Chapitre X
Assis sur le seuil de sa baraque, Morane tournait et retournait entre ses doigts le télégramme de Jacques Lamertin. Reçu le matin même, il disait :
Connais les dangers que vous courez. Stop. Si impossible de lutter contre les laves, abandonnez tout et fuyez la région. Stop. Vous en conjure, ne risquez pas inutilement votre vie. Stop. Lamertin.
Bob releva la tête et laissa errer ses regards autour de lui. Sous son large toit de tôle ondulée, l’appareillage compliqué, prétentieusement doté du nom d’« usine » et destiné à pomper les eaux du lac et à séparer le méthane de l’hydrogène sulfuré, dormait tel un monstre pétrifié. Un monstre que Morane et ses amis avaient mis trois semaines à procréer, dans une angoisse perpétuelle, une attention de tous les instants. « Et maintenant il faudrait tout abandonner, songea Bob, simplement parce que le Kalima a décidé de faire des siennes ? »
Une déflagration puissante ébranla soudain l’atmosphère, faisant vibrer les vitres de l’unique fenêtre de la baraque. Cela signifiait que, là-bas, Packart venait de barrer une des vallées encaissées par lesquelles la lave s’écoulait vers le lac.
« Voilà notre réponse, murmura Morane en froissant le télégramme. Tant qu’il y aura du T.N.T. il y aura de l’espoir… »
Quelques heures plus tôt, une première détonation lui avait annoncé le début de l’offensive contre le volcan. Bientôt de nouvelles charges d’explosifs contribueraient, en obstruant la troisième vallée, à arrêter complètement la marche des laves. Pour combien de temps ? Bob se le demandait avec angoisse. Il se demanda aussi pourquoi il restait là. Rien ne l’y retenait. Il avait promis à Lamertin de lutter contre les mystérieux ennemis de la C.M.C.A., mais non contre les éléments. Il pouvait partir à tout moment s’il le désirait Lamertin lui-même l’y engageait. Pourtant il demeurait. « Je sais pourquoi je reste, songea-t-il. Je sais pourquoi Packart et les autres restent. C’est parce qu’une aventure ne mérite d’être vécue qu’à condition de la mener jusqu’au bout, quels que soient les risques. Dans le cas contraire, elle devient une chose banale et sans saveur… »
En songeant à Packart et à ses compagnons, Morane sentit soudain une amertume l’envahir. L’un d’eux, il le savait, jouait contre lui et contre la Compagnie. Depuis ce jour où il avait découvert les coupures de presse parlant des exploits de Kreitz durant la guerre, Bob ne croyait plus guère à la culpabilité de l’Allemand, et jamais il n’avait cru à celle de Packart. Restait donc Lamers, Xaroff et Bernier ! Depuis quelques jours cependant, l’activité de l’adversaire semblait s’être considérablement ralentie, pour ne pas dire arrêtée tout à fait. Morane serra les poings. « Pourquoi ces bandits se fatigueraient-ils encore à nous combattre ? songea-t-il. Puisque le Kalima s’en charge à leur place. À côté de cette éruption, la bombe qui fit couler le « Mercédès » paraît n’être qu’un vulgaire pétard ! » Alors, tout s’éclaira soudain pour lui, et le nom du responsable de l’attentat vint tout naturellement sur ses lèvres. Son poing droit claqua violemment dans la paume de sa main gauche ouverte, tandis qu’une expression de colère vindicative se lisait sur ses traits durcis. « Comment n’y ai-je pas songé plus tôt ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ! » Il se dressa d’un bond et marcha vers une cabane située non loin de la sienne. À vrai dire, il n’aimait guère la besogne d’espion à laquelle il allait se livrer, mais c’était là le seul moyen d’obtenir une preuve quelconque ou, tout au moins, des certitudes.
