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L’impasse du Tisseur

À des kilomètres de là, la brume glacée que le Premier Ministre avait vue se coller contre les carreaux de ses fenêtres flottait au-dessus des eaux sales de la rivière qui serpentait entre des berges envahies de mauvaises herbes et parsemées d’ordures. Une immense cheminée, vestige d’une usine désaffectée, se dressait comme une ombre menaçante. Il n’y avait aucun son en dehors du murmure de l’eau noire et aucun signe de vie à part un renard décharné qui s’était avancé furtivement sur la rive pour venir renifler avec espoir de vieux emballages de poisson-frites abandonnés dans l’herbe haute.

À cet instant, avec un léger pop, une silhouette mince, surgie de nulle part, apparut au bord de la rivière, la tête enveloppée d’un capuchon. Le renard se figea, fixant d’un regard méfiant l’étrange phénomène. Pendant quelques instants, la silhouette sembla examiner les alentours puis elle s’éloigna à pas légers et rapides, sa longue cape bruissant au-dessus des herbes.

Avec un deuxième pop plus sonore, une autre silhouette encapuchonnée se matérialisa.

— Attends !

La voix cassante fit sursauter le renard qui s’était tapi, presque à plat ventre, dans les broussailles. Il bondit de sa cachette et remonta précipitamment la berge. Il y eut alors un éclair de lumière verte, un glapissement, et le renard tomba en arrière, mort.

La deuxième silhouette retourna l’animal du bout du pied.

— Un simple renard, dit avec dédain une voix de femme sous le capuchon. Je pensais que c’était peut-être un Auror… Cissy, attends !

Mais l’autre silhouette, qui s’était arrêtée un instant pour regarder l’éclair de lumière verte, grimpait déjà la berge au bas de laquelle le renard était tombé.

— Cissy… Narcissa… écoute-moi…

La deuxième femme rattrapa la première et lui saisit le bras mais l’autre se dégagea d’un geste.

— Va-t’en, Bella !

— Il faut que tu m’écoutes.

— Je t’ai déjà écoutée. J’ai pris ma décision. Laisse-moi tranquille !

La nommée Narcissa atteignit le sommet du talus où une vieille balustrade séparait la rivière d’une étroite rue pavée. L’autre femme, Bella, la suivit aussitôt. Côte à côte, elles regardèrent les interminables rangées de maisons délabrées aux murs de brique qui s’étendaient devant elles, leurs fenêtres éteintes, aveugles dans l’obscurité.

— C’est ici qu’il habite ? demanda Bella d’un ton méprisant. Ici ? Dans ce trou de Moldus ? Nous devons être les premières de notre rang à avoir jamais mis les pieds dans…

Mais Narcissa n’écoutait pas ; elle s’était glissée dans une ouverture entre les barreaux rouillés de la balustrade et se hâtait déjà de traverser la rue.

— Cissy, attends !

Bella s’élança à sa poursuite, sa cape voltigeant derrière elle, et vit Narcissa s’engouffrer entre deux maisons, dans une allée qui menait à une autre rue presque identique. Plusieurs réverbères étaient cassés et les deux femmes couraient entre des taches de lumière et des ombres noires. La poursuivante rattrapa sa proie au moment où celle-ci tournait à l’angle d’une autre rue, et elle parvint cette fois à lui agripper le bras pour l’obliger à la regarder en face.

— Cissy, il ne faut pas agir ainsi, tu ne peux pas lui faire confiance.

— Le Seigneur des Ténèbres a confiance en lui, non ?

— Je crois que… le Seigneur des Ténèbres… a été abusé…, dit Bella, la voix haletante.

Ses yeux brillèrent un instant sous son capuchon quand elle regarda autour d’elle pour s’assurer qu’elles étaient bien seules.

— En tout cas, on nous a dit qu’il ne fallait parler du plan à personne. Ce serait trahir le Seigneur des Ténèbres que de…

— Lâche-moi, Bella ! gronda Narcissa.

Elle tira une baguette magique de sous sa cape et la pointa d’un air menaçant sur le visage de l’autre femme. Bella se contenta d’éclater de rire.

— Cissy, ta propre sœur ? Tu n’oserais quand même pas…

— Il n’y a plus rien que je n’oserais pas ! répliqua Narcissa dans un souffle, une pointe d’hystérie dans la voix.

Elle abaissa la baguette magique à la manière d’un couteau et un nouvel éclair jaillit. Bella lâcha aussitôt le bras de sa sœur comme si quelque chose l’avait brûlée.

— Narcissa !

