Quoique naturellement d'une forme athlétique, Burns avait dans sa constitution les particularités et les délicatesses qui appartiennent au tempérament du génie. Il était exposé, depuis une période très jeune de sa vie, à cet arrêt dans le progrès de la digestion qui résulte d'une pensée profonde et anxieuse, et qui est quelquefois l'effet et quelquefois la cause d'une dépression de vitalité. Lié à ce désordre de l'estomac, il avait une disposition aux migraines, qui affectait plus spécialement les tempes et le globe de l'œil et qui était fréquemment accompagnée de mouvements du cœur violents et irréguliers. Doué par la nature d'une grande sensibilité de nerfs, Burns était, dans son système corporel aussi bien que mental, exposé à des impressions déréglées,—à la fièvre du corps aussi bien qu'à celle de l'esprit. Cette prédisposition à la maladie, qu'une stricte tempérance dans la diète, un exercice régulier, un sommeil solide auraient pu vaincre, fut fortifiée et enflammée par des habitudes d'une nature toute différente. Perpétuellement stimulée par l'alcool, sous l'une ou sous l'autre de ses diverses formes, l'action désordonnée du système circulatoire devint à la fin habituelle, le travail de nutrition fut incapable de pourvoir à la déperdition, et les pouvoirs vitaux commencèrent à faiblir.

Plus d'une année avant sa mort, il y avait un déclin évident dans l'apparence personnelle de notre poète, et quoique son appétit se maintint, il sentait lui-même que sa constitution s'abaissait. Dans ses moments de pensée, il réfléchissait avec le regret le plus profond à son fatal acheminement, prévoyant clairement la fin vers laquelle il se hâtait, sans avoir la force de volonté nécessaire pour arrêter ou même ralentir sa course. Son caractère devint plus irritable et plus sombre; il se sauvait de lui-même dans des sociétés, souvent de l'espèce la plus basse. Et dans cette compagnie, on franchissait vite ce moment des réunions joyeuses où le vin augmente la sensibilité et excite la bienveillance, pour arriver au moment qui est au delà et sur lequel régnait généralement la passion sans contrôle et sans frein. Celui qui souffre la pollution de l'ivresse, comment échappera-t-il à une autre pollution? Abstenons-nous de mentionner des erreurs sur lesquelles la délicatesse et l'humanité tirent un voile[1334].

On a blâmé Currie d'avoir parlé. C'est à tort, puisque c'était la vérité. Personne ne peut le soupçonner de n'avoir pas aimé le pauvre poète. S'il a mentionné ce point délicat, avec la conscience de sa profession, il l'a, selon sa propre expression, «touché avec tendresse[1335]».Il a fait acte d'honnêteté et de pitié, comme un médecin qui connaît et plaint les misères humaines. C'est surtout dans une biographie comme celle de Burns, qu'il faut de la franchise; ceux qui, par des réticences ou des oublis, la défigurent, la mutilent ou la masquent, lui retirent une partie de son intérêt et de son enseignement. Ils appliquent le mensonge à la mémoire d'un homme qui le détesta et le méprisa par-dessus tout, et qui, avec toutes ses fautes, eut du moins la fierté de ne pas les dissimuler et le courage de les reconnaître. C'est une hypocrisie indigne de ce sincère esprit[1336].

Quoi qu'il en soit de ce mal, qu'accompagna en effet une fièvre rhumatismale, ses ravages furent terribles. Pendant les derniers mois de 1795, la correspondance et les travaux de Burns furent interrompus. Il resta confiné à la chambre tout l'hiver et se releva brisé et vieilli. Au commencement de janvier 1796, il commençait à marcher un peu; il écrit:

Je commençais à peine à me remettre de la perte d'une fille unique, d'une enfant chérie, quand je suis devenu moi-même la victime d'une fièvre rhumatismale qui m'a amené sur les frontières de la tombe. Après maintes semaines de lit et de maladie, je commence seulement à me traîner ça et là[1337].

Et le 31 janvier, il écrivait à Mrs Dunlop, à peu près dans les mêmes termes:

Longtemps le dé a roulé indécis; enfin, après bien des semaines sur un lit de maladie, il semble avoir «tourné vie», et je commence à me traîner à travers ma chambre. Une fois même, j'ai été devant ma porte dans la rue[1338].

Ces heures de confiance n'étaient pas bien solides; c'était l'espèce de confiance qu'on montre aux autres, pendant quelque temps encore après qu'elle est à peu près morte en soi-même; par moments, il désespérait de jamais se remettre complètement:

La santé que vous me souhaitez dans votre carte de ce matin, est, je le pense, envolée de moi pour toujours[1339].

Et quelques jours après il écrivait à Mrs Riddel:

Je suis si malade que j'ai à peine la force de tenir cette misérable plume sur ce misérable papier.

On a retrouvé de lui, à cette époque, un portrait qui apporte à tous ces détails un saisissant commentaire. Quel changement avec celui d'Édimbourg; vingt années d'excès et de remords auraient-elles pu produire un tel contraste? Où est le visage ouvert, jeune et confiant, qui se détachait sur des verdures, des collines lointaines et un ciel pur? Par une sorte d'intuition, l'artiste à qui l'on doit cette seconde ressemblance, au lieu de ce riant horizon, a choisi un voile de nuages menaçants et rapprochés; sur ce fond funèbre, une face vieillie, épuisée, dure, amère, avec une expression ombrageuse et farouche dans les traits, tandis que le regard conserve dans sa tristesse un fond de douceur. Sur cet ensemble flotte un air de défiance et d'inquiétude, comme de quelqu'un qui se croit toujours menacé. L'expression de cette tête douloureuse est ineffaçable; elle vous hante impérieusement et chasse de l'esprit la figure charmante du premier portrait[1340].

À la maladie, venait s'ajouter la gêne: ses souffrances se compliquaient de soucis. Vers la fin de 1795, il était obligé d'écrire au collecteur Mitchell une épître en vers, dont le manuscrit se vendrait aujourd'hui une somme considérable, pour lui emprunter une guinée.

Ami éprouvé et loyal du Poète
Qui, sans toi, pourrait mendier ou voler,
Hélas! hélas! le grand diable
Et toutes ses sorcières
Sont en train de danser gigues et reels
Dans mes pauvres poches.

Je voudrais insinuer modestement
Que j'ai cruellement besoin d'une guinée;
Si vous voulez l'envoyer par la fillette,
Ce serait très bon;
Et tant que mon cœur battra de sang vivant,
Je m'en souviendrai.

Puisse la vieille année s'éloigner, en maugréant
De voir la nouvelle arriver gémissante
Sous une double abondance de provisions,
Pour toi et les tiens;
Tandis que la paix et les joies domestiques couronnent
Tout ce tableau.

POST-SCRIPTUM.

Vous avez appris comme j'ai été malmené,
Et par la méchante mort presque emporté;
Horrible mégère! elle m'avait pris par la ceinture
Et m'a durement secoué;
Mais par bonheur j'ai sauté un sautoir,
Et tourné un coin.

Mais par cette santé, dont j'ai encore une part,
Et par cette vie, dont on me promet encore un bout,
De me tenir sain et entier j'aurai soin
Un peu plus prudemment;
Donc adieu folie, peau et poil,
Une bonne fois et à toujours![1341]

Hélas! les promesses! Il était donc perdu irrévocablement pour être, après une telle leçon, incapable de les tenir! Il en était donc au point où la volonté cesse d'agir et où, l'instrument de toute résolution étant lui-même atteint, la dernière ressource est brisée. C'est alors la fin d'un homme! Était-ce donc la fin du poète?

Il semble qu'il en était là. Il avait paru éprouver un mieux pendant les derniers jours de janvier 1796. Une de ses premières visites fut à son endroit favori, la Taverne du Globe. Il en ressortit vers trois heures du matin, en état d'ivresse[1342]. Le froid était intense; l'air glacial le saisit et l'étourdit. Il tomba sous un passage voûté qu'on montre encore, et s'y endormit. L'humidité de l'aube le surprit dans cet engourdissement où le corps n'a même plus la réaction involontaire de la souffrance, et le pénétra. Cet accident fut suivi d'une attaque de rhumatisme qui le retint au lit environ une semaine; après cette rechute, sa maladie renouvelée fit des progrès rapides. «Alors, dit Currie, son appétit commença à décliner, sa main trembla et sa voix faiblit à la moindre émotion ou au moindre effort. Son pouls devint plus faible et plus rapide, et des douleurs dans les articulations et dans les pieds et les mains le privèrent de goûter le rafraîchissant sommeil. Trop découragé et trop au courant de sa situation réelle pour nourrir quelque espérance de guérison, il songeait sans cesse à la désolation prochaine de sa famille, et son esprit tomba dans une continuelle tristesse.» Rien n'est pénible comme de suivre, dans les rares et courtes lettres de cette période, l'envahissement de cette pensée d'une fin inévitable et prochaine. Au mois d'avril, il écrivait à Thomson:

«Hélas! mon cher Thomson, je crains qu'il ne s'écoule quelque temps avant que je n'accorde ma lyre de nouveau! «Près des fleuves de Babylone etc.» Presque sans cesse depuis ma dernière lettre, je n'ai connu l'existence que par la pression de la lourde main de la maladie, et j'ai compté le temps par les répercussions de la souffrance. Le rhumatisme, le froid et la fièvre ont formé pour moi une terrible Trinité dans l'Unité, qui fait que je ferme les yeux dans l'angoisse et que je les ouvre sans espérance. Je regarde ces jours printaniers et je dis avec le pauvre Fergusson:

«Dites pourquoi un ciel indulgent a-t-il donné
La lumière aux désolés et aux malheureux?[1343]»

Vers le milieu de mai, il écrivait à Johnson:

«Vous devez probablement penser que, depuis quelque temps, je vous ai négligés vous et votre recueil, mais, hélas, la main de la souffrance, du chagrin et du souci s'est, pendant ces derniers mois, posée lourdement sur moi. L'affliction dans ma personne et dans ma famille a presque entièrement banni cette allégresse et cette vie avec lesquelles je courtisais jadis la muse rustique de l'Écosse.... Cette lente, longue et usante maladie, qui reste suspendue sur moi, j'en ai peur, mon toujours cher ami, arrêtera mon soleil avant qu'il ait atteint le milieu de sa carrière et fera passer le Poète à des sujets bien autres et plus importants que d'étudier l'éclat brillant de l'esprit et le pathétique du sentiment. Cependant, l'Espérance est le cordial du cœur humain et j'essaye de l'entretenir du mieux que je puis[1344]

Il avait encore à cette époque des moments de confiance et, vers la même date il écrivait à Thomson qu'il avait l'espérance que la vivifiante influence de l'été qui approchait le remettrait. Mais un peu plus tard, la conscience de sa situation grandit en lui. Le 4 juin, il écrivait à Mrs Riddel, qui lui avait conseillé d'assister à un bal donné en l'honneur du jour de naissance du roi, pour montrer son loyalisme:

«Je suis dans un si misérable état de santé que je suis incapable de montrer mon loyalisme, en aucune manière. Torturé, comme je le suis, de rhumatismes, j'aborde tous les visages avec une salutation semblable à celle de Balak à Balaam: «Viens maudire Jacob! Viens détester Israël![1345]» Ainsi dirais-je: «Viens maudire ce vent d'est, viens détester ce vent du nord!» Je vous verrai peut-être samedi, mais je ne serai pas au bal. Pourquoi irais-je? «L'homme ne me plaît plus, ni la femme non plus[1346].» Pouvez-vous me procurer la chanson: Soyons tous malheureux ensemble? Si vous le pouvez, faites-le, et obligez le pauvre misérable[1347].

Le 26 juin, à la fin du mois, il écrivait à son ami Clarke une des lettres les plus navrantes qu'il ait écrites et qu'il soit possible de lire:

«Mon cher Clarke,—toujours, toujours la victime de l'affliction! Si vous voyiez le corps émacié qui maintenant tient cette plume pour vous écrire, vous ne reconnaîtriez plus votre vieil ami. Si je dois jamais me rétablir, c'est le secret de Lui, le Grand Inconnu dont je suis la créature. Hélas! Clarke, je commence à redouter le pire. Pour moi-même, je suis tranquille,—je me mépriserais si je ne l'étais pas. Mais la pauvre veuve de Burns, mais cette demi-douzaine de chers petits orphelins abandonnés! Me voici faible comme une larme de femme! Assez de ceci! c'est la moitié de mon mal!

J'ai reçu votre dernière lettre contenant le billet de banque. Il arriva bien à point et je vous suis extrêmement obligé pour votre ponctualité. Il faut que je vous demande une seconde fois la même obligeance. Soyez assez bon pour m'envoyer un second billet par retour du courrier. J'espère que je puis vous le demander sans que vous en soyez gêné et cela m'obligera sérieusement. S'il faut que je m'en aille, je laisserai derrière moi quelques amis que je regretterai tant que la conscience me restera. Je sais que je vivrai dans leur souvenir.

Adieu, cher Clarke! Que je vous revoie jamais est, je le crains, hautement improbable[1348].

On voit, d'après cette lettre, que la gêne n'était pas loin, puisqu'il n'y avait entre elle et la maison qu'une aussi faible somme. Par une règle cynique et barbare de l'Excise, le traitement des employés incapables de continuer le service était réduit de moitié[1349]. Burns ne devait plus maintenant avoir que 35 livres par an, au moment où sa maladie réclamait plus de dépenses. Pour achever le désarroi, sa femme se trouvait enceinte, sur le point de s'aliter, incapable de le soigner. Et cinq enfants dans cette maison, à travers laquelle se traînait le spectre voûté du poète. Quel tableau et comme on comprend ses cris d'angoisse!

Dans cette misère, va et vient, attentive, active et silencieuse, une aimable figure, la dernière des figures de femmes que son souvenir évoquera. C'est une jeune fille de dix-huit ans, une orpheline, la sœur d'un des jeunes confrères de Burns[1350]. Elle s'appelait Jessy Lewars et son nom restera doucement harmonieux dans le langage écossais. Elle habitait presque en face, et voyant l'abandon de cette pauvre demeure, elle traversa la rue. Pendant tous ces longs mois, elle fut l'Ange de la maison. Elle soigna tout le monde avec un dévouement infatigable. Elle fut pour les enfants une sœur aînée, et pour la mère, une jeune sœur. Quant au poète lui-même, elle fut sa dernière vision de grâce et de jeunesse, une présence bienfaisante et consolatrice. Grâce à elle, les nuages menaçants qui l'enveloppaient de toutes parts, ne furent pas sans leur bordure argentée. Un biographe anglais l'a heureusement comparée à la petite fée «qui porta au lit également lamentable de Henri Heine quelques heures d'apaisement.»

Et lui, dans sa gratitude, reprit sa plume que sa main avait peine à tenir et composa en son honneur ses dernières pièces, presque les seules de cette période. Mais, même pour cette pure enfant, son cœur ne sut pas perdre sa longue accoutumance de revêtir ses pensées de mots d'amour, et sa reconnaissance prit la forme d'une déclaration. On dirait qu'il ne connaissait pas d'autre façon d'enchaîner dans des vers un nom féminin. Il la prit pour rendre immortel celui de la jeune fille qui le soignait. Il faut se rendre compte de cette fiction poétique et dégager le sentiment de sa forme convenue, pour qu'en lisant ces pièces charmantes l'étonnement n'interrompe pas l'admiration.

Voici la santé de qui j'aime chèrement;
Voici la santé de qui j'aime chèrement;
Tu es douce comme le sourire de rencontre des amoureux,
Et tendre comme leur larme d'adieu, Jessy!

Bien que tu ne doives jamais être à moi,
Bien que l'espoir même me soit refusé,
Désespérer pour toi est plus doux
Que tout le reste au monde,—Jessy.

Je suis triste dans ce jour gai et brillant,
Car sans espoir, je songe à tes charmes;
Mais bienvenu soit le rêve du doux sommeil,
Car, alors, je suis bercé dans tes bras,—Jessy.

Je devine, par ton cher sourire angélique,
Je devine par tes yeux où passe l'amour;
Mais pourquoi exiger le tendre aveu
Contre le dur, le cruel décret de la Fortune,—Jessy.

Voici la santé de qui j'aime chèrement!
Voici la santé de qui j'aime chèrement!
Tu es douce comme le sourire de rencontre des amoureux,
Et tendre comme leur larme d'adieu,—Jessy[1351].

