CHAPITRE X

Je me relève tout de suite en m’accrochant à mon fauteuil. Le sol tremble toujours, mais déjà moins violemment. Allan jure, et rassuré en ce qui le concerne, j’appelle :

— Lhoa ?

— L’écran est tombé devant moi. Je suis comme emprisonnée.

— Bon Dieu ! grogne mon frère.

Sans son écran tridimensionnel, il ne peut plus contrôler la bataille… La porte du poste s’ouvre. Une lumière. C’est un planton, muni d’une lampe électrique. Mon frère s’est relevé et je me précipite au secours de Lhoa.

Je la dégage assez facilement. L’écran s’est ouvert en deux, mais ce n’est pas le plus grave… La véritable catastrophe, ce sont tous les fils qui le reliaient à ses détecteurs qui ont été arrachés.

— Que s’est-il passé ? demande Allan.

Le planton a un geste d’impuissance :

— On dirait que ça vient de l’aile gauche, mon colonel… Pour moi, c’est l’entrepôt de munitions qui a sauté. Il est au quatrième niveau.

Et la détonation s’est produite en dessous de nous. Je regarde Allan.

— Un accident ?

Il a un geste furieux.

— Ce genre d’accident n’arrive jamais… Tu le sais bien.

— Un sabotage, alors ?

Il hausse les épaules, puis il prend la lampe des mains du planton pour en braquer le jet sur ce qui reste de l’écran.

— Je vais devoir prendre contact avec les postes de combat par radio… Ça ne va rien simplifier.

Dans le couloir, le sol est fendillé et une partie des murs éboulés. Naturellement, les élévateurs ne fonctionnent plus et nous devons nous rabattre sur les escaliers.

Plus exactement sur ce qui en subsiste. Trois hommes sont venus nous rejoindre.

— Heureusement qu’il n’y avait pas grand monde au troisième niveau, soupire Allan… Ni dans le village…

Un sourire joue sur ses lèvres.

— Je n’ai gardé aucune réserve avec moi, afin de pouvoir renforcer les postes de premières lignes.

Péniblement, nous atteignons le second niveau. Celui des magasins, des réserves et des installations électroniques, y compris la centrale d’énergie.

Dans les magasins règne la plus grande confusion. Quelques blessés gémissent, mais on s’occupe déjà d’eux.

— L’équipe de dépannage a-t-elle été alertée ? demande Allan… J’aimerais qu’on remette le courant le plus vite possible.

— Pas question, répond un sous-officier… Regardez les lampes des avertisseurs.

Elles sont toutes au rouge fixe, ce qui signale que la radioactivité atteint la cote d’alerte. Allan jure et le sous-officier conclut :

— Le blindage de protection de la soute où sont les piles atomiques a dû céder.

Une véritable catastrophe, car c’est tout le quartier général qu’il va falloir abandonner en y laissant une grande partie des armements et des réserves.

Allan nous entraîne. L’escalier conduisant au premier niveau est en meilleur état, mais une nouvelle surprise nous attend lorsque nous débouchons dans le corps de garde.

On s’y est battu ! Des morts jonchent le sol et une dizaine de soldats, sous les ordres d’un sergent, tirent vers l’extérieur avec des armes lourdes.

Allan se précipite vers un des créneaux.

— Il s’agit donc d’une attaque ?

Un instant, je pense que toutes nos défenses ont été submergées, mais c’est impossible.

— Des robots, mon colonel, répond le sergent. Des robots tolks. Ils en ont parachuté une centaine depuis que les nôtres ne fonctionnent plus.

Moi aussi, je m’approche d’un créneau. Quelques machines sont encore en position sur la place, mais elles sont impitoyablement fauchées par les balles thermiques de nos hommes.

Autour de la place, la plupart des huttes et des maisons ont été rasées par un bombardement et celles qui sont encore debout flambent. Le tableau a quelque chose d’apocalyptique.

Le sergent continue :

— Ils ont été largués juste en fin de bombardement, mon colonel. Le temps de comprendre ce qui se passait et ils arrivaient sur nous… Ici, on a pu les repousser, mais le corps de garde de l’aile gauche a fini par succomber sous le nombre.

Allan hoche la tête.