Mais Narcissa était déjà repartie en courant. Sa sœur se frotta la main et se lança à nouveau à sa poursuite, gardant ses distances à présent, alors qu’elles s’enfonçaient plus profondément dans le labyrinthe désert des maisons de brique. Enfin, Narcissa se précipita dans une rue qui s’appelait l’impasse du Tisseur et au-dessus de laquelle la haute cheminée d’usine semblait planer comme un doigt géant dressé dans un geste de réprimande. L’écho de ses pas résonna sur les pavés, tandis qu’elle passait devant des fenêtres cassées et masquées par des planches, jusqu’à ce qu’elle atteigne la toute dernière maison où une faible lueur filtrait à travers les rideaux d’une fenêtre du rez-de-chaussée.

Elle avait déjà frappé à la porte avant que Bella, marmonnant des jurons, n’ait eu le temps de la rattraper. Elles attendirent côte à côte, légèrement essoufflées, respirant l’odeur d’eau croupie qu’une brise nocturne apportait de la rivière. Quelques secondes plus tard, elles entendirent remuer derrière la porte qui s’entrebâilla légèrement. Elles entrevirent alors un homme qui les regarda, un homme aux longs cheveux noirs encadrant comme deux rideaux un visage cireux, et aux yeux également noirs.

Narcissa ôta son capuchon. Elle était si pâle qu’elle semblait briller dans l’obscurité ; sa chevelure blonde qui ruisselait dans son dos lui donnait l’air d’une noyée.

— Narcissa ! dit l’homme.

Il ouvrit la porte un peu plus largement, la lumière qui venait de l’intérieur éclairant les deux sœurs.

— Quelle bonne surprise !

— Severus, dit Narcissa dans un murmure, la voix tendue. Puis-je te parler ? C’est urgent.

— Mais bien sûr.

Il s’écarta pour la laisser entrer. Sa sœur qui avait gardé son capuchon sur la tête la suivit sans y avoir été invitée.

— Rogue, bonsoir, dit-elle d’un ton cassant en passant devant lui.

— Bonsoir, Bellatrix, répondit-il, ses lèvres minces se recourbant en un sourire légèrement moqueur tandis qu’il refermait la porte d’un coup sec.

Elles étaient entrées directement dans un minuscule salon qui faisait penser à une cellule capitonnée, plongée dans la pénombre. Les murs étaient entièrement couverts de livres, la plupart reliés en vieux cuir noir ou marron ; un canapé élimé, un fauteuil délabré et une table branlante étaient regroupés dans le faible rond de lumière que projetaient les chandelles d’une lampe accrochée au plafond. L’endroit paraissait négligé, comme s’il n’était habité qu’occasionnellement.

Rogue fit signe à Narcissa de s’asseoir sur le canapé. Elle se débarrassa de sa cape, la jeta à côté d’elle et s’assit, regardant ses mains blanches et tremblantes serrées sur ses genoux. Bellatrix enleva son capuchon plus lentement. Aussi brune que sa sœur était blonde, les paupières lourdes, la mâchoire forte, elle garda les yeux fixés sur Rogue pendant qu’elle allait rejoindre Narcissa, restant debout derrière elle.

— Que puis-je faire pour vous ? demanda Rogue qui s’installa lui-même dans le fauteuil, face aux deux sœurs.

— Nous… nous sommes seuls, n’est-ce pas ? demanda Narcissa à voix basse.

— Bien sûr. Enfin, il y a Queudver, mais la vermine ne compte pas.

Il pointa sa baguette magique vers le mur de livres situé derrière lui. Avec un bang sonore, une porte secrète s’ouvrit à la volée, révélant un escalier étroit sur lequel un petit homme se tenait debout, figé sur place.

— Comme tu t’en es sûrement aperçu, Queudver, nous avons des invitées, annonça Rogue d’un ton nonchalant.

Le dos voûté, l’homme descendit lentement les dernières marches et entra dans la pièce. Il avait de petits yeux larmoyants, un nez pointu et affichait un sourire affecté particulièrement déplaisant. De la main gauche, il se caressait la main droite qui semblait couverte d’un gant en argent étincelant.

— Narcissa ! s’exclama-t-il d’une petite voix aiguë, et Bellatrix ! Quelle joie…

— Si vous le désirez, Queudver peut aller nous chercher quelque chose à boire, dit Rogue. Ensuite, il retournera dans sa chambre.

Queudver tressaillit comme si Rogue lui avait jeté un objet à la tête.

— Je ne suis pas ton serviteur ! couina-t-il en évitant le regard de Rogue.

— Vraiment ? J’avais pourtant l’impression que le Seigneur des Ténèbres t’avait envoyé ici pour m’assister.

