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Le groupe des Solo venait de parcourir près de la moitié de la passerelle piétonne des zones d’accostage d’Eastport lorsqu’un craquement assourdissant retentit dans le ciel, faisant trembler les immeubles avoisinants. Ses réflexes parfaitement conditionnés pour avoir bien trop de fois frôlé la mort de près, Han s’accroupit et chercha l’origine du problème. Il vit alors les boules de feu orangées se refléter sur les panneaux de transparacier des tours d’observation environnantes. Il reporta son attention sur la silhouette indistincte de son épouse serrant Ben entre ses bras.
Comme la plupart des autres personnes sur la passerelle, Leia était toujours debout, se dévissant le cou pour essayer de voir ce qui pouvait bien faire tant de bruit. Han la saisit par le coude et l’attira vers lui.
– Chérie ! Baisse-toi !
Une odeur d’ozone et de cendres afflua, portée par un souffle brûlant. Une boule de feu de la taille d’un engin spatial passa en grondant au-dessus d’eux. Elle alla s’écraser à près de cinq cents mètres de là dans le canyon de duracier, désintégrant près de quarante étages d’une tour résidentielle et faisant s’écrouler les murs de trois immeubles adjacents. L’onde de choc dispersa tous les engins volants du trafic aérien et vint frapper le pont. L’air devint aussi chaud que pendant une épidémie de sécheresse sur Tatooine. Adarakh et Meewahl lâchèrent les bagages et offrirent leurs corps comme boucliers à Han et à Leia. C-3PO fit trois pas sur la passerelle avant que lui, et le pot de ladalums qu’il transportait, soit rattrapé par le droïde de guerre CYV que Lando leur avait prêté. Le droïde-nounou de Ben fut balayé du pont, tout comme une centaine de passants hurlant de terreur.
– Quelle horreur ! dit C-3PO en se penchant par-dessus la rambarde. Elle va être réduite en miettes. On ne pourra pas la réparer !
– Et nous non plus, si nous ne décampons pas d’ici, dit Han en se relevant.
Tenant toujours le bras de Leia, il commença à se frayer un chemin à travers la foule. La bataille de Coruscant avait à présent lieu en orbite basse et les décharges de l’artillerie créaient un mortel feu d’artifice dans les deux. La planète était également l’objet d’un bombardement incessant d’épaves de vaisseaux spatiaux en flammes. Ils avaient parcouru un kilomètre depuis qu’ils avaient quitté l’appartement et la progression avait été des plus hasardeuses. A deux reprises, ils avaient été obligés de se détourner de leur chemin pour contourner des impacts qui avaient troué le pont au niveau des restes fumants d’immeubles décapités.
Plus ils approchaient de l’aire d’accostage et plus la foule semblait se mouvoir lentement. Han finit par comprendre la situation en arrivant à quelques mètres du building suivant. Deux soldats bien charpentés des Forces de Défense, intégralement recouverts d’une combinaison de protection et d’un casque, gardaient la porte d’accès à moitié ouverte. Ils procédaient à une inspection méticuleuse des identipuces de chacun et laissaient passer les piétons un par un. Etant donné les circonstances, leur comportement semblait des plus extravagants.
L’un des gardes se tourna vers Han, fixa le Corellien à travers sa visière fumée et leva son scanner.
– Identipuce ?
– Vous ne savez pas qui on est ? demanda Han, présentant les plaques d’identification de tous les membres de son groupe. (Leia et lui avaient décidé de ne pas se grimer pour franchir la foule. Depuis leur départ de l’appartement, ils avaient été l’objet de chuchotements constants et de doigts pointés dans leur direction. Seule la présence menaçante du droïde CYV de Lando avait empêché les citoyens apeurés de les harceler de questions auxquelles ils ne pouvaient pas répondre sous peine de trop se mettre en retard.) Où vous a-t-on recrutés, les gars ? Sur Pzob ?
– C’est le règlement… (Le soldat regarda l’écran de son scanner analytique.) Solo, hein ? Je ne vois que quatre identipuces. Et vous êtes cinq.
– Oh, lâchez-moi un peu, vous voulez ? dit Han. (Il sentit le droïde de guerre CYV se poster à côté de lui. Il lui fit un signe discret de ne pas se mêler de ça.) Le bébé n’a que quatre mois…
Le soldat continua de le dévisager derrière ses verres fumés.
