoir de découverte l'emportait.
Sur cet ancien bâtiment de guerre je fus donc affecté a l'une des
quelques équipes, chacune experte en son domaine.
Les équipes demeuraient tout le temps du voyage et sans
aucune contestation sous la responsabilité du Commandant.
C'était un spécimen tout a fait représentatif de sa caste… .Grand,
hautain, fier mais surtout antipathique…
Le voyage allait être long.
Il recevait des consignes générales mais après le départ et selon
la règle il était le seul maître à bord.
Lui seul décidait de la destination, du temps passé sur l'endroit
et de la date de retour.
Fort heureusement, s'il parut être particulièrement gâté concernant
les défauts, il se révéla compétent et plus souple qu'il ne le
laissait paraître au premier abord.
Il n'y a pas grand chose à dire de nos premières incursions.
Les lieux, maintes fois explorés et les espèces connues et étudiées
depuis bien longtemps ne laissaient aucune chance à une quelconque
trouvaille.
En ce qui me concernait, j'étais assez déçu de mon engagement mais
je me consolais en me persuadant que si mon travail dans ces
contrées n'avait que peu d'intérêt, celui des autres équipes devait
être enrichissant…
Le voyage dura ainsi quelques temps sans découverte ni progrès
d'aucune sorte et l'ambiance générale n'était plus aussi
conquérante que dans les premiers instants.
La vie s'écoula ainsi jusqu'au jour où, au cours d'un repas, le
Commandant s'invita à notre table.
Sa présence était impressionante, il possédait un charisme qui
destabilisait facilement la majeure partie de l'équipage, moi y
compris.
Il le savait et en jouait mais quelques mots et deux ou trois
banalités suffirent a faire disparaitre le malaise que sa présence
avait créé.
Sa venue avait forcément une raison et nous n'allions pas tarder a
la découvrir.
A son invitation, c'est moi qui le premier prit la parole.
Je lui expliquais mon ennui et ma déception de ne pas explorer
d'endroits inconnues mais aussi mon impatience et ma motivation
quant au travail que j'espérais accomplir.
Le Commandant ecouta chacun de nous avec attention puis s'adressa à
la tablée.
Il se leva pour marquer de nouveau la frontière invisible qui nous
séparait de lui et sa voix prit un ton presque solennel.
-Il est normal que vous soyez déçu, nos précédentes destinations
n'avaient pour seul objectif que de vous faire acquérir de
l'expèrience et de vous aguerrir…
Une marque d'étonnement devait transparaître sur nos visages car le
Commandant semblait réjoui de son effet.
Il reprit…
… . D'ici peu, nous serons a proximité d'un endroit
potentiellement très dangereux et vous devrez faire attention a
chacun d'entre vous.
-Mais… osais-je l'interrompre, c'est une terre
inexplorée ?
Il réfléchit quelques secondes visiblement indécis.
-Eh bien… non pas vraiment ; les indigènes qui y vivent sont
capables de la pire sauvagerie connue, c'est une expédition
délicate mais vous n'êtes pas les premiers.
C'est pourquoi je vous demanderais d'être discret et très
prudent.
Vous partez après le repas.
La première expédition débuta dans la foulée, de sorte que nous
n'ayons pas le temps de tergiverser.
Cette expédition fut la première d'une multitude… moi qui espérait
du nouveau je ne fus pas déçu.
A chaque fois, nous allions de découvertes en surprises et je ne me
lassais pas d'examiner les particularités de cet îlot perdu dans
l'immensité.
Malheureusement, si l'intérêt scientifique demeurait indéniable, je
fus, au cours de ces longs moments passés dans cette contrée le
témoin d'insupportables atrocités de la part de ces sauvages.
Nous les observions à bonne distance pour ne pas faire les frais de
leur brutalité et fréquemment nous pouvions constater leur totale
ignorance du monde qui les entourait.
Ce qui me choquait le plus était surtout cette propension à la
violence parfois totalement gratuite et cruelle.
L'incompréhension marquait chacune de nos explorations mais fort
heureusement nos visites pouvaient être rapides et nous en
profitions.
J'appris énormément et ma perception de la vie comme la théorie à
laquelle je travaillais en furent particulièrement ébranlées…
Visiblement je me trompais, la Vie ne tendait pas vers un idéal
mais seulement vers la meilleure adaptation à son milieu.
Elle n'était en fait qu'un effort de survie sans nul autre but que
celui ci.
Peu à peu, le Commandant ne nous accompagna plus dans nos sorties
mais il venait à notre rencontre dès le retour de l'équipe.
Il insistait pour connaître le détail de nos observations,
notamment concernant les coutumes, croyances et autres
particularités des autochtones.
Il semblait de plus en plus soucieux et préoccupé bien que rien
n'ait fondamentalement changé depuis notre arrivée.
Puis, aussi soudainement qu'il nous l'avait appris, le Commandant
ordonna que nous rentrions chez nous.
Le voyage dura assez longtemps et rien de notable ne se
produisit.
A notre arrivée il exposa son rapport aux plus hautes
instances…