— T’assister, oui, mais pas pour t’apporter à boire et… faire le ménage !

— Je ne savais pas, Queudver, que tu éprouvais l’envie irrésistible d’accomplir des missions plus dangereuses, dit Rogue d’une voix mielleuse. Il serait très facile de t’arranger cela : j’en parlerai au Seigneur des Ténèbres…

— Je peux lui parler moi-même, si je le veux !

— Bien sûr que tu le peux, répliqua Rogue d’un ton sarcastique. Mais en attendant, apporte-nous à boire. Le vin des elfes fera l’affaire.

Queudver hésita un instant, en ayant l’air de vouloir discuter, mais il finit par tourner les talons et se dirigea vers une deuxième porte cachée. Ils entendirent des bruits sonores puis un tintement de verre. Quelques secondes plus tard, il était de retour, portant une bouteille poussiéreuse et trois verres sur un plateau. Il laissa tomber le tout sur la table branlante et se hâta de fuir leur présence, claquant derrière lui la porte recouverte de livres.

Rogue versa trois verres de vin rouge sang et en tendit un à chacune des deux sœurs. Narcissa murmura un mot de remerciement tandis que Bellatrix se taisait en continuant de fixer Rogue d’un regard flamboyant, ce qui ne semblait nullement l’impressionner ; il paraissait au contraire plutôt amusé.

— Au Seigneur des Ténèbres, lança-t-il.

Il leva son verre et le vida.

Les deux sœurs l’imitèrent et Rogue remplit à nouveau leurs verres.

Après avoir repris le sien, Narcissa dit précipitamment :

— Severus, je suis désolée de venir ici à l’improviste mais il fallait que je te voie. Je pense que tu es le seul à pouvoir m’aider…

Rogue leva une main pour l’interrompre puis il pointa une nouvelle fois sa baguette vers la porte de l’escalier dérobé. Il y eut un grand bang puis un petit cri, suivi du bruit des pas de Queudver qui remontait les marches quatre à quatre.

— Toutes mes excuses, dit Rogue. Ces temps derniers, il s’est mis à écouter aux portes. Je ne sais pas ce qu’il a derrière la tête… Tu disais donc, Narcissa ?

Elle prit une profonde inspiration qui la fit frissonner puis poursuivit :

— Severus, je sais que je ne devrais pas être ici. On m’a bien expliqué que je ne devais rien révéler à personne, mais…

— Dans ce cas, tu devrais tenir ta langue ! gronda Bellatrix. Surtout en pareille compagnie !

— En pareille compagnie ? répéta Rogue d’un ton railleur. Que dois-je comprendre par là, Bellatrix ?

— Que je n’ai pas confiance en toi, Rogue, comme tu le sais très bien !

Narcissa émit un son qui ressemblait à un sanglot et se couvrit le visage de ses mains. Rogue posa son verre sur la table et s’installa confortablement, les mains sur les bras de son fauteuil, souriant devant la mine furieuse de Bellatrix.

— Narcissa, je crois que nous devrions écouter ce que Bellatrix brûle de nous dire ; cela nous évitera des interruptions fastidieuses. Vas-y, Bellatrix, continue, l’encouragea Rogue. Pourquoi n’as-tu pas confiance en moi ?

— Pour une bonne centaine de raisons ! répondit-elle d’une voix forte, contournant le canapé à grands pas pour venir poser brutalement son verre sur la table. Je ne sais pas par où commencer ! Où étais-tu lors de la chute du Seigneur des Ténèbres ? Pourquoi n’as-tu jamais tenté de le retrouver quand il a disparu ? Qu’as-tu fait pendant toutes ces années où tu as vécu dans le giron de Dumbledore ? Pourquoi as-tu empêché le Seigneur des Ténèbres de se procurer la pierre philosophale ? Pourquoi n’es-tu pas aussitôt retourné auprès de lui lorsqu’il est revenu à la vie ? Où étais-tu, il y a quelques semaines, quand nous nous sommes battus pour essayer de récupérer la prophétie que voulait le Seigneur des Ténèbres ? Et pourquoi, Rogue, Harry Potter est-il toujours vivant, alors que tu l’as eu à ta merci pendant cinq ans ?

Elle s’interrompit, sa poitrine se soulevant à un rythme accéléré, le rouge lui montant aux joues. Derrière elle, Narcissa était restée assise, immobile, le visage toujours caché dans ses mains.

Rogue sourit.