– Et il faut six mois pour obtenir une identipuce, bluffa Han. (Si ce type était incapable de reconnaître Han et Leia, il y avait fort à parier qu’il n’était pas non plus au courant des procédures administratives de Coruscant.) En attendant, les gosses sont supposés voyager sur l’identipuce de leurs parents.
– Bien sûr. (Le soldat baissa son analyseur. Il indiqua alors une passerelle extérieure conduisant à un vaste balcon où attendait une foule de droïdes.) Vous pouvez passer mais vos mécaniques doivent rester ici. Pas de place pour les évacuer.
– Rester ici ? répéta C-3PO. Mais ma place est aux côtés de…
Han fit signe au droïde de protocole de se taire.
– Mes droïdes ne prendront la place de personne. Nous disposons de notre propre vaisseau.
– Vaisseau que vous devez aussi employer pour aider à l’évacuation des êtres vivants, dit le second garde en s’approchant. Pas de ces choses dénuées de vie…
– Veuillez rester calme, dit le droïde de guerre CYV en se glissant entre Han et Leia. Il s’agit d’une urgence militaire.
– Qu’est-ce que… ? commença à demander Han en se tournant vers le droïde.
Deux rayons de blaster filèrent sous ses yeux et s’en allèrent perforer les poitrines des deux gardes. Leia poussa un cri. Ben se mit à pleurer. Un murmure stupéfait parcourut la foule. C-3PO, tenant toujours son pot de fleurs en tremblant – les ladalums de Leia ayant été vaporisés par le tir de blaster –, entreprit de s’écarter de son imposant congénère.
– Mais enfin, 1-507A ! En voilà une idée ! Ta programmation doit être perturbée…
Le droïde de guerre émit un signal en langage électronique, qui obligea C-3PO à reculer un peu plus, puis il se tourna vers Han.
– Je vous présente mes excuses pour ce retard d’identification. Les combinaisons intégrales ont perturbé mes critères.
– Tes critères ? (Han fit sauter le verrou du casque d’un des gardes et découvrit un grimage Ooglith en train de se rétracter du visage de son hôte.) Moi qui pensais que tu avais peur d’être abandonné…
Les bureaucrates, hommes d’affaires, banquiers et tous les gens qui affluaient par la porte trente-sept-zéro-zéro de la baie d’accostage d’Eastport n’étaient pas des réfugiés ordinaires. Ils allaient et venaient dans le grand hall d’embarquement escortés de droïdes et d’assistants tirant derrière eux des chariots flottants chargés d’œuvres d’art et de coffres-forts portables. La plupart étaient protégés par des serviteurs armés jusqu’aux dents, des gardes du corps appartenant à des espèces particulièrement intimidantes, voire des droïdes de sécurité S-EP1 de chez Ulban Armement. Mais une seule famille pouvait se targuer d’avoir à sa disposition des porteurs Noghri, un droïde de protocole équipé d’un pot de ladalums carbonisés et un droïde de guerre CYV parfaitement configuré pour les interventions d’urgence. Comme d’habitude, les Solo étaient les moins discrets au milieu d’une foule qui ne brillait pourtant pas par sa discrétion.
Les pores de sa peau complètement irrités par le grimage Ooglith qu’elle portait depuis la tentative d’enlèvement ratée, Viqi Shesh se tourna vers l’enfant qui se tenait à côté d’elle, appuyé à la rambarde de la passerelle d’observation. Avec une tignasse de cheveux blonds en bataille, de grands yeux ronds et bleus semblables aux médailles du mérite de l’Ancienne République, le gamin était le portrait craché d’Anakin Solo à l’âge de douze ans, tel qu’il apparaissait sur certaines bandes d’archives des journaux holographiques. Et comment, qu’il lui ressemblait… Viqi avait dépensé une petite fortune en chirurgie cosmétique et en Bacta pour qu’il lui ressemble à ce point.
– Tu les voix, Dab ? Ce sont ceux qui ont le gros droïde de guerre…
– Difficile de les manquer, répondit le gamin. Tout le monde dans la galaxie connaît les Solo. Vous ne m’aviez pas dit que c’était eux.
– Je ne t’ai pas dit grand-chose, dit Viqi. (Grâce à une espèce de sangsue Yuuzhan Vong logée dans sa gorge, la voix d’ordinaire soyeuse de Viqi était à présent presque aiguë et chevrotante.) Mais, si toi et ta famille vous voulez vraiment vous enfuir de Coruscant, je n’ai pas besoin de t’en dire plus.
