Alger était malade.
Pataugeant dans ses crottes purulentes, elle dégueulait, déféquait sans arrêt. Ses foules dysentériques déferlaient des bas-quartiers dans des éruptions tumultueuses. La vermine émergeait des caniveaux, effervescente et corrosive, pullulait dans les rues qu’étuvait un soleil de plomb.
Alger s’agrippait à ses collines, la robe retroussée par-dessus son vagin éclaté, beuglait les diatribes diffusées par les minarets, rotait, grognait, barbouillée de partout, pantelante, les yeux chavirés, la gueule baveuse tandis que le peuple retenait son souffle devant le monstre incestueux qu’elle était en train de mettre au monde.
Alger accouchait. Dans la douleur et la nausée. Dans l’horreur, naturellement. Son pouls martelait les slogans des intégristes qui paradaient sur les boulevards d’un pas conquérant.
Il est des instants où les gourous supplantent les démons. La canicule s’inspire alors des flammes de l’enfer pour dissoudre les esprits. Et les hommes, à leur insu, s’identifient au carnaval des damnés.
Alger brûlait de l’orgasme des illuminés qui l’avaient violée. Enceinte de leur haine, elle se donnait en spectacle à l’endroit où on l’avait saillie, au milieu de sa baie à jamais maudite ; elle mettait bas sans retenue certes, mais avec la rage d’une mère qui réalise trop tard que le père de son enfant est son propre rejeton.
Une figure emblématique de la mouvance islamiste grimpa sur le toit d’un autocar. Un haut-parleur à la bouche, elle exigea le silence.
La foule refusa de s’apaiser.
– Tant que l’Algérien n’aura pas droit à son statut de citoyen à part entière, tant qu’on le maintiendra au rang de badaud, tant que l’on continuera, juste pour vérifier qu’il est encore en vie, de lui crier : « Circulez, il n’y a rien à voir », nous ne bougerons pas d’ici.
La cohue se souleva dans un tonnerre de vociférations.
– Nous n’irons nulle part. Nous resterons ici, dans la rue, de jour comme de nuit. Ils peuvent toujours nous encercler avec leurs épouvantails de CRS, nous provoquer de leurs fusils et de leur armada de pacotille, nous ne bougerons pas d’ici. Nous leur dirons que nous en avons assez de leur cirque, que nous ne marcherons plus dans leurs combines. Nous ne retournerons vaquer à nos occupations que lorsqu’ils auront compris, une fois pour toutes, que nous ne voulons plus d’eux, que nous sommes assez aguerris pour prendre notre destinée en main sans leur assistance. L’ère pécheresse est révolue. Notre terre est redevenue sainte. Leur place n’est plus parmi nous. Puisqu’ils refusent d’emprunter les voies du Seigneur, qu’ils aillent donc au diable.
Le FIS venait de décréter la désobéissance civile.