— Et les robots ont atteint l’entrepôt de munitions du quatrième niveau.

— Où ils se sont fait sauter.

— C’était leur objectif… En tout cas, ils savaient qu’ils ne trouveraient ici qu’une résistance réduite…

La situation devient dramatique car, à cause de cette explosion, toutes les communications sont coupées entre l’état-major et la zone de combat dans les vallées.

— Comment vas-tu rétablir tes liaisons ?

— Elles ont dû se rétablir d’elles-mêmes à chaque échelon… mais je vais devoir trouver un émetteur de campagne. De toute façon, désormais, il ne me sera plus possible de coordonner quoi que ce soit… Je vais passer la consigne de se faire tuer sur place.

Son œil lance un éclair et le sergent pâlit légèrement. Des niveaux inférieurs du quartier général, des hommes continuent à remonter et ils nous signalent la présence de nombreux blessés en bas… Beaucoup touchés par des radiations.

Nous ne pouvons rien pour eux, sinon leur envoyer des infirmiers. Je m’en occupe pendant qu’Allan désigne une patrouille et l’envoie à l’extérieur à la recherche d’une camionnette émettrice.

Pas de camionnette ! La patrouille revient une demi-heure plus tard, et elle nous signale qu’un certain nombre de robots-combattants tolks se trouvent encore dans le village.

— Aucune importance, grogne mon frère… Ce qui est grave, c’est que vous n’ayez pas ramené de camion émetteur.

— Normalement, il devrait y en avoir un sur la piste qui conduit au temple de Djourma, fait le sergent.

— Nous ne sommes pas montés jusque-là, convient le chef de patrouille.

Subitement, Lhoa intervient :

— Colonel… Désormais, c’est à Djourma que vous devriez installer votre quartier général.

— Je n’ai pas assez de monde sous la main.

— Dans les souterrains, vous seriez à l’abri des bombardements et ils comportent d’innombrables sorties secrètes… Dont une donnant directement au milieu d’une des vallées interdites.

— C’est une véritable évacuation que vous me proposez là… Pourquoi pas ?

Je lui lance :

— D’autant plus que ça peut nous donner une chance de découvrir le secret du cirque de Pascamayo dans les archives du temple.

Maintenant, j’y crois et je suis le plus acharné. Allan a un geste d’impuissance :

— Tu as sans doute raison et, de toute façon, il n’est pas question de tenir ici avec cette radioactivité qui est en train de se répandre… Je vais donner un ordre d’évacuation générale sur Djourma.

— Et les blessés ?

— Tous les véhicules disponibles seront utilisés pour les évacuer.

Il a un sourire contraint :

— Si je trouve le camion émetteur, j’ordonnerai à quelques unités de réserve de venir nous rejoindre.

L’escouade est facile à grouper. Ce sont les soldats qui ont défendu le corps de garde auxquels se joignent les rescapés des niveaux inférieurs qui sont venus nous rejoindre.

Les autres s’occuperont des blessés.

Nous traversons le village et nous approchons des dernières huttes, lorsque brusquement les hommes se déploient en tirailleurs, nous entraînant dans leur mouvement. Je me trouve séparé d’Allan, mais je garde Lhoa près de moi en la retenant par la main.

Allongés dans un fossé, nous entendons les soldats ouvrir le feu. En face de nous, un peloton de robots-combattants tolks qui descendent vers le village sans doute, après avoir été déportés trop loin au moment du parachutage.

Deux fois, je sens le souffle brûlant des balles thermiques me balayer le visage, mais, livrés à eux-mêmes, sans chefs pour les diriger, les robots ne sont jamais dangereux, sauf s’ils ont un objectif précis.

Ils foncent sans se soucier des pertes et ils sont abattus facilement. Deux morts tout de même à déplorer dans nos rangs, lorsque mon frère regroupe l’escouade.

Autour de nous, les huttes écrasées ou en flamme. Un spectacle que Lhoa contemple d’un œil morne. Je dis :

— Les habitants ont dû se sauver dans la montagne dès que les premières bombes sont tombées.

— Ils se sont réfugiés dans le temple.

En tête de notre petite troupe, Allan donne le signal du départ. Il est pressé de récupérer la camionnette émettrice pour avoir des nouvelles de la bataille et pouvoir la diriger.