Le garçon détourna le regard.
– Je comprends.
Sa mère et ses deux sœurs se trouvaient déjà à bord du yacht de Viqi, parqué sous un faux nom de l’autre côté du Faucon, juste à côté d’un paquebot stellaire républicain baptisé le Byrt. Elle observa le gamin, se demandant si elle n’avait pas mal jugé ce drôle de petit bonhomme, lorsqu’elle l’avait surpris dans les étages inférieurs à faire les poches d’un Arconan ivre de sel. Si cet enfant se révélait posséder le moindre sens de l’honneur – ou bien l’ombre d’une conscience – Viqi serait vouée à la perdition, autant que Coruscant elle-même. Après l’annonce, sur le réseau HoloNet, de son échec à l’appartement des Solo, le villip de Tsavong Lah s’était animé pour bien le lui faire comprendre.
– T’as intérêt, Dab, dit Viqi. Je ne prends pas l’échec à la légère. Je ne supporte pas l’échec, en fait.
On pouvait faire confiance au responsable de l’accostage d’Eastport pour faire rentrer un ronto dans un trou de rabac. En conservant l’iris du dôme ouvert en permanence et en invitant le Byrt à se poser sur des clamps magnétiques, l’excellent Shev Watsn était parvenu à caser un paquebot stellaire de deux cents mètres de long dans un logement initialement prévu pour un yacht ou un transport léger.
Mais Leia lui aurait tout de même bien administré un grand coup de sabre laser.
Dix mille personnes terrifiées attendaient pour embarquer sur un vaisseau qui ne pouvait en contenir que cinq mille tout au plus. Et la plupart se tenaient devant la baie d’accostage trente-sept trente-trois où était posé le Faucon sous une fausse identité. Leia avait hâte d’embarquer à bord du cargo et de quitter Coruscant avec Ben. Mais elle savait qu’ils seraient assaillis par la foule de réfugiés désespérés à l’instant où ils tenteraient de se frayer un chemin parmi eux. Pour l’heure, le mieux était d’attendre à proximité du Byrt que l’embarquement commence et de rejoindre la baie d’accostage du Faucon dès que la foule se mettrait en mouvement.
Leia espéra qu’ils auraient suffisamment de temps. Dans le ciel, visible par l’étroite ouverture en croissant au-dessus de la proue du Byrt, elle vit un flot régulier de yachts gouvernementaux prendre leur envol de la Cité Impériale. Les sénateurs et les officiels du gouvernement de la Nouvelle République étaient en train d’abandonner leurs postes. Jusqu’à présent, les Yuuzhan Vong avaient été trop occupés avec les forces militaires républicaines pour s’en prendre aux civils en fuite. Mais les choses changeraient très prochainement. Elle avait même entendu des sénateurs demander à des amiraux de leurs propres secteurs de les escorter et, dans la plupart des cas, ces requêtes avaient été honorées. Elle eut du mal à croire qu’il s’agissait de la même Nouvelle République qu’elle avait tant aidé à constituer. Cette même Nouvelle République pour laquelle Anakin avait sacrifié sa vie.
– Général ? (La voix qui posait cette question était aiguë et chevrotante.) Général, c’est vous ?
Leia, Han, les Noghri et les droïdes se tournèrent. Ils virent une femme croulant sous ses bagages, avec un nez épaté et des yeux fatigués, fendre la foule pour les rejoindre. A côté d’elle avançait un garçon aux cheveux blonds qui devait être âgé d’une douzaine d’années. Lui aussi ployait sous d’innombrables valises et balluchons.
– Général ! (Disant cela, la femme se retrouva immédiatement interceptée par Adarakh et Meewahl.) Mais oui, c’est bien vous !
– Cela fait bien longtemps que je ne suis plus général, dit Han tout doucement, évitant de se faire remarquer et observant les alentours pour voir si quelqu’un n’était pas en train de les écouter. On se connaît ?
– Vous ne vous souvenez pas de moi ?
La femme donna un coup de sac dans le dos du gamin pour qu’il avance. Leia fut stupéfaite de constater combien il ressemblait à Anakin lorsqu’il avait le même âge. Et ce n’était pas uniquement dû au nez retroussé et aux grands yeux bleus glacés. Son visage tout entier était de la même forme, il possédait le même petit menton arrondi. Leia s’attendrit devant cet enfant et sa mère.
Han observa attentivement la femme et le petit garçon.