La porte de la cabane était fermée à clé, mais Morane savait où trouver un passe-partout, et il n’eut guère de mal à venir à bout de la serrure. Une fois dans la place, il se mit à chercher avec méthode, en ayant soin de remettre strictement à sa place chaque objet déplacé. Tout d’abord, il ne trouva rien. Puis, dans un carnet, il découvrit, inscrite en caractères d’imprimerie, l’adresse parisienne d’une puissante compagnie minière qui, depuis quelque temps, faisait beaucoup parler d’elle : Uranium Europe-Afrique. Sans savoir pourquoi, Morane trouva à ces trois mots, prononcés à haute voix, une consonance insolite. Il continua ses recherches et, dans un des tiroirs du bureau, finit par dénicher un tube à échantillon qui, à première vue, lui parut contenir du minerai d’uranium. Le tube à échantillon portait la marque, gravée sur le bouchon, de la C.M.C.A., et il était probable, sinon certain, que le minerai avait été récolté dans la région.
Mais Morane n’eut guère le temps de pousser plus loin ses investigations. Au dehors, un vrombissement déchira tout à coup le silence et, descendant du ciel tel un gigantesque épervier fondant sur sa proie un hélicoptère s’encadra dans le rectangle de la fenêtre.
Rapidement, Bob remit carnet et tube là où il les avait découverts, puis il sortit et referma soigneusement la porte derrière lui. Il ne tenait pas à être surpris en train d’effectuer sa besogne d’espion. Non par peur, mais afin de ne pas donner l’éveil au coupable qui, peut-être, pour une raison quelconque, avait quitté Packart et s’en revenait à bord de l’hélicoptère.
Contournant la maisonnette, Morane regagna la sienne et déboucha dans la cour des chantiers, où l’hélicoptère s’était posé. Le pilote en descendit et courut vers lui.
— Que se passe-t-il ? demanda Bob. Vous deviez demeurer là-bas, pour surveiller l’avance des laves pendant que Packart et son équipe minaient les parois des vallées.
— Je sais, monsieur Morane, mais c’est le professeur Packart lui-même qui m’envoie, pour vous dire…
L’homme semblait à bout de souffle. Il aspira une grande bouffée d’air.
— Pour me dire quoi ? interrogea Morane avec impatience :
— Pour vous dire qu’il est impossible d’obstruer la troisième vallée. Celle-ci est propriété privée, et son propriétaire nous en interdit l’accès. Des hommes armés la gardent…
Bob fronça les sourcils. Cette nouvelle lui paraissait invraisemblable.
— Propriété privée, dit-il, cette vallée désertique où poussent seulement quelques cactus ? Cela m’étonnerait…
— Il n’y a pourtant pas à douter. Le chef des gardes a produit un acte de propriété en bonne et due forme.
« Un acte de propriété en bonne et due forme, murmura Morane. Des gardes armés pour interdire l’accès d’une vallée dont la seule richesse se limite à quelques épineux et à des légions de reptiles. Cela sent drôlement le coup monté… »
Au bout d’un moment, il releva la tête.
— Mettez votre moteur en marche, dit-il au pilote. Je vous accompagne.
Il disparut dans sa baraque et en ressortit quelques instants plus tard. Sous le bras, il portait un paquet volumineux et lourd, enveloppé dans une toile de bâche. D’un grand geste Bob réunit alors autour de lui une dizaine de gardes demeurés fidèles – les autres avaient fui devant le séisme – et il leur désigna les appareils d’extraction du méthane endormis sous leur couverture de tôle ondulée.
— Disposez vous tout autour, ordonna-t-il, et, à la moindre alerte n’hésitez pas à ouvrir le feu sur quiconque tentera de s’en approcher…
L’hélicoptère était prêt à prendre l’air. Morane y déposa son fardeau et, d’un bond se hissa à bord.
*
* *
Il fallut dix minutes à peine au Sikorsky pour gagner la région de collines – anciens cônes volcaniques arrondis – à travers laquelle s’ouvraient les trois vallées servant de cheminement aux laves. Ces vallées, creusées en plein roc par des torrents descendus des plus hautes montagnes, avaient l’aspect encaissé de ces rues de New York où jamais le soleil ne parvient. Deux de ces défilés étaient déjà obstrués par des amoncellements chaotiques de rochers derrière lesquels plus loin, on discernait le cheminement lent des laves, énormes serpents grisâtres mouchetés de feu.
La vallée au fond de laquelle s’avançait la troisième coulée demeurait encore ouverte. À son débouché, on discernait deux groupes d’hommes se faisant face. L’un de ces groupes occupait l’entrée même du défilé.