Un sort s’acharne réellement sur nous. Depuis le début. Comme si le destin avait décidé, au départ, la défaite de l’Armada partie de Terre O.

Tout s’en est mêlé. La mort de Denidoff. L’erreur de Lowel. L’obstination de Helmon… Puis les Tolks qui ont inventé un rayon capable de stopper nos robots en bloquant leurs mécanismes électroniques.

Pour Lhoa, tout cela traduit la volonté du Sar… La sortie du village ! Devant nous, une mauvaise piste remonte vers les hauts sommets. Une piste bordée par une savane dont l’herbe dépasse la tête des hommes.

 

Le temple de Djourma est en vue lorsque le ciel s’emplit d’un sourd vrombissement. Nous nous retournons et, d’un même geste, Allan et moi portons nos jumelles devant nos yeux.

Une nouvelle vague de bombardiers ! Déjà nos hommes se sont dissimulés. Une quarantaine d’avions. De gros cargos de débarquement, mais, sans piste, ils n’oseront pas se poser.

Au-dessus du village, ils lâchent leurs chapelets de bombes. Elles dégringolent en s’éparpillant pour pilonner ce qui reste des installations.

Littéralement assourdis par le fracas des explosions, nous observons les avions avec surprise. Après avoir lâché leur cargaison, ils ne s’éloignent pas. Au contraire, ils se mettent à plafonner et, presque sans transition, après les bombes, ce sont des parachutistes qui s’élancent.

— Cette fois, ce ne sont plus des robots, jure Allan.

Non… Des combattants avec tout leur matériel de campagne. Chars légers et voitures blindées. Allan jure :

— Ils tentent de déposer un commando derrière nos lignes… Sans doute avec l’espoir d’atteindre plus vite les vallées interdites.

— On dirait qu’ils sont pressés par le temps aussi.

— Et surtout qu’ils savent que j’avais totalement dégarni mes arrières.

— Ils ont dû s’en apercevoir lors de leur première attaque aérienne.

Mal convaincu, il secoue la tête.

— De toute façon, il n’est plus question d’envisager l’évacuation du quartier général et son transfert dans le temple… Nous sommes acculés.

— C’était une faute de dégarnir tes arrières.

— Personne ne le savait… Personne… Sauf le petit sous-lieutenant qui est venu hier soir.

— Provins ?

— Oui… Quand nous avons compris que l’attaque se déclencherait à l’aube, il m’a demandé de descendre en première ligne.

— Le besoin de se réhabiliter à tout prix.

— Pourquoi ?

— Helmon l’avait désigné pour me couvrir, par mesure disciplinaire.

— Un traître n’aurait pas accepté de te couvrir.

La piste fait un coude et, à l’abri d’une avancée rocheuse, nous trouvons la camionnette émettrice. Allan donne immédiatement l’ordre à l’escouade de se déployer en tirailleurs, puis je monte avec lui dans la voiture.

Tout de suite, le télégraphiste prend contact avec les postes de combat et les nouvelles sont meilleures que nous ne nous y attendions. Très rares sont ceux qui ne répondent pas. L’offensive des Tolks a été un échec et c’est sans doute ce qui explique leur tentative de parachutage. Allan donne l’ordre à quatre unités de réserve de remonter en direction de l’ancien quartier général.

— Malheureusement, elles arriveront trop tard, me dit-il. Nous ne pourrons pas empêcher les Tolks d’atteindre les vallées.

— Pour cela, ils sont obligés d’emprunter notre piste.

— Jusqu’au temple de Djourma, oui… Je vais tenter de les stopper ici… Par acquit de conscience,

Il descend pour donner ses ordres et placer les hommes. Le commencement de la fin, alors ? Je ne peux pas y croire. Ça me paraît impossible. Lhoa vient me rejoindre.

Elle est grave, mais ce n’est peut-être pas tellement à cause de notre situation actuelle. Ce qui la bouleverse, ce sont les hypothèses que j’ai formulées sur le comportement des prêtres et l’erreur qu’ils ont commise au cours des siècles.

Elle doit penser que si elle m’avait fait confiance plus vite…

Allan remonte dans la camionnette et, à son air, je me rends immédiatement compte que rien ne s’arrange.