Un matin, il lui dit que, si elle voulait lui jouer l'air qu'elle préférait, il lui mettrait des paroles. Elle s'assit à l'épinette et joua plusieurs fois un air de vieille chanson. Il l'écouta jusqu'à ce que son oreille en fut bien pénétrée, et quelques instants après il donna à Jessy les vers suivants. C'était une pensée délicate d'envelopper de mots grâce auxquels elle deviendrait immortelle, l'air naïf auquel son âme candide avait pris le plus souvent plaisir.

Si tu étais dans le vent froid,
Sur cette plaine, sur cette plaine,
Mon plaid contre l'air irrité
T'abriterait, t'abriterait;
Ou si le dur vent du malheur
Soufflait sur toi, soufflait sur toi,
Ton abri serait sur mon sein,
Tout à toi seule, tout à toi seule.

Si j'étais dans la plus sauvage solitude,
Si noire et nue, si noire et nue,
Le désert serait un Paradis
Si je t'avais, si je t'avais;
Ou si j'étais monarque du globe,
Roi près de toi, roi près de toi,
Le plus pur joyau de ma couronne
Serait ma reine, serait ma reine[1352].

Avant de mourir, il voulut lui laisser un souvenir. À la fin de juin, il écrivit à Johnson pour lui demander les quatre volumes de sa collection. «Voulez-vous être assez obligeant pour me les faire parvenir par la première voiture, car je suis anxieux de les avoir bientôt!» Il les lui offrit avec ces vers:

Ils sont à toi ces volumes, douce Jessy,
Et avec eux prends la prière du poète,
Que le destin, sur sa plus belle page,
Avec ses bienveillants et ses meilleurs présages
D'avenir heureux, inscrive ton nom.
Avec la bonté native, un nom sans tache,
Un peu de défiance qui veille et qui n'ignore pas
Que le mal existe et que l'homme est trompeur,
Nous trouvons ici-bas toutes les joies innocentes,
Et tous les trésors de l'esprit;
Que ce soit là ta protection et ta récompense;
Ainsi prie ton fidèle ami, le barde[1353].

Jessy Lewars vécut jusqu'en 1855. Elle fut honorée à cause de sa bonté pour Burns. Quand elle mourut, elle fut enterrée tout auprès de lui et à l'ombre de son monument. Un voyageur qui visitait le cimetière de Dumfries, un jour de pluie, voyant toutes les tombes mouillées, excepté celle de Jessy Lewars que le mausolée du poète abritait, se rappela la strophe où il lui promettait de la protéger contre l'air irrité.

Ses amis rattachaient leur dernier espoir à un changement d'air. On lui conseilla les bains de mer, l'exercice dans la campagne. Il partit le 4 juillet pour Brow, hameau d'une douzaine de chaumières, sur les bords solitaires de l'estuaire de la Solway[1354]. On lui trouva une chambre dans la seule auberge du pays[1355], fréquentée surtout par les conducteurs de troupeaux qui descendent vers le sud. L'endroit est triste et écarté, au bord de longues grèves désertes, lavées par des marées troubles et jaunâtres. À l'autre extrémité de la vie, il revoyait cette mélancolie des embouchures de rivières qu'il avait connue à Irvine. Mais cette fois il n'y avait plus de révolte en lui contre la désolation des choses; sa propre tristesse était au delà de toutes celles que la nature peut présenter.

Il se trouva que Mrs Riddel était dans les environs, pour raison de santé. Le lendemain de son arrivée, elle le pria de venir dîner avec elle. Elle lui envoya sa voiture, car il était incapable de marcher. Elle a laissé, dans une lettre citée par Currie, les impressions de cette dernière entrevue.

«Son aspect me frappa quand il entra dans la chambre. L'empreinte de la mort était marquée sur ses traits. Il semblait déjà toucher au bord de l'éternité. Son premier salut fut: «Eh bien, Madame, avez-vous quelque commission pour l'autre monde?» Je lui répondis que je ne savais lequel de nous deux y serait le plus tôt et que j'espérais qu'il vivrait encore pour écrire mon épitaphe, (j'étais alors dans un très faible état de santé). Il me regarda en face avec un air de grande bonté et exprima ce qu'il ressentait à me voir si malade, avec sa sensibilité habituelle. À table, il mangea peu ou rien et se plaignit que son estomac fût entièrement délabré. Nous eûmes une longue et sérieuse conversation sur sa situation présente et sur le terme prochain de toutes ses inquiétudes terrestres. Il parla de sa mort sans la moindre ostentation de philosophie, mais avec fermeté et émotion, comme d'un événement qui devait arriver très rapidement, et qui le préoccupait surtout parce qu'il laissait ses quatre jeunes enfants sans protection, abandonnés, et sa femme dans une situation si intéressante—elle s'attendait de jour en jour à accoucher du cinquième. Il mentionna, avec une fierté et une satisfaction visibles, les promesses de génie de son fils aîné et les marques flatteuses d'approbation qu'il avait reçues de ses maîtres. Il insista particulièrement sur les espérances qu'il concevait de la conduite et du mérite futurs de ce garçon. Son anxiété pour sa famille semblait peser lourdement sur lui. Elle était peut-être augmentée par la réflexion qu'il n'avait pas fait pour elle tout ce qu'il lui aurait été facile de faire.

Abandonnant ce sujet, il témoigna un grand souci de sa renommée littéraire et particulièrement de la publication de ses œuvres posthumes. Il dit qu'il savait bien que sa mort ferait quelque bruit, et que le moindre fragment de ses écrits serait remis à la lumière, contre lui, au détriment de sa réputation future; que des lettres et des vers, écrits avec une liberté excessive et malséante et qu'il désirerait sérieusement voir ensevelis dans l'oubli, seraient passés de main en main, par une sotte vanité ou la malveillance, lorsque la crainte de son ressentiment ne serait plus là pour les retenir, pour empêcher les censures de la malignité ou les sarcasmes de l'envie de répandre leur poison sur son nom. Il regretta d'avoir écrit mainte épigramme sur des personnes contre lesquelles il ne nourrissait aucune inimitié et dont il serait affligé de blesser la réputation; et maintes pièces poétiques sans mérite qui, craignait-il, seraient lancées dans le monde, chargées de toutes leurs imperfections. À ce point de vue, il regretta d'avoir différé de mettre ses papiers en ordre. C'était maintenant un effort dont il était incapable.

Il soutint la conversation avec beaucoup de suite et d'animation. J'avais rarement vu son esprit plus puissant et plus calme. Il y avait fréquemment une vivacité considérable dans ses saillies, et il y en aurait eu davantage encore si l'inquiétude et la tristesse que je ne pouvais dissimuler n'avaient refroidi la veine de plaisanterie qu'il semblait disposé à suivre.

Nous nous quittâmes vers le coucher du soleil, le soir de cette journée (5 juillet). Je le revis le lendemain, et nous nous séparâmes pour ne plus nous rencontrer[1356].

La misère le poursuivait dans cette dernière retraite de ses embarras et de ses humiliations. La seule nourriture qu'il supportât encore était une sorte de bouillie de farine d'avoine avec laquelle on lui faisait prendre du vin de Porto pour le soutenir. Sa provision de vin s'épuisa; l'aubergiste chez lequel il restait n'en vendait pas. Bien que marchant avec peine, il alla jusqu'à l'auberge du village voisin, et, posant une bouteille vide sur le comptoir, il en demanda une pleine. Quand on la lui eut apportée, il murmura à voix basse à l'hôtelier que «le diable était entré dans sa bourse et qu'il en était le seul locataire[1357].» Puis prenant le cachet de sa montre, il voulut le donner en gage. Le cachet vaudrait maintenant une fortune. Il l'avait fait faire exprès et sur ses indications, c'était un cachet de poète: sur un champ d'azur, un buisson de houx avec les pipeaux et la houlette de berger en sautoir. Une alouette des bois chantait au-dessus, perchée sur un rameau de laurier. Il y avait deux devises: l'une en chef: Notes agrestes des bois; l'autre, en base: Mieux vaut humble buisson que pas d'abri. C'était son blason de noblesse poétique et sa façon de dire qu'il buvait dans son verre[1358]. L'hôtelière, voyant qu'il se préparait à le détacher, frappa du pied avec indignation pour l'en empêcher, et le mari, entrant dans son sentiment de générosité, poussa avec douceur le pauvre poète vers la porte. De plus en plus, il voyait le dénûment s'approcher de lui. Il écrivait à son ami Cunningham:

Hélas! mon ami, j'ai peur qu'avant peu la voix du barde ne soit plus entendue parmi vous! Ces huit ou dix derniers mois, j'ai été souffrant, quelquefois couché, quelquefois debout; mais pendant ces trois derniers mois, j'ai été torturé par un horrible rhumatisme qui m'a réduit presque à la dernière extrémité. Vous ne me reconnaîtriez pas si vous me voyiez maintenant. Pâle, émacié et si faible qu'il me faut parfois une aide pour me lever de ma chaise;... ma gaîté, partie! partie!... Mais je n'ai pas le courage de parler davantage à ce sujet. Les médecins me disent que ma dernière et ma seule chance est de prendre des bains de mer, la campagne et le cheval. Le diable de l'affaire est ceci: quand un employé de l'Excise est en inactivité, son salaire est réduit à 35 livres au lieu de 50. De quelle façon, au nom de l'économie, pourrais-je, avec 35 livres, me nourrir moi-même, et nourrir un cheval à la campagne avec une femme et cinq enfants à la maison? Je vous mentionne ceci parce que je voulais vous demander d'employer votre influence et celle de tous les amis que vous pourrez rassembler, afin d'obtenir des Commissaires de l'Excise qu'ils m'accordent mon traitement intégral. Je pense que vous les connaissez tous personnellement. S'ils ne m'accordent pas cela, il faudra que je dépose mes comptes et que je m'en aille véritablement en poète[1359]. Si je ne meurs pas de maladie, il faudra que je périsse de faim[1360].

Le Conseil de l'Excise décida que le poète conserverait son traitement intégral, mais il n'en fut pas informé à temps et cette angoisse ne lui fut pas épargnée[1361].

Les bains de mer apportèrent quelque soulagement à ses souffrances; il ne paraît pas cependant en avoir conçu grand espoir; les quelques lettres qui restent de lui sont de courts adieux ou quelques recommandations dernières. Le 10 juillet, il écrivait à son frère:

«Cher frère, ce sera une triste nouvelle pour vous d'apprendre que je suis dangereusement malade et qu'il n'est pas vraisemblable que j'aille mieux. Un rhumatisme invétéré m'a réduit à un tel état de faiblesse, et mon appétit est si complètement disparu, que je puis à peine me tenir sur mes jambes. Je suis depuis une semaine aux bains de mer et je resterai ici ou chez un ami à la campagne, pendant tout l'été. Que Dieu garde ma femme et mes enfants; si je leur suis enlevé, ils seront pauvres, en vérité. J'ai contracté une ou deux dettes sérieuses, en partie par suite de ma maladie qui dure depuis bien des mois, en partie par suite de dépenses irréfléchies, quand je suis venu en ville; cela leur enlèvera trop du peu que je leur laisse entre vos mains. Rappelez-moi à ma mère[1362]

C'était son dernier baiser à la pauvre vieille mère qui avait par lui connu de grands chagrins et une grande fierté. C'était son dernier adieu au bon Gilbert, au compagnon, au confident, au vrai ami de jadis. De ces deux frères qui s'étaient tant aimés, l'un d'eux, homme de génie, se mourait dans le dénûment; l'autre, homme d'honnêteté et de travail, luttait contre le besoin.

Il se préoccupait de la position de sa femme abandonnée à Dumfries et, le même jour, il écrivait à son beau-père, le maître-maçon de Mauchline:

«Au nom du ciel, si vous avez souci de la santé de votre fille et de ma femme, je vous en conjure, très cher Monsieur, écrivez à Fife, à Mrs Amour, de venir, si elle le peut; ma femme pense qu'elle a encore une quinzaine devant elle. Les médecins m'ordonnent, si je tiens à la vie, d'avoir recours aux bains de mer et au séjour à la campagne; il y a dix mille chances pour une que je serai à plus de douze milles d'elle quand l'heure viendra. Quelle situation pour elle, la pauvre fille, sans un ami près d'elle à un moment si sérieux.

Je suis depuis une semaine à la mer, et bien que je croie en avoir tiré quelque bien, j'ai cependant des craintes sérieuses que cette affaire sera dangereuse sinon fatale[1363]

Le 12, il écrivait à Mrs Dunlop, qui laissait maintenant ses lettres sans réponse, ces quelques lignes d'adieu, touchantes, sans amertume, sans un reproche et toutes pleines du souvenir d'une longue amitié:

«Madame, je vous ai écrit si souvent sans recevoir de réponse, que je ne vous dérangerais plus, sans les circonstances dans lesquelles je me trouve. Une maladie qui a longtemps pesé sur moi, en toute probabilité, va bientôt m'envoyer au-delà «de cette frontière d'où aucun voyageur ne revient[1364].» L'amitié dont vous m'avez pendant de nombreuses années honoré était une amitié très chère à mon âme. Votre conversation et spécialement votre correspondance étaient pour moi hautement intéressantes et instructives. Avec quel plaisir j'avais coutume de déchirer le cachet! Ce souvenir ajoute une pulsation de plus à mon pauvre cœur palpitant!... Adieu!!![1365]»

Il laissait paraître par des réflexions mélancoliques, mais très calmes, qu'il n'ignorait pas où il en était. Il était allé prendre le thé chez la veuve du ministre d'une paroisse voisine. Son aspect altéré avait produit un silence sympathique. Le soir était radieux, et, par la fenêtre, le soleil couchant entrait dans sa chambre. La fille du ministre, qui était grande admiratrice de Burns, craignant que cette lumière ne fût trop forte pour lui, se leva pour baisser les stores. Il devina ce qu'elle allait faire et, la regardant avec un air de grande douceur, il la remercia en ajoutant: «Oh! laissez-le briller, il ne brillera plus longtemps pour moi.»

Ce séjour dans cette solitude, sur une grève immense et nue, fut pour le poète comme une retraite, une préparation, avant la mort. Il savait que son arrêt était prononcé, que son heure était marquée et prochaine.

Il entrait dans ces jours solennels, pleins déjà d'éternité, qui relèvent plus de la mort que de la vie. Que celle-ci semble brève alors! C'était hier la maison du mont Oliphant et la dure jeunesse, le séjour à Irvine et la rencontre de Brown, les années d'apprentissage de Lochlea, les premières amours, les premières chansons, et Tarbolton avec ses réunions maçonniques! C'était hier Mossgiel, et ses mois lumineux, pour lesquels une reconnaissance vit au fond de son cœur, l'orage de Jane Armour et la fuite préparée, et le coup de soleil de gloire. C'était hier l'apothéose d'Édimbourg, la ville affolée de lui, la rencontre de Clarinda; puis une période pénible dont il ne se rend pas bien compte, mais où il sent que quelque chose aurait pu mieux tourner. C'est plus près encore, Ellisland, les revers, les joies et les tourments des nouveau-nés, les années amères de Dumfries. Et déjà le terme! Que tout cela tient peu de place! Cette vie qui, à l'autre extrémité, comme une tapisserie tendue, semblait si longue et si belle avec sa décoration de désirs et d'espoirs, est maintenant comme une tapisserie repliée, un tas petit et confus, sans signification, toutes ses scènes réduites et déformées, prêt à être enlevé. Oui, c'est déjà le terme! Avec cette promptitude, la nécessité désespérante de mourir est venue. Et pourtant il n'est qu'au bord de la maturité! Il n'a que 37 ans! Il aurait besoin de vivre pour les siens! Il porte encore tant de poésie en soi! Hélas! voici déjà les épaisses ténèbres, l'ombre de la mort est sur ses paupières, et le monde n'apparaît plus que comme un paysage qui blêmit et se fond dans un crépuscule.

Il est possible de pénétrer plus avant dans les méditations de ces dernières journées. Presque tous les hommes ont les mêmes pensées en ces suprêmes instants. Dans l'évanouissement de la vie, tant de choses jadis importantes et souhaitables sont à présent chétives, indifférentes. Tous ces désirs, ces inquiétudes, ces intérêts, ces entreprises, ces jouissances, ces attachements, ces ambitions, pour lesquels nous nous sommes montrés si diligents, tout ce tumulte, que cela est insignifiant! Nos passions, si ardentes jadis, sont comme les cendres de campements quittés, et leur suite ne sert plus qu'à marquer notre chemin vers cet endroit d'où elles semblent vaines. Tout a pâli, tout est décoloré, tout s'en va, tout est ombre et vanité! Et néanmoins, dans cette disparition, un sentiment longtemps subordonné sort de ce simulacre de notre existence, et prend de la force à mesure qu'elle s'efface, une inquiétude grandissante et forte, comment cette vanité a été employée. Ce doute finit par absorber la vie elle-même; il ne subsiste plus d'elle que cette anxiété. Étrange contradiction! L'usage de ce rien oblitéré nous devient redoutable. Ce qui faisait la vie est dissipé en fumée, en air invisible; mais le regret des actions mauvaises, le repentir des souffrances infligées, le douloureux étonnement d'avoir torturé d'autres âmes pour si peu, se lèvent. La substance de nos jours a disparu; il n'en existe plus que l'intention; elle seule semble constituer tout notre passé.

