De plus fort en plus fort

 

J’ai rencontré ce matin un homme, jeune encore, qui me verse une somme annuelle de 600 francs à seule fin que je n’imprime point son nom dans les feuilles publiques, mais que nous désignerons néanmoins sous le sobriquet de Captain Cap.

Le Captain Cap est un esprit curieux en lequel semblent s’être incarnés le sens de la météorologie, le bien informé des choses de mer, le génie du turf (le tout sans préjudice pour un vif penchant aux boissons cosmopolites).

Ayant beaucoup voyagé, le Captain Cap a beaucoup retenu, des aperçus esthétiques australiens et des airs de gigue de San-Francisco.

Le Captain Cap est ce qu’on appelle quelqu’un.

Je ne me souviens pas, depuis que je le connais, avoir seulement passé cinq minutes avec lui sans un petit effarement nouveau, un rien quelquefois, mais toujours quelque chose (sans qu’un muscle de sa physionomie ne tressaille, d’ailleurs).

Donc, ce matin, nous nous trouvions à une terrasse d’un café des Champs-Élysées (nous allons beaucoup au café, le Captain Cap et moi).

Nul garçon pour nous servir.

Cap sort de sa poche un décime et en frappe le marbre de la table avec violence.

Cet appel demeure vain.

Froidement Cap remplace l’humble heurtoir cuivreux par une pièce de cent sous. Et voilà qu’il tape, qu’il tape, qu’il tape.

L’inquiétante torpeur du café ne se réveille pas d’une semelle.

Alors, le brave Captain Cap, qui veut avoir le dernier mot, et boire, enfin ! extrait de son portefeuille un billet de mille francs, dont il choqua la table avec furie.

C’est seulement à cette intimation que le garçon se décide à se mettre à notre disposition.