Interrogatoire de Tyrone Meehan par l'IRA
(17 décembre 2006)
— Tu nous trahis depuis quand, Tyrone ?
— Depuis 1981.
— Quand, exactement ?
— Fin novembre, quand j’ai été repris.
— Tu avais peur de retourner en taule ?
— J’étais fatigué.
— Parle plus fort.
— J’étais fatigué.
— Fatigué de quoi ?
(Silence)
— On n’oblige personne à se battre, Tyrone. Tu n’étais pas obligé de trahir pour laisser tomber.
(Silence)
— Pourquoi as-tu trahi ?
— La pression.
— Les Britanniques t’ont fait chanter ?
(Silence)
— Ils te tenaient, Tyrone ?
— Quelque chose comme ça.
— Explique.
— Je ne peux pas.
— Je te le conseille.
— Quels renseignements as-tu livrés, Meehan ?
— Vous, je ne vous connais pas.
— Tu réponds à la question.
— Tu veux que je te repose la question moi-même, Tyrone ?
— Oui. Je préfère que ce soit toi, Mike.
— Qu’est-ce qu’ils te demandaient, les Britanniques ?
— Des choses sur Sinn Féin.
— Des choses ?
— Si le parti souhaitait vraiment la paix, des trucs comme ça.
— Tu jouais le porte-parole de Sinn Féin ? C’est ça ?
(Silence)
— Pourquoi Sinn Féin ?
— Je ne comprends pas la question.
— C’est l’IRA qui intéressait les Brits, pas les colleurs d’affiches.
— Je n’ai jamais parlé de l'IRA.
— Tu te fous de nous, Meehan ?
— Vous, je ne vous connais pas.
— Réponds à la question, Tyrone.
— Quelle est la question ?
— Ta police te payait, l’armée britannique te payait, le MI5 te payait. Tout ça pour que tu les informes sur un parti politique légal ?
(Silence)
— Écoute bien, Meehan. Peu importe qui je suis. Je suis là parce que c’est ma place et tu le sais. Toi, tu es un agent britannique rémunéré. Depuis 25 ans, tu travailles à l’affaiblissement de ta communauté. De tes parents, de tes amis, de tes camarades. Tu travailles à frapper dans le dos ceux qui t’ont aimé, qui t’ont protégé, qui t’ont veillé jour après jour. C’est toi que tu as trahi, Meehan, et nous voulons savoir pourquoi. Nous voulons savoir ce que l’ennemi sait de nous. Nous voulons savoir ce que tu lui as dit. Nous voulons savoir si certains de nos hommes ont été arrêtés par ta faute. Si certains combattants sont tombés par ta faute. Nous voulons savoir, Meehan.
(Silence)
— Si les Britanniques ne t’avaient pas lâché, jamais tu n’aurais avoué travailler pour eux, jamais ! Et tu sais pourquoi ils te lâchent, tes employeurs ? Tu le sais, Meehan ? Tu ne te demandes pas pourquoi ils t’ont balancé ? Parce que nous avons déposé les armes, Meehan. Parce que l’IRA, c’est terminé. Parce que tu ne leur sers plus à rien. Alors ils se servent de toi pour démoraliser notre camp. Ils nous disent : un traître ! Vous aviez un traître dans vos rangs. Vous rendez-vous compte, putains d’Irlandais ? Et ce traître, c’est l’un de vos putains d’officiers supérieurs. Le Commandement du Nord était piégé, les gars ! Tyrone Meehan ! Votre grand Meehan ! Il avait placé un micro dans son salon, dans sa voiture ! On entendait même vos blagues à la con et vos chansons de merde. Allez, on vous le donne, le Meehan ! Il est a vous ! Tu comprends ça, Meehan ? C’est ça qu’ils veulent, tes employeurs, et c’est pour ça qu’on ne touchera pas à ta putain de gueule. Parce qu’une seule balle tirée contre toi et tout le monde hurlera à la rupture du cessez-le-feu ! Tu comprends ? L’IRA a tué un informateur ! L'IRA a tué son gars ! L’IRA a repris les armes ! C’est mort qu’ils te veulent ! Ils voudraient utiliser ton putain de cadavre, mais c’est raté ! Tu vas vivre, Meehan. Tu vivras avec ton âme noire et ce sera une saleté d’existence. Tu vas vivre parce que tu n’es plus rien, Meehan, juste un traître trahi par des salauds. (Silence)
— Parle, pour la mémoire de ton père, Tyrone.
— Épargne-moi ça, Mike.
— Tu veux qu’on reprenne demain ?
— S’il vous plaît.
— D’accord. On arrête.
— Personne n’est mort à cause de moi. Je n’ai pas trahi comme ça.
— Demain, Meehan. On reprendra demain. Éteignez la caméra.