– Non, désolé, je ne me souviens pas de vous. La femme ne parut pas s’en offusquer.
– Bien entendu. Je suis certaine que c’est plus important pour moi que ça ne l’est pour vous. Après tout, vous étiez général et Ran n’était qu’un sous-officier de l’Escadron Rogue.
– Ran ? demanda Han. Ran Kether ?
– Oui, répondit la femme. J’étais sa petite amie, à l’époque, mais je vous ai rencontré deux fois sur Chandrila…
– Ah, d’accord, dit Han, adoptant instantanément une voix plus chaleureuse. (Il fit signe aux Noghri de s’écarter.) Désolé de ne pas vous avoir reconnue. Comment va Ran ?
Le visage de la femme se décomposa.
– Ah… Vous n’êtes pas au courant ?
– Heu… commença Han secouant la tête. Non, j’ai un peu perdu le contact avec tout ça.
– Il pilotait un transport de réfugiés pour le compte de SELCORE. Nous l’avons perdu à Kalarba. (La femme regarda Leia pour la toute première fois.) Je crois comprendre que votre fille a été blessée là-bas également.
– Elle s’en est remise. (Leia se déhancha, pour pouvoir appuyer Ben contre son flanc, et tendit la main pour saluer la femme. C’était la première fois depuis la mort d’Anakin qu’elle éprouvait de la tristesse pour quelqu’un d’autre qu’elle-même. Et, de façon presque égoïste, cela lui procura un certain soulagement.) Je suis désolée pour Ran. Ce genre de chose se produit beaucoup trop souvent en ce moment.
– Merci, Princesse.
– Je vous en prie, appelez-moi Leia. (Elle posa la main sur l’épaule du garçon.) Je suis désolée pour ce qui est arrivé à ton père, jeune homme.
Le gamin hocha la tête, mal à l’aise.
– Merci.
– Il s’appelle Tare. Moi, je suis Welda. (La femme sourit en voyant le bébé dans les bras de Leia.) Comme les actualités vidéo n’ont pas mentionné le fait que vous auriez eu un autre enfant, je suppose que ce beau bébé est Ben Skywalker, non ?
– En fait, nous essayons d’être discrets à ce sujet, dit Leia. (Elle adressa un regard chargé de sous-entendus à la foule environnante.) J’espère que vous comprenez.
– Désolée, dit Welda d’un ton confus. (Elle ne rougit pas.) Quelle gaffeuse je fais…
Un claquement sonore retentit à l’intérieur du Byrt et un jet de vapeur s’échappa de l’écoutille d’embarquement dont on venait de déverrouiller les scellements. La rampe d’accès n’était pas encore complètement baissée que la foule commença à pousser vers l’avant.
– J’ai l’impression qu’ils ont réussi à réparer leur problème d’alignement de gravité artificielle, dit Welda, observant l’affluence des réfugiés, dont le nombre devait à présent approcher les douze mille. J’espère qu’il y aura de la place pour tout le monde.
Han jeta un coup d’œil par-dessus la tête de la femme puis souleva un sourcil interrogateur à l’adresse de Leia. Celle-ci hocha la tête. Ils devaient, de toute façon, embarquer autant de réfugiés que le Faucon pouvait en contenir. Hors de question de laisser cette femme et son petit garçon sur le carreau.
Solo eut un petit sourire en coin et se pencha à l’oreille de Welda.
– Je pense que ce ne sera pas un problème pour vous…
La rampe du paquebot s’abaissa enfin complètement. La foule commença à embarquer rapidement. Chaque groupe était retenu au niveau de l’écoutille pour que les gardes procèdent à des analyses épidermiques afin de démasquer d’éventuels espions Yuuzhan Vong.
Les Noghri profitèrent du mouvement pour pousser les Solo vers la baie d’accostage du Faucon. Quelques regards furieux et quelques marmonnements à voix basse fusèrent dans leur direction mais la présence du droïde de guerre, ajoutée au fait que le groupe n’essayait pas de passer devant tout le monde pour atteindre le paquebot, empêcha tout geste violent à leur encontre. Leia fit bien attention à garder Tare et Welda près d’elle. Et le groupe atteignit enfin la baie d’accostage sans encombre. Mais les choses se corsaient. Il fallait à présent embarquer sans se laisser submerger par les réfugiés désespérés. Han posta CYV 1-507A devant le panneau de duracier et se dirigea vers le bloc de commande.