— Les Tolks, dit-il.

— Déjà ?

Je saute à terre. Nos hommes ont pris position au bord de la piste et pointé leurs armes lourdes. Au bas du dernier raidillon apparaissent les premiers chars ennemis.

Une salve les accueille et, tout de suite, c’est l’enfer… Un char tolk explose, stoppant le convoi ; mais la riposte est immédiate. Pour le moment, la camionnette est abritée par un pan de rocher. Je me tourne vers mon frère :

— Que vas-tu faire ?

— Tenter le diable…

Une expression farouche anime soudain son visage.

— L’escouade s’accrochera ici. Elle occupe une position stratégique qui devrait lui permettre de résister longtemps… Toi, tu gagneras le temple avec Lhoa et cinq hommes que tu placeras à l’entrée de la vallée interdite… Si les Tolks passent, tu emprunteras le passage dont Lhoa nous a parlé pour les intercepter une dernière fois.

— Et toi ?

— Je vais descendre par la savane jusqu’au village ; puis, plus bas encore, à la rencontre des unités de réserve… Avec lesquelles je reviendrai le plus rapidement possible à votre secours.

Il pose sa main sur mon épaule :

— Quand tu m’as rejoint, je savais que nous finirions par être écrasés, mais je ne pensais pas que les événements marcheraient aussi vite.

— Rien n’est encore perdu. Au temple, je découvrirai peut-être le secret du cirque de Pascamayo.

De la tête, il me désigne le bas de la piste.

— Ceux-là ne t’en laisseront pas le temps… mais rien ne t’empêche d’espérer.

Allan disparaît dans la savane. Pas question pour nous de faire sortir la camionnette de transmission de son abri et nous partons à pied. En file indienne. Lhoa en tête de notre escouade.

Les hommes sont graves. Avec quelque chose de désespéré dans le regard. Cela n’enlève d’ailleurs rien à leur détermination. Allan leur a dit que nous étions tous en sursis et que, même s’il revenait à temps, ce ne serait que partie remise.

Ils savent, mais ils marchent et ils lutteront jusqu’au bout… Pour eux, l’épopée terrienne n’est pas finie. Ils la poursuivront… Elle n’est finie que pour les autres… Ceux que la défaite ne tuera pas.

 

Le temple de Djourma se dresse au bout de notre piste. Face à une des vallées interdites. Une construction monumentale. Quatre étages en gradins avec leurs tours pointues semblables à des flèches qu’un arc bande contre le ciel.

Ici, le terrain se prête à une dernière tentative d’interception. Je désigne leurs postes aux hommes puis Lhoa leur annonce qu’ils seront ravitaillés par les prêtres comme leurs compagnons que nous avons laissés plus bas.

— Ici, me dit-elle, les villageois et les esclaves n’ont pas été contaminés… Pour eux, nous n’avons pas perdu la face.

— A Soldo, vous m’aviez laissé entendre que vous pourriez donner l’ordre…

J’ai une hésitation et, avec un rire de gorge, Lhoa termine à ma place :

— L’ordre d’assassiner l’Algar en chef. Il n’est pas trop tard, si Réal est toujours vivant.

Assassiner ! Le mot me choque. On ne fait pas la guerre en assassinant, en tuant dans l’ombre, anonymement, et surtout par personne interposée.

Instinctivement, j’ai toujours eu horreur de ceux qui ordonnent de loin à des hommes de se déshonorer pour la bonne cause.

— Non… Mais, si Allan parvient à nous rejoindre, nous pourrons peut-être tenter un coup de main… A travers les marais.

Dans la cour d’honneur, les villageois campent, mais nous n’avons pas le temps de nous en occuper. Lhoa me conduit directement au grand prêtre auquel elle demande d’assurer le ravitaillement des soldats terriens en position sur la piste.

D’abord surpris et mécontent, il a une hésitation et la voix de la jeune femme doit se faire plus sèche. Il finit par s’incliner avec une certaine mauvaise grâce.

Furieuse, Lhoa le regarde s’éloigner.

— Vous avez peut-être raison, Ray… Nous formons une caste qui n’a jamais su s’adapter.