Son âme était bien faite pour éprouver fortement ces impressions. L'inanité de ce monde est le thème de la doctrine presbytérienne dont il avait, malgré tout, été nourri; et son robuste esprit, capable de s'emparer des choses, l'était aussi de les mesurer. Dans les instants où il ne s'enivrait pas d'elle, il avait toujours considéré la vie comme peu. Il y avait longtemps qu'il avait comparé l'homme à un petit faisceau de passions, d'appétits et de caprices[1366]. Le lien qui les retenait ensemble en lui allait se dénouer. Il n'en était pas davantage. D'ailleurs les joies sont si rapides! Il y avait longtemps aussi qu'il avait dit:

Hélas! qui peut désirer de nombreuses années! qu'est-ce sinon traîner l'existence jusqu'à ce que nos joies expirent graduellement et nous laissent dans une nuit de détresse; comme les ténèbres qui effacent l'une après l'autre les étoiles, de la face de la nuit, et nous abandonnent, sans un rayon de consolation, dans le désert hurlant[1367].

S'il avait tout ce qu'il faut pour trouver méprisable l'affairement de nos quelques ans, il avait en même temps une sagacité et une susceptibilité morales qui devaient lui rendre cruel l'examen du passé. Il avait toujours eu, probablement par suite de l'éducation paternelle, un vif sentiment de ses fautes. Les cris de repentir éclatent à chaque instant dans ses lettres et sont déchirants. Sa conscience avait toujours été pour lui une torture.

Il n'y a rien, dans la fabrique de l'homme, qui semble aussi inexplicable que cette chose appelée conscience. Si ce chien, dont les glapissements sont si gênants, avait le pouvoir d'empêcher le mal, il pourrait être utile; mais, au début de l'acte, ses faibles efforts sont aux bouillonnements de la passion ce que les jeunes gelées d'un matin d'automne sont à l'ardeur sans nuage du soleil levant. Et les mouvements tumultueux de la mauvaise action ne sont pas plutôt passés, que, parmi les amères conséquences de notre folie, dans le tourbillon même de notre horreur, se dresse la conscience qui nous déchire avec les sentiments des maudits[1368].

Ces regrets, dont sa correspondance est semée, pour sincères qu'ils fussent, manquaient de quelque chose; ils étaient trop personnels. Il paraissait regretter ses égarements, pour lui plus que pour les autres. Mais les approches de la mort ne sont pas égoïstes. Dans le dépouillement progressif de notre individualité, la considération d'autrui prend du relief et s'avance vers nous. Burns put avoir alors le plein discernement des douleurs qu'il avait causées. Hélas! elles étaient nombreuses: les regards attristés de son père expirant, les larmes, à plusieurs reprises renouvelées, de sa mère, le chagrin installé à son propre foyer, des cœurs déchirés, des vies compromises ou perdues, Jenny Clow mourante dans une mansarde, Anna Clark chez sa sœur; par dessus tout l'image de la douce fille des Hautes-Terres, dont il n'avait eu le courage de confier l'histoire à personne. Ce secret surtout était sa blessure profonde. Était-il possible qu'il eût créé tant de douleurs! Est-ce lui qui avait causé ces afflictions? C'est l'instant où nous reviennent les amertumes que nous avons versées aux autres. C'est la défaite de l'homme par sa conscience. Dans la dissolution de son être, il sent clairement la méprise de la personnalité; il est plus près de l'existence commune; elle pénètre et gémit en lui, en sorte qu'il souffre des souffrances qu'il lui a faites. Lamentable aveuglement! C'est donc pour cette figure creuse et fugitive qu'il a infligé ces sacrifices! Et rien, ô cœur désabusé, ô cœur qui s'élargit dans la diminution de sa vie, rien pour compenser ces blessures et ces pleurs, que la poussière d'une bienveillance générale et des souhaits ineffectifs de bonheur universel!

Ses réflexions ne s'attardaient pas dans le passé; elles se tournaient vers le futur immédiat. Dans cette calme crainte, qui est en face de la mort la seule contenance d'une âme courageuse et réfléchie, qui peut empêcher sa pensée de prendre les devants, de le précéder vers ces ombres? Même dans les esprits les plus obscurs et les plus grossiers, même en ceux qui ne se sont jusque-là nourris que de bas réel, il se fait un effort pour rassembler un peu de clarté et de confiance. Ils éprouvent le besoin d'un viatique pour la ténébreuse aventure. Nul doute que, pendant les méditations de ces journées solennelles, Burns n'ait essayé de rassembler ce qu'il pouvait y avoir en lui de croyance éparse et d'en tirer une lumière. Eut-il, avant d'être entraîné, une conviction sur laquelle appuyer son départ de toute chose? Ces heures suprêmes que continrent-elles? la foi? ou une espérance plus vague, un peut-être optimiste? ou les troubles de l'anxiété? ou l'arrêt d'une négation?

Il avait, il le dit lui-même, été très loin dans le doute. Ensuite il s'était rapproché d'un sentiment religieux, qui néanmoins n'était pas la foi. Il ne semble pas avoir cru à la Révélation. Il parle du Christ avec révérence, mais sans adoration. Il le considère comme un intermédiaire d'origine divine. Il n'est pas très aisé de définir clairement comment il le concevait. C'est d'ailleurs une confusion qui existe chez tous ceux qui, sans trancher nettement pour l'humanité ou la divinité, essayent un compromis entre les deux et, substituant au mélange des deux natures, un mélange incompréhensible de termes divins et humains, remplacent la foi par du mysticisme philosophique. Ce n'était pas le cas chez Burns: son esprit était plus simple et moins exercé aux extases. Il est vraisemblable qu'il hésitait à aller jusqu'au bout. Il n'avait pas, du reste, les données du problème. La figure du Christ restait pour lui inexplicable, quoiqu'il lui reconnût quelque chose de surhumain.

L'Être suprême a placé l'administration immédiate de toutes ces choses, pour des fins sages et bonnes, connues de lui seul, entre les mains de Jésus-Christ, un grand personnage, dont nous ne pouvons comprendre la position envers lui, mais dont le rapport envers nous est celui d'un guide et d'un sauveur, et qui, si notre endurcissement et nos fautes n'y font obstacle, nous conduira tous, à la fin, par des voies diverses et des moyens divers, à la félicité[1369].

Et ailleurs il disait:

Jésus-Christ, toi le plus aimable des personnages! J'ai confiance que tu n'es pas un imposteur et que ta révélation de scènes heureuses d'existence, au-delà de la mort et de la tombe, n'est pas une des nombreuses duperies qui, coup sur coup, ont été pratiquées sur le crédule genre humain. J'ai confiance que, en toi, «toutes les familles de la terre seront bénies» parce qu'elles seront réunies dans un meilleur monde, dans lequel tous les liens qui ont attaché les cœurs entre eux, dans cet état présent d'existence, nous seront bien plus chers, chers au-delà de ce que nous pouvons concevoir[1370].

Et encore ceci qui est peut-être plus probant:

J'irai plus loin et j'affirmerai que, d'après la sublimité, l'excellence, la pureté de sa doctrine et de ses préceptes, avec lesquels toute la sagesse et la science accumulées de nombreux siècles antérieurs ne sauraient entrer en parallèle, quoique, en apparence, il fut lui-même le plus obscur et le plus illettré de notre espèce, à cause de cette raison, Jésus-Christ émanait de Dieu[1371].

Manifestement ce ne sont pas là des paroles de croyant. Ce n'est pas ainsi qu'on approche le double mystère de la Trinité et de l'Incarnation, ces ineffables tabernacles de la Foi. Pour les fidèles, la relation du Christ, vis-à-vis du Dieu-Père, est définie, indiscutable comme une lumière, encore que l'intelligence ne comprenne pas comment cette lumière s'est produite. L'homme qui s'exprime ainsi sur Jésus-Christ n'est pas enveloppé du respect terrifiant du dogme; il ne se sent pas en présence du Fils de Dieu, du Sauveur prédit, du Médiateur, de la Victime céleste, de l'Agneau divin; il n'est pas en posture d'adoration. Encore est-il utile de remarquer que ces passages sont écrits à des femmes pieuses, dont il ne voulait pas offenser ouvertement la croyance: le premier à Clarinda, les deux autres à Mrs Dunlop. Ce sont les seuls passages où paraisse le nom du Christ, et ils datent de plusieurs années avant sa mort.

À défaut d'une foi assurée et précise, il s'était fait une religion à son usage. Il y avait été amené par des considérations à peu près exclusivement humaines, par l'autorité du consentement universel et l'unanimité de la race à imaginer un au-delà.

La Religion, ma chère Amie, est la vraie consolation! une solide croyance en un état futur d'existence; proposition si manifestement probable, que, en mettant la révélation de côté, toutes les nations et tous les peuples, aussi loin que les recherches ont pénétré, y ont cru fermement, d'une façon ou d'une autre, depuis 4000 ans.

En vain voudrions-nous raisonner et prétendre que nous doutons. Je l'ai fait moi-même jusqu'à un point très audacieux. Mais quand j'eus réfléchi que j'étais en opposition avec les plus ardents souhaits et les plus chères espérances des hommes bons, et que je rompais en visière avec la croyance humaine de tous les siècles, je fus honteux de ma propre conduite[1372].

Et autre part, il semble moins être frappé de la vérité de la Religion que de son utilité. On dirait qu'il la considère surtout comme une façon de traverser la vie.

Cependant je suis tellement convaincu qu'une foi inébranlable dans les doctrines de la religion est nécessaire, non seulement en ce qu'elle fait de nous des hommes meilleurs, mais encore en ce qu'elle a fait des hommes plus heureux, que je prendrai bon soin que votre petit filleul et toutes les petites créatures qui me nommeront père les apprennent[1373].

De ces motifs s'était formée en lui une croyance vague, conjecturale, née d'aspirations plutôt que de raisonnements. C'était un déisme optimiste, à la façon de celui de Rousseau, moins solide pourtant. Il ne s'était pas organisé en lui: il n'était pas établi sur une analyse psychologique et édifié par une suite de déductions, comme la Profession de foi du Vicaire Savoyard. C'était quelque chose de moins logique, de moins cohérent, de mouvant. C'était un souhait qu'il prenait pour une conviction, sans y apporter de preuves, sans l'essayer même, et autour duquel flottaient par instants comme des lambeaux de la foi de son enfance. Le passage suivant, de beaucoup le plus explicite et le plus complet qu'il ait écrit sur ce sujet, peut être considéré comme l'exposé théorique de sa conception religieuse.

La Religion, mon honorée amie, est sûrement une chose simple, puisqu'elle concerne également les ignorants et les savants, les pauvres et les riches. Qu'il existe un Être suprême, incompréhensible, auquel je dois mon existence; que cet Être doive connaître intimement les opérations et le développement des ressorts intérieurs et la conduite extérieure, qui en est la conséquence, de cette Créature qu'il a faite, ce sont là, je pense, des propositions évidentes par elles-mêmes. Qu'il y ait une distinction réelle et éternelle entre le vice et la vertu, et partant que je sois une créature responsable, que, d'après la nature apparente de l'âme humaine aussi bien que d'après l'imperfection évidente, que dis-je? l'injustice certaine de l'administration des choses, à la fois dans le monde moral et matériel, il doive y avoir une scène d'existence rétributive au-delà de la tombe, ce sont là des vérités qui doivent, je pense, être reconnues par tous ceux qui se donnent un instant de réflexion[1374].

C'est, à première vue, une profession de foi suffisante pour guider dans la vie et soutenir devant la mort. En effet des hommes ont vécu et sont morts fortement avec ce credo. Mais une simple formule ne suffit pas; elle ne prend de consistance que par l'effort de démonstration, et d'étendue que par l'effort d'analyse, auxquels nous la soumettons; elle n'a d'action que par les convictions partielles et les applications quotidiennes que nous en tirons, par les combinaisons que nous en faisons avec les actes de notre vie. Une croyance ainsi obtenue peut avoir des soubassements défectueux; comme ils reposent sur la nature même de celui qui l'a édifiée, elle est pour lui irréfutable, et possède l'autorité et l'effet de la vérité. C'est ainsi qu'une vie peut s'appuyer sur une doctrine incomplète ou fausse et en recevoir son harmonie.

Mais la déclaration religieuse de Burns était loin de remplir ces conditions; elle n'était réellement qu'une formule. Elle manquait de solidité et de cohésion intellectuelles, car elle n'avait été l'objet d'aucun effort, elle n'était étayée sur aucune critique préalable, et soutenue par aucun raisonnement latéral. C'était en somme une idée acceptée par un procédé analogue à celui de la foi, de laquelle il avait élagué ce qui blessait sa raison ou gênait sa passion. Elle manquait d'efficacité morale, et c'était un autre effet de la même cause. N'ayant pas été détaillée, subdivisée, n'ayant subi aucun examen, ni personnel comme celui de certains philosophes, ni collectif et traditionnel comme celui d'une Église, elle restait à l'état nébuleux; elle n'était pas réglementée, pas codifiée; il n'en sortait rien de défini, rien d'impératif, pas un précepte positif, applicable. Elle ne fut jamais pour lui une source d'énergie morale, un livre de discipline, elle fut sans action sur sa vie. À aucune des crises où un contrôle supérieur peut nous soutenir ou nous réprimer, on ne la voit paraître. Elle ne semble pas avoir comporté à ses yeux de sanction bien nette. La sanction du châtiment n'y figure pas. La seule qu'il y introduise est une récompense, tenue en réserve pour ceux qui possédèrent pendant leur vie une bonté généreuse et une certaine disposition bienveillante envers toutes les créatures, quelles qu'aient d'ailleurs été les fautes qu'ils aient commises.

Pauvre Fergusson! s'il y a une vie au-delà de la tombe, ce qui existe, j'en ai la confiance, et s'il y a un Dieu qui gouverne toute la Nature, ce qui existe, j'en suis sûr, tu goûtes maintenant l'existence dans le monde glorieux, où le seul mérite du cœur est ce qui distingue l'homme; où les richesses, privées de leur puissance d'acheter le plaisir, retournent à la matière sordide d'où elles sont nées; où les titres et les honneurs ne sont plus que les rêveries abandonnées d'un songe vain; et où cette lourde vertu, qui est l'effet tout négatif d'une stupidité paisible, et ces folies imprudentes, quoique souvent désastreuses, qui sont les aberrations inévitables de la frêle nature humaine, seront jetées également dans l'oubli comme si elles n'avaient jamais existé[1375].

En réalité, c'était simplement une religion d'imagination, moins encore, une aspiration, un souhait. Il n'a fait que demander à un état futur la continuation de la vie présente, de ce mode de vie qui était tout pour lui: l'amour, et après celui-ci, l'amitié. Il avait besoin de croire que les tendresses et les affections d'ici-bas ne périraient pas, et, de ce rêve, il avait fait une religion, ou il avait créé une religion pour réaliser ce rêve. Le dogme principal et on peut dire le dogme unique était cette espérance dans une réunion céleste. Le passage suivant manifeste bien l'origine sentimentale et le champ très limité de cette foi:

Comme presque toutes mes opinions religieuses viennent de mon cœur, je suis merveilleusement séduit par l'idée que je pourrai conserver un tendre commerce avec l'ami chèrement aimé, et avec la maîtresse encore plus chèrement aimée qui s'en est allée pour le monde de l'esprit[1376].

Ce n'était guère qu'une façon de prolonger la vie actuelle, la vie terrestre qu'il vivait avec tant d'intensité. On a vu à propos de Mary Campbell combien cette rêverie lui était familière.