– Si vous essayez de forcer les sécurités de cette porte, autant vous dire tout de suite que ce n’est pas la peine d’insister, dit une voix rocailleuse. (Leia se retourna et vit un Gothal aux cornes saillantes, vêtu d’une tunique voyante en tissage synthétique, qui s’adressait à eux depuis la foule.) Je ne sais pas qui est le propriétaire de ce tas de ferraille mais, en tout cas, il n’a pas payé son droit d’accostage. Du coup, les autorités ont débranché tous les câbles d’alimentation.
– Quoi ? (Han se fit des œillères avec ses mains pour regarder par le petit hublot.) C’est une blague ? Il y a du liquide de refroidissement répandu sur le sol…
Même après plusieurs jours d’inactivité, le Faucon pouvait aisément être démarré à froid. A la seule et unique condition de disposer d’un plein réservoir de liquide de refroidissement pour son unité de fusion. Bien trop atterrée pour demander au Gothal si serviable pourquoi il s’était intéressé de si près au Faucon – nul doute qu’il avait dû tenter de forcer le panneau de sécurité pour s’emparer de l’appareil –, Leia se tourna vers Welda afin de lui présenter des excuses.
La femme avait disparu.
Quelque chose de métallique roula sur le sol à quelques mètres de là et Leia vit Tare se faufiler précipitamment dans la foule. Elle installa Ben sur son autre hanche, afin de libérer la main qui lui permettrait de tenir une arme. C’est alors que CYV 1-507A s’avança en direction du son métallique, repoussant aussi gentiment que possible les réfugiés de ses bras puissants.
– Restez calmes et gagnez un abri, lança-t-il. Un détonateur thermique actif vient d’être détecté dans cette zone.
Bien entendu, la foule fit tout sauf rester calme. Déterminé à embarquer à bord du Byrt coûte que coûte, quelqu’un donna malencontreusement un coup de pied dans le détonateur, ce qui envoya l’engin rouler plus loin encore. La horde de réfugiés se pressa encore plus vers la rampe d’embarquement.
– Ne touchez pas à ce détonateur, ordonna CYV 1-507A. Restez calmes et écartez-vous.
Quelqu’un donna un autre coup de pied, retournant l’engin à son envoyeur. Le droïde bondit par-dessus une famille Aqualish qui essayait de forcer le passage. La foule continua de se presser vers le paquebot, contournant le groupe des Solo ou bien passant au milieu d’eux. Souhaitant à tout prix ne pas être séparée de Han, Leia sortit son sabre laser de la poche intérieure de sa veste et se tourna vers la baie d’accostage. Elle vit que Welda lui bloquait le passage. La femme dégaina un petit pistolet blaster et le braqua sur la poitrine de Leia.
Adarakh, sans lâcher les bagages qu’il transportait, planta ses dents dans le bras de Welda. Il y eut un craquement sinistre. Welda ouvrit la main et laissa tomber le blaster. Le Noghri glissa une valise entre les jambes de la femme pour la faire tomber et se jeta sur elle, essayant de griffer son visage à deux mains. Cela n’empêcha pas la foule de continuer à avancer et de se fendre en deux flots continus pour éviter le pugilat.
Bien trop habituée aux assassins et aux ravisseurs pour perdre du temps à se demander qui avait commandité le geste et pourquoi, Leia se tourna afin de positionner son corps entre Welda et le bébé. Elle contourna à son tour le Noghri et la femme, toujours à terre. Han se trouvait à deux pas de là. Il avait dégainé son propre blaster et, de sa main libre, était en train de pianoter son code d’accréditation sur le panneau de contrôle de la baie.
– C-3PO ? Où est Meewahl ? demanda Leia.
– Elle s’est lancée aux trousses de Tare, Madame. (Tenant toujours le pot de ladalums carbonisés, le droïde de protocole avait suivi Leia à la trace pour contourner le combat.) J’espère seulement que le garçon a programmé un délai suffisamment long sur ce détonateur thermique. 1-507A peut être si maladroit, parfois.