— Avant de te répondre – car je vais te répondre, Bellatrix ! Tu pourras répéter mes paroles aux autres, à tous ceux qui chuchotent derrière mon dos et colportent des histoires fausses sur ma trahison du Seigneur des Ténèbres ! Avant de te répondre, dis-je, permets-moi à mon tour de te demander quelque chose. Crois-tu donc vraiment que le Seigneur des Ténèbres ne m’a pas déjà posé chacune de ces questions ? Et crois-tu vraiment que si je n’avais pas été capable de lui donner des réponses satisfaisantes, je serais assis là à parler avec toi ?

Elle hésita.

— Je sais qu’il te croit, mais…

— Tu penses qu’il se trompe ? Que j’aurais réussi à le berner ? À duper le Seigneur des Ténèbres, le plus grand sorcier, le legilimens le plus accompli que le monde ait jamais connu ?

Bellatrix ne répondit rien mais pour la première fois, elle parut un peu déconcertée. Rogue n’insista pas sur ce point. Il reprit son verre, but une gorgée et poursuivit :

— Tu me demandes où j’étais lors de la chute du Seigneur des Ténèbres. J’étais là où il m’avait ordonné d’aller, à l’école de sorcellerie de Poudlard, parce qu’il voulait que j’espionne Albus Dumbledore. Tu sais sans doute que c’est sur l’ordre du Seigneur des Ténèbres que j’ai pris ce poste ?

Bellatrix eut un hochement de tête presque imperceptible puis ouvrit la bouche, mais Rogue la devança :

— Tu demandes pourquoi je n’ai pas essayé de le retrouver quand il a disparu. Pour la même raison qu’Avery, Axley, les Carrow, Greyback, Lucius – il inclina légèrement la tête vers Narcissa – et bien d’autres qui, eux non plus, n’ont pas cherché à le retrouver. Je le croyais fini. Je ne suis pas fier de l’avouer, je me suis trompé, mais c’est ainsi… S’il ne nous avait pas pardonné, à nous qui avions perdu foi à cette époque, il ne lui serait resté que très peu de fidèles.

— Il m’aurait eue moi ! dit Bellatrix avec passion. Moi qui ai passé tant d’années à Azkaban pour lui !

— Oui, en effet, c’est admirable, répondit Rogue d’une voix teintée d’ennui. Bien sûr, tu ne lui as pas été très utile en prison mais le geste était beau, sans nul doute…

— Le geste ! s’écria-t-elle d’un ton perçant.

Dans sa fureur, elle avait l’air un peu démente.

— Pendant que je subissais les Détraqueurs, toi, tu étais confortablement installé à Poudlard, où tu jouais le caniche de Dumbledore !

— Pas vraiment, répliqua Rogue avec calme. Tu sais bien qu’il a refusé de me confier les cours de défense contre les forces du Mal. Il avait l’air de penser que cela pourrait, disons, provoquer une rechute… m’inciter à reprendre mes anciennes habitudes.

— C’était ça, ton sacrifice au Seigneur des Ténèbres, ne pas enseigner ta matière préférée ? ironisa Bellatrix. Pourquoi es-tu resté là-bas tout ce temps, Rogue ? Tu continuais à espionner Dumbledore pour le compte d’un maître que tu croyais mort ?

— Certainement pas, répondit Rogue, bien que le Seigneur des Ténèbres soit très content que je n’aie jamais abandonné mon poste ; pendant seize ans, j’ai recueilli sur Dumbledore des informations que j’ai pu lui communiquer, un cadeau un peu plus utile pour saluer son retour que les interminables rappels des désagréments de la vie à Azkaban…

— Mais tu es resté…

— Oui, Bellatrix, je suis resté, dit Rogue en trahissant pour la première fois une pointe d’agacement. J’avais un travail confortable que je préférais à un séjour à Azkaban. Ils arrêtaient les Mangemorts, comme tu le sais. La protection de Dumbledore m’a épargné la prison, c’était très pratique et je m’en suis servi. Je le répète : le Seigneur des Ténèbres ne se plaint pas que je sois resté, donc je ne vois pas pourquoi toi, tu me le reprocherais. Ensuite, poursuivit-il d’une voix un peu plus forte, car Bellatrix manifestait l’envie de l’interrompre, je crois que tu voulais savoir pourquoi j’ai fait obstacle à ce que le Seigneur des Ténèbres s’empare de la pierre philosophale. La réponse est facile. Il ne savait pas à l’époque s’il pouvait avoir confiance en moi. Il pensait, comme toi, que j’avais cessé d’être un fidèle Mangemort pour devenir le comparse de Dumbledore. Il était dans un état pitoyable, très faible, partageant le corps d’un sorcier médiocre. Il n’osait pas se dévoiler à un ancien allié si cet allié risquait de le dénoncer à Dumbledore ou au ministère. Je regrette profondément qu’il n’ait pas eu confiance en moi. Il serait revenu au pouvoir trois ans plus tôt. Mais je ne voyais pour ma part que ce Quirrell cupide et indigne qui essayait de voler la pierre, et j’avoue avoir tout fait pour qu’il n’y parvienne pas.