Il est trop évident qu'au moment des détresses, une religion de cette sorte ne pouvait être d'aucune utilité. Elle manquait trop de précision et de certitude; elle était trop distante et trop vague. Tant que les maux sont éloignés de nous, une foi flottante semble un remède suffisant: l'idée de la foi contrebalance l'idée du mal. Mais quand le mal prend corps, se manifeste en maux particuliers qui nous étreignent, il faut, pour qu'il naisse un soulagement, que cette foi s'exprime elle aussi en actes individuels, et qu'une suite de combats singuliers s'engage entre ses secours et nos souffrances. Cela est à ce point qu'on ne conçoit guère une religion protectrice, sans rite et sans prière. Une âme ne s'appuie pas sur de l'abstrait: elle a besoin d'invoquer quelqu'un. Il faut qu'à ses gémissements une voix réponde, et un écho, fût-il celui d'un monde, ne lui suffira jamais. Et, par ailleurs, il manquait à cette foi plus encore. Elle n'avait jamais eu d'exigence. Pour qu'une croyance fasse quelque chose pour nous, il faut que nous ayons fait quelque chose pour elle. C'est en nous contraignant à ses préceptes que nous avons pris conscience de sa puissance; plus nous lui avons offert, plus elle nous rassure; elle est forte de ce qu'elle a obtenu de nous, et elle nous rend en soutien ce que nous lui avons donné en sacrifice. La croyance de Burns ne lui avait imposé aucun devoir, elle ne pouvait lui fournir aucun refuge.

Encore si cette foi, telle quelle, avait été fixe, invariable. Mais elle était brisée par des fluctuations de doute. C'était une surface, une glace, qui se rompait par moments, quitte à se reformer ensuite.

J'ai tout le respect possible pour le monde d'outre-tombe dont on parle tant, et je souhaite que ce que la piété croit et la vertu mérite puisse être une réalité[1377].

Et ailleurs:

Peut-il être possible que, lorsque je me démettrai de cet être frêle et fiévreux, je me trouve encore dans un état d'existence consciente! Quand le dernier hoquet de l'agonie aura annoncé que je ne suis plus, à ceux qui m'ont connu et aux quelques-uns qui m'ont aimé; quand le cadavre froid, roide, inconscient, affreux, sera rendu à la terre pour être la proie de reptiles immondes et pour devenir avec le temps le sol qu'on foule aux pieds; serai-je encore tiède de vie, voyant et vu, chérissant et chéri? Ô vous, vénérables sages, et saints Flamines, y a-t-il de la probabilité dans vos conjectures, de la vérité dans vos histoires d'un autre monde au-delà de la mort; ou bien sont-elles toutes également des visions sans fondement et des fables fabriquées? S'il y a une autre vie, elle ne doit être que pour ceux qui furent justes, bienveillants, aimables, humains; quelle pensée flatteuse, alors, est un monde à venir! Plut à Dieu que je le crusse aussi fermement que je le souhaite ardemment![1378]

N'est-ce pas là, à proprement parler, le doute? Quand l'affirmation n'est pas absolue, elle perd sa vertu de sécurité. Carlyle a dit: «Il n'a pas de Religion.... Son cœur, à la vérité, est animé d'un tremblement d'adoration, mais il n'y a pas de temple dans son entendement. Il vit dans l'obscurité et dans l'ombre du doute. Sa Religion, aux meilleurs moments, est un souhait anxieux; comme celle de Rabelais, «un grand Peut-être[1379]». À son dernier moment, il pouvait répéter avec la même angoisse son cri d'interrogation qui lui revenait souvent:

Dites-nous, ô morts,
Aucun de vous, par pitié, ne trahira-t-il le secret
De ce que vous êtes, de ce que nous serons bientôt?

Mille fois j'ai adressé cette apostrophe aux fils disparus des hommes, mais pas un seul n'a jugé convenable de répondre à la question. «Ô si quelque spectre courtois voulait parler!» Mais cela ne se peut: vous et moi, mon amie, devons faire l'expérience par nous-mêmes[1380].

Ainsi il ne pouvait attendre de ce qu'il avait de sentiments religieux ni consolation, ni révélation. Le mystère restait pour lui impénétrable; aucune voix ne lui avait révélé ce qui se cache de l'autre côté du voile obscur derrière lequel s'engouffrent tous les hommes. En face de la redoutable épreuve, il arrivait avec les seules ressources de la raison et de l'énergie humaine. Il se présentait stoïquement, avec ce dilemme, qui est comme un pis aller, et qui est le dernier mot de notre intelligence quand nous lui demandons de l'assurance pour nous offrir à la dissolution.

Vous et moi sommes souvent tombés d'accord que la vie en somme n'est pas un grand bienfait. La fin de la vie, aux yeux du raisonnement, est

Sombre comme fut le chaos, avant que le jeune soleil
N'ait été ramassé en globe, ou avant qu'il ait essayé ses rayons
À travers l'obscurité profonde.

Mais un honnête homme n'a rien à craindre. Si nous gisons dans la tombe, l'homme tout entier comme un morceau de mécanisme brisé, pour y pourrir avec les mottes de terre de la vallée, c'est bien; du moins c'est la fin de la peine, du souci, de l'angoisse et des besoins. Si cette partie de nous qu'on appelle l'Esprit survit à la destruction apparente de l'homme—loin de nous les préjugés et les contes de vieilles femmes! Chaque siècle et chaque nation a une collection différente d'histoires; et comme la multitude est toujours faible, elle a souvent, peut-être toujours, été trompée. Un homme qui a conscience d'avoir rempli un rôle honnête parmi ses semblables—même en admettant qu'il ait pu être par moments le jouet des passions et des instincts—cet homme s'en va vers un grand Être inconnu, qui n'a pu avoir d'autre dessein, en lui communiquant l'existence, que de le rendre heureux; qui lui a donné ces passions et ces instincts et qui en connaît bien la force[1381].

Cette impression se confirme encore lorsque, en lisant ses dernières lettres, on remarque qu'elles sont toutes tournées du côté de la terre, qu'elles ne contiennent que des adieux et pas une lueur d'espérance. On dit qu'il avait emporté une Bible dans cette solitude. S'il l'ouvrit, son esprit ne porta pas vers les chapitres d'une tendre lumière où il est parlé du royaume des cieux; il s'arrêta plutôt au livre douloureux où Job entrevoit:

Le pays des ténèbres et de l'ombre de la mort,
Pays d'une obscurité profonde,
Où règnent l'ombre de la mort et la confusion,
Et où la lumière est semblable aux ténèbres[1382].

Et ces derniers jours furent d'une infinie tristesse, devant ce vaste estuaire, où cette rivière, qui a été un ruisseau clair et bondissant, se meurt, lente et trouble, dans les vases et les sables, et disparaît dans l'immense océan, sur le sein duquel les soleils s'éteignent.

Cependant, sans autre soutien que le sentiment de sa dignité, on a vu qu'en présence de la mort, il fut vraiment, bravement et noblement un homme. Toute cette partie de sa vie, si elle est douloureuse à ce point qu'on ne peut la retracer sans émotion, est belle, en vérité. Ce qui frappe dans les souvenirs de ceux qui l'ont connu en ses derniers temps, c'est l'air de bonté avec lequel il regarde ces gens qui vont continuer à vivre. Il semble qu'une grande douceur fût descendue en lui, et que sa sympathie, qui avait toujours en quelque chose de fougueux et de capricieux, fût devenue plus calme et plus régulière. Et dans toutes ses lettres d'adieu, quelle noble et simple façon de prendre congé de la vie! Rien d'exagéré. Il ne dissimule pas la tristesse naturelle à l'homme qui voit arriver sa destruction. Mais la résignation et la fermeté à travers lesquelles elle se fait jour la rendent presque sereine. On voit ici ce qu'il avait de meilleur, le fond de haute humanité qui existait en lui. La souffrance l'avait épuré; la maladie, dépouillé de ses passions; le voisinage de la mort lui donnait un apaisement précurseur du grand repos; il était dans une de ces ombres que projettent devant eux les événements qui approchent. Même les aveux de ses fautes passées deviennent paisibles, comme s'il avait eu confiance dans la mesure qui se ferait entre ses erreurs, d'un côté, et de l'autre les efforts qu'il avait faits pour les éviter et les regrets qu'il avait ressentis de les avoir commises. La seule partie encore tourmentée dans son esprit était l'anxiété pour sa famille.

Sa vie se serait achevée dans cette tranquillité relative si un dernier accident n'en avait surexcité la fin. Il reçut d'un homme de loi de Dumfries une lettre réclamant le paiement de sept livres dix shellings qu'il devait à un marchand de draps pour son uniforme de volontaire. Il ne semble pas qu'elle contînt aucune menace de poursuites légales; on l'a du moins prétendu depuis. Mais, en Écosse, une lettre de ce genre est généralement considérée comme un commencement d'exécution de la part d'un créancier. Burns en fut extraordinairement affecté. La tristesse de son esprit, le sens d'impuissance que donne la maladie, la souffrance du dénûment dans lequel il se trouvait, tous les cauchemars de la misère, furent exaspérés par cette malheureuse communication. Son esprit malade se peupla de chimères encore plus noires que la réalité. Il perdit la tête, se vit saisi, emprisonné. Les deux lettres qu'il écrivit le même jour témoignent de son affolement. Il écrivait à Thomson:

«Après toutes mes fanfaronnades d'indépendance, la maudite nécessité m'oblige à implorer de vous la somme de cinq livres. Un cruel gredin de drapier, à qui je dois un compte, ayant mis dans sa tête que je suis mourant, a commencé une procédure et m'enverra infailliblement en prison. Envoyez-moi, au nom de Dieu! envoyez-moi cette somme, et cela, par le retour du courrier. Pardonnez-moi cette insistance, mais les horreurs de la prison me rendent à moitié fou. Je ne vous demande pas cela gratuitement, car lorsque la santé me reviendra, je vous fais la promesse et je prends l'engagement de vous fournir pour quinze livres du plus fin genre de chansons que vous ayez vu.... Pardonnez-moi! Pardonnez-moi!...[1383]

Et à son cousin James Burness de Montrose, il envoyait le même appel pathétique:

«Mon cher cousin, quand vous m'offrîtes une aide d'argent, je pensais peu que j'en aurais si tôt besoin. Un gredin de drapier, à qui je dois une note considérable, se mettant en tête que je suis mourant, a commencé une procédure contre moi et enverra infailliblement en prison mon corps émacié. Voulez-vous être assez bon pour me prêter, et cela par retour du courrier, dix livres? Ô James, si vous connaissiez la fierté de mon cœur, vous me plaindriez doublement. Hélas! je ne suis pas accoutumé à mendier! Le pire est que ma santé s'améliorait bien et le médecin m'assure que la tristesse et le découragement sont la moitié de mon mal. Devinez mes terreurs quand cette affaire est venue! Si elle était réglée, je serais, je le pense, aussi bien que possible. Quel langage emploierai-je avec vous? oh! ne me faites pas défaut! Mais l'ordre maudit de la puissante nécessité.... Pardonnez-moi de vous le rappeler encore une fois—par retour du courrier. Sauvez-moi des horreurs de la prison!... Je ne sais pas ce que j'ai écrit. Le sujet est trop horrible; je n'ose pas y jeter les yeux de nouveau.—Adieu![1384]

Ainsi, jusqu'au dernier moment, ces mots: «les horreurs de la prison» qui avaient si douloureusement résonné dans toute sa vie, le hantaient. Ils l'avaient terrifié à Lochlea; ils l'avaient poursuivi à Mossgiel; ils avaient résonné à Ellisland, et voici qu'ils le ressaisissaient jusque sous l'aile de la mort. Il fut tué par eux comme son père. Le choc de cette nouvelle détermina une recrudescence de fièvre, et, comme s'il renonçait à tout espoir de guérison, il voulut retourner à Dumfries. Il convient d'ajouter que son cousin James Burness et Thomson envoyèrent immédiatement les sommes qu'il demandait. Mais, quand l'argent arriva, il était au-delà de toutes les tribulations de ce monde, là où, enfin, «les méchants ne tourmentent plus personne et où les fatigués trouvent le repos[1385]

Il quitta Brow le lundi 18 juillet, dans une voiture qu'on lui avait prêtée. Quand il en descendit, à Dumfries, il fallut le soutenir pour qu'il pût faire le court chemin qui le séparait de sa maison[1386]. Sa femme fut tellement frappée du changement survenu en lui qu'elle demeura sans parole[1387]. Dans la ville, l'émotion était grande. Cunningham dit que Dumfries avait l'aspect d'une ville assiégée. On savait que le poète national était mourant, et l'anxiété, non seulement des riches et des gens instruits, mais encore celle des ouvriers et des paysans dépassait toute croyance. Quand deux ou trois personnes étaient réunies, la conversation n'était que de lui. On ne se souvenait plus que de ses qualités et de son génie[1387].

Le jour de son retour, il eut encore le courage d'écrire à son beau-père, Mr Armour, un pressant appel:

«Cher Monsieur, au nom du ciel! envoyez Mrs Armour immédiatement ici. Ma femme s'attend d'heure en heure à s'aliter. Dieu bon! Quelle situation pour elle, pauvre fille, sans un ami! Je suis revenu des bains de mer aujourd'hui, et mes amis médecins voudraient presque me persuader que je vais mieux; mais, je pense et je sens que ma force est partie, que la maladie me sera fatale![1388]»

Ce sont les derniers mots qu'il ait écrits. Il n'avait plus que quatre jours à souffrir. Un tremblement l'avait saisi; sa langue était desséchée; il tomba dans le délire[1389]. «Il avait conscience de cette infirmité, dit sa femme, et il me demanda de le rappeler à lui quand il divaguait[1390].» Pour assurer le repos nécessaire dans la maison, on avait envoyé les enfants chez Mr Lewars, en face. Jessy Lewars avait repris son poste de dévouement et de double charité. Quelques voisins, ses compagnons de l'Excise, le venaient voir. Le second jour, la fièvre augmenta. Le troisième, il appela son frère, et cria d'une voix forte et rapide: «Gilbert! Gilbert!»[1390] Le matin du jeudi 21 juillet, il devint visible qu'il touchait à sa fin. Le docteur Maxwell, qui fut admirable de dévouement, avait veillé une partie de la nuit et était parti. Il ne restait dans la chambre que deux voisins. On envoya chercher les enfants pour voir une dernière fois leur père. Les pauvres petits se tenaient rangés autour de son lit. L'aîné de ses fils conserva un souvenir distinct de cette scène, et il racontait que les derniers mots de son père avaient été une exécration murmurée contre l'homme de loi dont la lettre avait été, pour ses derniers moments, l'éponge trempée de fiel et de vinaigre[1391]. Puis graduellement et avec calme, il descendit dans son dernier repos.

Quand la nouvelle se répandit dans la ville, le deuil fut public[1392]. Les volontaires de Dumfries décidèrent qu'ils enterreraient leur illustre camarade avec les honneurs militaires. Le régiment de milice du comté d'Angus et le régiment de cavalerie des Cinque Ports, alors en garnison à Dumfries, offrirent leur coopération pour rendre le service plus solennel et plus imposant. Les principaux habitants de la cité et des environs résolurent de former une procession funèbre. Un vaste concours de peuple s'assembla, quelques-uns de très loin, pour assister aux obsèques du poète national[1393].

Le corps resta exposé dans son cercueil dans la petite chambre où il avait rendu le dernier soupir. La maladie l'avait amaigri; mais la mort l'avait peu changé. Son front large et ouvert était pâle et serein; ses cheveux noirs étaient légèrement teintés de gris. On avait répandu autour de lui des herbes et des fleurs[1394]. Le dimanche soir, 24 juillet, le cercueil fut transporté à l'Hôtel-de-Ville. Le lendemain à midi, par un temps mêlé, comme la vie humaine, d'averses et de soleil[1395], le convoi funèbre se dirigea du côté du cimetière de Saint-Michel. Les rues étaient garnies de troupes, et les grosses cloches des églises tintaient par intervalles, pendant que la procession s'avançait. Elle était conduite par un peloton de vingt volontaires de la compagnie du poète, en grand uniforme et les armes renversées. Le cercueil était porté et entouré par des soldats de la même compagnie, un crêpe au bras gauche. Ensuite venaient les parents du poète et les notables de la ville et du Comté. Enfin, arrivaient le reste des volontaires et une escorte militaire. Le convoi avançait lentement aux sons majestueux de la marche funèbre de Saül. Quand on arriva à la porte du cimetière, le peloton d'honneur, selon l'ordonnance, forma la haie, la tête appuyée sur les fusils renversés. À travers cette double rangée, le cercueil fut porté. Quand il fut dans la terre, le peloton d'honneur se rangea le long de la fosse et tira trois volées. Toute la cérémonie fut grande et solennelle[1396].