L’hélicoptère se posa un peu en arrière du second groupe stationné dans la plaine. Packart vint aussitôt à la rencontre de Bob et désigna les hommes, au nombre d’une dizaine, gardant l’entrée de la vallée.
— Ils ne veulent rien entendre et, si nous voulons miner les falaises, il nous faudra leur passer sur le ventre…
Pendant un moment, Morane demeura perplexe.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de propriété privée ? demanda-t-il finalement.
Le géant eut un geste de lassitude et, selon son habitude, se frotta les mains l’une sur l’autre, dos contre paume.
— Le type qui commande les gardiens de la vallée – ce grand roux, là-bas – m’a montré un titre de propriété, tout simplement. Il me paraît en règle. Ils ont d’ailleurs déjà posé des barbelés à l’entrée du défilé…
— Au nom de qui est-il libellé, ce titre de propriété ?
— Au nom de Elie Korta, un Rhodien, plus trafiquant que marchand, qui habite la ville. Un de ces types qui, s’il était horloger, vous rendrait une tocante d’uniprix quand vous lui avez confié la montre en or de votre grand-père à réparer.
— Je vois cela, fit Morane. Tout à fait l’individu à qui l’on peut faire confiance… Un homme de paille sans doute…
— Il y a beaucoup de chances. Mais cela ne me dit pas qui il couvre.
— Tout simplement ceux-là même qui veulent la perte de la Compagnie. Depuis l’affaire du « Mercédès », ils ne s’étaient plus manifestés. Aujourd’hui, ils reprennent du poil de la bête. La coulée de lave leur offre d’ailleurs une arme de tout premier ordre. Si cette coulée passe et atteint le lac, la ville de Bomba est nettoyée et, avec elle, la C.M.C.A. Plus tard, quand les gaz se seront dissipés, la société adverse n’aura plus qu’à venir s’installer dans la région…
— Ah, parce qu’il s’agit d’une société adverse ?…
— Quelque chose comme cela, fit Bob. Mais je n’ai encore aucune certitude, et je préfère attendre avant de tirer des conclusions définitives. Le plus pressé à l’heure présente est d’arrêter la troisième coulée de lave…
Par trois fois, le savant souleva ses puissantes épaules en signe de protestation.
— Rien à faire de ce côté, mon vieux Bob. Ces gars-là ont la loi pour eux. Pénétrer de force dans le défilé équivaudrait à se rendre coupable de violation de domicile…
Un éclat de rire forcé secoua Morane.
— Eh bien, disons que nous allons violer un domicile, éclata-t-il.
— Pourtant, la propriété privée…
— Il s’agit bien ici de propriété privée ! Au contraire, il s’agit du bien commun. Songez à la perte qu’éprouverait le gouvernement du Centre Afrique si la lave atteignait le lac ? Les dégâts se chiffreraient sans doute par milliards, car rien ne dit que le méthane ne s’enflammerait pas au contact de l’air. Et je ne parle pas des vies humaines. Si j’en parle, cela me décide tout à fait à me rendre maître de la vallée…
Cette fois, Packart ne résista plus.
— Vous avez raison, comme toujours, fit-il. Je n’avais pas envisagé la situation sous cet angle. Mon respect de la loi m’aveuglait…
— Oublions la loi pour le moment, et attachons-nous à conquérir cette vallée.
— Cela ne sera guère aisé, constata Packart avec une moue d’inquiétude. Les autres sont armés. Ils se défendront, et il y aura des morts…
— Il faut trouver le moyen de s’en tirer autrement, dit Morane. Avec un peu de chance, je réussirai peut-être à convaincre ceux d’en face de nous laisser le chemin libre…
Il s’en retourna vers l’hélicoptère et en tira le paquet enveloppé d’une toile de bâche. Ensuite, il se dirigea vers l’entrée de la vallée. Quand il en fut à une centaine de mètres seulement, il déposa son fardeau derrière un tas de pierres. Packart surveillait ses mouvements avec curiosité, se demandant sans doute ce qui allait résulter de ces allées et venues.