La bouche de Bellatrix se tordit comme si elle venait d’avaler un médicament au goût infect.

— Mais tu n’as pas repris ta place auprès de lui au moment de son retour, tu n’as pas volé immédiatement vers lui lorsque tu as senti la brûlure de la Marque des Ténèbres…

— Exact, je suis venu le retrouver deux heures plus tard. Sur ordre de Dumbledore.

— Sur ordre de…, commença-t-elle d’un ton outragé.

— Réfléchis un peu, l’interrompit Rogue, à nouveau agacé. Réfléchis ! En attendant deux heures, simplement deux heures, je m’assurais que je pourrais rester à Poudlard comme espion ! En laissant croire à Dumbledore que je revenais auprès du Seigneur des Ténèbres uniquement parce que j’en recevais l’ordre, j’ai pu communiquer pendant tout ce temps des informations sur Dumbledore et l’Ordre du Phénix ! Pense à cela, Bellatrix : la Marque des Ténèbres était devenue plus intense depuis des mois, je savais que son retour était proche, tous les Mangemorts le savaient ! J’avais alors bien assez de temps pour songer à ce que je voulais faire, m’organiser, m’enfuir comme Karkaroff, tu ne crois pas ?

Le déplaisir que mon retard avait tout d’abord suscité chez le Seigneur des Ténèbres s’est très vite évanoui, je peux te l’assurer, lorsque j’ai expliqué que je lui étais resté fidèle alors que Dumbledore croyait que je travaillais pour lui. Oui, le Seigneur des Ténèbres pensait que je l’avais quitté à jamais, mais il se trompait.

— Et à quoi as-tu servi ? demanda Bellatrix d’un ton railleur. Quelles sont les informations utiles que nous avons obtenues grâce à toi ?

— Elles ont été directement livrées au Seigneur des Ténèbres, répondit Rogue. S’il a décidé de ne pas les partager avec toi…

— Il partage tout avec moi ! s’exclama Bellatrix, s’enflammant aussitôt. Il me considère comme sa plus loyale, sa plus fidèle…

— Vraiment ? dit Rogue, avec dans la voix une subtile inflexion qui laissait deviner son incrédulité. Est-ce toujours le cas, après le fiasco du ministère ?

— Ce n’était pas ma faute, protesta Bellatrix en s’empourprant. Dans le passé, le Seigneur des Ténèbres m’a confié ses plus précieux… si Lucius n’avait pas…

— Comment oses-tu… comment oses-tu mettre mon mari en cause ? s’indigna Narcissa d’une voix basse, menaçante, en levant les yeux vers sa sœur.

— Il n’y a pas lieu de distribuer des blâmes, dit Rogue avec douceur. Ce qui est fait est fait.

— Mais pas par toi ! s’exclama Bellatrix, furieuse. Une fois de plus, tu étais absent pendant que les autres affrontaient le danger, n’est-ce pas, Rogue ?

— J’avais reçu l’ordre de rester en arrière. Peut-être n’es-tu pas d’accord avec le Seigneur des Ténèbres, peut-être penses-tu que Dumbledore n’aurait rien remarqué si j’avais combattu l’Ordre du Phénix aux côtés des Mangemorts ? Et – pardonne-moi – mais quand tu parles de danger… vous aviez en face de vous six adolescents, je crois ?

— Ils ont très vite été rejoints, comme tu le sais parfaitement, par la moitié de l’Ordre du Phénix ! gronda Bellatrix. Et puisqu’on parle de l’Ordre, tu prétends toujours qu’il t’est impossible de révéler le lieu de leur quartier général, n’est-ce pas ?

— Je ne suis pas le Gardien du Secret, je ne peux pas prononcer le nom de l’endroit. Tu dois comprendre comment fonctionne ce sortilège, je pense ? Le Seigneur des Ténèbres est satisfait des renseignements que je lui ai fournis au sujet de l’Ordre. Ils ont conduit, comme tu l’as peut-être deviné, à la capture et au meurtre d’Emmeline Vance et ont sûrement aidé à nous débarrasser de Sirius Black, bien que l’honneur te revienne de l’avoir achevé, je le reconnais volontiers.

Il inclina la tête et leva son verre en signe d’hommage mais l’expression de Bellatrix ne s’adoucit pas pour autant.

