30
La suite ?
J'ai remis nos deux victimes dans leur chignole, aidé du Négus qui se mieux portait. Il a même pu piloter leur caisse jusqu'à un bosquet de palétuviers roses, à une dizaine de kilbus. Je l'ai suivi au volant de notre immense Lincoln pour pouvoir le rapatrier après l'abandon des deux truands.
Au motel, tout dormait, y compris les amants de St-Jean, gavés de jouissance. Elnora tenait la grosse poutoune du Saint-Locducien contre sa joue. On eût dit une jeune accouchée pressant le fruit de ses entrailles en un geste d'infinie possession. C'était beau comme une Pietà du Titien. Au point que les larmes m'en vinrent aux cils inférieurs.
Nous les laissâmes roupiller quelques heures. Le membre surmené de Bérurier ressemblait à une aubergine primée dans un comice, et la craquette de miss Stuppen au cou d'un dindon faisant la roue, tant il est vrai que les instruments de l'amour le plus céleste s'apparentent à la basse triperie.
***
Et nous avons repris la route, nous relayant de manière à opérer un minimum d'arrêts. Nous bouffions et dormions dans le carrosse. Béru et sa conquête y forniquaient sauvagement malgré leurs sexes endolorés par l'excès. Un véritable rallye !
Puis ça a été le cher Canada, plus français que la France désormais. Terre promise pour nous autres, gens en semi-cavale.
Là-bas, il s'est passé l'impensable (d'Olonne) : la môme Elnora a refusé catégoriquement de nous quitter, déclarant qu'elle allait consacrer son existence à Béru et à sa rapière spadassine. Certaines donzelles sont brusquement touchées par la foi, Elnora c'était par le chibre du Gravos. Elle entendait le monter à cru des années durant, s'en gaver jusqu'à ce que sa foufoune, naguère lesbienne, devienne le hangar de la fusée Ariane (à Naxos) 14.
Dans un sens, sa démarche était admirable. Ça rejoignait les grandes mystiques : Sœur Thérèse, Sainte Blandine et consort-consœurs.
Naturellement, je lui ai tiré les vers du nose un max. Las, elle en savait moins que je l'espérais. Même le véritable blase du grand vieux fumeur de Coronas, elle l'ignorait. Dans son entourage on l'appelait mister Blood. Il tenait entre ses doigts jaunis par la nicotine le monde de la pègre. Cela étant, personne ne connaissait ses magouilles, ni sa vie privée.
En cheville avec le père David depuis des années, il avait décidé, un beau matin, de l'éliminer propre en ordre afin de mettre les griffes sur ses affaires. Il s'était d'abord annexé Hamouel aux dents longues, puis avait préparé la chute de l'Empire Grey, effaçant tour à tour la fille et le marchand de blé.
Concernant la mère Dolores, miss Stuppen n'avait aucune idée de ce que Blood comptait en faire ; l'accident avait sûrement devancé ses projets.
Elle était au courant de l'assassinat de Pamela, mais n'avait jamais entendu parler de ses exécuteurs ; pas plus que du mystérieux boîtier d'or d'où s'échappaient parfois des voix étranges venues d'ailleurs.
Par contre, elle était convaincue que Sancha Panço, le régisseur, avait été praliné par Hamouel. Pour quelle raison ? Probablement qu'il savait des choses requérant son mutisme définitif ?
***
Je préfère te dire, lecteur exquis, chéri de son petit auteur, que les zones obscures seront éclairées au néon dans la continuation de cette œuvre puissante qui s'intitulera : Lâche-le, il tiendra tout seul !
Je n'ai pas pour habitude de te jouer « la suite au prochain numéro », si je m'y résous, c'est parce que ce livre a trop de ramifications pour être traité en un seul volume. Dans l'affreuse hypothèse où tu raterais le suivant, il manquerait quelque chose d'essentiel à ta vie ; aussi t'engagé-je à le retenir d'ores et déjà chez ton tripier habituel. Avec ces deux bouquins dans tes gogues, tu es assuré de braver les pires tribulations intestinales.
Tout au fond de moi, voire également en surface, j'éprouve une grande curiosité pour la personnalité de « mister Blood ». Je devine que nos routes se croiseront de nouveau. Je ne sais ni où ni quand, mais ça fera des étincelles bleues, kif mon riboustin lorsqu'il crache épais !
Tu verras !