Posément, Morane s’était mis à dérouler la toile de bâche découvrant une mitrailleuse légère, dont il assembla avec soin les différents éléments.
— Je l’avais bien dit, remarqua Packart, ce sera la guerre. Allons, il va falloir nous changer, une fois de plus, en soldats…
Bob ne répondit pas. Il se contenta de glisser un chargeur dans l’arme et de pointer celle-ci en direction de l’entrée de la vallée. Dissimulé comme il l’était par le tas de pierres, ses manœuvres étaient, à coup sûr, passées inaperçues aux gardiens. Un peu à l’écart, Kreitz, Bernier, Lawrens, Xaroff et les artificiers de la C.M.C.A. épiaient ses mouvements avec curiosité.
Ses préparatifs guerriers terminés, Morane se redressa, et, les mains libres, se mit à marcher lentement en direction du défilé. Aussitôt, les gardes se dressèrent pour lui barrer le chemin. Mais Bob s’arrêta à une vingtaine de mètres d’eux et demanda :
— Qui est votre chef ?
L’un des hommes, un grand escogriffe aux cheveux couleur de flamme, avança d’un pas.
— Ici, c’est moi qui commande. Si cela vous dérange…
— Cela ne me dérange aucunement, répondit Morane d’une voix calme. Cela m’est même égal que vous restiez chef… à condition d’aller exercer votre pouvoir ailleurs.
L’homme avança d’un pas encore, et demanda d’une voix mauvaise :
— Ce qui veut dire ?
— Que vous allez filer. Nous avons besoin de pénétrer dans cette vallée, et nous y pénétrerons.
L’autre eut un rire gras et se tourna à demi vers ses compagnons.
— Voyez-vous ça, monsieur veut pénétrer dans cette vallée. Comme ça… Montrez-leur, les gars, ce qui arrivera s’il ose s’y risquer.
Toute la troupe recula de quelques pas à l’intérieur de la vallée, et dix carabines se braquèrent en direction de Bob. Celui-ci sourit.
— Vous pouvez la garder, votre vallée, dit-il. Puisque vous voulez y rester, vous y resterez…
Il tourna les talons et regagna le tas de pierres, derrière lequel il se coucha à plat ventre. Il saisit alors la poignée de la mitrailleuse, arma celle-ci d’un coup sec et visa soigneusement.
— Que voulez-vous faire ? demanda Packart.
Seul, le tacatac de la mitrailleuse lui répondit et la rafale, soigneusement dirigée, souleva de petits nuages de sable et de pierres pulvérisées aux pieds des gardes. Ceux-ci, d’un seul élan, reculèrent plus profondément encore entre les parois encaissées et se jetèrent à plat ventre.
— Vous tenez tant à cette vallée, hurla Morane. Eh bien, restez-y !…
La voix du rouquin retentit.
— Les munitions et les vivres ne nous manquent pas. Nous avons tout le temps. Et si vous croyez que votre moulin à café nous fait peur…
— Je n’ai pas l’intention de vous faire peur, cria encore Morane. Quant à avoir le temps, vous avez vraiment le temps… Le temps que mettra la lave pour vous atteindre. Vous vouliez garder ce défilé et maintenant vous y êtes pris comme dans une trappe. Si vous tentez de sortir, la mitrailleuse vous fauchera. Si vous y demeurez, la lave vous carbonisera.
Un des gardes se dressa et tenta une sortie, mais aucun accident de terrain, aucun rocher, aucun bosquet ne protégeait sa fuite. Une nouvelle fois, la mitrailleuse cracha, et les balles vinrent fouetter le sol à cinquante centimètres en avant de lui. L’homme recula et regagna l’endroit qu’il venait de quitter.
De la vallée, quelques coups de feu partirent mais, comme les compagnons de Morane s’étaient à leur tour jetés à plat ventre, ils ne firent guère de mal.
Un long silence succéda, puis la voix de l’homme à la chevelure rouge retentit encore.
— Nous attendrons la nuit et, alors, nous réussirons bien à vous échapper.
— Ce sera trop tard. Avant le crépuscule, la lave vous aura atteints. Ce sera vraiment là une vilaine mort.
À nouveau, il y eut un silence. Très long. Les gardes, là-bas, devaient se concerter.