— Tu évites de répondre à ma dernière question, Rogue. Harry Potter. Tu aurais pu le tuer à tout moment au cours de ces cinq dernières années. Tu ne l’as pas fait. Pourquoi ?

— As-tu parlé de ce sujet avec le Seigneur des Ténèbres ? demanda Rogue.

— Il… Ces derniers temps, nous… C’est à toi que je pose la question, Rogue !

— Si j’avais tué Harry Potter, le Seigneur des Ténèbres n’aurait pas pu se servir de son sang pour renaître et devenir invincible…

— Tu prétends avoir prévu l’usage qu’il ferait de ce garçon ? lança Bellatrix d’un ton moqueur.

— Je ne le prétends pas, je n’avais aucune idée de ses projets ; je t’ai déjà avoué que je le pensais mort. J’essaye seulement de t’expliquer pourquoi le Seigneur des Ténèbres ne regrette pas que Potter ait survécu, au moins jusqu’à l’année dernière…

— Mais pourquoi le laisses-tu en vie ?

— Tu ne m’as donc pas compris ? Seule la protection de Dumbledore m’a épargné de finir à Azkaban ! Ne penses-tu pas que tuer son élève préféré aurait pu le retourner contre moi ? Mais il y avait autre chose. Je dois te rappeler que lorsque Potter est arrivé à Poudlard, beaucoup d’histoires circulaient à son sujet, des rumeurs selon lesquelles il était lui-même un grand mage noir, ce qui expliquait qu’il ait survécu à l’attaque du Seigneur des Ténèbres. En fait, nombre de ses anciens fidèles pensaient que Potter deviendrait peut-être le porte-drapeau autour duquel nous pourrions tous nous regrouper à nouveau. Lorsqu’il a mis les pieds au château pour la première fois, j’étais curieux de le voir, je l’avoue, et pas du tout enclin à le tuer. Bien entendu, il m’est très vite apparu qu’il n’avait aucun talent extraordinaire. Il s’est tiré de situations difficiles grâce à de purs coups de chance et à l’aide d’amis plus doués que lui. C’est un garçon des plus médiocres bien qu’il soit aussi odieux et suffisant que l’était son père autrefois. J’ai fait tout mon possible pour qu’on le renvoie de Poudlard, où je pense qu’il n’a pas vraiment sa place, mais de là à le tuer ou à le laisser tuer sous mes yeux… j’aurais été idiot de prendre ce risque, avec Dumbledore si près de moi.

— Et avec tout ça, nous sommes censés croire que Dumbledore ne t’a jamais soupçonné ? demanda Bellatrix. Il n’a aucune idée de ta véritable allégeance, il continue aveuglément à te faire confiance ?

— J’ai bien joué mon rôle, répondit Rogue. Et tu oublies la plus grande faiblesse de Dumbledore : il voit toujours les gens meilleurs qu’ils ne sont. Quand je suis venu travailler chez lui, fraîchement débarqué de chez les Mangemorts, je lui ai raconté toute une histoire sur les profonds remords que j’éprouvais et il m’a accueilli à bras ouverts – tout en s’efforçant de me tenir soigneusement à distance de la défense contre les forces du Mal. Dumbledore a été un très grand sorcier – oui, oui, c’est vrai (car Bellatrix avait eu une exclamation dédaigneuse), le Seigneur des Ténèbres le reconnaît lui-même. Mais aujourd’hui, j’ai grand plaisir à le dire, Dumbledore vieillit. Le duel avec le Seigneur des Ténèbres, le mois dernier, l’a ébranlé. Depuis, il a subi une blessure grave parce que ses réflexes sont moins vifs qu’auparavant. Mais au cours de toutes ces années, il n’a cessé d’avoir confiance en Severus Rogue, et c’est ce qui fait toute ma valeur aux yeux du Seigneur des Ténèbres.

Bellatrix semblait toujours aussi mécontente mais apparemment, elle ne savait plus très bien comment repartir à l’attaque. Profitant de son silence, Rogue se tourna vers sa sœur.

— Tu étais venue me demander quelque chose, Narcissa ?

Narcissa leva le regard vers lui, avec une expression de désespoir.

— Oui, Severus. Je… je pense que tu es le seul à pouvoir m’aider, je n’ai personne d’autre à qui m’adresser. Lucius est en prison et…

Elle ferma les yeux et deux grosses larmes apparurent sous ses paupières.

— Le Seigneur des Ténèbres m’a interdit d’en parler, poursuivit Narcissa, les yeux toujours fermés. Il veut que personne ne sache rien du plan. C’est… très secret. Mais…

— S’il te l’a interdit, tu dois te taire, dit aussitôt Rogue. La parole du Seigneur des Ténèbres a force de loi.