Pendant que le service funèbre emplissait la ville de sa tristesse et que les cloches tintaient pour l'enterrement de son époux, Jane Armour mettait au monde un fils qui, usé avant de naître par les émotions de sa mère, mourut en bas-âge[1397].

Ainsi le tumulte de ces jours tourmentés était abattu, et ce cœur agité en repos, pour toujours. Mais ce paysan était une figure qui devait vivre dans la mémoire des hommes, et sa vie reste un sujet d'étonnement et de réflexions. Elle est souvent mal jugée pour des motifs opposés: par excès d'indulgence ou excès de sévérité.

Certains biographes, soit par candeur naturelle, soit par préjugé national, soit par besoin de prédication, ont tenté de faire de Burns une créature inoffensive et sans souillure. Ils ignorent ou ils cachent ses mauvaises actions. Ils créent un homme vertueux et parfait dont la carrière est exemplaire. Comment n'a-t-on pas vu qu'on enlève ainsi au drame de sa vie sa tragique beauté, son intérêt, sa leçon et une partie de son mérite? Les candides qui veulent ainsi, en dépit de tout, innocenter ceux qu'ils admirent feront bien de ne pas s'approcher de cette existence. Dans un sentiment louable, ils la défigurent et la faussent. Ils se rendent coupables eux-mêmes d'une altération de la vérité.

Mais que d'autres s'en approchent encore moins; les rigoureux, les stricts, les sévères, les vigilants, les inflexibles, les indignés, les inexorables, les impeccables, les extérieurement exacts, les contrits, les irrépréhensibles, les partisans de la voie étroite, ceux qui «nettoient le dehors de la coupe et du plat, mais dont l'intérieur est plein de méchanceté[1398]», toute la race des pharisiens, les unco' good,

Ô vous qui êtes si bons vous-mêmes,
Si pieux, et si saints,
Vous n'avez rien à faire qu'à noter et raconter
Les fautes et la folie de votre voisin[1399].

Comment pourraient-ils parler d'une existence comme celle-ci, pleine de défaillances, mais rachetées par des clartés qu'ils ne perçoivent pas? Elle ne saurait être pour les violents d'entre eux qu'une occasion de scandale, de réprobation et d'anathème; et pour les sournois qu'une occasion de fausse commisération et de fiel doucereux. D'ailleurs, à quelle vie humaine peuvent-ils toucher, puisqu'aucune n'est exempte de faute et qu'une faute aux yeux de ces purs suffit à gâter une vie? À quelle vie peuvent-ils toucher, puisqu'ils ne comprennent pas que le repentir efface et renouvelle tout, comme le printemps change en bourgeons les feuilles mortes amassées au pied des arbres? En vérité, ils ne peuvent parler de rien d'humain; car ce ne sont pas des hommes:

Celui qui n'est pas apaisé par le repentir,
N'est ni du Ciel ni de la Terre[1400].

Qu'elles restent donc à l'écart ces âmes honorables qui font profession de n'excuser rien; ces âmes rigoureuses qui ont regardé partout, sauf en elles-mêmes, où elles auraient appris à redouter leur propre jugement; ces âmes gâtées de malveillance qui vont dans la vie, ramassant le mal d'autrui, pareilles à ces misérables courbés qui ne voient du travail et de l'activité des grand'routes que les ordures qu'ils emportent en leur panier! Qu'elles restent à l'écart ces âmes assez déchues pour ne jamais accueillir la Bonté, ou plutôt dont la Bonté se détourne! Leur châtiment, parce qu'elles ont fait du mal leur unique préoccupation et leur aliment, est que le mal devient leur substance, qu'elles meurent dans un empoisonnement, une décomposition morale, comme finiraient des êtres qui ne se seraient jamais repus que de pourritures. C'est pourquoi il a été dit qu'elles ressemblent à «des sépulcres blanchis qui paraissent beaux au dehors et au dedans sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés[1401]». Et si ces paroles semblent trop vives, qu'on se souvienne que celui qui a été, pour notre occident, le créateur et le divin poète de la charité, a oublié sa mansuétude et pris un esprit de colère, pour parler de la race des hypocrites qui paient la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin et laissent ce qui est le plus important dans la loi: la justice, la miséricorde et la fidélité. Et qu'on se rappelle également qu'il trouvait leur crime plus abominable que tous les autres, et qu'il fit toujours paraître «plus d'indignation et un zèle plus amer contre cette prétendue sévérité pharisaïque que contre les désordres les plus énormes des publicains et des femmes prostituées de Jérusalem[1402]». Qu'ils restent donc à l'écart! Ils sont inaptes à juger le poète. Il les a abhorrés par dessus tout; il a été un de ceux qui les ont châtiés des lanières les plus coupantes. Sa poussière doit frémir de colère quand ils s'entretiennent de lui.

C'est dans d'autres conditions d'esprit qu'il faut apprécier une vie comme celle de Burns et, on peut le dire, toutes les vies. Il est nécessaire d'établir premièrement en soi cette conviction que l'histoire d'un caractère, comme celle d'un organisme ou celle d'un monde, n'est pas une page blanche, un repos de pureté, mais un équilibre oscillant de vie et de mort, un combat de bien et de mal, le pénible dégagement d'un peu de mieux hors de beaucoup de désordre, le mélange d'ombre et de rayons dont sont faites les années et où roule l'univers. Aucune vie, pas plus qu'aucune époque, ne réalise le bien. Elles ont rempli leur office lorsqu'elles ont conquis et légué quelque progrès; ce qui les juge n'est pas l'endroit où elles s'arrêtent, mais ce qu'elles ont fait de chemin. Le vrai jugement sur tout homme, c'est donc que le bien atténue et compense le mal; qu'une faute, plusieurs, ne ruinent pas une âme où les bons efforts dominent; qu'une vie est un ensemble dont il faut prendre l'effet général, l'intention et pour ainsi dire la moyenne.

Au-dessus de cette pensée, il est prudent d'asseoir encore cette réserve qu'une seule action est infinie et le nœud d'une multitude de choses tandis que notre vision est un pauvre instrument, une pince étroite et maladroite, qui accroche à peine deux ou trois fibres, dans cet écheveau, où par milliers se croisent et se mêlent les motifs, les intentions, les illusions, les ignorances, les aspirations, les insuffisances et les fatalités. Nous ignorons les profondeurs d'un acte, ignorées de celui même qui l'accomplit; à plus forte raison, les profondeurs d'une vie. Burns avait compris tout ce qui nous échappe dans la conduite des autres.

Jugez doucement votre frère, l'homme,
Plus doucement encore la femme, votre sœur;
Encore qu'ils puissent errer un peu,
Se dévoyer est chose humaine;
Un point reste toujours obscur:
Le motif pourquoi ils ont agi;
Et tout aussi impuissante êtes-vous à savoir
Combien peut-être ils le regrettent.

Celui qui a fait le cœur, c'est lui seul
Qui, définitivement, peut nous juger;
Il connaît toutes les cordes—leurs sons divers,
Tous les ressorts,—leurs poussées diverses.
Soyons donc muets devant la balance,
Nous ne pourrons jamais l'ajuster;
Ce qui a été accompli, nous pouvons en partie le peser:
Nous ne savons pas ce qui a été réprimé[1403].

Il est obligatoire d'apporter, devant un fait moral, au moins les mêmes précautions et les mêmes défiances que devant un fait physique. Dans le plus minuscule de ceux-ci, les dessous sont inscrutables, les racines innombrables. Ce sera peut-être un jour le bienfait spirituel de la science, et sa plus solide contribution à la morale, que d'enseigner au monde social les conditions d'évidence et la timidité d'affirmation.

Et après qu'on aura réfléchi de cette manière et placé son intelligence au véritable point d'où il est permis de considérer son semblable, il est encore au-dessus de tout cela de comprendre que l'indulgence est non-seulement notre plus sage maintien parce qu'il est le plus modeste; mais qu'elle est encore la plus haute position intellectuelle, parce qu'elle est la plus vaste, et que voir une faute dans un horizon de pardon, c'est respecter doublement la vérité, car c'est placer ce que nous savons dans sa relation avec ce qui s'étend ignoré de nous. Heureux et plus clairvoyants encore, et en réalité plus généralisateurs et plus synthétiques, sont ceux qui voient naturellement avec bonté, qui ont reçu la bienveillance comme un génie et une façon d'être, ainsi qu'à d'autres est échue la beauté! Ceux-là seuls sont proches de la vie, et leur discours de pardon est, au-dessus même de la prière, le plus noble des bruits humains actuels. C'est avec une telle préparation qu'il faut juger autrui, à moins d'être un méchant.

Celui qui reposait dans le cimetière de Dumfries avait été un homme dans le sens entier du mot, avec tout ce qu'il entraîne de qualités et de faiblesses. C'était une nature fougueuse, qui se précipitait dans le mal comme dans le bien, par générosité d'âme ou exigence d'instincts. Il avait une personnalité violente et impérieuse, dont le sentiment a eu la primauté sur toute sa vie. Elle se manifestait par deux traits caractéristiques, qu'il avait bien saisis lui-même en lui-même: l'orgueil et les passions, lesquelles furent les maîtresses et les conductrices de sa vie.

«Je suis, comme la plupart des gens de mon métier, un être étrangement capricieux comme un feu-follet; la victime, trop fréquemment, de beaucoup d'imprudence et de beaucoup de folies. Mes deux éléments sont l'orgueil et la passion. J'ai essayé d'humaniser le premier et de le changer en intégrité et en honneur; la seconde fait de moi, jusqu'au plus ardent degré d'enthousiasme, un fanatique en amour, en religion, en amitié—séparément ou tous ensemble selon l'inspiration[1404]

Cet orgueil fut la source en lui de beaucoup de bonnes et de mauvaises choses. Il lui inspira l'idée de sa force, une attitude noble en face du succès aussi bien que de la misère, le sentiment, par lui virilement chanté, qu'un homme ne vaut que sa valeur propre, une dignité et une fierté qui le sauvegardèrent toujours. D'un autre côté, comme il était frémissant et ombrageux, il le rendit péniblement sensible à une quantité de petits froissements, à de petites négligences, à de petites inégalités extérieures, qu'il eut dû dédaigner. En l'exaspérant sur ces riens, en lui faisant regarder la vie comme mal répartie, il le poussa à la dénigrer, à se placer en dehors d'elle, à la braver, à devenir mécontent et cynique. Quant à l'élément de passion, il était fait des emportements d'un tempérament ardent et des rêves d'une belle imagination. Il naissait de son corps et de son esprit. Quelques-uns de ses biographes le représentent comme conduit par ses sens et expliquent ses fautes par un conflit entre ses dons spirituels et une constitution charnelle et terrestre[1405]. C'est mal savoir de quoi sont faites les amours de poètes. Il y eut bien autre chose dans les passions de Burns; il y avait de la poésie et des jeux du cœur dans les aventures qui ont été les plus funestes à sa vie et qui sont les plus lourdes à son nom. Il était d'ailleurs violent et excessif en tout. Ses colères étaient terribles. Cette force d'impulsion le mena par saccades, devançant les réflexions, et précédant les remords. Mais il lui doit ce mérite qu'il fut toujours sincère et franc. C'est une qualité que ses ennemis même lui reconnaissaient et que lui reconnaissent encore ceux de ses biographes qui sont le moins disposés à l'indulgence envers lui. Avec ce mélange dangereux de qualités et de défauts, on pourrait lui appliquer les vers qu'il avait écrits sur un homme dont la nature n'était pas, à certains égards, sans ressemblance avec la sienne, sur Charles Fox:

Doué d'un savoir si vaste et d'un jugement si ferme,
Qu'aucun homme, avec la moitié, ne pourrait aller de travers;
Doué de passions si puissantes et de caprices si brillants,
Qu'aucun homme, avec la moitié, ne pourrait aller droit[1406].

Pour modérer et diriger ces violences, il aurait fallu une solide discipline morale. Elle lui fit défaut entièrement: il n'eut pas de doctrine et il n'avait pas de volonté. Il fut constamment le jouet de ses passions. Il ne s'est pas une fois retourné contre elles, pour leur tenir tête. Il n'a jamais eu de consolidation de caractère. Il a été, en somme, une nature de réceptivité, avec des réactions très énergiques. Son cœur a été un carrefour où les vents de tous les horizons ont passé, se sont rencontrés et combattus. La ligne de sa vie est le tracé brisé d'une suite de hasards et d'accidents. La vivacité incomparable de la sensation actuelle, qui est la grande qualité de sa production littéraire, fut le grand vice de sa conduite. Il était saisi, entraîné par elle irrésistiblement. Les émotions, en passant par lui, l'emportaient. Il appartenait toujours tout entier au présent, sans souci de l'avenir et, quelquefois, sans assez de souvenir du passé. De là des moments où il semble qu'il ait eu l'oubli trop facile, des revirements brusques qui ont un air d'ingratitude, comme dans ses vers contre Mrs Riddell. Sa générosité elle-même n'existait que dans ce qu'elle a de spontané et d'impulsif. La générosité prolongée et réfléchie, le sacrifice, n'apparaît pas en lui. À peine peut-on dire qu'elle se fait jour dans son mariage avec Jane Armour. Encore fut-ce là un acte si soudain qu'il peut être considéré comme une impulsion: on sait d'ailleurs ce qu'il dura. Il a été comme un arbre qui jette son feuillage à toutes les rafales, faisant naître de lui-même des tourbillons, dans lesquels il est perdu et qui lui dérobent le ciel.

Comme sa personnalité était forte et dominatrice, cette soumission aux exigences des instincts ou des imaginations l'a souvent conduit dans ce qui fut le défaut de sa vie: l'égoïsme. C'était un généreux égoïste, un homme à tendances dévouées mais à conduite personnelle. Il lui a manqué l'oubli de soi-même, le sens, nous ne disons pas du dévouement, ni même de l'effacement, mais de la subordination de soi. Il n'a jamais su faire céder ses désirs, même légers et passagers, aux intérêts vitaux et durables des autres. Il n'a pas eu entre eux et lui de commune mesure. Et cette absence de préoccupation d'autrui est la cause de ce qui pèse le plus sur sa mémoire: des souffrances infligées. Un ermite, un stylite peuvent se désintéresser du prochain, isolés dans leur grotte ou sur leur colonne. Un homme plongé dans la vie ne le peut; Burns le pouvait moins que tout autre, à cause de l'ascendant qu'il exerçait sur ceux qui l'approchaient. Lui qui avait tant d'extériorité dans l'esprit, au point de créer des êtres, n'en avait pas dans le cœur; en certains cas décisifs, il n'eut pas assez conscience des existences en dehors de lui. Il vécut trop en lui-même et pour lui-même. Il a, il faut le dire, offert les tristesses et les angoisses d'autrui à son besoin de poésie, et nourri de pleurs humains les rêves dont il a fait ses œuvres. Peu de poètes, à y regarder, furent exempts de cette cruauté; peut-être peu d'hommes le sont-ils. Et ceux-ci ne tournent pas à si rare usage les douleurs qu'ils créent, et ne changent point les larmes qu'ils font couler en perles à jamais pures, qu'ils mettent ensuite comme des colliers ou des diadèmes à celles qui les ont répandues. Il fut le premier de cette lignée de poètes modernes qui ont fait de l'amour l'occupation unique de leur vie. Il a été aussi le premier à faire de la passion l'excuse de ses mauvaises actions; et nous ne parlons pas ici d'influence ni même d'inspiration littéraires, mais seulement d'état moral. Là encore, il a devancé Byron et l'école de poètes continentaux sortis de celui-ci jusqu'à Musset et George Sand. On a vu, dans un passage cité à propos de la plus meurtrière de ses fautes, avec quelle subtilité il cherchait à rendre son don poétique solidaire de ses passions, et par conséquent à mettre ses erreurs à l'abri de ses œuvres; à faire de ses fautes une condition de sa gloire et de sa gloire l'absolution de ses fautes.