Le doux bourdonnement d’une vibrolame s’éleva derrière Leia. Constatant avec surprise qu’Adarakh n’en avait pas terminé avec sa proie, elle se tourna et vit Welda, de sa main valide, lever un redoutable coutelas powershiv. Le Noghri intercepta le coup et contra d’un revers de ses griffes qui lacérèrent la tête de la femme juste derrière l’oreille. Le coup détacha purement et simplement la peau du visage de Welda. Pourtant, le cri de la femme ne fut pas aussi douloureux que ce à quoi tous s’attendaient. La peau de son visage se recroquevilla dans la paume d’Adarakh, comme douée de vie propre. Et, l’espace d’un instant, ni Leia ni le Noghri ne comprirent ce à quoi ils étaient en train d’assister.
Et cet instant fut suffisant pour que Welda plante son powershiv dans la poitrine d’Adarakh. Le Noghri écarquilla les yeux de stupeur, entrouvrit la bouche… Et Leia perçut que la vie était en train d’abandonner son corps. Toute la déception et la tristesse qui l’avaient habitée depuis la mort d’Anakin se transformèrent instantanément en fureur. Elle activa son sabre laser et, tenant toujours Ben de son autre bras, s’avança pour attaquer.
Welda catapulta le corps du Noghri vers Leia. Celle-ci perdit l’équilibre et roula sur le côté. Elle eut tout juste le temps d’invoquer la Force pour contrôler sa chute et éviter de s’écraser sur Ben. Deux rayons de blaster, provenant de la direction de Han, fusèrent au-dessus de sa tête, forçant l’attaquante à reculer et déclenchant des cris de panique dans la foule. Leia rassembla ses pieds sous elle et adopta une posture de combat. Elle vit son agresseur, à quelques mètres de là, faire de même alors qu’une famille de Ho’Din éberlués essayait de passer entre elles deux.
Même si la plupart des pores de son visage saignaient abondamment en raison de l’arrachage intempestif du grimage Ooglith, les traits de la femme qui se trouvait devant Leia étaient reconnaissables entre tous.
– Viqi Shesh… dit Leia. (C’est le moment que choisit Ben pour exprimer son mécontentement et il commença à pleurer. Leia, bien trop choquée par la révélation, n’y prêta pas attention.) J’aurais pourtant juré que vous aviez rejoint les cavernes des sous-sols pour attendre vos maîtres en compagnie des autres limaces de granit de votre espèce…
– Cette chère Leia. Toujours le mot juste pour chaque occasion.
Shesh exécuta un preste mouvement du poignet et lança son powershiv vers Ben. Leia para le jet aisément d’un coup de son sabre laser avant de jurer intérieurement, constatant que Han venait de décocher deux autres rayons de son blaster et que ceux-ci avaient fusé bien au-dessus de la tête de Viqi.
– Han ! Je t’ai connu meilleur tireur ! gronda-t-elle. (Elle savait pourtant qu’il avait surtout pensé à éviter de blesser des innocents. Elle confia Ben aux bras de C-3PO.) Tiens, lâche ta plante verte et occupe-toi de lui.
– Moi ? (Le droïde laissa tomber son pot de fleurs et glissa délicatement ses deux mains métalliques sous le bébé.) Mais, Maîtresse Leia, je vous rappelle que vous avez fait effacer mon module de baby-sitting après ce qui s’est passé sur…
– Va attendre sur le Faucon ! ordonna Leia.
– Certainement, Princesse. Mais je dois vous dire que…
Les objections de C-3PO disparurent dans le vacarme généralisé. Leia se lança à la poursuite de Shesh, qui ne l’avait pas attendue, à travers la foule. Elle entendit Han crier son nom mais ne se retourna pas. Cette fois, la traîtresse ne s’échapperait pas, pas après avoir trahi la Nouvelle République, pas après avoir dévoyé SELCORE, et certainement pas après avoir organisé l’assassinat d’un grand nombre de Jedi. Peut-être était-elle même en partie responsable de la disparition d’Anakin.
Le chuintement de deux jambes assistées par répulseurs résonna au niveau des poutrelles du hall. CYV 1-507A bondit par-dessus la foule.
– Dégagez le passage ! Détonateur thermique repéré ! (Le droïde retomba lourdement sur un chariot flottant chargé d’inestimables œuvres d’art. Il rebondit immédiatement et repartit dans les airs.) Restez calmes et…
La fin de sa phrase fut perdue dans la déflagration du détonateur. Cinq cents mètres cubes de hangar, avec tous ses occupants et ses structures de duracier, furent engloutis dans la sphère de destruction. Lorsque celle-ci se contracta en crépitant, une longue plainte métallique retentit dans le hall et une large section du plancher s’effondra, là où se dressait une seconde auparavant la porte trente-sept-zéro-zéro.