Narcissa sursauta comme s’il l’avait aspergée d’eau froide. Pour la première fois depuis qu’elle était entrée dans la maison, Bellatrix parut satisfaite.

— Et voilà ! lança-t-elle à sa sœur d’un ton triomphant. Même Rogue te le dit. Si tu as reçu l’ordre de ne pas parler, tais-toi !

Mais Rogue s’était levé. Il s’approcha à grands pas de la petite fenêtre, écarta les rideaux pour regarder la rue déserte puis les referma d’un coup sec. Les sourcils froncés, il revint devant Narcissa.

— Il se trouve que je connais ce plan, déclara-t-il à voix basse. Je suis l’un des rares à qui le Seigneur des Ténèbres l’ait révélé. Mais si je n’avais pas été dans le secret, Narcissa, tu te serais rendue coupable de haute trahison envers lui.

— J’ai bien pensé que tu devais être au courant ! reprit Narcissa en respirant plus facilement. Il a tellement confiance en toi, Severus…

— Tu connais le plan ? s’écria Bellatrix, sa satisfaction fugitive laissant place à une expression indignée. Tu le connais ?

— Bien sûr, répondit Rogue. Mais qu’attends-tu de moi, Narcissa ? Si tu imagines que je vais pouvoir convaincre le Seigneur des Ténèbres de changer d’avis, j’ai bien peur qu’il n’y ait pas le moindre espoir.

— Severus, murmura-t-elle, des larmes coulant le long de ses joues pâles. Mon fils… mon fils unique…

— Drago devrait être fier, dit Bellatrix d’un ton indifférent. Le Seigneur des Ténèbres lui accorde un grand honneur. Et je dois reconnaître que Drago n’a pas cherché à se dérober à son devoir, il semble content d’avoir cette chance de faire ses preuves, il est enthousiasmé par cette perspective…

Narcissa se mit à pleurer véritablement, implorant Rogue du regard.

— Parce qu’il n’a que seize ans et ne sait pas ce qui l’attend ! Pourquoi, Severus ? Pourquoi mon fils ? C’est trop dangereux ! Il s’agit d’une vengeance pour punir l’erreur de Lucius, je le sais !

Rogue resta silencieux. Il détourna la tête pour ne pas voir ses larmes, comme s’il les jugeait indécentes mais il ne pouvait faire semblant de ne pas l’entendre.

— C’est bien pour cela qu’il a choisi Drago, n’est-ce pas ? insista-t-elle. Pour punir Lucius ?

— Si Drago réussit, dit Rogue, toujours sans la regarder, il sera honoré plus que tout autre.

— Mais il ne réussira pas ! sanglota Narcissa. Comment y parviendrait-il alors que le Seigneur des Ténèbres lui-même…

Bellatrix étouffa une exclamation ; Narcissa semblait perdre le contrôle de ses nerfs.

— Je voulais simplement dire… que personne n’a encore réussi… Severus… s’il te plaît… tu es, tu as toujours été le professeur préféré de Drago… tu es un vieil ami de Lucius… je t’en supplie… tu es aussi le conseiller préféré du Seigneur des Ténèbres, celui en qui il a le plus confiance… voudrais-tu lui parler, le convaincre ?

— Le Seigneur des Ténèbres ne se laissera pas convaincre et je ne suis pas assez bête pour essayer, répondit Rogue d’un ton catégorique. Je ne peux pas prétendre qu’il ne soit pas en colère contre Lucius. Lucius devait diriger les opérations. Il s’est fait prendre, avec beaucoup d’autres, et en plus, sans parvenir à récupérer la prophétie. Oui, Narcissa, c’est vrai, le Seigneur des Ténèbres est en colère, très en colère, même.

— Alors, je ne me trompe pas, il a choisi Drago par vengeance ! s’écria Narcissa d’une voix étranglée. Il ne veut pas qu’il réussisse, il veut qu’il soit tué dans sa tentative !

Devant le silence de Rogue, Narcissa sembla perdre le peu de retenue qui lui restait. Elle se leva, s’avança vers lui d’un pas chancelant et s’agrippa à sa robe. Le visage tout près du sien, ses larmes coulant sur la poitrine de Rogue, elle dit d’une voix haletante :

— Tu pourrais t’en charger toi-même. Tu pourrais le faire à la place de Drago, Severus. Toi, tu réussirais, c’est certain, et il te récompenserait plus que n’importe qui d’entre nous…

Rogue la prit par les poignets et l’obligea à le lâcher. Baissant les yeux vers son visage ruisselant de larmes, il répondit avec lenteur :

— Je crois qu’en définitive, il a l’intention de me confier la tâche. Mais il est décidé à ce que Drago essaye d’abord. Tu comprends, dans l’hypothèse peu probable où Drago y parviendrait, je pourrais rester un peu plus longtemps à Poudlard pour y jouer mon rôle d’espion, ce qui serait toujours utile.