Sa vie, c'est-à-dire la manifestation extérieure de sa nature aux prises avec les circonstances, en y comprenant cette lisière de terrain commun où les circonstances contribuent à former la nature, et la nature à créer les circonstances, sa vie fut le produit de cette âme tourmentée. Elle fut moralement livrée au hasard, on a vu avec quels résultats; il est inutile d'y revenir. Ce qui est douloureux, c'est qu'au point de vue de l'emploi de son génie et de sa gloire, il en alla de même façon. Elle est incomplète, irrégulière, interrompue et sans ensemble. Ce n'est pas assez de dire qu'il lui a manqué la régularité et la continuité du travail. Cette contrainte était incompatible avec sa fougue; il faut en prendre son parti. Il lui a manqué bien davantage. On n'y trouve pas même de moments de groupement, un dessein qui ait ramassé et concentré, pendant un peu de temps, en un effort un peu tenu, les énergies et les ressources d'un pareil esprit. Sa production n'a pas eu de direction, pas de persévérance; elle a vécu au jour le jour. Il n'y a presque rien dans son œuvre qui lui ait demandé plus d'une demi-journée de travail. Tam de Shanter fut écrit en une après-midi; les Joyeux mendiants, en une soirée; il a lâché, avec ses chansons, une volière de pinsons et de fauvettes, de rossignols et de merles, dont le gazouillis est à jamais charmant, mais il lui suffisait d'ouvrir la cage. Ce n'est pas que ce qu'il a fourni ainsi ne soit de haute valeur et, en quelques points, de premier ordre. Mais on conçoit qu'avec un peu de concentration de travail, il eût pu produire de telle façon que ce qui le fait immortel n'eût été qu'un détail, un portail latéral de son œuvre. Sans parler d'ouvrages de plus grande taille, de plus longue baleine et de plus haute visée, et à étendre seulement sa production telle qu'elle existe, quelle ne serait pas, dans la littérature anglaise, la place d'un homme qui aurait apporté un volume de contes comme Tam de Shanter, et un autre de scènes comme les Joyeux mendiants ou de tableaux comme la Foire sainte? Par manque de vouloir, il lui est arrivé, comme à Coleridge, que sa gloire n'est pas ce qu'elle aurait pu être. Que cette vie est loin de la belle architecture des vies de Milton, de Gœthe ou d'Hugo, où la voûte s'achève et dont l'arcade est parfaite! Lui-même en avait conscience, et il l'a dit dans des termes frappants de vigueur et de beauté. «Ma vie m'a fait penser à un temple ruiné: quelle force, quelles proportions dans quelques parties; quelles brèches misérables, quelles ruines éparses dans d'autres![1407]» Hélas! ce n'était pas un temple ruiné; c'était un temple inachevé.

Il s'était bien jugé lui-même. Dans une prière qu'il a intitulée l'Épitaphe d'un Poète, il a proclamé, avec sa franchise ordinaire, ses torts et ses égarements. C'est un résumé admirablement exact et, par là, touchant de sa destinée.

Existe-t-il un niais mené par des caprices,
Trop vif pour réfléchir, trop ardent pour obéir,
Trop timide pour chercher, trop fier pour flatter?
Qu'il approche d'ici,
Et que, sur ce tertre herbeux, il chante dolemment
Et verse une larme.

Existe-t-il un poète de chanson rustique,
Qui passe obscur dans la foule,
Dont chaque semaine s'emplit ce cimetière?
Oh! qu'il ne passe pas outre,
Mais qu'avec un sentiment fort et fraternel,
Il pousse ici un soupir.

Existe-t-il un homme dont le clair jugement
Peut enseigner aux autres à diriger leur course,
Et qui, lui-même, court follement la carrière de la vie,
Effréné comme une vague?
Qu'il s'arrête ici, et, à travers une larme naissante,
Contemple cette tombe.

Le pauvre habitant ci-dessous
Fut prompt à apprendre, sage pour connaître,
Et profondément ressentit l'ardeur de l'amitié
Et l'autre flamme plus douce;
Mais d'imprudentes folies le ruinèrent
Et souillèrent son nom.

Lecteur, écoute:—Soit que ton âme
S'élance, du vol de la fantaisie, par delà le pôle,
Ou défriche obscurément ce trou terrestre
Dans de bas soucis;
Sache que le contrôle sur soi-même, prudent et avisé.
Est la racine de la sagesse[1408].

On ne peut mieux dire et plus juste. C'est un humble et noble aveu, mais dont l'humilité et le courage contiennent le plus éloquent des plaidoyers. Ces vers devraient être gravés sur sa tombe.

Toutefois ce n'est pas là une justice suffisante. Il lui revient davantage. Tous ses défauts, toutes ses fautes pesés, aussi lourdement pesés qu'on voudra, le plateau où est l'or pur l'emporte de beaucoup sur celui où est le plomb vil. L'admiration grandit à mesure qu'on examine ses qualités. Quand on songe à sa sincérité, à sa droiture, à sa bonté envers les gens et les bêtes, à son dédain pour toute bassesse, à sa haine pour les fourberies, qui, à elle seule, serait un honneur, à son désintéressement, à tant de beaux élans de cœur, de hautes inspirations d'esprit, à l'intensité d'idéalité qu'il lui a fallu pour maintenir son âme au-dessus de sa destinée; quand on songe que tous ces généreux sentiments, il les a éprouvés au point qu'ils ont été sa vie intellectuelle, qu'ils sont sortis de lui en joyaux, tant il les ressentait avec flamme et tant son âme était une fournaise où bouillonnaient des métaux précieux; on se dit que ce fut un homme de la plus noble élite humaine et de grande bonté. Quand on se rappelle ce qu'il a souffert, ce qu'il a surmonté et ce qu'il a accompli, contre quelle misère son génie s'est débattu pour naître et pour vivre, la persévérance de ses années d'apprentissage, ses exploits intellectuels, et après tout, sa gloire; on se dit que ce qu'il n'a pas réussi ou pas entrepris n'est rien à côté de ce qu'il a achevé, et que ce fut un homme de grand effort. Et que reste-t-il à penser sinon que l'argile dont il était fait était pétrie de diamants et que sa vie a été une des plus vaillantes et des plus fières qu'un poète ait vécues?

Enfin qui dira s'il n'y a pas, dans l'existence d'hommes tels que Burns, comme dans celles de Rousseau, de Byron, de Musset, de George Sand, et vraisemblablement, si nous les connaissions davantage, dans celle de Shakspeare et de Molière, une utilité profonde qui sort de leurs faiblesses? Elles remplissent une autre fonction qui est non moins indispensable que celles de Dante, de Milton et de Corneille. De celles-ci naissent un exemple austère et le noble plaidoyer du devoir. Mais des autres naissent peut-être des sentiments plus humains: la connaissance des misères des meilleurs d'entre nous, l'impuissance à leur refuser le pardon, et, par suite, la pratique de la pitié. Que ne perdrait point l'âme du genre humain, non pas en beauté et en délice d'art, mais en nécessaire bonté, si ces hommes ne lui avaient fait sentir, par leur séduction, la compassion pour leurs souffrances! Et comment l'auraient-ils fait pleinement, s'ils n'avaient pas, par les plus cruelles souffrances, c'est-à-dire celles qui résultent des fautes, inspiré la plus noble générosité, c'est-à-dire celle qui triomphe d'un blâme. Ce sont eux qui ont en partie donné un cœur miséricordieux à l'humanité. Par un métamorphisme mystérieux, admirable, leurs fautes, leurs souillures même se transforment en clémence, en un baume qui parfume le monde. Les orages particuliers qui ont ravagé leurs âmes retombent en rosée universelle, et c'est la rosée de la compassion. Personne ne fut plus fait que Burns pour contribuer à ce travail sacré. Aussi, malgré la sévérité qui atteint certains de ses actes, le jugement des hommes sera clément pour lui.

Quant à nous, après avoir vécu avec lui, pendant plusieurs années, après avoir suivi ses tracas, ses traverses, ses tourments et ses travaux, assisté à ses crises, sondé son cœur d'une main impartiale si elle est charitable, réfléchi à ses fautes, et pesé avec leurs conséquences leurs causes et leurs excuses, nous avons conçu pour lui une affection compatissante. Notre espoir, au bout de ce long effort pour faire revivre cette âme comme il nous semble qu'elle a vécu, est d'inspirer à ceux qui liront ce livre un peu de ces sentiments pour ce frère si véritablement humain.

Il est impossible d'abandonner l'histoire de Burns sans s'inquiéter de ce que devinrent ceux qui avaient vécu avec lui et les enfants pour lesquels il avait souffert tant d'anxiétés[1409].

Sa vieille mère continua à résider avec Gilbert dont elle suivit la fortune et mourut en 1820, dans sa quatre-vingt-huitième année.

Gilbert resta sur la ferme de Mossgiel jusqu'en 1798. En 1791, il avait épousé une jeune fille de Kilmarnock dont il eut six fils et cinq filles. En quittant Mossgiel, il prit la ferme de Dinning dans la vallée de la Nith, où il resta jusqu'en 1804. Il devint à cette date agent des propriétés de lord Blantyre dans East-Lothian. Ce fut alors seulement qu'il connut un peu d'aisance et de tranquillité. Il avait aidé Currie dans sa biographie et son édition de Burns. En 1820, il revit lui-même cette édition. Il mourut en 1827, après avoir vu partir avant lui cinq de ses enfants.

Des trois sœurs de Burns, l'une, Agnes Burns, mourut en 1834; la seconde, Annabella, en 1832, et la troisième, Isabella, plus connue sous le nom de Mrs Begg et qui a donné quelques détails intéressants sur son frère, mourut en 1858, au milieu des préparatifs faits pour célébrer le centenaire de la naissance de son frère et fut enterrée dans le tombeau de son père, à l'ombre de l'église d'Alloway. Agnes et Isabella épousèrent des nommes qui devinrent gérants de propriétés. Annabella demeura fille et continua de vivre chez Gilbert avec sa vieille mère.

Burns laissait sa famille dans le dénûment. Aussitôt après sa mort, ses amis, John Syme, le distributeur du Timbre, et le Dr Maxwell qui l'avait soigné, auxquels se joignit Alexander Cunningham d'Édimbourg, prirent l'initiative d'une souscription en faveur de la femme et des enfants du poète. Cette souscription rapporta assez lentement 700 livres[1410]. On subvint ainsi aux premières nécessités. Pendant ce temps, il fut résolu qu'on publierait une édition des œuvres complètes de Burns avec sa correspondance. C'était un travail considérable; il fallait réunir les poèmes, retrouver et rassembler les lettres. On pensa à Dugald Stewart, puis à Mrs Walter Riddell. Enfin le Dr Currie, alors médecin à Liverpool, grand admirateur de Burns, qui s'était employé activement pour la souscription, fut chargé de cette tâche. Il s'en acquitta admirablement, avec un soin, une générosité, une affection et un talent dignes de tous les éloges. Cette bonne œuvre sauvegardera son nom. Les Œuvres de Robert Burns avec un Récit de sa Vie et une Critique de ses Écrits, par James Currie, M. D. parurent en Mai 1800. Le succès de cette publication fut grand. Quatre éditions, de 2000 exemplaires chaque, se vendirent en quatre ans. Les profits montèrent à 1400 livres. Cela permit à Jane Armour de vivre et de faire donner à ses enfants une éducation respectable. Le Dr Currie alla la voir en 1804. «Tout, autour d'elle, annonçait une aisance convenable et même le confort. Elle me montra la salle de travail et la petite bibliothèque de son mari, à peu près telles qu'ils les avait laissées. D'après tout ce que j'entends dire, elle se conduit irréprochablement[1411]».

Jane Armour, restée veuve à trente-et-un ans, fut fidèle à la mémoire de son mari. Elle supporta son veuvage, dont la célébrité de son nom et la curiosité dont elle était entourée faisaient une situation plus difficile, avec une dignité qui lui valut l'estime et l'affection de tous. Son esprit s'était formé et assis. Son bon sens et un grand sentiment de tact frappaient ceux qui l'approchaient. Elle avait pris, en vivant près de son poète et en admirant ses œuvres, un goût de choses délicates et brillantes.

Son esprit était un de ces esprits bien pondérés qui s'attachent instinctivement au convenable et à la mesure, en toutes choses. Ceux qui l'ont connue, au commencement comme à la fin de sa vie, n'ont jamais remarqué de changement dans ses façons et ses habitudes, sauf peut-être plus d'attention à sa mise et plus de raffinements dans ses manières, qu'elle avait acquis insensiblement par de fréquents rapports avec des familles de la plus haute respectabilité. Dans ses goûts, elle était frugale, simple et pure; elle prenait grand plaisir à la musique, à la peinture et aux fleurs. Pendant le printemps et l'été, il était impossible de passer devant ses fenêtres sans être frappé de la beauté et de la richesse des fleurs qu'elles contenaient; si elle était capable d'extravagance excessive, c'était pour les racines et les plantes des plus belles espèces. Aimant beaucoup la société de la jeunesse, elle se mêlait volontiers à leurs plaisirs innocents et remplissait joyeusement pour eux «la coupe qui égaie et n'enivre pas». Bien qu'elle ne fût ni sentimentale ni «bas bleu», c'était une femme intelligente; elle avait une grande pénétration, discernait admirablement les caractères et faisait souvent des remarques pleines de sens[1412].

Cette Jane Armour n'est pas tout à fait celle que nous avons vue. C'est celle que la vie bien vécue avait fini par faire. Le haut esprit, qu'elle avait compris, en l'aimant, avait, en récompense, rempli cet amour d'intelligence. Elle avait, par la vertu de sa sympathie, mis sa nature à l'unisson avec la sienne, et elle était devenue apte à recevoir toutes choses justes et fines. Elle prit naturellement les délicatesses. Mais cela était comme le fruit lointain de sa bonté et de son pouvoir d'affection. Elle ne quitta jamais la maison où son mari était mort. Son soin était de la tenir en grande propreté et de l'embellir autant que ses strictes ressources le lui permettaient. Là, pendant plus de trente ans, elle reçut, par milliers et milliers, tous ceux, pauvres et riches, qui venaient visiter la demeure du poète. Parfois, pendant les mois d'été, elle était fatiguée de ce défilé incessant. Elle le supportait avec patience. Il lui semblait qu'elle remplissait un devoir en tenant sa maison ouverte et en accueillant ceux qu'avait attirés la gloire de Burns[1412]. Elle conserva très longtemps son élégance de corps, sa démarche gracieuse, un pas léger, des yeux noirs comme le jais, clairs et brillants, et la voix souple et juste dont Burns était fier. Elle mourut le 26 mars 1834.

Au moment de sa mort, Burns avait six enfants vivants, quatre légitimes de Jane Armour, quatre fils; et deux illégitimes, deux filles: l'une Elisabeth, l'aînée de tous ses enfants, la fille d'Elisabeth Paton, née en 1784, qui était élevée à Mossgiel, et la seconde, nommée aussi Elisabeth, la fille d'Anna Park, que Jane Armour avait si généreusement recueillie.

L'aîné des fils, nommé Robert comme son père, après avoir commencé son éducation à la Grammar-School de Dumfries, suivit des cours à l'Université d'Édimbourg et à celle de Glascow. Son éducation faite, il obtint un modeste emploi à l'Administration du Timbre à Londres. Il mena une vie de petit employé, augmentant ses ressources en donnant des leçons de mathématiques et de langues classiques. Il était d'une grande intelligence, avec un don de parole remarquable. Il composa quelques poésies auxquelles le mérite ne manque pas. Il semble, par certains côtés de conduite, avoir ressemblé à son père, mais il n'avait pas son énergie. Ce que Burns avait diagnostiqué de lui se trouva vrai; il était fait pour une vie de prélature, nonchalante et aisée. En 1833, il prit sa retraite, avec une petite pension, et vécut à Dumfries où il mourut en 1857. Il avait eu en 1812 une fille, Eliza Burns, qui épousa en 1834 le chirurgien Everitt. De cette union naquit une fille, Martha Burns-Everitt qui ne se maria pas.

Le second, Francis-Wallace, le filleul de Mrs Dunlop, celui dont son père était si orgueilleux, mourut en 1803, à l'âge de quatorze ans.

La destinée des deux derniers est plus intéressante. William-Nicol Burns, nommé d'après le Nicol d'Édimbourg, après avoir reçu son éducation à la Grammar-School de Dumfries, s'embarqua pour les Indes à l'âge de quinze ans, en qualité de midshipman. En 1811, il reçut une commission de cadet. Après trente-trois années de service comme officier dans le 7e régiment d'infanterie de Madras, dont il devint lieutenant-colonel, il prit sa retraite et revint en Angleterre en 1843. Il alla habiter la petite ville paisible de Cheltenham et y mourut presque de nos jours, le 21 février 1872. Il mourut sans enfants.