La foule se mit à courir vers le Byrt, poussant, jouant des coudes, soulevant presque les malheureux qui s’étaient déjà engagés sur la passerelle d’embarquement. Leia manqua d’être emportée. Elle invoqua la Force pour rester à sa place. Sa proie s’était éclipsée mais elle repéra un Rodien taché de sang qui venait à sa rencontre. Elle se fraya un chemin au milieu des gens et se planta dans le passage de l’extraterrestre, levant son sabre laser éteint devant elle pour l’obliger à s’arrêter.
Il marmonna une protestation en Huttais.
– Je sais, je sais, tout le monde essaye de monter à bord de ce paquebot. (Tout en parlant, Leia ouvrit la main et exécuta quelques passes délicates sous les yeux du Rodien.) Et je suis certaine que vous allez embarquer dans les plus brefs délais si vous prenez juste le temps de me dire où est allée la personne qui vous a taché comme ça…
Le Rodien répéta mécaniquement la phrase, puis indiqua la porte de la baie d’accostage trente-sept trente-deux. La baie voisine de celle du Faucon Millennium. Leia laissa partir le Rodien et entreprit de franchir les cinquante mètres de couloir qui la séparaient de la porte, sentant la colère monter en elle à chaque pas. Les dégâts causés par Viqi Shesh à la Nouvelle République étaient incommensurables, la douleur causée à la famille Solo impardonnable. Leia allait le lui faire payer. Elle devait bien cela à Anakin et aux millions de gens qui avaient donné leurs vies pour défendre leur idéal.
Leia atteignit enfin la baie et vit que la porte en avait déjà été scellée. N’essayant même pas de manipuler la commande d’activation, elle alluma son sabre laser et plongea la lame dans la jointure du panneau, tranchant le verrou de duracier avec autant de facilité qu’un objet de fer-blanc. L’alarme qui sonna, à l’intérieur comme à l’extérieur de la baie, ne perturba guère le brouhaha qui régnait déjà dans le hangar. Elle invoqua la Force et poussa le panneau de duracier. L’utilisant comme bouclier, elle se précipita à l’intérieur et fut surprise de découvrir qu’un feu nourri de rayons laser faisait déjà des ricochets contre les parois ternes de l’aire d’atterrissage.
Au centre se trouvait un élégant yacht spatial des chantiers navals de Kuat. La tête du pilote apparut par l’un des hublots du cockpit. Il alluma les moteurs à répulsion. Viqi Shesh avait encore un tiers de la distance à parcourir avant de rejoindre la passerelle d’embarquement. Tenant son bras blessé, elle zigzaguait pour éviter les rayons laser que Han était en train de tirer sur elle par un trou percé dans la paroi de duracier qui séparait les baies d’accostage trente-sept trente-deux et trente-sept trente-trois. Deux membres de l’équipage étaient en train de lui tirer dessus en retour, essayant de protéger leur employeur depuis le bas de la passerelle.
Leia commença à traverser la baie à la poursuite de sa proie. Elle entendit alors le vrombissement menaçant de la tourelle d’artillerie, montée sur le toit du yacht, en train de pivoter dans sa direction. Elle eut à peine le temps de se jeter à terre. L’arme tonna, créant un impact de cinquante centimètres de diamètre dans le sol, juste à côté de sa tête.
Leia roula sur elle-même, se releva et alluma son sabre laser.
– Leia ? T’es dingue ? hurla Han, oubliant les tirs et sortant de sa cachette. Tu sais pourtant que tu n’es pas douée avec ce machin-là !
Les deux membres d’équipage décochèrent des rafales de laser en direction de la paroi, obligeant Han à plonger de nouveau vers le sol. Cela permit à Viqi Shesh de s’élancer vers la passerelle. La tourelle de tir ouvrit de nouveau le feu. Leia esquiva de justesse, un peu maladroitement, certes, mais assez prestement pour éviter d’être touchée. Elle trébucha et manqua de tomber, entendit le mugissement d’un fusil blaster juste derrière elle. Elle voulut se retourner mais se rendit compte, du coin de l’œil, que Viqi s’engageait sous la coque du yacht pour atteindre la rampe.
Essayant d’ignorer les traits de blaster fusant et rebondissant sur les panneaux de duracier tout autour d’elle, Leia bloqua l’allumage de son sabre et lança l’arme en direction de la traîtresse. Elle invoqua la Force pour la faire tourbillonner vers sa cible. La tourelle tira de nouveau, tout comme les deux membres d’équipage, à présent postés en haut de la rampe d’embarquement. Leia laissa son esprit se fondre dans la Force et se concentra sur son attaque.