Désabusée, elle me conduit dans une salle triangulaire tout en haut de la tour la plus élevée. Nous dominons les deux vallées. Celle qui monte encore et qui est interdite puis, la coupant en angle droit, celle par laquelle nous sommes venus et où on se bat encore.

D’abord, je regarde la vallée interdite. Elle n’a rien de particulier… sauf qu’elle est totalement dépourvue de végétation… et qu’une véritable route la remonte. Une route comme il en existe sur Terre O.

— Un vestige du passé ?

— Cette route a été construite au temps du Sar Gamir.

— Et entretenue par qui ?

— Les prêtres.

Bon ! Je me retourne sur la piste. La résistance des nôtres y est déjà sérieusement entamée. Les Tolks se sont déployés dans la savane et vont bientôt prendre nos hommes à revers. J’espère qu’Allan a eu le temps de passer.

Comment savoir ? Un jeune prêtre vient nous rejoindre. Il salue respectueusement Lhoa qui lui demande tout de suite, dans ma langue pour que je puisse suivre leur conversation :

— Arn… Tu as des nouvelles ?

— Tyndal m’en a fait parvenir.

— Il est donc libre ?

— Oui… Il a pu s’échapper et rejoindre Réal…

— Que se passe-t-il à Soldo ?

— L’Algar en chef avait reçu l’ordre de poursuivre les escadres terriennes en déroute pour les anéantir.

— Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ?

— Ça l’aurait éloignée de Bolkar… Une autre devait occuper la planète et chercher le cirque de Pascamayo à sa place… Elle n’a pas pu l’admettre…

— Et elle n’a pas hésité à se placer en état de rébellion ?

— Quelle importance, si elle hérite de la puissance du Sar ?

Bien sûr. Et cela explique la hâte avec laquelle elle conduit son offensive. En un sens, le secret du Sar affole les imaginations et je me demande soudain jusqu’à quel point mon frère n’a pas caressé le même rêve.

Arn n’a pas terminé :

— Ce matin, à l’aube, les Tolks ont intercepté une fusée de reconnaissance, et un officier terrien a été fait prisonnier. On l’a soumis à l’analyseur de pensées…

Je m’approche vivement.

— C’est lui qui a révélé aux Tolks que le colonel avait dégarni complètement ses arrières ?

— Oui.

Provins, puisqu’il était seul à savoir. Pauvre garçon. A peine réhabilité, il se retrouve dangereusement compromis… Par malchance. Je regarde Lhoa :

— Faites remettre une arme à cet officier et qu’on lui dise de quoi il est responsable… Lui, s’il tue l’Algar en chef, ce ne sera pas un assassinat.

— Si on lui remet une arme, murmure Arn, il ne saura même plus comment s’en servir.

— Il est fou ?

— A cause de l’analyseur.

La main de Lhoa se crispe sur mon bras. Une façon de me rappeler que, pour moi, l’appareil n’a pas fonctionné. Je me dégage pour retourner à la baie.

Le premier verrou qu’Allan avait placé sur la piste vient de sauter. Encerclés, les soldats continuent tout de même à résister et refusent de se rendre… Quatre d’entre eux parviennent même à se dégager avec la camionnette dont je suis la progression en direction du temple.

Plus bas, les chars tolks ont repris leur progression.

— Conduisez-moi au passage, Lhoa… Je crois que nous allons brûler nos dernières cartouches.

 

Elle a voulu me suivre. Nous sommes descendus jusqu’au sixième niveau avant de découvrir un étroit boyau bétonné. J’ai pris un fusil thermique et Lhoa une équerre… Un « guide », comme elle dit, d’une taille bien supérieure à celui qu’elle a utilisé dans les marais.

Très rapidement, le boyau s’élargit. Je m’éclaire avec une torche électrique qui fait étinceler l’humidité des parois. Le boyau débouche dans une immense caverne au fond de laquelle dévale un véritable torrent.

Nous le remontons en silence. Ni l’un ni l’autre, nous n’avons envie de parler… Un escalier de pierre… Quatorze marches qui conduisent à une nouvelle enfilade de grottes. Nous en traversons trois et, brusquement, celle où nous nous trouvons s’illumine.

Une lumière blanche, vive et crue, comme celle d’un projecteur. Cloués sur place par la surprise, nous voyons la montagne s’entrouvrir…