Le quatrième fils, James-Glencairn, nommé d'après le bienfaiteur de Burns, eut une carrière presque semblable. En 1811, il fut nommé cadet au service de la Compagnie des Indes-Orientales. Il rejoignit à Calcutta le 15e régiment d'infanterie indigène du Bengale. Lorsqu'il vint faire un séjour en Angleterre, en 1831, il fut l'hôte de Walter Scott à Abbotsford. À son retour dans les Indes, en 1833, il fut nommé Juge et Percepteur à Cachar. Il revint définitivement en 1839 avec le grade de major. Puis il alla vivre avec son frère à Cheltenham où il mourut en 1865. Il eut deux filles de deux mariages. La seconde, Anne-Becket Burns, qui ne s'est pas mariée, vivait encore à Cheltenham en 1883. L'aînée, Sarah Burns, épousa un docteur Hutchinson de qui elle eut un fils, Robert Burns-Hutchinson, et trois filles: Annie, Violet et Margaret. Robert Burns-Hutchinson est donc le seul descendant mâle légitime du poète. En 1877, il est parti pour Assam afin de se faire planteur de thé.

Des deux filles naturelles de Burns, l'aînée «la petite Bess» resta à Mossgiel avec Gilbert et la vieille mère jusqu'à l'âge de sa majorité. Elle reçut alors une dot de deux cents livres obtenues par une souscription publique. Elle épousa un nommé John Bishop et mourut à l'âge de trente-deux ans. La seconde continua à être élevée par Jane Armour avec ses propres enfants. À sa majorité, elle reçut également une somme de deux cents livres qui provenait de la même souscription. Elle épousa un nommé John Thomson, soldat retraité, qui travaillait près de Glascow à son métier de tisserand. En 1859, une nouvelle souscription lui assura trente livres de rente viagère. Elle mourut le 13 juin 1873.

Ainsi, plus ou moins largement, la gloire de Burns procura aux siens ce que sa prévoyance ne leur avait pas assuré. S'il avait pu le deviner, sa fin eût été moins cruelle.[Lien vers la Table des matières.]

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

TABLE DES MATIÈRES

  •  Pages
  • DédicaceIII
  • PréfaceV

PREMIÈRE PARTIE.
LA VIE.

Chapitre I.
ALLOWAY ET MONT-OLIPHANT.
1759—1777

  • Alloway. L'Enfance 3
  • Mont-Oliphant. L'Éducation. L'Adolescence 10

Chapitre II.
LOCHLEA
1777—1784.

  • La Jeunesse. Les premières amours 34
  • Le séjour à Irvine 50
  • Les années d'apprentissage. Les premières fautes. La mort du père. 55

Chapitre III.
MOSSGIEL ET MAUCHLINE.
Mars 1784—Novembre 1786.

  • La lutte contre le clergé 77
  • Le flot de poésie.—La Vision 109
  • Les orages du cœur.—Jane Armour.—Mary Campbell 125
  • La renommée soudaine.—Le départ pour Édimbourg 162

Chapitre IV.
ÉDIMBOURG.
Novembre 1786—Février 1788.

  • Édimbourg en 1786 174
  • L'hiver de 1786-87:
    • Burns dans la société d'Édimbourg 195
    • Le triomphe 210
    • Le désaccord 234
    • Les tavernes d'Édimbourg 241
  • L'été de 1787:
    • Le voyage des Borders 254
    • Rentrée et séjour à Mossgiel.—Retour à Édimbourg 271
    • Voyage dans les Highlands.—Impressions historiques et patriotiques 285
  • L'hiver de 1787-88:
    • Incertitudes 319
    • L'épisode de Clarinda 323
    • Départ définitif d'Édimbourg 370
    • Le mariage 371

Chapitre V.
ELLISLAND.
Juin 1788—Novembre 1791.

  • Installation à Ellisland.—Bonnes résolutions 380
  • L'Excise. Le sacrifice. Les fatigues 414
  • Misère,—Tristesse,—Fautes 425
  • La vie profonde, la production 441
  • Le départ de la ferme 461

Chapitre VI.
DUMFRIES.
Décembre 1791—Juillet 1796.

  • Fin de l'épisode de Clarinda 469
  • Opinions politiques.—Tracas 479
  • Les excès augmentent.—Mauvais renom 505
  • Derniers jeux du cœur.—Les chansons 517
  • Les derniers chagrins, les derniers excès, les dernières lueurs. La fin 535

Note 1: Narrative by Gilbert Burns of his Brother's Life. Scott Douglas. Vol. IV. Appendix C.[Retour au Texte Principal.]

Note 2: Lettre autobiographique de Robert Burns au Dr Moore, datée de Mauchline 2 Août 1787. Cette lettre est un document capital pour la première partie de la vie de Burns.—Tous les renvois aux œuvres de Burns, soit en vers soit en prose, sont faits, lorsqu'il n'y aura pas d'autre indication, sur la belle édition de W. Scott Douglas: The complete Works of Robert Burns. Edinburgh. William Paterson, 6 vol. in-8o. C'est pour longtemps sans doute l'édition définitive.[Retour au Texte Principal.]

Note 3: John Murdoch's. Narrative of the Household of William Burnes. V. Scott Douglas. Vol. IV. Appendix B.[Retour au Texte Principal.]

Note 4: Skene. Celtic Scotland. Vol. I, p. 202-203.—Voir aussi Hill Burton. History of Scotland. Vol. I, p. 278. Vol. II, p. 16 et 61.—Voir aussi Veitch. The History and Poetry of the Scottish Border. Chapitre III.[Retour au Texte Principal.]

Note 5: Skene. Celtic Scotland. Vol. III, p. 70.[Retour au Texte Principal.]

Note 6: Matthew Arnold. Of the study of Celtic Literature.[Retour au Texte Principal.]

Note 7: R. Burns. Rantin' roving Robin.[Retour au Texte Principal.]

Note 8: Letter of Gilbert Burns to Dr Currie.[Retour au Texte Principal.]

Note 9: Shairp. Robert Burns. Chap. I.[Retour au Texte Principal.]

Note 10: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 11: The Vision.[Retour au Texte Principal.]

Note 12: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 13: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 14: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 15: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 16: J. Hill Burton. The History of Scotland, tome III, p. 899.[Retour au Texte Principal.]

Note 17: John Mackintosh. The History of Civilisation in Scotland, chapitre U, tome II, page 140.—Tytler. History of Scotland, tome III, p. 131.—Chambers. Domestic Annals of Scotland, vol. III, p. 151.[Retour au Texte Principal.]

Note 18: Chambers. Id. tome I, p 479. Voir aussi tome II, p. 138.[Retour au Texte Principal.]

Note 19: Hill Burton. The History of Scotland, chap. LXXXV, tome VIII, page 72.[Retour au Texte Principal.]

Note 20: Recollections of a Tour Made in Scotland, A D 1803, by Dorothy Wordsworth.—First week.[Retour au Texte Principal.]

Note 21: Froude. The Early Life of Thomas Carlyle. The nineteenth Century. July 1881.[Retour au Texte Principal.]

Note 22: Boswell. The Journal of a Tour to the Hebrides with Samuel Johnson, L L D. October 8.[Retour au Texte Principal.]

Note 23: Froude. The Early Life of Thomas Carlyle. Id.[Retour au Texte Principal.]

Note 24: John Murdoch's Narrative of the Household of William Burnes. Scott Douglas, tom. IV, Appendix B.[Retour au Texte Principal.]

Note 25: C'est le dernier vers de l'Allegro de Milton.[Retour au Texte Principal.]

Note 26: John Murdoch's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 27: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 28: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 29: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 30: Murdoch's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 31: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 32: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 33: The Spectator, No 159, Saturday, September 1st 1711.[Retour au Texte Principal.]

Note 34: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 35: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 36: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 37: Chambers. Life of Burns. Tome I, p. 23.[Retour au Texte Principal.]

Note 38: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 39: Common-place Book, Aug 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 40: Handsome Nell: O Once I loved a bonie lass.[Retour au Texte Principal.]

Note 41: Common-place Book. Aug 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 42: Epistle to Mrs Scott.[Retour au Texte Principal.]

Note 43: Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 44: Chambers. Domestic Annals of Scotland. Tome II, p. 338.[Retour au Texte Principal.]

Note 45: Voir pour les détails caractéristiques: Chambers, Domestic Annals of Scotland, Tome III, p. 480.—Allan Ramsay, The Fair Assembly, a Poem, avec la dédicace en prose: To the Managers.[Retour au Texte Principal.]

Note 46: John Galt. The Annals of the Parish. Chap. II.[Retour au Texte Principal.]

Note 47: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 48: John Galt. The Annals of the Parish. Chap. II. Year 1761.[Retour au Texte Principal.]

Note 49: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 50: Le Festin de Pierre. Acte I, scène II.[Retour au Texte Principal.]

Note 51: Now westlin winds and slaught'ring guns.[Retour au Texte Principal.]

Note 52: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 53: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 54: The Twa Dogs.[Retour au Texte Principal.]

Note 55: Song, In the character of a Ruined Farmer.[Retour au Texte Principal.]

Note 56: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 57: Rambles through the Land of Burns, by Adamson, chap. XI.[Retour au Texte Principal.]

Note 58: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 59: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 60: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 61: Description of Burns compiled by Dr Currie from Accounts by the Associates of the Poet. Scott Douglas, tome IV, p. 388.[Retour au Texte Principal.]

Note 62: David Sillar. Reminiscences, from Walker's memoir of Burns, 1811.[Retour au Texte Principal.]

Note 63: Stevenson. Familiar studies of Men and Books. Some Aspects of Robert Burns, p. 44.[Retour au Texte Principal.]

Note 64: Reminiscences of William Burnes by Dr John Mackenzie of Mauchline. (Walker's Memoir of Burns.)[Retour au Texte Principal.]

Note 65: The Highland Note-Book, by R. Carruthers, Inverness, cité par Chambers. Life of Burns, tom. I, p. 86.[Retour au Texte Principal.]

Note 66: Chambers, tom. I, pag. 86.[Retour au Texte Principal.]

Note 67: Hately Waddell.—Life and Works of R. Burns. Appendix, Reminiscences original. Part. I.[Retour au Texte Principal.]

Note 68: Reminiscences by Dr Mackenzie.[Retour au Texte Principal.]

Note 69: R. Chambers, tome I, p. 36.[Retour au Texte Principal.]

Note 70: Voir sur ce curieux Club: Rules and Regulations to be observed in the Bachelors' Club, Currie;—et History of the Rise, Proceedings and Regulations of the Bachelors' Club. R. Chambers, tome I.[Retour au Texte Principal.]

Note 71: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 72: Hately Waddell. Life of Burns. Part. I, p. XIX.[Retour au Texte Principal.]

Note 73: Carlyle. Essay on Burns.[Retour au Texte Principal.]

Note 74: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 75: D. Sillar's. Account, etc. Walker, tome II. Appendix.[Retour au Texte Principal.]

Note 76: En français dans le texte.[Retour au Texte Principal.]

Note 77: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 78: Lockhart. Life of Burns. Chap. II.[Retour au Texte Principal.]

Note 79: My Nannie O.[Retour au Texte Principal.]

Note 80: Sterne. A Sentimental Journey. Calais.[Retour au Texte Principal.]

Note 81: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 82: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 83: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 84: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 85: On Cessnock Banks.[Retour au Texte Principal.]

Note 86: Chambers, tome I, p. 48.[Retour au Texte Principal.]

Note 87: To Ellison Begbie. Lettre 1.[Retour au Texte Principal.]

Note 88: To Ellison Begbie. Lettre 2.[Retour au Texte Principal.]

Note 89: To Ellison Begbie. Lettre 3.[Retour au Texte Principal.]

Note 90: Idem. Lettre 5.[Retour au Texte Principal.]

Note 91: Voir l'Appendix B ajouté par Scott Douglas et son édition de la Vie de Burns de Lockhart.[Retour au Texte Principal.]

Note 92: Scott Douglas. Tome I, p. 23, note.[Retour au Texte Principal.]

Note 93: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 94: Cromek. Reliques of Robert Burns, p. 442.[Retour au Texte Principal.]

Note 95: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 96: R. Chambers, tome I, p. 55.[Retour au Texte Principal.]

Note 97: To His Father. Irvine, Dec 27, 1761.[Retour au Texte Principal.]

Note 98: Common-place Book. March 84.[Retour au Texte Principal.]

Note 99: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 100: Carlyle. Essay on Burns.[Retour au Texte Principal.]

Note 101: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 102: To Richard Brown, Edinburgh, Dec 30, 1787.[Retour au Texte Principal.]

Note 103: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 104: To John Murdoch. Lochlea, January 15, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 105: To Miss Margaret Chalmers, 22nd Jan 1788.[Retour au Texte Principal.]

Note 106: I'll go and be a Sodger.[Retour au Texte Principal.]

Note 107: My Father was a Farmer.[Retour au Texte Principal.]

Note 108: Common-place Book. April 1784.[Retour au Texte Principal.]

Note 109: Carlyle. Essay on Burns.[Retour au Texte Principal.]

Note 110: To John Murdoch. Lochlea, January 15, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 111: To John Murdoch, Lochlea, Jan. 15, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 112: Common-place Book, April, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 113: Winter, a Dirge.[Retour au Texte Principal.]

Note 114: Ossian.[Retour au Texte Principal.]

Note 115: Chateaubriand. René.[Retour au Texte Principal.]

Note 116: Lamartine.[Retour au Texte Principal.]

Note 117: To Murdoch, Lochlie, January 15, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 118: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 119: Verses under the Portrait of Fergusson.[Retour au Texte Principal.]

Note 120: Common-place Book. Le début.[Retour au Texte Principal.]

Note 121: Common-place Book. Sept. 1785.[Retour au Texte Principal.]

Note 122: R. Chambers dit que ce détail a été donné par Mrs Begg. Tome I, p. 70.[Retour au Texte Principal.]

Note 123: The Rigs of Barley.[Retour au Texte Principal.]

Note 124: Remorse, a fragment.[Retour au Texte Principal.]

Note 125: Common place Book, March 1784.[Retour au Texte Principal.]

Note 126: Gilbert Burns, Narrative, et Robert Burns, Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 127: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 128: R. Chambers, tome I, p. 80.[Retour au Texte Principal.]

Note 129: To James Burness, June 21, 1783.[Retour au Texte Principal.]

Note 130: R. Chambers, tom. I, p. 80.[Retour au Texte Principal.]

Note 131: Epitaph on my ever honoured Father. Le dernier vers est une citation de Goldsmith.[Retour au Texte Principal.]

Note 132: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 133: R. Chambers. Tom. I, p. 82.[Retour au Texte Principal.]

Note 134: To James Burness. February 17, 1784.[Retour au Texte Principal.]

Note 135: Gilbert Burns. Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 136: Archibald Mac Kay. History of Kilmarnock, chapter X.—Voir aussi Rambles round Kilmarnock, par A. R. Adamson, chap. I.[Retour au Texte Principal.]

Note 137: Sur Mauchline, voir R. Chambers, tom. I, p. 170.—Robert Burns at Mossgiel by William Jolly, chapters IV, V, VIRambles through the Land of Burns, by A. R. Adamson, chap. XV.[Retour au Texte Principal.]

Note 138: Chambers, tom. I, p. 145,—William Jolly, chap. II.—Adamson, chap. XIV.[Retour au Texte Principal.]

Note 139: Gilbert Burns. Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 140: The Inventory.[Retour au Texte Principal.]

Note 141: Chambers, tom. I, p. 160.[Retour au Texte Principal.]

Note 142: The Inventory.[Retour au Texte Principal.]

Note 143: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 144: Gilbert Burns. Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 145: Robertson. History of Scotland, Book I, au commencement.[Retour au Texte Principal.]

Note 146: Robertson. History of Scotland, Book I. Voir le commencement du règne de Jacques V.—Hill Burton. History of Scotland, tom. III, chapitre XXXVIII; Power of the Clergy.—Buckle. History of Civilisation in England, tom. III, chap. II; les cinquante premières pages.—Merle d'Aubigné. Histoire de la Réformation en Europe, etc. Écosse, chapitre I: Lutte entre la Royauté et la Noblesse.—Mackintosh. History of Civilisation in Scotland, chap. XIII, sect. II. pag. 60-65.—Mignet. Marie Stuart, tom. I, p. 14 et 15 et 66-67.[Retour au Texte Principal.]

Note 147: Buckle, tome III, chap. II, p. 58-68.—Hill Burton, tom. III, chap. XXXVIII, The Lords of the Congregation.—Robertson, Book III. Année 1560.[Retour au Texte Principal.]

Note 148: Robertson. Book III, année 1560. Bien que l'histoire de Robertson soit sans doute moins nourrie de documents que des histoires plus récentes, la vigueur et la portée philosophique de ce remarquable esprit lui fournissent parfois des résumés ou des explications de faits clairs et pénétrants.—Mac Crie. Life of John Knox. Period V, commencement.[Retour au Texte Principal.]