— Et que ferez-vous s’ils décident de tenter une sortie les armes à la main ? demanda Packart.
— Je leur tire dessus, fit Bob. Je n’ai pas le choix. Je joue leurs vies de sacripants contre des milliers d’autres vies innocentes. Pour l’instant, il ne s’agit plus seulement de la Compagnie, je vous l’ai dit… Ces gens ont voulu se dresser sur notre chemin. À présent, ils sont pris au piège, et ils devront se rendre ou périr…
Des rangs ennemis, une rumeur monta, puis une voix hurla :
— Nous ne voulons pas mourir. Nous n’avons aucun intérêt dans toute cette histoire…
— Oui, si ceux qui nous ont payés veulent prendre notre place, qu’ils y viennent !
— Peut-être aiment-ils la chaleur. Nous pas !…
Morane se tourna vers Packart et sourit.
— Voilà comment se gagnent les batailles, fit-il.
Tout de suite après, il se mit à crier :
— Puisque vous désirez vous rendre, jetez vos armes et avancez, les mains croisées au-dessus de la tête…
Un fusil vola en l’air et atterrit sur la pierre avec un bruit mat. Un revolver le suivit, puis encore un fusil… Débarrassés de leurs armes, les gardes se dressèrent et, les bras levés se mirent à avancer lentement en direction de Morane et de ses compagnons. La mitrailleuse toujours pointée, Bob les surveillait. Mais ils ne firent aucune tentative de traîtrise et quelques secondes plus tard, ils étaient entourés et fouillés avec soin.
— Qu’allez-vous faire de nous ? demanda le chef.
Morane haussa les épaules.
— Que peut-on vous reprocher exactement ? On vous a payés pour garder une propriété privée, et vous avez obéi. Ce n’est pas un crime… Tout à l’heure, quand nous aurons terminé notre travail, nous vous rendrons la liberté, et vous pourrez aller vous faire pendre ailleurs…
— Il faudrait pourtant leur demander pour qui ils travaillaient, dit Packart.
Bob se tourna vers l’homme aux cheveux roux.
— Vous avez entendu ? fit-il. Pour le compte de qui travailliez-vous…
L’autre grimaça.
— Monsieur Korta nous a dit comme ça : « Ce terrain m’appartient, et vous allez empêcher quiconque d’y entrer, surtout ces gens de la C.M.C.A. » Il nous a payés et il est parti…
— Et derrière Korta, demanda encore Morane, qui y avait-il ?
L’homme grimaça à nouveau et, par deux fois, cracha à ses pieds.
— Korta est comme le chien sans race. Il a beaucoup de maîtres. Il obéit à tous ceux qui peuvent le payer cher…
— Connaîtrais-tu, par hasard, quelques-uns de ces maîtres ?
— Je n’ai jamais essayé de les connaître et je n’y tiens pas davantage maintenant. Tous peuvent aller se faire pendre !
Selon toute apparence, l’homme ne mentait pas. Dans toute cette histoire, il n’était qu’un comparse sans importance. D’ailleurs, Morane et ses compagnons avaient autre chose à faire que perdre leur temps en de stériles interrogations.
Morane montra les falaises à pic dominant la vallée.
— Nous avons du travail qui nous attend, car les laves, elles, n’attendent pas…
Vraiment, il y avait du travail, mais les artificiers de la C.M.C.A. ne chômaient guère et connaissaient leur métier. Deux heures plus tard, une formidable déflagration ébranlait la montagne et les falaises déchiquetées par les charges de T.N.T., s’effondrèrent dans un chaos indescriptible de rocs enchevêtrés, fermant la vallée sur toute sa largeur.
Les hommes avaient gagné la première manche de la bataille entreprise contre le volcan, en élevant des barrières contre lesquelles la griffe de feu s’émousserait. Mais ces barrières réussiraient-elles à résister longtemps à l’assaut redoutable des laves dont le poids toujours augmenté par de nouveaux apports de matière, agirait comme un gigantesque bélier ? Si les barrages cédaient, rien ne pourrait plus empêcher les coulées d’atteindre le lac.
Finalement, malgré le succès remporté par les hommes, le Kalima gardait l’initiative du combat.