Shesh commença à remonter le long de la rampe. Au lieu de la trancher en deux, le sabre glissa sur son dos, brûlant ses vêtements et découpant la chair et les os sur une bonne épaisseur. Elle poussa un cri et s’écroula. Puis elle tendit les bras et entreprit de ramper pour se mettre à l’abri à l’intérieur du vaisseau. La passerelle se releva et la derrière chose que Leia vit fut une main d’homme aidant la traîtresse à monter à bord.
Elle se rendit à peine compte qu’on était en train de la tirer par le bras pour la protéger et elle entendit Meewahl lui crier :
– Dame Vador, couchez-vous !
Leia laissa la Noghri l’entraîner à sa suite. Un autre coup de canon laser défonça le mur juste derrière elle. Soudain, les moteurs à répulsion du yacht se mirent à vrombir et l’artillerie se tut. Leia se risqua à relever la tête, le cœur battant à l’idée de la nouvelle qu’elle devait annoncer à Meewahl au sujet d’Adarakh.
Mais, alors qu’elle s’attendait à voir la Noghri, elle découvrit le visage enfantin d’Anakin.
– Vous pouvez me faire ce que vous voulez, lança Tare. (Il était assis, le dos au mur, les mains prises dans l’une des paires de menottes de plastacier appartenant à Meewahl.) Mais au moins, ma mère et mes deux sœurs sont en sécurité.
– En sécurité ? demanda Leia, secouant la tête. Tu en es sûr ?
– C’est ce que je sais, en tout cas. (Le gamin pencha la tête en arrière et regarda le plafond. Le yacht de Shesh était en vol stationnaire, attendant de la capitainerie qu’on lui ouvre le dôme et qu’on lui donne l’autorisation de mettre le cap sur l’espace.) Elles sont à bord du Plaisir Pervers, à présent.
Leia avait déjà la main sur son comlink lorsque Han la rejoignit en courant.
– Laisse tomber, annonça-t-il en indiquant son propre communicateur. J’ai déjà essayé. Shev n’a plus l’intention de retarder le moindre décollage pour qui que ce soit.
Leia hocha la tête. Peu importait Shev. Avec ses énormes canons, le yacht stellaire pouvait tout aussi bien défoncer le dôme pour prendre son envol.
Han lui rendit son sabre laser éteint.
– Tu te sens mieux ?
– Pas vraiment, admit Leia. (Elle se releva, prit le sabre laser des mains de son époux et le rangea dans sa veste.) Et toi ?
– C’est pire, dit Han. (Il fit un signe vers Tare.) Et qu’est-ce qu’on va faire de lui ?
S’il y avait bien une chose que Leia se refusait à faire, c’était bien d’embarquer ce gosse à bord du Faucon Millennium. Mais elle ne pouvait pas, non plus, abandonner un gamin de douze ans sur Coruscant. Elle saisit les menottes et obligea le jeune garçon à se relever.
– Ouais, c’est bien ce que je pensais, grogna Han. (Il lança un regard impatient vers la porte.) Et qu’est-ce que tu as fait de C-3PO et de Ben ?
– Ils devraient être à bord du Faucon.
– J’en doute, dit Han, le visage décomposé. Lorsque je suis parti à ta suite, j’ai verrouillé la porte pour empêcher la foule d’entrer.
Un grondement sourd retentit dans la baie d’accostage. L’iris du dôme était en train de s’ouvrir. Ils relevèrent la tête et virent le Byrt s’élever dans un nuage de particules ionisées. Le Plaisir Pervers se mit en route et se glissa derrière le paquebot pour franchir l’ouverture. C’est alors que la voix de C-3PO s’éleva dans le comlink :
– Messire Han ? Maîtresse Leia ?
Les époux Solo activèrent simultanément leurs communicateurs.
– C-3PO ? Mais où es-tu ?
– Ce n’est pas de ma faute ! déclara le droïde. Mais ma baie était verrouillée et je ne savais pas comment nous défendre !
– C-3PO ? dit Leia. Est-ce que tu es en train de me dire que tu te trouves à bord du Byrt ?
– J’en ai bien peur, Maîtresse Leia, répondit-il. Et on menace de me poser un boulon d’entrave !