— En d’autres termes, ça lui est égal si Drago se fait tuer !

— Le Seigneur des Ténèbres est très en colère, répéta Rogue à voix basse. Il n’a pas pu entendre la prophétie. Tu sais aussi bien que moi, Narcissa, qu’il ne pardonne pas facilement.

Elle s’effondra à ses pieds, recroquevillée sur le sol, sanglotant et gémissant.

— Mon fils unique… mon fils unique…

— Tu devrais être fière ! dit Bellatrix d’un ton implacable. Si j’avais des fils, je serais heureuse de les mettre au service du Seigneur des Ténèbres !

Narcissa poussa un petit cri de désespoir et tortilla ses longs cheveux blonds. Rogue se pencha vers elle, la prit par les bras, l’aida à se relever et la fit rasseoir sur le canapé. Puis il lui versa encore un peu de vin et la força à prendre le verre.

— Ça suffit, maintenant, Narcissa, bois ça et écoute-moi.

Elle se calma un peu ; renversant du vin sur elle, elle en but une gorgée, la main tremblante.

— Il me serait peut-être possible… d’aider Drago.

Elle se redressa, le visage blanc comme un linge, les yeux écarquillés.

— Severus… Oh, Severus… tu veux bien l’aider ? Tu veux bien t’occuper de lui, veiller à ce qu’il ne lui arrive rien ?

— Je peux essayer.

Elle jeta son verre qui glissa à travers la table tandis qu’elle se laissait tomber du sofa ; elle s’agenouilla aux pieds de Rogue, lui prit les mains dans les siennes et les embrassa.

— Si tu es là pour le protéger… Severus, tu me le jures ? Es-tu prêt à faire le Serment Inviolable ?

— Le Serment Inviolable ?

Le visage de Rogue paraissait neutre, indéchiffrable ; Bellatrix eut un ricanement de triomphe.

— Tu entends, Narcissa ? Oh, il va essayer, j’en suis sûre… Des paroles vides, comme toujours, sa façon habituelle de se défiler quand il faut agir… Mais sur ordre du Seigneur des Ténèbres, bien sûr !

Rogue n’accorda aucune attention à Bellatrix. Son regard noir était fixé sur les yeux bleus et baignés de larmes de Narcissa qui continuait de serrer ses mains entre les siennes.

— Certainement, Narcissa, je ferai le Serment Inviolable, dit-il à voix basse. Peut-être ta sœur consentira-t-elle à être notre Enchaîneur ?

Bellatrix resta bouche bée. Rogue se baissa pour s’agenouiller face à Narcissa et, sous le regard stupéfait de Bellatrix, tous deux joignirent leurs mains droites.

— Tu auras besoin de ta baguette, Bellatrix, lança Rogue avec froideur.

L’air toujours abasourdi, elle sortit sa baguette magique de sa poche.

— Et il faudra que tu t’approches un peu, ajouta-t-il.

Elle s’avança, debout au-dessus d’eux, et plaça l’extrémité de sa baguette sur leurs mains unies.

Narcissa parla :

— Severus, t’engages-tu à veiller sur mon fils Drago lorsqu’il tentera de réaliser les souhaits du Seigneur des Ténèbres ?

— Oui, répondit Rogue.

Une mince flamme étincelante jaillit alors de la baguette et s’enroula autour de leurs mains comme un fil de fer chauffé au rouge.

— Et t’engages-tu à faire tout ton possible pour le protéger du danger ?

— Oui, répéta Rogue.

Une deuxième langue de feu fusa de la baguette et s’entrelaça avec la première, formant comme une chaîne fine et luisante.

— Et si cela était nécessaire… s’il semblait que Drago ne puisse réussir…, murmura Narcissa (la main de Rogue tressaillit dans la sienne mais il ne la retira pas), t’engages-tu à accomplir toi-même la mission que le Seigneur des Ténèbres a confiée à Drago ?

Il y eut un instant de silence. Bellatrix, les yeux grands ouverts, les regardait, sa baguette posée sur l’étreinte de leurs mains.

— Oui, répondit Rogue.

Le visage stupéfait de Bellatrix brilla d’une lueur rougeâtre lorsque jaillit de sa baguette la troisième flamme qui s’entortilla autour des deux autres et serra étroitement leurs mains jointes, telle une corde, tel un serpent de feu.

 

Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé
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