Note 149: Tytler. History of Scotland, vol. III, p. 131.—Mackintosh. History of Civilization in Scotland, chap. XV, vol. II, p. 137.[Retour au Texte Principal.]

Note 150: Voir sur cette importante rupture, Robertson, p. 64, 68 et 75-76. Robertson, qui fut longtemps Modérateur de l'Assemblée Générale, possédait ces questions comme historien et comme ecclésiastique.—Hill Burton. History, vol. III, chap. XLI, pp. 36 et suiv. Disposal of Ecclesiastical Revenues.[Retour au Texte Principal.]

Note 151: Buckle. History of Civilisation in England, vol. III, chap. II, p. 99.[Retour au Texte Principal.]

Note 152: On trouve un exposé clair de cette organisation ecclésiastique de l'Écosse, avec le nombre des paroisses, presbytères, synodes, etc. au XVIIIe siècle, dans la Magnæ Britanniæ notitia or Present State of Great Britain by John Chamberlayne. L'édition que nous avons est de MDCCLV, vers la date de la naissance de Burns.[Retour au Texte Principal.]

Note 153: Scotland Social and Domestic, by Rev. Charles Rogers. Introduction, p. 19.[Retour au Texte Principal.]

Note 154: Voir d'amusantes anecdotes et remarques à ce sujet dans les Reminiscences of Scottish Life and Character, by Dean Ramsay, chap. II, p. 11 et suiv.[Retour au Texte Principal.]

Note 155: Voir, au sujet de cette question de l'orgue dans les églises: Scotland Social and Domestic, by Rev. Charles Rogers. Introduction, p. 28.[Retour au Texte Principal.]

Note 156: Id., p. 24.[Retour au Texte Principal.]

Note 157: Chambers. Domestic Annals of Scotland, vol. III, p. 271.—Voir Ch. Rogers, Scotland, etc., p. 24.[Retour au Texte Principal.]

Note 158: Buckle. History of Civilization in England, vol. III, p. 203 et suivantes.[Retour au Texte Principal.]

Note 159: Dean Ramsay. Reminiscences, p. 29.[Retour au Texte Principal.]

Note 160: Buckle. Id., pag. 289.—Voir aussi dans Dean Ramsay, p. 207, l'anecdote des deux sacristains qui discutent les mérites de leurs ministres; et page 208.[Retour au Texte Principal.]

Note 161: Buckle. Id., tom. III, p. 238.—Voir aussi les exemples qu'il donne dans les notes.[Retour au Texte Principal.]

Note 162: Bossuet.[Retour au Texte Principal.]

Note 163: Dean Stanley. Lectures on the History of the Church of Scotland. Lecture II, p. 83.[Retour au Texte Principal.]

Note 164: Cowper. The Task. Book II, vers 150 et suivants.[Retour au Texte Principal.]

Note 165: Address to the Deil.[Retour au Texte Principal.]

Note 166: Buckle, tome III, p. 240.[Retour au Texte Principal.]

Note 167: Id., p. 242.—Lire pour avoir la collection de ces horreurs, dans l'ouvrage fameux de Th. Boston, Human Nature in its Fourfold State, le dernier chapitre, Hell. C'est un cauchemar. Ce fut un des livres les plus populaires en Écosse au XVIIIe siècle.[Retour au Texte Principal.]

Note 168: Chambers's Encyclopædia, au mot Elders.[Retour au Texte Principal.]

Note 169: Buckle, tome III, p. 208.—Ch. Rogers, Scotland Social and Domestic, p. 347.[Retour au Texte Principal.]

Note 170: Ch. Rogers, p. 367.[Retour au Texte Principal.]

Note 171: Chamberlayne. Magnæ Britanniæ Notitia, Part II, Book II, chap. III.[Retour au Texte Principal.]

Note 172: Chambers's Encyclopædia; Kirk-sessions.[Retour au Texte Principal.]

Note 173: Ch. Rogers, Scotland etc., p. 28.[Retour au Texte Principal.]

Note 174: The Worship and Offices of the Church of Scotland by, G. W. Sprott, p. 222 et suivantes.[Retour au Texte Principal.]

Note 175: Ch. Rogers, p. 38 et 358.[Retour au Texte Principal.]

Note 176: G. W. Sprott, p. 222.[Retour au Texte Principal.]

Note 177: Chamberlayne, Id.[Retour au Texte Principal.]

Note 178: G. W. Sprott, p. 222.[Retour au Texte Principal.]

Note 179: Voir dans Ch. Rogers 'énumération des cas', p. 355 à 370.[Retour au Texte Principal.]

Note 180: Mackintosh, History of Civilisation in Scotland, p. 141.[Retour au Texte Principal.]

Note 181: Id., p. 310.[Retour au Texte Principal.]

Note 182: Ch. Rogers, p. 29.[Retour au Texte Principal.]

Note 183: Chamberlayne, Id.[Retour au Texte Principal.]

Note 184: Toute cette organisation est expliquée jusque dans les moindres détails et avec une grande clarté dans le livre de Chamberlayne. Les procédures y sont indiquées très minutieusement. Il faut lire tout le chapitre intitulé: Method of Discipline.[Retour au Texte Principal.]

Note 185: Ch. Rogers, Scotland, p. 351.—R. Chambers, Domestic Annals, tom. I, p. 335.[Retour au Texte Principal.]

Note 186: Buckle, tome III, p. 231, 247 et 252.—Voir la même pensée exprimée plus timidement dans R. Chambers, Domestic Annals, tome I, p. 337.[Retour au Texte Principal.]

Note 187: Lecky. History of England in the XVIIIth century, tome II, p. 539.[Retour au Texte Principal.]

Note 188: Hill Burton, tome VIII, chap. XCI, p. 390.[Retour au Texte Principal.]

Note 189: Dean Stanley, Church Scotland, p. 64.[Retour au Texte Principal.]

Note 190: Hill Burton, tome VIII, chap. XCI, p. 390.[Retour au Texte Principal.]

Note 191: Buckle, tome III, p. 4.—Lecky, tome II, p. 85.[Retour au Texte Principal.]

Note 192: Autobiography of Dr Alexander Carlyle of Inveresk, chap. III, p. 82.—Lecky, tome II, p. 538.[Retour au Texte Principal.]

Note 193: Hill Burton, tome VIII, p. 399.—Voir dans les St.-Giles' Lectures (1re série) la lecture IX, The Church in the Eighteenth Century, par Rev. John Tulloch.[Retour au Texte Principal.]

Note 194: Lecky, tome II, p. 538.—Hill Burton, tome VIII, p. 400.[Retour au Texte Principal.]

Note 195: Buckle, tome III, p. 295.[Retour au Texte Principal.]

Note 196: Buckle, tome III, p. 293.[Retour au Texte Principal.]

Note 197: Lecky. Id.[Retour au Texte Principal.]

Note 198: Voir aussi, sur ces premiers mouvements de l'esprit philosophique, M. A. Espinas, La Philosophie en Écosse au XVIIIe siècle, dans La Revue Philosophique, février 1881.[Retour au Texte Principal.]

Note 199: Buckle, tome III, p. 465 et suivantes.[Retour au Texte Principal.]

Note 200: Voir Sermons by William Leechman, D.D. publiés avec une vie par James Wodrow. Les titres et les textes de ces sermons suffisent à marquer la différence avec les prédications d'alors et le livre de Boston: Sermon VIII; The Excellency of the spirit of Christianity, 2 Timothy. For God hath not given us the spirit of fear, but of power and of love and of a sound mind. Sermon XIII; On the Propriety and Usefulness of Religious gratitude, Psalm CVII, 8: Oh, that men would praise the Lord for his goodness and for his wonderful works to the children of men. Sermon XVII; Jesus Christ full of grace etc. On voit le contraste avec les sermons de damnation. Ces sermons sont du reste ternes et minces.—Voir aussi Dr Alex. Carlyle, chap. III. Leechman fut aussi persécuté malgré ses talents et son caractère.—Voir John Tulloch. The Church of the Eighteenth Century, p. 273-75, (St.-Giles' Lectures).[Retour au Texte Principal.]

Note 201: Autobiography of Dr Alex. Carlyle, chap. III, p. 84.[Retour au Texte Principal.]

Note 202: R. Chambers, tome I, p. 122.[Retour au Texte Principal.]

Note 203: Lockhart. Life of Burns, p. 59.[Retour au Texte Principal.]

Note 204: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 205: Lockhart. Life of Burns, p. 57.[Retour au Texte Principal.]

Note 206: Lockhart. Life of Burns, p. 56.[Retour au Texte Principal.]

Note 207: Reply to an announcement by J. Rankine.[Retour au Texte Principal.]

Note 208: Chamberlayne. Magnæ Britanniæ Notitia, Part II, Book II, Method of Discipline.[Retour au Texte Principal.]

Note 209: Voir la note de Scott Douglas dans son édition de la vie de Burns de Lockhart, p. 55.[Retour au Texte Principal.]

Note 210: Ch. Rogers. Scotland Social and Domestic, p. 352.[Retour au Texte Principal.]

Note 211: Scott Douglas, vol. I, p. 71.[Retour au Texte Principal.]

Note 212: Epistle to John Rankine.[Retour au Texte Principal.]

Note 213: Epistle to John Rankine.[Retour au Texte Principal.]

Note 214: Annals of the Parish , chap. V, A D, 1764.[Retour au Texte Principal.]

Note 215: A poet's Welcome to his love begotten Daughter.[Retour au Texte Principal.]

Note 216: A Poet's Welcome.[Retour au Texte Principal.]

Note 217: The Inventory.[Retour au Texte Principal.]

Note 218: Lockhart. Life of Burns, p. 60.[Retour au Texte Principal.]

Note 219: The Twa Herds or The Holy Tulzie.[Retour au Texte Principal.]

Note 220: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 221: R. Chambers, tome I, p. 135.[Retour au Texte Principal.]

Note 222: Voir l'argument par Burns lui-même, publié pour la première fois par Scott Douglas, tom. I, p. 96.[Retour au Texte Principal.]

Note 223: Holy Willie's Prayer.[Retour au Texte Principal.]

Note 224: Holy Willie's Prayer.[Retour au Texte Principal.]

Note 225: Scott Douglas, tom. I, p. 102.[Retour au Texte Principal.]

Note 226: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 227: Buckle, tom. III, p. 288 et suivantes.[Retour au Texte Principal.]

Note 228: Address to the Deil.[Retour au Texte Principal.]

Note 229: Address to the unco Guid.[Retour au Texte Principal.]

Note 230: Chambers, tome I, p. 139.[Retour au Texte Principal.]

Note 231: Epistle to the Rev. John Mac Math.[Retour au Texte Principal.]

Note 232: Second Epistle to Davie.[Retour au Texte Principal.]

Note 233: Epistle to James Smith.[Retour au Texte Principal.]

Note 234: Gilbert. Letter to Dr Currie, respecting the composition of his Brother's Poems.[Retour au Texte Principal.]

Note 235: Chambers, tome I, p. 182-83.[Retour au Texte Principal.]

Note 236: Second Epistle to Lapraik.[Retour au Texte Principal.]

Note 237: Third Epistle to Lapraik.[Retour au Texte Principal.]

Note 238: Epistle to the Rev. John Mac Math.[Retour au Texte Principal.]

Note 239: Gilbert. Letter to Dr Currie, respecting the composition of his Brother's Poems.[Retour au Texte Principal.]

Note 240: Chambers, tome I, p. 147.[Retour au Texte Principal.]

Note 241: Gilbert. Letter to Dr Currie.[Retour au Texte Principal.]

Note 242: Chambers, tome I, p. 145.[Retour au Texte Principal.]

Note 243: Gilbert. Id.[Retour au Texte Principal.]

Note 244: Keats. Odes. Fragment. To Reynolds.[Retour au Texte Principal.]

Note 245: Common-place Book.[Retour au Texte Principal.]

Note 246: Epistle to J. Lapraik.[Retour au Texte Principal.]

Note 247: Epistle to W. Simson.[Retour au Texte Principal.]

Note 248: Epistle to W. Simson.[Retour au Texte Principal.]

Note 249: Epistle to James Smith.[Retour au Texte Principal.]

Note 250: The Vision.[Retour au Texte Principal.]

Note 251: Villon. Grand Testament, XXVI.[Retour au Texte Principal.]

Note 252: Id. Ballade intitulée: Les Contredits de Franc-Gontier.[Retour au Texte Principal.]

Note 253: Chambers, Domestic Annals, tom. III, p. 454.[Retour au Texte Principal.]

Note 254: Chambers, tom. I, p. 97,—et aussi les Souvenirs de Mrs Burns à Mr John Mac Diarmid, dans Hately Waddell, avec quelques divergences de détail peu importantes.[Retour au Texte Principal.]

Note 255: Voir Burns at Mossgiel, p. 50, et le petit plan de l'ancien Mauchline qui s'y trouve.[Retour au Texte Principal.]

Note 256: The Belles of Mauchline.[Retour au Texte Principal.]

Note 257: Epistle to Davie.[Retour au Texte Principal.]

Note 258: Address to The Deil.[Retour au Texte Principal.]

Note 259: To John Richmond, 17 February 1786.[Retour au Texte Principal.]

Note 260: To James Smith, Mauchline.[Retour au Texte Principal.]

Note 261: Lockhart, Life of Burns, p. 82.[Retour au Texte Principal.]

Note 262: R. Chambers, tom. I, p. 237.[Retour au Texte Principal.]

Note 263: Walker. Life of Burns, p. LVII.[Retour au Texte Principal.]

Note 264: Lockhart. Life of Burns, p. 83.[Retour au Texte Principal.]

Note 265: Lockhart. Life of Burns, p. 83.[Retour au Texte Principal.]

Note 266: To John Ballantine, April 1786.[Retour au Texte Principal.]

Note 267: R. Chambers, tom. I, p. 237-38.[Retour au Texte Principal.]

Note 268: R. Chambers, vol. I, p. 140.—Scott Douglas, tom. I, p. 293.[Retour au Texte Principal.]

Note 269: Chambers, vol. I, p. 259.[Retour au Texte Principal.]

Note 270: Samuel, liv. I, chap. XVII, 28.[Retour au Texte Principal.]

Note 271: Samuel, liv. II, chap. I, 20.[Retour au Texte Principal.]

Note 272: Nous n'avons pas trouvé cette citation exacte dans la Cruden's Concordance; il y a d'ailleurs dans la Bible des expressions analogues qui reviennent à plusieurs reprisés. Deut. 28, 29, Ps. I, 3.[Retour au Texte Principal.]

Note 273: To John Arnot of Dalquatswood, April 1786.[Retour au Texte Principal.]

Note 274: Ce sont les vers fameux de Wolsey. Shakspeare, Henri VIII, acte III, scène II.[Retour au Texte Principal.]

Note 275: Job, XXX, 26. Les citations de Burns ne sont pas toujours très fidèles. La phrase qui se trouve dans son texte est «And it came to pass that when I looked for sweet behold darkness». Le texte de la traduction anglaise est «When I looked for good, then evil came unto me, and when I waited for light, there came darkness».[Retour au Texte Principal.]

Note 276: Autobiographical Letter to Dr Moore.[Retour au Texte Principal.]

Note 277: To Mr Mac Whinnie, 17th April, 1786.[Retour au Texte Principal.]

Note 278: To Mr John Kennedy, 20 April 1786. L'expression se trouve à la fin de l'Elegy written in a Country Churchyard.[Retour au Texte Principal.]

Note 279: To a Mountain Daisy.[Retour au Texte Principal.]

Note 280: Song, composed in Spring.[Retour au Texte Principal.]

Note 281: The Lament, occasioned by the unfortunate issue of a friend's Amour.[Retour au Texte Principal.]

Note 282: Despondency, an ode.[Retour au Texte Principal.]

Note 283: To Ruin.[Retour au Texte Principal.]

Note 284: Gilbert's Narrative.[Retour au Texte Principal.]

Note 285: Scotch Drink.[Retour au Texte Principal.]

Note 286: Second Epistle to John Lapraik.[Retour au Texte Principal.]

Note 287: To Mr David Brice, 12th June, 1786.[Retour au Texte Principal.]

Note 288: The Lament.[Retour au Texte Principal.]

Note 289: The Vision.[Retour au Texte Principal.]

Note 290: The Lament.[Retour au Texte Principal.]

Note 291: The Lament.[Retour au Texte Principal.]

Note 292: To Mr David Brice. 12th June, 1786.[Retour au Texte Principal.]