Chapitre 21

 

I

Nicolas prit Ibrahim à part.

— Vous avez des toilettes à l’étage ? demanda-t-il en se tenant l’estomac. Toute cette excitation semble m’avoir perturbé la digestion.

— Bien sûr, répondit Ibrahim en lui indiquant l’escalier. Première porte à gauche.

— Merci.

Nicolas se précipita à l’étage et s’enferma dans les toilettes. Puis il sortit son portable pour téléphoner à son père et lui raconter tout ce qui s’était passé.

— Qu’est-ce que je t’avais dit ! s’exclama Philippe.

— Vous avez eu raison sur toute la ligne, reconnut son fils.

— Et c’est elle qui l’a déchiffré ? La fille de Mitchell ?

— Oui. Vous ne vous étiez pas trompé sur elle.

— Il faut que je la rencontre.

— J’arrangerai ça dès que nous aurons fini.

— Non, maintenant. Ce soir.

— Ce soir ? Vous êtes sûr ?

— Elle a deviné qu’il y avait un niveau inférieur dans la tombe macédonienne. Elle a compris que l’inscription était cryptée et elle a su la déchiffrer. C’est elle qui découvrira ce que nous cherchons. J’en ai l’intime conviction. Et à ce moment-là, il faudra qu’elle soit de notre côté. Tu comprends ?

— Bien, père, je vais m’en occuper.

Nicolas raccrocha et téléphona à Gabbar Mounim, au Caire, comme il en avait convenu avec son père.

— Monsieur Dragoumis, dit Mounim. J’ose espérer que vous avez été satisfait de...

— Tout à fait. Écoutez, j’ai besoin de vos services d’urgence.

— De quoi s’agit-il ?

— Notre ami du CSA est en réunion. Lorsqu’il aura terminé, il trouvera sur son bureau un message lui indiquant de contacter Ibrahim Beyumi, à Alexandrie. Monsieur Beyumi va solliciter un entretien. Je veux que notre ami invite une tierce personne et réponde favorablement à ses requêtes. Il s’agit d’Elena Koloktronis.

Il épela le nom.

— Faites savoir à notre ami qu’il sera récompensé très généreusement, poursuivit-il, tout comme vous, d’ailleurs. Vous savez que je suis un homme de parole.

— En effet, gloussa Mounim. C’est comme si c’était fait.

— Merci.

Nicolas passa encore quelques coups de fil pour mettre son plan à exécution, puis tira la chasse d’eau, se lava les mains et retourna au rez-de-chaussée.

— Ça va mieux ? demanda Ibrahim avec sollicitude.

— Beaucoup mieux, merci.

— Vous ne devinerez jamais ce qui vient de se passer. Yusuf Abbas vient de téléphoner. Il m’a proposé de le rejoindre immédiatement au Caire.

— Qu’est-ce qu’il y a de surprenant ? C’est bien ce que vous vouliez, non ?

— Oui, mais il a également invité Elena. Et nous ne comprenons ni l’un ni l’autre comment il a pu savoir qu’elle était en Égypte.

 

II

Nessim ne vit aucune trace de Knox dans le Sérapeum. Il n’y avait pas grand monde, en réalité, à part deux touristes coréens et une famille rassemblée autour d’un modeste pique-nique. Il fit signe à Ratib et Sami de se disperser. Ils ouvrirent l’œil mais, lorsqu’ils atteignirent le mur du fond, ils étaient toujours bredouilles.

Badr était encore en ligne.

— Êtes-vous absolument sûr qu’il est ici ? demanda Nessim d’un ton sec.

— Oui, vous avez dû passer devant lui. Je ne comprends pas.

Nessim lança un regard interrogateur à Ratib et à Sami. Ceux-ci haussèrent les épaules en secouant la tête. Il leur fit signe de le rejoindre au pied de la colonne, où il arriva le premier. Sur le sol, il remarqua un sachet en papier kraft que le vent essayait d’emporter. Il le poussa un peu du pied, puis l’ouvrit avec précaution. A l’intérieur, se trouvait un téléphone portable. Il le prit et le regarda, les sourcils froncés, en se demandant ce que cela voulait dire.

Un bruit de verre brisé se fit entendre de l’autre côté du mur, là où il avait garé le Freelander, qui contenait encore toutes les affaires de Knox. Une alarme se déclencha. Et un vieux moteur rugit. Nessim ferma les yeux et se frappa le front.

Il détestait Knox. Il le détestait. Mais il ne pouvait pas s’empêcher de l’admirer.

 

III

Nicolas attira Elena dans un coin pour lui dire que c’était lui qui avait organisé son entretien avec Yusuf et lui expliquer ce qu’elle devait essayer d’obtenir à cette occasion. Yusuf Abbas était cupide mais prudent. Si Elena lui fournissait un prétexte légitime pour autoriser une fouille à Siwa, en obtenant un bakchich au passage, il l’autoriserait. Mais il lui fallait une raison légitime. Une étude épigraphique rapide, par exemple, qui n’impliquerait qu’elle et Gaëlle.

— Gaëlle ? s’étonna Elena. Est-ce qu’on peut lui faire confiance ?

— Ce sont les ordres de mon père. Vous vous chargez de Yusuf ?

— Pas de problème.

Nicolas s’approcha de Gaëlle, qui téléchargeait ses photos sur l’ordinateur portable d’Ibrahim pour que celui-ci puisse les montrer à Yusuf. Il attendit qu’elle ait terminé et lui demanda s’il pouvait lui dire un mot.

— Bien sûr, répondit-elle. A quel sujet ?

Il l’entraîna dans le petit jardin d’Ibrahim.

— Mon père aimerait vous rencontrer.

— Votre père ?

Gaëlle sembla un peu inquiète.

— Je ne comprends pas, dit-elle. Je ne le connais même pas.

— C’est le fondateur de la Fondation archéologique macédonienne, c’est-à-dire votre patron. C’est lui qui a suggéré à Elena de vous recruter.

— Mais... pourquoi ?

— Il connaissait votre père. Il avait beaucoup d’admiration pour lui, alors il a gardé un œil sur votre carrière. Quand Elena a eu besoin de quelqu’un, il a tout naturellement pensé à vous.

— C’est... très gentil à lui.

— C’est un homme très gentil, dit Nicolas avec le plus grand sérieux. Et il veut que vous dîniez avec lui ce soir.

— Quoi ? Il est à Alexandrie ?

— Non, à Thessalonique.

— Mais... je ne comprends pas.

Nicolas sourit.

— Vous avez déjà voyagé à bord d’un jet privé ?